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ENTRE ÉCRIT ET ORAL

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Academic year: 2022

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(1)

ENTRE ÉCRIT ET ORAL

Elisabeth NONNON

IUFMde LilleéquipeThéodile et INRP

Résumé : Écrireau tableauestun gesteprofessionnel quotidienimportantdans la maîtrise d'un enseignant, mais encore sans statut d'objet de réflexion légi¬

time. Pourtant le tableau, comme outil professionnel, pose des problèmes pra¬

tiques et théoriques fondamentaux, sur le plan pédagogique et didactique.

Commeobjet matérielet symboliquedelaclasse,

il

estlesupportdegestuelles, de routines, de schemes d'action qui sous-tendent le travail de l'enseignant et celui des élèves, et se prête à une analyse ergonomique et anthropologique.

Comme médiateurdela transmissionetdel'appropriationdes connaissances,

il

est au

cur

de la dialectique : tâches proposées par l'enseignantet activités mises en par les élèves. Comme mode spécifique d'écriture publique, ancréedans les discours oraux de la classe, il estau centre d'interactions com¬

plexes entre écritet oral, qui peuvent amenerdes seuils discursifs et cognitifs mais aussi des contre-étayages, susceptibles d'effetssur les apprentissages etla définitiondesactivitésdisciplinairesquepeuventseconstruirelesélèves.

Étudierles pratiques delangage dans laclasse, celles des enseignants et cellesdesélèves, confronte à ladifficulté derendrecompte, àtravers unedes¬

cription et une rationnalisation «savantes », d'une logique d'action, fortement contextualisée, même si les objets qu'elle manipule sont des savoirs abs¬

traits (1). Comment appréhender cette logique pratique du travail scolaire sans faire disparaître dans l'analyse ses modes decohérence propres? Comment donner sonépaisseuràlapratiqueconcrètedesenseignants, danssadimension de travail, sansen faire un simple refletde préceptes ou de catégories didac¬

tiquesapriori,etenrendrecompte,pour asseoirunediscipline de formation? Ladistinction entre travail prescrit ettravail réel est unedistinction utilisée depuis longtemps en analyse du travail pour étudier les activités effectives, pragmatiques et reflexives,misesen dans lestâches professionnelles(2).

(ïj Bourdieurappelle qu'«ilfautreconnaîtreàlapratique unelogiquequin'estpas celle delalogique, pour éviterdeluidemander plus delogiquequ'elle n'en peutdonner, etde secondamnerainsi, soità luiextorquerdesincohérences, soità lui imposer unecohérenceforcée»BOURDIEU (1980), p 144.

(2) Ergonomes etsociologuesdu travaildistinguenttravailthéorique(telqu'ilexiste dans lesreprésentationssocialesenusage, particulièrement celles desconcepteurs),tra¬

vailprescrit(formulédanslestextesde référence qui endéfinissentobjectifs,règles etprocédures) ettravail réel (l'activitéeffectived'une personne faceàdessituations complexes) Éducation permanente116(1993). DEMONTMOLLIN (1996).

ENTRE ÉCRIT ET ORAL

Elisabeth NONNON

IUFMde LilleéquipeThéodile et INRP

Résumé : Écrireau tableauestun gesteprofessionnel quotidienimportantdans la maîtrise d'un enseignant, mais encore sans statut d'objet de réflexion légi¬

time. Pourtant le tableau, comme outil professionnel, pose des problèmes pra¬

tiques et théoriques fondamentaux, sur le plan pédagogique et didactique.

Commeobjet matérielet symboliquedelaclasse,

il

estlesupportdegestuelles, de routines, de schemes d'action qui sous-tendent le travail de l'enseignant et celui des élèves, et se prête à une analyse ergonomique et anthropologique.

Comme médiateurdela transmissionetdel'appropriationdes connaissances,

il

est au

cur

de la dialectique : tâches proposées par l'enseignantet activités mises en par les élèves. Comme mode spécifique d'écriture publique, ancréedans les discours oraux de la classe, il estau centre d'interactions com¬

plexes entre écritet oral, qui peuvent amenerdes seuils discursifs et cognitifs mais aussi des contre-étayages, susceptibles d'effetssur les apprentissages etla définitiondesactivitésdisciplinairesquepeuventseconstruirelesélèves.

Étudierles pratiques delangage dans laclasse, celles des enseignants et cellesdesélèves, confronte à ladifficulté derendrecompte, àtravers unedes¬

cription et une rationnalisation «savantes », d'une logique d'action, fortement contextualisée, même si les objets qu'elle manipule sont des savoirs abs¬

traits (1). Comment appréhender cette logique pratique du travail scolaire sans faire disparaître dans l'analyse ses modes decohérence propres? Comment donner sonépaisseuràlapratiqueconcrètedesenseignants, danssadimension de travail, sansen faire un simple refletde préceptes ou de catégories didac¬

tiquesapriori,etenrendrecompte,pour asseoirunediscipline de formation? Ladistinction entre travail prescrit ettravail réel est unedistinction utilisée depuis longtemps en analyse du travail pour étudier les activités effectives, pragmatiques et reflexives,misesen dans lestâches professionnelles(2).

(ïj Bourdieurappelle qu'«ilfautreconnaîtreàlapratique unelogiquequin'estpas celle delalogique, pour éviterdeluidemander plus delogiquequ'elle n'en peutdonner, etde secondamnerainsi, soità luiextorquerdesincohérences, soità lui imposer unecohérenceforcée»BOURDIEU (1980), p 144.

(2) Ergonomes etsociologuesdu travaildistinguenttravailthéorique(telqu'ilexiste dans lesreprésentationssocialesenusage, particulièrement celles desconcepteurs),tra¬

vailprescrit(formulédanslestextesde référence qui endéfinissentobjectifs,règles etprocédures) ettravail réel (l'activitéeffectived'une personne faceàdessituations complexes) Éducation permanente116(1993). DEMONTMOLLIN (1996).

(2)

REPÈRES22/2000 E.NONNON

Loindeseréduireà l'application de procédures édictées danslestextes, letra¬

vail réel est analysécomme une activité d'interprétation face à des problèmes en partie imprévisibles et dechoix stratégiques, même minuscules, quiéchap¬

pentaudiscoursprescriptif:pourtantilestpeu reconnu, peuformalisé(3).Dans letravail enseignant, ladifférenceentrece quiest prescrit et la réalitédel'acti¬

vité effective est paradoxalement peut-être encore moinsexplicitée etthéorisée que dans d'autres formes de travail, malgré la complexité des situations face auxquellesce travail demande de trouver des réponses inventives,nondétermi¬

nées d'avance. Les travaux en didactique du français, en particulier, se sont longtemps centrés surlerenouvellementdutextedusavoiràtransmettre etl'in¬

ventiondesupports, de protocoles etou scénariosàmettreen

uvre,

plusque sur l'analyse des interactions ordinaires à travers lesquelles s'effectue dans la classelamiseen

uvre

d'objetsdesavoiretde démarches disciplinaires, etse négocieunedéfinition communedu sens et du statut des activitésde la disci¬

pline. Cela a parfois amenéà méconnaître les réelles difficultés de mise en

uvre

descénarios proposés, ettoutcequ'ilfautauxenseignants de«métier»,

c'est à dire de compétence d'improvisation, de schemes pratiques, de savoirs d'action, pour réussirà se tirerdes « dilemmes (4) » didactiques et pédago¬

giquesdans lesquelsilssetrouventpris,et àrésoudrepar des voies didactiques les obstacles ou les tensions intrinsèques à ces scénarios (5). Cela peut conduire aussi à méconnaître le poids qu'a l'usage d'outilsapparemment pro¬

saïquesdumétier,appartenantàses routines«incorporées», commeletableau noirou le cahier, danslaréalisation desscénarios prescrits (même ceux quise veulent innovants), et donc dans ladéfinition effective des démarches pédago¬

giques et des objets disciplinaires. Outreson intérêt théorique pourla compré¬

hension du rapport des savoirs scolairesetdes savoirsacadémiques, undébut de meilleure connaissance de ces schemes et savoirs d'action propres au domaine disciplinaire pourrait aiderà mieuxdéfinirunediscipline de formation pourdesenseignants de français.

1. LANGAGEETTRAVAIL DANSL'ACTIVITÉ DEL'ENSEIGNANT ETDESÉLÈVES

Sion cherche, àtravers l'analysedeleurs discours, àcernerletravail réel de l'enseignant danssaclasse, commeceluidesélèves, deux dimensions, très liéesentreellessont particulièrementàprendre encompte: latemporalité dans laquelleils'effectue,lefait quelediscoursysoitindissociabled'activités d'ordre différent menées simultanément et intégrant l'usage partagé d'instruments qui font partie del'environnement scolaireetappartiennent àladéfinition même du jeuscolaire(commeletableaunoir)ou de ladiscipline(lescartesengéographie, par exemple)(6).

(3) BOUTET(1993),etlestravauxdu groupe Langageettravail.

(4) PERRENOUD(1993),(1994).

(5) Comme j'ai essayéde lemontrer pour lalecture méthodique ou les démarches inductivesengrammaire. NONNON(1995),(1999).

(6) Surles différents objetsqui peuvent entrerdans ladéfinitiond'une disciplinesco¬

laire,voirpar exempleDEVELAY (1992), p33etsuivantes.

REPÈRES22/2000 E.NONNON

Loindeseréduireà l'application de procédures édictées danslestextes, letra¬

vail réel est analysécomme une activité d'interprétation face à des problèmes en partie imprévisibles et dechoix stratégiques, même minuscules, quiéchap¬

pentaudiscoursprescriptif:pourtantilestpeu reconnu, peuformalisé(3).Dans letravail enseignant, ladifférenceentrece quiest prescrit et la réalitédel'acti¬

vité effective est paradoxalement peut-être encore moinsexplicitée etthéorisée que dans d'autres formes de travail, malgré la complexité des situations face auxquellesce travail demande de trouver des réponses inventives,nondétermi¬

nées d'avance. Les travaux en didactique du français, en particulier, se sont longtemps centrés surlerenouvellementdutextedusavoiràtransmettre etl'in¬

ventiondesupports, de protocoles etou scénariosàmettreen

uvre,

plusque sur l'analyse des interactions ordinaires à travers lesquelles s'effectue dans la classelamiseen

uvre

d'objetsdesavoiretde démarches disciplinaires, etse négocieunedéfinition communedu sens et du statut des activitésde la disci¬

pline. Cela a parfois amenéà méconnaître les réelles difficultés de mise en

uvre

descénarios proposés, ettoutcequ'ilfautauxenseignants de«métier»,

c'est à dire de compétence d'improvisation, de schemes pratiques, de savoirs d'action, pour réussirà se tirerdes « dilemmes (4) » didactiques et pédago¬

giquesdans lesquelsilssetrouventpris,et àrésoudrepar des voies didactiques les obstacles ou les tensions intrinsèques à ces scénarios (5). Cela peut conduire aussi à méconnaître le poids qu'a l'usage d'outilsapparemment pro¬

saïquesdumétier,appartenantàses routines«incorporées», commeletableau noirou le cahier, danslaréalisation desscénarios prescrits (même ceux quise veulent innovants), et donc dans ladéfinition effective des démarches pédago¬

giques et des objets disciplinaires. Outreson intérêt théorique pourla compré¬

hension du rapport des savoirs scolairesetdes savoirsacadémiques, undébut de meilleure connaissance de ces schemes et savoirs d'action propres au domaine disciplinaire pourrait aiderà mieuxdéfinirunediscipline de formation pourdesenseignants de français.

1. LANGAGEETTRAVAIL DANSL'ACTIVITÉ DEL'ENSEIGNANT ETDESÉLÈVES

Sion cherche, àtravers l'analysedeleurs discours, àcernerletravail réel de l'enseignant danssaclasse, commeceluidesélèves, deux dimensions, très liéesentreellessont particulièrementàprendre encompte: latemporalité dans laquelleils'effectue,lefait quelediscoursysoitindissociabled'activités d'ordre différent menées simultanément et intégrant l'usage partagé d'instruments qui font partie del'environnement scolaireetappartiennent àladéfinition même du jeuscolaire(commeletableaunoir)ou de ladiscipline(lescartesengéographie, par exemple)(6).

(3) BOUTET(1993),etlestravauxdu groupe Langageettravail.

(4) PERRENOUD(1993),(1994).

(5) Comme j'ai essayéde lemontrer pour lalecture méthodique ou les démarches inductivesengrammaire. NONNON(1995),(1999).

(6) Surles différents objetsqui peuvent entrerdans ladéfinitiond'une disciplinesco¬

laire,voirpar exempleDEVELAY (1992), p33etsuivantes.

(3)

Unecomposante fondamentale decette logique pratique estsatemporalité propre, du moins quand on essaie de prendre en compte le pointde vue des acteurs,enseignantset élèves, et nondelaconsidéreràpartir duregard panop- tiqueetdistancié del'observateur, quesaposition soustraitàl'urgence del'in¬

terprétation àchaud et de ladécision (surtout quand il analyse le langage des uns et des autres à partir de son enregistrement ou sa transcription) (7).

L'enseignant, lui, construit son intervention dans ladurée orientée d'unesitua¬

tion évolutive, enpartie imprévisible.IIs'appuie sur une planification d'ensemble et des routines qui sous-tendent la cohérence de ses interventions dans des scénarios prévus, maisaussi sur uneactivité d'interprétation de ce que propo¬

sent lesélèves, et surdes prises dedécision dans l'instant, toujours risquées, mêmesi ellessont microscopiques. L'usagequ'il peut faire desesoutils,maté¬

riaux etsupports didactiquesrenvoieàcettedouble logique temporelle, depla¬

nification etd'improvisation, commeje l'avais montré à propos de l'usage des exemples(8)ou de lanotationautableau(9).Cebricolageinterprétatif etstraté¬

gique, pour reprendre l'expressionde Perrenoud, sous-tend aussi l'activité des élèveset leur engagement dansl'interaction scolaire.

Uneautrecomposanteintervientdanscetravailprofessionnelqu'estledis¬

cours del'enseignant:c'estundiscoursfortement contextualisé, articuléàune activité partagéeentreplusieursprotagonistes et qui n'est pas uniquement lan¬

gagière (observer, manipuler, fabriquer des objets ou des textes, dessinerou rédiger...). II intègre la référence à des éléments matériels sur lesquels il s'ap¬

puie, qu'il prolongeou dont ilse sert (gestes de monstrationou defacilitation, stylisation de l'action,supportsmatériels commeletableau, des documents de référence ou des instruments utilisés dans l'action commune : règle, compas, balance). Latraditiond'étudedessituationsd'apprentissage, plus encorelatra¬

dition lettréed'analyselittéraire, semblentbannirtoutrapprochement des inter¬

actions scolaires (surtout si elles portent sur des sujets aussi valorisés que la littérature, la philosophie ou lagrammaire) avec des interactions en contexte professionnel, apparemmentprosaïques, quitouchentà destâches techniques oudestransactions ordinairesdelaviesociale. Pourtant,à biendes égards,on gagneraitàrapprocher l'analysedulangageensituation scolaire des recherches surle langage au travail qui apportent des éclairages nouveaux à l'analyse de discours (échanges oraux, traces écrites), commeà celle desactivités symbo¬

liquesprésentesau

c!ur

du travail,si«manuel »soit-il (10). Danscessituations de travail, les interactions verbales comme les activités d'écriture assurent diverses fonctions dans l'actionpartagée (contrôlesymbolique des représenta¬

tions, régulation de l'action, coordination entre les participants), comme cela a étéétudié aussien situationde résolutionde problèmes.On peutdistinguerles contextes où le langage (oral et écrit) accompagne une action partagée à laquelle ilestsubordonné (danslestâchessupposantlamanipulation d'un réel matériel notamment) et ceuxoù les tâches elles-mêmes consistent en un (7) NONNON(1990),(1999).

(8) NONNON(1993).

(9) NONNON(1991).

(10) THEUREAU(1981), PENE(1985),(1994),FRAENKEL (1993), LACOSTE (1995),BOU¬

TET (1995)

Unecomposante fondamentale decette logique pratique estsatemporalité propre, du moins quand on essaie de prendre en compte le pointde vue des acteurs,enseignantset élèves, et nondelaconsidéreràpartir duregard panop- tiqueetdistancié del'observateur, quesaposition soustraitàl'urgence del'in¬

terprétation àchaud et de ladécision (surtout quand il analyse le langage des uns et des autres à partir de son enregistrement ou sa transcription) (7).

L'enseignant, lui, construit son intervention dans ladurée orientée d'unesitua¬

tion évolutive, enpartie imprévisible.IIs'appuie sur une planification d'ensemble et des routines qui sous-tendent la cohérence de ses interventions dans des scénarios prévus, maisaussi sur uneactivité d'interprétation de ce que propo¬

sent lesélèves, et surdes prises dedécision dans l'instant, toujours risquées, mêmesi ellessont microscopiques. L'usagequ'il peut faire desesoutils,maté¬

riaux etsupports didactiquesrenvoieàcettedouble logique temporelle, depla¬

nification etd'improvisation, commeje l'avais montré à propos de l'usage des exemples(8)ou de lanotationautableau(9).Cebricolageinterprétatif etstraté¬

gique, pour reprendre l'expressionde Perrenoud, sous-tend aussi l'activité des élèveset leur engagement dansl'interaction scolaire.

Uneautrecomposanteintervientdanscetravailprofessionnelqu'estledis¬

cours del'enseignant:c'estundiscoursfortement contextualisé, articuléàune activité partagéeentreplusieursprotagonistes et qui n'est pas uniquement lan¬

gagière (observer, manipuler, fabriquer des objets ou des textes, dessinerou rédiger...). II intègre la référence à des éléments matériels sur lesquels il s'ap¬

puie, qu'il prolongeou dont ilse sert (gestes de monstrationou defacilitation, stylisation de l'action,supportsmatériels commeletableau, des documents de référence ou des instruments utilisés dans l'action commune : règle, compas, balance). Latraditiond'étudedessituationsd'apprentissage, plus encorelatra¬

dition lettréed'analyselittéraire, semblentbannirtoutrapprochement des inter¬

actions scolaires (surtout si elles portent sur des sujets aussi valorisés que la littérature, la philosophie ou lagrammaire) avec des interactions en contexte professionnel, apparemmentprosaïques, quitouchentà destâches techniques oudestransactions ordinairesdelaviesociale. Pourtant,à biendes égards,on gagneraitàrapprocher l'analysedulangageensituation scolaire des recherches surle langage au travail qui apportent des éclairages nouveaux à l'analyse de discours (échanges oraux, traces écrites), commeà celle desactivités symbo¬

liquesprésentesau

c!ur

du travail,si«manuel »soit-il (10). Danscessituations de travail, les interactions verbales comme les activités d'écriture assurent diverses fonctions dans l'actionpartagée (contrôlesymbolique des représenta¬

tions, régulation de l'action, coordination entre les participants), comme cela a étéétudié aussien situationde résolutionde problèmes.On peutdistinguerles contextes où le langage (oral et écrit) accompagne une action partagée à laquelle ilestsubordonné (danslestâchessupposantlamanipulation d'un réel matériel notamment) et ceuxoù les tâches elles-mêmes consistent en un (7) NONNON(1990),(1999).

(8) NONNON(1993).

(9) NONNON(1991).

(10) THEUREAU(1981), PENE(1985),(1994),FRAENKEL (1993), LACOSTE (1995),BOU¬

TET (1995)

(4)

REPÈRES22/2000 E. NONNON

échanged'informations verbales, unenégociationdecatégorieset desystèmes d'interprétation, voireendes procédures négociéesdetransformation deformu¬

lations pour les rendre recevables etopératoires selon les codes d'un univers professionnel donné (consultations juridiques ou médicales,transactions dans les commissariats ou letravail social, activité de l'écrivain public). II est ainsi possible de distinguer « langage sur letravail », « langage dans letravail » et

«langagecomme travail», etd'analyserleursrelations(11).

Étudierle discours en situation de travail, c'est étudierdes formes de lan¬

gagecoopératives et situées, inscrites dans une culture pratique commune et desactions partagées, structurées par lescontraintes de tâches, de l'espace matériel, parles caractéristiques concrètes dessupports de travail, par desrou¬

tines, des schemes d'action, des rôlesstatutaireset fonctionnels. L'inscription dans les énoncés ducontexte extralinguistique et des connaissances d'arrière- plan propresà ungroupe estunélémentfondamental delasignification: l'ana¬

lysedoit par exemples'affronteràune variétéde formes predicativesoù lethème est assuréparunélément non linguistique, ainsiqu'à l'articulation du langageà d'autresformesd'activité sémiotique(inscriptions,graphes,signesgestuels).

Cependant, prendre en compte les apports detravaux sur la cognition situéeetdistribuée,surlelangageetlespratiquesd'inscriptionensituation pro¬

fessionnelle issus de l'ethnométhodologie, de l'ergonomie, de l'analyse dedis¬

cours, ne peut aider àcomprendre letravail de l'enseignant qu'àcondition de tenir compte de saspécificité par rapport àd'autres formes de travail. Elleest en particulierde viser des apprentissagesetde mettre enjeu des savoirs, des notions et desdémarches précisément inscrits dansdestraditions disciplinaires.

L'analyse des conduites professionnelles de l'enseignant dans sa classe, ses savoir-fairedanslagestiondutemps, sesgestesetsaposition corporelle, son usagedel'espace ou des outilsmatérielsdoit s'articuleràune réflexionspécifi¬

quementdidactique, et voir commentuneactivité corporelle, un usage del'es¬

pace,despratiquesd'inscription,lerecours àdessupportssont déterminéspar, et enmêmetempscontribuentà ladéfinitionet lastructuration de telleoutelle connaissance oucompétence àinstaurerdans undomaine disciplinaire donné.

Ainsi, pour reprendre l'exemple de lalectureméthodique, la définitiondel'acti¬

vité que peut sedonner un élève passe, entre autres, par ce que l'enseignant retientcomme légitime pour figurerdans latraceécrite, etcequ'il choisit de ne pasécrire.

Ce travail est déjà engagé dans certaines disciplines, en mathématiques notamment; mais il nesoulève pas lesproblèmesde réflexivité que posent les interactions declasseportant sur des objets de discourscomme lestextes, des usages langagiers comme l'argumentation, ou sur la langue elle-même. C'est peut-être unedes raisonspourlesquelles les descriptions précisessur letravail concret de l'enseignant, sesgestes professionnels, son usageeffectif dematé¬

riels et d'outils sont plutôt moins nombreuses en didactique du français que dans d'autres didactiques (sauf pour l'étayage dans l'apprentissage de la lecture (12)). Cette étude parait pourtant d'autant plus intéressante pour des

(11) LACOSTE (1995).

(12) Voirparexempleletravailde GOIGOUX.

REPÈRES22/2000 E. NONNON

échanged'informations verbales, unenégociationdecatégorieset desystèmes d'interprétation, voireendes procédures négociéesdetransformation deformu¬

lations pour les rendre recevables etopératoires selon les codes d'un univers professionnel donné (consultations juridiques ou médicales,transactions dans les commissariats ou letravail social, activité de l'écrivain public). II est ainsi possible de distinguer « langage sur letravail », « langage dans letravail » et

«langagecomme travail», etd'analyserleursrelations(11).

Étudierle discours en situation de travail, c'est étudierdes formes de lan¬

gagecoopératives et situées, inscrites dans une culture pratique commune et desactions partagées, structurées par lescontraintes de tâches, de l'espace matériel, parles caractéristiques concrètes dessupports de travail, par desrou¬

tines, des schemes d'action, des rôlesstatutaireset fonctionnels. L'inscription dans les énoncés ducontexte extralinguistique et des connaissances d'arrière- plan propresà ungroupe estunélémentfondamental delasignification: l'ana¬

lysedoit par exemples'affronteràune variétéde formes predicativesoù lethème est assuréparunélément non linguistique, ainsiqu'à l'articulation du langageà d'autresformesd'activité sémiotique(inscriptions,graphes,signesgestuels).

Cependant, prendre en compte les apports detravaux sur la cognition situéeetdistribuée,surlelangageetlespratiquesd'inscriptionensituation pro¬

fessionnelle issus de l'ethnométhodologie, de l'ergonomie, de l'analyse dedis¬

cours, ne peut aider àcomprendre letravail de l'enseignant qu'àcondition de tenir compte de saspécificité par rapport àd'autres formes de travail. Elleest en particulierde viser des apprentissagesetde mettre enjeu des savoirs, des notions et desdémarches précisément inscrits dansdestraditions disciplinaires.

L'analyse des conduites professionnelles de l'enseignant dans sa classe, ses savoir-fairedanslagestiondutemps, sesgestesetsaposition corporelle, son usagedel'espace ou des outilsmatérielsdoit s'articuleràune réflexionspécifi¬

quementdidactique, et voir commentuneactivité corporelle, un usage del'es¬

pace,despratiquesd'inscription,lerecours àdessupportssont déterminéspar, et enmêmetempscontribuentà ladéfinitionet lastructuration de telleoutelle connaissance oucompétence àinstaurerdans undomaine disciplinaire donné.

Ainsi, pour reprendre l'exemple de lalectureméthodique, la définitiondel'acti¬

vité que peut sedonner un élève passe, entre autres, par ce que l'enseignant retientcomme légitime pour figurerdans latraceécrite, etcequ'il choisit de ne pasécrire.

Ce travail est déjà engagé dans certaines disciplines, en mathématiques notamment; mais il nesoulève pas lesproblèmesde réflexivité que posent les interactions declasseportant sur des objets de discourscomme lestextes, des usages langagiers comme l'argumentation, ou sur la langue elle-même. C'est peut-être unedes raisonspourlesquelles les descriptions précisessur letravail concret de l'enseignant, sesgestes professionnels, son usageeffectif dematé¬

riels et d'outils sont plutôt moins nombreuses en didactique du français que dans d'autres didactiques (sauf pour l'étayage dans l'apprentissage de la lecture (12)). Cette étude parait pourtant d'autant plus intéressante pour des

(11) LACOSTE (1995).

(12) Voirparexempleletravailde GOIGOUX.

(5)

enseignants de français qu'analyser ces pratiques ordinaires du discours en situationdidactique amèneàmobilisercomme outils lesnotions,lessavoirs, les questions,lesdémarches d'analyse quisont justementlesobjetsd'investigation etd'enseignementde ladiscipline,etpeutleséclairerautrement.

2. ÉCRIREAUTABLEAU, UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE:

LETABLEAU NOIRCOMMEOUTILDEL'ENSEIGNANT

L'usage de cet outil si ordinaire et quotidien du travail de l'enseignant qu'estletableau noirenestunexempleparticulièrementsignificatif.

Noterau tableau constitue undes gestes professionnels les plus sponta¬

nés, les plus fréquents, et malgré la complexité de cette pratique, malgré des difficultés de mise en

uvre,

les moins étudiés de l'enseignant. L'usage du tableau par un enseignant peut être l'occasion de jugements normatifs, de conseilsetde prescriptions, commeon levoitdanslesrapports de visites faites aux enseignantsenformation; maiscela restelaplupart dutemps àun niveau institutionnel ouàceluiducompagnonnage,àtitre de recette et de savoir-faire pratique. IIfaitpartiedeces objets méconnus, invisibles et illégitimes delapra¬

tique, des proto-savoirs de l'enseignant enquelque sorte, qui n'ont pas encore accédéà ladignitéd'objetsde descriptionou deformation, encore moins d'ob¬

jets théoriques légitimes.

Pourtant ce geste professionnel si quotidien pose des problèmes théo¬

riques considérables. IIest doublement important, d'une partpour l'analyse de l'activité de l'enseignant et de l'activité des élèves dans unetâche scolaire quelle qu'elle soit, comme cela a été analysé par exemple endidactique des mathématiques(13), etd'autrepart, pour celledufonctionnement des discours danslaclasse, notamment pourmieux cernerles rapports complexes de l'oral etde l'écrit.Acedouble titre, ilintéressel'enseignantd'unepartentant qu'en¬

seignant,commelieuproblématique oùs'articulent son activité d'enseignement etl'activité d'apprentissage de l'élève (avec laspécificitéqu'ici ellesportent sur des faitsde discoursou surla langue),et d'autre partentant qu'enseignantde français, commelieuproblématiqueoùs'articulent, dansleurscontinuités, leurs rupturesetleurstransformations réciproques, desdiscours oraux et des traces écrites.

Letableau noirdelaclassepeut êtreconsidérécommeunoutil etcomme une médiation dans letravail didactique, en plusieurs sens du terme et à plu¬

sieursniveaux.

2.1. Letableau

noir

comme

médiateur d'action

IIestd'abord pour l'enseignantunmédiateurpour l'action,entantqu'objet matériel, et en même temps hautement symbolique. Par samatérialité spéci-

(13) RODITI(1996);NADOT, inBLANCHARD-LAVILLE (1997);ROBERT,VANDEBROUCK (2001).

enseignants de français qu'analyser ces pratiques ordinaires du discours en situationdidactique amèneàmobilisercomme outils lesnotions,lessavoirs, les questions,lesdémarches d'analyse quisont justementlesobjetsd'investigation etd'enseignementde ladiscipline,etpeutleséclairerautrement.

2. ÉCRIREAUTABLEAU, UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE:

LETABLEAU NOIRCOMMEOUTILDEL'ENSEIGNANT

L'usage de cet outil si ordinaire et quotidien du travail de l'enseignant qu'estletableau noirenestunexempleparticulièrementsignificatif.

Noterau tableau constitue undes gestes professionnels les plus sponta¬

nés, les plus fréquents, et malgré la complexité de cette pratique, malgré des difficultés de mise en

uvre,

les moins étudiés de l'enseignant. L'usage du tableau par un enseignant peut être l'occasion de jugements normatifs, de conseilsetde prescriptions, commeon levoitdanslesrapports de visites faites aux enseignantsenformation; maiscela restelaplupart dutemps àun niveau institutionnel ouàceluiducompagnonnage,àtitre de recette et de savoir-faire pratique. IIfaitpartiedeces objets méconnus, invisibles et illégitimes delapra¬

tique, des proto-savoirs de l'enseignant enquelque sorte, qui n'ont pas encore accédéà ladignitéd'objetsde descriptionou deformation, encore moins d'ob¬

jets théoriques légitimes.

Pourtant ce geste professionnel si quotidien pose des problèmes théo¬

riques considérables. IIest doublement important, d'une partpour l'analyse de l'activité de l'enseignant et de l'activité des élèves dans unetâche scolaire quelle qu'elle soit, comme cela a été analysé par exemple endidactique des mathématiques(13), etd'autrepart, pour celledufonctionnement des discours danslaclasse, notamment pourmieux cernerles rapports complexes de l'oral etde l'écrit.Acedouble titre, ilintéressel'enseignantd'unepartentant qu'en¬

seignant,commelieuproblématique oùs'articulent son activité d'enseignement etl'activité d'apprentissage de l'élève (avec laspécificitéqu'ici ellesportent sur des faitsde discoursou surla langue),et d'autre partentant qu'enseignantde français, commelieuproblématiqueoùs'articulent, dansleurscontinuités, leurs rupturesetleurstransformations réciproques, desdiscours oraux et des traces écrites.

Letableau noirdelaclassepeut êtreconsidérécommeunoutil etcomme une médiation dans letravail didactique, en plusieurs sens du terme et à plu¬

sieursniveaux.

2.1. Letableau

noir

comme

médiateur d'action

IIestd'abord pour l'enseignantunmédiateurpour l'action,entantqu'objet matériel, et en même temps hautement symbolique. Par samatérialité spéci-

(13) RODITI(1996);NADOT, inBLANCHARD-LAVILLE (1997);ROBERT,VANDEBROUCK (2001).

(6)

REPÈRESN"22/2000 E. NONNON

fique, letableauluipermetd'exposerauxyeuxde tous des données auxquelles se réfère son discours, sur lesquellesil prend appui; ilest lecentred'une ges¬

tuellespécifique qui metenscène l'activité enseignante etfocalisel'attentionen jouant des alternances entre oral et écrit, et des changements de rythme (se rapprocherets'éloigner du tableau, letapoter, montrer, souligner...).II prolonge eten principe potentialiseles effetsde cediscours, en lesoustrayantautemps eten lesystématisantàtraverssareprésentation spatiale (parexempleparl'ins¬

cription du plan). II lui permet de susciter plus ou moins efficacement chezles élèves certaines actions (recopier, commenter, mémoriser, analyser une consigne...). On pourrait décrire les composantes de cet usage du tableau en tantqu'outil matériel, quelesenseignantsexploitent plusou moinsefficacement enfonction deleurexpérience etdeleursavoir-faireprofessionnel:laquantité d'écritsautableauetleurforme, lalisibilité, la répartition claire dansl'espace et les différentes zones detravail offertes par le tableau, la capacité de gérer la simultanéité de renonciation orale et del'activité publique d'écriture, une pos¬

ture particulière permettant d'écrire sans offrir trop longtemps son dos sans défenseà l'adversaire (maitrise vivement recherchée par les professeurs débu¬

tants). II y aurait donc une ergonomiede l'écriture au tableau. On peut aussi, comme je leferaiensuite, enrecenser certaines fonctions, quisesituentàdes niveaux très divers del'acte d'enseignement. Encesens, il peut êtreconsidéré comme un « effectueur », qui sert àexercer une action; selon une distinction élaborée dansle champtechnique par Simondon etreprisepar Rabardel, cette fonction distingueraitl'outil de l'instrument, défini, lui, plutôt comme un « cap¬

teur», permettant de prélever de l'information,de socialiser des connaissances, etobligeantà uneactivitécognitiveautant quepratique(14).

La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure et à quelles conditions letableau peut être un instrumentpour lesélèves. Celasuppose de voir quelles activités potentielles chezlesélèvessont suscitées par l'enseignant de parsapratique du tableau, etde quellefaçon lesélèves l'utilisent dans leur démarched'apprentissage, par exempledans leurexploitation des données ou des schématisations qu'il propose, ou dans leurpropretrace écrite. Commele propose Robertpourles mathématiques,on peutàtravers l'observation de ces usages «repérercomment letableau, pendant lesséances, joueson rôledans ladialectiquetâche prescrite par l'enseignant

/

activité de l'élève, en analysant laplacespécifique quesedonne l'enseignant»(15).

L'écritureautableau s'inscritparmil'ensembleplus largedesconduites de transmission, d'étayage ou de médiation (16) que déploie l'enseignant pour orienterlesactivités d'apprentissage,aucroisementavec lesdémarchesd'inter¬

prétation etd'appropriation des élèves, elles-mêmes inscrites dans l'ensemble des stratégiesqu'ilsmettent enµuvredans lestâches proposées. J'avais dans untravail précédent utilisé lescatégories de Bruner pour analyserl'écritureau tableau commeforme d'étayage dela partde l'enseignant,en cherchantàvoir comment lespropriétés spécifiques de cettemédiation écrite pouvaient poten-

(14) RABARDEL(1995),p 38.

(15) ROBERT,VANDEBROUCK (2001).

(16) Surladistinctionmédiation/étayage, DUMAS-CARRE et WEIL-BARAIS(1998).

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fique, letableauluipermetd'exposerauxyeuxde tous des données auxquelles se réfère son discours, sur lesquellesil prend appui; ilest lecentred'une ges¬

tuellespécifique qui metenscène l'activité enseignante etfocalisel'attentionen jouant des alternances entre oral et écrit, et des changements de rythme (se rapprocherets'éloigner du tableau, letapoter, montrer, souligner...).II prolonge eten principe potentialiseles effetsde cediscours, en lesoustrayantautemps eten lesystématisantàtraverssareprésentation spatiale (parexempleparl'ins¬

cription du plan). II lui permet de susciter plus ou moins efficacement chezles élèves certaines actions (recopier, commenter, mémoriser, analyser une consigne...). On pourrait décrire les composantes de cet usage du tableau en tantqu'outil matériel, quelesenseignantsexploitent plusou moinsefficacement enfonction deleurexpérience etdeleursavoir-faireprofessionnel:laquantité d'écritsautableauetleurforme, lalisibilité, la répartition claire dansl'espace et les différentes zones detravail offertes par le tableau, la capacité de gérer la simultanéité de renonciation orale et del'activité publique d'écriture, une pos¬

ture particulière permettant d'écrire sans offrir trop longtemps son dos sans défenseà l'adversaire (maitrise vivement recherchée par les professeurs débu¬

tants). II y aurait donc une ergonomiede l'écriture au tableau. On peut aussi, comme je leferaiensuite, enrecenser certaines fonctions, quisesituentàdes niveaux très divers del'acte d'enseignement. Encesens, il peut êtreconsidéré comme un « effectueur », qui sert àexercer une action; selon une distinction élaborée dansle champtechnique par Simondon etreprisepar Rabardel, cette fonction distingueraitl'outil de l'instrument, défini, lui, plutôt comme un « cap¬

teur», permettant de prélever de l'information,de socialiser des connaissances, etobligeantà uneactivitécognitiveautant quepratique(14).

La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure et à quelles conditions letableau peut être un instrumentpour lesélèves. Celasuppose de voir quelles activités potentielles chezlesélèvessont suscitées par l'enseignant de parsapratique du tableau, etde quellefaçon lesélèves l'utilisent dans leur démarched'apprentissage, par exempledans leurexploitation des données ou des schématisations qu'il propose, ou dans leurpropretrace écrite. Commele propose Robertpourles mathématiques,on peutàtravers l'observation de ces usages «repérercomment letableau, pendant lesséances, joueson rôledans ladialectiquetâche prescrite par l'enseignant

/

activité de l'élève, en analysant laplacespécifique quesedonne l'enseignant»(15).

L'écritureautableau s'inscritparmil'ensembleplus largedesconduites de transmission, d'étayage ou de médiation (16) que déploie l'enseignant pour orienterlesactivités d'apprentissage,aucroisementavec lesdémarchesd'inter¬

prétation etd'appropriation des élèves, elles-mêmes inscrites dans l'ensemble des stratégiesqu'ilsmettent enµuvredans lestâches proposées. J'avais dans untravail précédent utilisé lescatégories de Bruner pour analyserl'écritureau tableau commeforme d'étayage dela partde l'enseignant,en cherchantàvoir comment lespropriétés spécifiques de cettemédiation écrite pouvaient poten-

(14) RABARDEL(1995),p 38.

(15) ROBERT,VANDEBROUCK (2001).

(16) Surladistinctionmédiation/étayage, DUMAS-CARRE et WEIL-BARAIS(1998).

(7)

tialiserougauchir le dialoguede tutelle(17). Les activités conjointesautour du tableau (regarder, recopier, transformer, relire à haute voix, décomposer un énoncéoral,commenter...) nepeuvents'analyserqu'à l'intérieur d'une descrip¬

tion plus large des formes de travail de l'enseignant et des élèves dans la séance (naturedes tâches, tempslaissé auxmoments de recherche, caractère plus ou moins ouvert de ces situations, statut du tâtonnement et de l'erreur, formes de validation et d'institutionnalisation...). C'est dans ce cadre qu'on peut, commeRobert, chercheràdécrireprécisémentletableaucommesupport d'écrit (qu'est-cequifigureautableau, untexte fragmentaireou complet, struc¬

turé ou désordonné? Quand est-ce effacé?) et commesupport d'activité (qui écrit autableau? L'enseignant ou un élève, désigné ou volontaire? De façon planifiée ouimprovisée? Pourécrirequoi?Aquel moment dudéroulement des activités? Que doivent en faire les élèves : regarder, recopier, critiquer...)? La question estde voir quelle cohérences'établit entre les façons dont un ensei¬

gnant se sert de cet outil, les fonctions qu'il lui donne, et ses autres modes d'accompagnement, et, d'autre part, entre les façonsdont les élèves l'utilisent et les autresformes d'activité qu'ils exercent au cours d'une séance ou d'une séquence.

2.2. Letableau

et

son

inscription

dans lesschemes

d'action

de

l'enseignant et

desélèves

UninstrumentcomporteselonRabardelunedouble composante, «cellede l'artefact, matériel ou symbolique, et celle des schemes d'utilisation, souvent liés àdesschemesd'action plusgénéraux,quipermettentl'insertion de l'instru¬

mentcommecomposante fonctionnelle del'action ;unetelle définitionde l'ins¬

trument permet de dépasser l'apparente contradiction entre les analyses qui donnent un statut d'instrument soit à des objets externes au sujet, soit à des schemesdu sujet: cesdeux options aboutissent àlanégation d'une descom¬

posantes de l'activité instrumentale » (18). Le tableau de la classe comporte bien cette double dimension : il existe comme objet tiers, dont les caractéris¬

tiques matérielles et l'extériorité sont susceptibles de produire des effets dans l'apprentissage (latrace objective, distanciée qui échappe à la subjectivité du discours, la surfacedont l'organisation spatiale visualise et fixe des organisa¬

tions cognitives). En même temps, il prend sens par les usages qu'en fait chaque enseignant, encohérence avec lesautres schémasd'action mis enjeu dans saclasse. Comme le dit Rabardel, « un même scheme d'utilisation peut s'appliqueràunemultiplicité d'artefacts appartenantà lamême classe;inverse¬

ment, unartefact estsusceptibledes'insérer dansune multiplicité de schemes d'utilisationquivontluiattribuerdessignificationsetparfoisdesfonctionsdiffé¬

rentes ». Ainsi, même si l'usage qu'un enseignant fait du tableau peut différer selon les momentsde laséquenceou lestypesd'activitésqu'il dirige,A. Robert retrouve unegrande cohérencechez lesmêmesenseignantsdans des activités différentesd'exercices mathématiques, et unegrandevariété entreenseignants différents.

(17) NONNON(1991).

(18) RABARDEL(1995),p 40.

tialiserougauchir le dialoguede tutelle(17). Les activités conjointesautour du tableau (regarder, recopier, transformer, relire à haute voix, décomposer un énoncéoral,commenter...) nepeuvents'analyserqu'à l'intérieur d'une descrip¬

tion plus large des formes de travail de l'enseignant et des élèves dans la séance (naturedes tâches, tempslaissé auxmoments de recherche, caractère plus ou moins ouvert de ces situations, statut du tâtonnement et de l'erreur, formes de validation et d'institutionnalisation...). C'est dans ce cadre qu'on peut, commeRobert, chercheràdécrireprécisémentletableaucommesupport d'écrit (qu'est-cequifigureautableau, untexte fragmentaireou complet, struc¬

turé ou désordonné? Quand est-ce effacé?) et commesupport d'activité (qui écrit autableau? L'enseignant ou un élève, désigné ou volontaire? De façon planifiée ouimprovisée? Pourécrirequoi?Aquel moment dudéroulement des activités? Que doivent en faire les élèves : regarder, recopier, critiquer...)? La question estde voir quelle cohérences'établit entre les façons dont un ensei¬

gnant se sert de cet outil, les fonctions qu'il lui donne, et ses autres modes d'accompagnement, et, d'autre part, entre les façonsdont les élèves l'utilisent et les autresformes d'activité qu'ils exercent au cours d'une séance ou d'une séquence.

2.2. Letableau

et

son

inscription

dans lesschemes

d'action

de

l'enseignant et

desélèves

UninstrumentcomporteselonRabardelunedouble composante, «cellede l'artefact, matériel ou symbolique, et celle des schemes d'utilisation, souvent liés àdesschemesd'action plusgénéraux,quipermettentl'insertion de l'instru¬

mentcommecomposante fonctionnelle del'action ;unetelle définitionde l'ins¬

trument permet de dépasser l'apparente contradiction entre les analyses qui donnent un statut d'instrument soit à des objets externes au sujet, soit à des schemesdu sujet: cesdeux options aboutissent àlanégation d'une descom¬

posantes de l'activité instrumentale » (18). Le tableau de la classe comporte bien cette double dimension : il existe comme objet tiers, dont les caractéris¬

tiques matérielles et l'extériorité sont susceptibles de produire des effets dans l'apprentissage (latrace objective, distanciée qui échappe à la subjectivité du discours, la surfacedont l'organisation spatiale visualise et fixe des organisa¬

tions cognitives). En même temps, il prend sens par les usages qu'en fait chaque enseignant, encohérence avec lesautres schémasd'action mis enjeu dans saclasse. Comme le dit Rabardel, « un même scheme d'utilisation peut s'appliqueràunemultiplicité d'artefacts appartenantà lamême classe;inverse¬

ment, unartefact estsusceptibledes'insérer dansune multiplicité de schemes d'utilisationquivontluiattribuerdessignificationsetparfoisdesfonctionsdiffé¬

rentes ». Ainsi, même si l'usage qu'un enseignant fait du tableau peut différer selon les momentsde laséquenceou lestypesd'activitésqu'il dirige,A. Robert retrouve unegrande cohérencechez lesmêmesenseignantsdans des activités différentesd'exercices mathématiques, et unegrandevariété entreenseignants différents.

(17) NONNON(1991).

(18) RABARDEL(1995),p 40.

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REPÈRESN"22/2000 E. NONNON

Lesdifférences portent, parexemple, surlafaçon dontles rôlesde scrip¬

teuretledroit des'approprier l'espacedutableau sont répartisentreenseignant et élèves. Dans certaines classes, l'enseignant parait seul habilité à écrire au tableau, mis àpart le cas de l'élève solitaire envoyéplancher pourun contrôle ou un corrigé, étroitement cadré par le questionnement magistral ; dans d'autres, letableau apparait plus comme un espace commun, familier aux élèves, où ils sont habilités à laisserleur propre trace, pour une fonction de

« brouillonpublic » notamment. Cetterépartition des rôlesestsouvent liée à la naturedecequi estécrit: plutôt untexte structuré,fixantles informations légi¬

times, centré surtout surlafonction de stockage de la prisede notes, ou des bribes en cours de formulation, trace d'un tâtonnement et objet de reformula¬

tions, plus centrées sur lafonction de structuration de laprise de notes (19).

Ainsiunedes classesoùj'observedesséquences(CoursMoyen) secaractérise parunusagefréquent, danstouteslesdisciplines,du tableaucommebrouillon public et lieu desocialisation des tâtonnements. Parexemple plusieurs élèves travaillent simultanément au tableau, chacun dans sa zone, pendant que les autrescherchent sur papier: letableau gardelatrace de leurshésitationset de leurs changements de stratégie, dont il estadmis qu'ils ont un statut public et peuvent fairel'objetdecommentaires. Cettepratique converge avecunfréquent usage du tableau chez l'enseignant lui-même, comme notation au fur et à mesured'idées, de bribes d'hypothèses, deformulations intermédiaires émises parlesélèves(20). Cetusagedel'outilqu'estletableaus'inscritdansdeshabi¬

tudesplus générales de socialisation destâtonnements à travers l'oral et les écrits intermédiaires(affichages,cahierdeclasse),etfait échoàunefocalisation importante surlesdémarchesde travailet les méthodesde raisonnement, sen¬

sible danslediscours de l'enseignant. IIs'inscrit égalementdansdeshabitudes de mobilité des élèves dans l'espacede la classe, de variétédes lieux et des modes de regroupement, des postures des élèves : par exemple, ilss'assoient parfois par terre autour du tableau ou restent debout près de lui, pourécouter lescompte-rendusetcommentairesdeschémasdeleurscamarades.

Les différentes zones du tableau, ou les différentstableaux disponibles dans laclassepeuventd'ailleurssedifférencier chezunmême enseignantselon cesfonctions etle statut de ce qui est écrit (d'un côtéla notationdestâtonne¬

ments, d'un autre la notation des traces validées à conserver dans le cahier), comme on le voit notamment dans les séances de lecture méthodique. Mais mêmeau lycée, l'interprétation de cette répartition fonctionnelleenzonesselon

(19) Pour ladoublefonctionde laprisede notes,fonctiondestockage(centréesurl'ac¬

cumulation et la mémorisationd'informationspourunusageultérieur),etfonctionde structuration,FRENAY,BONHIVERS,PAQUAY(1990).Voiraussi BESSONNAT (1995).

(20) ClassedeD.Marissal,école Trulin, Lille;lesséances filméesportentd'unepart, sur uneséried'exercicesouverts demathématiques où plusieurs élèvestâtonnent simul¬

tanémentautableaupourrésoudreleproblème (problème Ermel des troisnombres qui sesuivent, DOUAIRE 1998), les autresvenantensuitecompléter, commenterla procédure, etd'autrepart, sur l'élaboration dequestionsaudébut d'uneséquence de sciences de laviesur le mouvement, où le maitre note aufuret àmesure les bribesde formulations successives, jusqu'à l'inscription des questions validées.

Cettedeuxième séanceafaitl'objetd'une analyse,d'un pointde vue différent, dans le17de Repères(1998).

REPÈRESN"22/2000 E. NONNON

Lesdifférences portent, parexemple, surlafaçon dontles rôlesde scrip¬

teuretledroit des'approprier l'espacedutableau sont répartisentreenseignant et élèves. Dans certaines classes, l'enseignant parait seul habilité à écrire au tableau, mis àpart le cas de l'élève solitaire envoyéplancher pourun contrôle ou un corrigé, étroitement cadré par le questionnement magistral ; dans d'autres, letableau apparait plus comme un espace commun, familier aux élèves, où ils sont habilités à laisserleur propre trace, pour une fonction de

« brouillonpublic » notamment. Cetterépartition des rôlesestsouvent liée à la naturedecequi estécrit: plutôt untexte structuré,fixantles informations légi¬

times, centré surtout surlafonction de stockage de la prisede notes, ou des bribes en cours de formulation, trace d'un tâtonnement et objet de reformula¬

tions, plus centrées sur lafonction de structuration de laprise de notes (19).

Ainsiunedes classesoùj'observedesséquences(CoursMoyen) secaractérise parunusagefréquent, danstouteslesdisciplines,du tableaucommebrouillon public et lieu desocialisation des tâtonnements. Parexemple plusieurs élèves travaillent simultanément au tableau, chacun dans sa zone, pendant que les autrescherchent sur papier: letableau gardelatrace de leurshésitationset de leurs changements de stratégie, dont il estadmis qu'ils ont un statut public et peuvent fairel'objetdecommentaires. Cettepratique converge avecunfréquent usage du tableau chez l'enseignant lui-même, comme notation au fur et à mesured'idées, de bribes d'hypothèses, deformulations intermédiaires émises parlesélèves(20). Cetusagedel'outilqu'estletableaus'inscritdansdeshabi¬

tudesplus générales de socialisation destâtonnements à travers l'oral et les écrits intermédiaires(affichages,cahierdeclasse),etfait échoàunefocalisation importante surlesdémarchesde travailet les méthodesde raisonnement, sen¬

sible danslediscours de l'enseignant. IIs'inscrit égalementdansdeshabitudes de mobilité des élèves dans l'espacede la classe, de variétédes lieux et des modes de regroupement, des postures des élèves : par exemple, ilss'assoient parfois par terre autour du tableau ou restent debout près de lui, pourécouter lescompte-rendusetcommentairesdeschémasdeleurscamarades.

Les différentes zones du tableau, ou les différentstableaux disponibles dans laclassepeuventd'ailleurssedifférencier chezunmême enseignantselon cesfonctions etle statut de ce qui est écrit (d'un côtéla notationdestâtonne¬

ments, d'un autre la notation des traces validées à conserver dans le cahier), comme on le voit notamment dans les séances de lecture méthodique. Mais mêmeau lycée, l'interprétation de cette répartition fonctionnelleenzonesselon

(19) Pour ladoublefonctionde laprisede notes,fonctiondestockage(centréesurl'ac¬

cumulation et la mémorisationd'informationspourunusageultérieur),etfonctionde structuration,FRENAY,BONHIVERS,PAQUAY(1990).Voiraussi BESSONNAT (1995).

(20) ClassedeD.Marissal,école Trulin, Lille;lesséances filméesportentd'unepart, sur uneséried'exercicesouverts demathématiques où plusieurs élèvestâtonnent simul¬

tanémentautableaupourrésoudreleproblème (problème Ermel des troisnombres qui sesuivent, DOUAIRE 1998), les autresvenantensuitecompléter, commenterla procédure, etd'autrepart, sur l'élaboration dequestionsaudébut d'uneséquence de sciences de laviesur le mouvement, où le maitre note aufuret àmesure les bribesde formulations successives, jusqu'à l'inscription des questions validées.

Cettedeuxième séanceafaitl'objetd'une analyse,d'un pointde vue différent, dans le17de Repères(1998).

(9)

lestatutdesdiscours notés ne va pasdesoi pourlesélèves (21). Lefaitsi fré¬

quentd'être« perdu »devantletableau, de nepassavoiry circuler,dedeman¬

dersi quelque chosed'inscritautableau est ànoter rejointd'autres indicateurs quisignalentque certains élèves n'intègrent pas l'organisationfonctionnelle des différentessous-tâches et des moments hiérarchisésdela leçon,doncles fron¬

tièresentreséquences etlestatutdesactivités langagières quiy sont successi¬

vementengagées,comme l'avaitmontré Brossard(22). Letableau nesuffit pas à imposer son ordreetsa hiérarchisation, satransparenceest unevue del'es¬

prit:ilfautqu'ilsoit reconstruitàtraversl'interprétation.

2.3. Le

tableau comme

producteur devaleur

Lestatut d'objet symboliquedu tableau, précédemment mentionné (23), est partie prenante de son rôle d'outil dans le travail de l'enseignant.

L'inscription autableaujoue son rôle encequ'elle montre, de façontangible et palpable, l'importance de certaines choses dites, leur légitimité àdevenir objet d'un stockage: elleattribue delavaleur. Encesens,elleest une pièceirrempla¬

çabledansl'économie du travailscolaire:elletémoignequ'ils'effectue quelque chose dans la classe qui peut être produit et montré, qui crée de lavaleuren termesdesavoirsouderésultats.Letableautientdonc sa place, entrelecahier del'élève et,pour l'enseignantlecahierdetextes(ausecondaire)ou lefichier de préparations(en primaire), pourservirdegarant dutravailet octroyer dela légiti¬

mation. L'oral, fugace etinsaisissable, a du mal à imposersavaleurde travail, auxyeuxdes enseignantsetdes élèvescommeàceux del'institution; il parait en proie à un perpétuel gaspillage, une déperdition, il semblene rien produire.

Latraceécrite garantit letravailfourni, permetd'institutionnaliser et decapitali¬

serdes acquis, engrange pourun usage ultérieurles profits tirés d'uneleçon :

c'est souventàtraverscettetracequel'oralparvientàlégitimer sa place etàse réintégrerdanslalogiquegénéraledel'économie scolaire. Lavogueactuelle de ladictéeàl'adulteenmaternelle, menéeparfois defaçon hâtive etproductiviste quand elle n'estpas précisément pensée en fonction d'objectifs d'apprentis¬

sage précis, me semble teniren partie à lavisibilité du produit qu'elle permet d'afficheroud'échanger, à ladifférenced'un travail même intensed'énonciation àl'oral,quioffrepeudeprisespour lareconnaissancedu travail.

Cettefonction du tableau comme producteur de valeur sous-tend plusieurs caractéristiques desonusage.

2.3.1. Une première caractéristique est la légitimité qui s'attache aux énoncésinscritsautableau,qu'ils'agisse de ceuxdel'enseignantou de ceux d'élèves.

(21) Commel'ont observé avecsurprise des professeurs-stagiaires defrançais ensei¬

gnant en seconde. A. Balduyck, S. Lamant : Prise denotes, prise en charge.

Mémoireprofessionnel Départementde Lettres IUFM de Lille (2001).

(22) BROSSARD(1985).

(23) Surcertaines anciennes photos de classe de l'école républicaine, maitre etélèves posentfièrementdevantce tiers personnage de la classe,témoin etgarant calligra¬

phique de la valeur du travail.

lestatutdesdiscours notés ne va pasdesoi pourlesélèves (21). Lefaitsi fré¬

quentd'être« perdu »devantletableau, de nepassavoiry circuler,dedeman¬

dersi quelque chosed'inscritautableau est ànoter rejointd'autres indicateurs quisignalentque certains élèves n'intègrent pas l'organisationfonctionnelle des différentessous-tâches et des moments hiérarchisésdela leçon,doncles fron¬

tièresentreséquences etlestatutdesactivités langagières quiy sont successi¬

vementengagées,comme l'avaitmontré Brossard(22). Letableau nesuffit pas à imposer son ordreetsa hiérarchisation, satransparenceest unevue del'es¬

prit:ilfautqu'ilsoit reconstruitàtraversl'interprétation.

2.3. Le

tableau comme

producteur devaleur

Lestatut d'objet symboliquedu tableau, précédemment mentionné (23), est partie prenante de son rôle d'outil dans le travail de l'enseignant.

L'inscription autableaujoue son rôle encequ'elle montre, de façontangible et palpable, l'importance de certaines choses dites, leur légitimité àdevenir objet d'un stockage: elleattribue delavaleur. Encesens,elleest une pièceirrempla¬

çabledansl'économie du travailscolaire:elletémoignequ'ils'effectue quelque chose dans la classe qui peut être produit et montré, qui crée de lavaleuren termesdesavoirsouderésultats.Letableautientdonc sa place, entrelecahier del'élève et,pour l'enseignantlecahierdetextes(ausecondaire)ou lefichier de préparations(en primaire), pourservirdegarant dutravailet octroyer dela légiti¬

mation. L'oral, fugace etinsaisissable, a du mal à imposersavaleurde travail, auxyeuxdes enseignantsetdes élèvescommeàceux del'institution; il parait en proie à un perpétuel gaspillage, une déperdition, il semblene rien produire.

Latraceécrite garantit letravailfourni, permetd'institutionnaliser et decapitali¬

serdes acquis, engrange pourun usage ultérieurles profits tirés d'uneleçon :

c'est souventàtraverscettetracequel'oralparvientàlégitimer sa place etàse réintégrerdanslalogiquegénéraledel'économie scolaire. Lavogueactuelle de ladictéeàl'adulteenmaternelle, menéeparfois defaçon hâtive etproductiviste quand elle n'estpas précisément pensée en fonction d'objectifs d'apprentis¬

sage précis, me semble teniren partie à lavisibilité du produit qu'elle permet d'afficheroud'échanger, à ladifférenced'un travail même intensed'énonciation àl'oral,quioffrepeudeprisespour lareconnaissancedu travail.

Cettefonction du tableau comme producteur de valeur sous-tend plusieurs caractéristiques desonusage.

2.3.1. Une première caractéristique est la légitimité qui s'attache aux énoncésinscritsautableau,qu'ils'agisse de ceuxdel'enseignantou de ceux d'élèves.

(21) Commel'ont observé avecsurprise des professeurs-stagiaires defrançais ensei¬

gnant en seconde. A. Balduyck, S. Lamant : Prise denotes, prise en charge.

Mémoireprofessionnel Départementde Lettres IUFM de Lille (2001).

(22) BROSSARD(1985).

(23) Surcertaines anciennes photos de classe de l'école républicaine, maitre etélèves posentfièrementdevantce tiers personnage de la classe,témoin etgarant calligra¬

phique de la valeur du travail.

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