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Submitted on 1 Jan 1966
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La relation mabbe-énergie en gravitation
L. Brillouin, R. Lucas
To cite this version:
L. Brillouin, R. Lucas. La relation mabbe-énergie en gravitation. Journal de Physique, 1966, 27 (3-4), pp.229-232. �10.1051/jphys:01966002703-4022900�. �jpa-00206392�
LA RELATION MABBE-ÉNERGIE EN GRAVITATION Par L. BRILLOUIN et R. LUCAS,
Résumé.2014 On peut élargir le cadre de la gravitation newtonienne, de manière à y faire
entrer la relation d’Einstein entre masse et énergie. Cette gravitation élargie doit admettre
l’existence de masses positives et négatives, puisque nous avons des énergies positives et néga-
tives. Le cas statique est discuté et aboutit à une équation non linéaire dont la structure est intéressante à bien des égards.
Abstract.2014 It is possible to extend the structure of Newton’s gravitation, in order to
include Einstein’s mass-energy relation. This extended gravitation must accept positive
and négative masses corresponding to positive and négative energies. The static problem is
discussed and leads to a non-linear equation of a very peculiar type, a structure of great interest in many respects.
27, 1966,
1 . Comparaison de la gravitation statique avec l’électro-statique. - La gravitation de Newton
repose sur la loi d’attraction universelle suivant l’inverse carré de la distance. D’autre part, nous connaissons l’électrostatique, basée sur la loi de Coulomb, obéissant aussi à une formule en r-2. Ces
deux chapitres de physique classique peuvent être aisément rapprochés, et la comparaison est instruc-
tive. Elle nous donne la possibilité d’utiliser toute une série de résultats bien connus en électrostatique,
et rarement transposés en gravitation. Ces formules classiques nous serons extrêmement utiles, et nous
fourniront la théorie des champs gravifiques sta- tiques. Une fois cette transposition obtenue, les généralisations se présenteront naturellement.
La loi de Newton nous donne la force d’attraction
s’exerçant entre deux masses M et M’ à une dis-
tance r
où r° représente un vecteur unitaire dans la direc-
tion r.
A côté de cette formule, récrivons la loi de
Coulomb en électrostatique, pour deux charges Q, Q’ dans un diélectrique de pouvoir c
Les deux formules sont identiques pourvu qu’on
prenne .
L’attraction de Newton correspond à un pouvoir diélectrique négatif : deux masses de même signe s’attirent ; une masse positive et une masse négative
se repoussent. Notons aussitôt que la notion de
masse négative nous sera nécessaire par la suite,
En tenant compte de l’identité des formules (1), (2) moyennant la condition (3), nous pourrons uti- liser les formules classiques que voici :
F champ, (électrique ou gravifique) F == 2013 grad. V
V potentiel statique (4)
D, induction ou déplacement D .--_ eF (5)
où po est la densité (de charge, ou de masse) créant
le champ (électrique, ou gravifique).
La densité d’énergie potentielle dans un champ F
s’écrit
la preuve de cette formule nécessite que e soit réellement constant, et ne dépende ni de la fré- quence (ici, cas statique), ni de la température.
Prenons l’exemple d’une source ponctuelle Q (ou M)
La loi de Newton nous oblige à choisir e: négatif (et très grand) ce qui conduit à des conséquences curieuses : en électrostatique, les charges + et -
s’attirent et se mélangent intimement ; un plasma
tend à prendre une structure neutre en moyenne.
En gravitation statique, au contraire, les masses opposées exercent l’une sur l’autre des forces de
répulsion.
Nous postulerons l’existence de masses négatives,
car la relation d’Einstein entre masse et énergie
nous y obligera : énergie négative vaut masse négative. Les formules de ce paragraphe caracté-
risent les propriétés des champs 4b. gravitation statique.
’
’
°
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphys:01966002703-4022900
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Notons immédiatement une conséquence impor-
tante : les discussions données aux références [1, 2, 3, 4] sur la localisation de l’énergie potentielle d’un champ électrique se transposent directement au pro- blème de la gravitation. L’énergie potentielle est répartie dans tout le champ, dans tout l’espace, et symétriquement distribuée autour des deux parti-
cules de masses M, M’ en interaction. La formule de l’énergie potentielle mutuelle ne contient que le
produit MM’ : prendre M = 100 et M’ = 1 ou
bien M = M’ = 10 donne la même distribution
d’énergie dans l’espace, et correspond à MM’ = 100.
2. Introduction de la relation E = Mc 2 en gravi-
tation. - Les formules du champ de gravitation statique présentées au précédent paragraphe repré-
sentent l’essentiel de la théorie newtonnienne clas-
sique. Cette théorie doit être revue et aménagée, de
manière à inclure la fameuse relation d’Einstein.
Cette relation reste valable même dans le cas
statique, même en mécanique classique. Les théories
relativistes ne se réduisent jamais à la mécanique
ancienne brute, mais exigent une mécanique corrigée
et révisée pour tenir compte de la relation (9) et
éviter un hiatus avec la relativité.
Les calculs du paragraphe 1 fournissent une appro- ximation d’ordre zéro ; pour passer à l’approximation
du prémier ordre, nous devons introduire l’équa-
tion (9), qui représentera une petite correction si la vitesse c peut être considérée comme très grande, de
sorte que les énergies E mises en jeu ne fournissent que de très petites masses M de correction.
Essayons donc de formuler cette gravitation sta- tique rénovée, et d’en obtenir la première approxi-
mation.
Considérons d’abord le cas d’une masse ponctuelle unique Mo, ou plutôt, examinons une bulle (une coquille vide) de masse Mo, sous forme de sphère
de rayon a. Dans l’espace entourant cette sphère,
nous avons (en approximation zéro) le champ des
formules (8), qui indique une densité d’énergie
(cf. 7, 3). - -~
De cette densité d’énergie résulte, d’après (9),
une densité de masse
Cette densité de masse est négative, mais elle n’est pas libre. Elle est liée au champ gravifique et ne
peut s’en séparer. Ces remarques exigeraient; , pour être précisées, que l’on formât tout le tenseur « éner-
gie et quantité de mouvement» analogue au tenseur
de Maxwell en électricité.
Intégrons pour tout l’espace entourant la bulle de
rayon a, nous obtenons la valeur de la masse répartie
dans le champ
et voilà pourquoi nous avons préféré parler d’une
bulle de rayon a plu tôt que d’un point matériel,
car a = 0 donnerait Mg infini. Cette formule (en y
remplaçant - G par est identique à celle qui
donne la masse électrique de l’électron (référence [2], éq. (5) ou [3], éq. (9; j.
Le champ gravifique crée, autour de la masse Mo,
une sorte d’atmosphère de masse négative ; la masse
efl’icace qui en résulte s’écrit donc
La masse 1B1 () ne peut s’observer quP si le rayon a est infini, c’est-à-dire si les éléments constituants
sont à une distance très grande. Lorsqu’on rapproche progressivement ces éléments pour constituer une
bulle de rayon a, la masse doit diminuer, puisque l’énergie potentielle du système diminue.
Une formule semblable à notre expression (13) a
été obtenue, indépendamment, par M. Mannheimer, qui en discute diverses applications à l’astronomie
[5].
On peut expliquer aussi le résultat (13) en notant
que le champ au voisinage immédia t de la sphère a
est celui de la masse Mo, tandis qu’à une distance
infinie nous mesurons le champ de Afeff..
Notons les points essentiels suivants :
a) la gravitation est une théorie non linéaire ; b) la formule (13) est une première approximation
et nous devrons discuter le rôle des approximations ultérieures ;
c) il y a dissymétrie entre les masses positives et négatives car la correction (11), (12) est toujours négative dans tous les cas.
3. Approximations ultérieures. -- Pour pour- suivre les approximations, il faut préciser la posi-
tion du problème.
Tenons-nous en strictement au modèle de la bulle
sphérique Mo. Ce problème a l’avantage qu’il
n’existe aucun champ à l’intérieur de la sphère a,
et que toute la masse M,, distribuée sur la sphère,
est à un potentiel bien défini. Cette propriété ne
serait pas réalisée si nous considérions une sphère remplie de matière, homogène ou hétérogène ; il
faudrait alors examiner la distribution des champs
et potentiels à l’intérieur de la sphère, complication
grave et difficile à préciser.
Dans l’exemple de la bulle, la solution (11), (12), (13) ne représente qu’une première approximation,
car les masses engendrent à nouveau un champ
gravifique complémentaire, qui contient une nou-
velle énergie et masse, et ainsi de suite. La masse
efficace se présentera comme un développement en
série ordonné en puissance de
Il faudrait écrire cette série, discuter sa conver-
gence. Notons qu’avec la première approximation seule, nous voyons apparaître une difficulté dès que
ce qui donne une masse efficace nulle (au premier ordre).
Cette condition est assez proche de la condition critique de Schwarzschild en relativité générale :
Les relations (15) et (16) ne diffèrent que par un facteur 4, et seront discutées plus loin.
4. Équation du champ gravifique statique avec
E = Mc2. - Au lieu de procéder par approxi-
mations successives, nous pouvons formuler direc-
tement les équations qui régissent le problème du champ gravifique statique, complété par la relation d’Einstein entre masse et énergie. Revenons à l’équa-
tion (61: en électromagnétisme on pouvait supposer
un vide où ne se trouvait aucune charge électrique.
En gravitation statique, la situation est différente, puisque le champ gravifique fournit une densité de
masse (éq. 11). Combinons les relations (6), (10)
et (11), et nous obtenons :
C’est notre équation fondamentale du champ gravifique statique, équation non linéaire, comme prévu.
Prenons, par exemple, un problème à symétrie sphérique, où D soit dans la direction du rayon r :
posons r2 D = m, nous obtenons en m la masse
totale comprise à l’intérieur de la sphère r. L’équa-
tion (18) donne
1 __ ___2
soit, en intégrant ..
où a est une constante d’intégration :
A grande distance, lorsque la condition r » a est satisfaite, nous devons retrouver le champ de
Newton pour la masse efficace M.ff (éq. 8) donc
Supposons une bulle de rayon a et de masse Mo,
comme au paragraphe 2 ; les relations (20), (21)
donnent :
--
tandis que (13) s’écrivait :
ce qui représente une première approximation seule-
ment.
Nous indiquons en (15) La condition de divergence
de la formule approchée, qui doit être remplacée
par une condition plus précise
La dissymétrie des masses positives ou négatives
saute aux yeux.
1
’
A. MASSES POSITIVES : Mo > 0, Meff. > 0 il y a
divergence pour les bulles de rayon inférieur ou
égal à oc > 0. Cette limite donne Mo infini.
Fie. 1. - Hyperbole équilatère.,
232
B. MASSES NÉGATIVES : t Mp 0, Meff ~ 0,
oc 0, aucune divergence. Lorsque le rayon a de la bulle devient nul, on obtient une masse ponctuelle
nulle.
La figure 1 illustre les résultats, mais elle montre
aussi qu’entre les conditions A et B, nous obtenons
une branche de courbe additionnelle assez surpre- nante.
C. MASSE INTÉRIEURE NÉGATIVE Mo 0 AVEC
MASSE EXTÉRIEURE POSITIVE 0. - C’est la branche descendante qui part de l’origine et aboutit
à - oo pour l’abscisse 1 :
Le long de cette branche, nous obtenons une
structures sphérique avec masse centrale négative (de rayon a très petit) entourée d’un champ qui produit une sorte d’atmosphère de masse totale positive, capable de dissimuler la masse centrale
négative et de ne laisser voir, à grande distance, qu’une masse résultante Meff > 0. Le point limite (éq. 25) évoque un modèle de neutrino si l’on prend
Meiji = 0, a = 0 et Mo fini, Il faudrait encore le
doter de spin ! Il y a là des possibilités étranges.
5. Conclusions. - L’introduction directe de la relation masse-énergie d’Einstein, dans la gravi-
tation newtonienne statique nous a conduit à de
curieuses découvertes. Puisque les énergies peuvent devenir négatives, il faut bien en dire autant des masses ; en outre, la gravitation est un phénomène
non linéaire, avec une f orte dissymétrie entre masses positives et négatives. Il sera intéressant de comparer
ces résultats avec ceux de la Relativité généralisée,
dont le point de départ est tout différent (1).
(1) Notre collègue J. Yvon nous signale que les équa-
tions (17) ou (19) de ce mémoire seraient à rapprocher
d’une équation de la théorie de Schwarzschild
[cf. R. C. TOLMAN, Relativity, Thermodynamics and Cosmology, Oxford, 1962, p. 203, éq. (82.4)].
L’équation de Tolman diffère toutefois notablement de la nôtre et conduit à une solution (82.7) fort différentie de notre équation (20). C’est exactement là que se situe
l’origine de la différence entre notre formule (15) et
celle de Schwarzschild (16) signalée plus haut.
Manuscrit reçu le 20 décembre 1965.
RÉFÉRENCES [1] BRILLOUIN (L.), La masse de l’énergie potentielle.
C. R. Acad. Sc., 1964, 259, 2361.
[2] BRILLOUIN (L.), L’énigme E = Mc2 : Énergie poten- tielle et renormalisation de la masse. J. Physique, 1964, 25, 883.
[3] BRILLOUIN (L.), The actual mass of potential energy,
a correction to classical relativitv. Proc. Nat.
Acad. Sc., 1965, 53, 475.
[4] BRILLOUIN (L.), The actual mass of potential energy, II. Proc. Nat. Acad. Sc., 1965, 53, 1280.
[5] MANNHEIMER (M.), L’énergie du champ de gravi-
tation. Ann. Physique (à paraître).