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L'avenir des régimes de retraites : quelques remarques notamment au regard du droit international et européen

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L'avenir des régimes de retraites : quelques remarques notamment au regard du droit international et européen

GREBER, Pierre-Yves

GREBER, Pierre-Yves. L'avenir des régimes de retraites : quelques remarques notamment au regard du droit international et européen. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale , 1996, no. 17, p. 59-74

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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43519

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE l'avenir des régimes de retraite : Quelques remarques

notamment au regard du droit international et européen

N•17-1996

Pierre-Yves Greber

L'avenir des régimes de retraite :

1.

2.

3.

Quelques remarques notamment au regard du droit international et européen

Introduction

Le champ d'application personnel des régimes de pensions

2.1 Selon le droit international de la sécurité sociale 2.2 Selon le droit européen de la sécurité sociale

Les normes relatives au niveau de protection 3. 1 Protection minimale et maintien du niveau de vie :

une conciliation prometteuse

3.2 Quid de l'avenir: la sécurité sociale pourra-t-elle maintenir ses missions essentielles ?

Pierre-Yves Gre ber Université de Genève

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE

L'avenir des régimes de retraite : Quelques remarques notamment au regard du droit international et européen

NO 17- 1996 Pierre-Yves Gre ber

L'avenir des régimes de retraite : Quelques remarques notamment au regard du droit international et européen

1. Introduction

Pierre-Yves Gre ber Université de Genève

Le thème de 1' avenir des retraites, examiné sous 1' angle du droit international et européen de la sécurité sociale, sera abordé par les deux questions suivantes :

• quel est le champ d'application personnel des régimes de pensions (l'étude se concentrera sur l'éventualité vieillesse/retraite) ou, en d'autres termes, qui a vocation à être protégé ?

• quel est le niveau de protection garanti : une protection minimale, davantage?

Citons, pour mémoire, d'autres questions qui mériteraient un examen : un âge« normal>>

d'ouverture à pension est-il fixé, comment? un abaissement de l'âge normal d'ouverture à pension est-il prescrit pour des raisons sociales (p. ex. exercice d'activités dangereuses ou particulièrement astreignantes)? une flexibilité de l'âge d'ouverture à pension est-elle prévue, comment et avec quelles conséquences sur les prestations ? quelle relation est établie entre la carrière d'une personne protégée (notamment l'accomplissement de périodes de cotisations) et le montant de la pension qui lui sera servie ? quelles sont les relations entre l'éventualité vieillesse/retraite, d'une part, et les éventualités chômage et invalidité, d'autre pàrt?

2 Une telle approche pourrait être effectuée dans le cadre d'un droit national'; elle pourrait aussi être conçue dans une optique comparée2. C'est ici la référence au droit

1 Pour la situation en Suisse, voir : Pascal MAHON : Architecture des régimes de sécurité sociale de la fin de la vie professionnelle et des passages à la retraite, dans le présent Cahier.

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international (normes adoptées par l'Organisation internationale du Travail, OIT) et au droit européen (émanent du Conseil de l'Europe et de la Communauté européenne) qui a été choisie. L'étude n'est pas historique3, mais adopte un point de vue contemporain : quel est l'apport, quelle est la pertinence du droit international et européen à l'égard des questions soulevées ?

3 Ce n'est pas le lieu de rappeler ici que les systèmes de sécurité sociale traversent une

période de grandes mutations, dues à l'évolution des besoins et des valeurs, aux incertitudes économiques, au vieillissement démographique, à un bras de fer musclé entre un libéralisme social et un ultra (ou néo) libéralisme4. Le secteur des retraites, qui occupe avec celui des soins de santé, la place centrale des systèmes ne manque pas d'être interpellé, voire secoué par lesdites mutations. Un exemple : depuis de nombreuses années, des demandes tendent à la flexibilisation de l'âge d'ouverture à pension, dans le sens d'une anticipation. Certains gouvernements, par exemple en France5, ont développé les préretraites dans une optique de faciliter l'emploi des jeunes. Et simultanément l'espérance de vie s'allonge, le rapport actifs/pensionnés se réduit et l'élévation de l'âge d'ouverture à pension apparaît comme une mesure propre à rétablir ou maintenir l'équilibre financier des régimes. Dans quelle direction s'engager compte tenu de ces différents paramètres ?

4 Un tel sujet permettrait incontestablement d'écrire un livre! Vu la place (et le temps!) à disposition, il s'agit ici, simplement, de mettre le droit international et le droit européen

2 Voir p. ex.: Lucy apROBERTS/Emmanuel REYNAUD: Les systèmes de retraite à l'étranger. Etats-Unis, Allemagne, Royaume-Uni. IRES. Paris 1992. -Pierre-Guillaume d'HERBAIS : Mémento des retraites dans la CEE. Analyse comparée des régimes de base et complémentaires des salariés et des fonctionnaires. CERR. Medium Communication.

Paris 1990. - Réfonne des pensions : numéro double spécial. Revue internationale de sécurité sociale 3-4/1995 (contributions deR. BEATTIE, W. McGILL!VRAY, M. QUEISSER, E. REYNAUD, L. H. THOMPSON, C. D.

DA YKIN, M. VOIRIN, A. SALAFIA).

3 L'ouvrage de première référence est celui de Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale.

Tome V de La Sécurité sociale. Son histoire à travers les textes. Association pour l'étude de l'Histoire de la Sécurité sociale. Paris 1993. Et cette somme n'est pas «seulement>> historique : l'ouvrage analyse le droit international avec finesse.

4 Michel ALBERT: Capitalisme contre capitalisme. Seuil. Paris 1991.- ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE Développements et tendances de la sécurité sociale, 1993-1995 rapport du Secrétaire général. 25e Assemblée générale de I'AISS. Revue internationale de sécurité sociale 2/1996, pp. 5 sv.- AISS :La sécurité sociale demain : pennanence et changements. Etudes et recherches, N° 36. AISS. Genève 1995. - Robert CASTEL : Les métamorphoses de la question sociale. Fayard 1995. - Niels PLOUG/Jon KVIST : Social Security in Europe. Development or Dismantlement? Kluwer Law International. Den Haag, London, Boston 1996.- Repenser la sécurité social&: J.-P. Fragnière (éditeur). Réalités sociales. Lausanne 1995.- Pierre ROSENVALLON: La nouvelle question sociale. Repenser l'Etat-providence. Seuil. Paris 1995. - Sécurité sociale : le défi du futur. Association genevoise des employés d'assurances sociales. Genève 1994. -La sécurité sociale en Europe et en Suisse. P.-Y.

Greber ct J.-P. Fragnière (éditeurs). Réalités sociales. Lausanne 1996.- La sécurité sociale en Europe à l'aube du XXle siècle. Mutations, nouvelles voies, réformes du financement. P.-Y. Greber (éditeur). Helbing & Lichtenhahn.

Basel/Frankfurt am Main 1996.

5 Voir Xavier GAULLIER: Des préretraites au risque« fin de carrière>>, dans le présent Cahier.

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en regard des questions évoquées et d'apporter quelques éléments sur cet apport, sur ses limites éventuelles.

2. Le champ d'application personnel des régimes de pensions

2.1 Selon le droit international de la

sécurité

sociale

5 Quel devrait être le champ d'application personnel des régimes de retraites ? Sur le plan des textes de principe, au terme d'une longue évolution depuis 19196, la situation est claire : les art. 22 et 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (Nations Unies, 1948) et 1 'art. 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Nations Unies, 1966)1 reconnaissent à chaque individu le droit à la sécurité sociale, quel que soit le statut de la personne : salarié, indépendant, sans activité lucrative. Ce droit inclut évidemment le droit aux pensions8 Ces instruments des Nations Unies, de nature fondamentale, doivent être concrétisés : la proclamation du droit à la sécurité sociale est une chose, sa réalisation effective une autre9.

6 La concrétisation de ces textes de prmc1pe est effectuée par le droit adopté par l'Organisation internationale du Travail (OIT). La Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale contient des règles; elles sont améliorées par le deuxième niveau normatif du système OITIO, soit, pour les pensions, par la Convention OIT No 128 concernant les prestations d'invalidité, de vieillesse et survivants. Elle a été ratifiée par la Suisse et lie donc notre pays11,12 En ce qui concerne l'éventualité vieillesse, le champ d'application personnel est défini à l'art. 16 de cette convention: les

6 Jean-Jacques DUPEYROUX: Droit de la sécurité sociale. 12e éd. Dalloz. Paris 1993, pp. 49 sv.- Guy PERRIN: Les fondements du droit international de la sécurité sociale. Droit social (Paris) 1974, pp. 479 ss.

7 Pacte ratifié par la Suisse (RO 1993 725, 724).

8 Au sens classique du terme, la sécurité sociale comprend neuf branches ou éventualités : soins médicaux, indemnités de maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, vieillesse, survivants, invalidité; chômage, charges familiales. C'est la Convention OIT No 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale qui a, la première. tracé ce cadre: Actuellement, la première éventualité est généralement appelée soins de santé.

9 Nicolas VALTICOS/Geraldo von POTOBSKY : International Labour Law. 2nd edition. Kluwer. Deventer 1995, No

137.

10 Guy PERRIN : Le rôle de l'Organisation internationale du Travail dans l'harmonisation des conceptions et des législations de sécurité sociale. Università di Macerata. Giuffrè editore. Milan 1972. Droit social (Paris) 1970, pp. 457 ss.- Pierre-Yves GREBER: Les principes fondamentaux du droit international et du droit suisse de la sécurité sociale.

Rêalités sociales. Lausanne 1984, pp. 58 ss.

Il Alexandre BERENSTEIN La Suisse et le développement international de la sécurité sociale. Schweizerische Zeitschrift. ftlr Sozialversicherung 1981, pp. 161 ss.

12 Message (du Conseil fédéral) concernant trois conventions de l'Organisation internationale du Travail et du Conseil de l'Europe relatives à la sécurité sociale, du 17 novembre 1976. FF 1976 III, pp. 1345 ss (pp. 1354 ss).- RO 1978

1493, 1491.

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Etats, qui ratifient l'instrument, peuvent choisir entre quatre modes de détermination du champ d'application, ceci afin de tenir compte de la diversité des législations nationales:

a) la protection de tous les salariés, apprentis compris;

b) la protection d'au moins 75 % de l'ensemble de la population économiquement active;

c) la couverture de tous les résidents dont les ressources ne dépassent pas des limites prescrites par l'Etat conformément à 1' art, 2 de l'instrument ou, bien sûr, la protection de tous les résidents-'3

2.2 Selon le droit européen de ta sécurité sociale

7 Considérons tout d'abord les instruments du Conseil de I'Europe 14 Le Code européen

de sécurité sociale (1964) 15 est calqué très largement sur la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale, Le Code européen de sécurité sociale révisé (1990) 16 élève les normes de la Convention OIT N° 128, Si la référence à la population exerçant une activité lucrative est choisie par l'Etat qui ratifie, le 80% (au lieu de 75 %) au moins de celle-ci doit être protégé; si l'Etat opte pour la référence aux résidents, c'est l'ensemble de ceux-ci qui doit être couvert; il n'y a pas de restriction possible en fonction des ressources (art, 28). La seule hypothèse dans laquelle le Code révisé reste au niveau de la Convention OIT No 128 est celle du choix de la référence aux salariés, également possible dans l'instrument du Conseil de l'Europe et qui inclut la totalité de ces travailleurs (apprentis inclus) (art. 28 § 1 let. a)l7,18.

13 Le champ d'application personnel de l'assurance-vieillesse et survivants suisse, de par son universalité, est pleinement confonne à ce texte de droit international, à son niveau le plus élevé.

14 S. Günter NAGEL/Christian THALAMY: Le droit international de la sécurité sociale. QSJ. Presses Universitaires de France. Paris 1994, pp. 17 ss (pp. 24-38).- S. Günter NAGEL: Social Security Law. Supplement 1 Council of Europe. In: International Encyclopaedia ofLaws. Kluwer 1994.

15 Charles VILLARS : Le Code européen de sécurité sociale et le Protocole additionnel. Etudes suisses de droit européen, volume 23. Centre d'étudesjuridiques européennes. Genève. Georg. Genève 1979.

16 Alexandre BEij.ENSTEIN : La révision du Code européen de sécurité sociale. Aspects de la sécurité sociale, bulletin de la FEAS, 2/1991, pp. 36 ss. -S. Gilnter NAGEL/Christian THALAMY : Le droit international de la sécurité sociale, cité à la note 14, pp. 35-38. -S. Günter NAGEL : Social Security Law, cité à la note 14, pp. 41 ss. -Non ratifié par la Suisse.

17 Les dérogations possibles selon l'art. 16 § 2, de la Convention OIT Ne 128 et de 1 'art. 28 § 2, du Code révisé ne sont pas évoquées ici.

18 La conformité de l'art. 1 LA VS - fondé sur l'universalité- est établie.

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8 Considérons maintenant le droit de la Communauté européenne19 Rappelons qu'en matière de sécurité sociale le droit communautaire est très développé en ce qui concerne la coordination2D, mais est limité pour ce qui a trait à l'harmonisation (ou, pour reprendre la terminologie communautaire actuelle : à la convergence). En particulier, il n'y a pas de régime européen de retraites, mais une grande diversité des régimes de retraite des Etats membres21 . Deux instruments peuvent être brièvement évoqués ici, la Charte communautaire et la Recommandation sur la convergence.

9 La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travaillenrs22, outre un paragraphe 10 relatif à la protection sociale en général, consacre ses paragraphes 24 et 25 aux droits des personnes âgées23 . Il y a intervention principale de la généralisation aux travailleurs, qui doivent pouvoir bénéficier d'une pension de retraite leur garantissant un niveau de vie décent, et subsidiairement d'un filet de sécurité sous condition de ressources pour les personnes sans moyens de subsistance qui n'auraient pas droit à une pension24 La Recommandation du Conseil du 7 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et politiques de protection sociale (92/442/CEE)25,26,

19 Gérard LYON-CAEN/Antoine LYON-CAEN : Droit social international et européen. 8e édition. Dalloz. Paris 1993. - Guy PERRIN : La sécurité sociale dans la perspective du Marché intérieur unique de la Communauté économique européenne. Cahiers genevois de sécurité sociale, No 6-1990, pp. 3 ss.- Michel VOIRIN: Sécurité sociale et marché intérieur européen. Quelles mesures communautaires pour faire face à l'échéance de 1993 ? Revue internationale de sécurité sociale 1·211991, pp. 49 ss.

20 Protection des non·nationaux, des migrants, des personnes qui se déplacent d'un Etat à 1 'autre. Voir p. ex. : Bettina KAHIL Sécurité sociale et libre circulation des personnes en droit communautaire. IRAL, N° 8. Institut de recherches sur le droit de la responsabilité civile et des assurances/Centre patronaL Lausanne 1992. • Pierre GUIBENTIF : La pratique du droit international et communautaire de la sécurité sociale. Thèse de Genève. Genève- Lisbonne 1995. pp. 199 ss.- Voir le N° 18.

21 Anni.!·Françoise CAMMILLIERI : La protection sociale en Europe. Etude de droit public comparé. GLN Joly éditions.

Paris 1993. ·COMMISSION EUROPEENNE: La protection sociale dans les Etats membres de l'Union. MISSOC.

Situation au !er juillet 1994 et évolution. Direction générale de l'Emploi, des Relations industrielles et des Affaires sociales. Luxembourg 1995. · Danny PIETERS : Introduction into the Social Security Law of the Member States of the European Commnity. Maklu Uitgevers, Antwerpen/Bruylant, Bruxelles 1993.- Bernd SCHULTE: Einfùhrung in die Entwicklung des europaischen Sozialrechts unter besonderer Berücksichtigung des Gerichtshofes der Europaischen Gcmeinschaften. SZS 1994, pp. 241 ss.

22 COMMISSION EUROPEENNE : La Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs. Le programme d'action. Europe sociale 1/90 (voir aussi Europe sociale l/92, supplément 1/93). - COMMISSION EUROPEENNE : Marché intérieur. Situation au le juillet 1994. Politique sociale de la Communauté. Volume 6.

Bruxelles/Luxembourg, juillet 1994, pp. 5 ss.- Michel CARRAUD: Droit social européen. Publisud. Paris 1994, pp.

160 ss.

23 « Personnes âgées. Selon les modalités propres à chaque pays : 24. Tout travailleur de la Communauté européenne doit pouvoir bénéficier, au moment de la retraite, de ressources lui assurant un niveau de vie décent.· 25. Toute personne ayant atteint l'âge de la retraite mais qui se verrait exclue du droit à la pension et qui n'aurait pas d'autres moyens de subsistance: doit pouvoir bénéficier de ressources suffisantes et d'une assistance sociale et médicale adaptées à ses besoins spécifiques. ))

24 Voir: Bernd von MAYDELL: Die europaische Charta sozialer Grundrechte. In: Soziale Rechte in der EG. Bausteine einer zukünfiigen europaischen Sozialunion. Herausgegeben von B. von MAYDELL. Beitrage zur Sozialpolitik und zum Sozia!recht, Band 8. Erich Schmidt. Berlin 1990, pp. 122 ss (144, 146, 148-150).

25 JOCE du 26 août 1992, N° L 245/49.- Publiée dans le COSS N° 13-1994, pp. 135 ss.

26 Odile QUINTIN : La convergence des objectifs et politiques de protection sociale : une contribution à l'Europe des solidarités. Europe sociale, supplément 5/92, pp. 9 ss.- Yves CHASSARD: La convergence des objectifs et politiques de protection sociale: une nouvelle approche. Europe sociale, supplément 5/92, pp. 13 ss. -Yves CHASSARD/Odile QUINTIN : La protection sociale dans la Communauté européenne : vers la convergence des politiques. Revue internationale de sécurité sociale 1-2/92, pp. 105 ss. - Numéro spécial de la Revue belge de sécurité sociale (Bruxelles), 1994, No 4, pp. !liS ss, sous la direction de Michel DISPERSYN.

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contient deux missions de sécurité sociale qui peuvent intervenir ici : la garantie aux travailleurs salariés d'un revenu de remplacement préservant leur niveau de vie d'une manière raisonnable; la garantie à toute personne, sous condition de ressources, de prestations minimales conformes à la dignité humaine. Il y a donc une combinaison de généralisation et, conditionnellement, d'universalité27.

10Synthétisons :quel est le champ d'application personnel des régimes de retraites selon le

droit international et européen ? Les textes de principe adoptés par les Nations Unies sont allés jusqu'au terme de l'évolution, soit la protection de chaque être humain. Les normes adoptées par l'Organisation internationale du Travail, le Conseil de l'Europe et la Communauté européenne font une partie du chemin et incitent les Etats à se rapprocher de l'universalité. C'est un stade d'ailleurs réalisé ou presque en Europe occidentale, soit par des régimes universels, soit par la combinaison de régimes protégeant des parts de population exerçant une activité rémunérée et de protections supplétives (sous condition de ressources) pour les autres. Malgré les critiques virulentes des ultralibéraux, l'Europe ne semble, heureusement, pas prête à réduire le champ d'application personnel de ses régimes de retraite. Heureusement, car le vieillissement des populations, l'instabilité des emplois rémunérés et le chômage plaident en faveur de garanties associées à la citoyenneté ou à la résidence. L'universalité gardera ainsi toute sa valeur.

3. Les normes relatives au niveau de protection

3.1 Protection minimale et maintien du niveau de vie : une conciliation prometteuse

11 Quel est le niveau de protection garanti en matière de retraite : un filet de sécurité

minimal, une protection plus élevée, voire le maintien du standard de vie atteint pendant .la période d'activité professionnelle?

12Rappelons en quelques mots que la sécurité sociale trouve, à sou origine, denx philosophies sociales : le droit de chaque être hnmain, en tant que tel, à une protection de base28 , considérée comme un droit de l'homme; le droit de chaque travailleur, en

'

27 Voir ci-dessous le N" 19. La combinaison, en Suisse, des régimes public A VS/AI et professionnel (prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire) va dans le sens du droit communautaire.

28 Pas seulement en matière de retraite, mais au regard des éventualités couvertes par la sécurité sociale.

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tant que contributeur essentiel de l'économie, à une protection dont l'ampleur est exprimée en relation avec le revenu tiré du travail. La première est d'inspiration nordique et britannique et est souvent personnalisée par BEVERIDGE; la seconde est plutôt continentale et est rapportée à BISMARCK. La première a débouché sur l'instauration de grands régimes nniversels29, financés au moins partiellement par la fiscalité; la seconde s'est concrétisée par l'introduction d'assurances sociales, financées au moins partiellement par cotisations. Les deux courants répondaient chacun à un type de demande sociale digne de protection. Négliger le premier produirait des exclus de la protection, des sociétés éclatées; ne pas répondre au second susciterait l'opposition vive des travailleurs, voire leur démotivation. D'où une conciliation de ces deux philosophies sociales, qui a abouti à leur enrichissement réciproque : les régimes universalistes mais à protection seulement minimale ont été prolongés par des régimes complémentaires; les régimes à portée plus restreinte mais à protection plus élevée se sont ouverts aux personnes exclues ou ont été suppléés par des protections subsidiaires.

Les Etats ont convergé vers des architectures à deux étages, combinant protections de base et maintien· dans certaines limites- du standard de vie, régimes légaux et régimes professionnelslO

13Le droit international a bien répondu à cette double attente. En effet, l'Organisation internationale du Travail (OIT) a tout d'abord adopté, en 1952, une norme minimale de la sécurité sociale -la Convention OITN° 102. Puis elle l'a améliorée, pour les pensions, au moyen des Convention OIT N° 128 et Recommandation OIT N° 131 concernant les prestations d'invalidité, de vieillesse et de survivants, de 1967. Il y a, de la sorte, trois niveaux de protection appelés à se superposer, deux conventionnels, un à caractère de recommandation. Ces instruments, pour fixer le niveau que doivent atteindre les prestations, évitent deux écueils : se borner à l'utilisation de termes généraux (protection suffisante, convenable, etc.); se référer à des montants (p. ex. en dollars US), qui n'auraient aucune signification compte tenu des disparités énormes entre Etats. Ils se réfèrent judicieusement aux revenus réalisés dans nn Etat et fixent le pourcentage de ceux-ci qni doit au moins être atteint par les prestations de sécurité sociale. Ils tiennent compte des différents types de régimes : à prestations modulées en fonction du salaire ou du gain, à prestation uniformes, à prestations prenant en considération les

29 C'est-à-dire couvrant l'ensemble de la population.

30 Voir p. ex. :Jean-Jacques DUPEYROUX: Droit de la sécurité sociale, cité à la note 6, pp. 79 sv.- Guy PERRIN: La sécurité sociale au passé et au présent. Revue française des affaires sociales 1979, No 1, pp. 87 sv.- Guy PERRIN: La reconnaissance du droit à la protection sociale comme droit de l'homme. In : Colloque sur l'histoire de la sécurité sociale, Grenoble 1983. Association pour l'étude de l'Histoire de la Sécurité sociale. Paris 1983, pp. 153 sv.

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ressources du bénéficiaire et de sa famille (art. 65, 66 et 67 Convention OIT N° 102; art.

26, 27, 28 Convention OIT W 128; §§ 22, 23 Recommandation OIT N° 131). L'Etat qui ratifie ces instruments garantit ainsi, de manière effective et vérifiée par l'OIT, une protection qui est minimale dans la convention OIT N° 102 et qui se rapproche du maintien du niveau de vie dans les instruments améliorant la norme minimum. Le Conseil de l'Europe, dans ses Codés européen de sécurité sociale (1964 et 1990) reprend, avec raison, la même approche et vise encore davantage le maintien du standard de vie. Dans le Code européen de sécurité sociale révisé, les prestations de retraite doivent atteindre, pour un bénéficiaire avec personne(s) à charge, au moins 65% du gain antérieur31 ; s'il s'agit de régimes à prestations à montant uniforme, 65 % du salaire minimal légal ou interprofessionnel ou du salaire du manoeuvre ordinaire doit au moins être couvert (art. 71, 72 et 73 Code révisé)32,33.

3.2 Quid de l'avenir:

la sécurité sociale pourra-f-e/le maintenir ses missions essentielles

?

14 Quid de l'avenir ? Les systèmes de sécurité sociale, dans des mesures parfois variables, sont exposés à des difficultés de financement - voire à une crise sérieuse - à des problèmes de capacité d'accomplir les missions qui leur incombent, à des attaques qui tendent à remettre en cause leur légitimité. Leur environnement change et les mutations, dont certaines sont profondes, touchent les besoins, les valeurs, les donnés économiques et démographiques, le climat politique. La mondialisation de l'économie, l'éclatement de nos sociétés et la trop grande complexité des systèmes de protection sociale constituent d'autres défis34 L'heure n'est plus au développement - sauf

JI Un maximum peut être prescrit par la législation nationale (art. 71, § 3 Code révisé). En d'autres tennes, le pourcentage de 65 %ne doit pas nécessairement être atteint quels que soient les revenus tirés d'une activité lucrative.

3l Alexandre BERENSTEIN : La révision du Code européen de sécurité sociale, cité à la note 16. -Pierre-Yves GREBER: Les principes fondamentaux du droit international et du droit suisse de la sécurité sociale, cité à la note 10, pp. 58 sv., 62 sv., 69 sv.- S. Günter NAGEL/Christian THALAMY: Le droit international de la sécurité sociale, cité à la note 14, pp. 14 sv., 17 sv.- Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, cité à la note 3, pp. 500 sv., 536 sv., 595 sv.

33 L'architecture des pensions en Suisse, composée d'un régime universel (l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, A VS/AI), d'un régime complémentaire obligatoire et légal (LPP) et de régimes surobligatoires, va dans le même sens.

Le premier niveau de protection se réfère à la couverture des besoins vitaux; le deuxième vise le maintien du niveau de vk antérieur. Voir p. ex. : - Alexandre BERENSTEJN : L'assurance-vieillesse suisse. Son élaboration et son évolution. Réalités sociales. Lausanne 1986. - Peter BINSWANGER : Histoire de l'A VS. Assurance-vieillesse et survivants suisse. Trad. par D. Bride!. Publications Pro Senectute, tome 3. Zürich 1987. - Pierre-Yves GREBER : Commentaire de l'art. 34quater. In ; Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874. Edité par J.-F. Aubert, K. Eichenberger, J. P. Müller, R. A. Rhinow et D. Schindler. Helbing & Lichtenhahn, Basei/Schulthess Polygraphischer Verlag, Zürich/Stlimpfli, Bern, Se livraison, 1993.- Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet portant révision de la Constitution dans le domaine de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité et rapport sur l'initiative populaire pour une véritable retraite populaire, du 10 novembre 1971. FF 1971 II !609. -Hans Peter TSCHUDI : La Constitution sociale de la Suisse (L'Etat social).

Documents de l'Union syndicale suisse. Bern 1987.- Jacques-André SCHNEIDER: Les régimes complémentaires de retraite en Europe: libre circulation et participation. Faculté de Droit de Genève. Helbing & Lichtenhahn. Base! 1994.

34 Pierre-Yves GREBER: Le présent et l'avenir de la sécurité sociale en Europe occidentale. In :La sécurité sociale en Europe à l'aube du XXIe siècle, cité à la note 4, pp. 3-70.

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sectoriePS - des prestations, mais à la recherche d'économies : la réduction généralisée des prestations en fait partie36 . L'AISS souligne que «les gouvernements occidentaux doivent aujourd'hui ni plus ni moins que lutter pour le maintien de l'intégrité de leurs régimes de sécurité sociale >>37

15Pour répondre aux problèmes qui viennent d'être très rapidement évoqués, plusieurs stratégies sont développées. Trois sont mentionnées ici, qui émanent du Bureau international du Travail (BIT), de la Communauté européenne, de la Banque mondiale. Si les deux premières sont compatibles, la troisième emprunte une voie radicalement différente.

16La stratégie proposée par le Burean international du Travai138 plaide en faveur de structures flexibles :

• un niveau de base de protection serait défini « comme un dispositif de protection universel financé par l'impôt et géré par l'Etat, qui vise à assurer à chacun les services répondant à ses besoins fondamentaux et à garantir à ceux dont les ressources sont insuffisantes un revenu minimum de subsistance. Ce premier niveau est l'une des bases de la politique de protection sociale( ... ) »39;

• un <<niveau solidarité» : « Il s'agit d'un système de protection obligatoire financé sur un fonds public alimenté par les cotisations des employeurs et des assurés (ou éventuellement par l'impôt) et versant aux ayants droits, lors de la réalisation de certains risques, des rentes d'un montant minimum équivalant aux normes fixées par les conventions de l'OIT ,40;

35 La question de la dépendance est 1 'exemple le plus frappant d'un développement de la protection, pour des raisons démographiques (vieillissement de la population, accroissement encore plus marqué des très âgés) et sociologiques (les familles ne peuvent pas supporter l'intégralité de cette charge allant en s'accroissant). Voir p. ex.:- CONSEIL DE L'EUROPE. 6e Conférence des Ministres européens responsables de la sécurité sociale (Lisbonne, 29-31 mai 1995) : Dépendance et sécurité sociale. Conseil de l'Europe. Strasbourg 1995. - Patrick HENESSY :_Le risque croissant de dépendance des personnes âgées : rôle des familles et de la sécurité sociale. ln : ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE/COMMISSION EUROPEENNE : Conférence européenne : L'adaptation aux nouvelles réalités économiques et sociales : quels défis, quelles opportunités, quel rôle pour la sécurité sociale? Aarhus, 19-21 novembre 1996 (ISSAJEUR/AARH/96/2).- Xenia SCHEIL-ADLUNG: La sécurité sociale et la dépendance en Allemagne et dans d'autres pays : entre tradition et innovation. Revue internationale de sécurité sociale. 111995, pp. 19 s.

36 ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE : Développements et tendances de la sécurité socia!c.l993-1995,citéàlanote4,pp. 19sv.

37 tdem, p. 19.

3& OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (80e session-1993) : Assurances sociales et protection sociale. Rapport du Directeur général. BIT. Genève 1993.

39 Idem. p. 87.

40 Idem, p. 88.

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• un « niveau complémentaire»: « La séparation opérée entre responsabilité publique et responsabilité privée influe sur la gamme des prestations assurées au titre du niveau

«solidarité>> et sur la nécessité éventuelle de compléter le dispositif de protection, sous une forme ou une autre, c'est-à-dire individuellement ou en groupe, par le truche- ment de l'employeur, directement ou dans le cadre de fonds de pension privés ou de compagnies d'assurance commerciales. Ce volet devrait viser dans tous les cas à fournir un complément de revenu répondant aux besoins de l'individu et s'ajouter à la protection sociale fondée sur la solidarité, mais sans y porter atteinte >>41 .

17 Ces propositions relatives aux niveaux de base, de solidarité et complémentaires font partie d'une stratégie, qui devrait tendre à garantir une « protection sociale à des couches plus larges de la population mondiale et( ... ) rendre cette protection plus conforme aux buts fixés par les déclarations et normes internationales >>42 Cette stratégie vise l'extension des programmes à la population non protégée, ce qui touche avant tout les pays en développement, la garantie de prestations suffisantes pour que les personnes dans le besoin reçoivent une aide efficace, la rationalisation des institutions compétentes afin de leur permettre de mieux répondre aux besoins des bénéficiaires.

18Les structures flexibles proposées par le BIT me paraissent représenter une contribution positive dans la mesure où elles confirment les responsabilités publiques en matière de sécurité sociale - c'est un non clair à la privatisation pour les deux premiers niveaux- tout en prévoyant un relais par un niveau complémentaire, de nature professionnelle. Elles contiennent en revanche un certain flou quant au « niveau solidarité >> (le deuxième étage de cette architecture), référence étant faite à « des rentes d'un montant minimum équivalant aux normes fixées par les conventions de l'OIT>>. En effet, s'il y a référence à la Convention OITN° 102 concernant la norme minimum de sécurité sociale (1952), cela signifie un « niveau solidarité>> réduit et pour toute une série d'Etats une occasion ou une tentation de réduction des programmes; si la référence est faite aux conventions et aux recommandations améliorant la norme minimum, le « niveau solidarité>> devient nettement plus substantiel. Le BIT devrait continuer sa réflexion et mettre en évidence les grands principes de la sécurité sociale, ceux auxquels on ne devrait pas - force majeure réservée- renoncer.

41 Idem, p. 89.

42 Idem, p. 83.

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19Une stratégie est proposée par la Communauté européenne dans sa Recommandation du Conseil du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et politiques de protection socia!e43,44 Les membres de la Communauté européenne - et pas seulement eux, d'ailleurs - sont confrontés, en matière de sécurité sociale, à un certain nombre de défis communs. Ils appellent une réflexion européenne, puis, au moins dans une certaine mesure, une action concertée. La Communauté européenne a commencé par poser un texte de principe, la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs. Ce texte, dont les termes sont assez vagues et qui ne va pas jusqu'à l'universalisation, ne représente pas un début de modèle mais peut jouer le rôle de plate- forme vu son programme d'action. A la suite de la Charte, la Communauté s'est dotée d'un instrument, non contraignant mais prometteur : la Recommandation du Conseil du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et politiques de protection sociale (92/422/CEE). Ce texte considère que « la protection sociale est un instrument essentiel de la solidarité entre les habitants de chaque Etat membre, dans le cadre d'un droit général de chacun à une protection sociale>> (considérant), que les « différences de couverture sociale peuvent constituer un frein sérieux à la libre circulation des travailleurs et aggraver les déséquilibres régionaux, notamment entre le nord et le sud de la Communauté » (considérant), et constate l'existence de problèmes communs (tels le vieillissement des populations, le niveau de chômage élevé, la pauvreté). Dans une telle perspective, le Conseil entend adopter une «stratégie de convergence (qui) vise à fixer des objectifs communs pouvant guider les politiques des Etats membres afin de permettre la coexistence des différents systèmes nationaux et de les faire progresser en harmonie les uns avec les autres vers les objectifs fondamentaux de la Communauté >>

(considérant). La Recommandation du 27 juillet 1992 incite ainsi les Etats membres à poursuivre les buts suivants en matière de sécurité sociale : la garantie universelle des soins de santé; la garantie universelle d'un revenu de base conforme à la dignité humaine;

la garantie aux travailleurs salariés d'un revenu de remplacement préservant, de manière raisonnable, leur niveau de vie; l'intégration sociale et professionnelle. Les prestations devraient respecter le principe de l'égalité de traitement entre femmes et hommes, entre nationaux et étrangers. Les systèmes de protection devraient s'efforcer de s'adapter à l'évolution des besoins et viser le maximum d'efficience. Pour le domaine des pensions, cela signifie la promotion des protections de base et de maintien des standards de vie, en d'autres termes des architectures à deux étages déjà évoquées45. La Recommandation

43 Journal ofiicicl des Communautés européennes du 26 août 1992, N" L 245/49 (la recommandation est reproduite dans le CGSS W 13-1994, pp. 135 sv.).

44 Voir ci-dessus la note 26.

45 Voir ci-dessus les N" 12-13.

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L'avenir des régimes de retraite : Quelques remarques notamment au regard du droit international et européen

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propose également aux Etats membres de prendre des mesures en matière de dépendance des personnes âgées46, de lutte contre l'exclusion sociale de ces dernières, de lever les obstacles à la poursuite d'une activité rémunérée, de tenir compte des carrières incomplètes, d'adapter les systèmes à l'évolution des comportements et des structures familiales47, d'éliminer les obstacles à la mobilité des travailleurs salariés, d'adapter les systèmes de pensions « aux évolutions démographiques, tout en maintenant le rôle de base des régimes légaux de retraites >>48.

20La stratégie de la Banque mondiale est exposée dans son rapport sur la cnse du vieillissement49 La Banque mondiale estime que le vieillissement de la population, dans toutes les régions du monde, va conduire à une crise aiguë des systèmes de sécurité sociale. Elle considère les régimes publics et professionnels de retraite comme in- efficaces et propose un recours large aux mécanismes du marché. Le rapport de la Banque mondiale, publié en 1994, est axé sur les régimes de retraite, mais sa

"philosophie" déborde certainement de ce secteur et est beaucoup plus générale :

• les régimes publics ou légaux devraient avoir comme objectif limité l'atténuation de la pauvreté chez les personnes âgées. Les prestations ne devraient pas être liées aux gains mais être forfaitaires. La Banque mondiale ne tranche pas de manière décisive entre les prestations forfaitaires inconditionnelles et les prestations sous condition de ressources. Dans les deux cas, ce n'est qu'un filet de sécurité;

• le deuxième niveau de protection - pour les retraites toujours - devrait être obligatoire, entièrement capitalisé et placé sous administration privée. La fonction à remplir est celle de l'épargne, pour tous les groupes de revenus de la population. Deux voies sont ici possibles : les comptes d'épargne individuels ou les régimes de retraite professionnels. La Banque mondiale estime les avantages des seconds illusoires : ils tendent à n'avoir qu'une couverture fragmentaire, à être offerts principalement aux travailleurs à revenus moyens et élevés, à restreindre la mobilité des travailleurs. En revanche, écrit la Banque mondiale, les plans d'épargne individuels peuvent être

46 Voir ci-dessus la note 35.

47 On peut penser ici au remplacement des droits dérivés de l'épouse au profit de droits propres. Une évolution à la fois conforme au principe de l'égalité de traitement entre femmes et hommes et qui tient compte de la fragilisation des familles. Voir p. ex.:· Familles et sécurité sociale: numéro double spécial. Revue internationale de sécurité sociale, 3-4!1994. - Be<f CANTILLON : Les transformations des modèles du travail et de la famille et leurs implications sur la sécurité sociale. ln: Repenser la sécurité sociale, cité à la note 4, pp. 115 sv.

48 Recommandation du 27 juillet 1992 sur la convergence, I, B, 5.

49 WORLD BANK : Averting the Old Age Crisis. Poiicies to protect the old and promote growth. Published for the World Bank. Oxford University Press. New York 1994.- Résumé substantiel en français : BANQUE MONDIALE : La crise du vieillissement. Mesures destinées à protéger les personnes âgées et à promouvoir la croissance. Banque Mondiale. Washington 1994.

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étendus et leurs prestations sont entièrement transférables; ils doivent donc être préférés. L'administration publique du 2e niveau n'est pas satisfaisante : les régimes sont souvent obligés d'investir dans le secteur public ou quasi étatique, avec fréquemment des taux d'intérêts inférieurs à ceux du marché. En revanche, les régimes privés sont compétitifs, ils obtiennent des rendements conformes au marché;

• le troisième niveau de protection est constitué par les plans d'épargne professionnels ou personnels volontaires.

21 Cette troisième stratégie est tout à fait contraire à la voie suivie en Europe, de l'Ouest comme Centrale et de l'Est. Elle demande un recul important des protections publiques au profit d'une large privatisation de la protection sociale. Les propositions de la Banque mondiale font ainsi l'objet de grands débats et de critiques très vives50 . Les deux premières stratégies permettent, au contraire, le maintien de la substance du «modèle social européen >>; la réflexion devra être poursuivie quant aux adaptations nécessaires.Le résultat de cette grande confrontation de conceptions déterminera l'importance de la sécurité sociale, notamment des retraites, pour ces prochaines décennies.

22L'avenir des systèmes de retraite est ouvert. Il est devenu un objet de débat non seulement scientifique mais public. C'est certainement un point positif : la sécurité sociale est l'affaire des populations, pas seulement des experts et des politiques. Le consensus est large sur la nécessité d'une réforme mais pas encore sur son contenu : le monde a changé depuis l'instauration des régimes après guerre, les besoins évoluent (p.

ex. allongement de la durée de vie, risque de la dépendance), les valeurs égalementli;

bien que nos sociétés du Nord soient plus riches qu'après la guerre, elles ont redécouvert l'incertitude du futur économique; la mondialisation de l'économie produit actuellement plus de déséquilibres, de croissance du chômage et de concentration des richesses qu'un nouvel ordre qui serait ouvert, équitable et durab(e52. Or, un processus qui serait rejeté par la plus grande partie de la population, parce que ne profitant qu'à quelques uns, ne tiendra pas ! Là aussi, le débat ne doit pas réunir que les spécialistes et les politiques, mais ii doit être public. Difficile de dire que la transparence soit pratiquée ... Un exemple concret: la mise en place de l'Union économique et monétaire, de l'euro,

50 Roger SEATTlE/Warren McGILUVRAY: Une stratégie risquée: Réflexions sur le rapport de la Banque mondiale«

La crise du vieillissement». Revue internationale de sécurité sociale, 3-4/1995, pp. 5 sv. -Estelle JAMES : Fournir une meilleure protection et faciliter la croissance : arguments en faveur du rapport La crise du vieillissement. Revue internationale de sécurité sociale, 3/1996, pp. 3 sv. et réplique parR. BEATIIE et W. McGILLIVRAY, pp. 22 sv.

51 Voir ci-dessus la note 34 (et les références citées).-

52 Voir J'excellent dossier réalisé par Le Monde diplomatique sur Les scénarios de la mondialisation. Manière de voir, No 32. Le Monde diplomatique. Novembre 1996.

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est-elle ou non compatible avec la stratégie de convergence, telle qu'exprimée dans la Recommandation du 27 juillet 199253 ? Ou, dit en d'autres termes, l'Union européenne peut-elle à la fois créer sa monnaie unique, sur la base des critères du Traité de Maastricht, et maintenir la protection sociale réalisée en Europe ? Rien n'est moins clair!54 Et qu'en pensent les Européens ? Et les citoyens des autres continents, particulièrement - pour des raisons de concurrence - ceux des puissances économiques émergentes55 ? Le droit international et européen ne peut évidemment pas résoudre à lui seul ces problèmes fondamentaux. Il est soumis à l'influence des choix économiques et politiques (les premiers pèsent actuellement plus lourd). S'il est porté par une certaine conviction, il peut à son tour influencer l'avenir. Les questions à résoudre concernent autant la capacité que la volonté.

Pour« conclure», citons Ignacio RAMONET:« Comment ne pas voir que l'événement majeur de cette fin de siècle est la paupérisation de 1 'Europe occidentale ? Il y a actuellement vingt millions de chômeurs et trente-huit millions de pauvres ! ( ... ) L'Europe a inventé l'Etat-providence. Comme nulle part au monde, les citoyens des Quinze56 bénéficient d'un arsenal de garanties socio-économiques, conquis par les salariés57 . Il constitue le coeur de la civilisation européenne moderne. C'est cela, au fond, qui distingue nettement l'Union européenne58 d'autres aires, et notamment de ses concurrents économiques américains et japonais. La logique de la mondialisation pousse à aligner les salaires et la protection sociale sur ceux, très inférieurs, des pays concurrents d'Asie-Pacifique. Au risque de briser la cohésion nationale, l'Europe peut- elle poursuivre la destruction de l'édifice social >>?59 L'avenir de nos systèmes de retraite se joue là ! Nous sommes tous interpellés, comme Albert JACCARD l'exprime si bien :

« quelle humanité voulons-nous construire? Pour y répondre, il faut choisir le regard que nous portons sur nous-mêmes et sur les autres. Un homme. Qu'est-ce donc? >>60

53 Voir ci~dessus le No 19.

54 Les pronostics,_en tout cas à court terme, sont pessimistes. Voir .• Georges KOPITS :Les fmances de la sécurité sociale sont-elles compatibles, avec l'UEM ? In : ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE/COMMISSION EUROPEENNE : Conférence européenne, Aarhus, cité à la note 35 (ISSNEURJAARH/96/Sa). -Bernard CASSEN: Passage en force pour la monnaie unique. Le Monde diplomatique, novembre 1996, p. 19.

55 Au moment où ces lignes sont écrites (début janvier 1997), un mouvement social important, résistant à des mesures peu sociales, secoue par exemple la Corée du Sud.

56 L'appréciation peut être étendue aux pays membres de l'AELE.

57 Pas seulement. Cf. l'universalité de certains régimes.

58 Voir la note 56.

59 Ignacio RAMONET: Une logique d'oppression. In : Les scénarios de la mondialisation, cité à la note 52, p. 7.

60 Albert JACCARD : Inventer l'homme. Editions Complexe. Bruxelles 1984/I 991.

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