FACULTÉ DE
MÉDECINE
ET DEPHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1902-1903 Ji» 104
QUELQUES RECHERCHES
mm DIS ANTECEDENTS ALCOOLIQUES
CHEZ LES TUBERCULEUX
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue
publiquement le 13 Mars 1903
PAR
Paul-Marie LACOSTE
NéauMans(Sarthe), le16janvier1877.
Examinateurs de la Thèse
MM.ARNOZAN, PICOT, RONDOT, MONGOUR,
professeur... Président.
professeur... ) agrégé > Juges.
agrégé )
Le Candidatrépondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses
parties de l'Enseignementmédical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. CADORET
17, RUE POQUELIN-MOL1ÈRK, 17
1903
FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PIIAHMAC1E DE BORDEAUXM;. de NABIAS Doyen. | M. PITRES.
PROFESSEURS
Doyen honoraire.
MM. MICE...
DUPUY [ Professeurs honoraires.
MOUSSOUS MM.
ru- • » i PICOT.
Clinique interne j PITRES DEMONS.
LANELONGUE.
VERGELY.
Cliniqueexterne Pathologieetthérapeu-
j tiquegénérales
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecineopératoire... MASSE.
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histologie VIAULT.
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maladies des enfants. A.MOUSSOUS Chimiebiologique DENIGES.
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section dk médecine (Pathologie interneetMédecine légale).
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SECTION LE CHIltUltGlE ET ACCOUCHEMENTS MM.DENUCÉ.
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section des sciences anatomiques et physiologiques
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COURS COMPLÉMENTAIRES
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PRINCETEAU.
LAGRANGE.
CARLES.
Le Secrétairedela Faculté: LEMA1RE.
Pardélibérationdu 5 août 1 s"9, la Facultéaarrêté queles opinions émises dans les Thèses qui
sont présentées doivent être considérées comme propres àleursauteurs, et qu'elle n'entend leur donner ni approbation ni improbation.
A LA MÉMOIRE DE CEUX QUI ME FURENT
CHERS
ET QUI NE SONT PLUS
A MON
PÈRE,
A MAMÈRE,
AMA FEMME BIEN-AIMÉE
M ElS ET AMICIS
1*
Lacoste
A MES MAITRES DE L'ÉCOLE DE NANTES
ET EN PARTICULIER
A Monsieur le Docteur M ALIIERBES
Directeurde l'Ecole de Médecine et dePharmacie
et a Monsieur le Professeur ROUXEAU
Auxquels jeconserveunepart toute spéciale dereconnaissance.
A MES CHEFS DE SERVICE DE L'HOPITAL
DU MANS
ET EN PARTICULIER
A Monsieur le Docteur
MÉL1SS0N
:g
A Monsieur le Docteur
CABANNES
Professeuragrégé à laFacultédeMédecine de
Bordeaux.
Engagedemabiensincèregratitude.
A Monsieur le Docteur
POUSSON
Professeuragrégé àlaFacilité de Médecine
de Bordeaux,
Chargédu cours de clinique des maladies
des voies urinaires.
ChirurgiendesHôpitaux,
MembrecorrespondantdelaSociétéde Chirurgiede
Paris,
Officierdel'Instructionpublique.
Dansleserviceduquelj'aipuisé desi
utilespréceptes.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur
ARNOZAN
Professeurcle ThérapeutiqueàlaFaculté deMédecinede
Bordeaux,
MédecindesHôpitaux, Officierdel'Instructionpublique.
Enrespectueuxhommageetenrecon¬
naissant souvenir pour le précieux enseignement que j'ai trouvé à la
fois sous sa direction et dans ses éminents travaux, pour sa grande
bienveillance etl'honneur qu'il m'a
fait de vouloir bien présider ma thèse.
PRÉFACE
Il est et sera toujours des vérités
qui doivent être
sansrelâ¬
che éternellement répétées, des axiomes
dont l'oubli comporte
de tels dangers qu'on ne
saurait
tropaccentuer la clameur
d'alarme et apporter à son
appui
tropd'éléments de démonstra¬
tion.
C'estpénétré de cette
conviction
auservice de laquelle il.a su,
sans se lasserjamais, mettre en toutes
circonstances
sonzèle de
robustetravailleur, que M. le professeur
Arnozan
nous aéclairé
sur le choix d'un travail à accomplir.
Quel que soit le regret
qu'on puisse éprouver à voir surgir, au
plusâpre d'une luttevraiment sainte
parsaportée humanitaire,
des théories subversives issues d'un sanctuaire respecté
dont la
mémoire de Pasteur eût dù préserver les
adeptes,
nous seronsinfiniment heureux d'apporter notretoute
petite pierre à l'œuvre
d'assainissementdela santé publiqueauquel concourent à
l'heure
actuelle les plus beaux
esprits
etles talents les plus indiscuta¬
bles de notre époque médicale.
Nous remercions très sincèrement lesmaîtres de laFaculté de
Bordeaux qui nous ont
permis de puiser dans leurs services les
éléments de statistique nécessaires à notre
thèse inaugurale et
nous souhaitons que si, par extrême
hasard,
cetrès modeste
opuscule
tombait
entreles mains de quelque membre de la
ligue alcoolophile,
il
ne noustienne
pastrop
rancuned'avoir
traitéun pareil sujet et surtout
d'avoir, dans la sphère très limi¬
tée d'unpareil travail,
cherché
unenouvelle querelle à leur plus
précieux
auxiliaire.
OUELQUES
REC11ERCl I ES
SUR LA
CHEZ LES
TUBERCULEUX
INTRODUCTION
Onn'en estplus à discuter,
aujourd'hui,
surl'importance pri¬
mordiale des états diathésiques dans l'infection, de
quelque
naturequ'elle soit. Tout le
monde
estdepuis longtemps d'accord
pourreconnaître au «terrain »
la valeur qu'il mérite, et là notion
de « tempérament » tend, peu à peu, à
reprendre la place dont
on l'avait un instant trop radicalement privé^.
Aussi bien que les diathèses héréditaires,
les intoxications
chroniques transforment lentementl'individu, elles agissent
en produisant des altérationsanatomiques
portantgénéralement
sur tout un système, se localisant parfois plus
spécialement
surun appareil et y déterminant ainsi de
nouvelles altérations et
destroubles fonctionnelsspécialisés; lesgrands systèmes
de l'éco-
— 16 —
nomie sont bien trop solidaires les uns des autres pour que les
troubles de l'un d'eux ne s'accompagnent pas très rapidement
de troubles généraux.
Par sa fréquence croissante, l'alcoolisme est unedes intoxica¬
tions qui devaient le plus sérieusement retenir l'attention des hygiénistes et des économistes; trop longtempson l'a négligé et si, depuisquelques années, le monde médical s'estémudes dan¬
gers de l'alcool et s'est efforcé de les combattre, il faut bien reconnaître, si triste que soit cette constatation, que ces tentati¬
ves ont été plutôt stériles et, surtout, qu'elles n'ont pastoujours
rencontré auprès des pouvoirs publics l'appui qui n'aurait pas dû leur faire défaut.
Il ne nous appartient pas de rechercher les causes de cette indifférence, nous ne pouvons que la déplorer nous aussi.
L'inlluence que l'alcoolisme peut exercer sur la genèse de la
tuberculose ne fait guère de doute; aussi n'est-ce pas un sujet
neuf dont nous voulons présenter l'étude. Mais, com'me nous le
faisions observer dans notre préface, l'alcoolisme est un fléau
contre lequel les attaques ne seront jamais trop nombreuses et quelque faible que puisse paraître notre effort, nous estimerons
n'avoir pas fait œuvre complètement inutile si nous avons pu
ajouter un peu de certitude à une vérité déjà admise.
Notre tâche est d'ailleurs plus modeste encore que celle qui
consisterait à rechercher et à exposer les relations exactes qui peuvent exister entre l'alcoolisme et la tuberculose.
Quelque intérêt queprésenterait pareil travail,et nous verrons
au cours de cette étude combien le mot « alcoolisme » asouvent été détourné de sa signification véritable, nous avons dû renon¬
cer à seulement l'entreprendre.
Nousnous sommes contenté de recherchersi, parmi les tuber¬
culeux que nousavons puexaminer, beaucoup étaient alcooliques
ou tout au moins alcoolisés. Nous avons fait une simple statisti¬
que et, déjà, qu'il noussoit permis d'exprimer le regret que nos observations nesoient pasplus nombreuses. Ellesnous semblent cependant l'être assez pour nous permettre d'en tirer quelques
conclusions.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
L'histoire des relations entre la tuberculose et
l'alcoolisme
n'est pasnouvelle.
L'acrimonie spiritueuse des boissons, écrivait
Boerhaave en 1721, détermine une irritation prompte,
de là
des débilités, des Ieucophlegmasies et autres maux
semblables.
Et, en 1761, Lieutaud
établissait nettement
unerelation de
causeà effet entre l'alcool et la phtisie en
écrivant
: «La phtisie pul¬
monaire est occasionnée par l'usage
immodéré des vins et des
liqueurs ».
Des médecinsmoins connuset moinsillustresfirent
les mêmes
remarques. De
Brieude, de Madier, Didelot attribuent nettement
à l'ivrognerie l'influence
la plus certaine
surle développement
de la phtisie. Mais,
jusqu'en 1830, les observations sont assez
vagues et peu
précises et, dans les traités classiques, il n'est
point fait
mention
ouà peine de l'alcoolisme dans l'étiologie
de la phtisie
pulmonaire.
En 1830, Papavoine
reprend la question et essaie de l'expli¬
quer; pour
lui, les excès alcooliques agissent en amenant la
débilité de l'organisme.
Broussin,sansnierl'influence
de l'alcoolisme,
nepouvait
accep¬ter la même explication. Pour
lui,
eneffet, c'est l'irritation et
non la débilité qui donne
naissance
autubercule.
Lestraitésde Lebert,Grisolle, Valleixne font que
mentionner
simplement cette
influence
sans yinsister. Elle est tacitement
admise par tous sans
avoir
uneimportance spéciale jusqu'aux
travaux de Magnus Huss, en
1852.
Le médecin suédois, lui, n'admet plus cette
influence. Les
— 18 —
pêcheurs qu'il a observés sont pour la plupart des alcooliques
non douteux; or, non seulement il n'a pas trouvé parmi eux
beaucoup de phtisiques, mais encore il arencontré souvent chez
les ivrognes des indurations du poumon consécutives à un état
de phlegmasie chronique; ces indurations ne sont autres que des tubercules desséchés. La conclusions'imposait : l'alcoolisme
11e donne pas la tuberculose, il la guérit au contraire.
Mais tout le monde ne partageait pas l'opinion de Magnus
Huss. Deux Américains, le Dr Bell (de New-York)et le DrDawis,
en 1850 et 1851, à quelques mois de distance, faisaient de nom¬
breuses recherches sur la même question; les conclusions qui
s'en dégageaient, nettes et précises, étaient que l'alcoolisme
favorise la tuberculose; dans la plupart des cas, leurs tubercu¬
leux étaient en même temps des alcooliques; de plus, la tuber¬
culose présentaitcette particularité de n'être apparue et de 11e s'être développée que vers quarante ans, après l'âge par consé¬
quent auquel elle se manifeste d'habitude.
Dès ce moment, les publications se succèdent. Kranz (de Liège) décrit la phtisie disséminée aiguë survenant chez des
buveurs de 40 ans; Launay signale la même forme mais admet qu'ellepeut sedévelopperchez des sujets plus jeunes; déjànous trouvons dans son article (Union médicale, 1862), une intéres¬
sante remarque, nous la transcrivons en entier : « Nous avons
dit laphtisie des buveurs, il faudrait dire des buveurs d'alcool.
Cette affection, en effet, était inconnue dans nos pays vignobles
où cependant les ivrognes nemanquent pas,avant l'invasion des produits de toutes couleurs que la distillation, jointe à un mer¬
cantilisme effréné et sans pudeur, jette au grand dommage de l'hygiène dans la consommation non seulement de la classe ouvrière maisencorede la classe aisée ».Acôtédescas dephtisie aiguë comparables à ceux de Kranz, il aaussitrouvé des cas de phtisie chronique et il signale l'extrême fréquence des accidents laryngés concomitants.
Mais cet accord entre les observateurs ne tarda pas à être
troublé : Leudet, dans une communication au Congrès de Lyon
en 1864, puis Tripier, vantèrent les bienfaits de l'alcool ; les
— 19 —
ivrognes de profession sont moins souvent tuberculeux que les sujets sobres (Leudet) ; l'alcool sous forme d'eau-de-vie est le
meilleur médicament des phtisiques ; il supprime rapidement
^ leurs vomissements et amène dans leur état général line amé¬
lioration considérable. Kempf partage absolument cet avis et
essaie de l'établir par desobservations cliniques et expérimen¬
tales.
Ces divergences d'opinion ne devaient pas être de longue du¬
rée et depuis 1864, nous n'entendons plus de voix
s'élever
en faveur de l'alcool. Lancereaux, dans son article Alcoolisme, duDictionnaireencyclopédique des sciences médicales, discute lon¬
guement les rapports de l'alcoolisme et de la
tuberculose
; aux observations de Bell et deDawis, il ajoute ses observations per¬sonnelles et il en conclut que « l'abus des liqueurs spiritueuses
contribuepuissammentau développementde l'altération
décrite
sous le nom de phtisie granuleuse, si toutefois il ne l'engendre
pascomplètement, au moins dans un
certain nombre de
cas ».La forme de la tuberculose ainsi produite est surtout une forme granuleuse, elle s'accompagne souvent de
gastrite chronique
etde cirrhose hépatique. Très rarement ces granulations arrivent
à produire de grosses ulcérations et des cavernes.
Ilérard et Corail se rangent eux aussi à l'avis de M. Lance¬
reaux et n'acceptent pas les conclusionsde Leudet ni de Tripier.
« Nous avons recueilli l'histoire d'un certain nombre de phtisi-
4 ques qui, très manifestement,
avaient
vu leurmaladie débuter
après l'usage immodéré des boissonsalcooliques... Ces faits
nenous permettent pas de nous rangercomplètementà la
manière
de voir du savant professeur de Rouen, qui parait être égale¬
ment celle de Magnus Huss ».
Peter étaitun observateurtrop éminent et trop précis, il avait trop exactementétudié l'hygiène des candidats à
la tuberculose
pour que l'influence de
l'alcoolisme
surle développement de
^ cette dernière lui ait échappé. Et dans les lignes qu'il
lui
consacre, nous retrouvons les qualités de critique fine etjudi¬
cieuse qui sont la caractéristique de ses
écrits.
«L'alcoolisme
produit-il latuberculose? Oui
et non, voussera-t-il répondu.
— 20 —
Cela dépend des cas. Que
le vigneron de Bourgogne,
par exem¬ple,boive beaucoup, se
grise même
assezvolontiers de
sonbon
vin, il ne deviendra pas pour cela
tuberculeux,
parcequ'il vit
au grand air et d'une existence
active. Mais
pourl'ouvrier des
villes qui reste enfermé tout
le jour
ets'enivre de breuvages
détestables dans d'infectes tabagies, il n'en est plus ainsi : vous le voyez se tuberculiser sous
l'influence
non pasde l'alcool,
mais del'alcoolisme ». Et il conclut :
« Il n'y a pas à discuter
si l'alcoolisme peut oui
ou non pro¬duirela phtisie. Oui,
l'alcoolisme
est une causede phtisie, mais
dans certaines conditions. Il faut donc multipliersans cesse les
données du problème au lieu de les
scinder
commele font
cer¬tains esprits simplistes.
Magnus Huss
vousdira,
parexemple,
que l'alcoolisme ne cause pas
la phtisie
parcequ'il observe des
pêcheurs qui vivent au
grand air et d'une vie active. Les méde¬
cins de Londres, au contraire, vous affirment que l'alcool con¬
duit à la tuberculisation, parce que les ouvriers
londoniens,
sujets de leurs observations, passent
leurs journées
às'enivrer
lugubrement dans lestavernes fumeuses
de la cité
».Nous retiendrons une chose des lignes précitées : c'est que Peter établissait déjà une différence très nette entre
l'alcool
etl'alcoolisme. Ontend beaucoup trop, depuis que la lutte contre
l'alcoolisme a été entamée, à confondre les deux termes.
On oublie volontiers en effet, peut-être même beaucoup ne font-ils jamais su, que l'alcool
depuis
troplongtemps intro¬
duit dans la consommation par des industriels, le plus souvent
décorés, ne provient pas
exclusivement du vin. Dans l'alcool
de vin lui-même, il y a plusieurs variétés, suivant que
l'on
s'adresse à des produits obtenus à des moments
variables de
la distillation. Alcools de vin et alcools industriels, produits
de tête ou produits de queue
diffèrent
nonseulement
parleur
goût mais aussi et surtout par
leur composition chimique. Si
des essences aromatiques peuvent masquer le
premier, elles
nemodifient pas la deuxième, or
celle-ci
paraîtavoir
entoxicologie
une importance de premier
ordre. Elle
aété bien étudiée
par plusieursobservateurs, notamment
parRabuteau.
«Les alcools
- 21 —
monoatomiques de la série CnII2n -f-20 sont d'autant plus actifs qu'ils contiennent un plus grand nombre de fois Jegroupe
Cil2,
c'est-à-dire que leur poids moléculaire estplus élevé (1)... Lors-
^ qu'on analyse par une distillation méthodique les
alcools de
vin, 011 trouve qu'ils présentent une composition notablement
différente de celle des alcoolsindustriels de grains, de mélasses
etde pommesde terre.Les premiers necontiennentquedestraces
d'alcool butylique et propylique, ils ne renferment pas d'alcool amylique. Au contraire, il y a dans les alcools
industriels
des quantités d'impuretés considérables; lorsqu'on leur ajoutede
l'eau, il deviennent laiteux par suite de la présence d'alcool amylique... L'alcoolisme proprement dit
n'est
pas lerésultat
de l'abus des eaux-de-vie de vin ni des vins naturels, c'est-à- dire de l'alcool éthylique pur ou contenant quelques substances inolfensives, mais il est le résultat de la consommation, même à
des quantités relativement peu considérables, des
alcools artifi¬
ciels impurs contenant des substances toxiques ». Et il accom-
w pagne ces observations d'une constatation très
juste
: «On avait
déjà remarqué et j'avais également observé que l'alcoolismeétait rare et n'existait même pas dans les pays vignobles oùl'on
ne buvait que du vin naturel ou des alcools de bonne qualité,
tandis que cette maladie était fréquentechez les classespauvres buvant du vin viné avec de mauvais alcools et dans les pays où
l'on fait usage de ces mêmes alcools ».
Nous verrons plus loin l'intérêt que peut présenter cette der¬
nière remarque; elle est à rapprocher de celles de Launayetde
celles de Peter que nous avons citées plus haut.
On voit, d'après l'exposé que nous venons de faire, que si jusque-là les relations entre l'alcoolisme et la phtisiesont à peu
près admises, elles n'ont pas été cependant expressément re-
i (1) Alcool méthylique GH40.
Alcooléthylique G2 H6 0.
Alcoolpropylique G3H80.
Alcoolbutylique C4Hl0O.
Alcoolamylique C5H,20.
Lacoste 2
cherchées. Dans sa thèse inaugurale, Longeaud étudie l'alcoo¬
lisme chez des tuberculeux quisonten même temps des aliénés;
l'aliénation mentale est déjà un facteur de tuberculose. Sous l'inspiration de Lancereaux, Garaudeaux recherche l'influencede
l'alcoolisme sur la cirrhose et la tuberculoseetarriveauxmêmes conclusions quelui. Puis, Pellerin admet que l'alcoolisme favo¬
rise l'évolution de la tuberculose par l'affaiblissement général
del'organisme qu'il provoque.
Le premier travail d'ensemble réellement important sur la question est celui du docteur Bauquel dans sa thèse de doctorat (Nancy, 1886 87), il faitune étude trèscomplète de la forme, de
la durée, de l'évolution, de la pathogénie, de la tuberculose
chez les buveurs. Son travail méritait mieux qu'une mention,
nous y avons puisé des renseignements précieux ; il serait in¬
juste de ne pas le reconnaître. L'auteur conclut que l'alcoo¬
lisme est une des causes déterminantes de la phtisie pulmonaire
et qu'il agit par la débilitation de l'organisme qu'entraînent ses excès.
La littérature médicale de ces dernières années est beaucoup plus riche. A mesure que les alcooliques sont devenus plus
nombreux l'étude de l'alcoolisme est devenue plus facile et plus exacte.
Citer seulement toutes les publications serait un travail aussi
considérable qu'inutile. Dans la plupart, on trouve au moins
une allusion à la tuberculose ; quelques-unes même lui sont spécialement consacrées.
Lancereaux et Jacquet se sont faits en France les apôtres de
l'anli-alcoolisme. Leurs communicationsontéveillé l'attention et l'intérêt de tous, et leurs efforts ont poussé la lutte contre l'al¬
coolisme avec une nouvelle vigueur. Sous leur inspiration plus
ou moins directe ont paru une série d'étudestrèscomplète dont
les conclusions ne permettent plus de douter que l'alcoolisme
ne soit un facteur important pour aider le développement de la
tuberculose. Si toutes lesstatistiques n'emploient pas les mêmes procédés, leurs conclusions n'en restent pas moins identiques.
Nous ne pouvons analyser ici tous ces travaux. Contentons-
nous de citer les thèses inaugurales et les articles de Bruat,
Brunon et Lecaplain, Orlison, Martel, Imbert, Renault, Déjean
de la Bâtie ; on en trouvera à la fin de ce travail l'indication bibliographique.
Une mention particulière cependant à trois d'entr'eux : le remarquable article : Alcool, maladie, mort, publié par M. Jac¬
quet dans la Presse médicale du 9 décembre 1899; la thèse de
doctorat de M. Imbault, très consciencieuse, trèsétudiée ; le tra¬
vail de M. de Lavarenne, Alcoolismeet Tuberculose, dans le rap¬
port établi en 1900 par la Commission de la tuberculose.
Tout le monde paraît d'accord aujourd'hui ; l'influence de
l'alcoolisme n'est plus seulement admise, elle estdémontrée par des faits et la tuberculose est sinon povoquée toutau moins for¬
tement aidée dans son développementparles excèsalcooliques.
« La phtisie se prend sur le zinc » a dit Hayem, « l'alcoolisme
fait le lit de la tuberculose », a ajoutéLandouzy. C'est trop sou¬
vent exact, mais il ne faut pas non plus exagérer et considérer
l'alcool comme suffisant pour créer la phtisie pulmonaire. De¬
puis Galien, on connaît le rôle important joué par le poumon dans l'élimination de certains principes volatils. L'haleine des ivrognes est une preuvequ'une partie de l'alcool absorbée par
eux vient s'éliminer au niveau du parenchyme pulmonaire et
Broussais avait fait de l'irritation qui pouvait en résulter la
cause déterminante des granulations tuberculeuses. Les idées
sont un peu différentes aujourd'hui. On admet plutôt que l'al¬
cool agit par la détérioration progressive des divers systèmesde l'organisme.
Au premier rang doivent se placer les altérations du tube digestif. On voit combien elles sont fréquentes dans l'alcoolisme
et nousn'avons pas à rappeler ici l'influence de l'alcool sur la digestion, influence d'ailleurs variable suivant ses doses. Les
troubles fonctionnels du tube digestif ont une influence désas¬
treuse sur l'apparition de la tuberculose. Le professeur Peter
insistait sur toutes les causes capables de produire ce qu'il appelait 1' « inanitiation » de
l'individu
ets'il accordait
àl'air
prérespiré une importance extrême,il mettait
aumoins
surle
même plan la nutrition défectueuse.
Or, le plus souvent, l'alcoo¬
lique se nourrit fort
mal.
Nous trouvons à cela plusieurs raisons. La
gastrite
en estla
première et la plusimportante, la plus constante aussi. Mais
elle est loin d'être la seule. Les excès alcooliques n'atteignent
pas l'individu seulement
dans
sonintégrité physique; leur
influence morale est tout aussi considérable. Sans vouloir com¬
parer d'une façon absolue
l'alcoolique
aumorphinomane
capa¬ble de tout pour satisfaire sa passion,
quoique la médecine
mentale nous fournisse de nombreuses observations de dip- somanies, nous sommes bien près de reconnaître que, pour boire, le premier n'hésitera pas à compromettre sa
situation,
à dépenser jusqu'à son dernier sou.
Déchéance physique et
déchéance morale marchent ainsi de pair. L'ouvrier, et nous
ne pouvons douter que les alcooliques
s'observent
surtoutdans
la classe ouvrière, l'ouvrier qui commence à boire voit peu à
\
peu la misère remplacerFaisane#, les privations succéder
aubien-être. Ses facultés morales bientôt affaiblies ne tardent pas à ne plus pouvoir guider ses facultés
physiques affaiblies elles-
mêmes. Son salaire diminue d'autant et le peu d'argent qu'il peut gagner encore il
l'emploie
àboire plutôt qu'à
senourrir.
Que d'alcooliques nous avons rencontrés dans les
salles d'hôpi¬
tal, qui eurent jadis une situation très
aisée
etqui confessaient
être tombés dans la misère entraînés par la satisfaction de leur
vice ! N'est-ce pas là une nouvelle cause,
indirecte
sansdoute
mais non des moindres, d'inanitiation?
Quoi qu'il en soit, les relations dela
tuberculose
etde l'alcoo¬
lisme ne sont plus discutées. Nous allons voir
maintenant
par quelles méthodes on a pu lesétablir.
CHAPITRE II
MÉTHODES EMPLOYÉES
Dans les premiers ouvrages où sont
admises les relations entre
l'alcoolisme et la tuberculose, la méthode employée est des plus simples. Nous avons
remarqué, disent les auteurs, mais à
l'appui de leurs remarques
ils
necitent
aucuneobservation.
Les méthodes qui furent employées
ensuite et auxquelles
au¬jourd'hui encore on a recours,
offrent plus de chances d'exacti¬
tude bien que cependant leur
rigueur
nesoit
pasabsolue. C'est
aux résultats fournis par des statistiques que
l'on
serapporte.
Nous ne rééditerons pas contre ce
procédé d'observation toutes
les critiques qui lui furent
adressées déjà; elle les mérite toutes
et cependant il faut
bien reconnaître qu'elle est seule capable
de nous fournir les résultats que nous
recherchons. Il est
uneréserve cependant qu'il nous
parait indispensable de faire dès
le début; c'est que les résultats
obtenus varient forcément et
avec l'observateur qui les recherche etavec
le milieu dans lequel
ils sontrecherchés. Les conditions économiquesde
deux
pays — et nous prenons cequalificatif dans
son sensle plus large
—sont infiniment variables; elles modifient trop
profondément
le terrain physiologique et
pathologique
pourqu'une même
infection agissant en même temps
qu'une même intoxication
alfecte toujours une marche
rigoureusement analogue dans les
deux; cela parait surtout
vrai
pourla tuberculose et l'alcoo¬
lisme.
Nous n'insisterons pas beaucoup pour ce
qui
concernela
tuberculose. La densité relative de la population, son
activité
industrielle, le mode de cette activité,
la qualité de la vie maté-
rielle sont autant do causes quipeuvent modifier plus ou moins
son développement. Nous ne connaissons pas de conditions bio¬
logiques qui mettent sûrement l'individu à l'abri du bacille de Koch; en revanche nous en connaissons un certain nombre qui
le rendent plus sensible à ses attaques : une des premières est
sans contredit l'encombrement; il est le facteur le plus impor¬
tant de la contagion; aussi trouvons-nous plus de tuberculeux à la ville qu'à lacampagne.
L'alcoolisme nous retiendra un peu plus longtemps. Nous
avons vu plus haut que l'on pouvait admettre des qualités dans
l'alcoolisation. Le fait n'est plus discutable aujourd'hui et de
même que les manifestations de l'alcoolisme aigu sont un peu variables suivant la nature de l'alcool absorbé, de même les accidents de l'alcoolisme chronique sont variables dansleur date
et dans leur mode d'apparition suivant lamêmeraison. Launay,
Rabuteau avaient déjà signalé l'importance de l'origine indus¬
trielle ou vinicole de l'alcool; ils avaient remarqué que l'alcoo¬
lisme était rare dans les pays vignobles. On peutajouter à leurs
remarques une constatation non moinsjuste; c'est que la cul¬
ture de l'alcoolisme a été d'abord employée puis pratiquée
d'une manière intensive et avec le plus éclatant succès dans les
pays où l'on ne récoltait pas de vin. C'est que, en France,
l'alcoolisme est apparu et s'est développé surtout dans les pays
non vignobles et s'est étendu à ces derniers lorsque la vigne a cessé sa production. L'étude de la consommation de l'alcool en
France est suffisamment instructive à cet égard.
La production du vin a commencé à s'atténuer vers 1878; de
1880 à 1890, elle a été minime; elle a repris un peu depuis et, actuellement, elle est aussi abondante qu'avant 1880. Lacon¬
sommation des absinthes, liqueurs et autres spiritueux n'a pas cessé d'augmenter. De 29.192 hectolitres en 1873, elle est pas¬
sée en 1897, à 311.952 hectolitres pour Paris (de Lavarenne).
Elle était, en 1898, de 2.000.000 d'hectolitres pour toute la France; 110.000 hectolitres seulement provenaient de la distil¬
lation des vins, cidres,marcs et fruits.
Voilà donc déjà une première notion et non des moins impor-
tantes, qui se dégage : la
qualité de l'alcool. Une deuxième dé¬
pend de l'individu lui-même.
Or, la susceptibilité de chacun est
variable à l'infini et une dose de plusieurs litres de vin par jour et même de quelques
petits
verresd'eau-de-vie
pourraêtre supportée pendant fort
longtemps
parcertains
sans pro¬duire chez eux aucun trouble ni aigu ni chronique, alors que,
chez d'autres, les mêmes quantités ou des
quantités notable¬
ment inférieures des mêmes produits déterminent très
rapide¬
ment une altération de leur santé. Dans tous les pays produc¬
teurs de vin et d'eau-de-vie, il n'est pas rare de trouver des
hommes qui ont toujours
bu deux litres de vin et même plus et
dont la santé reste florissante, jusqu'à une vieillesse
parfois
très avancée. Ceux-là vous affirment de très bonne foi qu'ils ne boivent pas etqu'ils
n'ont jamais bu;
pour eux,le vin n'est
pasde l'alcool et n'en contient pas, de nuisible tout au
moins; le
reste, lesspiritueux, tout ce
qui n'est
pasdu vin
oude l'eau-de-
vie « naturelle » et qu'ils englobent
dans l'expression mépri¬
sante mais trèsjuste de « saletés » est
seul capable de nuire et
la plupart ajoutent une remarque
qui est peut-être juste, ils
boivent en travaillant. Nous l'avons souvent trouvée dans
la
bouche des malades que nous avons
examinés.
11 faut tenir compte également
de la façon dont l'alcool est
absorbé. Son action sur l'organisme et en
particulier
surl'esto¬
mac varie beaucoup, on le
conçoit, suivant
saforme et suivant
le moment où on le prend. Le
petit
verred'eau-de-vie le matin
àjeun, la goutte
prise
pourtuer le
verest certainement, à ce
point de vue,le mode d'absorption le plus toxique, le procédé
le plus sûr de se
préparer
unegastrite, à qualité et à quantités
égales
d'alcool, bien entendu.
C'est pour toutes ces
raisons tenant à l'alcool lui-même et à
l'individu qu'il n'est pas et
qu'il
ne sera sansdoute jamais
pos¬sible de fixer dans quelles limites
l'alcool peut être utilisé
comme aliment, à partir de quelle
dose il devient
unpoison.
De même, ne peut-on dire où
finit l'usage et où
commence l'abus, à partir de queldegré dans la consommation l'individu
est en imminence d'alcoolisme.
Ces réserves n'étaient pas inutiles; nous y reviendrons sans doute après l'exposé de nos observations. Dès maintenant, elles peuvent être appliquéesà une première méthode de statistique : la comparaison de la courbe de l'alcoolisme à la courbe de 1a, tuberculose. Deux points de vue secondaires peuvent être envi¬
sagés : la répartition géographique et la répartition profession¬
nelle.
L'étude de la répartition géographique globale a été faite dans
la thèse de Tabary : « L'alcool et la phtisie, écrit l'auteur, sont de pairet les pays qui fournissent les plus forts contingents à l'une sont aussi le plus fortement atteints par l'autre. Si l'on
superpose la carte de France marquant les ravages de l'alcoo¬
lisme sur celle qui indique les désastres de la tuberculose, on voit qu'elles se correspondent à peu près exactement. On trou¬
vera dans l'étude très documentée de Lavarenne (Travaux de la
commission de la tuberculose, 1900) les deux statistiques et l'on
pourra seconvaincreque leur parallélisme n'est pas absolument
constant.
Ce procédé n'indique pas la qualité des alcools consommés;
il ne tient pas assez compte des causes autres que l'alcool et plus importantes que lui qui peuvent produire la phtisie : l'en¬
combrement, la contagion, les conditions hygiéniques défec¬
tueuses sont laissés de côté. Ce ne sont point pourtant des fac¬
teurs négligeables. En outre, comme le dit très justement
M. Surbault à la fin d'unetrèsminutieusecritique de ce procédé
les données que nous avons sur la répartition de l'alcool et sur celle de la phtisie sont peu précises. Pour apprécier la réparti¬
tion de l'alcool, nous n'avons d'autres renseignements précis
que ceuxqui indiquent les quantités d'alcool consommées, cequi
est peut-être insuffisant. Les renseignements actuels surla mor¬
talité par tuberculose sont moins précis encore. Même dans les
villes où il existe un bureau de statistique, ontrouve un écart
sensible entre la mortalité tuberculeuse avouée et la mortalité
probable.
L'étude de la répartition professionnelle de la tuberculose et de ses rapports avec l'alcoolisme peut être effectuée de deux
manières suivant que l'on compare entre
elles les mortalités
tuberculeusesdesdiverses professionsoubienque,dans
la
même profession, onrecherche si les alcooliques deviennent plus fré"
quemment
tuberculeux
queles sujets sohres.
Ce deuxième procédé serait certainement
le meilleur; il
per¬mettrait, en effet, de comparer les uns aux autres
des
gensmenant à peu près la même vie, ayant à peu
près les mêmes
besoins, pouvant matériellement les
satisfaire
à peuprès de la
même manière. Encore faudra-t-il, à notre avis, faire certaines catégories secondaires pour les
industries qui peuvent être
exer¬cées à peu près partout, les
conditions économiques pouvant
varier considérablement entre deux pays même assez voisins.
Pareille étude nécessiterait un travail considérable et un effort
collectif que nous ne savons pas
avoir
ététenté. Elle donnerait
aussi les résultats les plus certains.
L'on s'est contenté de comparer entre elles les
mortalités
tuberculeuses de certaines professions en considérant que,
parmi
celles-ci, quelques-unes sont notoirement alcoolisées
Recherchant ensuite la mortalité générale dans chaque profes¬
sion, on l'a comparée à la mortalité par
tuberculose
; on atrouvé
que les
professions alcoolisées avaient
unemortalité supérieure
à la moyenne; 011 a trouvé
aussi
quela mortalité
partuberculose
y était plus élevée que
dans les autres professions. Pareille
étude a été faite en Angleterre eta été poursuivie depuis
1860
par MM. Fau, Ogle et
Teatham, leurs tables sont publiées cha¬
que année sous forme
de rapport. Depuis
queleur travail
aété
entrepris, leurs conclusions
n'ont
paschangé
: cesont toujours
les aubergistes (patrons et
employés) qui
meurentle plus et
d'une façon générale et au point de vue
particulier, de la tuber¬
culose.
Nous n'avons point la pensée de contester
les résultats réel¬
lement précieux qui ont
ainsi été obtenus. Ils sont beaucoup
trop imposants pour ne pas
renfermer
aumoins
unetrès
grosse part de vérité.
Mais
sansvouloir les discuter,
nousne pouvons pour cela nous
empêcher de les trouver
un peuarbitraires. Ils ne s'appuient, en effet, pour
apprécier l'alcooli-
— 30 —
sation notoire d'une profession, que sur la manipulation de
l'alcool sans tenir un assez grand compte peut-être des condi¬
tions accessoires qui peuvent favoriser l'éclosion et le dévelop¬
pement de la tuberculose. Celles-ci ne sont pas négligeables cependant; nous en avons la preuve en comparant la mortalité
des cabareliers de Londresetdes campagnes, despays agricoles
et des pays industriels. C'est à Londres et dans les pays indus¬
triels qu'elle est le plus élevée. Est-ceà dire que les cabaretiers
des villes boivent plus que ceux des campagnes?oubien que la qualité de leur alcoolisme diffère ? Les deux choses sont égale¬
ment possibles, mais on peut aussi admettre entre eux la même
différence que Peter admettait entre le cultivateur vivant et
travaillant en plein air et buvant un peu trop de bon vin et
l'ouvrier des villes restant enfermé tout le jour et buvant de
détestables breuvages dans d'infectes tabagies.
La même critique s'adresseet plus justement peut-être encore
à la remarque de Peacock sur la fréquence de la tuberculose
chez les tailleurs de pierres meulières. Ce sont, pourla plupart,
des alcooliques, dit l'auteur anglais, et les autres habitants des
mêmes pays, qui sont, eux, beaucoup plus sobres, ne devien¬
nent que rarement tuberculeux. C'est très possible, mais les poussières de pierres ne sont-elles pas capables de déterminer
par elles-mêmes des altérations pulmonaires sérieuses etdepré-
parer la voie au bacille de la tuberculose? Les forts de la halle,
chez lesquels Rendu signalait la fréquence de l'alcoolisme et de
la tuberculose, ne sont-ils pas exposés par leur profession à
tous les refroidissements qui peuvent compromettre l'intégrité
de leurappareil respiratoire?
Ces statistiques professionnelles n'en restent pas moins des
documents très intéressants et fournissent de précieuses indica¬
tions à ajouter aux indications obtenues par d'autres procédés.
Après ces statistiques géographiques et professionnelles, on
pourrait essayer d'en établir une autre ne portant que sur des
tuberculeux et recherchant s'ils avaienteu, avant leur maladie,
des habitudes alcooliques. Diverses enquêtes ont été faites dans
ce sens et les résultats les meilleurs et les plus précis ont été