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Dénutrition de la personne âgée

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0 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 26 janvier 2011 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 26 janvier 2011 209 vignette clinique

Madame F, âgée de 75 ans, présente une perte de poids d’environ 10 kg en une année. Elle éprouve des difficultés à manger en raison de douleurs post­

prandiales et d’une sensation de satiété précoce. Elle est connue pour un trou ble bipolaire traité par lithium. Indépendante, elle vit seule à domicile avec l’aide ponc­

tuelle du Centre médico­social (CMS).

Ses deux filles la visitent de temps à autre. Son médecin traitant demande son hospitalisation dans le service de géria­

trie. A l’examen clinique d’entrée, on re­

lève essentiellement des râles crépitants à la base pulmonaire droite. La langue est rouge. Son poids est de 49 kg, corres­

pondant à un indice de masse corporelle (IMC) de 18. Le MMS (Mini­mental status) est à 28/30. Au laboratoire d’entrée, la CRP est à 50 mg/l et l’albumine à 30 g/l.

commentaires

L’importante perte de poids (15% en une année), associée à un IMC de 18, permet de poser le diagnostic de dénutrition. Celle­ci se définit par un état pathologique résultant d’apports nutritionnels insuffisants en regard des dépenses énergétiques de l’organisme.

La dénutrition est très fréquente chez la personne âgée, affectant 5% de celles de plus de 65 ans et 10% de celles de plus de 80 ans vivant à domicile. A l’admission à l’hôpital, ce diagnostic peut être porté chez environ 50% des personnes âgées (la part de l’hypercatabolisme liée à l’inflammation expliquant en partie ce chiffre). En institu­

tion, la prévalence est variable ; elle est de 20 à 50% selon les études.1

Dépistage et diagnostic

Le dépistage de la dénutrition est princi­

palement du ressort du médecin traitant,

dont le rôle est d’estimer l’appétit et les ap­

ports alimentaires de son patient, et de le peser à chaque consultation. Le MNA (Mini­

nutritional assessment) est un outil de dé­

pistage (et de diagnostic) de la dénutrition largement utilisé en gériatrie.2 La première partie (six questions), dite de dépistage (Mi­

ni­nutritional assessment short form – MNA­

SF) permet d’exclure une dénutrition en cas de score de douze points ou plus ; les douze questions suivantes complètent le question­

naire (MNA global). Le score maximal du MNA complet est de 30. Un score inférieur à dix­sept permet de poser le diagnostic de dénutrition avec une sensibilité et une spé­

cificité proches de 100%. Entre 17 et 23,5, il existe un risque de dénutrition et un suivi rapproché est préconisé.

Le diagnostic de dénutrition peut être posé si l’un des quatre critères suivants est présent : 1) perte de poids de 5% en un mois ou 10% en six mois ; 2) IMC l 21 ; 3) albu­

mine l 35 g/l (couplée à la CRP) et 4) MNA l 17. Si L’IMC est inférieur à 18 et l’albumi­

némie inférieure à 30 g/l, on parle de dénu­

trition sévère.

A côté des situations à risque de dénutri­

tion sans lien avec l’âge (cancers, patholo­

gies inflammatoires chroniques, anorexie mentale, etc.), il existe de très nombreuses

situations à risque qui sont plus spécifiques à la personne âgée (tableau 1) et qui néces­

sitent une approche et une prise en charge multidisciplinaires.

Concrètement, pour le médecin, quelques interventions peuvent être rapidement bé­

néfiques, comme la révision des prothèses dentaires, l’abolition des régimes restrictifs et des médications ayant un effet délétère, ou encore le traitement d’une éventuelle dépression pour donner quelques exem­

ples.

Les causes les plus fréquemment retrou­

vées de perte de poids involontaire sont les néoplasies, les troubles psychiatriques, et en particulier dépressifs, et les pathologies di­

gestives,4 mais dans la pratique, les causes sont le plus souvent multiples et intriquées.

Parmi les médicaments largement pres­

crits aux personnes âgées, on sera atten­

tifs aux effets secondaires de la digoxine (nausées), des inhibiteurs de l’acétylcholi­

nestérase (nausées, diarrhées), des ISRS (diarrhées), des neuroleptiques, des anti­

dépresseurs tricycliques et des médica­

ments contre l’incontinence urinaire (bou­

che sèche). Les bisphosphonates par voie orale sont aussi susceptibles d’engendrer des nausées et des œsophagites. Quant aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion

Dénutrition de la personne âgée

Quadrimed 2011

J. Morisod

Dr Jérôme Morisod

Département de gériatrie du Valais romand

Réseau santé Valais Clinique Saint-Amé Route des cases 1890 St-Maurice

jerome.morisod@rsv-gnw.ch

Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 209-10

Tableau 1. Situations à risque de dénutrition chez la personne âgée (Adapté de réf.3).

Psycho-socio- Toute affection aiguë Traitements médicamenteux environnementales ou décompensation d’une au long cours

pathologie chronique

• Isolement social • Douleur • Polymédication

• Deuil • Pathologie infectieuse • Médicaments entraînant une

• Difficultés financières • Fracture entraînant une sécheresse de la bouche, une

• Maltraitance impotence fonctionnelle dysgueusie, des troubles digestifs,

• Hospitalisation • Intervention chirurgicale une anorexie, une somnolence,

• Changement des habitudes de • Constipation sévère etc.

vie : entrée en institution • Escarres • Corticoïdes au long cours Troubles bucco-dentaires Régimes restrictifs Syndromes démentiels et

autres troubles neurologiques

• Trouble de la mastication • Sans sel • Maladie d’Alzheimer

• Mauvais état dentaire • Amaigrissant • Autres démences

• Appareillage mal adapté • Diabétique • Syndrome confusionnel

• Sécheresse de la bouche • Hypocholestérolémiant • Troubles de la vigilance

• Candidose oropharyngée • Sans résidu au long cours • Syndrome parkinsonien

• Dysgueusie

Troubles de la déglutition Dépendance pour les actes Troubles psychiatriques

de la vie quotidienne

• Pathologie ORL • Dépendance pour l’alimentation • Syndromes dépressifs

• Pathologies neurologique, • Dépendance pour la mobilité • Troubles du comportement dégénérative ou vasculaire

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Bibliographie

1 Kaiser MJ, et al. Frequency of malnutrition in older adults : A multinational perspective using the mini nutritional assessment. J Am Geriatr Soc 2010;

58:1734-38.

2 www.nutrimetre.org/PDF/MNAcomplet.pdf 3 Haute autorité de santé. Stratégie de prise en charge en cas de dénutrition protéino-énergétique chez la personne âgée. Recommandations avril 2007 : www.has-sante.fr

4 Alibhai S, et al. An approach to the management of unintentional weight loss in elderly people. CMAJ 2005;172:773-80.

5 Sampson EL, et al. Enteral tube feeding for older people with advanced dementia. Cochrane Database Syst Rev 2009;CD007209.

(IEC), ils peuvent tous entraîner des troubles du goût.

Prise en charge nutritionnelle La stratégie de prise en charge nutrition­

nelle dépend à la fois de l’état de nutrition du patient (normal, dénutrition, dénutrition sé­

vère) et de ses apports alimentaires spon­

tanés (tableau 2).

Les objectifs visés sont un apport de 30­

40 kcal/kg/jour et de 1,2­1,5 g de protéines/

kg/jour. Dans la mesure du possible, la voie orale devrait toujours être privilégiée, d’abord via une alimentation enrichie puis, si néces­

saire, par la prescription de compléments nutritionnels oraux (CNO). La nutrition enté­

rale (NE) doit être réservée aux cas de dé­

nutrition sévère avec apports très diminués, ou encore aux patients qui présentent des troubles sévères de la déglutition (néopla­

sies ORL, post­AVC).

Stimulants de l’appétit et compléments nutritionnels

Aucun médicament ne s’est avéré réelle­

ment efficace pour stimuler l’appétit de la personne âgée dénutrie. En cas de dé­

pression cependant, la mirtazapine (Reme­

ron) peut s’avérer utile. De même, hormis le calcium et la vitamine D, il n’y a aucun béné­

fice démontré de l’administration de vitami­

nes, d’oligo­éléments ou de minéraux, en l’absence de signe de carence. Etant donné l’inexplicable (à notre sens) refus de rem­

boursement des compléments nutritionnels oraux (CNO) par l’assurance de base, il est essentiel de conseiller le patient sur les diverses modalités d’enrichissement des re­

pas (poudres de lait, lait concentré, fromage râpé, beurre fondu, etc.) Les CNO, s’ils sont tolérés, à raison de deux portions par jour, peuvent apporter une contribution impor­

tante aux besoins protéino­caloriques (jus­

qu’à un tiers des besoins quotidiens). Ils doivent être pris en dehors des repas et ne représentent qu’un complément aux apports alimentaires (ils ne remplacent pas les re­

pas).

Démences

Les démences, et en particulier la maladie d’Alzheimer, s’accompagnent d’une perte de poids de l’ordre de 4% du poids corpo­

rel/année. Si tous les moyens pour amélio­

rer l’alimentation par voie orale sont justi­

fiés, les techniques d’alimentation entérale n’ont pas montré de bénéfice en termes de survie, de qualité de vie ou de prévention des ulcères.5 En cas de démence avan­

cée, il faut donc privilégier une alimenta­

tion­plaisir, individualisée selon les goûts et les capacités du patient en favorisant la convivialité.

Restrictions alimentaires

Les restrictions sous forme de régime et de diète, imposées par des maladies chro­

niques comme l’insuffisance cardiaque ou le diabète (régimes hypocholestérolémiant, diabétique), perdent leur justification avec l’avancée en âge, les risques liés à la mal­

nutrition surpassant ceux de la pathologie traitée. Chez la personne à risque, il est donc recommandé d’abolir tout régime et d’ajus­

ter le traitement médicamenteux (antidiabé­

tique par exemple).

Tableau 2. Stratégie de prise en charge nutritionnelle de la personne âgée (Adapté de réf.3).

Apports Statut nutritionnel

alimentaires Normal Dénutrition Dénutrition sévère

spontanées

Normaux Surveillance • Conseils diététiques • Conseils diététiques

• Alimentation enrichie • Alimentation enrichie

• Réévaluation* à un mois + CNO

• Réévaluation* à quinze

jours

Diminués mais • Conseils diététiques • Conseils diététiques • Conseils diététiques supérieurs à • Alimentation enrichie • Alimentation enrichie • Alimentation enrichie la moitié de • Réévaluation* à un mois • Réévaluation* à quinze + CNO

l’apport jours, et si échec : CNO • Réévaluation* à une

habituel semaine, et si échec : NE

Très diminués, • Conseils diététiques • Conseils diététiques • Conseils diététiques inférieurs à • Alimentation enrichie • Alimentation enrichie • Alimentation enrichie la moitié de • Réévaluation à + CNO et NE d’emblée l’apport une semaine, et si • Réévaluation* à une • Réévaluation* à une habituel échec : CNO semaine, et si échec : NE semaine

* Réévaluation comportant : 1) le poids et le statut nutritionnel ; 2) l’évolution de la (des) pathologie(s) sous-jacente(s) ; 3) l’estimation des apports alimentaires spontanés (ingesta) et 4) la tolérance et l’obser- vance du traitement.

CNO : compléments nutritionnels oraux ; NE : nutrition entérale.

Catamnèse

La patiente a reçu un traitement anti­

biotique pour une pneumonie et de la mycostatine pour traiter le muguet buc­

cal. L’alimentation a été enrichie par deux CNO/jour durant le séjour. Un traite­

ment de Remeron a été introduit. Des discussions avec le CMS et la famille ont permis de confirmer que la patiente ne prenait plus son traitement médicamen­

teux. Un retour à domicile est programmé avec suivi régulier du CMS, repas à do­

micile et foyer de jour deux fois par se­

maine. A la sortie, la CRP est à 15 mg/l, l’albumine à 34 g/l et la patiente a repris 5 kg.

conclusion

La dénutrition de la personne âgée et très fréquente, justifiant une démarche de dépistage systématique. Elle est presque toujours d’origine multifactorielle, impliquant une prise en charge multidisciplinaire. Une fois les objectifs nutritionnels fixés, une stratégie raisonnable et adaptée au con­

texte (comorbidités, espérance de vie) doit être mise en place.

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