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L'initiative Minder dans le contexte international : comparaison et effets

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L'initiative Minder dans le contexte international : comparaison et effets

PETER, Henry, DUVOISIN, Paul-Benoît

PETER, Henry, DUVOISIN, Paul-Benoît. L'initiative Minder dans le contexte international : comparaison et effets. Plaidoyer , 2013, vol. 31, no. 2, p. 24-26

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:33466

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L'initiative Minder dans

le contexte international:

comparaison et effets

Le 3 mars dernier, le peuple et les cantons suisses ont accepté à une très large majorité l'initiative

« Contre les rémunérations abusives)) (initiative Minder) . La question se pose, dès lors, du positionnement sur la scène internationale du droit suisse en matière de réglementation relative aux rémunérations

des dirigeants des sociétés. Cette brève contribution, rédigée dans une optique de droit comparé, permet en outre d'envisager les effets potentiels du nouveau droit sur la place financière helvétique.

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Henry Peter, professeur à l'Université de Genève et avocat à Lugano.

Paul-Benoît Duvoisin, assistant doctorant à l'Université de Genève.

L

e débat relatif aux rému- nérations excessives oc- troyées aux dirigeants n'est pas nouveau, ni en Suisse ni ailleurs. Cette problématique relève de celle, plus large, de la bonne gouvernance des entre- prises, qui a fait surface en Grande-Bretagne (ci-après, UK) au début des années 1990. Plu- sieurs réglementations - de na- tures diverses - onr, depuis, été développées à l'étranger et en Suisse. Leur contenu a notam- ment pour but de fixer un cadre juridique aux rémunérations pouvant être versées aux diri- geants des sociétés cotées. Compte tenu des efforts consentis à cet égard par la Suisse depuis une dizaine d'an- nées, notre pays dispose ainsi déjà d'un système normatif rela- tivement exigeant et par ailleurs effectivement appliqué, ce qui ne va nécessairement de soi. Se- lon le Professeur Peter V Kunz, qui a mené une étude de droit comparé dans ce domaine, «avec son régime actuel (note: avant l'acceptation de l'initiative Minder) en matière de gouver- nance d'entreprise, fa Suisse se positionne probablement dans fe

premier tiers des regtmes natio- naux au regard du degré de pro- tection>/. Il convienr dès lors de s'interroger sur la position qui sera celle de la Suisse sur l'échi- quier international à la suite de l'adoption de l'initiative Min der.

Particularités de l'initiative Minder par rapport aux

réglementations étrangères

Il n'est bien sûr pas possible de comparer ici le «nouveaU>> droit suisse avec l'ensemble des autres systèmes juridiques nationaux.

Le choix des pays soumis à la comparaison se doit néanmoins d'être pertinent et représenta- tiF. Nous avons dès lors sélec- tionné les droits suivants:

1. Le ru·oit allemand, car l'Alle- magne (ci-après, D) est un concurrent direct de la Suisse du point de vue des entreprises sou- haitant s'établir en Europe de l'Ouesr3; par ailleurs le droit alle- mand est traditionnellement une source d'inspiration importante pour le législateur helvétique.

2. Le droit britannique, car il fait œuvre de pionnier pour toutes les questions liées à la cor- porate governance; il constitue ainsi un étalon incontournable dans ce domaine; l'Angleterre est par ailleurs une place finan- cière importante et un siège al- ternatif potentiel pour les socié- tés suisses.

3. Le droit américain, car la Suisse ne peut agir sans tenir compte de la réglementation développée emre-Atlantique; en outre, dans le domaine du gouvernement d'entreprises, les Etats-Unis (ci- après, USA) font ordinairement office de précurseurs.

Vu le champ limité qui nous est concédé, seuls seront abor- dés les thèmes à propos desquels l'initiative Minder conrienr des solutions présentant des diver- gences significatives avec ce qui prévaut dans les autres systèmes analysés. Il existe fondamentale- ment quatre différences4

• La première divergence a trait au niveau hiérarchique de la ré- glementation: alors que l'initia- tive Minder ancre ses exigences dans la Constitution, les ·autres pays régissent la question de la rémunération à un niveau hiérar-

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chiquement inférieur et proba- blement plus approprié (la loi).

• Une deuxième différence a trait à la philosophie de la régle- mentation: contrairement à l'initiative Minder, qui impose des règles rigides et peu flexibles, l'Allemagne, le UK et les USA offrent une réglementation plus souple, et donc un droit des so- Cietes plus libéral. A titre d'exemple, l'initiative Minder interdit aux sociétés d'élire les membres de leur conseil d'ad- ministration pour une durée supérieure à une année; de plus, elle prohibe, sans exception possible, la conclusion par ces administrateurs de contrats de travail ou de conseils addition- nels avec d'autres sociétés du groupe. Les droits D, UK et USA prévoient des limitations moins strictes. Linitiative fait encore preuve de rigidicé en ce qu'elle interdit de manière abso- lue certains types d'indemnités, notamment les indemnités de départ. A l'étranger, ces indem-

nités sont en principe possibles, bien qu'elles soient soumises à un régime réglementé (par exemple, approbation des ac- tionnaires).

• Linitiative Minder présente également une singularité eu égard au vote par l'assemblée générale des rémunérations ac- cordées aux membres de la di- rection générale de l'entreprise.

Elle prévoit que «l'assemblée gé- nérale vote chaque année la somme globale des rémunérations ( . .)de la direction». Les normes en Allemagne, au UK et aux USA contiennent deux diver- gences de ce point de vue: (i) l'objet du vote porte non pas sur le montant global de la rémunération destinée aux di- recteurs, mais sur le système de rémunération ou, rétroactive- ment, sur le rapport de rémuné- ration5; (ii) le vote n'est pas contraignant, mais en principe consultatif.

• Enfin, la nantre des sanctions infligées aux organes dirigeants

diverge également. La violation des règles relatives aux rémunéra- tions est en effet sanctionnée, se- lon l'initiative, par une peine pri- vative de liberté pouvant aller jusqu'à trois ans et par une amende pouvant atteindre six ré- munérations artnuelles. Une telle sanction pénale est unique en Europe (la sanction y est usuelle- ment de nature civile, prenant prioritairement la forme d'une action en restitution des presta-·•

rions disproportionnées qui ont été accordées aux dirigeants). L1.

possibilité d'une sanction pénale est certes prévue en Grande-Bre- tagne et aux Etats-Unis; néan- moins, dans le premier de ces pays seule une amende (modérée) peut être prononcée; aux Etats- Unis en revanche, un emprison- nement peut être décidé par les Tribunaux, mais il convient d'ob- server que la philosophie du sys- tème punitif états-unien est bien particulière et, quoi qu'il en soit, peu comparable à celle de la Suisse.

Tableau comparatif des solutions de l'initiative Minder et des droits étrangers (D, UK et USA)

Initiative Minder Droit D Droit UK Droit USA

Niveau de la Constitution

réglementation Loi Loi Loi

Flexibilité de la

Non Oui Oui Oui

réglementation Vote par l'assemblée générale sur la

Oui Oui Oui Oui

rémunération de la direction générale Vote (anticipé) sur le

montant global de Oui Non Non Non

cette rémunération Vote sur le système de rémunération ou

rétroactivement sur Non Oui Oui Oui

le rapport de rémunération Caractère

contraignant du vote Oui Non Non Non

Nature des sanctions Civiles et pénales

en cas de violation Pénales Civiles (mais seulement Civiles et pénales

des règles? amendes + modérées)

sujets principaux. sous-sujet du 3' sujet principal.

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'KUNZ Peter V., Votation du 3 mars 2013 - Initiative populaire «Contre les rémunérations abusives>> et révision du Code des obligations en tant que contre- projet indirect: comparaison internatio- nale, \Vww.minder-non.ch/fileadmin/

kampagne-minder/20 13-0 1-11_Etude- resume_Kunz_Minder.pdf, p. 4.

2II convient en effet d'éviter lm cheny pic- kingarbiu·aire.

30n relèvera que le droit de l'Union euro- péenne concède une latitude importante à ses 27 Etats membres; il n'impose ain- si pas un régime uniforme auxdits Etats en matière de rémunération de leurs diri- geants, en particulier pour ce qui a trait au droit des sociétés, mais laisse s'opérer à cet égard une certaine concwTcncc entre ces différents Etats. Pour plus de détails, voir KUNZ Peter V., Eidgenossische Yolksinitiative «gegen die Abzockerei»

sowie Revision des Obligationenrechts als indirekter Gegenvorschlag: Aspektc im inrernationalen Quervergleich, in Juslerter vom 4. Februar 2013, htrp://

www.iwr.unibe.ch/unibc/rcchrswissens- chaft/iwr/content/e7137/e7138/e8539/

e233290/Juslctter10971de.pdf, p. 3.

40n notera que le contre-projet indi- rect qui avait été élaboré par le Parle- ment suisse er qui serait entré en vigueur si l'initiative Minder avait été reft,sée lors de la votation du 3 mars ne souffrait pas de ces divergences ct s'insérait ainsi pll!S harmonieusement dans le contexte réglementaire international. Pour une comparaison de l'initiative Minder et du contre-projet, voir PETER Hcmy ct DUVOISIN Paul-Benoît, Votation du 3 mars 2013 - Initiative Minder ou contre- projet indirect? Que voter', Actualité du CDBF du 26 février 2013, http://crns.

unige.ch/droitlcdbf/spip.php?article864.

5Cinitiative Minder ne prévoit aucune règle à cet égard.

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(4)

Derrière l'affiche du Comité •Non à l'initiative Minder•, une large alliance- composée du Conseil fédéral, d'élus des partis bourgeois et du patronat-n'a pas ménagé ses deniers pour torpiller l'initiative. Le peuple ne s'est pas laissé convaincre. Reste à savoir si la loi d'application reprendra certaines solutions contenues dans le contre-projet, comme le pensent nos auteurs.

6Voir supra nore 4.

7Voir en ce sens, NOBEL Peter, ·Mchr oder Min- d~r?• - Comre-projer er initiative Minder, hrrp://

www.cconomiesuisse.

ch/fr/PD Fo/o20Down- loado/o20Filcs/20 12 Ecudc_Ip-Minder_Nobel.

pdf, p.!?.

"KUNZ Peter V., Vota- tion, p. 4.

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Effets de l'initiative Minder

Les réelles conséquences de l'ac- ceptation de l'iniciative Minder sont, en l'état, incertaines, eu égard, en particulier, aux aspects suivants.

• La teneur de la réforme - Linitiative Minder devra être concrétisée dans la loi. La te- neur de celle-ci est, en l'état, inconnue; cette incertitude dé- coule notamment du fait que certaines dispositions de l'initia- tive sont peu claires ou, en tout cas, très générales, et que, dans une certaine mesure, le législa- teur bénéficie en conséquence d'une certaine liberté s'agissant de sa concrétisation, mais aussi que certains aspects seront diffi- ciles à transposer dans la loi ou à concilier avec les exigences de la vie d'une entreprise (par exemple, la question des sanc- tions pénales, celle de savoir comment traiter la rémunéra- tion d'un directeur embauché durant un exercice annuel ou encore comment procéder au vote électronique à distance lors des assemblées générales, alors que les moyens technologiques pour ce faire ne som pas encore disponibles). Cela étant, il esc raisonnable de penser que la loi d'application reprendra un cer- tain nombre des solutions contenues dans le contre-projet, dont on rappellera que, pour une partie importance, la teneur n'est autre qu'une concrétisa-

uon des pnnc1pes de l'initia- rivé.

• La date d'entrée en vigueur de la modification législative:

l'initiative exige que «d'ici à l'en- trée en vigueur des dispositiom lé- gales, le Comeil fédéral édicte, dam

un délai d'une année après l'accep- tation de l'art. 95, al. 3, (note:

donc d'ici au 3 mars 2014) ( ... ) les dispositiom d'exécution néces- saireS!>. Une certaine incertitude règne autour de la réelle portée de cene exigence et de la façon de la mettre en œuvre. il est acquis que notre gouvernement n'a d'autre choix que de réglementer la matière, ne serait-ce que provi- soirement, dans le délai qui lui est imparti. Sachant que les exi- gences du processus législatif suisse ne permenent pas de dis- poser d'un cexre légal dans les 12 mois, on peut partir de l'idée que le Conseil fédéral sera en consé- quence tenu d'agir transitoire- mene par voie d'ordonnance.

Cela dit, la véritable incertitude touche au contenu de la régle- mentation; compte tenu, en ef- fet, de la complexité de la matière et de la marge de manœuvre évo- quée ci-dessus, il est douteux que le régime transitoire préfigure nécessairement le résLÙtat final tel qu'il sera conçu dans la loi qui sera en définitive promulguée. Il en résultera probablement une insécurité juridique qui pourrait êu-e problématique pour cer- taines sociétés corées7.

• I..:impact de la nouvelle ré- glementation sur l'économie suisse - Certains s'inquiètent des répercussions de l'initiative sur l'attractivité de la Suisse pour les entreprises qui y sont - ou pourraient y être - instal- lées. Le Conseil fédéral estime par exemple que, «si la Suisse devait abandonner son droit des sociétés libéral pour des disposi- tiom lourdes et restrictives, elle perdrait de son attrait au profit de places économiques étrangères.

Cela impliquerait des créatiom plus nombreuses de sociétés à l'étranger, des transjèrts de siège vers lëtranger et moins d'établis- sement de nouvelles sociétés en Suisse, ce qui engendrerait des pertes d'emploi amst qu'un manque à gagner.» La position d'economiesuisse est, à cet égard, la même que celle du Conseil fédéral. Un aureur re- lève au demeurant que l'initia- tive Minder constitue «Un cas singulier de «Swiss Finish», mais pas à l'avantage de la Suisse et de ses entreprises»8Les partisans de l'initiative Minder estiment en revanche que celle-ci n'aura au- cun effet négatif significatif pour la place financière suisse.

Il est, à nou-e avis, excessif d' af- firmer que l'initiative Minder aura nécessairement pour conséquence que certaines so- ciétés ayant actuellement leur siège en Suisse émigrent à l'étranger, même si cela n'esc pas exclu. Il est en revanche à craindre que la compétitivité et l'intérêt de la Suisse pour les sociétés étrangères souffrent du nouveau régime. Ce dernier est en effet de nature à inquiéter les sociétés étrangères déjà établies en Suisse (par exemple, Transo- cean), respectivement à rebuter celles qui pourraient envisager d'opter pour notre pays. Le manque de flexibilité et de pré- visibilité relatives au montant total de la rémunération des dirigeants, l'impossibilité de leur accorder certains types d'indemnités ainsi que les sanc- tions pénales menaçant les or- ganes sociaux sont d'ailleurs autant d'éléments de nature à induire les CEO à exercer leurs talents sous d'autres cieux. En- fin, et il s'agit là d'une consé- quence de ce qui précède, l'im- pact réel de l'initiative Minder sur le marché de l'emploi et sur les recettes fiscales suisses ne peut être pronostiqué.

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