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ARCHIVES DES LETTRES MODERNES

études de critique et d'histoire littéraire fondé en 1957 par Michel MINARD

ARCHIVES DES ARTS MODERNES

études de critique et d'histoire de l'art fondé en 1985 par Pierre BOISSIER et Michel MINARD Ces collections se présentent sous l'aspect de fascicules indépendants (d'un nombre variable de pages), chacune de leurs livraisons n'étant consacrée qu'à un seul sujet. Le lecteur y trouvera : des articles de fond (état présent d'une question, programme d'étude...) ; des résul- tats de recherche, des documents ou des textes ; des bibliographies critiques ou des comptes rendus de synthèse ; des traductions ou des reproductions d'articles difficilement accessibles ; des combinaisons

de ces diverses formules.

Les opinions émises dans les études n 'engagent que leurs auteurs.

Dans toute correspondance joindre un timbre ou un coupon international pour la réponse.

Les manuscrits expédiés sans accord préalable ne seront renvoyés que s'ils sont accompagnés de timbres pour leur réexpédition.

ces collections ne sont pas périodiques mais on peut souscrire des abonnements aux cahiers à paraître (sans effet rétroactif)

regroupés en livraisons simples (*), doubles (**) ou triples (***) représentant un nombre variable de cahiers

conditions sur demande Éditions LETTRES MODERNES 73 rue du Cardinal-Lemoine 75005 PARIS C.C.P. PARIS 10671-19T Tél. : (1) 43 54 46 09 tous droits de reproduction ou de reprographie réservés — produit en France

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ARCHIVES DES LETTRES MODERNES

224 ANTOINE SIDOTI

genèse et dossier d'une polémique

La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France

Blaise Cendrars-Sonia Delaunay

novembre-décembre 1912-juin 1914

ARCHIVES

n° 4

PARIS — LETTRES MODERNES — 1987

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SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ŒUVRES DE BLAISE CENDRARS

I-XV Œuvres complètes. Paris, Club Français du Livre, 1968-1971. 15 vol.

Entr. Blaise Cendrars vous parle (Entretiens).

RÉFÉRENCES USUELLES

Cat. BN Sonia et Robert Delaunay. Catalogue de l'exposition à la Bibliothèque nationale. 1977.

CEN Miriam CENDRARS, Blaise Cendrars. Paris, Balland, 1984, DEL Robert DELAUNAY, Du Cubisme à l'art abstrait. Paris,

S.E.V.P.E.N., 1957.

Fds CD BN Fonds Cendrars-Delaunay à la Bibliothèque nationale.

IS Blaise CENDRARS, Inédits secrets. Paris, Club Français du Livre, 1969.

À l'intérieur d'un même paragraphe, les séries continues de références à une même source sont allégées du sigle commun initial et réduites à la seule numérota- tion; par ailleurs les références consécutives identiques ne sont pas répétées à l'intérieur de ce paragraphe.

Toute citation formellement textuelle (avec sa référence) se présente soit hors texte, en caractère romain compact, soit dans le corps du texte en italique entre guillemets, les soulignés du texte d'origine étant rendus par l'alternance romain italique ; mais seuls les mots en PETITES CAPITALES y sont soulignés par l'auteur de l'étude. Le signe * devant une séquence atteste l'écart typographique (italiques isolées du contexte non cité, PETITES CAPITALES propres au texte cité, interférences possibles avec des sigles de l'étude) ou donne une redistribution * | entre deux barres verticales| d'une forme de texte non avérée, soit à l'état typographique (calli- grammes, rébus, montage, découpage, dialogues de films, émissions radiopho- niques...), soit à l'état manuscrit (forme en attente, alternative, options non résolues...).

toute reproduction ou reprographie et tous autres droits réservés PRODUIT EN FRANCE ISBN 2-256-90417-2

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AVANT-PROPOS

E N 1938, Robert Delaunay évoquait en ces termes les réactions suscitées par la publication de La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France en 1913 : Le poème du Transsibérien fit naître des polémiques dans les jour- naux et les revues de Paris et de l'Étranger. L'Orphisme venait de battre son plein ; le Simultanisme naissait avec grand scandale. Un livre de 2 mètres de haut ! etc. Cependant, la critique avancée lui rendit hommage et le poème fut lu à Paris, dans le grenier de Montjoie qui à l'époque était le rendez-vous de l'avant-gardisme français. Il fut au Herbstsalon à Berlin la même année de sa nais- sance, à Pétrograd dans une conférence donnée par Smirnof sur les contrastes simultanés et la poésie plastique, etc. Le livre était, en même temps, exposé à Londres, New York, Moscou, dans les Gale-

ries. (p. 201-2

Quelle fut donc la double genèse, poétique et picturale, de celui qui a été appelé aussi le Premier Livre Simultané ?

Pour la première fois dans l'histoire des études cendrar- siennes, nous nous sommes attaché à l'examen approfondi de

Notes pp. 41-4

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cette question, et nous donnons le résultat de notre recherche dans l'Introduction. Signalons, parmi les inédits que nous reproduisons, plusieurs lettres et cartes postales de Blaise Cendrars, ainsi que la première version (partielle) manuscrite connue du poème.

Dans quelle atmosphère se situait la publication de la Prose du Transsibérien ? Quel fut l'accueil fait au livre à l'époque de sa parution — et même avant ! — ? Comment le problème du Premier Livre Simultané se posait-il aux yeux de ses contemporains ?

C'est pour répondre plus particulièrement à ces questions que nous avons constitué la seconde partie de cet ouvrage, à savoir le « Dossier d'une polémique ».

Y apparaissent principalement des textes généralement iné- dits de presse et de correspondance, et aussi des extraits de l'œuvre de Cendrars.

Dans tous les cas, nous avons voulu remonter à la source de l'information reproduite. C'est ainsi que tous les docu- ments présentés ont été fidèlement retranscrits et que, sauf indication contraire, ils ont été relevés par nous dans l'édition originale.

Parmi les études remarquables auxquelles nous renvoyons nos lecteurs pour la connaissance de cette époque, rappelons tout particulièrement celles de Par Bergman de Michel Décaudin et le volumineux Année 1913 en trois tomes

Le Dossier que nous présentons propose une voie nouvelle de réflexion sur les idées et sur les mœurs littéraires de cette époque, car il illustre un certain climat qu'agitait et que trou- blait l'avant-gardisme français de ce début du siècle.

Bien qu'ayant centré notre attention sur le développement de cette polémique pendant la période allant d'octobre 1913 (avant même la parution de l'ouvrage) à juin 1914 (date de nos derniers documents), nous avons voulu éviter de l'isoler car, en l'isolant, nous aurions pu fausser les données du problème dont la polémique autour du poème-tableau n'était qu'un des aspects.

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C'est ainsi que nous avons essayé, en donnant des textes importants ou caractéristiques, d'élargir notre horizon et fina- lement de dépasser le simple fait anecdotique. En effet, la publication de cette œuvre aux formes inaccoutumées ne fut qu'une étape dans le renouvellement que tentait la civilisation contemporaine, et s'inscrivait dans le cadre plus vaste et plus profond de l'« Esprit nouveau ».

Avant de clore ce bref propos, nous tenons à souligner notre dette vis-à-vis des Inédits secrets, dont il n'est nul besoin de rappeler la richesse et l'importance pour la connais- sance du jeune Cendrars.

Nous ne doutons pas que les lecteurs se réjouiront de voir réunis autant de documents, et nous formulons le souhait que d'autres puissent paraître afin que soit exploité le trésor du patrimoine Cendrars.

Nous tenons à exprimer notre gratitude à tous ceux qui nous ont aidé dans notre entreprise, et tout particulièrement :

— Sonia Delaunay, qui a bien voulu nous confier ses souve- nirs et nous transmettre ses cahiers personnels lors de deux entretiens

— Charles Delaunay d'une part, Miriam Cendrars d'autre part, qui nous ont permis l'utilisation gracieuse des Archives privées « Smirnov-Delaunay » et du Fonds « Cendrars- Delaunay » de la Bibliothèque nationale à Paris ;

— V.A. Pouchkariev, directeur du Musée russe d'État à Lénin- grad (correspondance, 1971) ;

— Nicole Schneider-Maunoury d'Artcurial à Paris ;

— Jean-Claude Marcadé, chargé de recherche au C.N.R.S. à Paris, qui nous a fourni la traduction de la correspon- dance russe Smirnov-Delaunay ci-dessus citée ;

— Marius Michaud, Conservateur-adjoint à la Bibliothèque nationale Suisse à Berne ;

— ainsi que Michel Décaudin, qui nous a guidé avec discré- tion et bienveillance.

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INTRODUCTION

« La Prose du Transsibérien est donc bien un poème, puisque c'est l'œuvre d'un libertin.

Mettons que c'est son amour, sa passion, son vice, sa grandeur, son vomissement. C'est une partie de lui-même. Son Ève. La côte qu'il s'est arrachée. Une œuvre mortelle, blessée

d'amour, enceinte. [...]

M Delaunay a fait un si beau livre de couleurs, que mon poème est plus trempé de lumière que ma vie. Voilà ce qui me rend heureux. Puis encore, que ce livre ait deux mètres de long ! Et encore, que l'édition atteigne la hauteur de la Tour Eiffel ! » (Blaise CENDRARS, Der Sturm, nov. 1913, n° 184-5 [première quinzaine], p. 127)

une époque de renouveau

À une époque de renouveau et de grands changements, comme celle dont il est question, les nouveautés n'étaient pas sans troubler une grande partie du monde littéraire.

C'est ainsi que, pour bon nombre de créateurs, et pour une grande partie du public, l'espoir du monde actuel résidait

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dans les liens étroits avec l'ancien. Dans ce contexte, un rédacteur de Paris-Midi du 22 août 1913 pouvait célébrer dans les termes suivants « L'Art d'être poète » :

M. Jean Thogorma, qui est un lyrique, et qui parle une langue élo- quente, publiera en octobre un nouveau volume de vers dont nous détachons le poème suivant où il définit noblement l'art auquel il a voué ses soins. - P.S.

Mon art n'est pas pour toi, moderne homme-machine Esclave sans patrie, ilote empoisonné !

— Mais n'existez-vous pas Francs de bonne origine, Dont chacun, noble ou serf, peut se dire bien né ? [...]

Mon unique talent est de dire à voix haute Les mérites certains qu'à votre sang je dois ; Dans chacun de ceux-ci reconnaissez votre hôte Et sur mon manuscrit sentez trembler vos doigts.

Dès lors, dans les jours noirs, ma plus haute espérance Est-elle qu'enfin sourds aux sottises du temps, Les meilleurs compagnons des beaux métiers de France Lisant à leurs loisirs mon œuvre, en soient contents !

Jean THOGORMA [pseudonyme d'Édouard Guerber]

Toutefois, l'avant-garde existait, bien vivante, et pour ceux qui la faisaient et l'encourageaient l'espoir de leur époque résidait, par contre, dans une libération des canons du passé.

Par la suite, l'histoire a montré que cette avant-garde avait raison de faire confiance aux créations nouvelles.

Publiée au cours du mois de novembre 1913, La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France, poème de Blaise Cendrars et couleurs simultanées de Sonia Delaunay- Terk, était une de ces créations.

Nous verrons au cours de la polémique les réactions sou- vent féroces d'une certaine critique. Mais il n'y avait pas que cela. Et, puisque le temps n'était pas seulement au conserva-

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tisme, nous allons donner un exemple représentatif pouvant nous aider à situer le poème-tableau dans son climat nouveau véritable.

Il s'agit d'extraits d'un article de Gaston Picard paru en mai 1913, dans Der Sturm, à l'époque revue « franco- allemande », imprimée à Berlin et à laquelle collabora en 1913 et 1914 toute l'avant-garde européenne. Sous le titre significatif de « Créations », cela commençait ainsi :

Les lettres traversent décidément une époque de création.

Cependant que de jeunes hommes sincères mais ingénus affichent bruyamment leur désir de réaliser une Renaissance prétendue révolu- tionnaire et continuent le plus vieux, d'autres apportent vraiment, dans leurs œuvres, quelque chose qui leur confère une originalité, une personnalité, une nouveauté.

On a lu ici même un poème de Guillaume Apollinaire, « Zone », plein des plus précieuses beautés

Et, puis, la conclusion :

L'époque sera une époque de création. Déjà elle l'est. Sa création s'affirme au jour le jour. Les lettres qui s'ennoblissent d'être mères d'un Paul Claudel, d'un André Gide, comme aussi — d'un Paul Ver- laine, d'un Stéphane Mallarmé, d'un Jules Laforgue, d'un Jean Moréas — comme enfin — pour citer les plus vivants — d'un Paul Fort, qui créa la plus judicieuse typographie, au bénéfice de ses enchanteresses Ballades, d'un Nicolas Beauduin, d'un Guillaume Apollinaire, d'un Alexandre Mercereau, d'un Guy-Charles Cros, d'un Robert Veyssié, d'un Henri-Martin Barzun, — pour citer seulement des poètes — les lettres françaises courent à leur plus grande gloire... (Der Sturm, mai 1913, n° 162-5, pp. 35-6)

genèse de « la dernière invention » : le « Premier Livre Simultané »

En mai 1913, Gaston Picard, l'auteur de l'article du Sturm que nous venons de citer, ne pouvait guère songer à insérer Cendrars parmi les poètes qui apportaient « vraiment, dans

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leurs œuvres, quelque chose qui leur [conférait] une origina- lité, une personnalité, une nouveauté ».

En effet, la publication jusqu'à cette date de deux poèmes de Séquences en octobre 1912, dans le numéro 1 des Hommes (soi-disant) nouveaux, ne devait rien révéler d'une prétendue modernité Cendrars lui-même, qui qualifiera plus tard l'ensemble du recueil de « péché de jeunesse » l'écarta pendant longtemps de la liste de ses œuvres.

Par ailleurs, la parution en novembre de la même année des Pâques, poème « tiré à cent vingt-cinq exemplaires » et mis en vente à « vingt ronds », et dont Cendrars avouera

« n'[en avoir] jamais vendu un seul » (Entr., 161), ne pouvait lui conférer non plus, du fait de son insuccès, la réputation de modernité à laquelle l'auteur aspirait profondément à cette époque.

Bien sûr, la composition du poème de la Prose du Transsi- bérien évoluait dès le début de l'année 1913, et peut-être même dès la fin 1912, mais il faudra attendre encore quelque temps avant que Sonia Delaunay-Terk en exécute l'illustra- tion, que l'impression soit réalisée et que la publication ait lieu.

Quelle fut donc la double genèse, poétique et picturale, d'une œuvre que la grande presse désignera dès l'annonce de parution comme « la dernière invention » .

Il est vrai qu'une certaine confusion existe depuis longtemps sur ce sujet

Ainsi, par exemple, Albert Lepage a pu affirmer dans la première monographie consacrée au poète Cendrars, en 1926, que « La "Prose du Transsibérien" est écrite en 1912 » .

Cendrars lui-même a pu écrire ce curieux télégramme reproduit à la p. 11 de l'édition Seghers de 1957 (hors série) et dont il existe un exemplaire à la Bibliothèque nationale, à Paris :

J'ai l'âge de mes sept artères Stop 45 ans après la première édition du Transsibérien en 1912 je me réjouis de ton édition d'aujourd'hui

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qui reproduit même les coquilles de la première édition Stop Ton fidèle clichage me confère l'immortalité que j'aime Stop Celle qui comporte une dose plus forte de je m'en fichisme que d'académie Stop Ma main amie — Blaise Cendrars.

De même, à la p. 7 de ladite édition (p. 9 de l'édition cou- rante) on peut lire :

LE TRANSSIBÉRIEN — Blaise Cendrars — Avec un portrait inédit de BLAISE CENDRARS par MODIGLIANI, et, en supplé- ment, les reproductions inédites des premières épreuves corrigées de la main (droite) de BLAISE CENDRARS en 1912

Et, enfin, on y lit également, à la p. 40 :

Notre édition reproduit, pour le texte, la typographie originale de Blaise Cendrars exécutée en 1912 pour les « Éditions des Hommes Nouveaux ». Les épreuves de cette typographie, corrigées en 1912 par l'auteur sont reproduites ici-après pour la première fois d'après les documents originaux qui nous ont été confiés par Madame H. JAMET.

C'est encore Cendrars qui fixe la publication du poème

« en juin 1913 » (Entr., 161) lors de ses entretiens à la radio avec Michel Manoll, tandis que selon Par Bergman celle-ci

n ' a u r a i t e u l i e u q u ' « e n a u t o m n e » d e l a m ê m e a n n é e (p. 3 1 4

Jean-Claude Lovey peut écrire que « sur la fin de l'année 1912 et au début de 1913, Cendrars écrit et publie [...] La Prose du Transsibérien... »16. Robert Goffin qui, lui, fixe la parution en 1913, affirme : « On sait également que Cendrars avait déjà lu, en 1912, des extraits du Transsibérien » Et Marc Poupon est du même avis lorsqu'il écrit : « Depuis décembre 1912, le soir, dans les Cafés du Quartier latin, Cen- drars élabore lentement sa Prose du Transsibérien »

La publication des Inédits secrets par Miriam Cendrars, en 1969, apporte de nouvelles précisions sur ce sujet. Nous cite- rons tout particulièrement :

— une lettre du « 4 avril 1913 », de Paris, à Monsieur Suter, dans laquelle on peut lire : « Et dans quinze jours je publierai

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un nouveau poème dans le genre de "Pâques" sur papier de diverses couleurs, illustré par Delaunay. » (IS, 352) ;

— un « Bulletin de souscription » des « Éditions des Hommes Nouveaux » pour la Prose du Transsibérien, du mois d'« Avril 1913 » (353) ; — une lettre du mois de « Mai 1913. Avant la parution de "La Prose du Transsibérien". Lettre à propos du prospectus » (354 ; voir, infra : Samedi 11 octobre 1913, Paris-Midi) ; — et, enfin, datée « juin 1913 », une « Carte postale à : A. Suter, 3, Holzbauerstr., Mannheim » dans laquelle Cen- drars annonce que « [son] livre est publié » et il demande donc où il « doi[t] envoyer les exemplaires » (357).

Pour l'auteur des « Notes » du tome I des Œuvres com- plètes de l'édition du Club Français du Livre, Cendrars compose son poème « vers 1912 » (I, 289, n. 3).

C'est ce qu'affirme également P. A. Jannini, lorsqu'il écrit : Si tratta della Prose du Trans- « Il s'agit de la Prose du Trans- sibérien et de la petite Jeanne sibérien et de la petite Jeanne [sic] de France composta da [sic] de France composée par Cendrars con la collaborazione Cendrars avec la collaboration di Sonia Delaunay verso il 1912. de Sonia Delaunay vers 1912. »

Les quelques éléments que nous venons de rappeler donnent une idée de la difficulté que le lecteur et l'historien peuvent éprouver face à ces affirmations contradictoires. Marc Poupon nous semble en condenser suffisamment l'esprit lorsqu'il écrit :

« Le Transsibérien, écrit pendant l'hiver 1912-1913, parut en juin 1913 selon Cendrars, à l'automne seulement selon Par Bergman [...] qui est probablement dans le vrai » (p. 6318 n. 21).

Quelle valeur peut-on accorder à l'heure actuelle à tant d'affirmations ?

Tout d'abord, une simple constatation s'impose au sujet de

l'année d'impression : La Prose du Transsibérien et de la

Petite Jehanne de France a bien été imprimée en 1913, ainsi

que le prouve l'édition originale sur laquelle l'année apparaît

deux fois. Premièrement, sur le côté gauche (côté pictural)

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dans le petit rectangle sur fond blanc tout à fait en haut (on y trouve également le nom des auteurs, le titre, le tirage, l'édition, et la formule « tous droits réservés ») ; deuxième- ment, sur le côté droit (côté poème), juste après le dernier vers.

Cette constatation ne relevant que de l'évidence, la réponse de l'historien devient plus ardue en ce qui concerne les pro- blèmes de composition poétique et picturale, et d'impression.

Comment faut-il interpréter l'affirmation de Robert Delau- nay qui, après avoir fixé la rencontre Cendrars-Delaunay en 1912 et après avoir dévoilé que Cendrars « se pénétra des beautés de la Tour et de Saint-Séverin et des couleurs et des reliures de Mme Delaunay », ajoute : « Ce qui donna nais- sance au Premier Livre Simultané (février 1913). Le mouve-

ment est donné » (DEL, 111) ?

Avant février 1913, Cendrars concevait sûrement déjà son poème, ou peut-être plus vaguement un poème.

Bien que nous sachions que toute précision à ce propos ne peut être, à l'heure actuelle, qu'une hypothèse, nous situons la naissance des premières idées entre novembre et décembre 1912.

Nous y font songer, en effet, les quelques réflexions sui- vantes contenues dans les Inédits secrets :

— Dans une lettre datée « Paris, le 4 novembre 1912 » (IS, 285) adressée à « [son] cher Monsieur Suter », Sauser (Cen- drars) avoue : « La vie intérieure devient pour moi l'essentiel.

Je n'ai plus le goût d'écrire des poèmes mais je suis toujours porté à vivre poétiquement. »

— La correspondance qui suit, et cela jusqu'au 15 novembre, ne fait état d'aucune notation particulière pouvant faire croire que quelque chose de nouveau soit intervenu pendant ce bref laps de temps.

— Aucune lettre n'est donnée entre le 16 novembre et le 14 décembre.

— Du « 15 décembre 1912 » (IS, 287), est reproduit « un texte

écrit sur un feuillet volant ». Il s'agit d'un bref document qui

montre un Cendrars en pleine effervescence physique et intel-

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lectuelle, et pour lequel certaines associations avec la Prose du Transsibérien nous semblent plausibles :

Le Feu

Cette nuit, dans mon sommeil, une bête de feu s'est tapie tout au fond de mon être. Et quand elle bouge, quand sa langue darde et qu'elle me donne un coup de griffe, je suis forcé de parler de toi, ô bien-aimée. D'un bond, la bête de feu est maintenant au milieu de mon cerveau, la douleur me brûle, les dernières ténèbres s'abolissent : je parle et je divague.

Mon amour est un chat-tigre qui rôde avec toute la souplesse de feu dans la nuit extérieure.

C'est l'amour, il frotte son museau dans la forêt de tes robes.

Il saute spasmatique dans les chauds marécages de ta chair.

Je veux incendier l'univers.

Au soir du dernier jour, il se couchera sur le brasier du vieux monde et les quatre pattes griffues en l'air, il attrapera les étoiles, sanguinaire, comme des araignées. (IS, 287-8)

— De « Décembre 1912 » (IS, 288), datent également certaines

« Notes du dossier "Journal" » parmi lesquelles les deux sui- vantes sont particulièrement frappantes.

La première : « Le monde moderne est une horrible hor- loge automatique qui tourne éperdument à rebours pour ne pas sonner l'heure de l'Éternité » (IS, 288) ; ce qui n'est pas sans faire songer à plusieurs vers de la Prose du Transsibé- rien : « Le monde moderne » (vv. 238, 240), « Toutes les hor- loges » (v. 296), « Et le monde, comme l'horloge du quartier juif de Prague, tourne éperdument à rebours » (v. 314).

La deuxième : « J'aime dans les grandes villes me frotter aux autobus en marche » (IS, 289) ; et qui est déjà le vers qua- siment accompli du poème : « J'aime me frotter dans les grandes villes aux autobus en marche » (v. 421).

Rapprochons enfin ces remarques de cette notation de

Cendrars contenue dans « Pro domo. Comment j'ai écrit

Moravagine » :

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Paris, novembre 1912. Les Pâques à New-York venait de paraître et j'avais commencé Le Transsibérien. Je vivais alors dans une purée noire, faisant de vagues travaux de librairie [...] Je me tenais en permanence dans un café « Biard » du Boul' Mich'. J'écrivais, j'écri- vais. J'y passais la nuit. Le café coûtait un sou.

C'est dans ce bar qu'une nuit, en bavardant à bâtons rompus avec un petit Juif, un nommé Starckmann (c'était un garçon qui m'était très dévoué, un apprenti à qui je confiai l'année suivante la reliure de l'édition du Transsibérien [...]), en lui racontant certains épisodes de ma vie qu'est née en moi, spontanément, l'idée de Moravagine [...] Et je ne pensai plus à Moravagine, absorbé que j'étais d'abord par la rédaction et la composition du Transsibérien, puis par son exécution typographique, dite Le premier Livre Simultané, fabrica- tion qui dura un an, chez Crété, à Corbeil. (IV, 273-4) Cela dit, la date de février 1913 doit être retenue, à notre avis, comme la véritable pierre angulaire de la création cen- drarsienne, où la conception se précise et commence à se réa- liser dans sa forme définitive. Notre hypothèse est confirmée par la notation suivante de Cendrars : « 1913. Février — Le Premier Livre simultané de Mme Sonia Delaunay-Terck [sic]

et Blaise Cendrars. » (IS, 368).

À en croire Cendrars lui-même, cette période février-mars lui fut très pénible. C'est ce que révèlent, par exemple, deux lettres de cette époque adressées par l'auteur à « [son] cher Suter » et signées encore de son vrai nom : « Sauser ».

Dans la première, datée « Paris, le 18 février 1913 » (IS, 318), Cendrars avoue en effet : « Ces dernières semaines j'ai, du point de vue de l'art, bien souffert [...]. De plus, je n'étais pas bien physiquement. Mais j'ai recommencé à travailler.

Baste ! C'est bon ! Je vous en dirai davantage sous peu. » Dans la deuxième, datée « Paris, le 15 mars 1913 » (IS, 320- 321), l'auteur, après « l'énumération de ses déveines », précise que « Pour l'instant cela va un peu mieux physiquement, moralement et matériellement ».

De ces premiers mois de l'année 1913, nous possédons deux nouveaux documents inédits et tout à fait précieux du Fonds Cendrars-Delaunay.

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Un courrier adressé à l'époque à Sonia Delaunay contenait sept feuilles. La première était une très courte lettre à pro- prement parler, tandis que les six autres contenaient la pre- mière version manuscrite autographe de la première partie de la « Prose du Transsibérien ».

La lettre commençait ainsi : Chère Madame,

Ci-joint les VI premières pages de mon nouveau poème, comme je vous l'ai promis. Qu'en pensez-vous ?

[...]

Tout à vous Blaise Cendrars

Samedi (Fds CD BN)

Des six feuilles concernant la première version du Poème, la première a malheureusement disparu et il n'en reste plus que cinq.

Voilà comment l'auteur du Catalogue Sonia et Robert Delaunay présente ledit document :

Le manuscrit de la première partie du Transsibérien fut adressé par Cendrars à Sonia Delaunay au début de 1913. Il s'agit d'une première version inédite du poème encore inachevé. La confrontation avec le texte publié révèle de nombreuses et importantes variantes.

(Cat. BN, 34 n° 70) Il est vrai que les « variantes » sont « nombreuses et importantes ». Elles concernent à la fois le texte, la disposi- tion graphique (bien sûr, il n'est pas encore question des

« caractères » !) et la ponctuation.

De plus, cette première version démontre que l'auteur n'a peut-être encore conçu qu'une pagination traditionnelle et non pas un livre « vertical », comme cela sera le cas par la suite.

Cette hypothèse nous semble plausible par la présence de traits horizontaux qui paraissent vouloir délimiter la page dans laquelle le morceau devait être contenu. (On en trouvera la transcription en appendice (pp. 160 sqq.).)

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vous adressera régulièrement ses catalogues de NOUVEAUTÉS sur simple demande de votre par

« revue des lettres modernes »

Série Blaise Cendrars

les « inclassables » 1 de Cendrars

1917-1926

1 vol. 166 p.

é d i t i o n • c o m m i s s i o n • l i b r a i r i e

73, rue du Cardinal-Lemoine, 75005 PARIS - C.C.P. : PARIS 10671-19 T - Tél. : 43-54-46-0 ISSN 0003-9675 ALM 224 *** (cahiers 154-167) ISBN 2-256-90417-2 (04/87) MINARD 70 F (04/87)

(20)

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

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