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Gravitation et quanta
Jacques Solomon
To cite this version:
GRAVITATION ET
QUANTA
Par JACQUES SOLOMON.Sommaire. 2014 On étudie tout d’abord s’il est possible de parler sans contradiction de loi de Newton
entre les particules élémentaires. Pour cela on discute de façon détaillée l’ « expérience idéale » qui doit
per-mettre de vérifier l’applicabilité de la loi de Newton dans le domaine considéré. On étudie ensuite les pro-blèmes que pose la quantification du champ de gravitation et on discute enfin quelques conséquences de la théorie cosmologique présentée récemment par Dirac.
Introduction. - Pendant
longtemps,
gravita-tion et
quanta
ont paru deux domaines très loin-tains : lepremier
s’étendant auxphénomènes
àgrande
échelle,
le second aumicroscopique.
Lafaiblesse des forces de
gravitation
vis-à-vis des forcesélectromagnétiques
semblait d’ailleursjustifier
cetteséparation.
Aureste,
ilapparaissait
possible
sansgrandes
difficultés(1)
degénéraliser
le formalismede la
mécanique quantique
dans un espace rieman-nienquelconque.
Comme il n’en résultait aucuneconséquence
importante, toujours
en raison de lapetitesse
des forces degravitation,
il ne semblait pas que cesujet
fûtsusceptible
deprogrès
importants.
Toutefois,
depuis quelque
temps,
laquestion
desrapports
entregravitation
etquanta
arepris
de l’intérêt pour deux raisons essentiellement. Tout
d’abord on a
cherché,
suivant unesuggestion
dePauli,
à mettre en relation lesneutrinos,
dontl’in-tervention est nécessaire pour assurer dans les
phé-nomènes nucléaires la conservation de
l’énergie
etde la
quantité
demouvement,
avec les ondesgravi-tationnelles. D’autre
part,
les recherchesd’Eddington
et deMilne,
quelque
discutées’
qu’elles
soient,
ontamené à examiner à nouveau la théorie
quantique
de la
gravitation.
Le but duprésent
travail n’est autre que de contribuer à éclaircir cette difficilequestion.
1. L’examen du
problème
des relations entre théorie de lagravitation
et théorie desquanta
aconduit récemment certains auteurs
(2)
à mettre enquestion
lapossibilité
deparler
defaçon conséquente
de forcesgravifiques
entreparticules
élémentaires.Le raisonnement est le suivant : la variation
d’im-pulsion
de l’une desparticules pendant
letemps
demesure
0 t,
dûe à la forcegravifique
doit êtresupé-rieure à
l’imprécision
« naturelle » surl’impulsion ~ p :
(où
G est la constante de lagravitation
deNewton,
M la masse des deuxparticules,
r leurdistance,
(1) E. SCHRODINGER, Berl. Ber, 1936; W. PAULI et J. SOLOMON, J. Physique, 1932, 3, 582 ; V. FOCK, J. Physique, 1929, 10, 392 ;
cf. cependant la remarque de L. BRILLOUIN dans son livre sur
les Tenseurs en mécanique et en élasticité, p. 201.
(2) W. HEITLER, L. NORDHEIM, E. TELLER, cités par GAMOW,
Phys. Z., 1937, 38, p. 814.
0r
l’imprécision
surcelle-ci, A
la constante de Planck divisée par2 n).
D’autre
part,
ledéplacement
desparticules
pen-dant le
temps
que dure la mesure doit être faible vis-à-vis de leur distance :d’où,
en combinant(1)
et(2)
soit une distance de l’ordre du rayon de l’univers. La mesure serait donc
impossible.
Si l’on
applique
de telles considérations auxélec-trons et à la loi de
Coulomb,
on voitqu’il
seraitimpossible
deparler
del’application
de cette loi à h2des distances inférieures
à me2@
c’est-à-direjustement
me J
dans le domaine
atomique.
C’est ainsi parexemple,
que toute la théorie de l’atome
d’hélium,
dont on connaît l’extrêmeprécision,
enparticulier
grâce
aux efforts de E.Hylleraas
(1)
est basée surl’hypo-thèse
qu’entre
deux électrons existe une interaction 2de Coulomb
e .
Or ces deux électrons sont en moyenner
à une distance inférieure à
2. Pour résoudre cette
difficulté,
ilimporte
dedistinguer
deux ordres deproblèmes
que l’onpeut
se poser à propos de mesure duchamp :
a)
Mesure duchamp
en unpoint
déterminé del’espace-temps
(ou
defaçon
plus
précise,
valeurmoyenne du
champ
pour unpetit
élément de volume del’espace-temps).
b)
Mesure de la forces’exerçant
sur uneparticule
donnée. Ces deux
problèmes
ne fontqu’un
dans lathéorie
classique.
Lesprofondes
recherches de Bohr et Rosenfeld(2)
nous ontmontré,
tout au moinsdans le cas du
champ électromagnétique
que pour(1) Voir l’article de H.-A. BETHE, Handbuch der Physik, XXIV /I, p. 324 et suiv.
(2) N. BOHR et L. ROSENFELD, Dansk Vidensk. Selk, 1933,
12. 8.
480
obtenir la
précision optima
dans la mesure, il fautjustement
faire usage de corpsd’épreuve composés
d’un
grand
nombre departicules
élémentaires.L’uti-lisation d’un électron par
exemple
pourexplorer
les
propriétés électromagnétiques
d’uneportion
del’espace
n’est pascompatible
avec la condition deprécision
maximum(1).
Le
problème
se pose d’unefaçon
toute différentelorsqu’il s’agit
de vérifierqu’une
particule
élémen-taire est soumise à une loi de forces donnée. Onpeut,
en
effet,
alors suivre laparticule
dans sonmouve-ment, et,
comme nous allons le montrer, ceci per-mettra la vérification enquestion.
3. Soit t. l’instant
auquel
nouscommençons
l’examen de l’évolution du
système
constitué par les deuxparticules
etsoit ~ (t)
leur distance. Nous forme-rons donc à l’instant to deuxpaquets
d’ondes dedimensions
Orl
et~r2
et le théorème d’Ehrenfestnous
apprend
que les lois de ladynamique classique
seront
applicables
aux centres degravité
des deuxpaquets
d’ondes pourvu que lechamp
ne varie pastrop
sur l’étendue dupaquet
d’onde,
soit endésignant
defaçon
générale
la forcepar F
ce
qui
pour le cas de la loi de Newton(comme
pour la loi deCoulomb),
nous donnesimplement
lacondi-tion
Autrement
dit,
à moins que les deuxtrajectoires
ne serapprochent
aupoint
de voir se chevaucher lesdeux
paquets
d’onde,
lamécanique
classique
esttoujours applicable,
on pourra suivre latrajectoire
de chacune des deuxparticules,
l’identifier aupoint
de vuegéométrique
et en déduire de manière ration-nellel’expression
exacte de la loi d’interactionqui
est à sonorigine.
4. Examinons maintenant les restrictions que nous
impose
la relation(4).
S’ils’agit
de deuxparti-cules
libres,
en l’absence de toute autre interactionque leur interaction
mutuelle,
et si lesystème
de référence est à peuprès
au repos parrapport
aucentre de
gravité
dusystème,
on sait que la limite.
f’ . d .. It
P inférieure de
br1
seraapproximativement
-.2013.
Parmi
conséquent,
tant que les deuxparticules
sont à unedistance
supérieure
àl’application
de la loi de Newtonpeut
êtregarantie.
Il est par ailleurs clairqu’à
ces distances même s’ils’agit
departicules
neutres(neutrons),
lesinter-actions autres que l’interaction de Newton sont considérablement
plus
importantes
que celle-ci et conditionnent l’évolution dusystème.
(1) Cf..T. SOL 0 1B1 0 N, J. Phys., 1933, 4, 368-387.
Si les deux
particules
sont soumises à un autrechamp
(c’est
parexemple
le casdéjà
cité des deux électrons de l’atomed’hélium),
ilpourrait
semblerque
Ari, prenant
alors des valeursbeaucoup
plus
élevées,
la loi de Newton(ou
deCoulomb)
ait sonchamp
de validité sensiblement réduit. Parexemple
pour l’atomed’hélium,
~r1 est de l’ordre des dimen-sionsatomiques
et l’on retomberait sur les para-doxesindiqués précédemment.
Mais il suffit dansce cas d’avoir pu faire la démonstration pour des
particules
libres pour être certains quel’application
à des
particules
liées de cequi
est vérifié pour desparticules
libres nepeut
en aucun cas amener à descontradictions avec les résultats
expérimentaux.
On remarquera d’ailleurs que dans la théorieclassique
également
on rencontrerait ceproblème
parexemple
dans l’étude des électrons dans les métaux et dans
bien d’autres
questions.
5. Revenons maintenant à
l’expérience
décriteau
paragraphe
3 et voyons defaçon
plus
précise
comment onpeut
éviter lesparadoxes
énoncés audébut de ce travail. La condition
(1)
s’écritet nous
impose
une restrictionlorsque
nous nous proposons de mesurer lechamp
à un instant t donné : la mesure doit être d’autantplus longue
que lesparticules
considérées sontplus
distantes et par suite que leur interaction estplus
faible. Mais cecine contredit nullement notre
procédé
de
mesurequi
consiste à suivre laparticule
lelong
de satra-jectoire.
En accord avec les considérations
précédentes,
la condition
(2)
prend
elle aussi un tout autre sens.Nous suivons les deux
particules
lelong
de leurstrajectoires,
c’est-à-dire lagrandeur
de leursdépla-cements
pendant
letemps
de mesure causés par leurinteraction mutuelle. De
façon plus
précise
larela-tion
(1)
(ou (5)
serapporte
à l’interaction incon-trôlablequi
s’introduit dans une mesure. Par contre, la relation(2)
n’est nullement liée à une interactionincontrôlable ;
tout aucontraire,
elle faitpartie
inté-grante
du processus de mesure, elle marque, commenous venons de le
dire,
ledéplacement
lelong
de latrajectoire,
c’est-à-direjustement
cequi
faitl’objet
de la mesure.
Tout autre serait évidemment la situation si nous
imposions
de connaître directement la forcequ’exerce
une
particule
sur l’autre en unpoint
et à un instant donnés. Mais nous avons vu auparagraphe
2qu’il
s’agirait
là d’un tout autreproblème.
La condition(2)
par suite ne nousimpose
aucune restriction : elle nousindique
seulement que lalongueur
de l’arc par-couru par laparticule
pendant
la mesure estet c’est seulement si on y
joint
la condition(5)
quele
déplacement
serasupérieur
à
6. Nous commençons à suivre nos deux
parti-cules à l’instant t = to. A ce moment nous mesurons leurquantité
de mouvement pi(to)
et P2(to).
Soit 1"la durée de cette mesure, v et v’ les vitesses avant et
après
la mesure.On sait
(1)
que l’incertitude sur p est au moinsLa théorie de la relativité nous montre que v - v’
ne saurait
dépasser
la vitesse de la lumière c, de sortequ’on
obtient laprécision
maximum «ur 1> enposant
A cette incertitude sur la
quantité
de mouvement est d’ailleurs liée une incertitudesur la
position
de laparticule.
D’autre
part
le mouvement dechaque particule
est défini par
-d’où l’on tire par
intégration
lelong
de latrajectoire
Notre
problème
consistant en la vérification decette
relation,
nous mesurerons lesquantités
demouvement initiale et
finale,
ainsi quel’intégrale
du second membre.
D’après (6),
l’erreur commisesur le
premier
p membre est de l’ordrede , alors
queCT q
l’ordre de
grandeur
du second membre estQuant
à l’erreurqu’il
estpossible
de commettre surl’évaluation du second
membre,
onpeut
l’évaluerd’après (7)
àL’incertitude relative sera dans le
premier
caset dans le second cas
(1) Cf. p. ex. ~’V. PAULI, Handbuch der Physik, XXIV /I, p. 93.
I)e
(10)
on tire la conditionet à
fortiori, d’après
(11)
ce
qui
nousindique
que ledéplacement pendant
la.. h2
N
mesure est certainement
supérieur
àGM Nous
re-tombons donc sur les
paradoxes
que nous avions voulu éviter.7. En
fait,
nous allons voir que c’estl’appli-cation brutale de formules telles que
(6)
qui
nous aconduit à des
paradoxes.
L’échange
incontrôlabled’énergie
entresystème
mesuré etappareil
de me-surequi
caractérise l’observation dans lamécanique
quantique
n’a pas en effet pourconséquence
commeon le dit
souvent,
quelorsque
laposition
estdétermi-née,
laquantité
de mouvement est indéterminée et vice-versa. Cequi
estindéterminé,
dans les limitesprécisées
par lamécanique quantique,
c’est ladiffé-rence entre la
quantité
de mouvement(par exemple)
avant la mesure et
après
la mesure. C’est ainsiqu’une
détermination
précise
de laposition
d’uneparticule
estparfaitement compatible
avec la connaissanceprécise
de saquantité
de mouvement à l’instant oùcommence la mesure. C’est la
quantité
demouve-ment
après
la mesurequi
est indéterminée.La distinction bien souvent n’est pas faite parce
qu’on
s’intéresse à laprédiction
des états ultérieursdu
système,
prédiction
pourlaquelle
naturellement la connaissance de laquantité
de mouvement(ou
de la
position)
après
la mesureimporte
seule. maisici,
cette distinction va se révéler essentielle. Il est clairqu’elle
résulte del’applicabilité
duprincipe
de conservation del’énergie
et de laquantité
demouvement au
système : particules
observées -pappareil
de mesure.Par
exemple,
nous pourrons enprincipe
mesurernotre
quantité
de mouvementpuis,
après
un inter-valle detemps
arbitrairementpetit,
mesurer laposi-tion : l’erreur commise est au
plus
czi, etpeut-être
rendue aussipetite
que l’on veut. On aura ainsi mesuré laquantité
de mouvement avant la mesurede la
position qui
pourra être aussiprécise
que l’on veut et entraînera une incertitude enconséquence
sur. laquantité
de mouvementaprès
la mesure.Si maintenant nous considérons la
quantité
demou-vement à la fin de notre
expérience
sur lagravita-tion p
(to
+T),
il est clair que seule nous intéressela valeur de p avant la détermination de
celle-ci,
c’est-à-dire au début de l’intervalle de
temps
z.C’est ce que l’on
peut
réaliser parexemple,
en482
de masse ~1’r.. On pourra observer le recul de celui-ci
au moment du choc avec toute la
précision
dési-rable et par suite p
(t.
-f-T)
sans aucune incerti-tude.Au
contraire,
pour la détermination de p(t.),
c’est de sa valeuraprès
la mesure que nous avons besoin et il est clairqu’il
nous estimpossible
d’uti-liser le même raisonnement.
8.
Imaginons
un instantqu’il
s’agisse
de mettre en évidence l’interaction de Coulomb entredeux
particules.
On utilisera à cet effet ledispositif
de lafigure
1.Les deux
particules
pénètrent
par des orifices de dimensions linéaires Ax dansl’appareil
de mesurer~g.1.
et sont
séparés
l’un de l’autre par une cloison delongueur
L. Nous savons donc que laparticule
1 à l’instant to était enA,
saposition
étant connue àAz
près
d’où une indétermination sur la dIfférence desquantités
de mouvement avant etaprès
le pas-sage par Aqui
est de l’ordrede . Nous
mesuronsàx
ensuite
pendant
untemps
suffisammentlong
la quan-tité de mouvement de 1(par
exemple
par effetDopp-ler).
Naturellement, pendant
cette mesure, nousignorons
complètement
laposition
de laparticule,
mais si la mesure dure letemps
tri, nous connaîtronsla
quantité
de mouvement à2013près. Diaprés
lethéo-c -11 p
rème
d’Ehrenfest,
connaissant laposition
de 1 àl’instant t à Ox
près,
connaissant d’autre par laquantité
de mouvement, nous serons en mesure decalculer à tout instant la
position
de laparticule
1tant
qu’elle
n’est soumise à aucunchamp
extérieur. Soit v la vitesse de laparticule
avant son interaction avec l’autre. "rI sera auplus
égal
àL.
L’incertitudev
relative calculée au
paragraphe
6 ne fait doncplus
..
l ’ A
l
intervenir le
temps
très court ’"t" ÑAx
mais letemps
c
"1
- L v
qui peut-être
rendubeaucoup plus
long
siv
l’on
prend v
suffisammentpetit
(quoique
naturelle-ment subsiste la relationou L suffisamment
grand.
9. En
passant
del’électromagnétisme
à lagra-vitation,
on notera que le raisonnementprécédent
est basé sur la considération d’un
appareil qui
permet
d’exclure de manièrecomplète
l’interaction entreles deux
particules
dans unerégion
déterminée del’espacé.
Il semblerait donc nécessaire de faire usage dans notreproblème
de la notion deparoi
imper-méable à la
gravitation. Supposant
admisel’exis-tence de telles
parois,
nous allons vérifier que nousavons obtenu la solution du
problème
étudié.L’incertitude relative calculée au
paragraphe
6n’est
plus
donnée parmais par
d’où la condition
qui
nous montre que ledéplacement pendant
lamesure
proprement
dite(temps T)
serasupérieur
àet la condition
(3)
est par suiteremplacée
parTout d’abord cette condition nous montre que r n’est pas limité
supérieurement
mais inférieurement. On notera ensuitequ’elle
nous fournit des ordres degrandeur
tout à fait raisonnables : il est néces-saire en effet comme nous l’avonsremarqué
au débutA S
du
paragraphe
4 que r soitsupérieur
à -m-ci
d’où unecondition
pour L :
En
prenant
un écranmatériel,
on aurace
qui
est très raisonnable.On pourra par
exemple partir
des donnéessui-vantes :
Pour que le
déplacement
soit de l’ordre de r = 10-6 cm, il faudrait que T soit de l’ordre de 101~ siècles(3.1018
sec).
Pendant cetemps,
le parcours dû àl’impulsion
initiale est de l’ordre de 1023 cm, donc très inférieur
au rayon de l’univers.
On
pourrait peut-être
encoreobjecter
auxconsi-dérations
qui précèdent qu’un
dispositif
commecelui de la
figure
1 rend difficile la détermination de l’instant où commence l’interaction newtonnienneentre les deux
particules. Mais,
vu lalongue
durée del’observation,l’erreur
possible
sur l’instant initialest
négligeable.
Et l’on observera d’autrepart,
que du fait que nous nous en sommes tenus àl’approxi-mation newtonienne de la loi de la
gravitation,
il est tout à faitconséquent
denégliger
les erreurs dûesau fait que l’interaction entre les deux
particules
ne se propage pas de manière
instantanée,
mais avecla vitesse de la lumière.
X. Il nous reste à examiner
l’emploi qui
a étéfait d’écrans opaques à la
gravitation.
On saitqu’il
n’existe pas de tels écrans dans le sens où l’on
parle
d’écrans opaques aux actionsélectromagnétiques.
Toutefois si l’ons’imagine
un écran matériel d’une certaineépaisseur,
cet écran va entrer en interactionavec les deux
particules
etperturber
leurstrajec-toires. Comme la masse de l’écran est infiniment
grande
vis-à-vis de chacun des deuxparticules,
lefait que l’une des
particules
estprésente
ou absente dans l’une des moitiés del’appareil
n’influeprati-quement
en rien latrajectoire
de l’autreparticule,
de sorte que tout se passe comme si nous avions
réellement un écran opaque à la
gravitation.
Naturellement,
le fait que l’écran modifie latra-jectoire
de deuxparticules complique quelque
peule schéma de notre
expérience,
mais n’en altèrenullement les conclusions. Il suffira en
effet,
defaire deux fois
l’expérience :
une fois avec uneparti-cule seulement et la seconde fois avec les deux
par-ticules pour
pouvoir
par différence mettre enévi-dence l’interaction newtonienne entre les deux
particules.
XI. Les
temps
et leslongueurs
qui
sont noces-saires pour mettre à exécutionl’expérience
précé-dentepeuvent
sembler de nature àjeter
un doute sur lapossibilité
de tels processus de mesure. Il faut toutefoisrappeler
que les interactions degravitation
sont extraordinairement
petites :
à distanceégale
l’attraction newtonienne de deux
protons
est 10 36 foisplus
petite
que leurrépulsion coulombienne,
il faudradonc pour la mettre en évidence des
temps
extrême-ment
longs.
D’autrepart,
aucune limitation de lon-gueur ou de durée n’est inhérente à la théorieelle-même. La notion de rayon de l’univers elle-même
doit sans doute être mise en relation avec la masse totale de l’univers et il est peu vraisemblable
qu’elle
puisse
avoirquelque
chose à faire avec leproblème
dedeux
particules.
L’essentiel dans la construction d’une telleexpérience
« idéale » estqu’elle
soitpossible
sans contradiction avec les résultatsthéoriques
connus et c’est ce
qui
semble bien résulter desdéve-loppements précédents.
XII. Nous nous sommes
placés
jusqu’ici
dans lecadre de la théorie de Newton. On
peut
examiner ceque devient la notion de
champ
degravitation
dans le domaine de la théoriegénérale
de la relativité.Le
problème
de laquantification
duchamp
degra-vitation,
qui
adéjà
donné lieu à un certain nombre de recherches donne lieu àd’importantes
difficultés.Tout d’abord les
équations
degravitation
de la théoriegénérale
de la relativité ne sont pas linéaires commeles
équations
de Maxwell. Dans le cas où l’onpeut
se borner à considérer les écarts entre lechamp
degravitation
et unchamp
de Minkowski commefaibles,
leproblème
peut
être résolu par les métho-desanalogues
à celles de laquantification
duchamp
électromagnétique
(1).
Dans ce cas,
qu’on
peut
appeler
« cas deschamps
de
gravitation
faibles », Bronstein(2)
a étudié les possi-bilités de mesure desgrandeurs
dechamp,
c’est-à-dire dans le casprésent
dessymboles
à trois indices de Christoifel. On utilise à cet effet un corpsd’épreuve
de volumeV,
de densité p. Si T est la durée de la mesure, l’erreur commise sur la moyenne d’unsym-bole tel que
[00,1]
parexemple
sur le volume V etle
temps
T est donnée parCeci montre que dans le domaine
considéré,
où leschamps
degravitation
sontfaibles,
où leprincipe
desuperposition
estvalable,
il esttoujours possible
de se donner un corps
d’épreuve
de densité suffit-samment élevée pour que l’erreur commise sur lesymbole
[00,1]
lors de sa mesure soit inférieure àtoute limite donnée. Dans ce domaine par
conséquent,
(1) L. ROSENFELD, Z. Physik, 1930, 65, 589-600 ; J. SoLOMOrr,
Z. Physik, 1931, 71, 162.
484
il y a accord entier entre les
principes
de la théorie de lagravitation
et de la théorie desquanta
et il estpossible
de construire une théoriequantique
consé-quente
de lagravitation.
En
particulier,
comme l’a montréBronstein,
demême que
d’après
Dirac,
l’interaction de Coulomb entre deuxcharges
électriséesprovient
despossi-bilités
d’absorption
et d’émission dequanta
d’énergie
électromagnétique,
l’interaction de Newton entredeux
particules
douées de masseprovient
despossi-bilités d’émission et
d’absorption
par cesparticules
dequanta
d’énergie gravifique.
On retrouve en effetainsi la loi de
gravitation
de Newton commeconsé-quence nécessaire de la théorie
quantique
de lagravi-tation,
en bon accord avec nos conclusions sur lapossibilité
effectivequ’il
y a de considérerl’inter-action de Newton entre deux
particules
élémen-taires.
XIII. Si maintenant les
champs
degravitation
ne sont pasfaibles,
si l’écart avec l’euclidicité est trèsimportant,
leproblème
se pose différemment. Toutd’abord on
pourrait
remarquer que le rayongravi-tationnel du corps servant à la mesure
doit,
pour que la mesure ait un sens, être inférieur à sesdimen-sions linéaires :
d’où une limite
supérieure
pour pet,
si 1 on en tientcompte
dans(16)
une limitation sur la mesure des crochets[00,1].
Mais on
peut
se borner à remarquer que dans les cas ’où lechamp
degravitation
n’est pasfaible,
laméthode même de
quantification,
basée sur leprin-cipe
desuperposition,
faitdéfaut,
de telle sortequ’il
n’estplus
possible
dappliquer
une relation telle que(16)
dans un sensdépourvu
dambiguïté.
Il est d’ailleurs intéressant à cepoint
de vue derappeler
que Rosen(1)
a montré que leséquations
rigoureuses
de la relativitégénérale
n’admettent pasde solutions
représentant
des ondesplanes
pola-risées
d’amplitude
finiequi
soient en mêmetemps
dépourvues
desingularités.
Si le ds2 a la formeet
qu’on
posesi une onde de courte durée
(électromagnétique
ougravifique)
passe en unpoint
donné del’espace,
onmontre
qu’à
cepoint
6 commence à décroître et con-tinue à décroîtreaprès
que l’onde apassé
jusqu’à
cequ’ait
lieu la «catastrophe n,
J - 0. Au contraire(2)
il est
possible
de considérerdes
ondescylindriques
dépourvues
desingularités.
(1) N. Rose, Sow. Phys., 1937, 12, 366-373.
(2) A. EINSTEIN et N. ROSEN, J. Frankl. Lnst, 1937, 43, 223.
De telles considérations sont de nature à mettre
sérieusement en doute la
possibilité
de concilier leformalisme
présent
de laquantification
deschamps
avec la théorie non linéaire de la
gravitation.
XIV. Dans un travailrécent,
Dirac(1)
a cherchéà donner de nouvelles bases à la
cosmologie.
Pourcela,
ilpart
de la remarque que «Page
» del’univers,
dans la théorie de
l’univers,
est de l’ordre de 2.109années ; évalué # en unités
électroniques
3’
il est doncMC3
égal
à7.1038,
soit du même ordre que lerapport
de laforce
électrostatique
à la forcegravitationnelle
entreélectron et
proton
qui
est y= 2,3.1039.
Ceci posé, il admet
que ce n’est pas là une coïncidencefortuite,
mais que cetteégalité
approximative
doit être conservéedans le cours de l’évolution de l’univers. On doit même
généraliser
ce fait et poser enprincipe
que deux nombres sans dimensions trèsgrands
inter-venant dans la nature sont reliés par une relation
mathématique simple
danslaquelle
les coefficients sont de l’ordre degrandeur
de l’unité. On supposekc M
à cet effet que les nombres 2 et - sont constants.
e m
De là Dirac tire un certain nombre de
conséquences
surlesquelles je
ne veux pas insister. Je me borneraiici à deux remarques.
Tout d’abord nous avons vu que l’on
peut
associer à la théorie de lagravitation
lalongueur
de la même
façon
exactementqu’on
associe à la théorie colombienne de l’atome lalongueur
et que
(17)
est très voisin du rayon de l’universd’après
Einstein(2) (R
=6,9.102’
cm).
Cettecoïn-cidence a
frappé
un certain nombre d’auteurs(3)
quai
ont voulu en tirer les
principes
d’une théorie «ato-mique
» de l’Univers. Il semble néanmoinsplus
rai-sonnable d’admettre que le rayon de l’univers est en relation avec le nombre total departicules (ou
avec la massetotale)
contenues dans l’univers. Dansces
conditions,
de deux choses l’une : ou M(ou m)
est en relation avec la masse totale de l’Univers ou G est en relation avec cette masse totale. Dirac élimine la
première
éventualité(théorie
deMach)
pour supposer que G varie de
façon
inversementproportionnelle
autemps
écoulédepuis l’origine
de l’univers(7.108
années seulement au momentprésent)
(1) P. A. M. DIRAC, Pr JC. Roy. Soc., 1938, 165 A, 199-208.
(2) Cf. p. ex. H. MINEUR, L’Univers en expansion (n° 63 des Actualités scientifiques et industrielles).
Ainsi alors que la
longueur ’17)
estproportionnelle
àl’âge
de l’univers et s’annule même en touterigueur
àl’origine
destemps,
les dimensions de l’atome sontindépendants
de «l’époque
». Ceci a pourconsé-quence
qu’à l’origine
destemps,
la matière est con-centrée dans un espace très réduit d’où elle diffuse dans la suite :image
où serejoignent
lesthéories,
siopposées
parailleurs,
semble-t-il,
d’Eddington
et de Milne(1).
D’autre
part,
on sait que la théorie de Fermiintro-duit dans le mécanisme de la
désintégration
une constantenouvelle
qui
semblejouer
un rôle essentiel dans la théoriedes noyaux
atomiques
(2).
D’après
leprincipe
deDirac,
Tdésignant l’époque;
on doit avoirpuisque
Gi3 ==
4.104°. On remarquera d’ailleurs que(on
sait les tentativesqui
ont été faites pour relierles
phénomènes
dedésintégration ~
auxphénomènes
gravifiques
etqui
ont pour base en somme la relationqui précède).
Dans ces conditions on sait que l’évaluation de
l’époque
actuelle à 7.108 années estbeaucoup
trop
faible euégard
aux données radioactives surl’âge
de la terre. On
peut
chercher à éliminer la difficultéen
supposant
que la loi dedésintégration
elle-même avarié,
autrement dit que ce que nousappelons
la« constante de
désintégration
» est fonction dutemps.
Dans le cas de la
désintégration ~,
la constante dedésintégration
estproportionnelle
àG2,
donc à20132/3
Au
contraire,
dans le cas de ladésintégration
exaucune nouvelle constante n’intervient en dehors des constantes universelles e,
Il,
m,M,
c, de telle sortequ’il
semble difficiled’imaginer
unedépendance
(1) Cf., A. LEMA,TRE, Nature, 1931, 127, ’,06.
(2) W. HEISENBERG, Z. Physik, 1936, 101, 533.
de la constante de
désintégration
oc del’époque
"t". Mais même si celaétait,
on remarquera que si l’onprend
laplus
petite
constante dedésintégration
oc, soit celle du thorium(1,33.10-18),
enappliquant
larègle
deDirac,
on voitqu’elle
doit êtreproportionnelle
à -r-1/2. Donc les constantes dedésintégration
aet p varient comme "t"-1!2 et T-~/3 donc de
façon
trèsdifférente. Dans une branche comme celle
qui
a lieuaprès
le thoriumC,
X" 35
le
rapport j
ppqui
est actuellement65
aurait doncBa
65varié
jusqu’ici
commel’6,
c’est-à-dire serait 30 foisplus grand qu’à l’origine.
Il faudrait donc nonseule-ment supposer que les constantes de
désintégration
se sont considérablement modifiées(comme
-r-1/2et ’t’-2/3
respectivement),
mais ceci entraîneraitd’importantes
modifications dans les chaînesradio-actives,
en favorisant considérablement les émetteurs g auxdépens
des émetteurs oc. En tout cas, si cetteconception
s’avéraitexacte,
les déterminations del’âge
de la terre basées sur l’utilisation d’élémentsradioactifs différents devraient donner des résultats
,
différents
(il
suffirait que danschaque
chaîne le nombrede
désintégrations
ocet p
ne soit pas lemême).
XV. Conclusion. - Il semble résulter de cette étude tout d’abord
qu’il
estpossible
de bâtir unethéorie
quantique
de lagravitation
au moins dansle cas des
champs faibles, qu’il
est parexemple
possible
encore deparler
de la loi de Newton dansle domaine
quantique
sans tomber dans descontera-dictions.
Lorsque
leschamps
sontintenses,
desdifficultés se
présentent
pourlesquelles
il ne semble pas que la théoriequantique
deschamps
soit enmesure de
présenter
une solution. Les tentativescosmologiques qui
ont étéprésentées
depuis
quelque
temps
en vue deprésenter
une théoriequantique
del’univers dans son ensemble sont discutées. De nom-breuses difficultés