Acidose latente provoquée : un modèle expérimental pour la maîtrise des orientations fermentaires ruminales chez le mouton à l’entretien
Induced latent acidosis: an experimental model for the monitoring of rumen fermentation patterns in sheep at maintenance
LETTAT A. (1,2), NOZIERE P. (1), MORGAVI D.P. (1), SILBERBERG M. (1), MARTIN C. (1) (1) INRA UR1213 herbivores, Theix, F63122 St Genès Champanelle
(2) Danisco France SAS, Zone d'activités de Buxières, BP 10, F86220 Dangé Saint Romain INTRODUCTION
L’acidose latente est très souvent rencontrée chez les animaux à haut potentiel de production recevant des rations riches afin de couvrir leurs besoins énergétiques élevés (Kleen et al., 2003). L’acidose latente reste difficile à caractériser si ce n’est par l’instabilité des fermentations ruminales qui semblent s’orienter variablement vers le lactate, le propionate ou le butyrate aux dépens de l’acétate selon la sévérité de l’acidose (Martin et al., 2006).
L’objectif du travail a été de développer un modèle d’étude permettant l’induction et la maîtrise d’orientations fermentaires ruminales contrastées chez le mouton à l’entretien, afin de pouvoir étudier les mécanismes microbiens sous-jacents.
1. MATERIEL ET METHODES
L’essai a été réalisé en carré latin 3 x 3 sur trois moutons mâles castrés canulés du rumen. Chaque période a duré 14 jours avec une phase d’adaptation (11 jours) pendant laquelle les animaux ont été alimentés deux fois par jour avec un régime non acidogène (80 % foin + 20 % blé), suivie d’une phase de challenges acidogènes (trois jours consécutifs) : le repas du matin a été supprimé et remplacé par l’introduction directe et massive dans le rumen (challenge) de glucides rapidement fermentescibles (GRF) broyés (2 mm), à raison de 1,2 % du poids vif de l’animal.
Trois types de GRF, se différenciant par la nature des glucides et leur vitesse de dégradation, ont été comparés : le blé (amidon rapide), le maïs (amidon lent) et la pulpe de betterave (parois rapides), sensés orienter les fermentations ruminales vers le lactate, le propionate et le butyrate, respectivement. Le pH ruminal, les concentrations ruminales en lactate et en acides gras volatils (AGV) ont été mesurés avant (-1 h), 1, 3, 5 et 6 h après chaque challenge. Les données ont été traitées par analyse de variance selon la procédure MIXED de SAS (2004). Le modèle statistique incluait l'animal comme facteur aléatoire, la période, le régime, le temps et le challenge comme facteurs fixes. Les différences entre régimes ont été déclarées significatives à P < 0,05.
2. RESULTATS
Au troisième jour de challenge, le pH ruminal (figure 1A) est plus faible avec le blé (4,85), intermédiaire avec le maïs (5,61) et plus élevé avec la pulpe de betterave (6,09). Par ailleurs, on observe que ces différences de pH entre substrats s’accentuent avec le temps (P < 0,001). La proportion molaire en propionate (figure 1B) augmente avec la pulpe (21,0 mol / 100 mol d’AGV totaux) et diminue avec le blé (12,1 %) alors qu’elle est relativement stable avec le maïs (17,3 %). La proportion molaire en butyrate (figure 1C) est plus élevée avec le maïs (16,3 %), intermédiaire avec le blé (10,8 %) et plus faible avec la pulpe de betterave (8,3 %). Le lactate ruminal atteint 45,5 mM avec le blé alors qu’il reste faible avec le maïs et la pulpe de betterave (8,3 mM en moyenne).
Figure 1: effet de trois challenges alimentaires à base de blé (▲), maïs (■) et pulpe de betterave (●) sur le pH (A), la proportion molaire en propionate (B) et butyrate (C), et la concentration en lactate (D) dans le rumen de moutons en condition d’acidose latente provoquée. Les lettres a, b et c indiquent les résultats statistiquement différents pour le dernier point de la cinétique.
3. DISCUSSION
Nous avons réussi à induire des acidoses se caractérisant par des pH différents dans le rumen et des orientations fermentaires contrastées en fonction des GRF distribués:
orientation butyrique instable dérivant vers une acidose lactique avec le blé, orientation butyrique stable avec le maïs, et orientation propionique stable avec la pulpe de betterave. Les profils d’AGV obtenus avec le maïs (butyrique) et la pulpe (propionique) diffèrent de ceux attendus, ce qui suggère une modification des voies fermentaires microbiennes dans le rumen d’animaux en situation d’acidose provoquée par challenge.
CONCLUSION
Les résultats d’un essai en cours montrent que notre modèle est reproductible ; il est actuellement utilisé pour caractériser les relations entre écosystème microbien et profil fermentaire ruminal.
Les auteurs remercient Danisco SAS pour leur soutien financier et les animaliers de l’URH pour les soins apportés aux animaux.
Keen, J.L., G. A., Rehage, Noordhuizen,J., 2003. J. Vet. Med.
Ser. A. 50 : 406-414
Martin C., Brossard L., Doreau M., 2006. INRA Prod. Anim.
19 (2), 93-108
4,5 5 5,5
6 6,5
7
10 14 18 22
6 10 14 18
0 10 20 30 40 50
L a c t a t e ( m M )% B u t y r a t e% P r o p i o n a teP H r u m i n a l
-1 6
jour 1
Temps / challenge (h)
-1 6
jour 2
-1 6
jour 3 a b
c
a
a
b
a
b b
a
b, b
Challenge 1 Challenge 2 Challenge 3
A
B
C
D
4,5 5 5,5
6 6,5
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6 6,5
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6 10 14 18
6 10 14 18
0 10 20 30 40 50
0 10 20 30 40 50
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Challenge 1 Challenge 2 Challenge 3
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