FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1901-1902 N* 64
DES
DU CORPS VITRÉ
Etude
historique, analytique et documentaire.
■coOOO
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentée et soutenuepubliquement
le 31 Janvier 1902
PAR
Haoul-
Glaire-Joseph GAILLARD
Né à Bougie(Départementde
Gonstantine), le 25 mai 1878.
Élève duService deSanté dela Marine
I MM. BADAL professeur.... Prisid
\ vergely professeur—j Examinateurs de laThèse
:j
POUSSonagrégé Juge*.
(
LAGRANGE agrégé)
Le Candidat répondra aux
questions qui lui seront faites sur les
diverses parties de
l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU
MIDI
—PAUL CASSI&NOL
91 — RUR PORTE-DIJKAUX —
91
1902
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS, doyen — M.
PITRES, doyen honoraire.
PROFESSEURS
MM. M1GÉ
)
DUPUY > Professeurs honoraires.
MOUSSOUS
\
Clinique interne...
Clinique externe...
Pathologie et théra¬
peutique
générales.
Thérapeutique
Médecine opératoire. Clinique d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie Hygiène
Médecine légale
MM.
PICOT.
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DEMONS.
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Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Cliniquedes maladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique Cliniquemédicale des
maladies desenfants Chimiebiologique...
Physiquepharmaceu¬
tique
MM.
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BLAREZ.
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FIGUIER.
de NABIAS FERRÉ.
BADAL.
PIECHAUD BOURSIER.
A. MOUSSOUS DENIGÈS.
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section de médecine(Pathologieinterne et Médecine
MM. SABRAZÈS. | MM. MQNGOUR.
LE DANTEC.
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section i)e chirurgie et accouchements
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section dessciences anatomiqpes et rhysioeogiques
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MM1* T A 1 R14 S :Clinique desmaladies cutanées et
syphilitiques.. MM. DUBREUILH.
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MOURE.
REGIS.
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PRINCETEAU LAGRANGE.
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LE DANTEC.
Faculté: LUMAIRE.
Clinique des maladiesdes
voies urinaires.
.. . Maladiesdu larynx, desoreilles
etdu
nezMaladies menlales Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Physiologie . ..
Embryologie Ophtalmologie
HydrologieetMinéralogie
Pathologieexotique
Le Secrétaire deh
Pardélibération du 5 août 1879, la Faculté aarrêté que
les opinions émises dans les
Thèsesqui luisontprésentées doiventêtre
Considérées
commepropres à leurs auteurs,
qu'elle n'entend leurdonnerni
approbation ni imprnbation
A ceux
qui m'ont aimé
outémoigné quelque intérêt,
A ceux de mes maîtres
qui
se sontmontrés bienveillants
à mon
égard,
Je dédie cemodesteet premier travail.
Ce queje suis, ce queje sais, je le leur dois.
A MONSIEUR
LE DOCTEUR BOURRU
DIRECTEUR DU SERVICE DE SANTÉ DE DA MARINE
DIRECTEUR DEL'ÉCOLE PRINCIPALE DU SERVICE DE
SANTÉ
DE LA MARINEOFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
h
l»
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR BADAL
PROFESSEUR DE CLINIQUE OPHTALMOLOGIQUE A LAFACULTÉDE MÉDECINE
DE BORDEAUX
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTIONPUBLIQUE
« C'estune question encore
à l'ordre du jour, disait le
pro¬fesseurPanas dansune deses récentes cliniques de l'Hôtel-
Dieu 0), quecelle de ces
hémorragies spontanées profuses du
corps vitré, etje dois dire que
leur pathogénie est à l'heure
actuelle mal connue, sinoncomplètement
ignorée. D'ailleurs
les observations en sont rares: c'est à peine si dans un ser¬
vice commecelui-ci nousenvoyonsun ou deuxcas par an.» La rareté deces cas d'hémorragiesspontanées, la
diversité
de leur étiologie, l'obscurité
de leur pathogénie
nousont
donné l'idée de rassembler le plus
d'observations
que nousavons pu obtenir, de
rechercher dans la littérature ophtal¬
mologique les cas qui
avaient été relatés
enrapportant l'opi¬
nion des divers auteurs qui se sont occupés
de la question.
Notre intention est non pas de poser des
conclusions fer¬
mes etdéfinitives, mais simplement
de présenter
uneétude historique,
analytique etdocumentaire basée
surl'observa¬
tion et l'étude du plus
grand nombre des
casqui ont été
publiés.Un vaste champ d'études et
d'expérimentation est ouvert
aux ophtalmologistes sur ce
sujet spécial
; nousserions heu¬
reux si notre modeste travail pouvait leur être
de quelque
utilité pour fixer leur
esprit
surl'état actuel de la question,
et notreprétention
serait largement satisfaite si
nous pen¬sions avoir trouvé un lecteur assez indulgent pour aller jusqu'au bout de ces pagessans
sourire de leur naïve
compo¬sition.
(fiClinique ophtalmologique del'Hôtel-Dieu (Presse mèd.,
3 avril 1897),
v •
■
'
-
,
I
On s'est occupé depuis
déjà
uncertain nombre d'années
deshémorragiessurvenant
spontanément dans le
corpsvitré.
Nosrecherchesneremontent pas
chronologiquement
audelà
de 1886, date à laquelle M. Abadie
fit
uneremarquable
communication dans les Annales
iïoculistique (t. XCV
p.36)
sur les hémorragies profuses du fond de
l'œil chez les jeunes
sujets. C'est le travail qui noussemble
mettrele plus exacte¬
ment au point les idées de l'époquesur
la question, et le doc¬
teurAbadie y expose des
faits relatés
avec unetelle exacti¬
tude, une telle précision
d'observation,
quedans les
nou¬veaux rapports qu'il fit
à
laSociété d'ophtalmologie de Paris,
en avril 1897, et au Congrès de la Société
française d'ophtal¬
mologie de 1898 sur la même question, non
seulement il
n'apporte pas de vuesnouvelles, mais
encoreil
seborne à
rappeler le traitement qu'ilprescrivait depuis
sapremière
communication, en relatant descas récents dans
lesquels il
n'aurait eu qu'à s'en
féliciter.
Defaits
nouveaux, onn'en
trouve guère dans ses derniers travaux,
dans lesquels il
déplore surtoutl'obscurité
de lapathogénie de cette affection.
Il établit une classification des hémorragies desadolescents,
et assigne une place nette
à celles qu'avait signalées
de Graefe, le premier,
chez les jeunes sujets.
Ces hémorragies, sur lesquelles nous
voulons attirer l'at¬
tention, ne s'observent, en effet, que dans
l'adolescence, et
d'emblée nous devons éliminer de notre description celles
que l'on rencontrechez les personnes
âgées, et qui sont
pres¬que toujours la conséquence d'une
artério-sclérose généra¬
liséeou d'une affection cardiaque
valvulaire.
Celles que l'on rencontre à l'âge moyen de ln vie ont sur¬
tout leur étiologie liée à des affections rénales, à l'albuminu¬
rie, au diabète, au paludisme. Notons également les hémor¬
ragiesduesà des troubles circulatoires d'origine intra-ocu- laire, dont le glaucome et ses diverses variétés sont surtout les causes les plus
fréquentes:
ces hémorragiessont d'ailleurs uniquement rétiniennes, et l'épanchement san¬guin fait rarement irruption dans le corps vitré.
Notre étude s'adresse spécialement à ces irruptionssangui¬
nes qui surviennent pour ainsidiresubitement, envahissent rapidementle corps vitréet rendent bientôt l'examenophtal- moscopique impossible. Ces hémorragies se montrent chez des sujetsjeunes et qui ne présentent aucune des affections signalées ci-dessus.
L'on voitparfois dans les cliniques des sujets générale¬
mentjeunes, souvent des adolescents, pai'fois même, mais
très rarement, des enfants (le docteur Ch. Abadieenobserva
un cas chez un enfant de huit ans) qui se présentent, ayant perdu complètement la vision d'un œil, quelquefois des
deux. Après interrogatoire, on apprend que, tandis que le
malade accomplissait une de ses fonctions habituelles, dans lecours de son travail journalier, au milieu de ses jeux, et
sans pouvoir relever à ce moment d'effort particulier, de
traumatisme d'aucune sorte, il vit brusquement sa vision disparaître, et, pour employer l'expression qu'ils rapportent volontiers, ils eurent à ce moment la sensation d'un voile opaque qui leur passait devant l'œil. Un seul des yeux est
atteint ordinairement; on n'a, croyons-nous, pas cité de cas dans lequel la vision aurait été supprimée à la fois des deux côtés. Nous devons, comme le faitobserver le docteur Aba¬
die, attirer l'attention sur la façon dont se produit la perte de la vision :elle survient très rapidement, en quelques jours, parfois même en quelques heures, mais jamais subi¬
tement.
Parfois, lesmalades ont la sensation de lueurrougeet non d'obscurité complète; cette particularité peut être durable,
— 11 -
et l'on voit dans ces cas quele corpsvitré, derrièrelecristal¬
lin, peut garder sa coloration vive pendant très longtemps.
Le sangépanché fait assezvite irruption dans lecorpsvitré, l'hémorragie est profuse et paraîtse répandre surtout dans
levoisinage du pôle postérieur, la zone équatoriale étant relativement respectée. De telle sorte que la vision centrale
baisse très rapidementau fur et à mesure que
l'hémorragie
s'étend et envahit les membranes profondes, la vision
péri¬
phérique semaintenant longtempsencore. Les maladesaccu¬
sent souvent une perception quantitative
de lumière
sur¬tout le pourtourdu champ visuel et rienau centre,
lorsqu'on
l'examine dans l'obscurité au moyen d'une
bougie.
Lorsque l'hémorragie est abondante, et quel'épanchement s'avance
assezpour venir se mettre en contact avec
le cristallin,
l'examen au miroirou un bon éclairage latéral permettent
alors de découvrir la coloration rougeâtre du sang. M. Aba-
die
préconise
un moyend'exploration dont il n'a
euqu'à
se louer, lorsque les corpsflottants résultant de la coagulation
épanchée, sont trop épais ou tropnombreux
pourempêcher
l'éclairage des parties
profondes: c'est l'emploi de la lumière électrique
avecle photophore Trouvé. Cet éclairage intense
permettra de distinguer les
fusées hémorragiques
serépan¬
dant dans les diverses couches du vitré.
L'examen
ophtalmoscopique
nedonnera
passouvent de
résultatsappréciables sur
l'état des membranes profondes,
caron a rarement l'occasion d'examiner la lésion au début.
Les malades nevenant ordinairement demander les secours de la science qu'alors que
leur vision est complètement
abolie; le processus
évolue d'ailleurs si rapidement
quel'on
ne peut les examiner
qu'alors
quel'épanchement est total et
l'obscurité des milieux complète.
Toutefois, après dilatation
préalable de la pupille parl'atropine, alors
quele
corps vitré paraîtuniformément trouble, sombre, et qu'il est im¬
possible de distinguer
le fond de l'œil, caché
par une massenuageuse noirâtre occupant
les parties profondes,
on cons¬tate que la lueur rougeâtre
de la choroïde est le plus souvent
visible dans tout le pourtouréquatorial de l'œil. Parfois l'on
constate la
présence
de gros flocons noirâtres, qui flottentdans le corpsvitré et qui sontdus à des caillots rétractés du sangépanché.
La tension de l'œil reste normale, elle est parfois même légèrement affaiblie.
On n'a pas à noter le moindre
phénomène réactionnel;
nidouleur niinjectionde la conjonctive; le globedel'œilconserve son apparence extérieure normale, les membranes externes semblent ne pas réagir contre les modifications des milieux intra-oculaires. Le réflexe pupillaire à la lumière est généra¬
lement
bjen
conservé. Faisons remarquer que dans le cas cité par M. Cabannes, et dont nous rapportons plus loin l'observation détaillée, la pupille se trouvait être en état de contraction plus grande du côté atteintpar la lésion.II
On s'estdemandé, et les recherches des
ophtalmologistes
se sont portées sur ce
point, d'où venait le
sangqui était
épanché en
quantité
assezgrande, puisqu'il amenait si rapi¬
dement un obscurcissement du corps vitré.
Nombreuses
sontles idées émises à ce sujet, etparmi celles-ci
la plupart
nesont
présentées
quesousforme d'hypothèses. On n'a,
en effet, à examiner la lésion que lorsquele fond de l'œil est
inéclairable; le
malade
seprésentant ordinairement trop
tard pour que
l'ophtalmoscope puisse utilement explorer
l'état des membranes profondes, et
cela à
causede la
sou¬dainetéavec laquelle se
produit la lésion.
Les
ophtalmologistes ont donc rarement l'occasion d'assis¬
ter au stade initial de la maladie etde pratiquer
l'examen ophtalmoscopique
aumoment même où les premières rup¬
tures vasculaires commencent à se
produire.
Ledocteur
Abadie put
pourtant constater le début de l'affection chez un
sujet, etsuivre pourainsi dire l'ophtalmoscope à la main la
sortie du sanghors
des vaisseaux.
«Unefois,j'ai pu
surprendre le
processusmorbide dans la
première phase
d'évolution. J'ai
vualors de fines stries san¬
guinesse
produire le long des parois des vaisseaux rétiniens;
ces stries s'étendirent ensuite en nappe,
augmentèrent de
nombre et d'étendue,
envahissant la papille et la
zoneréti¬
nienne environnante, pendant que
d'autres,
sousforme de
longues taches, se
répandaient dans les parties équatoriales.
Le corps vitré
devint rapidement trouble, surtout vers le voi¬
sinage du pôle
postérieur; tout d'abord ce furent des flocons
filamenteux,
membraniformes, dissociés provenant à la fois
et du trouble denutrition du
milieu et aussi du
sang ennature
- u -
qui s'y trouvait épanché. Puis bientôt ces corps flottants,
devenus plus épais et plus nombreux, formèrent un nuage sombre, diffus, qui rendit désormais
impossible l'éclairage
des parties profondes. »
DeGraefe, dans ses
premières
relations sur les hémorra¬gies subites des jeunes sujets, considérait le sang épanché
comme d'origine veineuse, et telle était aussi l'opinion de Eales, qui avait pu en examinersept cas.
En 1882, Nieden donnait pour origine de l'hémorragie le tractus uvéal ; et son opinion concordait avec l'examen ana- tomique d'un œil, fait par Brewster, où le caillot sanguin s'attachait au corps ciliaire.
Pour d'autres, parmi
lesquels
le professeur Panas, ceshémorragies spontanéesproviendraient de la rétine, car on
a rencontré des cas dans lesquels on se trouvait en présence de caillots suspendus à l'un des vaisseaux, au pourtour du nerfoptique. On pourrait admettre aussi des hémorragies des vaisseaux choroïdiens dans lesquelles le sang aurait rompu la rétine etseserait épanché dans le corpsvitré, mais
ces cas sonttrès contestables; l'examen ophtalmoscopique pratiqué
après la
résorption de l'épanchementet lorque les milieux ont repris leur transparencerévèle
souvent l'inté¬grité du fond de l'œil.
Les hémorragies qui proviennent d'une lésion des mem¬
branesprofondeset sontsouvent
complications
d'une chorio- rétinite, ne sont pas deshémorragies
profuses, et rarement elles remplissent le corps vitré ; on les trouve sous forme de foyers siégeant sur la choroïde ou sur la rétine,et particu¬lièrement au pôle postérieur, au niveau de la région macu- laire. On les observe assez souvent chez les myopes atteints de scléro-clioroïdite postérieure, et elles se manifestentsous la forme de scotome.central. Lorsque ces hémorragies sont
assez abondantes elles peuvent fuser du côté du vitré, ets'y
montrer sous la forme d'un caillotflottant appendu par une espèce de pédicule aux vaisseaux rétiniensqui lui ont donné
naissance. Quelquefois le caillot peut être complètement libre de flotter dans le corps vitré.
— 15 —
Mais ces hémorragies ne sont pas
celles
qui nousinter¬
ressent, puisqu'elles ont pour
origine
unelésion des
mem¬branes ; nous voulons seulement nous occuper
des hémor¬
ragies spontanées,
hémorragies le plus souvent observées
chez des adolescents.
Ces hémorragies sont veineuses pour
le professeur Panas,
et M. Gontard
(Thèse de Paris 1891)
se rangeà
sonavis,
considérant ces hémorragies du
vitréum chez les jeunes
gens comme dues, non
à la rupture des artères rétiniennes,
commechez lesvieillards atteintsd'artério-sclérose, maisbien à l'ouverture des veines de la rétine; et cet auteur repousse
l'opinion de de
Wecker qui voulait
quele
sangprovînt
dans cescas des gaines du
nerf optique; il paraît rationnel
quesi le sang
s'épanchait dans les gaines il aurait plus de
tendance à remonter vers la cavité crânienne qu'à faire
issue dans l'intérieur de l'œil.
Si les veines sontles plus
exposées à la rupture, il fallait
pourtantdonner une cause
occasionnelle de cette rupture,
et M. Panas propose
la suivante
: «Du côté du système
veineux, nous trouvons un
mécanisme favorable à la
pro¬duction des hémorragies spontanées, ce
sont les thromboses.
Dans certaines infections, le sang se coagule dans
les vais¬
seaux : ilse produit un
tlirombus;
enarrière du thrombus il
ya dilatation vasculaire,
altération des parois, puis extrava-
sation par rupture.
Si
cemécanisme
nepeut être érigé en loi
générale, il doit du
moins commander bien des
cas.Poucet deCluny
a d'ailleursbien montré
quela rétinite leucémique
se produit dans des
conditions analogues
parsuite d'infarc¬
tus de globules blancs
dans les vaisseaux, et certaines affec¬
tions oculaires dépendant
de la malaria n'ont
pasd'autre
origine. C'est donc dans
le système capillaire veineux et dans
la dyserasie
sanguine qu'il faut chercher le point de départ
deces lésions oculaires. »
M. Vennemann (de
Louvain), dans
uneséance du Congrès
de la Société française
d'ophtalmologie (1898), reprenant
l'opinion du professeurPanas, s'affirmait
pourla
prove-nance veineuse du sang des
hémorragies
intra-oculaires ;« la tension surélevée de la circulation retentit sur le réseau capillaire, dont les fines ramifications sont les premières à
se rompre. La présence de thromboses hyalines dans cer¬
taines veines explique cette stase et cette
hypertension
veineuses. »
Dans le travail qu'il publia dans le Wiestnik
ophlalmo- logii (1894),
M. Khodine pense, et il est de l'avis de deWeckersur ce point, que les
hémorragies
du segment antérieur du vitréum proviennent des vaisseaux de la choroïde et celles du segment postérieur reconnaissent pour origine les vaisseaux de la rétine.III
Qu'est-ce qu'une hémorragie spontanée du corpsvitré?
C'est une hémorragiesurvenant sur un œil ne présentant
aucune lésion antérieure permettant de
l'expliquer
net¬tement, et qui, dans la plupart des cas, constitue un fait d'ordre accidentel ou lié à desmodifications del'étatgénéral.
Il est certain malgré tout que la
séparation,
tranchée, ab¬solue entre l'hémorragie spontanée et celle qui ne l'est pas, cette séparation tombe dans certains cas ; on peut trouver dans quelques circonstances des hémorragies survenant
sur desyeux atteintsde.lésions légères ne déterminant pas habituellementd'hémorragies.
Entre la cause et l'effet il
n'y
a pas alors de proportionna¬lité; avec ces réserves, on peut considérer aussi ces hémor¬
ragies comme spontanées et on revient ainsi à relever, commedébut, une modification probable dans l'état général.
Enparcourant les différentstravaux écrits surcette lésion,
eten restant strictement limité dans les bornes du sujet pro¬
posé, nousverronsquel'étiologie decesaccidents est forcé¬
ment limitée.
Ne pouvant proposer uneexplication
pathogénique
sur unsujet encore actuellement aussi mal connu, nous nous con¬
tenterons de citer autant que possible les faits dans l'ordre
chronologique
de leur publication, en rapportant les diffé¬rentes opinions qu'ils ont suggérées à leurs auteurs.
Nous essaierons de grouper les faits de môme ordre, et citerons à ce moment les observations cliniques qui ont servi à les appuyer.
Avant la communication d'Abadie, Eales avait rapporté sept observations d'hémorragies du corps vitré, recueillies
n
"
4l
G.
chez dejeunes
sujets de dix-sept à vingt
ans,du
sexemas¬
culin. Pour lui, ces hémorragies
étaient d'origine veineuse
et siégeaient à la
périphérie de la rétine
;il avait remarqué
qu'elles se
montraient habituellement à gauche. Nieden, qui
avaiteu l'occasion de rencontrersix fois cette
affection
pen¬dant une période de temps
de huit
anset demi, et
sur untotal de.34.489malades examinés, fit sur cesujet, en
1882,
au Congrèsd'Heidelberg
unecommunication des plus intéres¬
santes. Ilavait remarquésa
fréquence plus grande chez les
jeunessujets du
sexemasculin, de quinze à vingt-cinq ans.
Troisfoissur ces six cas,les deuxyeux furent
pris alterna¬
tivement, maisjamais
simultanément. Nieden attirait l'at¬
tention surla relation qui existait entre
l'apparition de la
maladie, etl'époque de
la puberté. En rappelant l'observation
qu'avait faiteavant lui de Graefe
surla fréquence des épis-
taxis violentes qui avaient
précédé l'apparition des hémor¬
ragies
intra-oculaires, et avaient cessé depuis; il faisait
remar¬quer que
trois de
sesmalades seulement étaient sujets
auparavant aux
épistaxis, mais
quechez
aucund'eux il ne
semblait y avoir
d'hémophilie véritable. On
nepouvait noter
chez eux que leur
faiblesse apparente, leur constitution
presque
infantile,
nonvirile, leur tempérament
mouet lym¬
phatique. Pour lui, ces
hémorragies étaient
en sommecom¬parables aux
épistaxis qui surviennent chez les jeunes sujets
au moment de la pubertéet
qui paraissent liées
auxtrans¬
formations que subit l'organisme
à cette période de la vie.
M. Abadie danssa
première communication, appuyant
son opinion sur deux observationsde malades
que nous rap¬portons plus loin, n'eut à noter
dans l'étiologie de
ses ma¬lades, (jui étaient des sujets jeunes, du sexe
masculin,
que la fréquence des épistaxis commesymptôme précurseur, et
la diminution sensible du chiffre des globules rouges. Ces
deux signes auraient pour lui une
grande! importance, et il
les rappelle dans le rapport qu'il fit en 1897
à la Société d'oph¬
talmologie de Paris, parce qu'ils semblent
indiquer
que ce processus hémorragique est du à unealtération du
sang :— 19 —
aussi l'action thérapeutique
doit-elle être,
pourlui, dirigée
dans cesens.
Orservations de M. Abadie
Ons. 1. —M. M... âgéde vingt-six ans,cultivateur à
Amilly (Loiret),
n'a aucun antécédent pathologique important. Dans cette
famille,
sur treize enfantshuit vivent et se portent bien.Au commencement de1884,cejeune homme,jusqu'alors
bien
portant,futpris de saignements de nez qui serépétèrenttous
les jours deux
ou trois fois.Auparavant déjà, il avaiteu de temps à autre
des épistaxis, mais
pas avec une telle fréquence
(son
pèreétait sujet
àla même affection).
En mars 1884, sans causeappréciable,
la
vuebaisse rapidement des
deux yeux; pas de myopie antérieure. En
juillet, tout d'un
coupla
vue de l'œil droits'éteintcomplètement, etendécembre,l'œil gauche
seperd
à son tour etle malade est bientôt complètement aveugle. Le 6
février
1885, il entre à l'hôpital, où l'on portele diagnostic de décollement de
la rétine dansles deux yeux.
Après trois mois de traitement par les
injections de pilocarpine
sansaucune amélioration, il sort de l'hôpital et se présente àla
clinique du
docteurAbadie, qui constate ce qui suit:
Al'ophtalmoscope,l'exploration de
l'œil
estimpossible des deux côtés;
le corps vitré paraîttrouble, sombre,
noirâtre,
et nelaisse apercevoir
aucun détail des membranes profondes. Ce
trouble
a sonmaximum
d'intensitévers le pôle postérieur; il s'atténue un peu vers
les régions
équatoriales, où,la pupille étant dilatée,la lueur oculaire
est presque normale, sauf pourtantenbas où la teinte rougeestun peuplus sombre;
lechamp visisuel, déterminé dans l'obscuritéau moyen
d'une bougie,
ases limites presque normales sans lacunes bien
sensibles;
pourtant en haut, surtout pour l'œil droit, la projection estun peumoins
nette.A
droite, il n'existe que de la perception quantitative; mais à gauche, oùle trouble des milieux estun peu moins intense,
il
y a dela
perception qualitative sur toutle pourtour du champ visuel, mais pas au centre;latéralement danstoutesles directions, saufde face, ce maladecompte les doigtsà une distance variable de 20 à 40 centimètres.
On applique des ventouses scarifiées aux tempes et
l'on
prescrit letraitement suivant: prendre tous les jours: 1° X gouttes d'ergotinine
Tanret dans unpeu d'eau sucrée 2° 1 gramme d'extrait de quinquina;
3° un demi-verre delimonade sulfurique; 4o X gouttes de perchlorure
de fer.
Après dix jours de ce traitement, on constate uneamélioration nota¬
ble, les milieuxsontplus transparents. Cemalade quitte alors la clinique,
muni deses prescriptions et continuerace traitement chez lui. Au bout
de cinq mois, pendant lesquels cette médication a été régulièrement continuée, il revient et nous constatonsun changement extraordinaire.
D'abord il est venuseul de sonpays et n'a plus besoin d'être conduit
comme un aveugle. Il nous annonce, trèsjoyeux, quedepuis le jour ou il a quitté la clinique, l'état desa vue s'est amélioré progressivement; qu'au bout de deux mois de traitement il estarrivé à se conduire seul; enfin que depuis quinze jours environ, il peut lire les caractères ordi¬
naires dujournal.
A l'ophtalmoscope, nous constatonsun grand changement; à gauche,
les milieux se sont éclaircis et il est facile de distinguer la papille. En
certains endroits néanmoins on aperçoit comme des plis blanchâtres, légèrement chatoyants et un peu mobiles dans le corps vitré; il semble
que ce soient des soulèvements partiels de la rétine (i); il n'existepour¬
tant nulle lacune bien appréciable dans le champ visuel,
Adroite,l'aspect du fond de l'œil n'a guère changé; l'exploration est toujoursimpossibleàcausede l'obscurité du corpsvitré dans le voisinage
de la papille etdu pôle postérieur. Les régions équatoriales ontpour¬
tantgagnéen transparence,la perception qualitative existe, mais àun faible degré, sur les parties latérales.
Obs. II.— M. D..., seize ans, épicier à Bornel
(Oise).
Depuis l'âgede
trois ans, oùil avait eu des convulsions, la santé de cejeune homme a toujours été assezdélicate.
l,1) Depuis,j'ai revu ce malade dontlasituationrestebonne, etj'aipu cons¬
taterpar un examen attentifetpar le déplacement parallactique de l'image
dufondde l'oeil que cesplis membraneuxnesont pas constitués aux dépens
delarétine, mais qu'ils semblent forméspar une trame mince, nacrée, cel- luleuse, occupantles couches les plus profondes du corpsvitré.
- 21 -
Sa mère, âgée de
quarante-sept
ans,fut atteinte, il
ya cinq ans,
d'une néphrite
albuminurique,
etdepuis trois mois elle
ades pertes uté¬
rinesabondantes. Elle s'est mariéeavecson
cousin germain qui, toute
sa vie, a ététrès sujetaux épistaxis.
Leurs troispremiersenfants sont morts en
bas âge,
unquatrième est
mort phtisique;
le jeune malade, sujet de cette observation, est le seul
qui leur reste.
Le 23 août 1885, en selevant, D...
s'aperçut
quesa vueétait obscur¬
cie par un brouillard épais, surtout
à l'œil droit. Le lendemain, il était
presquecomplètement
aveugle
; aubout de deux
outrois jours cepen¬
dant, sa vue s'éclaircit de
l'œil gauche tandis
quele droit percevait à
peine la flammed'une
bougie.
Le 22 septembre, D... se
présente à la Clinique du docteur Abadie; à
ce moment,la vision de l'œil droit est réduite à une
simple perception
quantitative. La pupille est
dilatée, et pourtant il est impossible de dis¬
tinguer le fond de
l'œil, qui est caché
par une massenuageuse noirâtre
occupant toutes lesparties
profondes du
corpsvitré. Dans les régions
équatoriales,ondistingue assez
bien la lueur rougeâtre du fond de l'œil;
en bas, dans les parties déclives,
derrière le cristallin,
onaperçoit une
massefilamenteuse rougecramoisi,
qui paraît être du
sangcoagulé.
Al'œil gauche, sauf deux ou
trois fines hémorragies striées le long
des vaisseaux rétiniens, aucune altération
appréciable. Les milieux sont
absolument transparents. Dureste,
de
cecôté, l'acuité visuelle est nor¬
male etégale à 1. Adroite, au
contraire, de face la vision est réduite à
une simple perception
quantitative; mais dans tout l'équateur le champ
visuel aconservéses limites normales, sans aucune lacune, et
il existe
une faible perception qualitative.
Ni sucre ni albumine dans les urines ; rien au cœur ; bronchite
des
sommets. On prescrit dix gouttes
d'ergotinine Tanret
parjour dans
un peu d'eau sucrée. Le9 octobre,
obscurcissement subit de la vision de
l'œilgauche.
Lelendemain10, D... se présente àla
Clinique,
etl'on constate dans
l'œil gauche la présence de grosflocons
noirâtres flottant dans le corps
vitré. Lapapille, difficile à
découvrir, est voilée
;quelques-uns de
sesvaisseaux sont rompus et ontdonné
naissance à des fusées hémorragi¬
ques qu'on distingueà leur couleur rouge
sombre.
Versl'équateur, où
le
corpsvitré
aconservé
satransparence,on aper¬çoit nettement, disséminé çà et là, d'autres
foyers hémorragiques.
Latension intra-oculaire estnormale, plutôt légèrement
affaiblie.
L'œil droitprésente àpeu près
le même
aspectqu'au premier
exa¬men; onvoitpourtant un peu mieux
la rétine dans les régions équato-
riales. Lecaillot sanguin, toujours bien
visible dans la région ciliaire
inférieure, n'a pas changé d'aspect. Lavision de
cetœil
est un peu meilleure; les doigts sontcomptés à 30 centimètres;l'acuité visuelle de
l'œil gauche estencore de
1/4.
Le sang est examiné au point
de
vuedes altérations qu'auraient
pusubir lesglobules. Cetexamen aété
fait
aulaboratoire de M. Malassez,
par M. Suchard.
L'hémoglobine
neparaît
pasavoir subi d'altération,
etla coloration est à peu prèsla même que
celle du
sangnormal
;mais
il y a une
diminution sensible du chiffre des globules
rouges,réduit à
2.600.000 seulement par millimètre cube pour
6.000 globules blancs.
Le malade toussetoujours beaucoup,
mais n'expectore
pas.On
pres¬crit alors : dix gouttes d'ergotinine par
jour, 1
grammed'extrait de
quinquina, undemi-verre
de limonade sulfurique et dix gouttes de
per-chlorure defer.
Enoutre un vésicatoireest appliqué àla nuque,
dans le but de
pro¬duire une contre-irritation.
Le 16 octobre, uneamélioration sensible est déjà manifeste;
l'acuité
visuelle de l'œil gauche atteint
1/3, les flocons du
corpsvitré
sontbeau¬
coupmoins épaisetnombreux,
la papille
estplus nette. L'œil droit compte
les doigts à 30centimètres. La
papille
estplus claire du côté gauche.
Sur l'artèreinférieure on aperçoit unegrosse
hémorragie
;les vaisseaux
sontplus faciles àvoir. Sur
l'un d'eux,
enhaut
et endehors,
onvoit
une traînée blanchâtre l'entourantcomme unegaine avec une légerpiqueté
rouge. Vue = 1/3.
Le20 octobre, OG. V=1/2, la papille est presque tout à
fait
nette;les hémorragies sont résorbéesen grande
partie.
L'œil droit est unpeu moins trouble; les
doigts
sont»comptés jusqu'à
60 centimètres.
Le 3 novembre, l'acuité visuelle de l'œil gauche diminue, elle
n'est
plus quede 1/4. Le corps vitré esttrouble
etla papille
sevoit mal.
M. Abadie fait appliquer un séton à la nuque; OI) reste
stationnaire.
- 23 —
Le20. Depuis l'application du séton,
l'oeil droit paraît s'être bien
éclairci; on voit assez bien la rétine dans toutl'équateur
de l'œil. On
aperçoit un gros nuagenoir flottant au-devant de la papille et derrière
lecristallin, en bas un caillotsanguin rouge.
L'œil gauche reste dans le
même état.
Le 5 décembre, l'œil droit ne compte plus
les doigts. Les régions
équatoriales nesont plus
visibles
àl'ophtalmoscope. L'œil gauche paraît
mieux;la papille est plus nette.
Vue 2/3.
Le 18, l'œil droit restetoujours
dans le même état.
L'œil gauchene
paraît
pasavoir subi
unchangement notable. Néan¬
moins on ne voit plus aucune trace
d'hémorragie du fond de l'œil.
L'exsudathémorragique qui
entourait le vaisseau supéro-externe s'est
complètement résorbé.
« A partir dece moment, nous cessons
de voir le malade qui continue
toujoursson traitement etses
visites à la Clinique de M. Abadie.
»(_R.
Cognet, Thèse deLyon
1886.)
Nous devons remarquer que
dans les observations de
M. Abadie on trouve dans les antécédents de nos
sujets, soit
chez eux, soit chez leurs parents, une
prédisposition
aux hémorragies. Et cetterelation entre les hémorragies récidi¬
vantes du corps vitré et
l'apparition d'épistaxis fréquentes
antérieures estcelle qui nous
semble le plus souvent notée
par J. Hutchinson
(Royal London ophtalmie Hospital
Reports,
vol. XII, part.III, 1889) qui rapporte 8 cas d'obser¬
vation ; par
Khodine (Wiestnik ophtalmologii, 1894) qui four¬
nit l'observation détaillée d'un sujet de
vingt-neuf
ans,qui
présentait du côté droitdes hémorragies spontanées du
corps vitré s'étant
reproduites spontanément à plusieurs
reprisessans cause apparente.
Rien
au cœur, auxpoumons
;urines normales, fréquentes
épistaxis, tel est le résumé de
i'étiologie des sujets que cet auteur a eu
à examiner présen¬
tant la lésion qui nous occupe, et
dont il réunit les
casdans
son important
travail.
En 1888, Zieminski, publiant un
travail
surl'apoplexie
générale du corps vitré
chez les adolescents, prétendait
— 24 -
« que
l'origine de
cetteaffection devrait
êtrerecherchée dans
la rétention etla décomposition putride desmatières fécales dans l'intestin, d'où une altération du sang prédisposant
aux hémorragies »
(!) (Annales d'oculistique,
1888).L'hyper¬
trophie essentielle du cœur, qui n'est qu'une
exagération
del'hypertrophie physiologique
de croissance, en serait une seconde cause déterminante.Pour fantaisiste que puisse paraître cetteopinion, il nous faut la relater, car l'auteur réunit 4 observations d'adoles¬
cents, dans lesquelles il accuse la stercorémie consécutive à
une constipation opiniâtre. Notons que trois de ses malades
étaient sujets à des
épistaxis fréquentes.
Le professeur Panas, dans une de ses cliniques de l'Hôtel- Dieu, faisait observer, en 1887, chez une de ses malades qui avaitprésentédes hémorragies intra-oculaires, que dans des
cas de cegenre il ne fallait pas s'arrêter à chercher exclusi¬
vement une raison oculaire, mais s'adresser à l'état général qui pouvait
être
toujours mis en cause; ceshémorragies
spontanées se trouvent surtout chez les jeunes gens, au moment de la puberté ; or à ce moment il faut penserà
l'hypertrophiecardiaque ; quel'on
suppose lecœursedéve¬
loppant d'une
façon exagérée
par rapport aux autresorga¬nes, avant que
l'équilibre
s'établisseentre la force du cœur etle volume des organes, les parois des vaisseaux suppor¬tent une pression exagérée qui, dans certainscas, heureuse¬
ment fort rares, suffitpour les faire éclater. Et à l'appui
de
son affirmation, M. Panas cite lecas d'un jeune paysan qui,
alors qu'il était au travail, perdit brusquement la vue, sous l'influence d'aucun traumatisme, d'aucun effort particulier.
Ils'agissait d'une hémorragie vitréenne, et l'examen consé¬
cutif permit de constater chez le sujet une hypertrophie car¬
diaque qui, seule, pouvait être mise en cause.
«
L'hypertrophie
cardiaque de la croissance estla
causela
plus fréquente de l'augmentation de la tension de la circula¬tion sanguine, et par suite de la rupture des
veines réti¬
niennes chez les adolescents», écrit M. Gontard qui repro¬
duit l'opinion de M. Panas à cet égard.
- 25 —
M. Panas, en effet, avait
exposé qu'il fallait, au point de
vueétiologique
p),
«tenir compte de trois faits principaux :
la puberté,
le
sexemasculin, la rapidité de la croissance.
Les jeunes garçons
dont la taille augmente avec rapidité
sont
exposés plus
quetout autre aux maladies, et en parti¬
culier aux hémorragies.
Celles-ci doivent alors être attri¬
buées à une altération du sang.
A l'époque de la puberté, il
se produit un
flux sanguin vers le « pôle céphalique » chez
les jeunes garçons, se
manifestant par la croissance de la
barbe, la
modification de la voix résultant du développe¬
ment du larynx ; ce
flux
sefait chez la femme vers le pôle
du bassin, d'où
écoulement menstruel. On comprend alors
pourquoi les
hémorragies oculaires sont surtout observées à
l'époque de la
puberté dans le sexe masculin.
Puisviennent les sujets
atteints de troubles dyspeptiques
et spécialement
de dilatation stomacale ; d'après Panas, ces
sujets seraient
particulièrement prédisposés à ces hémor¬
ragies vitréennes ;
et
cesaccidents, seraient probablement
dus à des faits d'ordre
vaso-paralytique, sous la dépendance
d'altérations du sang
consécutives à des infections, des
toxémies.
« Les
apoplexies
engénéral (2) ne peuvent être dues qu'à
deuxcauses, et les
Anciens, surtout depuis Boerhaave, divi¬
saient les hémorragies
spontanées
endeux classes: hémorra¬
gies par
dyscrasie sanguine, dans lesquelles les vaisseaux
laissent passer
le
sangcomme à travers les mailles d'un pa¬
nier, elles-mêmes
subdivisées en deux classes : actives (chez
les congestifs,
les pléthoriques) et passives (chez les scrofu-
leux, les
anémiques)
etles hémorragies par rupture apparte-
tenantà la grande
classe de l'artério-sclérose. Voilà ce que
nos prédécesseurs
enseignaient.
»Lejouroù l'on a connu
le rôle des vaso-moteurs, où les
expériences des
physiologistes ont montré que la section du
(Ù Sociétéfrançaise
d'ophtalmologie, Congrès de 1898.
P) Panas, Presse
médicale,3 avril 1897.
sympathiquedétermineladilatation vasculaire,sonexcitation la construction des vaisseaux, on a voulu tout rapporter à l'influence nerveuse dans la production des
hémorragies
spontanées. Toutbilan fait, je crois, qu'il faut en revenir aux théories anciennes. Sansdoute, chezun artério-scléreux,le froid, uneémotion vive, sont susceptibles, par l'intermé¬
diaire du systèmenerveux, de déterminer danslesvaisseaux des modifications de calibre pouvant entraîner leur rupture.
Deux faits n'en commandent pas moins ces
hémorragies
: l'altération des parois, l'altération de la crase sanguine.Chez un individujeune, sans
artério-sclérose,
vous ne pou¬vez guère invoquer la fragilité vasculaire. Or, fait remar¬
quable, et qui anéantit la théorie de
l'artério-sclérose,
ceshémorragies
du vitré apparaissent chez des enfants, des adolescentsjusqu'à
trente ans, rarement plus tard ; elles ne peuvent donc être rattachées qu'à une dyscrasie. »Y a t-il une relation entre cet
étatdyscrasique
et la toxémie gastro-intestinaleà laquelle sont soumis lesdyspeptiques,
les
constipés
? M. Panas rapporte le cas d'un enfant sujet à déshémorragies
du globe oculaireet del'orbite,chezlequelil trouva une dilatation énorme del'estomac;
ne pouvant attri¬buer cesafflux sanguins aux seuls efforts du vomissement qui était leseul symptôme concomitant à leur apparition, il fallait admettre que la cause efficiente résidait dans l'intoxi¬
cationgastrique.
L'hérédité goutteuse pouvait être seule mise en cause chez un autre de ses malades, qui présentait de fréquentes
hémorragies
du vitré.Trousseau^1)
a rapporté l'observa¬tion d'un homme de
trente-quatre
ans, d'hérédité goutteuse, mais encore indemne d'accidents personnels, chez lequelune énorme
hémorragie
du vitréa guéri sans laisserde tra¬ces, après avoir obscurci totalement la vue pendant deux mois. Ce malade était très
névropathe
et, quoique trèsamai¬gri, ne présentaitaucune altération organique. Dans les fré- (D Bulletin médical, 4avril 1897.
— 27 —
quentes
analyses d'urine qui ont été faites (11 en trois mois)
ona trouvé une fois
seulement des traces à peine sensibles
de glucose;
mais les pertes d'urée se montaient à 35 et 45
grammes par
vingt-quatre heures.
Dans un autre cas, rapporté par
le même auteur, une hé¬
morragie
oculaire, récidivante, ne pouvait, malgré des
recherches
précises, être attribuée à une autre cause qu'à
l'azoturie.
Une maladed'environ
vingt-huit
ansqui éliminait 35 gram¬
mes d'urée parjour
et présentait une phosphaturie intermit¬
tente, vit
survenir
unehémorragie rétinienne qui persista
longtemps.
Nous rapportons
volontiers la curieuse observation d'un
malade de M. Jacqueau
(de Lyon) dans laquelle la phospha¬
turie et l'azoturie peuvent
seules être mises en cause pour
expliquer une
hémorragie récidivante du vitré.
Cet auteur fait suivre son
observation de quelques consi¬
dérationsqui
peuvent être résumées ainsi : la plus grande
fréquence de
l'hémorragie spontanée ne se montre pas uni¬
quement
à l'adolescence, mais entre vingt et trente ans,
puis après
cinquante
ans.Le sexe masculin est plus souvent
atteint dans lejeune âge;
cette prédominance s'atténue pro¬
gressivement pour
frapper indistinctement hommes ou fem¬
mesà partir
de cinquante
ans.La bilatéralité de l'affection,
qui est la
règle chez les sujets jeunes, tend à disparaître
entre trente et quaranteans, pour
faire place à la monolaté¬
ralité qui est
à
sontour la règle chez les personnes âgées.
L'auteur tirecesdéductions de l'examen
de 53 observations
inédites d'hémorragies
abondantes du vitré, survenues sans
causes déterminantes connues, au moins
locales. Plusieurs
de ces observations ont été empruntées au
vaste service de
la Clinique