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Sociétal N° 31 1ertrimestre 2001

Cagnottes,

cigales et fourmis

E LISABETH L ULIN *

FINANCES PUBLIQUES

Repères

et tendances

S Si l’affaire de la « cagnotte » a créé en France un véritable problème de gouvernement, elle n’est pas une spécialité hexagonale : des surplus inat- tendus de recettes budgétaires, engendrés par la croissance, sont apparus dans la plupart des pays développés. Que faire de cette manne ? Entre rationalité économique et motivations électora- listes, l’éventail des solutions choisies par les équipes dirigeantes est très ouvert.

D

epuis l’été 1999, les finances de l’Etat français se présentent sous un jour inhabituel, avec des recettes plus abondantes et des dépenses moins importantes que prévu. Cette aubaine n’est d’ailleurs pas propre à notre pays. Aux Etats- Unis, l’exercice fiscal 1999-2000 s’est achevé sur un excédent dépassant toutes les prévisions : d’un montant de 230 milliards de dollars, soit 2,4 % du produit intérieur brut, c’est le plus gros surplus jamais enregistré depuis

1948. Et chez nos principaux voisins européens, comme chez nous, l’exé- cution budgétaire 1999 a systéma - tiquement dégagé un solde plus favorable qu’on ne l’anticipait (voir le tableau 1).

Cette bonne fortune n’est pas limi- tée à l’année 1999. Aux Etats-Unis, la loi de finances pour l’exercice 2000-2001 prévoit un excédent de 184 milliards de dollars, mais la plupart des experts estiment que

l’hypothèse de croissance sur la- quelle est bâti le pro jet de budget (2,6 %) est trop faible (le Fonds Monétaire Inter national table ainsi sur une croissance de 3,2 %), et l’on s’attend à un nouveau dépassement du solde annoncé. En Europe, et spécialement en France, les conjoncturistes restent optimistes, en dépit des coups de semonce enregistrés ces derniers mois – envolée des prix du pétrole, re- tombée de l’engouement pour la

« nouvelle économie », déroule- ment plus critique qu’auparavant des dernières ventes aux enchères de licences de téléphonie mobile UMTS (en Italie, en Autriche ou en Polo gne), reports de calendrier pour certaines privatisations,

« trous d’air » dans la consomma- tion… Mais au-delà de ces incerti- tudes l’euphorie financière des Etats est liée à une élasticité des recettes publiques à la croissance historique- ment élevée, en France notam- ment (1,9 en 2000,1,4 en 2001 selon les estimations, contre moins de 0,7

*Directeur général de Paradigmes, société spécialisée dans le benchmarking et la prospective des politiques publiques.

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Sociétal N° 31 1ertrimestre 2001 jusqu’en 1997), qui témoigne d’une

profonde restructuration du tissu économique.

L’embellie sera-t-elle durable ? Pour nombre de décideurs publics, la réponse ne semble faire aucun doute. Ainsi, les deux candidats à l’élection présidentielle améri- caine ont fait campagne, pendant des mois, sur l’utilisation des 4 600 milliards de dollars de sur- plus budgétaires et sociaux – pure- ment hypothétiques – escomptés pour les dix prochaines années…

LES OPTIONS :

DÉSENDETTER, DÉTAXER OU DÉPENSER

F

ondé ou non, l’optimisme am- biant oblige en tous cas les gouvernants à prendre position sur l’utilisation de ces « dividendes de la croissance ». Avec, pour l’es- sentiel, quatre options : réduire le déficit public (ou laisser gonfler l’excédent, pour les pays déjà excédentaires) ; rembourser la dette ; baisser les impôts ; ou, enfin, financer de nouvelles dépenses.

Comment les différents gouverne- ments, confrontés à cette même question d’affectation des surplus budgétaires, forment-ils leurs déci- sions ? On voit s’affronter deux rationalités : la première, écono- mique, conduit à prendre en

compte prioritairement, d’une part le cycle conjoncturel, d’autre part la soutenabilité à long terme des finances publiques. La seconde, politique, arbitre entre allègement de la fiscalité et réinvestissement dans les services publics en fonction des attentes de l’électorat (telles du moins qu’elles sont perçues et interprétées par les décideurs politiques).

Du côté de la rationalité écono- mique, une récente étude de l’Institut d’économie industrielle (IDEI)1 apporte un éclairage inté- ressant. Elle mettait en évi - dence quatre points :

– La plupart des Etats européens, et spécialement la France, ont at- teint des niveaux de dette publique qui ne sont pas soutenables à long terme. L’important, en effet, n’est pas seulement le volume actuel de la dette, déjà considérable, mais aussi le fait que le poids de cette dette (rapportée au PIB) augmente automatiquement dès lors que le taux d’intérêt réel est supérieur au taux de croissance.

– Il est illusoire de penser que la croissance ou l’inflation suffiront à elles seules à effacer la dette. Il n’y a donc pas d’autre solution viable que de dégager un excédent pri- maire (c’est-à-dire un excédent des recettes sur les dépenses hors

charges de la dette), discipline à laquelle se pliaient déjà tous les pays européens, sauf la France et l’Alle- magne, en 1997 (date la plus récente couverte par l’étude).

– La réalisation d’un excédent bud- gétaire primaire, c’est-à-dire une politique d’austérité budgétaire, n’a pas nécessairement un effet ré- cessif, contrairement à une idée répandue. L’analyse de quelque 187 épisodes d’ajustement bud - gétaire dans 20 pays de l’OCDE entre 1965 et 1990 permet même de définir les conditions dans les- quelles de tels ajustements réussis- sent, c’est-à-dire réduisent signi - ficativement la dette sans peser sur la croissance. En règle générale, les ajustements réussis sont ceux qui misent sur la réduction des dé- penses plutôt que sur l’augmenta- tion des impôts. Plus précisément, si l’on analyse les diverses compo- santes de la dépense publique, les ajustements réussis sont ceux qui réduisent les dépenses de l’Etat en salaires et les dépenses de transfert, alors qu’échouent ceux qui pèsent essentiellement sur l’investisse- ment public.

– Enfin, lorsqu’un gouvernement dispose d’une « cagnotte » fiscale, définie comme un surcroît de re- cettes permettant de financer soit une réduction d’impôts, soit un sur- croît de dépenses, sans dé grader sensiblement le solde budgétaire primaire (34 épisodes recensés dans les 20 pays de l’OCDE sur la période 1965-1990), il est préfé- rable de l’utiliser pour réduire les im- pôts. Le tableau 2 récapitule les en- seignements de l’étude sur ce point.

RAISON POLITIQUE ET RAISON ÉCONOMIQUE

A

ce cadre d’analyse théorique, on peut comparer les lignes de conduite préconisées par les pays de l’Union européenne à titre d’autodiscipline. Sur la question de l’affectation des « cagnottes », les ministres des Finances des quinze

1«Lesréductions desdéficitspublics sont-ellesvraiment récessionistes àcourtterme etexpansionnistes àlongterme ? », Catherine Bruno et Franck Portier, Institut d’économie industrielle, juin 2000.

Tableau 1 – LES BONNES SURPRISES DES SOLDES BUDGÉTAIRES

Prévision Réalisation

France – 2,3 – 1,8

Allemagne – 2,0 – 1,2

Italie – 2,0 – 1,9

Espagne – 1,6 – 1,1

Pays-Bas – 1,3 + 0,5

Royaume-Uni + 0,3 + 1,2

Déficits budgétaires 1999 en % du P.I.B.

Source :CCF, Questions d’actualité, mai 2000.

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Sociétal N° 31 1ertrimestre 2001

ont adopté des conclusions un peu plus « rigoristes » que celles de l’IDEI. Ils ont approuvé, le 28 février dernier, un document de la Com- mission énonçant quatre principes : 1. Les Etats membres ne peu- vent envisager des réductions d’impôts non compensées (c’est-à- dire non gagées par des réductions équivalentes de dépenses) que s’ils respectent les règles du Pacte de stabilité relatives à l’équilibre des finances publiques. En d’autres termes : priorité à la réduction du déficit.

2. Les réductions d’impôt ne doivent pas être pro-cycliques.

Réduire les impôts sans réduire la dépense durant les phases de bonne conjoncture risquerait de créer, dans le pays concerné, une pression infla- tionniste dommageable à la cohésion de la zone euro.

3. Les gouvernements doivent prendre en compte la soutena bilité à long terme des finances publiques.

Cette notion recouvre non seule- ment la dette publique existante, mais également les en gagements non provisionnés liés aux retraites.

A cet égard, les pays dont la popu- lation vieillit rapidement et dont les régimes de retraite ne sont pas fi- nancés par capitalisation sont in - vités à ne pas se contenter d’un simple équilibre de court terme des finances publiques ; ils doivent s’attacher à produire des excédents afin de constituer des réserves.

4. Les réductions d’impôts doivent être conçues comme les instru- ments de réformes structurelles, visant à stimuler la production et l’emploi.

L’approche de l’IDEI et celle de la Commission européenne ne sont pas entièrement comparables : l’une se place sur le strict plan de la recherche économique, l’autre a vocation à fournir un cadre insti - tutionnel aux politiques budgé- taires et fiscales des Etats membres, dans le contexte de la monnaie unique. Cette réserve faite, on voit clairement apparaître une diver- gence sur la hiérarchie des prio - rités : la Commission, plus ortho- doxe, laisse peu de place à une stratégie de baisse des impôts qui augmenterait, au moins tempo - rairement, le déficit ; l’étude de l’IDEI souligne au contraire que ce pari peut être gagnant.

Si l’on applique ces analyses au cas français, quelle ligne

de conduite suggè- rent-elles ? Il existe d’abord un consensus sur la priorité accor- dée à la maîtrise de la dépense. Ensuite, si un surplus de recettes apparaît, un débat existe entre la posi- tion orthodoxe (celle de la Commission) qui consiste à réduire – dans l’ordre – le défi- cit, puis la dette et en-

fin la fiscalité, et une stratégie plus audacieuse qui alloue d’emblée une part des marges de manœuvre à l’allégement de la fiscalité.

Mais les décideurs, dans ce do- maine, sont avant tout des élus, et la rationalité économique n’est pas leur seul guide. La rationalité poli- tique, elle, suggère le plus souvent d’affecter la « cagnotte » à la ré- duction de la fiscalité ou à l’augmentation de la dépense : ces deux démarches permettent d’offrir à l’électeur un bénéfice tangible et immédiat, alors que la réduction de la dette ou du déficit sert l’objectif, beaucoup plus loin- tain, de la soutenabilité à moyen terme des finances publiques.

Ainsi, aux yeux d’un économiste, un allégement de la fiscalité peut pa- raître inopportun en phase de haute conjoncture, car susceptible d’ali- menter des tensions inflationnistes et d’accélérer le retournement du cycle. Pour l’homme politique, le calendrier est différent : toute baisse d’impôts est bonne à prendre et il n’y a jamais de mauvais moment pour le faire.

D’ailleurs, si on ne baisse pas les impôts en période de vaches grasses, quand le fera-t-on, puisque, lorsque l’activité se ralentit, la diminution automatique des re- cettes fiscales rend très difficile, voire impossible, tout geste supplé- mentaire ? Le même raison nement s’applique, en miroir, à la dépense publique : face aux sollicitations qui lui sont adressées, un gouvernant peut ex- pliquer, en période de basse conjoncture, qu’il lui faut faire preuve de parci mo - nie. Mais comment tenir ce discours de frugalité lorsque les recettes sont abon- dantes ?

Au pire, on tombe ainsi dans la spirale infernale du « plus de Tableau 2 – LES CAGNOTTES EFFICACES

Si on utilise pour baisser pour augmenter la cagnotte… les impôts les dépenses on réussit à réduire

la dette publique dans… 75 % des cas 25 % des cas on réussit à stimuler

la croissance dans… 60 % des cas 40 % des cas on réussit à réduire

le chômage dans… 60 % des cas 40 % des cas

Source :Institut d’économie industrielle.

Face aux sollicitations, un gouvernant peut expliquer, en période de basse conjoncture, qu’il lui faut faire preuve de parcimonie.

Mais comment tenir ce discours lorsque les recettes sont abondantes ?

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Sociétal N° 31 1ertrimestre 2001 GOUVERNANCE = TRANSPARENCE + PRUDENCE

Le débat public le plus marquant, en France, sur l’« affaire » de la cagnotte aura porté, non pas sur l’utilisation qu’il convenait de faire des surplus de recettes, mais sur le manque de transparence, voire la dissimulation délibérée, imputés au gouvernement au sujet de l’existence même de ces surplus et de leur montant. Cette querelle aura du moins permis l’amorce de quelques progrès sur le chapitre de la transparence, selon trois axes principaux :

l

Une meilleure information du Parlement, comportant notamment la transmission régulière, aux présidents et rapporteurs généraux des Commissions des finances des deux assemblées, de la situation hebdomadaire, c’est-à-dire du tableau de bord de l’exécution du budget général, des comptes spéciaux du Trésor et des opérations de trésorerie.

l

La mise en chantier d’une réforme de l’ordonnance organique de 1959, qui fixe les principales règles rela- tives à la préparation et à la discussion parlementaire des lois de finances. Les deux enjeux principaux portent d’une part sur une présentation plus lisible des budgets des ministères, permettant d’identifier dépenses de fonctionnement et projets d’investissement ; d’autre part sur une consolidation des budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale, évitant les reports de recettes et de charges de l’un sur l’autre. Une proposition de loi organique en ce sens a été déposée par Didier Migaud, rapporteur général du Budget à l’Assemblée nationale.

l

Un regain d’intérêt pour la rénovation du cadre comptable de l’Etat, avec, là encore, des enjeux majeurs : le passage d’une comptabilité de caisse à une comptabilité d’exercice, où les mouvements sont inscrits dès l’occurrence de leur fait générateur et non simplement lors des encaissements ou décaissements correspon- dants ; la mise au point d’une comptabilité patrimoniale, y compris le recensement et l’évaluation des engage- ments hors bilan. Un premier pas concret en ce sens a été effectué avec la publication du compte général de l’administration des finances pour 1999, qui, pour la première fois, esquisse une présentation des comptes publics selon un cadre de bilan et de compte de résultats se rapprochant de la comptabilité d’entreprise.

On est certes encore loin du compte : la réforme de l’ordonnance organique a déjà fait l’objet de 35 tenta- tives infructueuses ; d’autre part, des zones d’ombre importantes subsistent sur la fiabilité de certaines don- nées (chiffrage exact du nombre de fonctionnaires, évaluation précise des engagements supportés par l’Etat au titre de leurs retraites…) ; enfin, la « transparence » annoncée conduit parfois à l’opacité : ainsi, la notion de « périmètre constant » a permis au gouvernement de soustraire 18,6 milliards de francs au calcul des dépenses pour 2001, alors qu’il s’agit bel et bien de dépenses supplémentaires (compensation par le budget de l’Etat de la suppression de la part régionale de la taxe d’habitation et de la vignette auto des personnes physiques).

Anticiper les retournements.Reste un second point, sur lequel la gouvernance a encore des progrès à faire : le « principe de prudence ». Les années 1999 et 2000 ont été marquées par des surplus de recettes inopinés.

Installés dans l’euphorie de la croissance, les gouvernements européens pourraient se laisser surprendre par un retournement de conjoncture ou des moins-values de recettes mal anticipées.

Quelle est la parade à ce danger ? Affiner les prévisions, sans doute, mais cela ne suffira pas, car les aléas sont par définition imprévisibles. Une autre solution consiste à scénariserles aléas possibles. C’est ce que fait désormais le gouvernement néerlandais : le Parlement adopte, outre la loi de finances qui établit le scénario de référence, des clauses qui indiquent la marche à suivre en cas de plus-values ou de moins-values inopinées sur les recettes ou les dépenses. On se met donc d’accord, avant même le début de l’exercice, sur les moda- lités d’affectation d’un éventuel surplus ou de comblement d’un éventuel déficit par rapport aux prévisions.

Dès la loi de finances 1999, le gouvernement néerlandais avait proposé la règle suivante : tout surplus de recettes serait utilisé à hauteur de 75 % pour réduire le déficit et de 25 % pour réduire les impôts, jusqu’à ce que le déficit, au sens de Maastricht, passe sous la barre de 0,75 % du PIB ; en deçà de cette barre, la clé de répartition serait de 50/50. Cette prévoyance est remarquable, alors que les hypothèses macro-écono- miques de la loi de finances néerlandaise sont traditionnellement prudentes et que, d’autre part, une réserve budgétaire est constituée pour faire face à des dépenses inopinées. Elle permet d’assurer, quelles que soient les surprises de la conjoncture, qu’il n’y aura pas de promesses non tenues, pas de mesures de

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Sociétal N° 31 1ertrimestre 2001

prélèvements » lorsque la conjonc- ture est mauvaise et « plus de dépenses » lorsque la conjoncture est bonne, avec un effet de cliquet ravageur. C’est ce mouvement qu’a connu la France depuis le milieu des années 1960, entraînant une augmentation constante du poids des prélèvements obliga- toires et de la dépense publique dans le produit intérieur brut.

Cette rationalité politique asy - métrique se retrouve à d’autres niveaux, plus fins, d’allocation des marges de manœuvre. Ainsi est-il toujours tentant politiquement, lorsque des hausses d’impôts sont nécessaires, de les faire peser plus que proportionnellement sur les entreprises ; et, à l’inverse, d’affecter prioritairement les baisses aux ménages.

LES PRATIQUES :

VERTUEUX ET PRODIGUES

T

els sont les éléments du choix.

L’observation des politiques budgétaires et fiscales menées en Europe et aux Etats-Unis depuis dix-huit mois montre que les diffé- rents pays occupent des positions très éloignées sur l’éventail des options possibles.

A l’une des extrémités du spectre se trouve la Norvège, cas d’école d’un gouvernement arc-bouté sur une rationalité économique sans conces- sion. Grâce principalement aux recettes de l’exploitation pétrolière, le budget de l’Etat norvégien est en effet en excédent, année après année, depuis 1995. Le surplus devrait atteindre cette année plus de 70 milliards de couronnes, soit 10 % du produit intérieur brut ; et plus de 300 milliards de couronnes sont d’ores et déjà mis en réserve dans un fonds, investi en actions et obliga- tions internationales, destiné à faire face aux futures charges de pensions que devront supporter les régimes de retraite du pays. Pourtant le pro- jet de loi de finances récemment présenté par le Premier ministre

travailliste, Jens Stoltenberg, pour l’année 2001 prévoit une hausse de la fiscalité et une rigueur soutenue dans la maîtrise de la dépense publique.

Pourquoi ? Parce que l’économie norvégienne a montré, depuis plu- sieurs mois, des signes de surchauffe : le taux d’inflation est aujourd’hui de 3,5 % malgré quatre interventions de la banque centrale depuis le mois d’avril, haussant peu à peu les taux directeurs pour arriver à un taux de base de 7 % début octobre ; et les chefs d’entreprise s’inquiètent de revendications salariales désormais plus tendues. Stimuler davantage la demande par des baisses d’impôt ou par un surcroît de dépense publique ne servirait donc qu’à aggraver les goulots d’étranglement dont souffre l’économie locale. Pour justifier sa position, le Premier ministre a utilisé des parallèles historiques : la déca- dence de l’économie espagnole à partir du XVesiècle, après la décou- verte de l’or américain ; ou encore, plus récemment, dans les années 1970, la langueur de l’économie néerlandaise, avec une hausse de la dépense publique (financée sans dou- leur par les revenus de l’exploitation gazière) hors de proportion avec les capacités productives de l’économie.

A l’autre extrémité de l’éventail, du côté de la rationalité politique, on peut ranger le Royaume-Uni et l’Italie.

Au Royaume-Uni, où le gouverne- ment de Tony Blair a vu sa popula- rité décroître rapidement depuis deux ans, l’année 2000 a été marquée par un spectaculaire re- tournement de priorités. Jusqu’ici, l’accent avait été mis sur la maîtrise de la dépense et du déficit : la dé- pense publique avait été ramenée de près de 47 % du PIB en 1993 à un peu plus de 38 % en 2000 ; le solde budgétaire, au sens de Maas- tricht, de – 8 % à +1,3 % du PIB. Pour l’exercice 2000-2001, au contraire, le budget entré en vigueur en avril dernier se caractérise par un fort

regain de la dépense, appelé à se prolonger au cours des années à venir. Les dépenses publiques bri- tanniques vont ainsi remonter à 39,2 % du produit intérieur brut en 2000-2001 et à 40,5 % en 2004- 2005, selon le plan pluriannuel.

Quant au solde bud gétaire, il devrait repasser en position déficitaire à l’horizon 2002-2003 (– 0,3 % du PIB) pour atteindre, en 2004-2005, – 1,2 % du PIB. Cette option dépensière a été accentuée l’automne dernier : au congrès annuel du Parti travailliste (en chute constante dans les sondages), le Chancelier de l’Echiquier, Gordon Brown, a annoncé de nouvelles réductions d’impôts pour les famil - les à bas revenus, et un relèvement substantiel des pensions de retraite.

C’est que les élections législatives sont dans moins d’un an…

En Italie, alors que des élections générales sont attendues pour avril prochain et que la coalition de centre-gauche, actuellement au pouvoir, est donnée perdante face à la coalition de centre droit emmenée par Silvio Berlusconi, le gouverne- ment a annoncé une affectation du

« dividende fiscal » (la cagnotte) à des réductions d’impôt qui ont surpris par leur ampleur :13,3 milliards d’eu- ros pour le budget 2001, auxquels s’ajoutent, par anticipation, 6,8 mil- liards d’euros d’allégements sup - plémentaires adoptés par décret et ap plicables dès le dernier trimestre 2000. Le tout en parfaite mé con - naissance des recommandations de la Commission européenne.

LA CAGNOTTE AU SERVICE DES RÉFORMES

L

es deux logiques, économique et politique, d’utilisation des

« cagnottes » sont-elles contradic- toires ? Pas nécessairement, si l’attention portée aux arguments économiques s’accompagne d’un véritable projet politique. L’Espagne et l’Allemagne méritent à cet égard une mention particulière.

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Sociétal N° 31 1ertrimestre 2001 L’Espagne aura en 2001, pour la

première fois depuis 1974, un budget en équilibre. Le déficit public était de 6,6 % du PIB à l’arrivée au pouvoir du Parti populaire. En cinq ans, le gou- vernement Aznar a réussi à assainir les finances publiques tout en main- tenant une croissance économique soutenue, en résorbant le chômage, en allégeant la fiscalité et en moder- nisant les infrastructures.

L’adhésion résolue du gouverne- ment à la monnaie unique, qui sup- posait un effort soutenu de maîtrise du déficit et de la dette, a permis une baisse importante des taux d’inté- rêt, alimentant la demande de cré- dit pour consommer comme pour investir. Cette sti mulation par les taux d’intérêt, couplée à d’impor- tantes réformes structurelles, no- tamment du marché

du travail, a produit ses effets : la crois- sance avoisine 4 % par an depuis 1997 et l’emploi augmente ré gu lièrement depuis 1995, avec un pic à + 5 % en 2000. Un premier plan de réduc tion d’impôts, en 1997, a abaissé

de 11 % en moyenne par contri- buable la charge fiscale, apportant un nouveau sti mulant à l’activité.

Un deuxième plan de réduction d’impôts est prévu pour 2001.

En Allemagne, la politique budgé- taire et fiscale du gouvernement Schröder comporte trois volets principaux :

– un effort de réduction de la dépense publique soutenu sans relâche, même lorsque furent en - registrés des surplus de recettes inopinés ;

– une réforme fiscale engendrant des allègements de charge de 63 milliards de DM sur la période 2001-2005 pour les ménages et les entreprises, réforme à laquelle est affecté l’essentiel des marges bud - gétaires (au prix d’une légère aug- mentation du déficit en 2001). Au

total, en tenant compte des me- sures décidées depuis 1998, date de l’arrivée au pouvoir du gouverne- ment Schröder, c’est d’un allége- ment d’impôts de 87 milliards de DM que bénéficiera l’économie allemande ;

– une affectation à double détente de l’énorme produit de la vente des licences UMTS (100 milliards de DM) : remboursement de la dette en premier lieu, et utilisation du montant économisé en charges d’intérêt (5 milliards de DM par an) pour des investissements dans les infrastructures ferroviaires (2 à 2,5 milliards de DM par an) et pour l’abondement des budgets de recherche et d’enseignement.

Voilà pour les grands chiffres.

Mais le contenu qualitatif de la réforme n’est pas moins intéressant.

Ces décisions budgé- taires et fiscales sont le support d’un véri- table aggiornamento de l’économie, dont le symbole est la mesure d’exonération fiscale des plus-values de cession pour les titres de participation déte- nus depuis plus d’un an. Concrète- ment, c’est un feu vert donné à la mutation du capitalisme allemand : la mesure encouragera le dénoue- ment des nombreuses participa- tions croisées entre

firmes industrielles et banques, laissant aux entreprises la possi- bilité de pratiquer une politique active d’acquisitions et de cessions pour opti- miser sans cesse leur portefeuille d’acti - vités.

Reste le cas améri- cain, qui permet

d’illustrer un dernier point intéres- sant : l’équilibre entre les décisions budgétaires et fiscales et les déci- sions monétaires.

Les deux principaux candidats à l’élection présidentielle ont sou- tenu des propositions diamétrale- ment opposées quant à l’utilisation des surplus anticipés de recettes dans les années qui viennent. Pour les excédents du budget fédéral stricto sensu (hors la « Sécurité sociale », c’est-à-dire le système public de retraites), George Bush a plaidé pour un allégement massif de la fiscalité, tandis qu’Al Gore prônait une stratégie mixte de désendettement (avec l’objectif affiché d’un remboursement total de la dette fédérale d’ici 2012) et de dépenses supplémentaires, principalement sur l’éducation et les programmes sociaux.

Or Alan Greenspan, le président de la Réserve Fédérale, a clairement fait comprendre son opposition à des baisses d’impôt susceptibles d’alimenter les tensions inflation- nistes de l’économie américaine. Il a laissé entendre qu’il y opposerait un resserrement de la politique monétaire, sous forme de hausse des taux d’intervention de la Fed, afin que le renchérissement du crédit, dans un pays où les agents économiques sont très endettés, vienne limiter l’incitation à consommer. Et comme cette austérité monétaire aurait pour effet de brider la croissance, les marges de manœuvre fiscales elles- mêmes seraient remises en cause.

Est-ce à dire que c’est le pouvoir monétaire qui, infine, tranche les débats de politique budgétaire et fiscale ? Il serait excessif de présenter les choses sous cet angle polé- mique. En revanche, il est vrai que le policy mixdemeure un jeu à somme positive si les deux joueurs – gou- vernement et banque centrale – s’entendent, mais à somme forte- ment négative s’ils ne s’entendent pas. l

Les réformes

budgétaires et fiscales du gouvernement Schröder sont un feu vert donné à la mutation du capitalisme allemand

Le policy mix demeure un jeu à somme positive si les deux joueurs – gouvernement et banque centrale – s’entendent, mais à somme fortement négative s’ils ne s’entendent pas

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