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JOIJRNU ri'RIBIJNltJX

LIRE EN CHRONIQUE JUDICIAIRE : HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE

ÉDITEURS Edmond Picard

1832 • 1899 Léon Hennebicq

1900. 1940

MAISON FERD. LARCIER, S. A.

39, rue des Minir!U!8 BRUXELLES

Le rapport officiel français de synthèse de la Commis- sion de sauvegarde des droits et des libertés indivi- duels. -Réunion du Conseil de l'Union intemationale des avocats à Strasbourg. - La Vie du Palais : La rentrée de la Conférence du Jeune Barreau de Toumai.

-Au cercle Auguste Marin.-Correspondance: Etren- nes législatives. - Bibliographie : Paul De Visscher et Jacques Putzeys. - Coups de Règle. - Notes. de légis-

La destruction de la famille par la loi

1. - Le déclin d'une société ne résulte pas nécessairement de quelque brusque revire- ment ou renversement de choses. Il procède souvent d'une lente déformation des institu- tions ou d'une progressive déviation du sens moral. Si les atteintes portées à la famille par nos lois civiles et par nos lois sociales, frappent moins parce qu'elles ne se produi- sent point à la suite de quelque révolution ou nouleversem~mt, mais de façon .:successi- ve et fragmentaire, on ne s'en trouve pas moins en présence d'un véritable déclin du droit, signe d'un avilissement moral certain.

1 -Les lois civiles.

2. - Si l'on parcourt les modifications ap- portées dans les dernières années à la ma- tière· du droit de famille dans le Code civil, on ne peut que constater qu'un grand nom- bre d'entre elles ont eu pour effet de miner ou de détruire la cohésion et la stabilité fa- miliale. Une loi du 14 juillet 1953 a modifié le régime des autorisations en matière de mariage. En vertu de l'article 148 ancien du Code civil (modifié! par la loi du 30 avril 1896), en cas de dissentiment entre les père et mère, le consentement du père au mariage de l'enfant J:!.'~yant pas atteint l'âge de vingt et un ans suHisait .. Dans le régime nou- veau, le dissentiment fait porter le litige de- vant le tribunal de première instance, qui statue en s'inspirant de l'intérêt de l'enfant.

Si le souci des intérêts de l'enfant n'a pas été étranger à cette disposition, cela ne semble cependant pas avoir été la seule con- sidération qui est à son origine (R. Piret, Le Code Napoléon en Belgique, Rev. inter. de droit comp., p. 4). On y note une trace de l'idée d'égalité, qui aboutit à créer une fa- mille sans chef et ne trouve alors de remède à pareille situation que dans le recours aux tribunaux. Cette sorte de magistrature fami- liale, qui n'est séduisante qu'en littérature

(De Page, Complément, t. I, p. · 314) marque une ing~rence dans les affaires conjugales qui n'est point favorable à la stabilité du foyer (Aulagnon, Etudes Ripert, t .. I, p. 402).

3. - Les modifications de la loi civile en matière de divorce sont connues. La loi du 16 f!,vril 1935, modifiant l'article 298 du Code civil permet, en cas de divorce pour cause d'adultère, le mariage de l'époux coupable et de son complice à l'expiration d'un délai de 3 ans, le juge pouvant même fixer un délai moindre polir motif grave. Une loi du 30 ·juin 1956 accentue la brèche ainsi portée à l'institution du mariage. Elle entend encore abréger les délais de remariage et modifie à cette fin l'article 228 du Code civil en vertu duquel une femme ne peut contracter un nouveau mariage qu'après· 300 jours révolus depuis la dissolution du précédent. Doréna- vant, un délai moindre pourra être fixé à raison de l'impossibilité morale de cohabi- tation résultant de l'attribution d'une rési- dence distincte à la femme au cours d'une procédure en divorce, réserve faite toutefois de la preuve de la réunion de fait des époux;

le délai pourrait même être supprimé si l'im-

possibilité de cohabiter a duré au moins 300 jours.

Cette même loi abroge l'article 297 du Code civil, interdisant, dans le cas de divorce par consentement mutuel, de contracter un nouveau mariage pendant un délai de trois ans depuis la prononciation du divorce.

4. -

Ces facilités nouvelles procurées par la lo-i à des épo-ux coupables d'adultèr~ .ou divorcés sont un incontestable encourage- ment au divorce. << Certes, écrit M. Carbon- nier, professeur à la Faculté de Poitiers (Etudes Ripert, t. I, p. 343) notre droit re- connaît pleinement aux divorcés comme aux veufs le droit de se remarier. C'est la règle Juridique. Mais la règle morale c'est la per- pétuité du lien, et elle affleure, par instants, à la lumière du droit». Sous le coup de la même idée, M. Julliot de la Morandière re- prend, dans le Traité de Colin et Capitant, l'opinion de M. Colin qui se prononce en faveur de l'indissolubilité du mariage (t. I, pp. 459-460; - cf. aussi Bonnecase, << Supplém.

au Traité de Baudry-Lacantinerie », t. IV, p.

666). Les innovations législatives susmention_

nées apparaissent déconcertantes à une épo- que où juristes et sociologues - loin de les accentuer - cherchent à enrayer les rava- ges causés par les divorces dont le nombre devient inquiétant (Gf. Ripert et Boulanger, Traité de Planiol, t. I, pp. 392-393; - Sava- tier, Cours de droit civil, t. I, pp. 147-148) et dont nul ne conteste plus les maux qu'il engendre (Ripert, Le régime démocratique et le droit civil moderne, 2• éd., p. 84).

Le législateur français a tenté de réagir.

Une ordonnance du 12 avril 1945, reprodui- sant avec certaines modifications une loi annulée du 2 avril 1941, a restreint le do- maine des excès, sévices ou injures graves comme causes . de divorce, en exigeant qu'ils constituent des violations graves ou renou- velées des obligations résultant du mariage et rendent intolérable le maintien du lien conjugàl; ne l)iws la /loi frappe de·'domma.ges- intérêts l'époux coupable - solution consi- dérée comme résultant déjà du droit com- mun (Carbonnier, Dalloz 1945, Législation, p. 147) - dommages-intérêts qui s'ajoutent à la pension alimentaire de l'article 301 du Code civil et destinés à compenser le pré- judice résultant du divorce et non couvert par cette pension, tel le préjudice moral.

Sans doute ces réformes sont-elles limi- tées. Elles n'en marquent pas moins une tendance heureuse.

5; -

La famille ne sort pas davantage ren- forcée des dispositions légales en matière d'adoption. Avant la loi du 22 mars 1940, la possibilité d'adopter des enfants adultérins ou incestueux était une question contro- versée. Selon De Page, les enfants adultérins ne peuvent pas être adoptés par l'auteur qui crée le vice d'adultérinité (Traité, t. I, 2•, éd. 1948, no 1252; de même Dekkers, Traité, t. I, p. 298). Néanmoins depuis la loi de 1940, une tendance à s'écarter de cette so- lution s'est manifestée avec la réserve que

le tribunal pourrait refuser d'homologuer

lation. - Echos.

une adoption d'enfant adultérin ou inces- tueux qui risquerait de créer un scandale, en la considérant comme non fondée sur de justes motifs (Auvray, L'adoption et la tu- telle officieuse, p. 54). On invoquera sans doute à l'appui de cette :façon de voir l'opinion du rapporteur de la loi de 1940 (Cf. Doc. parl., Ch., session 1937-1938, no 178), selon qui les enfants adultérins encore que la question soit controversée dans le cas où un acte authen- tique ou un jugement révèlent leur filiation illicite, peuvent bénéficier de l'adoption.

Cela n'en reste pas moins une fraude à la loi que d'accorder ainsi sous une autre 'forme des droits à l'enfant adultérin (De

Page, Zoe. cit.). De plus le scandale n'est-il pas toujours acquis, si la filiation adultérine se trouve en fait établie ? Ce qui nous paraît le plus grave, c'est l'atteinte portée à la fa- mille légitime. Sans doute à la suite de la loi du 16 avril 1935 rendant possible le re- mariage du conjoint adultère avec son com- plice, la question de l'adoption de l'enfant adultérin allait-elle se poser. Engagé dans une mauvaise voie, on part à la dérive.

6. - De fait une nouvelle proposition de loi ne vise pas seulement à étendre le do- maine de l'adoption, mais aussi à rendre pos- sible la légitimation de certains enfants adultérins (Doc. parl., Sénat, session 1956- 1957, no 300) .

Pour ·faciliter l'adoption d'enfants adul- térins, on propose, lorsqu'il s'agit de l'adop_

tian de l'enfant d'un des époux par son con- joint ou par les deux époux simultanément, de permettre celle-ci même si les adoptants ont des enfants légitimes ou naturels recon- nus; on abaisse aux mêmes fins les condi- tions d'âge : il suffirait pour les adoptants d'avoir 21 ans et au moins dix ans de plus que l'adopté. Il s'agit donc d'introduire ar- tificiellement dans la famille de personnes ayant déjà des enfants légitimes des enfants irrégulièrement nés en marge de celle-ci : c'est un but, écrit M. Savatier, qu'on ne sau- rait favoriser (Les métamorphoses économi- ques et sociales du droit civil d'aujourd'hui, 19·52, p. 170).

7. - La même proposition de loi veut mo- difier l'article 331 du Code ·civil, aux fins de permettre, avec l'autorisation du tribunal, la légitimation de certains enfants ·adultérins, notamment dans le cas d'impossibilité mo- rale de cohabitation : savoir dans l'hypo- thèse d'un précédent mariage ayant fait l'objet d'une procédure en divorce ou en sé- paration de corps et d'un enfant né trois cents jours après le procès-verbal de com- parution devant le président du tribunal (art. 239 et 281 du Code civil) en tentative de conciliation. La séparation de corps se trou- ve visée, elle aussi, pour le cas où le lien

conjugal serait brisé ultérieurement à la procédure soit par décès soit par une autre procédure, · alors que l'enfant adultérin au_

rait été conçu plus de 300 jours après la ten- tative de conciliation de l'action en sépara- tion de corps. Dans la thèse nouvelle, pour entourer cette légitimation des garanties né- cessaires, le tribunal resterait juge de l'au- toriser ou de la refuser. « La sagesse et la compréhension de nos tribunaux sont les plus sûrs garants de la moralité publique et

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de l'intérêt bien' compris

'des

erifâiits inno- cents, affirme le rapport de la Commission de la justice du Sénat; c'est la barrière ef- ficace contre tous les abus».

On n'en aura pas moins le droi.t de demeu- rer sceptique à cet égard, quand on observe, par exemple, ce que sont · devenues dan~ la jurisprudence des tribunaux, les ··causes de divorce que le législateur voulait restrictives.

8. · ...,....-On ne peut voir dans cès propositions qu'une grave atteinte à l'institution. fonda- mentale du mariage. L'octroi à l'enfai1t adul- térin, par le subterfuge de _l'adoption ou de la légitimation, des attributs de. la filiation légitime constitue une fraude à cette der- nière, tout comme la possibilité de remaria- ge avec le complice constitue un ·encourage- ment certain à la rupture du lien conjugal.

Même restreinte à l'hypothèse d'impossi- bilité morale de cohabitation résultant d'une procédure en divorce ou en séparation de corps; cette perspective de. légitimation de l'enfant adultérin n'en favorise pas moins des relations coupables et constitue une an- ticipation illégitime sur une rupture incer- taine du lien conjugal. La loi ne devrait pas l'encourager. Singulière méthode législative, observent MM. Ripert et Boulanger <Traité de Planiol, t. I, no 1569), l'adultère tombe sous , le coup de la loi pénale et dans le même temps la légitimation des enfants adultérins est proposée comme une sorte de Prime à la violation du commandement légal.

9. - La légitimation des enfants adulté- rins ·se retrouve dans la législation française.

Mais les critiques quasi . unanimes ne lui ont point manqué. «Il est dur de faire sup- porter à des enfants la faute. de leurs pa- rents, mais il aurait fallu .. se souvenir que l'adultère est un délit et ne peut donc être une source de droits, de bénéfices pour ceux qui l'ont comm.is » affirme M. Josserand (Cours,

t.

I, p. 643) pour qui toute ou pres- que toute cette législation sur la légitima- tion des enfants adultérins est indéfendable.

« Pareil système, écrit à son tour M. De Page, est un véritable défi à la famille légitime et à la morale. Il ne se conçoit que de la part d'un législateur de plus en plus indul- gent pour l'adultère et de plus en plus favo- rable au divorce et aux enfants naturels

(Traité, t. I, 2e éd., p. 1223).

10. - Cette indulgence se retrouve en- core dans telle proposition de loi du 29 juin 1954 qui entend aligner· la part successorale de l'enfant naturel sur celle. de l'enfant légi- time (Doc. Parl., Sénat, session extraordL naire 1954, no 74). Tout cela revient toujours à saper la famille, en légitimant l'illégitime ou en les assimilant l'un à l'autre. Dans une note extrêmement fouillée (Cf. Annexe au Rapport de la Commission de la Justice, Doc. parl., Sénat, 1957, no 300) M. le pro- fesseur Orban a indiqué dans quelle voie l'amélioration du sort des enfants adultérins pourrait être recherchée notamment en leur reconnaissant législativement le droit au se- cours alimentaire, même du vivant de leurs auteurs,· par une action analogue à celle dont bénéficient les en:fants naturels sim- ples en vertu de l'article 340 b du Code civil

(loi du 6 avril 1908).

11. -'- L'atteinte la plus récente à la fa- mille est le projet de loi adopté le 27 novem- bre 1957 par le Sénat, .qui a pour objet, d'après· les termes mêmes du rapport de la Commission de la justice; de modifier pro- fondément notre droit de famille,· en sup- primant les . principes de. la puissance mari- tale et en établissant l'égalité de droits et de devoirs des conjoints.

Si l'on peut concevoir la • reconnaissance à la .femme mariée, comme au mari, de la capacité de s'obliger ou dé contracter, cela ne devrait cependant poirit supprimer les limitations résultàrit. de ., la. In:ission respective

des

époux et cela ne justifie point la créa- tion d'une famille sans chef.

12. - Or, le projet· enlève au mari le titre de chef de famille inséré dans le texte ori- ginairement soumis au Sénat. Réserve faite du droit reconnu au mari de· fixer, à défaut d'accord entre époux, la résidence conjugale, le projet crée véritablement, de par l'instau- ration d'une égalité totale, ce que l'on a appelé « une famille sans chef » (Mazeaud, Rec. Dalloz, 1951, Chron., pp. 141 et s.).

13. - Les lois françaises de 1938 et 1942, qui ont modifié le chapitre du Code civil re- latif aux droits et devoirs <;les époux, ont laissé subsister au contraire la notion du mari chef de la famille. La loi hollandaise du 14 juin 1956 déclare de même le mari chef de l'association conjugale « De man is het hoofd van de echtvereniging » (art. 159 nouveau du Code civil hollandais). De mê- 11le encore les ·Codes civils suisse et italien

<cf. Mazeaud, op. cit., p. 141).

14~ - Sans doute le rapport de la Com- mission de la justice, qui accompagne le projet adopté le 27 novembre dernier par le Sénat, estime-t-il que, s'il faut conférer au mari le titre de. chef de famille, il y a lieu de mettre cette disposition. ailleurs et d'en déterminer exactement le sens. Allusion à la matière de la puissance paternelle, où subsiste l'article 373 du Code civil, lequel reconnaît au père seul l'exercice de l'autori- té paternelle durant le mariage. C'est oublier cependant les autres raisons qui militent im- périeusement en faveur de l'attribution au mari de la qualité de chef de famille. Elles ont été lumineusement soulignées par M. le professeur H. Mazeaud dans l'étude déjà citée (D., 1951, Chron., p. 144).

15.-

D'abord en matière de nom et de nationalité, la notion de chef de famille ex- plique l'attribution du nom et de la nationa- lité du mari à la femme et aux enfants. Il appartient au chef de famille de déterminer le standing pécuniaire du ménage, c'est-à-di-

re de fixer en définitive le montant des dépenses et leur ordre de priorité. Il lui ap- partient encore, observe M. Mazeaud, de dé- cider de l'activité professionnelle des époux.

Le mythe de l'égalité est une idée fausse.

L~ fai'llille forme une entité qu'il ne faut point diviser. Chacun y a son rôle propre.

n

est de l'intérêt familial que la femme renonce à son activité au dehors pour se con- sacrer à sa mission au sein du foyer. Dira-t- on les droits des enfants inégaux parce que 'l'allocation familiale du troisième enfant est supérieure à celle du premier. Tout cela relève d'un seul et Il1.ême budget familial indivisible, comme l'est la famille elle-mê- me (Savatier, Les métamorphoses économi- ques et sociales du droit civil d'aujourd'hui, pp. 114-115).

16. - La suppression de la notion de chef de famille, dans le domaine des droits et devoirs respectifs des époux, et la réglemen- tation projetée de'leur activité professionnel- les sont deux innovations qui doivent désor- ganiser la famille et contribuer à briser des foyers. Il s'agit en réalité d'un seul et même problème.

17 . ...._ L'idée fondamentale du projet nou- veau c'est la liberté pour chacun des époux d'exercer

.la.

profession de son choix; toute- fois le conjoint, qui considère cette activité comme de· nature à porter un préjudice sé- rieux à ses intérêts moraux ou matériels ou à ceux des enfants mineurs, a un droit de recours devant le tribunal de première ins- tance. Deux particularités : 1o le recours est exclu s'il s'agit de l'exercice de fonctions ou de mandats publics; 2o le conjoint ne peut commencer l'exercice de la profession si celle-ci n'est pas encore exercée au jour du recours.

18· · -On a· écrit avec beaucoup de raison à propos de ce statut; qu'admettre qu'une femme exerce une profession sans l'autori- sation de son mari équivaut à lui permettre de se détourner librement de son rôle d'épou- se et de mère <voy. Orianne, « Le Statut de la femme mariée», Annales de- droit et de sciences politiques, 1956, p. 361; cf. aussi De Page, Complément, t. I, p. 363) Il est rai- sonnable de voir solliciter le consentement du mari, si la femme entend se détourner de son rôle normal · et naturel. ·

Le système des loil:l françaises de 1938 et 1942 se rattache en somme à cette conception puisque - sauf le cas de séparation de biens judiciaire - le mari peut s'opposer à l'exercice d'une profession séparée par la femme et que celle-ci ne peut, sans autorisa- tion du tribunal, passer outre à cette oppo- sition.

Certes dans une association ordinaire ce n'est pas la subordination, c'est l'égalité qui est la règle; les associés ont en principe les mêmes droits. Mais on a suffisamment sou- ligné la différence capitale qui sépare le ma- riage des autres associations: de ces der~

nières on est libre de se retirer - l'égalité des libertés en présence se traduit par la fra- gilité du lien; - dans le mariage on ne peut partir quand on veut <Savatier, Le droit l'a- mour et la liberté, pp. 66-67; - De Page, Complément, t. I, p. 360).

19. - A cette considération nous vou- drions en ajouter une seconde. Rayer la notion de chef de famille et placer les époux sur un pied total d'égalité, sans tenir compte de leur rôle naturel respectü, c'est poser le principe du recours aux tribunaux pour les mille et une difficultés de la vie courante, qu'il s'agisse de l'exercice d'une profession, de la détermination du train de vie du mé- nage ou de quelque autre problème de la vie journalière. Consultée à ce sujet, la Fa_

cuité de droit de Paris émit un vœu à l'en- contre de pareille solution (Cf. Mazeaud, Leçons de droit civil, t. I, 1955, p. 1094).

20. - « Est-ce à dire, déclarait dans sa mer- curiale de 1938 («La femme devant la loi ci- vile», p. 25) M. le procureur général Hayoit de Termicourt, qu'il faille, comme certains le demandent, établir une égalité absolue entre les époux et en conséquence aller jus- qu'à refuser au mari la qualité de chef de famille? A semblable proposition je ne puis souscrire>> et il suggérait d'insérer dans une rédaction nouvelle de l'article 213 du Code civil : « Le mari est le chef de la famille ».

« Contestera-t-on, ajoutait-il, que dans maints conflits familiaux, l'immixtion d'un étranger, fû.t-il un magistrat paternel, sera ridicule ou désastreuse, envenimera et ag-

gravera des dissentiments qui n'offraient jusque là qu'un caractère anodin ? » Souvent il n'y aura plus qu'un pas à franchir, opine M. Aulagnon, professeur à la Faculté de droit de Lyon, pour que la rupture du mé- nage soit ·irrémédiable <Etudes Ripert, t. I, p. 398).

21. - Le projet adopté au Sénat compor- te une curieuse exception au droit d'oppo- sition reconnu au conjoint contre l'exercice d'une activité professionnelle contraire aux intérêts moraux ou matériels de la famille : le recours n'est pas recevable contre l'exer- cice de. fonctions ou de mandats publics. On redoute l'atteinte aux droits politiques des époux (cf. Doc. parl., Sénat, session, 1956- 1957, no 346, p. 16).

Ne faut_il pas, au contraire, s'étonner de voir le recours supprimé dans des cas où il peut s'agir de fonctions absorbantes et con- tribuant par là, particulièrement, à la dé- sorganisation d'un foyer ? On ne voit pas pourquoi dans l'hypothèse d'un conflit en- tre les devoirs familiaux et les droits poli- tiques, ce sont nécessairement les premiers qui doivent céder. Dans une mercuriale de 1949, concernant l'exercice de fonctions· ju-

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diciaires par la· femme. mariée, M. l'avocat général Colard concluait dans un sens tout opposé : « Mais toujours et impitoyablement surgit la · même question · : n'est-ce pas la famille qui avant tout doit être maintenue et protégée?» (p. 20).

Il. - Les lois sociales.

22. -

Si l'on vetit . avoir line idée exacte du sort réservé à la famille dans notre lé- gislation contemporaine, il est nécessaire de passer du domaine du droit civil à celui des lois sociales. Nos conclusions s'en trouve- ront étonnamment renforcées. Sans doute, ici, l'optique est-elle quelque peu différente, à raison de l'idée d'assistance qui devient vé- ritablement dominante. Mais est-il nécess.aire pour ceia de mettre sur le même rang les en- fants légitimes et les enfants naturels, l'épou- se et la concubine ?

A. L'assimilation de la filiation illégitime à la filiation légitime. ·

23. -Les lois coordonnées en matière d'accidents du travail (art. 4) prévoient une même rente viagère temporaire pour les en- fants légitimes et les enfants naturels recon- nus, orphelins de père ou de mère, et, de même, pour les enfants légitimes, les en- fants naturels reconnus, orphelins de père et de mère, et les enfants naturels non recon- nus par la mère victime d'un accident de travail. Réciproquement, si la victime ne laisse ni conjofnt ni enfants bé- néficiaires, les père et mère de la victime, enfant légitime ou reconnu avant l'accident, et la mère de l'enfant naturel non reconnu mais non abandonné par elle, ont droit à une même rente viagère.

Laissons la bizarrerie juridique de l'assimi- lation malgré l'absence de lien légal, de l'enfant naturel non reconnu à l'enfant légitime. On comprend assurément la notion d'assistance qui est à la base de ces dispositions, mais l'idée de protection de la famille demanderait, semble-tJl, des droits moins étendus pour les enfants illé- gitimes, de façon, en même temps, de ne pas réduire l'intérêt que peut avoir un faux mé- nage .à régulariser sa situation.

24. -La même critique s'adresse au ré- gime des allocations familiales (art. 51 des lois coordonnées relatives aux allocations fa- miliales . pour travailleurs salariés et 96 de l'arrêté royal du 22 décembre 1938 pour les employeurs et travailleurs non salariés) en vertu duquel les allocations familiales sont également dues en faveur des enfants natu- rels reconnus et de ceux dans l'acte de nais- sance desquels le nom de la mère se trouve mentionné. Ce régime trouve sa répercussion en matière d'allocation de chômage (arrêté royal du 4 août 1956, art. 1er, err. 14 octobre), en matière de pécule de vacances (art. 15 des lois coordonnées par arrêté royal du 9 mars 1951, modifié par l'article 11 de la loi du 27 mai 1952) et en matière d'allocations de naissance (art. 73bis modifié des lois coordon- nées . par l'arrêté royal du 19 décembre 1939 concernant les allocations familiales pour sa- lariés et art. 95bis (modifié) de l'arrêté royal du 22 décembre 1938 pour les non-salariés).

Certes, il faut donner à la mère naturelle des ressources qui lui permettent d'élever son enfant, même non reconnu. Il n'en est pas moins regrettable de voir placer la :filiation légitime et ~a filiation illégitime sur le même rang. Une différenciation du taux des allo- cations, pensons-nous, s'imposerait.

25.

-Une autre situation se rattache au même ordre d'idées, savoir celle créée en ma_

tière d'assurance maladie-invalidité. En ver- tu de l'article 27 de l'arrêté du Régent du 13 . janvier 1949, les soins sont dtis à l'assuré ainsi qu'aux membres de sa « famille », telle qu'elle .est déterminée par . voie de règle- ment •. Or, sont ainsi considérés comme mem-

bres de la famille de l'assuré : l'épouse, les enfants légitimes, adoptifs et naturels ... la ménagère non rétribuée qui remplace l'épouse depuis au moins six mois (cf. Van Goethem, Leen et Geysen, Droit de la Sécurité sociale, 1955; p. 141). Définition assurément surpre- nante de la famille.

B. La garde de fait et la séparation de fait.

26. -

·Le manque de discrimination de notre ·législation sociale entre les diverses si- tuations donnant lieu à intervention entrai- ne des incidences juridiques dont nous vou- lons en souligner deux.

Les allocations familiales et de naissance et tous autres avantages d'ordre familial sont payés à la mère; si la mère n'élève pas effec- tivement· l'enfant, ces allocations et avanta- ges sont payés à la personne qui remplit ce rôle; un droit d'opposition est toutefois re- connu au père, au tuteur, au subrogé-tuteur ou au curateur, si l'intérêt de l'enfant l'exi~

. ge (article 69 des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés modifié par l'article 16 de la loi du 27 mars 1951; article 120 de la loi du 10 juin 1937 pour les employeurs et les non-salariés).

On entrevoit la raison pratique qui a dicté cette disposition : le souci de faire servir effectivement les allocations 'à l'entretien de l'enfant. Mais on voit aussi le danger, dans l'hypothèse de paiement des allocations non aux parents ni au tuteur, mais à un tiers qui aurait recueilli l'enfant, tel le concubin de la mère, de voir ce dernier régler l'em- ploi . des fonds et ainsi orienter l'éducation, au mépris des principes qui régissent la puis- sance paternelle (Théry, Les personnes à charge et le droit de famille, J.C.P., 1948, 739).

27. -La Cour de cassation de France a tenté de réagir en déniant au concubin d'une femme séparée de fait, le droit de se fonder sur le décret (franç-ais) du 29 juillet 1939 pour percevoir les allocations familiales d'enfants recueillis par lui mais ayant pour père le mari de la femme avec laquelle il vit, le concubin n'étant investi d'aucun droit sur ce:; enfants (Cass. fr., 8 févr. 1943, D.A., 1943, 38). Mais un décret du 22 août 1946, faisant fi de l'idé.e morale reflétée par cette jurisprudence, s'en tint à la notion de charge effective et permanente des enfants « dans quelques conditions que ce soit » <art. 9).

Doit-on s'étonner dès lors de voir un ouvrage récent conclure que le droit de la sécurité sociale porte sérieusement atteinte à l'idée morale du droit U. di Marino, La séparation de fait des époux, 1957, p. 9) ?

Pour y ;remédier certains auteurs, dont M.

Théry, professeur à la Faculté libre de droit de Lille, proposent de rétablir avec les adap~

tations nécessaires l'harmonie entre la notion de « charges >> en matière sociale et celle d'obligation alimentaire (cf. Théry, Jur. Cl.

Pér., 1948, 39; di Marino, op. cit., p. 153).

28. - La notion de séparation de fait a une incidence regrettable similaire. En vertu d'une idée d'assistance toujours, certaines dispositions, 'par exemple en matière de pen- sions de vieillesse, prévoient le paiement de certains montants à l'épouse en cas . de sé- paration de fait des conjoints (.art. 32 des lois coordonnées par l'arrêté du Régent du 12 septembre 1946 relatives à l'assurance en vue de la vieillesse et du décès prématuré - qui concerne ce que M. le professeur Horion appelle la pension de ménage . (Législation sociale, p. 228; - article 49 de l'arrêté-loi du 25 février 1947 coordonnant les lois sur ·le régime de retraite des ouvriers mineurs et assimilés et ,article 26 de l'arrêté du Régent du 15 octobre 1947). Sans entrer dans le dé- tail de cette législation, on y verra un en- couragement possible à la violation du de- voir de cohabitation entre époux (cf. Rouast,

«Là Sécurité sociale et le cirait de famille», Etudes Ri pert,

t.

I, p. 354).

c.

L'assimilation de. la

concubine

à .l'épouse.

29. - Cette assimilation en plu,s d'un cas, constitue un autre grave reproche qu'encou- rent nos lois sociales. L'idée d'assistance qUi en est le fondement ne devrait pas conduire à une identité de régime ni réduire l'intérêt que peuvent avoir les concubins à régulari- ser leur union.

30. - En matière d'allocations de chô- mage . d'abord. Le législateur exclut à bon droit les concubines du bénéfice de l'indem- nisation dans les cas où il en prive égale- ment les femmes mariées (cf. ainsi l'article 77 quinquies de l'arrêté du Régent du 26 mai 1945, modifié par l'article 8 de l'arrêté royal du 1er juillet 1955). Il veillè à cet égard avec raison à ne pas favoriser la concubine par rapport à la femme mariée (Rouast, « La femme mariée et la concubine au point de vue de la législation sociale » daris Conditions de l'épouse et àe la concubine dans la légis- lation française, p. 41). L'erreur est de ne point créer à la concubine, dans le régime des: allocations de chômage, une situation inférieure à celle de la femme mariée.

31. - En matière d'accidents de travail.

Dans le cas d'accident mortel la loi alloue, nous l'avons déjà noté incidemment, à défaut de conjoint ou d'enfants bénéficiaires, la même indemnité aux parents de l'enfant na- turel reconnu -avant l'accident ou à la mère de l'enfant naturel non reconnu mais non abandonné par elle qu'aux parents d'un en- fant légitime, victime d'accident. En cas d'ac- cident de travail survenu à des ·gens de mer, l'arrêté royal du 10 avril 1954, prévoit, au cas de décès du bénéficiaire de certaines alloca- tions, le paiement des termes échus et non payés, à défaut d'épous.e et d'enfants remplis_

sant les conditions prévues « à toute person- ne avec qui le bénéficiaire vivait en com- munauté familiale au moment du décès ». Ne peuton craindre là, à nouveau, la manifes- . tation d'une étrange conception de la fa- mille ? ·

32. -.Une disposition analogue, en matiè- re d'assurance-vieillesse prévoit, en cas de décès du bénéficiaire de l'assurance, le paie- ment des arrérages échus et non payés, à défaut de conjoint ou d'enfants vivant avec lui au moment du décès, <<à toute personne avec qui le bénéficiaire vivait à ce moment (art. 32 de l'arrêté du Régent du 12 septem- bre 1946).

33. - En matière d'allocations militaires.

Nous visons par là les lois coordonnées par l'arrêté du Régent du 5 octobre 1948 sur les pensions de réparation, à raison des dom- mages physiques subis dans l'accomplissement du devoir militaire ou civique. En dehors de l'assimilation totale, à nouveau, des enfants naturels reconnus aux enfants légitimes, au cas de décès de leur auteur <art. 26), le lé- gislateur permet aux commissions chargées d'examiner les titres à la pension, de recon- naître pareil titre à la femme non mariée qui établit qu'avant ou pendant la guerre elle a partagé la vie de la victime et qu'il lui a été impossible ·de légitimer cette union avant le fait dommageable par suite de circons- tances de guerre. Cela fait penser à la loi

française du 12 novembre 1955 allouânt, dans certains cas;· un secours comparable aux pensions aux compagnes de militaires, ma- rins ou civils morts pour la France. Légis_

lation étrange, déclarant la compagne du soldat l'égale pécuniairement de la veuve, tandis que la compagne du gradé ou de l'of- ficier perçoit les trois-quarts de ce que per- çoit la veuve du militaire du même grade.

34. - C'est une erreur profonde et une générosité mal placée de mettre ainsi le faux ménage sur le même rang que le ménage ré- gulier. Tout comme il est. regrettable, ainsi que l'observe M. le professeur Rouast (Condi- tions de l'épouse et de la concubine dans la,

(4)

législation française, pp. 36-37). dans une c:vUi- que de l'ordonnance française du 19 octobre 1945, de réserver à la concubine l'allocation spéciale d'assurance en cas de décès, en la fai- sant rentrer parmi les personnes à· la ·charge effective de l'assuré : solution choquante qui serait évitée si par « personne .. à ch~e » on entendait les personnes légalement à la charge de l'assuré décédé. Nous en dirions volontiers autant des pensions militaires : ne devraient y avoir droit que ceux qui par- tageaient « légalement » la vie ·de. la v~ctime.

La famille, selon l'expression de M. le professeur Théry ( « Les personnes à charge et le droit de famille», J.C.P., 1948, 39) n'est pas le groupe alimentaire formé par la réunion de personnes à charge d'un pourvoyeur, mais un groupe humain, à finalité morale, fondé sur le mariage et la filiation.

35. - En glanant ainsi dans notre légis- lation civile et dans nos lois .sociales, . nous n'avons assurément pas eu la prétention de citer tous les cas d'atteinte à .la famille, mais d'en réunir seulement

un

nombre suffisant pour souligner une action véritablement des- tructrice de la famille. Sans reprendre l'ex-

pression quelque peu désabuséè dont se sert l'ancien doyen de la Faculté de droit de Paris, M. G. Ri pert, à l'égard d'un parlement qui n'est d'ailleurs pas le nôtre (Les Forces créatrices du droit, 1955, p. 412) nous retien- drons plutôt cette autre pensée de l'éminent professeur, qui marque un danger auquel il est bon de réfléchir : « le législateur qui abandonne volontairement le secours que l'observation de la règle morale apporte à Jiobservation de la règle juridique, doit s'at- tendre à voir se généraliser la désobéissance aux lois (op. cit., p. 186). Cela ne rejointJ.l pas la remarque faite jadis par M. le pro- fesseur Thaller et reprise par M. le profes- seur Boulanger (Etudes Ripert, t. I, p. 74) :

« Sans les principes tout s'effondre,. tout s'anéantit. A défaut d'élan pris vers les idées aux lois » ·(op. cit., p. 186). Cela ne rejoint-il n'aurait été qu'un matériel empirique agis- sant au gré des circonstances, afin non pas même d'assurer la paix parmi les hommes mais de les empêchèr de se prendre à la gorge».

Quand on s'est engagé dans une mauvaise voie, le progrès c'est de faire marche arrière.

Joseph RUTSAERT.

LA VIE DU DROIT

L'article 24 de la loi du

1er

juillet 1956 relative à l'assurance automobile· obligatoire

La décision rendue le 15 novembre 1957 par M. le juge de paix de Schaerbeek .( 2é canton) (J. T., 1957, 758) a suscité, concer- nant l'interprétation à don.ner à l'article 24 de la loi du 1er juillet 1956, diverses apprécia- tions dont nous nous faisons l'écho, en expo- sant sommairement les thèses en présence.

Rappelons que cet article 24, inclus dans les « dispositions transitoires » de la loi, est libellé comme suit : « Les contrats d'assuran- ces en cours, à l'expiration du régime transi- toire, auprès des sociétés d'assurances agréées, peuvent être résiliés si l'augmentation de la prime dépasse 10 p. c.

Une première thèse, qui ét11it soutenu~par la société d'assurances demanderesse, consiste à prétendre que la loi donne. aux assureurs le droit d'imposer aux assurés, dès le 1er jan- vier 1957, date d'entrée en vigueur de la loi, une augmentation de prime de 10

%,

sans que les assurés puissent s'y refuse"r ou résilier le contrat.

· Une autre thèse, qui était celle de l'assuré défendeur, soutient que l'article 24 ne modi- fie en rien les rapports contractuels des par- ties, ni pendant la période transitoire, ni à l'expiration de celle-ci; qu'il ne donne pas à l'assureur le droit d'imposer à rassuré, à quelque moment que ce soit, même à l'expira·

ti on de la période transitoire, une . augmen·

tation de prime à concurrence de 10

o/a;

que cet article n'a d'autre portée que de mettre, à l'expiration de la période transitoire, une cause nouvelle de résiliation à la disposition des assurés qui auraie)lt, pendant la période transitoire, accepté ou subi une augmentation de prime supérieure à 10

o/a.

En conséquence~ suivant cette thèse, pendant la. période transitoire, l'assureur pui·se dans le seul contrat le droit d'augmenter librement ses tarifs et l'assuré y trouve également le droit de résilier la police, •quelle que soit 1'-augmentation réclamée. fût•elle inférieure à 10

o/o.

A l'expiration de la période transitoire, l'assureur conserve de même le droit, en vertu du seul contrat, d'augmenter librement ses ta.

rifs et l'assuré celui de résilier· la police con·

formément à l'article approprié du contrat- type, quel que soit le montant de l'augmen- tation réclamée. L'article 24 n'intervient qu'à la fin de la période transitoire et seulement

pour régir les cas des assurés qui auraient, pendant la période transitoire, soit omis de résilier leur contrat pour augmentation de prime, soit omis d'observer pour ce faire les formalités prescrites, soit même qui auraient accepté formellement une augmentation supé- rieure à 10

o/o.

En d'autres termes, l'article 24 a uniquement pour objet de permettre. à l'expirati0111 de la période transitoire, aux seuls assurés qui, pen- dant la période transitoire auraient omis d'ob- server les délais ou les formalités de dénon- ciation pour augmentation de prime ou ac- cepté cette augmentation, de résilier néan- moins le contrat si l'augmenta:tion de prime qui leur a été réclamée pendant la période transitoire a dépassé 10

o/o.

Cette théorie se fonde d'une part sur .le principe de la liberté contractuelle de l'article 1134 du ·Code civil, principe auquel le. lé gis·

lateur n'a pas expressément et clairement dé- rogé, c~ qui prouverait que le législateur n'a rien voulu modifier aux 'rapports contrac-;

tuels des parties, ni pendant la période tran- sitoire, ni à l'expiration de celle-ci, et qu'il n'a donc pas· voulu par l'article 24 modifier à aucun moment les possibilités de résiliation dérivant du contrat et réduire celles-ci au seul cas où l'augmentation de prime dépasserait 10

%.

Elle se fonde d'autre part sur l'avis du Conseil d'Etat déclarant que « !""article 24 tend, en effet, non à restreindre les causes de rési·

liation mais à en ajouter une nouvelle rendue nécessaire par l'intervention de la loi» (Ses·

sion ord 1954-55, Ch. Rep., Doc. 351, nQ 1, p. 10), et en déduit que l'article 24 contient une nouvelle cause de résiliation en faveur des seuls assurés qui, pendant la période tran- sitoire, ont subi ou accepté une augmentation de prime dépassant 10

o/o.

Si intéressante que soit la thèse ci-dessus, elle nous paraît cependant s'écarter· d·es inten- tions que l'on peut présumer avoir été celles du législateur. Il est improbable que celui. ci ait voulu qu'au même moment, celui de l'expira- tion du régime transitoire, l'augmentation de la prime R. C. soit limitée à 10

o/o

pour cer- tains assurés. et nort pour les autres~ De telle sorte que · certains assurés conserveraient le droit de résilier la police en vertu du contrat

quel que soit le pourcentage, même inférieur à 10% de l'augmentation réclamée, et que d'autres, ceux ayant accepté ou subi une aug- mentation pendant la . période transitoire, ne pourraient résilier en vertu de l'article 24, que si le pourcentage de l'augmentation avait dé- passé N):

o/o.

Il n'est pas certain, non plus, que l'avis du Conseil d'Etat ait la portée que lui prête cette thèse. L'article 24 était primi- tivement rédigé dans la forme négative :

«Les .contrats ... ne peuvent être résiliés que si l'augmentation dépasse ... ». Suivant l'avis du Conseil d'Etat, le texte a été ensuite rédigé dans la forme affirmative : «Les coutnts.:.

peuvent être résiliées si l'augmentation ... ~, pour éviter toute équivoque, car «l'article 24 tend en effet, non à restreindre-- les causes de résiliation mais à en ajouter une nouvelle· ren·

due nécessaire par l'intervention de la loi:.

(op. cit.). Cela peut simplement signifier que le Conseil d'Etat a voulu éviter que l'article 24 puisse être interprété dans le sens qu'il ne subsi·sterait qu'une seule cause de résilia- tion du contrat d'assurance, toutes les autres étant abolies, qu'elles soient dues à l'accord des parties, à la volonté unilatérale de l'as- sureur ou à la volonté unilatérale de l'assuré.

Il nous semble plutôt que le législateur a considéré qu'à l'expiration d'une période iran- sitoire, très brève en principe. permettant la mise au point notamment de l'agréation des assureurs, une augmentation de prime de 10

o/a

serait suffisante pour contrebalancer l'augmen- tation des risques mise par la loi à charge des assureurs. A cet effet, le législateur a· prévu qu'à l'expiration du régime transitoire, les con- trats en cours auprès des sociétés agréées pourraient être résiliés si l'augmentation de la prime dé.passait 10

o/o.

Il nous paraît que le législateur a voulu par là donner à tous les assurés, sans distinction, dont le contrat à l'expiration du régime transitoire répond à ces conditions, la faculté de le résilier, et que cette cause de résiliation nouvelle, indépen- dante du contrat, 's'impose aux parties nonobstant toute convention contraire.

Plus conforme aux intentions du législateur se révèle une troisième opinion ( V0 Observa- tions sous J. P. Schaerbeek, J. T., 1957, 759 et référ. citées) suivant laquelle l'article · 24 doit s~interpréter en ce sens que ce ne sera qu'à l'expiration de la période transitoire que les assureurs auront la faculté d'augmenter les primes par suite de l'augmentation des risques mise à leur charge par la loi, et ce à concurrence de 10

o/o,

les assurés n'ayant à ce moment le droit de résilier la police que si l'augmentation de prime demandée dépasse les 10

o/o

prévus.

En conséquence. pendant la période transi- toire, les droits des parties restent soumis au

·droit commun des contrats; ce n'est qu'à l'expiration de cette période que la loi, par son article 24, autorise les assureurs à imposer aux assurés une augmentation de prime de l'()

o/o.

Cette opinion se fonde principalement sur un argument de texte : le fait que l'article 24 précise le moment auquel ·rassuré pourra ré- silier la police si la prime est augmentée de plus de 10

o/o

implique que c'est à ce mo·

ment, fin de la période transitoire, .que l'as.

sureur pourra imposer une augmentation -de 10

o/o

à l'assuré, sans. que celui·ci ait, pour autant, la faculté de se délier de ses engage- ments. Mais les travaux préparatoires et le sens commun viennent la ·renforcer.

En admettant cette thèse, il reste à déter·

miner sur quelle prime devra se calculer l'augmentation de 10

o/o

et si, dans cette aug·

mentation, la suppression des avantages ac·

cordés à l'assuré devra être prise en considé- ration.

Interrogé à ce sujet, le Ministre de la Justi- ce a répondu de façon imprécise en ren- voyant~ pour la question de la prime à l'avis du Conseil d'Etat (op. cit.), et pour la sup- pression des avantages à l'examen de chaque cas. (Questions et réponses, Ch. Repr., 5 févr.

1957~ ll0 11, p. 424).

(5)

Le. jugement du juge de paix de ·&ha er·

beek {op. cit.), souligne que le législateur n'a certainement pas voulu permettre aux assu- reurs d'augmenter les primes non pas seule~

ment dans la mesure de l'aggravation des ris·

ques résultant de la loi mais en outre en vue de réviser leurs tarifs. D'autre part, une or- donnance du président du Tribunal de com·

merce de Bruxelles (inédite) a décidé «qu'il était inexact de la part des compagnies d'as- surances ·en cause d'affirmer que l'augmenta·

tion qu'elles envisageaient... répondait au vœu du législateur en étant limitée à 10

o/o

après supp'ression des réductions de prime correspondant à des clauses restrictives abro·

gées

».

Et lors des travaux préparatoires, un rapporteur déclarait : «Nous ne croyons pas que ces charg·es supplémentaires puissent être graves et entraîner une .augmentation sensi.

ble de la prime ... l'incidence sur la prime ne peut être que très minime» (session extr. · 195!(), Ch. Repr., Doc., proposition n<> 119), 26 juill. 1950).

Il semble donc que le législateur ait eu en vue une augmentation de 10

o/o

sur la prime en cours ·avant l'entrée en vigueur de la loi. En- visager cette augmentation sur la prime en cours au moment de l'expir.ation de la période transitoire permettrait en fait à l'assureur, dans les cas où pendant cette période l'assuré a déjà accepté une augmentation, de prélever deux augmentations, ce qui serait contraire aux intentions du législateur. Il ne serait pas da·

vantage conforme à oes intentions d'admettre que, par la suppression· d'avantages contrac- tuels, l'augmentation pût dépasser en fait 10

o/o.

La question se posera également, à l'expira·

tion de la période transitoire, de savoir, '!>Ï les assurés qui, pendant cette période auront accepté une augmentation supérieure à 10

o/o

ou la suppression de certains avantages pour·

ront néanm.oins résilier le contrat pour aug- mentation au-delà de 10

o/o.

La jurisprudence, statuant dans ces cas où, pendant la période transitoire, des assureurs voulaient imposer à leurs assurés une aug·

menûttion de' prime même limitée à 10

o/o,

admet généralement que pendant cette période les rapports entre parties restent uni-quement soumis au droit· commun des contrats, l'article 24 ne devant s'appliquer qu'à la fin de la dire période {cf. J.

P;

Schaerbeek, op. cit.; - J.

P.

Verviers, 16 juill. 1957, inédit : «Cette in·

tervention du prince n'autorise nullement les compagnies d'assurances à modifier les clauses contractuelles librement consenties; à juste titre le . défendeur se vefuse à payer une prime majorée de lOO

o/o

et s'en tient uniquement au taux conventionnel du contrat d'assurance in- tervenu entre parties »).

D'autre paf4 le Ministre de la Justice a pré·

cisé que « l'article 24 règle le sort des con·

trats d'assurances en cours à l'expiration du régime transitoire prévu à l'article 23. Pendant la dite période transitoire, le point de savoir si une majoration de prime peut être réclamée par l'assureur et si le preneur d'assurance peut la refuser ou s'il a le droit de résilier la po·

lice semble devoir être résolu suivant les sti- pulations du contrat et les principes généraux du droit » (Questions et réponses, op. cit.).

L'on peut. en déduire, semble-t-H, que l'aug·

mentation de la prime responsabilité civile est rég-ie par le droit commun des contrats pendant la période transitoire, mais qu'elle l'est uniquement par l'article 24 au moment de l'expiration de cette période. Or cet article 24 crée, suivant l'avis du Conseil d'Etat (op. cit.),

« une cause nouvelle de résiliation de la po·

lice d'assurances; rendue nécessaire par l'in- tervention de la loi », c'est-à-dire une cause de résiliation non· prévue dans le contrat et in- ' dépendante de celui-ci. En conséquence, si

l'assuré consiate au moment de l'expiration de la période transitoire que sa prime se trouve augmentée directement ou indirectement de plus de 10

o/o,

il puise dans l'article 24 le droit •de résilier son contrat, même s'il avait pendant la période provisoire accepté une aug·

mentation directe ou indirecte de prime, su·

péri eure à 10

o/o.

Les divergences d'opinion signalées ci-d~ssus quant à l'interprétation de l'article 24 souli- gnent l'imprécision de la loi sur cette question et la difficulté d'y donner la solution adéquate.

- E'milie BEYENS.

JURISPRUDENCE

Cass. (re ch.), 13 décembre 1957.

Prés. : M. DE CLIPPELE, prés. ff.

Rapp. : M. LouvEAUX, cons.

Min. pub!. : M. R. HAYOIT DE TERMICOURT, proc.

gén.

Plaid. : Me SIMONT.

(S.A. Cie Belge d'Assurances Générales sur la Vie, les Fonds dotaux et les Survivances c. Andries et

Bouchier)

EXPERTISE.- Formalités.- Articles 315 et 317 du Code de procédure civile. - Inob- servation. - Conséquence.

Il résulte des articles 173 et 1030 du Code de procédure civile que l'inobser- vation des formalités des articles 315 et 317 du mêmP. code, n'entraîne pas néces- sairement et dans tous les cas la nulli·

té de l'expertise; cette nullité ne doit pas être prononcée si l'in·égularité cammise n'a point eu pour conséquence de nuire .anx intérêts d'une des parties.

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 29 octobre 1956 par la Cour d'appel de Gand;

Sur le moyen pris de la violation. des articles 97 de la Constitution, 1317, 1

~19

et 1320 du CC)de civil, 173, 315 et 317 du Cod.e de procédure civile, en ce que, pour déclarer valable le rapport d'exper•

tise

dépo~é

en la cause le 22 mars 1955 par le docteur Uyttenhove, pour appuyer sa décision sur cette expertise et pour rejeter le moyen de nullité invoqué en conclusions par la demanderesse, moyen déduit de ce que l'expert avait violé

l'ar~

ticle 315 du Code de procédure civile en n'avisaht pas les parties, dans les for- mes prescrites par cet article, du com- mencement des opérations d'expertise, la Cour d'appel se fonde, d'une part, sur ce que la violation dudit article 315 n'a pas nui. aux intérêts de la deman- deresse ni porté atteinte aux droits de la défense, et, d'autre part, sur la

considé~

ration que les conclusions de l'expert n'auraient pas été différentes, si ce der- nier avait convoqué et entendu les par- ties, en raison de la nature de la mission qui lui avait été donnée par le premier juge, mission consistant uniquement, sui- vant le jugement a quo, dont l'arrêt dé- noncé reprend expressément les motifs,

« à déterminer la justesse ou l'erreur d'un

avis médical donné

à

propos d'un cas dont les .circonstances de fait n'étaient pas contestées . au procès »,

alors que· : 1) les formalités prévues , par les articles 315 et 317 du Code de procédure civile sont substantielles et prescrites à peine de nullité du rapport

d~

l'expert qui les a méconnues, sans en avoir été dispensé par les parties, en ce qù'elles doivent donner aux opérations d'expertise un caractère contradictoire et sauvegarder les droits de la défense;

d'où il suit que cette émission consti- tue, par elle-même, une atteinte aux droits de la défense et aux intérêts des parties, principe que la Cour d'appel a méconnu en recherchant si la violation

des formalités-légales avait, en outre, cau- sé grief à la demanderesse et nui à son droit de défense (violation des articles

173~

315 et ,317 · du Code de procédure civile);

2) .en supposant même que la deman- deresse fût tenue d'établir l'existence en son chef d'un grief ou d'une atteinte

à

son droit de défense ensuite de la viola- tion de

l'arti~le

315 du Code de procé- dure civile, la considération que les

con.~

clusions de l'exnert n'auraient· pas été différentes, si ce dernier avait convoqué et entendn les parties, ne peut suffire pour dénier à la demanderesse l'intérêt que .présentait pour elle le contrôle des opérations matérielles de l'expert au mo- ment où elles s'effectuaient, opérations qui ont servi de base aux conclusions de celui-ci; que l'arrêt n'est donc pas léga- lement motivé (violation des articles 97 de la Constitution, 173, 315 et 317 du Code de procédure civile);

3) le caractère de la mission confiée à l'expert et mentionnée au jugement a quo, dont l'arrêt reprend expressément les motifs, .ne supprimait pas tout inté- rêt de la demanderesse à suivre, pour sa défense, les opérations d'expertise, puis- que, suivant le jugement interlocutoire du 2 février 1955, cette mission était :

« de déterminer la cause de la mort de

Sciffer Armand survenue le 23 mai 1952 et, pour le cas où cette détermination n'est plus possible actuellement à l'aide d'éléments positifs, de rechercher si les constatations du docteur Bafort justifient les conclusions qu'il en tire, éventuelle:.

ment indiquer en quoi il existe une con- tradiction entre ces constatations et ces conclusions

»;

que l'arrêt attaqué a donc méconnu la foi due au jugement interlo- cutoire du 2 février 1955 en décidant avec le premier juge que' la mission de l'expert «consistait seulement à déter- miner la justesse ou l'er·reur d'un avis médical donné à propos d'un cas dont les -circonstances de fait n'étaient pas contestées au procès » (violation des ar- ticles 97 de la Constitution, 1317, 1319 et 1320 du Code civil) :

Sur la première branche :

Attendu qu'il résulte des articles 173 et 1030 du Code de procédure civile que l'inobservation des formalités des arti- mles 315 et 317 du même code, visées par le. moyen, n'entraîne pas nécessaire- ment et dans tous les cas la nullité de l'expertise; que cette nullité ne doit pas être prononcée si l'irrégularité commise n'a point eu pour conséquence de nuire aux intérêts d'une des parties;

Que le moyen, en c·ette branche, man- que en droit;

Sur la deuxième branche :

Par ces motifs :

LA CouR,

Rejette le pourvoi;

(sans intérêt).

Cass. (Ire ch.), 19 septembre 1957.

Prés. : M. WoUTERS, prem. prés.

Min. publ..: M. DELANGE, av. gén.

Rapp. : M. ÀNCIAUX HENRY DE FAVEAUX, cons.

Plaid. : MMes SIMONT et VAN RYN.

(Reunione Adriatica di Securita et con-s. c. Société Limpex Incorporated)

CASSATION.- Matière civile.- Pourvoi.

- Pièces justificatives de la recevablité.

Ne doivent pas "être jointes à la requëte.

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