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Carence nutritionnelle après bypass gastrique : revue de la littérature, recommandations et suivi

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(1)

D. Lebowitz C. Juillet R. Kehtari

introduction

Déjà en 2007, 8,1% de la population suisse présentait une obé­

sité telle que définie par un indice de masse corporel (IMC) supérieur à 30 kg/m2.1 Au­delà d’une prise en charge médicale et multidisciplinaire, la chirurgie bariatrique est indiquée en cas d’obésité morbide (IMC L 40 kg/m2) réfractaire à des me­

sures diététiques et d’hygiène de vie. Elle est également pra­

tiquée en cas d’IMC L 35 kg/m2 accompagné de complications telles que le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, les syndromes d’apnée obstructive du sommeil et d’obésité­hypo­

ventilation ou des complications articulaires.2­5

Les dernières recommandations de la Swiss Society for the Study of Morbid Obesity and Metabolic Disorders (SMOB) pro­

posent depuis 2011 le recours à cette chirurgie déjà à partir d’un IMC à 35 kg/m2 sans comorbidités associées, mais sous réserve d’un cadre de prise en charge plus stricte.6

Les complications hypoglycémiques après chirurgie bariatrique et leur prise en charge ont été récemment traitées dans cette revue.7

prise encharge chirurgicaledel

obésité

L’anneau gastrique ajustable (Laparoscopic Adjustable Gastric Banding, LAGB), basé sur un principe purement restrictif et le bypass gastrique Roux­en­Y (RYGB), alliant un mécanisme restrictif à une composante de malabsorption, sont les deux interventions les plus fréquemment réalisées en chirurgie bariatrique.

Le RYGB est une variante du premier bypass gastrique réalisé en 1966.8 Il per­

met l’obtention d’une perte pondérale plus importante et un meilleur contrôle des comorbidités comparé aux interventions purement restrictives.2 Selon la méta­

analyse de Bushwald, le RYGB permet non seulement une perte moyenne de 61,6% du poids excessif mais aurait également un impact favorable sur la morta­

lité liée à l’obésité ainsi que sur la qualité de vie.9 A noter que la vitesse maxi­

male de la perte pondérale est observée dans les trois mois postopératoires et que le pic de cette perte est atteint après douze à dix­huit mois. A dix ans, on peut s’attendre à une reprise d’environ 10% du poids perdu. Plus rarement, un échec de l’intervention avec récidive de l’obésité initiale est rapporté dans les trois à cinq ans après RYGB.2

Actuellement, le RYGB est l’opération la plus fréquemment pratiquée en Suisse ou à l’étranger.2,10 De ce fait, le suivi de ses complications précoces et tardives Nutritional deficiency after gastric bypass

surgery : a review of the literature and guidelines for follow-up

Roux­en­Y gastric bypass (RYGB) is the most frequently performed bariatric surgical pro­

cedure in Switzerland. The incidence of post­

operative nutritional deficiencies is high.

There fore, guidelines have been established for patient follow­up and prophylactic treat­

ment of such complications. This article makes use of a case report and a review of the lite­

rature to emphasize the importance of such measures.

Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 649-54

Le bypass gastrique Roux-en-Y (RYGB) est l’intervention de chirurgie bariatrique la plus fréquemment réalisée en Suisse.

La sévérité des carences nutritionnelles parfois observées en postopératoire a motivé la mise sur pied de recommandations tant pour le suivi des patients que pour le traitement préven- tif de telles complications. Cet article a pour but de rappeler, à travers une présentation de cas et une revue de la littérature, l’importance et la nature de ces mesures.

Carence nutritionnelle après bypass gastrique : revue de la littérature,

recommandations et suivi

synthèse

Drs Dan Lebowitz, Christian Juillet et Réza Kehtari

Département de médecine et des urgences

Hôpital neuchâtelois-Pourtalès 2000 Neuchâtel

Dan.Lebowitz@ne.ch Christian.Juillet@ne.ch Reza.Kehtari@ne.ch

(2)

(tableau 1), notamment les carences nutritionnelles, néces­

site une attention bien particulière.

casclinique

M. X., âgé de 59 ans, bénéficie en 1996 de la mise en place d’un anneau gastrique en raison d’une obésité morbide (poids 150 kg, IMC : 43 kg/m2). L’intervention permet une perte pondérale de 40 kg, mais le dispositif doit être retiré trois ans plus tard en raison de compli­

cations infectieuses.

En 2003, suite à une nouvelle prise pondérale (poids 130 kg, IMC : 38 kg/m2), M. X. bénéficie d’un RYGB avec évolution favorable et notamment un bilan hémato­bio­

logique qui est normal fin 2008 (hémoglobine à 139 g/l).

Début 2010, le patient est hospitalisé suite à la décou­

verte d’une anémie sévère se manifestant par une dysp­

née et une asthénie invalidantes. Le traitement habi­

tuel consiste alors en un sartan et un inhibiteur de la pompe à protons. Il n’y a pas de traitement de substitu­

tion en micronutriments.

A l’admission, le status révèle une pâleur ainsi qu’une langue dépapillée et le poids est de 85 kg (IMC : 26 kg/m2).

Un examen neurologique spécialisé ne montre pas de signes de myélose funiculaire ou de neuropathie et l’exa­

men ostéoarticulaire est normal. La formule sanguine montre une anémie macrocytaire sévère et une leuco­

pénie (tableau 2). Le bilan martial montre une élévation du récepteur soluble de la transferrine suggérant une carence en fer. Le frottis sanguin périphérique montre des macro­ovalocytes et la présence de neutrophiles hypersegmentés (figure 1) compatibles avec la présence d’un déficit en vitamine B12 (tableau 3).

Une ponction­aspiration de moelle osseuse réalisée à la recherche de l’étiologie de la bicytopénie montre une hypercellularité et une atteinte des trois lignées avec présence d’une mégaloblastose, de métamyélocytes géants et de mégacaryocytes dysplasiques (figures 2a, b et c). L’absence totale de réserves en fer et d’incorpora­

tion dans les érythroblastes à la coloration au bleu de Prusse confirme la carence martiale (figure 2d). Bien que la dysplasie majeure des mégacaryocytes et des érythro­

Complications précoces

• Maladie thromboembolique

• Hémorragie anastomotique

• Fuite sur lâchage anastomotique

• Infection de plaie

• Malfaçon chirurgicale, avec distension ou rupture gastrique Mortalité à 30 jours : 0,5%

Complications tardives

• Carences nutritionnelles et troubles métaboliques

• Cholécystolithiase

• Sténose anastomotique

• Ulcère anastomotique

• Hernie interne, et hernie de paroi avec complications obstructives

• Dumping-syndrome précoce

• Hypoglycémie réactive postprandiale

Tableau 1. Complications du bypass gastrique Roux-en-Y (RYGB)

(Adapté des réf. 2,6,9,10).

Remerciements au Pr Y. Groebli, FMH en chirurgie générale, viscérale et d’urgences.

Figure 1. Frottis sanguin périphérique

La présence de macro-ovalocytes (flèche) et de neutrophiles hyperseg- mentés, c’est-à-dire à plus de cinq segments (étoile), est caractéristique d’une carence en vitamine B12.

Normes Patient

Vitamines B12 166-533 pmol/l 22 pmol/l

Homocystéine 3,2-12 mmol/l 94,4 mmol/l

Anticorps anticellules pariétales Négatifs et facteur intrinsèque

Folates érythrocytaires 597-2300 nmol/l 1710 nmol/l

Fer sérique 12-30 mmol/l 26,3 mmol/l

Transferrine 2-4 g/l 1,5 g/l

• Taux de saturation 0,20-0,40 0,70 Récepteur soluble de la transferrine 0,76-1,76 mg/l 3,01 mg/l

Ferritine 10-144 mg/l 128 mg/l

Index sTFR/log ferritine 1,43

TSH 0,25-4,2 mU/l 1,34 mU/l

Tableau 3. Bilan de l’anémie

TSH : hormone stimulant la thyroïde ; sTFR : soluble transferrin receptor.

Normes Patient

Hémoglobine 140-180 g/l 59 g/l

MCV 80-100 fl 112 fl

MCHC 310-360 g/l 347 g/l

Réticulocytes 94 G/l

Thrombocytes 150-400 G/l 152 G/l

Leucocytes 4-10 G/l 3,1 G/l

• Neutrophiles * 1,8-7,7 G/l 1,9 G/l

• Lymphocytes 1-4,8 G/l 0,9 G/l

• Monocytes 0,2-1 G/l 0,12 G/l

Tableau 2. Formule sanguine à l’admission

* Nombreux hypersegmentés.

(3)

blastes aurait pu faire croire à un syndrome myélodys­

plasique, ce dernier est écarté par la découverte de la carence en B12 et dans un deuxième temps par l’évolu­

tion clinique.

Devant la suspicion d’un syndrome de malabsorption, un complément de bilan confirme également une ca­

rence en calcium, vitamine D, sélénium, zinc et cuivre (tableau 4). D’autres causes de malabsorption comme une anémie de Biermer sont infirmées par une gastro­

scopie et une coloscopie normales ainsi que des sérolo­

gies négatives pour les anticorps anticellules pariétales et facteur intrinsèque.

Au vu de ces éléments, le diagnostic de carence nutri­

tionnelle post­bypass gastrique est retenu.

Sur le plan thérapeutique, le patient bénéficie d’une transfusion sanguine, d’une substitution parentérale en B12 et en fer et, per oral, en acide folique et zinc. Deux mois après l’admission à l’hôpital, la formule sanguine montre une normalisation de l’hémoglobine à 147 g/l, s’accompagnant d’une récupération complète des capa­

cités fonctionnelles.

bypassgastriqueroux

-

en

-

yetcomplica

-

tionsnutritionnelles

Le syndrome de malabsorption induit par le RYGB en­

traîne de nombreuses carences nutritionnelles. Leurs con­

séquences physiopathologiques et leur incidence sont re­

vues ci­après.

carence enmicronutriments

Vitamine B12

La vitamine B12 joue un rôle essentiel dans la synthèse de l’ADN nécessaire à l’érythropoïèse et dans le fonction­

nement du système nerveux central et périphérique. Elle est contenue dans les produits laitiers, les œufs et la viande.

Lors d’un bypass gastrique, la carence en B12 est expliquée par un trouble de la dissociation des protéines de trans­

port contenues dans les aliments due à un manque d’HCl, ainsi que par un déficit de production de facteur intrin­

sèque.

L’incidence à long terme d’une hypovitaminose B12 après RYBG varie de 37 à 80% et peut déjà survenir lors des deux premières années postopératoires.11­13

Les manifestations cliniques consistent en une anémie macrocytaire mégaloblastique, une glossite atrophique, une neuropathie périphérique et une myélose funiculaire avec déficit de proprioception.

Une anémie est observée dans 36,8 à 54% des cas11,12 et accompagne souvent une carence mixte en B12, en folates et en fer. La macrocytose reste une complication rare, dé­

crite isolément,14 voire estimée à environ 7%.12

Acide folique

L’acide folique est absorbé tout le long du tractus diges­

tif, raison pour laquelle une telle carence est plus rare. Sa survenue, dans 0 à 38% des cas,11,12,15 résulte surtout de la diminution des apports et peut facilement être évitée par la prise d’une préparation multivitaminée. Les folates sont nécessaires à la synthèse de l’ADN et un déficit se mani­

feste tardivement par une anémie mégaloblastique.

Fer

Le déficit en fer est observé chez environ 50% des pa­

tients après RYGB, les femmes préménopausées étant plus à risque.11,12,16­19 Son étiologie repose sur trois méca­

nismes : a) l’évitement spontané de la consommation d’ali­

ments riches en fer comme la viande rouge, qui peut s’as­

socier à des nausées ; b) la diminution de la sécrétion d’HCl nécessaire au métabolisme de l’ion ferrique et c) l’exclusion du duodénum, diminuant la surface d’absorp­

tion du fer et le délai d’exposition des aliments aux en­

zymes pancréatiques.19

Une carence martiale se manifeste par une anémie mi­

crocytaire à laquelle peuvent s’associer une glossite atro­

phique, une koïlonychie et un syndrome de Pica.

Vitamine D et calcium

Les mécanismes de l’hypovitaminose D et de l’hypocal­

cémie sont expliqués par la malabsorption des vitamines liposolubles et du calcium suite à l’exclusion duodéno­

jéju nale et par la diminution de la sécrétion d’HCl. Le suivi

A B

C D

Figure 2. Ponction-aspiration de moelle

Remerciements au Dr Jérôme Voegeli, FMH/FAMH en hématologie.

A. mégaloblastose ; B. métamyélocytes géants ; C. mégacaryocytes dys- plasiques et D. absence de réserves en fer et d’incorporation dans les érythroblastes après coloration au bleu de Prusse confirme la carence martiale.

Normes Patient

Calcium corrigé 2,3-2,6 mmol/l 2,04 mmol/l

Vitamine D 25-120 mmol/l l 10 mmol/l

Zinc 9-22 mmol/l 7,1 mmol/l

Cuivre 12-24 mmol/l 9,7 mmol/l

Sélénium 500-1500 nmol/l 399 nmol/l

Protéines totales 63-82 g/l 49 g/l

Albumine 35-55 g/l 32 g/l

Tableau 4. Dosage complémentaire des micro- nutriments et protéines

(4)

de la vitamine D après RYGB montre la survenue d’un dé­

ficit chez 7 à 51% des patients.20,21 Il survient déjà dans les cinq années postopératoires et peut s’accompagner d’une hyperparathyroïdie secondaire chez environ 49% des pa­

tients.22 L’hypocalcémie est retrouvée dans 10% des cas, essentiellement après RYGB distal.20

Les conséquences cliniques d’une hypovitaminose D sont caractérisées par une ostéomalacie, avec diminution de la densité minérale osseuse et augmentation des mar­

queurs de turnover osseux (phosphatase alcaline, ostécal­

cine, télopeptide N­terminal du collagène type 1). Celles­ci sont en effet plus fréquemment observées chez les patients obèses après RYGB que chez ceux traités conservative­

ment,23,24 et le risque fracturaire après RYGB est estimé à 2,3 fois celui d’une population contrôle.25 A noter enfin qu’une hypovitaminose D (en raison d’une diminution de l’exposition aux UV et de la biodisponibilité du calcidiol due à une séquestration au niveau du tissu adipeux) ainsi qu’un déficit en d’autres micronutriments comme la B12 et le fer, sont souvent présents chez les patients obèses, dé­

montrant l’importance d’un bilan nutritionnel avec correc­

tion des déficits déjà dans la phase préopératoire.18,26

Vitamines A, E et K

L’incidence de l’hypovitaminose A après RYGB est d’en­

viron 11% et peut s’associer à une xérophtalmie, une hé­

méralopie et des troubles de l’acuité visuelle 20,21,27 alors que celle de la vitamine E est rare et asymptomatique.28,29 Aucun cas de déficit en vitamine K après RYGB n’est rap­

porté. Après dérivation bilio­pancréatique, la survenue à quatre ans d’une telle carence serait de 68% sans toutefois de complications hémorragiques associées.30

Thiamine

Le déficit en vitamine B1, outre le manque d’apport, ré­

sulte principalement de la diminution de la sécrétion d’acide gastrique nécessaire à son absorption duodénale. Considé­

rée comme généralement peu fréquente, une étude rap por­

te néanmoins la survenue d’une telle carence chez 11,2% des patients deux ans après RYGB.21 Elle survient le plus sou­

vent chez des patients ayant des complications post opé ra­

toires précoces, notamment des vomissements. Les mani fes­

tations, telles qu’une encéphalopathie de Gayet­Wernicke et une polyneuropathie sont plutôt rares 21,31 mais bien dé­

crites et pourraient être associées à une étiologie multi­

carentielle dans le contexte de malabsorption induite.32

Zinc, sélénium et cuivre

Le déficit en zinc est lié à la malabsorption des lipides au niveau duodéno­jéjunal, ainsi qu’à la diminution spon­

tanée de la consommation de viande. Une étude rétro­

spective décrit une augmentation de la carence en zinc de 8,1 (en préopératoire) à 34,8% deux ans après l’interven­

tion.33 Les signes cliniques sont : alopécie, diarrhées, hypo­

gueusie, hyposmie et acrodermatite entéropathique.

La carence en sélénium, également due à l’exclusion duodéno­jéjunale, est rapportée chez environ 23% des pa­

tients à six mois postopératoires et chez 12% d’entre eux, deux ans après l’introduction d’une supplémentation.34 Cette dernière est assurée par la prescription systématique

après l’intervention d’une préparation multivitaminée. Aucun cas de cardiomyopathie due à un déficit en sélénium post­

RYGB n’est rapporté.

Le cuivre est absorbé essentiellement au niveau de l’es­

tomac et du duodénum proximal. Une hypocuprémie si­

gnificative peut survenir jusqu’à cinq ans après RYGB.35 Par ailleurs, des cas isolés de neuropathie, de troubles de la marche ou de myélopathie postérieure associés à ce défi­

cit sont décrits jusqu’à dix ans après RYGB.36,37

dénutritionprotéino

-

calorique

La fréquence de la carence protéique après RYGB est rare et semble dépendre de la longueur de l’anse com­

mune. Une hypo­albuminémie, absente chez des patients avec une anse de Roux inférieure à 150 cm, est rapportée chez 13% des patients avec un bypass distal.20 Une dénu­

trition sévère, favorisée par des facteurs externes tels qu’une sténose anastomotique ou des vomissements, est décrite chez 4,7% des patients à dix­huit mois après RYGB.38 L’évi­

tement spontané d’aliments riches en protéines et la dimi­

nution de l’efficacité des enzymes gastriques et pancréa­

tiques conduisent également à une malnutrition protéino­

énergétique nécessitant un dépistage précoce et une prise en charge nutritionnelle spécifique.

discussion

Comme évoqué en introduction, le bypass gastrique permet de réduire la morbidité et la mortalité des patients obèses, ainsi que d’améliorer leur qualité de vie.2,9 Une perte pondérale supérieure à 50% de l’excès de poids main­

tenue après trois à cinq ans est considérée comme un suc­

cès de l’intervention.2 Dans le cas de notre patient, cette dernière a permis une perte pondérale de 45 kg corres­

pondant à une quasi­normalisation de l’IMC, maintenue depuis sept ans. L’intervention s’est néanmoins compli­

quée d’une carence nutritionnelle étendue, avec de graves conséquences.

Afin de maintenir son bénéfice au long cours, la réalisa­

tion d’un RYGB nécessite une prise en charge multidisci­

plinaire tant en pré qu’en postopératoire. La capacité d’as­

surer un suivi continu doit donc faire partie des prérequis à une telle intervention comme préconisé par la SMOB dans le cadre des critères de qualité exigés pour les cen tres de chirurgie bariatrique.6

Le rôle du médecin traitant à long terme est central. En effet, après l’intervention, ce dernier doit prêter une atten­

tion particulière aux points suivants :

• suivi de la perte pondérale afin d’assurer son maintien durable ;

• dépistage régulier des carences nutritionnelles et de leurs conséquences morbides ;

• prescription d’une substitution de base adéquate, ou plus spécifique en cas de manifestations d’une carence avérée.

Concernant la fréquence du suivi hémato­biologique postopératoire, les recommandations suggèrent un bilan à un et trois mois pour certains dosages, tous les six mois pendant les deux premières années, puis annuellement à vie (tableau 5).2,4­6,39

(5)

La substitution prophylactique reste un sujet de contro­

verse en raison de l’absence de preuve concernant un schéma de traitement optimal. En effet, les études sur l’in­

cidence des carences sont souvent limitées quant aux don­

nées concernant la prescription de suppléments nutritifs ou la compliance au traitement. A la fin des années 90, un questionnaire auprès de chirurgiens bariatriques sur le suivi post­RYGB d’environ 40 000 patients a démontré une im­

portante hétérogénéité des shémas de substitution utili­

sés.40 Plus récemment, Gasteyer a démontré l’inefficacité

d’une préparation multivitaminée seule sur la prévention de carences durant les deux premières années après RYGB.

En effet, 34% des patients à trois mois et la quasi­totalité (98%) à 24 mois ont dû recevoir une substitution supplé­

mentaire spécifique, le plus fréquemment pour une hypo­

vitaminose B12.13

Ces éléments soulignent l’importance du suivi à long terme par le médecin traitant et ont conduit les sociétés expertes à recommander une substitution prophylactique au long cours (tableau 6).2,4,6,39

Par ailleurs, il est primordial d’effectuer un suivi diété­

tique, afin d’assurer un apport protéique suffisant (cible de 90 g/jour, avec supplémentation protéique préconisée en dessous de 60 g/jour).2,5 La perte pondérale principale s’ef­

fectuant dans les dix­huit premiers mois, une attention diététique particulière est requise durant cette période.

D’autres mesures d’hygiène de vie comme l’arrêt de la con­

sommation de tabac et d’alcool ainsi qu’une activité physi­

que quotidienne sont recommandées. Enfin, il est important d’être attentif aux modifications psychologiques qu’im­

plique la perte pondérale, liées à l’image de soi et à des troubles de l’humeur ou du comportement alimentaire, qui peuvent également influencer le succès de l’intervention.2

conclusion

Cet article illustre l’importance d’un suivi et d’une subs­

titution préventive adéquate et à vie des patients ayant bénéficié d’un RYGB afin de prévenir la survenue tardive et imprévisible de carences nutritionnelles ayant parfois des implications cliniques graves. Actuellement, la recher­

che s’oriente vers des critères moins sélectifs pour le re­

cours à la chirurgie bariatrique. A titre d’exemple, la Food and Drug Administration aux Etats­Unis propose en consé­

quence depuis 2011 l’implantation d’un anneau gastrique pour des patients avec un IMC entre 30 et 34 kg/m2.41,42 A l’avenir, nous serons donc potentiellement confrontés à un nombre croissant de sujets à risque de complications après de telles interventions.

1 Schneider H, Venetz W, Berardo Gallani C. Over- weight and obesity in Switzerland, Part 1 : Cost burden of adult obesity in 2007. Bundesamt für Gesundheit

2009. www.bag.admin.ch

2 * Mechanick JI, Kushner RF, Sugerman HJ, et al.

American Association of Clinical Endocrinologists, The

Obesity Society, and American Society for Metabolic &

Bariatric Surgery Medical Guidelines for the periope- rative nutritional, metabolic, and nonsurgical support

Bibliographie

Mois postopératoires 1 3 6 12 18 1 x/an dès

24 mois Formule sanguine complète O R R R O R

Electrolytes O R R R O R

Glycémie O R R R O R

Bilan martial R R R O R

Vitamine B12 O R R R

Folates érythrocytaires O O O O O

Calcium, 25(OH) vitamine D R R R O R

PTH O O O

Thiamine O O O

Bilan lipidique O O O O

Tests hépatiques R R R O R

Tableau 5. Suivi biologique recommandé après bypass gastrique

(Adapté des réf. 2,4-6,39).

R : recommandé dans toutes les sources ; O : optionnel.

Fer avec vitamine C 40-65 mg/jour, chez les femmes pré- ménopausées

Vitamine B12 250-350 mg/jour (PO) ; 1000 mg/mois (IM) ou 3000 mg/6 mois (IM) si le traitement PO est insuffisant Acide folique (vitamine B9) 400 mg/jour, avec préparation multi-

vitaminée

Thiamine (vitamine B1) Avec préparation multivitaminée pendant la phase de perte pondérale ; 100 mg/jour (IV) en cas de vomissements

Citrate de calcium 1200-2000 mg/jour

Vitamine D3 400-800 U/jour

Zinc, sélénium, magnésium, Avec préparation multivitaminée cuivre, vitamine A, E, K contenant des oligoéléments Tableau 6. Substitution prophylactique recomman- dée au long cours après bypass gastrique Roux- en-Y (RYGB)

(Adapté des réf. 2,4,6,39).

PO : per os ; IM : intramusculaire.

Stratégie de recherche et critères de sélection Les données utilisées pour cet article ont été identifiées par une recherche PubMed des articles publiés en anglais ou en français depuis 1983 dans le domaine de la chirugie baria- trique et des complications nutritionnelles associées. Les trois mots-clés principaux utilisés sont «bariatric surgery»,

«gastric bypass» et «nutrient deficiency». Un sous-ensemble de critères a été simultanément utilisé, il comprenait les mots-clés suivants : «guidelines», «follow-up», «supplementa- tion», «anemia», «iron», «B12», «folic acid», «vitamine D»,

«calcium», «vitamine A», «vitamine E», «vitamine K», «thia- mine», «zinc», «selenium», «copper» et «protein».

(6)

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