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VALÉRIAN ALLEZ

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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CH-1131 Tolochenaz | +41 (0)21 546 20 60 | www.maisondelariviere.ch

CENTRE NATURE ET DE RECHERCHE, ANIMATIONS TOUT PUBLIC

NUMÉRO

66

SAVOIR ALLEZ

BIOLOGIE

De nouveaux amphibiens en Suisse 36

MÉDECINE

L'immunothérapie à l'assaut du cancer 50

DROIT

La mémoire contre l'Histoire 56

Le magazine de l’UNIL | Mai 2017 | Gratuit

ALLEZ SAVOIR !66MAI 2017

POURQUOI ILS TRAVERSENT LE TEMPS

VALÉRIAN

& LAURELINE

CINÉMA & BD

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expérimenter débattre

s’informer

Descriptifs des ateliers, actus et réservations : www.eprouvette.ch

La science modifie notre environnement naturel et social, elle nous intrigue, nous interpelle, nous questionne. A nous de l’interroger

en retour avec un regard informé et critique. A L’éprouvette, vous pouvez venir en famille (enfants dès 9 ans), dans le cadre d’une association, d’une entreprise ou d’une classe pour explorer les sujets scientifiques qui font débat, expérimenter des techniques utilisées dans les laboratoires de biologie, interroger les avancées scientifiques dans leurs dimensions sociales, éthiques, juridiques, économiques et politiques.

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Allez savoir ! N° 66 Mai 2017 UNIL | Université de Lausanne 3

ÉDITO

MÉMOIRES VIVES

L

e passé a rarement été aussi présent.

Emmanuel Macron nous l’a rappelé récemment, durant la stupéfiante élection présidentielle française où les affaires judiciaires ont occupé tout l’espace médiatique. A une exception près, ce court instant où l’on a vu les es- prits s’échauffer un peu partout dans le pays, parce que le candidat « En Marche ! » avait qualifié la colonisation de l’Algérie de crime contre l’humanité.

La violence de la polémique provoquée par cette sortie, comme l’embrasement im- médiat qu’elle a suscité, a sans doute rap- pelé des souvenirs en Suisse, où l’on a connu des batailles mémorielles d’une violence comparable, quand les parlementaires fé- déraux traitaient dans l’urgence de l’Affaire des fonds en déshérence, ou de celle des en- fants si mal placés par la Confédération.

Loin d’être des accidents rarissimes, ces polémiques historico-politiques sont appelées à se multiplier. Et pas seulement pour les épisodes les plus douloureux qui émaillent l’histoire du pays où l’on vit. Parce que, avec la mondialisation, les mémoires blessées de toute la planète tentent désor- mais d’obtenir à l’étranger la reconnais- sance qu’elles n’ont pas réussi à remporter dans leur contrée d’origine pour certains épisodes controversés depuis des décen- nies, voire des siècles.

On le voit notamment avec le débat sur le massacre/génocide des Arméniens de 1915, qui empoisonne désormais les rela- tions internationales entre la Turquie et de nombreux pays. Cette affaire a même pro- voqué une condamnation de la Suisse par la Cour européenne des droits de l’homme

(CEDH) de Strasbourg, parce que la justice de notre pays a pénalisé «abusivement » les discours provocateurs d’un élu turc, venu donner une conférence à Lausanne (lire en page 56).

On réalise, en découvrant cette exten- sion tous azimuts du domaine des luttes mémorielles, que l’un des grands chantiers du XXIe siècle sera de déminer ce passé ex- plosif. Car les mémoires – qui sont encore le thème de l’édition 2017 des Mystères de l’UNIL, les 20 et 21 mai – sont à vif un peu partout.

Comment réconcilier ces mémoires qui s’opposent ? Plusieurs pistes sont es- quissées dans ce magazine. Les juges eu- ropéens de la CEDH ont choisi, dans l’Af- faire Perinçek contre la Suisse, d’autoriser la tenue de conférences controversées, dès qu’elles portent sur des épisodes his- toriques suffisamment éloignés dans le temps.

De son côté, Emmanuel Macron a pro- posé une sorte de devoir de mémoire pour tous, où chaque camp antagoniste devrait faire son mea culpa et assumer ses fautes.

Enfin, la professeure de l’UNIL Suzette San- doz a pensé à élargir le concept de devoir de mémoire aux épisodes positifs de l’his- toire des nations, et pas seulement aux plus abominables, parce que l’on doit pouvoir re- garder « les hauts faits et les horreurs, les sacrifices et les trahisons, les petitesses et les grandeurs » passées de la commu- nauté où l’on vit.

Toutes ces pistes ont l’avantage de re- chercher un chemin sûr au milieu de ce champ de mines qu’est devenu le passé.

Reste à signer l’armistice. 

LES MÉMOIRES BLESSÉES DE TOUTE LA PLANÈTE TENTENT D’OBTENIR À L’ÉTRANGER LA RECONNAISSANCE QU’ELLES N’ONT PAS RÉUSSI À REMPORTER DANS LEUR CONTRÉE D’ORIGINE.

ISSN 1422-5220

IMPRESSUM

Magazine de l’Université de Lausanne

No 66, mai 2017 www.unil.ch/allezsavoir Editeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuel

Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring (UNICOM) Création de la maquette Edy Ceppi (UNICOM) Rédacteurs Mélanie Affentranger Sonia Arnal Saskia Galitsch Elisabeth Gordon Virginie Jobé Sabine Pirolt Nadine Richon Anne-Sylvie Sprenger David Trotta Francine Zambano Correcteurs Albert Grun Fabienne Trivier Direction artistique COBRA : Communication

& Branding Photographie Nicole Chuard Illustration Eric Pitteloud (p. 3) Kevin Chilon (p. 27) Couverture

© Dargaud 2016 Impression

Genoud Entreprise d’arts graphiques SA

Tirage

17 000 exemplaires Parution

Trois fois par an, en janvier, mai et septembre Abonnements allezsavoir@unil.ch (p. 4) 021 692 22 80

JOCELYN ROCHAT Rédaction en chef

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JE M’ABONNE À « ALLEZ SAVOIR ! »

Pour s’abonner gratuitement à la version imprimée, il suffit de remplir le coupon ci-dessous et de l’envoyer par courrier à : Université  de Lausanne, UNICOM, Amphimax, 1015 Lausanne. Par téléphone au 021 692 22 80. Ou par courrier électronique à allezsavoir@unil.ch

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Allez savoir ! N° 66 Mai 2017 UNIL | Université de Lausanne 5

SOMMAIRE

BRÈVES L’actualité de l’UNIL : formation, constructions, international, recherche.

PORTFOLIO Sciences criminelles, Anthropole, Ma thèse en 180 secondes.

RÉFLEXION La Suisse bénéfice des fonds européens pour la recherche.

HISTOIRE DES RELIGIONS Origène, une figure controversée aux origines du christianisme.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL Demandez-lui la Lune.

Avec Mélanie Barboni.

LA SCIENCE EN BULLES Comment peut-on dater la Lune ?

CULTURE Germaine et Benjamin,

les enfants terribles des Lumières.

LIVRES

Lausanne, politique, traduction, architecture, photographie, opéra, histoire des sciences.

MÉDECINE Une nouvelle arme contre le cancer : le malade.

MOT COMPTE TRIPLE Quantified self,

avec Maria del Rio Carral.

DROIT La mémoire contre l’Histoire.

CAFÉ GOURMAND La littérature est un humanisme.

RENDEZ-VOUS Evènements, conférences, sorties et expositions.

44 49 50 55 56 62 64 66

CULTURE Valérian et Laureline, des mythes plus vivants

que jamais.

6 12 16 22 27 28 33 35 36 42

BIOLOGIE Il reste des amphibiens à découvrir

en Suisse.

ÉCONOMIE Et si demain

l’argent

n’existait plus ? LIVRES

Radio, plantes et universités.

SOCIÉTÉ Les bons plans pour retrouver du travail.

SAVOIR ALLEZ

Le magazine de l’UNIL | Mai 2017 | Gratuit

!

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FAUSSES SCÈNES DE CRIME À DORIGNY

Décrire et documenter une scène de crime avec précision, la rendre intelligible pour un enquêteur qui rouvrirait par exemple le dossier quelques années plus tard... Tel est le délicat exercice auquel se sont livrés, fin février, 33 étudiants de 3e année Bachelor à l’Ecole des sciences criminelles.

A l’occasion de ces travaux pra- tiques grandeur nature, les ves- tiaires du Centre sportif de Dorigny et les berges de la Chamberonne se sont mués en fausses scènes de crime durant deux jours. Douilles, mannequins en plastique macu- lés de sang, scellés : les assistants- doctorants de l’Ecole ont soigneu- sement imaginé des scénarios et décors collant le plus possible à la réalité.

Au programme pour les étudiants : réalisation de croquis, prise de notes et documentation photo- graphique. A l’image, Sami Tekari immortalise une scène de crime liée à un trafic de stupéfiants. Les clichés sont réalisés de manière à faciliter une reconstruction des lieux en trois dimensions. MA Reportage photo complet sur unil.ch/allezsavoir PHOTO FABRICE DUCREST© UNIL

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Allez savoir ! N° 66 Mai 2017 UNIL | Université de Lausanne 7

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Allez savoir ! N° 66 Mai 2017 UNIL | Université de Lausanne 9

30 ANS DE JEUX DE PISTE

Inauguré en 1987, l’Anthropole fête ses 30 ans cette année. Autrefois appelé BFSH2, ou « B2 », il accueille aujourd’hui la Faculté des lettres et la Faculté de théologie et de sciences des religions. A l’époque de sa construction, cet édifice a marqué une période d’expansion de l’Université, ainsi qu’une certaine modernité, grâce à sa géométrie.

En effet, vu du ciel, ce bâtiment est constitué de 3 X alignés. A l’intérieur, les curieux peuvent découvrir des cercles, des triangles et des carrés un peu partout.

Nombre d’étudiants et de visiteurs utilisent l’expression « labyrinthe » pour qualifier l’Anthropole. Cet aspect offre l’avantage de faciliter les rencontres, notamment dans les grands espaces communs où l’on finit par se retrouver.

Le 20 septembre, plusieurs expositions s’ouvriront autour de l’art contemporain, de l’architecture du bâtiment et de ses trésors cachés. Le 30 novembre, une soirée festive rassemblera les alumni et la communauté de l’UNIL.

Le site www.unil.ch/anthropole30 propose déjà le programme détaillé des festivités. Nombre d’informations et de documents supplémentaires s’y trouveront dès l’automne. Vous êtes invités à faire part de vos souvenirs du

« B2 », en texte ou en images, via anthropole30@unil.ch. DS

PHOTO ALAIN KILAR

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TROIS MINUTES CHRONO

L’UNIL a participé pour la seconde année consécutive à « Ma thèse en 180 secondes » (MT180). Ce concours de vulgarisation scienti- fique invite les doctorants à pré- senter leur recherche à des pro- fanes... en trois minutes chrono.

Mais comment aller chercher son public et convaincre ? Avec quel message ? Pour se préparer à cet exercice périlleux, les 13 parti- cipants de l’édition 2017 se sont entraînés à tour de rôle sous l’œil bienveillant de leurs concur- rents et de professionnels de la communication.

A l’image, Pauline Maillard présente pour la première fois ses travaux.

Un véritable voyage dans les caves du Louvre et du British Museum puisqu’elle a retracé l’origine et l’histoire de statues de déesses vieilles de plus de 2000 ans.

Le 16 mars dernier, l’archéologue a remporté la finale de l’édition lau- sannoise de « MT180 » devant plus de 300 personnes. Egalement lau- réate du prix du public, Pauline Maillard participe, en compagnie de Rachel Cordonier (Hautes Etudes Commerciales, 2e prix) et Sevan Pearson (Sciences sociales et poli- tiques, 3e prix), à la finale suisse le 18 mai à Genève. L’évènement réunit les gagnants des concours effectués dans les Universités de Fribourg, Neuchâtel, Lausanne, Genève et à l’EPFL. MA

« Ma thèse en 180 secondes » à l’UNIL : www.unil.ch/doctoriales

PHOTOS NICOLE CHUARD © UNIL

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Allez savoir ! N° 66 Mai 2017 UNIL | Université de Lausanne 11

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BRÈVES

« Vous ne vous intéressez pas aux problèmes écolo- giques ? Je peux vous l’assurer, eux vont s’intéres- ser à vous. » Un cours en ligne gratuit, mené par  Dominique Bourg ( professeur à la Faculté des géos- ciences et de l’environnement ) et Gabriel Salerno  ( assistant doctorant ), retrace les questions fonda- mentales que l’écologie politique pose depuis un  demi-siècle. Destiné à tous les publics, sans prére- quis, ce cursus permet de se plonger dans l’histoire  des idées et de démêler les nombreux courants de 

pensée qui tournent autour des questions environ- nementales. Les approches et les réponses propo- sées sont traitées par les intervenants. La notion  de « développement durable » fait l’objet d’un dé- corticage critique. Enfin, les participants vont se  demander quelle est la place des démocraties face  aux problèmes écologiques actuels. ( RÉD. )

« Ecologie Politique : défi de la durabilité pour les démocraties ». Sur www.coursera.org/unil ainsi que www.facebook.com/groups/

MOOCecologiepolitique

L’ÉCOLOGIE POLITIQUE EN QUESTION

FORMATION ENQUÊTE

DORIGNY ,

LE BON CHOIX

Chaque année, l’enquête « Comment allez-vous ? » est menée auprès des personnes qui viennent de

débuter leur première année de bachelor à l’UNIL.

Elle est organisée par le Service d’orientation et carrières, en collaboration avec la Fédération des associations d’étudiant-e-s. De mi-octobre à mi- novembre 2016, 1192 « nouveaux » ont été atteints par téléphone, soit un taux de réponse de 46 %.

Les entretiens, d’une durée d’environ 20 minutes, ont été menés par des étudiants avancés. Conçue comme une mesure d’accueil, cette opération appréciée permet au passage de rappeler l’exis- tence de nombreux services existants, comme des ateliers sur les méthodes de travail ou la prépara- tion des examens, par exemple.

Les résultats de cette « photographie » chiffrée sont publics. Sans surprise, près de 65 % des débutants

ont choisi l’UNIL parce qu’elle se trouve à proximité de chez eux. Mais pour 26,6 %, un cursus propre à l’institution a constitué une motivation importante.

On apprend également qu’un petit tiers éprouve des difficultés d’adaptation, notamment autour de la gestion du temps. Au final toutefois, 95 % s’es- time satisfait de son choix d’études.

La vie en ligne compte beaucoup. En effet, seuls 7 % des personnes interrogées n’utilisent aucun réseau social. Facebook se taille la part du lion, avec toute- fois une lente décrue au fil des années. Les outils davantage basés sur l’image, comme Snapchat et instagram, progressent rapidement pour concer- ner environ deux tiers des étudiants débutants.

Twitter et LinkedIn séduisent par contre nette- ment moins. DS

www.unil.ch/soc/comment-allez-vous RELIGION

PLÂTRE ET CIMENT

VORTEX, C’EST PARTI !

La Commune de Chavannes-près- Renens a délivré le permis de construire pour le « Projet Vortex ».

Situé tout près de la ligne du M1, entre les arrêts Mouline et UNIL- Sorge, ce bâtiment circulaire im- pressionnant est destiné au loge- ment. Il va héberger des étudiants et des hôtes académiques, pour un total de plus de 1200 résidants.

Avant son utilisation par l’UNIL, cet édifice va accueillir les sportifs des Jeux olympiques de la jeunesse, qui se dérouleront du 10 au 19 jan- vier 2020. ( RÉD. )

RÉFLEXIONS SUR LA RÉFORME

A la fin du mois d’octobre 1517, Martin Luther publia des thèses contre le commerce des indul- gences. La Réforme fut un profond bouleversement, qui survint dans une époque troublée. Elle concerna largement la Confédération, qui dut apprendre à gérer sa diversité reli- gieuse. Un double CD, produit par RTSreligion, rassemble vingt émis- sions diffusées en 2016 sous le titre La Réforme vue de Suisse. Plu- sieurs chercheurs, dont Christian Grosse ( vice-doyen de la Faculté de théologie et de sciences des re- ligions ), interviennent dans cette série documentaire aussi claire que passionnante. Le pays de Vaud fait l’objet d’un chapitre en soi. DS

Fotolia

Deux tiers des étudiants envisagent un échange universitaire

66 %

Une majorité s’adapte sans difficulté à la vie universitaire

La proportion d’utilisateurs des réseaux sociaux

68 % 93 %

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Allez savoir ! N° 66 Mai 2017 UNIL | Université de Lausanne 13 Le projet « 23071933 », des bureaux bruxellois

Baukunst et parisien Bruther, a été désigné par le jury du concours d’architecture consa- cré au futur bâtiment des Sciences de la vie.

Le financement, dont le budget global est de 136 millions, est assuré par l’Etat de Vaud ( 83 millions ), par l’EPFL ( 27,5 millions ) et par une subvention fédérale estimée à 25,5 millions. La mise en service est prévue pour 2021. Situé en face de l’Amphimax, ce bâti- ment permettra aux étudiants en biologie et chimie de bénéficier de laboratoires adaptés

à leur formation. Les chercheurs en neuros- ciences et en microbiologie fondamentales dis- poseront de nouveaux espaces de recherche pour leurs équipes. Benoît Frund, vice-recteur Durabilité et campus, explique : « Ce concept nous a bousculés, puis nous nous sommes rendu compte que c’était une proposition ori- ginale. » Les architectes proposent notamment un bâtiment avec des coursives intérieures très larges, alors que les autres bâtisses de l’UNIL, à part Géopolis et l’Amphimax, pos- sèdent toutes des coursives plus petites. FZ

PROPOSITION ORIGINALE

PLÂTRE ET CIMENT LITTÉRATURE

LA POSSIBILITÉ D’UNIL

Le 6 mars dernier, l’Université Laval et l’UNIL ont  signé un accord de partenariat privilégié. Celui- ci encourage les collaborations conjointes en en- seignement et recherche, ainsi que des échanges  de bonnes pratiques au niveau de la gouvernance,  dans les domaines de la Durabilité et de la Sécu- rité. Cet accord consacre les relations intenses  entre les deux universités ( très forte mobilité étu- diante, plusieurs collaborations de recherche ) et 

ouvre des perspectives de développement. Par  exemple, il existe un projet conjoint dans le do- maine de la Psychiatrie de l’enfant ( identifica- tion de biomarqueurs de risque des grandes ma- ladies psychiatriques ). ( RÉD. )

www.unil.ch/echanges

> Partenaires

> Partenariats privilégiés

UN PONT ENTRE QUÉBEC ET LAUSANNE

FORMATION

PENDANT LONGTEMPS, ON A CONSIDÉRÉ LES JEUX VIDÉO COMME DES JOUETS POUR ENFANTS.

MAIS LES JOUEURS ONT ÉVOLUÉ EN MÊME TEMPS QUE LES JEUX POUR DEVENIR AUJOURD’HUI UNE INDUSTRIE CULTURELLE PRÉPONDÉRANTE.

Selim Krichane, coordinateur du programme doctoral en Humanités numériques, chargé de cours et cofondateur du GameLab de l’UNIL. Il soutient sa thèse en public le 26 mai à 16h, Anthropole 2106.

UN PROJET CONJOINT DANS LE DOMAINE DE LA PSYCHIATRIE DE L’ENFANT.

« Il faudrait que je meure ou que j’aille à la plage. » Ce vers de Michel Houellebecq, tiré de Sens du combat ( 1996 ), rappelle aux distraits que l’auteur de Soumission est poète. L’écrivain est au cœur d’un volume récent des Ca- hiers de L’Herne. Une foule de contributeurs, d’Iggy Pop à Yasmina Reza, livrent leur éclairage. Parmi eux, quatre chercheurs de la Faculté des lettres : Marc Atallah, Ra- phaël Baroni, Samuel Estier et Gaspard Turin. Cette pré- sence s’inscrit dans la continuité d’un colloque, qui s’est tenu à l’UNIL. Agathe Novak-Lechevalier, directrice de ce Cahier de L’Herne et maître de conférence à Paris X Nanterre, a participé à cet évènement, qui, selon elle,

« a montré l’extraordinaire capacité des chercheurs en littérature à l’Université de Lausanne à se confronter à cette œuvre, même lorsqu’elle ne relevait pas de leur do- maine de prédilection initial - il y avait là une sorte de “ dé- monstration de force ” tout à fait impressionnante ». DS Houellebecq. Dir. par Agathe Novak-Lechevalier. L’Herne ( 2017 ), 383 p. Actes du colloque Les « voix » de Michel Houellebecq sur www.fabula.org

DR © Baukunst Bruther © Philippe Matsas / Opale

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BRÈVES

2108

Le nombre de références faites à l’Uni- versité de Lausanne et au CHUV dans les médias romands en 2017, selon la revue de presse Argus ( au 24 mars ).

De bouche à bouche, les fourmis se transmettent des protéines, des hormones et des petites molécules. Ainsi, elles déterminent collectivement le destin de leurs larves et de leur colonie. Les recherches d’Adria LeBoeuf, post- doctorante au Département d’écologie et évolution et au Centre intégratif de génomique, ont connu un large écho en janvier, jusqu’au Boston Globe.

Professeur associé à l’Institut de géographie et dura- bilité – Site de Sion, Christophe Clivaz est intervenu dans les médias au sujet de l’avenir des stations de ski dans un contexte de réchauffement climatique ( lire également Allez savoir ! 64 ).

Qu’il ait été repéré dans le canton de Fribourg ou qu’il ait tué des moutons au Tessin, le loup a beaucoup fait par- ler de lui cet hiver. A des fins d’identification, les traces laissées par l’animal sont analysées au Laboratoire de biologie de la conservation de l’UNIL.

Mi-février, les travaux de l’équipe d’Anita Lüthi, pro- fesseure associée au Département des neurosciences fondamentales, ont été largement relayés en Suisse et à l’étranger, jusqu’au Brésil même. Menés en collabora- tion avec l’Université de Tübingen. Il s’avère que notre sommeil passe d’un état favorable à la récupération vers un état de réactivité à l’environnement toutes les...

25 secondes ! Ce laps de temps est déterminé par un rythme spécifique du cerveau qui oscille en harmonie avec le rythme cardiaque. DS

NEIGE, LOUP ET SOMMEIL

L’UNIL DANS LES MÉDIAS

598

Le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître dans des revues scientifiques cette année ( d’après Ser- val, au 24 mars ).

Editeur responsable de The Leadership Quarterly ( vol.

28, no 1 ) et professeur à la Faculté des HEC, John Antona- kis détaille dans une édition récente les maux dont souffre la production de la recherche aujourd’hui. La compétition règne dans le monde des journaux scientifiques. Schéma- tiquement, ces derniers cherchent à publier des articles marquants, qui seront ensuite beaucoup cités. De leur côté, pour progresser dans leur carrière, les chercheurs veulent voir leurs travaux apparaître dans des publications pres- tigieuses. Ce « darwinisme » engendre des effets négatifs.

Dans les domaines du leadership et du management, John Antonakis détaille plusieurs « maladies », qu’il af- fuble de noms gréco-latins. Ainsi, la tendance à valoriser ce qui est nouveau et surprenant s’appelle sous sa plume neophilia. Or, l’obtention de résultats négatifs ou la répli- cation de travaux déjà faits

par d’autres, des démarches plus ingrates, font avancer la connaissance. Mais de telles contributions ne sont pas du tout encouragées par le système, au contraire.

L’engouement pour la créa- tion de théories est quali- fié – de manière imagée – de theorrhea. Ironiquement,

la grande majorité de ces dernières n’est jamais testée de manière empirique ! Le professeur expose également la disjunctivitis, qui consiste à publier rapidement des ar- ticles courts. Ce qui engendre une prolifération de résul- tats pas toujours utiles ou intéressants.

Après avoir exposé son diagnostic, nourri de nom- breuses références, John Antonakis liste sa série de re- mèdes. Parmi elles, la transparence. Cela consiste par exemple à déclarer ( voire même à livrer ) toutes les don- nées récoltées à la communauté, et pas seulement une sé- lection. Il conseille également aux chercheurs de diffuser les résultats qui contredisent leurs attentes, leurs idées ou leurs espoirs. DS

On doing better science : From thrill of discovery to policy implications. In : The Leadership Quarterly( vol. 28, no 1, février 2017 ). Accessible en open access sous www.sciencedirect.com

DES REMÈDES POUR LA RECHERCHE

PASSAGE EN REVUE HISTOIRE

COLONIALISME ET CONTAGION

« La médecine joua un rôle de premier ordre pour la mise en œuvre du pro- jet colonial », écrit Ro- berto Zaugg, maître assis- tant Ambizione en Section d’histoire. Ce chercheur a dirigé un récent numéro spécial de la revue His- toire, médecine et santé.

Né d’une journée d’études, ce volume traite du rôle des Services de santé mi- litaires dans le cadre des colonies, avec un fort ac- cent sur le XIXe siècle. Sta- tionnés loin de chez eux, les soldats étaient frappés par des maladies contre lesquelles ils n’étaient pas immunisés. La « médecine tropicale » s’est dévelop- pée en conséquence.

Destinées d’abord aux co- lons européens, puis ou- vertes aux habitants lo- caux, les infrastructures sanitaires ont renforcé l’emprise des puissances sur les territoires conquis.

Les idées scientifiques qui les accompagnaient ont servi la propagande co- lonialiste, souvent dans l’optique paternaliste du

« docteur blanc qui soigne l’enfant noir ». D’une lec- ture agréable, cette publi- cation retrace des aspects peu connus et pourtant passionnants de l’histoire récente. DS

GUERRE, MALADIE, EMPIRE. 

No spécial de « Histoire, mé- decine et santé », 10. Dir. par  Roberto Zaugg. Presses univer- sitaires du Midi ( 2016 ), 118 p.

Fabrice Ducrest © UNIL

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Allez savoir ! N° 66 Mai 2017 UNIL | Université de Lausanne 15 À L’HONNEUR

RECHERCHE

Sara Mitri, Philipp Engel et Stephan Gruber, cher- cheurs au Département de microbiologie fondamentale de la Faculté de biologie et de médecine, voient l’excellence de leurs travaux saluée par l’octroi de trois ERC Grants du European Research Council. Le montant total attribué avoisine les 5 millions. Leurs recherches portent, respec- tivement, sur les écosystèmes microbiens, les communau- tés bactériennes qui peuplent l’intestin des animaux et l’organisation des chromosomes au sein de la cellule. ( RÉD. ) Au sujet des ERC, lire également en p. 27

TROIS BIOLOGISTES

DÉCROCHENT DES FONDS EUROPÉENS

DES REMÈDES POUR LA RECHERCHE

 TRANSITION

LA MARCHE DE VOLTEFACE

Le troisième rendez-vous Volteface, plateforme de recherche sur les aspects sociaux de la transition énergétique qui réunit l’UNIL, l’Etat de Vaud et Romande Energie, a eu lieu mardi 7 février sur le campus de Dorigny. But de cette nouvelle rencontre dé- diée aux différents acteurs : présenter au public l’avancée de 5 recherches, sur 13 au total. Les résultats intermédiaires montrent par exemple que les notions de du- rabilité, voire d’écologie, peuvent paraître encore floues auprès de certains publics, malgré une médiatisation importante. Faute notamment aux besoins et exigences du quotidien qui pèsent sur les comportements. Volteface.ch pour rester informé. DTR

DR lix Imhof © UNIL

MÉDECINE, BIOLOGIE ET MANAGEMENT

Professeur à la Faculté des HEC,  Yves Pigneur est l’auteur ( avec Alex Osterwalder ) de deux best- sellers dans le domaine du mana- gement : Business Model Gene- ration ( 1 million d’exemplaires vendus, traduit en 40 langues ) et Value Proposition Design.

Clairs, ludiques et bien illustrés, ces ouvrages sont accessibles à tous. De plus, ils sont influents, à la fois dans les universités et les entreprises. Ainsi, le chercheur a décroché l’AIS Outreach Practice Publication Award, décerné par l’Association for Information Sys- tems. Ce prix distingue justement un transfert réussi de la recherche vers la pratique, dans des domaines très différents. ( RÉD. )

Comment l’utilisation d’excé- dents structurels peut-elle per- mettre d’augmenter la marge de manœuvre budgétaire de la Confédération suisse ? Selon la loi, cet argent doit être affecté à la réduction de la dette, un méca- nisme qui se heurte à des limites.

Marius Brülhart, professeur et vice-doyen à la Faculté des HEC, se penche sur cette question avec d’autres experts, à la demande du Conseil fédéral. Le Départe- ment fédéral des finances a en effet constitué un groupe dont le chercheur fait partie. Leur mission consistera à examiner le « frein à l’endettement », soit l’équilibre durable entre les recettes et les dépenses. ( RÉD. )

L’an passé, dans le cadre de son programme pour la relève univer- sitaire, la Fondation de Famille Sandoz a mis au concours un poste de professeur assistant en Sciences expérimentales. C’est la candidature de Julia Santiago  Cuellar, professeure assistante en prétitularisation conditionnelle au Département de biologie molécu- laire végétale, qui a été retenue.

Ainsi, cette chercheuse compte développer un programme de recherche au sujet des méca- nismes régulant le remodelage et la modification de la paroi cellu- laire, visant à comprendre com- ment la plante communique avec l’environnement extérieur via la membrane cellulaire. ( RÉD. )

Postdoctorant au Département d’oncologie fondamentale UNIL- CHUV, Jeremiah Bernier-Latmani a été récompensé par la Fonda- tion du Prix Pfizer de la Recherche.

Un groupe de recherche, organisé autour de lui, a mis au point une technique d’imagerie qui permet une visualisation en 3D du micro- environnement intestinal, donc une analyse en haute résolution des chylifères. Ces vaisseaux lympha- tiques spécifiques régulent l’assi- milation des graisses. Cette décou- verte pourrait être importante pour comprendre les maladies métabo- liques et l’assimilation de médica- ments. Les recherches de Jeremiah Bernier-Latmani ont fait l’objet d’un article dans Allez savoir ! 63. DS

© Pfizer lix Imhof © UNIL © Sieber / ARC © Heidi Diaz / SAM CHUV

DR Nicole Chuard © UNIL

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DROIT CULTURE

En juillet sortira « Valérian », le film le plus cher de l’histoire du cinéma européen. 210 millions de francs de budget ont été investis dans l’adaptation sur grand écran d’une BD née en 1967. Mais quel est donc ce héros qui traverse aussi bien le temps? Les explications d’Alain Boillat et de Raphaël Baroni, membres du Groupe d’étude sur la bande dessinée de l’UNIL.

TEXTESASKIA GALITCH

PLUS VIVANTS QUE JAMAIS

DES MYTHES VALÉRIAN ET LAURELINE

A

rticles, interviews, analyses, lancements, bandes-an- nonces, photos soi-disant fuitées, tweets et petites nouvelles savamment distillées au quotidien sur le Net... Il faudrait vraiment venir d’une galaxie loin- taine, très lointaine, pour ignorer que le film Valé- rian et la Cité des mille planètes sortira le 26 juillet prochain.

Car oui, Luc Besson a osé se lancer dans l’adaptation de la série BD Valérian ( et Laureline ), née il y a 50 ans de l’imagi- nation débridée du scénariste Pierre Christin et du dessina- teur Jean-Claude Mézières. Pour le meilleur ou pour le pire ? Le cinéaste saura-t-il capter la poésie et l’humanisme de l’al- bum L’ambassadeur des ombres, dont il s’est principalement inspiré ? Allez savoir !

En attendant de pouvoir juger sur écran, Alain Boillat, doyen de la Faculté des lettres de l’UNIL et professeur en Histoire et Esthétique du cinéma, ainsi que Raphaël Baroni, narratologue et professeur de Français, tous deux membres du Groupe d’étude sur la bande dessinée ( GrEBD ), livrent quelques élé- ments-clés afin de comprendre comment et pourquoi cette épopée spatio-temporelle dessinée est devenue culte.

50 ans d’histoires, ou presque

Comme le rappelle Alain Boillat, la première apparition de Valérian date du 9 novembre 1967, dans le magazine Pilote, tandis que l’album Souvenirs du futur, 22e tome de la saga, a été publié en 2013. Soit 46 ans plus tard.

AU CINÉMA

Valérian (incarné par Dane DeHaan) et Laureline (Cara Delevingne) encadrent le réalisateur Luc Besson. Son film est le plus cher de l’histoire du cinéma européen.

© 2016 Valerian SAS – TF1 Films Production

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En d’autres termes, Pierre Christin et Jean-Claude Mézières, qui se sont rencontrés enfants, pendant la Seconde Guerre mondiale, ont réussi à imaginer des aventures spa- tio-temporelles originales pendant près de cinquante ans.

« Ce qui est tout de même assez exceptionnel », relève le professeur Boillat, en soulignant que ce développement sur une « longue durée » participe clairement de la mythifica- tion de la série.

La SF, un genre alors peu exploré

« Cette série a une importance majeure dans l’histoire de la BD de science-fiction ( SF ) franco-belge. Et notamment parce qu’elle a largement contribué à la populariser, note Raphaël Baroni. Contrairement aux Etats-Unis, qui raffolent de ce genre et craquent pour des héros tels que Buck Rogers et Flash Gor- don, la France s’intéresse surtout au genre comique et /ou d’aventures. Il faut rappeler que, jusque dans les années 60, la bande dessinée est perçue comme un art industriel et popu- laire qui s’adresse aux enfants et n’intéresse absolument pas les élites intellectuelles. Par ailleurs, elle est soumise à la Loi

de 1949 sur les publications pour la jeunesse qui, en interdi- sant entre autres la violence ou les allusions à connotation sexuelle, évacue de fait les thématiques SF. »

Pour sa part, le professeur Boillat relève qu’à l’exception de « quelques rares parutions telles que Futuropolis, de Pel- los en 1937, puis Barbarella de Forest, ou Les Naufragés du temps de Paul Gillon, dès le début des années 60, la bande dessinée de science-fiction est un genre peu présent dans l’es- pace franco-belge ». Pour le coup, quand Christin et Mézières décident d’unir leurs talents et de lancer une série à paraître en feuilleton dans l’hebdomadaire Pilote, ils optent assez natu- rellement pour cet univers où tout reste à faire.

Ce d’autant plus facilement, ajoute Alain Boillat, que Chris- tin, défenseur de la « paralittérature » dont la SF est l’emblème, est un grand dévoreur de romans d’anticipation, dont ceux de Van Vogt, de Jack Vance ou de Poul Anderson.

Un support... porteur

Lancé en 1959, l’hebdomadaire Pilote s’adresse d’abord aux

« jeunes adolescents ». Toutefois, expliquent tant Alain Boillat que Raphaël Baroni, sous l’influence de René Goscinny, la revue va rapidement s’attacher à élargir son public et à séduire des lecteurs un brin plus âgés. Pour ce faire, elle mise sur la SF et l’érotisme, et elle ouvre ses pages à des thématiques plus sophistiquées – ce qui lui vaut de devenir une référence en matière de BD d’avant-garde. Si bien que, en étant publiées dans ce magazine dès 1967, les aventures de Valérian béné- ficient ipso facto de cette aura. Et, du même coup, de l’affec- tion d’un lectorat gourmand de nouveautés et d’originalité.

Les voyages extraordinaires

L’une des clés du succès de Valérian tient aussi à la thématique du voyage extraordinaire et des univers utopiques : « Dans les premiers épisodes, le scénario a pour but essentiel de dépla- cer les personnages dans des endroits fantastiques. La trame sert surtout à la découverte de mondes exotiques, d’espèces inédites, d’architectures folles, de tempêtes de fleurs ou de glace, de monstres... », précise Raphaël Baroni.

Cher à Jules Verne au XIXe siècle, ou à Platon bien avant lui, ce concept onirique hautement dépaysant a une triple fonc- tion. De fait, il permet à Christin de laisser aller son imagi- nation librement, sans limites, à Mézières de l’illustrer avec maestria… et aux lecteurs de s’envoler vers des ailleurs fas- cinants souvent merveilleux, parfois inquiétants, mais tou- jours complètement inédits.

Ou quasiment toujours. Comme le note le professeur Boil- lat, dans Les Spectres d’Inverloch, paru en 1984, l’artiste s’est en effet amusé à vouloir reproduire la réalité. Enfin, quand on dit amusé... « Mézières raconte qu’il s’est lancé là-dedans parce qu’il avait envie de faire quelque chose de plus facile et de dessiner le quotidien. Or, il s’est aperçu que c’était beau- coup plus compliqué parce qu’il avait un souci de réalisme qu’il n’avait pas dans ses systèmes imaginaires. Il y est donc assez rapidement revenu ! »

Le Groupe d’étude sur la bande dessinée ( GrEBD ) www.unil.ch/grebd

RAPHAËL BARONI Professeur associé à l’Ecole de français langue étrangère.

Nicole Chuard © UNIL

CULTURE

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Allez savoir ! N° 66 Mai 2017 UNIL | Université de Lausanne 19 Si les scénarios de Christin sont pour beaucoup dans la fas-

cination qu’exercent Valérian et Laureline, le graphisme de Mézières est également importantissime, relèvent les experts.

Un graphisme qui évolue d’ailleurs au fil des ans : « La série part d’un genre assez caricatural pour développer progres- sivement un style plus réaliste, qui sert surtout à représen- ter richement les univers exotiques visités par les héros. Les mises en page aussi sont très travaillées, s’émancipant sou- vent du standard hergéen de la page découpée en quatre strips pour mettre en valeur des espaces souvent assez monumen- taux », précise Raphaël Baroni.

Le paradoxe temporel

Comme l’indique justement son titre original, Valérian, agent spatio-temporel, la série repose sur des voyages dans le temps.

Et, corollaire, elle évoque un redoutable paradoxe temporel.

Soit un concept selon lequel remonter dans le passé pour le modifier a des conséquences sur le présent, rendant celui-ci potentiellement impossible… à moins de trouver une astuce pour contourner l’obstacle !

« Quand Mézières et Christin imaginent en 1968 qu’un accident nucléaire va provoquer la fin de la civilisation en 1986, ils ne pensent pas une seconde qu’ils seront encore dans Valérian à ce moment-là et, pour le coup, ne s’inquiètent pas beaucoup du réalisme de la chose, précise le professeur Baroni. Mais le temps passe et Christin voit qu’il y a un pro- blème narratif puisqu’il va falloir expliquer pourquoi le cata- clysme raconté dans La Cité des eaux mouvantes ne s’est pas produit. Il finit par trouver une solution géniale : transformer la ligne temporelle en créant plusieurs univers parallèles. » C’est comme ça que, « dans le tome 21, L’OuvreTemps, Valé- rian et Laureline sortent du paradoxe temporel par le biais d’une “autre” vie et peuvent se voir enfants », note de son côté le professeur Boillat.

L’effet 1977...

Bien que la série Valérian ait été appréciée dès ses débuts, elle a tout de même clairement bénéficié de « l’effet 1977 ». Ainsi, comme l’analyse Alain Boillat, il faudra attendre cette année- là, évidemment marquée par la sortie du Star Wars de George Lucas, pour que le space opera gagne une vraie dimension

« populaire ». Une popularisation qui sera d’ailleurs encore accentuée deux ans plus tard par le débarquement sur grand écran de la saga interstellaire Star Trek.

Des héros en couple ? Du jamais vu !

Autre facteur intéressant qui peut expliquer l’engouement du public pour la série : elle met en scène un homme et une femme amoureux et non mariés. Une grande nouveauté, mal- gré le contexte libertaire de Mai 68, soulignent aussi bien Alain Boillat que Raphaël Baroni. A noter aussi que, tout au long des albums, les auteurs utilisent cette relation pour aborder plus ou moins frontalement des problèmes de couple – tels que la jalousie ou la fidélité.

Vous avez dit féminisme ?

Derrière tout grand homme se cache toujours une femme. Et cette série ne fait pas exception. Car même si de nombreuses aventures sont plutôt focalisées sur lui, rappelle Alain Boil- lat, Laureline est loin de n’être qu’une jolie faire-valoir. Au contraire, elle est même plutôt l’élément moteur du duo et a méchamment tendance à remettre en question les points de vue souvent ringards de son compagnon.

« Elle a du caractère et, contrairement à Valérian, qui se contente généralement d’être dans l’action, elle est dans la réflexion et la distance », note le professeur. Cependant, même si Laureline est plus fine et a d’indéniables qualités, il ne faut pas oublier que la série s’appelle Valérian agent spa- tio-temporel – il faudra attendre 2007 pour qu’elle soit rebap- tisée Valérian et Laureline – et qu’elle est l’œuvre d’auteurs masculins.

Au fond, il y a une vraie ambiguïté. Parce que, même si elle est très liée aux mouvements d’émancipation des femmes, auxquels Pierre Christin était très sensible, Laureline est tout de même très sexuée et son corps peut être parfois exhibé La Faculté des lettres

www.unil.ch/lettres

ALAIN BOILLAT Doyen de la Faculté des lettres.

Nicole Chuard © UNIL

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CULTURE

comme objet d’attraction. « Mézières ne s’est par exemple pas beaucoup inquiété de réalisme quand il lui a créé des combinaisons spatiales ! Je crois qu’il ne faut pas se leur- rer : Christin et Mézières s’adressaient essentiellement aux hommes, l’élargissement du lectorat aux femmes étant bien plus tardif ( années 90, ndlr ). »

Un point de vue que partage Raphaël Baroni, qui ajoute qu’en cela, Laureline est la digne héritière de Barbarella, qui s’inscrivait clairement dans le registre de l’érotisme. « Cela dit, il y a aussi des moments de bascule surprenants du point de vue de la trame narrative. L’épisode L’ambassadeur des ombres inverse par exemple les codes des contes où les princes char- mants doivent délivrer des princesses. Là, c’est Laureline qui va sauver Valérian, qui reste inactif, puisqu’il est paralysé et inconscient pendant presque toute l’aventure ! »

Une optique humaniste, engagée et poétique

Poètes et conteurs hors pair, Mézières et Christin n’en sont pas moins des hommes engagés de leur temps, remarque Alain Boillat. Qui explique qu’en les lisant entre les cases, leurs albums sont tous assez clairement positionnés : « Pierre Chris- tin, qui avait fait Sciences Po, est vraiment dans une optique de réflexion sociologique un peu délurée mais très imagina- tive. Il est tout à fait dans la veine Mai 68, et Valérian est donc assez représentatif des combats sociaux et politiques de cette époque. Mézières et Christin ne cherchaient pas à embriga- der leurs lecteurs mais leurs histoires sont empreintes d’hu-

manisme et de générosité, de tolérance et du refus de toute forme de dictature, de totalitarisme ou de racisme. »

Des artistes visionnaires…

Outre la fascinante « vision » d’un accident nucléaire qui sur- viendrait en 1986... année où a justement eu lieu la catas- trophe de Tchernobyl, Christin et Mézières ont aussi anticipé toutes sortes de problématiques sociétales. Dont l’écologie ou les dangers de la mondialisation, les risques des manipula- tions génétiques et du clonage.

Star Wars, une saga sous influence

Georges Lucas a-t-il pillé Valérian ? Star Wars n’est-il au fond que la première adaptation cinématographique des aven- tures des plus adorables agents spatio-temporels de toutes les galaxies ? Ni Alain Boillat ni Raphaël Baroni ne vont jusque- là. Ce qui ne les empêche pas, chacun de son côté, de repérer quelques drôles de coïncidences entre la franchise hollywoo- dienne et la BD de Christin et Mézières : « Lucas a toujours revendiqué l’influence de Flash Gordon sur sa saga, jamais celle de Valérian », note Alain Boillat. Et de citer, alors, des créa- tures star-war( s )iennes ressemblant étrangement aux Shin- gouz, ou le petit bikini de Leia dans Le retour du Jedi qu’on dirait venu directement de la garde-robe de Laureline, ainsi que différents vaisseaux, dont le Faucon Millenium, ou même l’allure sombre de Dark Vador qui serait bien inspiré, en l’oc- currence, de remercier ses vrais pères... 

INSPIRATION

Publié en 1975, « L’am- bassadeur des ombres » a été la source principale de Luc Besson pour son film. Ici, trois planches consécutives au décou- page très travaillé.

© Dargaud

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ÉCONOMIE

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ET SI DEMAIN

L’ARGENT

N’EXISTAIT PLUS ? Le nouveau billet de 20 francs sera tout prochainement mis en circulation par la Banque nationale suisse ( BNS ), dont l’une des tâches est précisément l’émission de monnaie. Mais est-ce opportun de lancer des coupures quand les paiements se font de moins en moins souvent en cash ?

TEXTE SONIA ARNAL

U

ne femme âgée entre dans l’une des deux grandes banques de la place Saint-François. Elle va au gui- chet et demande à l’employé la somme à 4 chiffres dont elle a besoin pour ses paiements mensuels.

Le pactole en poche, elle traverse la place jusqu’à la poste, où elle sort ses bulletins de versement et règle ses factures en espèce. Une scène bientôt révolue ? Pas franchement. Si, aujourd’hui, les Suisses sont nombreux à faire leurs paiements via les services en ligne de leur

banque, à acheter leurs vacances avec une carte de crédit et à payer leurs courses avec une Maestro, ils sont un des peuples qui utilise le plus les billets, ou l’argent « numé- raire », comme on l’appelle.

Les Suisses aiment le cash

En Suède par exemple, on estime que seules 2 à 3 % des tran- sactions se font encore en liquide – la somme des billets en circulation se monte à 2 % environ du PIB national,

MONNAIE

Les Suisses sont attachés à leurs billets de banque.

© Christian Beutler / Keystone

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selon des chiffres cités par L’Hebdo dans un article paru en janvier. La moyenne européenne se situe autour de 9,7 %, et les Suisses sont encore un peu plus attachés au cash, avec 10 % du PIB qui se baladent entre nos poches et les magasins – alors pourtant que 16 millions de cartes sont dans nos por- tefeuilles. Plus surprenant, l’année passée a vu une augmen- tation de 7 % de la somme en circulation sous forme de numé- raire. A priori, la mort du billet n’est donc pas pour demain.

Comment expliquer cet amour du numéraire ? « La princi- pale raison est, je pense, la sécurité qui prévaut depuis tou- jours dans les rues en Suisse, tente Jean-Pierre Danthine, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, qui fut éga- lement vice-président de la BNS. Quand je vivais aux Etats- Unis à la fin des années 70, je n’avais jamais plus de 20 dollars en liquide sur moi. Vingt dollars pour avoir quelque chose à donner si on me braquait dans la rue, tout en n’ayant pas beaucoup à perdre... En arrivant en Suisse, j’ai été sur- pris par les sommes que les résidants avaient sur eux. Ce n’est pas rare de voir des gens se promener avec plusieurs milliers de francs en route pour la poste ou un gros achat.

Et c’est possible parce que c’est sûr. »

Dans de nombreux pays, le risque de se faire voler est réel – mais l’attachement aux billets est aussi très culturel : la Suède n’est pas exactement le pays le plus dangereux d’Eu- rope, et pourtant c’est celui qui est le plus près de la fin du cash. Apparemment, les Suisses sont donc très traditiona- listes. La tranche des 20 à 30 ans est par exemple celle qui utilise le moins les cartes...

« La dimension culturelle est importante, mais il y a aussi des raisons pratiques qui expliquent que pour certains types de paiements, les billets et la monnaie ne vont pas totalement disparaître avant longtemps, estime Philippe Bacchetta, pro- fesseur de macroéconomie à la Faculté des hautes études commerciales et au Swiss Finance Institute. Je pense par exemple aux 30 francs que l’on verse à la baby-sitter quand on revient du cinéma, ou à la pièce de 5 francs que l’on donne à un enfant pour aller chercher le pain. »

Les grosses coupures circulent de plus en plus Mais les Suisses n’aiment pas seulement les petites sommes : ils sont également extrêmement friands de grosses coupures.

Le billet de 1000 francs triomphe depuis la crise financière de 2008. Les statistiques de la BNS font état d’une augmen- tation du nombre de ces billets en circulation de... 79 % en 10 ans. Jean-Pierre Danthine, qui s’appuie sur un graphique, élaboré lui aussi par la BNS, explique que c’est durant la Seconde Guerre mondiale que les gens détenaient le plus de billets – environ 25 % du PIB. « Ensuite, la paix s’installe, l’économie repart, et ce ratio s’érode, analyse-t-il. Des années 1990 à la crise, on a une stabilisation autour des 7,5 %. Puis, avec notamment la faillite de Lehman Brothers et d’autres banques, la confiance des citoyens à l’égard des instituts financiers chute, et certains trouvent plus prudents de gar- der leurs économies en cash. » C’est ce qui explique donc cette augmentation massive.

Outre cette défiance, Philippe Bacchetta relève aussi la discrétion qu’offre le numéraire et la difficulté à tracer les transactions effectuées en espèces – alors que les paiements électroniques ou par cartes permettent de recueillir de nom- breuses informations telles que le montant versé ou encaissé, le lieu du retrait ou du paiement par carte, la date, l’heure...

« La fin du secret bancaire relance aussi la demande pour les gros billets, ajoute-t-il, parce que c’est un moyen d’épar- gner de façon totalement anonyme – il y a un intérêt fiscal derrière cet attrait. »

Et aussi, bien sûr,une opportunité pour toutes les indus- tries liées à la criminalité, qui préfèrent ne laisser aucune preuve de leurs paiements afin d’échapper plus facilement à la justice – d’où la fameuse valise pleine de cash des séries policières, celle qui sert à payer la drogue, la rançon, la traite des êtres humains, la corruption. C’est notamment à cause de l’utilisation du numéraire à des fins criminelles que certains économistes, notamment Kenneth Rogoff, que l’on a beaucoup entendu et cité sur la question, militent pour sa suppression.

PHILIPPE BACCHETTA Professeur de macroéconomie à la Faculté des HEC et au Swiss Finance Institute.

Nicole Chuard © UNIL

ÉCONOMIE

La Faculté des HEC www.unil.ch/hec

2 - 3 %

LA PROPORTION

DE TRANSACTIONS

QUI SE FONT EN-

CORE EN LIQUIDE

EN SUÈDE.

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Allez savoir ! N° 66 Mai 2017 UNIL | Université de Lausanne 25 Les cybercriminels préfèrent les bitcoins

Solange Ghernaouti, professeure en cybersécurité à la Faculté des HEC et experte internationale, relativise les avantages du tout numérique pour lutter contre ces pratiques : « Les paie- ments en ligne ne résolvent pas tous les problèmes de la lutte contre la criminalité – certes, ils sont plus faciles à tra- cer et à taxer ( c’est ce qui motive leur généralisation ), mais il existe toujours des opportunités criminelles et des facilités techniques pour échapper à la justice. De manière générale, Internet offre une couche d’isolation protectrice aux crimi- nels. Je pense notamment aux casinos et à certains services en ligne, qui sont de véritables instruments du blanchiment d’argent, ou aux monnaies virtuelles comme les bitcoins.

Cette monnaie virtuelle empêche en effet de remonter à l’identité réelle des acteurs impliqués dans une transaction : on ne sait pas qui paie, ni qui est payé. Les cybercriminels, qui prennent en otages les données ou ordinateurs des entre- prises, demandent souvent à être payés de cette façon pour la rançon qu’ils exigent. L’achat de produits illicites, toutes sortes de trafics ( drogue, armes... ) peuvent être facilités par l’anonymat lié à cette monnaie. Mais, même sans penser à de la cybercriminalité très sophistiquée, un des problèmes majeurs engendrés par la dématérialisation de l’argent et des transactions financières est que, lorsque l’on se fait “ cyber- voler ” ses données personnelles ou financières, on ne s’en rend pas forcément compte rapidement. Quand un porte-mon- naie est volé ou un coffre-fort forcé, l’incident est facilement détecté, le montant dérobé limité au contenu. Avec le numé- rique, les impacts peuvent être directs et indirects, immé- diats ou différés, et potentiellement sans limites. »

Dans les avantages à mettre au crédit du cash, Philippe Bacchetta ajoute aussi qu’avec un portefeuille bien garni en billets, « on ne dépend pas d’un système informatique. Nous avons tous vécu l’expérience d’une panne momentanée aux caisses d’un magasin, qui, d’un coup, n’acceptent plus les cartes. C’est vite la paralysie et le chaos. L’inconvénient, car il y en a aussi, c’est que l’argent numéraire, il faut s’en occu- per, c’est toute une logistique : il faut non seulement le trans- porter, mais aussi sécuriser son transport, et puis faire en sorte qu’il y ait toujours assez de billets au bon endroit – ce qui a un prix ».

Comment relancer l’économie avec des cartes L’autre argument avancé contre le cash est qu’il limite l’ac- tion des banques centrales. « C’est un point soutenu entre autres par Kenneth Rogoff pour abolir le numéraire : sans billets en circulation, les banques centrales peuvent intro- duire des taux négatifs bien plus importants », explique Phi- lippe Bacchetta. Sans entrer dans des détails trop techniques, on dira que l’économiste américain préconise des taux néga- tifs pouvant aller jusqu’à 6 % pour relancer les économies en récession. « Théoriquement, c’est tout à fait cohérent, mais, dans les faits, c’est impossible à imaginer en Suisse, com- mente Jean-Pierre Danthine. Les gens sont, comme nous

l’avons vu, très attachés à leur liberté de posséder des bil- lets. Si la décision d’abolir le numéraire est prise, il y aura de toute façon une votation populaire, et les gens se pronon- ceront contre cette mesure. »

Tous les spécialistes s’accordent à penser que les deux systèmes de paiement ont leurs atouts, mais que, néan- moins, nous irons vers toujours moins de billets échangés de la main à la main, et vers toujours plus de moyens de paie- ments électroniques – sur tous les supports. « Il n’y a pas que l’argent qui devient de plus en plus virtuel : on va vers une dématérialisation de tout, des banques, du travail, de nos relations, analyse Solange Ghernaouti. Toutes nos réfé- rences et nos modes d’action sont remis en cause par l’usage du numérique et par l’incontournable médiation des activi- tés par les fournisseurs de services et d’infrastructures d’In- ternet comme Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Netflix ou Uber. Il faut affirmer notre vision de société, se donner les moyens d’être en mesure d’influencer, de régu- ler ou tout simplement de choisir en toute connaissance de cause. Pour l’instant, nous subissons, et cela n’est jamais une bonne chose. » 

SOLANGE GHERNAOUTI Professeure en cybersécurité à la Faculté des HEC.

Nicole Chuard © UNIL

« LES PAIEMENTS EN LIGNE NE RÉSOLVENT PAS TOUS LES PRO- BLÈMES DE LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ. »

SOLANGE GHERNAOUTI

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L’

argent n’a pas d’odeur, mais il porte toutes sortes de traces chimiques – et d’innombrables bactéries. Dans le cadre d’une étude réalisée à l’Ecole des sciences crimi- nelles de l’UNIL, Pierre Esseiva, qui y est professeur associé, a pu mettre en évidence que « nos billets de banque véhiculent tous des traces, le plus sou- vent infimes, de cocaïne ».

Le but de sa recherche n’était pas de faire condamner tous les citoyens pour possession de substances illé-

PIERRE ESSEIVA Professeur associé à l’Ecole des sciences criminelles.

Nicole Chuard © UNIL

gales, « mais de mettre au point un système qui permette d’établir scien- tifiquement un lien entre une liasse de billets et le trafic de stupéfiants », ex- plique-t-il. Pour la police, il est en effet souvent difficile d’apporter la preuve que l’argent saisi sur des suspects pro- vient bien du deal et les condamnations par la justice sont de ce fait plus com- pliquées, surtout si la matière première s’est volatilisée.

En utilisant l’analyse de spectromé- trie à mobilité ionique ( SMI ), le crimi-

naliste se proposait de comparer les ré- sidus se trouvant sur des billets dont il était certain qu’ils provenaient de la vente de ce stupéfiant et les coupures de Monsieur et Madame tout–le-monde.

« Qu’est-ce qu’on trouve dans chacun de ces groupes, dans quelles propor- tions, et est-ce que les différences sont significatives ? Telles étaient nos in- terrogations », énumère le professeur.

Résultat : les billets des trafiquants portent bien des traces de cocaïne, comme on pouvait l’espérer, mais les autres... aussi !

Lutte contre la criminalité

« Nous avons été un peu surpris que ce soit aussi systématique, même si nous savions que ce stupéfiant est particu- lièrement « contaminogène » : il passe très facilement d’un support à l’autre et se dépose partout. C’est d’ailleurs pour cela que nous l’avons choisi. » L’élabora- tion de la méthodologie n’a néanmoins pas été vaine et les résultats de l’étude peuvent être exploités, puisque la diffé- rence de concentration entre les deux populations de billets est significative.

Mais, sans le savoir, la BNS a fait avan- cer la lutte contre la criminalité avec l’émission de ses nouvelles coupures :

« Nous étudions actuellement les nou- veaux billets de 50 francs, explique Pierre Esseiva. Comme ils sont depuis peu en circulation, cela nous permettra d’évaluer à quelle vitesse se produit la contamination par la cocaïne. » SA

DE LA COCAÏNE DANS

TOUS LES PORTEFEUILLES

Une méthodologie développée à l’Ecole des sciences criminelles a cherché à établir des liens entre les billets saisis sur des suspects et le trafic de stupéfiants. Les nouvelles coupures de 50 francs vont permettre de voir à quelle vitesse les drogues se répandent.

ÉCONOMIE

L’Ecole des sciences criminelles www.unil.ch/esc

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Allez savoir ! N° 66 Mai 2017 UNIL | Université de Lausanne 27

RÉFLEXION

LA SUISSE BÉNÉFICIE

DES FONDS EUROPÉENS POUR LA RECHERCHE

FRANÇOIS BUSSY Vice-recteur « Recherche et Relations internationales » de l’UNIL

V

éritables passeports d’excel- lence pour les scientifiques, les subsides du Conseil euro- péen de la recherche, les ERC Grants, fêtent leurs 10 ans en mars. La Suisse a de quoi être fière de pouvoir participer aux célébrations : ses chercheuses et chercheurs ont le meilleur taux de succès dans l’obten- tion de ces bourses.

La Suisse participe de manière pleine et entière au programme- cadre de recherche européen Hori- zon 2020. Ce programme, qui couvre la période 2014-2020, encourage la recherche européenne dans des do- maines très variés. L’un d’eux est consacré à « l’excellence dans la science ».

C’est dans ce contexte que s’ins- crivent les ERC Grants créés en 2007, lors d’un précédent programme- cadre. Ces subventions sont desti- nées aux chercheuses et chercheurs possédant au moins deux ans d’ex- périence depuis l’obtention de leur doctorat. Les postulants peuvent être de toute nationalité et travail- ler dans n’importe quelle discipline, des Sciences de la vie aux Sciences humaines et sociales, en passant par l’Ingénierie et l’Economie. Ils doivent toutefois être soutenus par un insti- tut de recherche public ou privé si- tué dans un Etat membre de l’UE ou dans un pays associé, comme la Suisse, dans lequel ils mèneront leurs recherches. Ils pourront toute- fois changer d’établissement en cours

A CE JOUR, LES QUATRE UNIVERSITÉS ROMANDES ET L’EPFL ONT OBTENU 210 BOURSES EUROPÉENNES, DONT 28 POUR L’UNIL.

de route, s’ils le souhaitent. Les sub- sides sont accordés avec pour seuls critères l’excellence et l’originalité du projet de recherche.

Deux millions de francs

Les montants attribués s’élèvent en moyenne à plus de 2 millions de francs sur cinq ans. Les bénéficiaires consacrent une grande partie de cette somme à engager du personnel ( doc- torants ou post-doctorants ) et parfois à couvrir leur propre salaire, le reste étant dévolu à l’achat de matériel, à des analyses et aux frais de partici- pation à des congrès. Les subsides sont accordés pour une période de cinq ans. Comme il existe plusieurs catégories de bourses ERC – de dé- marrage, de consolidation et avan- cées – correspondant aux différentes étapes d’une carrière scientifique, un chercheur talentueux peut espérer en obtenir à diverses reprises.

Un bilan des ERC Grants établi en 2014 montre que la Suisse est très bien placée dans la course aux subventions. Elle figure en effet en cinquième position des pays béné- ficiaires, après le Royaume-Uni, l’Al- lemagne, la France et les Pays-Bas.

Si l’on tient compte du nombre d’ha- bitants, notre pays arrive même lar- gement en tête de cette compétition.

Les chercheuses et chercheurs, les institutions et le pays tout entier en tirent un grand prestige et un bé- néfice indéniable sur la scène inter- nationale. L’excellence attirant l’ex-

cellence, ces bourses permettent de recruter de brillants scientifiques dont les travaux stimulent la créati- vité et l’innovation.

Il est donc primordial que la Suisse poursuive sa participation au programme ERC. Si elle devait y renoncer – comme ce fut le cas de manière transitoire en 2014 à la suite du oui à l’initiative « contre l’immi- gration de masse » –, elle se verrait infliger la double peine d’un manque d’attractivité dans le recrutement des chercheurs les plus qualifiés, et de la fuite potentielle de ses meilleurs élé- ments, privés de l’accès à ce presti- gieux programme.

Projets innovants

A ce jour, les quatre universités ro- mandes et l’EPFL ont obtenu 210 bourses, dont 28 pour l’UNIL. Nous encourageons toujours les porteurs d’un projet innovant à se porter can- didats. S’ils obtiennent le précieux sésame, ils auront la garantie de pouvoir attirer les meilleurs colla- borateurs et constituer une équipe de recherche performante en toute autonomie. Quant aux autres, ils ti- reront profit de leur participation à cette compétition, grâce à un re- tour critique très pointu d’un panel d’experts internationaux. Ce retour leur permettra d’améliorer leur pro- jet en vue d’une nouvelle soumis- sion ou de le réorienter vers une autre institution de financement de la recherche. 

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Références

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