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L’activité de conception des tuteurs comme modalisation de l’expérience du travail : le cas de la formation des techniciens en radiologie médicale

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L'activité de conception des tuteurs comme modalisation de l'expérience du travail : le cas de la formation des techniciens en

radiologie médicale

FILLIETTAZ, Laurent, DURAND, Isabelle Renée Marie

FILLIETTAZ, Laurent, DURAND, Isabelle Renée Marie. L'activité de conception des tuteurs comme modalisation de l'expérience du travail : le cas de la formation des techniciens en radiologie médicale. Sciences de l'éducation pour l'ère nouvelle , 2016, vol. 49, p. 83-109

DOI : 10.3917/lsdle.492.0083

Available at:

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L’ACTIVITÉ DE CONCEPTION DES TUTEURS COMME

MODALISATION DE L’EXPÉRIENCE DU TRAVAIL : LE CAS DE LA FORMATION DES TECHNICIENS EN RADIOLOGIE MÉDICALE

Laurent Filliettaz, Isabelle Durand

CERSE - Université de Caen | « Les Sciences de l'éducation - Pour l'Ère nouvelle »

2016/2 Vol. 49 | pages 83 à 109 ISSN 0755-9593

ISBN 9782918337270

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- http://www.cairn.info/revue-les-sciences-de-l-education-pour-l-ere-

nouvelle-2016-2-page-83.htm

--- Pour citer cet article :

--- Laurent Filliettaz, Isabelle Durand, « L’activité de conception des tuteurs comme modalisation de l’expérience du travail : le cas de la formation des techniciens en radiologie médicale », Les Sciences de l'éducation - Pour l'Ère nouvelle 2016/2 (Vol.

49), p. 83-109.

---

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L’activité de conception des tuteurs comme modalisation de l’expérience du travail : le cas de la formation des techniciens en radiologie médicale

Laurent Filliettaz* et Isabelle Durand**

Résumé : Cet article a pour objectif de contribuer à une meilleure compré- hension de l’activité réalisée par les tuteurs et ses rapports avec les enjeux de conception de formation. Pour ce faire, une perspective analytique parti- culière est adoptée, qui vise à permettre de saisir quelques-unes des spécifi- cités de cette activité : sa dimension langagière d’une part, et son accom- plissement dans des processus d’inte- raction d’autre part. Cette approche théorique et méthodologique est ici illustrée au moyen d’une étude de cas relevant d’un contexte empirique particulier, celui de l’encadrement de stagiaires débutants engagés dans une formation au métier de technicien

en radiologie médicale. À partir d’un examen détaillé d’interactions verbales et non-verbales entre une tutrice, un patient et deux stagiaires dans un service de radiologie conventionnelle, l’article a pour objectif de comprendre comment les enjeux liés à la formation viennent transformer les conditions d’effectuation du travail et acquièrent des degrés de visibilité variables au fil des interactions réalisées. Cette analyse de données permet de proposer, en conclusion, un regard renouvelé sur les rapports entre tutorat et conception, une perspective dans laquelle l’activité de conception est réalisée dans et par les interactions tutorales, et non pas seulement dans leurs entours.

Mots-clés : Interaction. Tutorat. Conception. Stage. Participation. Appren- tissage. Travail.

* Professeur associé, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Équipe Interaction &

Formation, Université de Genève.

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La place des tuteurs dans les activités de conception

Dans nos travaux récents, et dans cet article en particulier, nous nous intéressons à des enjeux de formation professionnelle du point de vue d’une problématique particulière, celle du tutorat en situation de travail. C’est là une problématique qui n’a en soi rien de nouveau et qui interroge même des formes ancestrales et bien documentées de transmission du travail (Wittorski, 2015). Mais c’est là aussi un domaine de recherche en plein essor, dans lequel la didactique profes- sionnelle francophone s’est abondamment investie, et qui peut apporter une contribution originale au moment où est reposée la question de la place et du rôle de la conception dans l’activité des formateurs.

Les tuteurs constituent en effet une catégorie bien particulière de « forma- teurs », dont les rapports à la formation sont à la fois complexes et à certains égards ambigus. Les tuteurs sont généralement en charge d’un sous-ensemble des processus d’apprentissage, en lien avec ce qu’on catégorise souvent comme la partie « pratique » de la formation. Leur inscription institutionnelle relève des environnements de travail davantage que de celles des organisations éduca- tives. Leur fonction relève moins d’une logique transmissive ou transpositive de savoirs formalisés que d’une « présence », d’un accompagnement quotidien des apprenants et d’un guidage de leur activité. Et surtout, cette fonction peut se matérialiser dans un très large éventail de statuts. Qu’on les désigne comme des « formateurs de terrain », comme des « formateurs à la pratique profession- nelle », comme des « praticiens formateurs », comme des « mentors » ou comme des « maîtres d’apprentissage », les tuteurs endossent une large palette de rôles, plus ou moins explicites et reconnus.

Nous parlerons à ce propos de « fonction tutorale » pour désigner la relation qui s’établit en contexte entre un apprenant et un membre plus expérimenté d’une communauté professionnelle, et dans laquelle est rendue manifeste une intention d’agir sur les conditions de participation de l’apprenant aux activités en cours d’accomplissement. Ainsi définie, la fonction tutorale constitue un objet empirique particulièrement complexe à saisir, et ce pour deux raisons. D’abord, parce qu’elle trouve des formes d’expressions d’une infinie variété, selon les contextes institutionnels dans lesquels elle peut être observée. Ensuite, comme l’a très bien décrit Kunégel dans le contexte spécifique de l’apprentissage en mécanique automobile (Kunégel, 2011), parce que les formats de cette relation sont éminemment dynamiques et appelés à se transformer en permanence.

Les acteurs du monde du travail pouvant endosser une « fonction tutorale » sont généralement peu enrôlés dans des tâches de conception de formation.

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Qu’on définisse les activités de conception a) comme une utilisation de l’analyse du travail pour construire la formation, ou b) comme une formation par l’analyse du travail 1, force est de constater que les tuteurs disposent rarement des condi- tions leur permettant de s’engager formellement dans des tâches de conception.

Plusieurs raisons expliquent cela. D’abord, comme le relèvent plusieurs auteurs (Balslev, Filliettaz, Ciavaldini-Cartaut & Vinatier, 2015 ; Barbier, 1996), une conception normative et prescriptive domine souvent dans la littérature sur le tutorat. On tend à prescrire les attitudes et comportements des tuteurs, sans comprendre les conditions pratiques réelles dans lesquelles se déploie leur activité.

Dans cette perspective, on attend généralement des tuteurs qu’ils réalisent des tâches conçues par d’autres, et non pas qu’ils prennent part à des activités de conception. Ensuite, il convient de relever que, pour bon nombre d’acteurs de la formation professionnelle (et souvent pour les tuteurs eux-mêmes), l’accom- pagnement tutoral se confond avec l’activité de travail et constitue une pratique largement transparente, qui fait l’objet de peu de reconnaissance. Enfin, face aux contingences de la production, l’aménagement d’espaces formels de conception devient parfois une utopie, en décalage avec la pression croissante qui s’exprime dans le monde du travail.

Mais qu’en est-il vraiment ? Les acteurs impliqués dans des « fonctions tutorales » sont-ils véritablement tenus à l’écart des activités de conception ? Cette perception de marginalité n’est-elle pas le produit du regard porté sur leur activité ? Ou, pour le dire autrement, un regard renouvelé sur l’activité des tuteurs ne serait-il pas à même de repenser les conditions de leur participation à des activités de conception dans le champ de la formation professionnelle ?

Pour apporter des éléments de réponse à cet éventail de questions, cet article a pour objectif de contribuer à une meilleure compréhension de l’activité réalisée par les tuteurs et ses rapports avec les enjeux de conception de formation. Pour ce faire, une perspective analytique particulière est adoptée, qui vise à permettre de saisir quelques-unes des spécificités de cette activité : sa dimension langagière d’une part, et son accomplissement dans des processus d’interaction d’autre part.

Cette perspective théorique et méthodologique sera ici illustrée au moyen d’une étude de cas relevant d’un contexte empirique particulier, celui de l’encadrement de stagiaires débutants engagés dans une formation au métier de technicien en

1. Cette distinction est classiquement réalisée dans le champ de la didactique professionnelle (Tourmen, 2014).

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radiologie médicale. À partir d’un examen détaillé d’interactions verbales et non-verbales entre une tutrice, un patient et deux stagiaires dans un service de radiologie conventionnelle, nous aurons pour objectif de comprendre comment les enjeux liés à la formation viennent transformer les conditions d’effectuation du travail et acquièrent des degrés de visibilité variables au fil des interactions réalisées. Ce travail d’analyse nous permettra de proposer, en conclusion, un regard renouvelé sur les rapports entre tutorat et conception, une perspective dans laquelle l’activité de conception est réalisée dans et par les interactions tutorales, et non pas seulement dans leurs entours.

1. Une perspective interactionnelle sur l’activité des tuteurs

Le champ de la didactique professionnelle francophone a joué un rôle important dans la reconnaissance de la part jouée par les processus langagiers dans les appren- tissages en formation professionnelle, et dans l’accomplissement de la relation tutorale en particulier. Comme n’ont pas manqué de le relever Pastré, Mayen et Vergnaud (2006), « les formes langagières constituent les formes prédominantes des processus d’enseignement-apprentissage », et « la plupart des situations didac- tiques mettent en scène des échanges langagiers entre différentes catégories de protagonistes » (p. 173). Pour Mayen (2002) par exemple, le langage constitue un élément incontournable pour comprendre les processus d’apprentissage professionnel, d’abord parce que les pratiques langagières sont constitutives du travail dans un nombre important de métiers (Boutet, 2008), ensuite parce que le langage joue un rôle déterminant dans les activités de formation, et enfin parce que, à la suite des travaux de Vygotsky et de Bruner qui sous-tendent ce champ, le développement de la conceptualisation dans l’action ne peut se déployer que par le pouvoir organisateur de cet instrument culturel qu’est le langage. De ce point de vue, l’étayage langagier proposé par les tuteurs en formation professionnelle aurait pour vocation non seulement de rendre visible et appréhendable ce qui, dans le travail du novice, pourrait demeurer non perçu, mais encore de guider l’apprenant dans un processus de conceptualisation des situations auxquelles il se trouve confronté.

De manière complémentaire, les travaux de Kunégel (2011) relèvent que les « scénarios » de la relation tutorale, tels qu’ils se déclinent successivement au cours des parcours de formation, sont rendus visibles par des interactions langagières présentant des formats spécifiques. Ainsi, la relation de « familiari-

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sation », observable dans les premiers temps de la formation, se caractériserait par de brefs échanges informels, la relation de « transmission » par des question- nements didactiques initiés par le tuteur à des fins de vérification des connais- sances, et la relation de « mise au travail » par une augmentation des échanges initiés par l’apprenti. À cet égard, il est aujourd’hui couramment admis dans le champ de la didactique professionnelle que l’étude des interactions verbales peut constituer, du moins en partie, un analyseur de l’activité des formateurs (Vinatier, 2013 et 2014).

Dans une perspective similaire, les travaux issus du courant du Workplace Learning et fortement inspirés eux aussi des théories historico-culturelles de l’apprentissage (Tynjälä, 2008) n’ont pas manqué de s’intéresser à la manière dont les ressources langagières médiatisent l’accompagnement tutoral et en constituent un ingrédient à part entière. Billett (2001) porte par exemple une attention soutenue aux différentes ressources sémiotiques que les travailleurs expérimentés sont appelés à mobiliser au moment de « guider » l’activité des novices. Il évoque à ce propos des échanges de questionnements (questioning dialogues) ayant pour vocation d’étayer une connaissance ou une pratique, la confection de schémas ou de modèles ou encore la transposition de savoirs sous la forme d’analogies. Ses recherches démontrent que l’usage par les tuteurs de ces différentes ressources contribue à améliorer de manière significative la qualité des apprentissages que les novices sont en mesure d’effectuer sur leur poste de travail.

Si l’usage du langage joue un rôle déterminant dans les processus d’appren- tissage professionnel et dans le guidage dont ils peuvent faire l’objet, c’est non seulement en ce qu’il permet de désigner linguistiquement des contenus de savoir, mais c’est aussi en ce que ces formes d’expression constituent, en tant que telles, des accomplissements pratiques, porteuses d’évaluations et engagées dans des processus de coordination de l’action. C’est là ce qu’ont bien montré, notamment, les travaux des anthropologues portant sur les pratiques de trans- mission dans les sociétés rurales (Delbos & Jorion, 1990). Ces travaux relèvent que, dans la culture familiale de la transmission, les savoirs ne sont pas désignés comme des « contenus » verbalisés, mais comme des ingrédients implicites des activités de travail :

« Mon père ne parlait jamais. Mais si ! Pas pour expliquer sans doute, mais certainement pour engueuler et pour interdire. […] Ce qui s’apprend là, pour autant que des leçons puissent être tirées des coups sur la gueule et des rappels à l’ordre, c’est précisément un ordre du monde, une éthique.

Cela suffit sans doute à prêter une forme au savoir, une matrice où il va

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pouvoir s’inscrire, mais cela n’en précise pas les contenus. Les contenus, dans la mesure où on ne les dit pas, le fils va pouvoir les trouver ». (p. 127) Dans ces situations, la parole n’est de loin pas absente, mais elle n’a pas pour vocation de présenter des contenus de savoirs. Au contraire, quand elle exprime par exemple des réprimandes ou des échanges de coaction, cette parole « prête forme » à des savoirs qui doivent être inférés de la situation et des modalités parti- culières d’accomplissement du travail. Cette parole constitue ainsi, pour Delbos et Jorion, « une matrice où [le savoir] va pouvoir s’inscrire » (p. 127) plutôt qu’un véhicule direct de la transmission.

Prendre au sérieux cette observation, c’est considérer que les conditions à la fois collectives, dynamiques et contingentes de l’activité en cours ne sont pas sans effets sur les savoirs qui peuvent être « trouvés » par les apprenants. C’est consi- dérer également que les formats propres à ces interactions, et non pas seulement les contenus qu’elles dénotent, exercent une influence sur les opportunités de formation telles qu’elles peuvent émerger des situations de travail. C’est dans cette perspective que se sont développés, depuis quelques années, des travaux issus de la micro-sociologie, de l’ethnographie et de la sociolinguistique, qui se sont précisément donné pour objectif de décrire des traits de l’organisation des interactions langagières tels qu’ils peuvent être mis au service de pratiques d’ins- truction ou de transmission en situation de travail. Conduits dans des paradigmes diversifiés, qui incluent notamment l’analyse conversationnelle, l’analyse du discours ou la sociolinguistique interactionnelle, ces travaux montrent comment les conditions d’accomplissement des interactions verbales peuvent constituer, pour les participants, des ressources, des obstacles ou plus généralement des enjeux pour la formation professionnelle. Les recherches réalisées par exemple par Roberts et al. (2000) dans le champ de la formation des médecins généra- listes en Grande-Bretagne révèlent les obstacles culturels rencontrés par les candidats issus de minorités ethniques, et qui trouvent des formes d’expression dans les règles implicites qui gouvernent la conduite des échanges verbaux, par exemple dans le contexte d’évaluations orales. Dans un contexte différent, celui de la formation des chirurgiens par vidéo-conférence, Mondada (2006) montre pour sa part que l’emplacement temporel des questions posées par les novices et leur alignement séquentiel avec des réponses des experts constituent des ressources centrales d’un accomplissement simultané de l’acte chirurgical et d’une pratique de formation. Enfin, dans le champ de la formation en alternance des aiguilleurs du ciel, Koskela et Palukka (2011) s’intéressent aux spécificités et aux transformations des interactions tutorales selon les lieux de formation (le

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centre de formation, la tour de contrôle) et le degré d’avancement dans le cursus.

À partir d’une démarche d’analyse conversationnelle, elles mettent en évidence la manière subtile avec laquelle les formateurs transforment leurs pratiques interac- tionnelles et les alignent à la fois au contexte institutionnel de la formation et au degré d’expertise progressif des apprenants.

Pour notre part, nous avons également contribué récemment à ce domaine de recherche interdisciplinaire, en mettant en lumière les formats interactionnels repérables et récurrents dans différents champs empiriques de la formation professionnelle initiale. Dans le contexte de la formation en situation de travail d’apprentis engagés dans des formations techniques en alternance, nous avons montré par exemple comment, selon les situations, le guidage des tuteurs peut prendre des formes de didactisation variables (Filliettaz, 2009b), selon que l’accompagnement est spontanément proposé, sollicité par l’apprenti, dénié ou collectivement distribué (Filliettaz, 2009a). Plus récemment, nous avons également décrit comment les référentes professionnelles accompagnant des stagiaires dans le champ de l’éducation de la petite enfance aménagent pour celles-ci des configurations de participation à l’interaction distinctes, selon qu’elles les observent dans leur activité, qu’elles co-animent avec elles des activités éducatives, ou qu’elles leur montrent de manière ostensive des manières de s’engager dans les situations (Filliettaz, Rémery & Trébert, 2014 ; Durand, Trébert & Filliettaz, 2015). Ces travaux ont eu pour particularité de s’intéresser aux processus interactionnels non seulement en tant qu’objets d’étude, mais également en tant que ressource méthodologique permettant d’appréhender les processus de formation et d’apprentissage en formation professionnelle, dans leurs conditions d’accomplissement à la fois situées, collectives, dynamiques et multimodales (Filliettaz, 2014). Nous prolongeons ici ce travail en explorant un domaine empirique nouveau pour nous, celui de la formation des techniciens en radiologie médicale.

2. L’accompagnement des stagiaires dans la formation des techniciens en radiologie médicale

Dans le contexte suisse, le métier de technicien en radiologie médicale (TRM) consiste à réaliser des images du corps humain au moyen de différentes méthodes, pour transmettre aux médecins les informations nécessaires à l’établissement d’un diagnostic. Sur délégation médicale, les TRM appliquent aussi des traite- ments thérapeutiques. Il s’agit là d’un métier qui comporte une importante

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composante technique mais qui n’est pas réductible à des interactions avec des environnements technologiques. La prise d’images par rayonnements ou l’admi- nistration de radiothérapies présentent des enjeux de sécurité évidents, pour les patients comme pour les professionnels. Par ailleurs, la relation établie avec les patients au moment de leur accueil, de leur installation et durant le processus de prise d’image, constitue un objet de préoccupation constant chez les TRM, qui revendiquent une dimension de « soin » aux gestes qu’ils effectuent dans leur travail. Outre sa dimension « relationnelle » ou « soignante », le métier de TRM se caractérise aussi par des exigences accrues en matière de polyvalence et d’interprofessionnalité. En milieu hospitalier, les TRM sont par exemple appelés à exercer leur métier dans des services diversifiés, relevant aussi bien du radio- diagnostic (radiologie conventionnelle, scanner, IRM), de la médecine nucléaire, de la radio-oncologie, ou de l’angiographie. Dans le quotidien de leur travail, les TRM sont par ailleurs en interaction permanente avec des médecins radiologues, des physiciens, des infirmiers ou des transporteurs.

Le métier de TRM présente des enjeux nombreux pour la formation. En premier lieu, les évolutions technologiques permanentes qui caractérisent le domaine de la radiologie médicale (radiologie conventionnelle, scanners, IRM, radiothérapie, etc.) conduisent à une rapide obsolescence des savoirs et exigent de la part des TRM en activité une mise à jour constante de leurs procédures de travail. Le positionnement de la formation initiale dans le système suisse de la formation professionnelle fait lui aussi débat. Actuellement reconnue comme une formation de niveau tertiaire et relevant des Hautes Écoles Spécialisées, la formation est dispensée dans certains cantons suisses comme une formation d’Études supérieures et ne relevant pas du système tertiaire académique. La profession revendique activement un haut niveau de qualification et met en avant les enjeux de polyvalence et de relation au patient pour maintenir les acquis de la certification. Pour assurer la meilleure intégration possible entre les composantes théoriques et pratiques de la formation, les dispositifs mis en place visent une forme intégrative ou du moins coopérative d’alternance : des activités proposées au sein de l’école professionnelle visent, par des démarches de simulation et de pratique réflexive, à tisser des liens avec l’expérience pratique accumulée à l’occasion de stages ; réciproquement, les stages sont encadrés par des praticiens formateurs, qui disposent d’une qualification dans le champ de l’accompagnement pédagogique en formation professionnelle.

La démarche présentée ici s’inscrit dans le cadre d’un partenariat de recherche conduit au sein du Pôle Travail & Formation de l’Université de Genève, avec les

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Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) et la Haute Ecole de Santé de Genève (HEdS) 2. Cette recherche est conduite dans le double objectif de produire des connaissances relatives au travail des TRM dans différents services hospitaliers et de contribuer à la conception de formations innovantes sur la place de travail et à la Haute Ecole de Santé de Genève (HEdS) (Durand & Poizat, 2015 ; Poizat, Bailly, Seferdjeli & Goudeaux, 2015). En particulier, il s’agit d’étudier, à partir de démarches d’analyse du travail, en quoi consiste la culture de métier propre aux TRM, comment cette culture se transmet dans les différents lieux de travail et de formation, et comment cette culture peut être soutenue et développée au moyen de dispositifs innovants inspirés par différents courants en analyse du travail.

Notre propre contribution à ce programme de recherche collectif se centre sur la problématique des stages et celle de leurs conditions de réalisation à travers des interactions entre les stagiaires et les professionnels expérimentés en charge de leur accompagnement. Les stages en milieu de travail constituent en effet une part importante du programme de formation des TRM. Ceux-ci réalisent, durant chacune des trois années de la formation, deux stages d’une durée de 8 semaines, dans un établissement hospitalier ou un cabinet privé. À l’occasion de ces stages, les étudiants en formation sont supervisés par un praticien formateur, avec lequel ils fixent les objectifs de leur stage, conduisent des entretiens à visée formative en début, en cours en en fin de stage, et à l’intention duquel ils produisent un rapport de fin de stage. Dans le quotidien de leur travail, les étudiants en stage ne sont cependant pas systématiquement accompagnés de leur praticien formateur.

Ils travaillent en tandem avec un TRM qualifié, qui endosse à leur égard une

« fonction tutorale », au sens où nous l’entendons dans cet article.

Au cours du travail ethnographique que nous avons conduit depuis 2013 au sein des Hôpitaux Universitaires de Genève, nous avons effectué des obser- vations vidéographiques dans différents services hospitaliers, et impliquant des étudiants engagés à différentes étapes de leur parcours de formation. Dans ce qui suit, nous nous centrerons sur des données recueillies à l’occasion d’un stage de première année, réalisé dans une « salle école » d’un service de radiologie conven- tionnelle. La « salle école » accueille de vrais patients et permet de réaliser des prises d’images en tous points similaires à celles effectuées au sein du service.

2. Cette recherche est soutenue par le Fonds national suisse pour la recherche scientifique, dans le cadre du programme “Devenir Technicien en Radiologie Médicale”, placé sous la responsabilité de Marc Durand, Germain Poizat et Laurence Seferdjeli.

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En revanche, elle présente des traits spécifiques a) en ce qu’elle est équipée d’un matériel ancien, moins automatisé, et qui permet aux stagiaires de réaliser des réglages manuellement, b) en ce que la programmation des patients prévus dans cette salle présente une cadence inférieure à celle habituellement en cours au sein du service de radiologie conventionnelle. Les patients sont informés qu’ils sont pris en charge par des TRM en formation et supervisés par du personnel qualifié.

Ces conditions aménagées de participation (Lave & Wenger, 1991) permettent aux stagiaires de prendre en charge des patients selon des modalités fortement accompagnées par les tuteurs.

Dans ce contexte particulier d’un environnement de travail conçu pour faciliter les apprentissages en situation de travail, nous nous appliquerons, à travers une analyse conduite selon les principes de la perspective interactionnelle, à étudier comment s’y prennent les tuteurs, au sein de la salle école, pour transmettre aux stagiaires des éléments d’une professionnalité en construction. Réciproquement, nous observerons comment les stagiaires s’engagent dans ces environnements de travail et quels usages ils font des ressources mises à leur disposition. Enfin, nous chercherons à comprendre, comment dans un environnement ayant fait l’objet d’un travail de conception en lien avec les apprentissages en situation de travail, les potentialités propres à cet environnement peuvent être exploitées et mises en œuvre par les participants dans les activités réelles qui s’y trouvent accomplies.

3. L’activité tutorale dans une « salle école »

La situation que nous proposons d’analyser a été enregistrée dans la « salle école » du service de radiologie conventionnelle à l’occasion d’un stage réalisé par deux étudiantes en début de formation. La situation prend place durant la première semaine de stage. La tutrice qui accompagne les deux stagiaires est une TRM certifiée et expérimentée, engagée au moment des observations dans un processus de formation à la fonction de praticienne formatrice. Le patient pris en charge vient sur ordre médical pour une radiographie de la cheville suite à une fracture. Deux images doivent être produites de la cheville : une de face et une de profil. Dans ce qui suit, nous nous intéresserons en particulier à la réalisation de l’image de profil de la cheville du patient, telle qu’elle est prise en charge par les deux stagiaires et leur tutrice. Plus spécifiquement, nous chercherons à décrire comment s’accomplit et se transforme la relation entre les participants à l’interaction, aux différentes étapes de cette prise d’image, et les formats interac- tionnels spécifiques qui émergent à ces différentes étapes.

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3.1. Une mise au travail collective en l’absence de la tutrice

Ce premier extrait prend place après la réalisation de la première image de face de la cheville du patient. La tutrice s’est absentée de la salle de radiographie pour vérifier si le cliché réalisé est de qualité suffisante. Ici une des deux stagiaires (S2) prend en charge la prise d’image, pendant que l’autre (S1) est placée dans une position d’observatrice. Dans l’extrait retranscrit ci-dessous, S2 installe le patient de sorte à pouvoir réaliser une radiographie de profil de sa cheville gauche. Elle l’invite à réaliser une rotation sur le côté, avant de glisser une plaque de contraste sous son pied gauche.

Les conventions de transcription s’établissent comme suit : souligné chevauchements XXX segment inaudible (2.1) pauses en secondes ° diminution du volume

(.) (..) micro-pauses + augmentation du volume

/ \ intonation montante/

descendante\ exTRA segment accentué

((rire)) phénomènes non transcrits : allongement vocalique par- troncation REF > relation d’allocution directe (incertain) transcription incertaine [#1] indexation d’une image Extrait 1

1. S2 > P : d’accord donc le profil/ je vous explique vous allez vous tourner côté mur\ ((désigne le mur situé à la gauche du patient)). donc je vous laisse vous tourner s’il vous plaît/ et/

2. S2 > S1 : °c’est comme ça hein/°

3. S1 > S2 : oui/

4. S2 > P : et je vais mettre la plaque je vais mettre la plaque en-dessous ((montre la plaque au patient))

5. P : OK ((se tourne)) 6. S1 : voilà

7. S2 > P : alors allons-y/ . [#1]

8. P : ((se retourne))

9. S2 > P : très bien/ . alors °comme le matériel il arrive là°. vous arrivez à plier un peu votre pied comme ça/ ((plie le pied du patient)) voilà pa:rfait\

10. S1 > S2 : °°t’as pas besoin c’est pour le pied qu’il faut avoir comme ça\°°

((indique un angle avec sa main gauche)) [#2]

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11. S2 > S1 : hein/

12. S1 > S2 : °la cheville faut que tu laisses le pied en normal° ((indique un angle avec sa main gauche))

13. S2 > S1 : °ah d’accord\ . hein on laisse comme ça/°

14. S1 > S2 : °tu laisses comme ça ouais°

15. S2 : ((règle l’appareil de radiographie)) 16. S1 : ((observe))

#1 #2

Le patient se tourne sur le côté en suivant les

instructions de S2 S1 se penche vers S2 et lui adresse la parole Au début de l’extrait 1, les formes d’accomplissement de l’interaction rendent manifeste un format de participation qui relève de ce que Kunégel (2011) désigne comme une « mise au travail semi-assistée ». L’extrait présente la réalisation d’une procédure de travail, en lien avec une étape particulière de la prise d’image : le positionnement du patient. C’est ici S2 qui prend en charge la mise en œuvre de cette procédure. C’est elle qui endosse la position de locutrice et qui sélectionne le patient comme destinataire ratifié de l’interaction (« d’accord donc le profil je vous explique vous allez vous tourner côté mur », ligne 1). C’est elle également qui fait progresser l’activité selon un format séquentiel typique de l’activité de positionnement. Dans ce format, un pattern séquentiel récurrent s’exprime, au sein duquel a) le positionnement est d’abord verbalisé de manière anticipatoire à l’intention du patient (« vous allez vous tourner côté mur », l. 1 ; « et je vais mettre la plaque en-dessous », l. 4 ), b) puis initié par le TRM (« donc je vous laisse vous tourner s’il vous plaît », l. 1 ; « alors allons-y », l. 7), c) puis accompli par le patient

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(l. 8), d) et enfin évalué par le TRM (« très bien », l. 9 ; « voilà parfait », l. 9). Ce pattern séquentiel est le produit d’une élaboration conjointe qui sollicite la colla- boration du patient. Il est également accompli au moyen d’actions multimodales dans lesquelles sont combinées non seulement des productions verbales, mais également des gestes indexicaux (l. 1), des manipulations d’objets techniques (l. 4) et des actes tactiles réalisés sur le corps du patient (l. 9).

Malgré l’absence de la tutrice à ce moment de la procédure de prise d’image, des ressources permettant d’étayer l’activité de S2 ne sont pas absentes pour autant. De manière notable, c’est ici la présence et l’engagement de S1 dans l’interaction qui tiennent lieu de ressources et qui permettent ponctuellement d’apporter une aide à l’activité de S2. Au début de l’extrait, S1 occupe une position d’observatrice de l’installation du patient. Elle ne fait pas l’objet d’un adressage direct, ni de la part de S2, ni de la part du patient et endosse ici une position de témoin ratifié, selon la typologie des formats de réception proposée par Goffman (1987). Pourtant, dès la ligne 2, cette configuration de partici- pation se modifie quand S2 s’adresse à elle pour lui poser une question (« c’est comme ça hein ? », l.  2). S2 sélectionne ici S1 comme destinataire directe de son propos, et S1 s’aligne à ce changement en endossant le rôle de locutrice et en répondant à la question posée (« oui », l. 3). Un peu plus tard dans le même extrait, c’est cette fois-ci S1 qui endosse spontanément le rôle de locutrice et qui sélectionne S2 comme destinataire de son propos (« t’as pas besoin c’est pour le pied qu’il faut avoir comme ça », l. 10). Elle apporte alors une évaluation du positionnement de la cheville du patient par S2 et lui indique le positionnement requis (« la cheville faut que tu laisses le pied en normal », l. 12). S2 s’aligne à ce changement de configuration de participation et aux contenus énoncés par S1.

Elle lui répond et ratifie son point de vue (« ah d’accord », l. 13).

Les brèves séquences d’interaction qui émergent et se déploient entre les deux stagiaires présentent des spécificités interactionnelles relayées par une pluralité d’indices multimodaux : sur le plan prosodique, les tours de parole qui les composent sont énoncés selon un volume clairement inférieur, proche du chuchotement ; sur le plan linguistique, les pronoms personnels sélectionnés relèvent de l’adressage direct (tu). Par conséquent, il apparaît que ces brefs échanges sont produits selon le format d’un a parte entre les deux stagiaires. Ils relèvent des « coulisses » du travail et ne sont pas accomplis de sorte à être adressés au patient. Dans ces conditions, le patient est placé dans une position de témoin perçu et non pas de destinataire des propos échangés. Cette position semble elle-même repérée et validée par le patient, qui ne prend pas part à ces échanges.

(16)

3.2. L’observation d’une mise au travail assistée

L’alignement de S2 à la rectification du positionnement de la cheville suggérée par S1 marque la clôture de la phase d’installation du patient. S2 peut alors se concentrer sur le réglage de l’appareil de radiographie, procédure qu’elle réalise d’abord seule, puis sous le regard de la tutrice :

Extrait 2

15. S2 : ((règle l’appareil de radiographie)) 16. S1 : ((observe))

17. T : ((se place à gauche du patient et près de S1, observe)) [#3]

18. S1 : ((pose sa main sur la cheville du patient))

19. S2 : j’ouvre/ ((corrige la position de la plaque et de la cheville)) 20. S1 : ((regarde la machine))

21. T : ((s’approche))

22. S2 : ((corrige le réglage de l’appareil de radiographie)) voilà\

23. T : ((tourne son regard vers S1)) [#4]

24. S1 : (madame/) 25. T : ((rire)) 26. S1 : ((rire)) 27. S2 : ((rire))

28. T > S1 : heu Alexandra/

29. S1 > T : pour moi ça joue ouais\

30. T > S1 : OK pour toi ça joue d’accord\

#3 #4

La tutrice (T) arrive et se positionne en obser-

vatrice des réglages de S2 T tourne son regard vers S1

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L’extrait retranscrit ci-dessus documente les conditions d’accomplissement de l’activité de réglage de l’appareil radiographique par S2. Il s’agit là d’une activité essentiellement non-verbale, réalisée sous la forme d’une succession de « gestes praxiques » (Cosnier & Vaysse, 1997) permettant d’ajuster la focalisation et l’angle de la prise d’image. Cette activité de réglage est d’abord effectuée sous le regard de S1, qui endosse à nouveau une posture d’observatrice et qui, ponctuel- lement produit des actes tactiles en direction de la cheville du patient (l. 18).

Dès la ligne 17, la tutrice effectue son retour dans la salle de radiologie et vient se positionner entre les deux stagiaires (voir [#3]). Elle fixe alors du regard la cheville du patient sans intervenir verbalement dans l’espace d’interaction. La présence de S1 et de la tutrice ne constitue pas une réalité transparente pour S2 au moment de la conduite de son activité de réglage. Comme le montre la transcription, S2 accompagne certains de ses gestes praxiques de brefs énoncés (« j’ouvre », l. 19), qui montrent qu’elle s’applique à rendre publiquement inter- prétable par les autres participants présents l’activité de réglage en cours d’accom- plissement. Ni la tutrice, ni S1 ne répondent à ces énoncés, rendant ainsi visible qu’elles les interprètent comme des commentaires concomitants à l’action et non pas comme des demandes d’aide. Au terme de la procédure de réglage, S1 reprend la parole pour énoncer « voilà » (l. 22). Ce faisant, elle produit un ponctuant conclusif et marque publiquement l’achèvement d’une étape de la procédure de prise d’image.

La production d’un tel indice de clôture de la procédure de réglage rend l’espace interactionnel disponible à de nouvelles activités. La tutrice modifie à ce moment précis la position de participation qu’elle endossait jusqu’ici. Dès la ligne 23, elle cesse d’observer la cheville du patient, mais tourne son regard vers S1, d’abord de manière tacite (voir [#4]), puis en accompagnant son regard d’une désignation verbale de la stagiaire (« Alexandra ? », l. 28). La tutrice s’auto- sélectionne ainsi comme prochaine locutrice légitime et sélectionne S1 comme destinataire désignée d’un nouvel échange. S1 s’aligne à ce changement de confi- guration de la participation en prenant la parole à son tour et en répondant à la sollicitation de la tutrice (« pour moi ça joue ouais », l. 29). Ce faisant, elle montre aux autres participants qu’elle a interprété à la fois le regard et l’appel de la tutrice comme une demande d’évaluation, à laquelle elle répond par une validation de l’activité de réglage de S2. Cette réponse et la reformulation qui suit de la part de la tutrice (« OK pour toi ça joue d’accord », l. 30) rendent manifeste qu’une activité sensiblement différente est ici en jeu. De manière ostensible, les participants ne s’orientent pas à ce moment strictement vers l’accomplis-

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sement d’une procédure de travail mais vers une vérification des savoirs mis en œuvre à l’occasion de cette procédure. Les enjeux épistémiques qui sous-tendent l’interaction prennent à ce moment une forme de saillance qu’ils ne présen- taient pas précédemment. Il s’agit là d’un moment de bascule entre les aspects pragmatiques et épistémiques, bien décrit par Vinatier dans son modèle dit EPR (Vinatier, 2015).

Ceci est d’autant plus remarquable que l’accomplissement de cette séquence d’évaluation prend la forme d’un rituel accompli selon des modalités largement implicites. Comme nous l’avons déjà relevé, la première sollicitation de la tutrice est exclusivement visuelle (voir [#4]) et ne donne lieu à aucune verbalisation. Elle fait l’objet d’un rire partagé par les professionnelles, qui indique un repérage par les participants d’un changement dans les modalités de participation. La seconde sollicitation formulée par la tutrice à l’intention de S1 constitue elle aussi une forme largement implicite de production d’un acte directif de demande, dont S1 récupère immédiatement la signification en s’alignant à la demande. On voit donc ici comment l’accomplissement d’une procédure de travail au sein de la salle école produit des opportunités de mise en visibilité de savoirs associés aux gestes techniques en jeu, et comment se créent, à propos de ces opportunités, des routines qui sont non seulement repérables et repérées par les participants, mais également catégorisées par eux comme une forme « habituelle » à même de se reproduire de manière ponctuelle aux différentes étapes de la prise en charge du patient. C’est là un indice supplémentaire d’une culture locale de formation telle qu’elle peut prendre forme au sein de la « salle école ».

3.3. L’évaluation du travail de la stagiaire

La validation par S1 de l’installation du patient et du réglage de l’appareil par S2 (l. 29) ouvre de nouvelles possibilités pour la poursuite de l’interaction. La tutrice s’installe alors en position assise en face de la cheville du patient et s’engage dans une évaluation de l’activité de positionnement.

Extrait 3

31. T > S2 : ((se déplace en position assise face à la cheville)) [#5] alors hum la cheville de profil ((pose sa main sur la cheville et regarde S2)) pour qu’elle soit de profil t’as regardé quoi\

32. S2 > T : les XX les épicondyles\

33. T > S2 : les épicondyles de la cheville/

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34. S2 > T : les condy- heu : les heu : malléoles\ ((rires))

35. T > S2 : c’est normal c’est la fin de semaine d’accord/ là tu penses qu’elles sont superposées j’en ai UNE ici et UNE ici\ ((touche la cheville et désigne du doigt les deux positions))

36. T > S2 : regarde tu les touches et tu me dis ce que tu penses\

37. S2 > T : non elles sont pas ((touche les deux malléoles)) 38. T > S2 : je pense PAS non plus\ . une cheville de profil/

39. T > P : +monsieur ça va/+ ((rit et pose la main sur la cheville en regardant le patient)) [#6]

40. P > T : ouais ouais ((rires))

41. T : une cheville de profil si vous vous souvenez bien/ . l’avant du pied est un tout petit peu surélevé\ ((fait le geste de surélever l’avant du pied)) . d’accord/

42. S2 : d’accord\

43. T : là je pense que vous êtes BIEN trop tourné\ qu’est-ce qui va se passer si vous : si vous tirez votre radio comme ça sur le cliché il va : il va y avoir quoi comme image\

44. S2 : ((montre les malléoles)) XXX

45. S1 : ça va se superp- heu ça va pas se superposer\

46. T : ça va pas se superposer\ quoi quel os va être comment par rapport à quel os/ […]

#5 #6

La tutrice (T) se place en position assise devant la cheville du patient et s’adresse

à S2 La tutrice s’interrompt pour s’adresser au patient

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Au début de l’extrait 3, la tutrice initie une nouvelle transformation du cadre de participation à l’interaction. Ce changement de cadre est d’abord signalé par une modification des engagements corporels dans l’espace : la tutrice se place en position assise devant le cheville du patient, pendant que S2 se recule légèrement (voir [#5]). Ce changement de participation s’accomplit également par une prise de parole spontanée de la tutrice, adressée à S2 (« alors la cheville de profil pour qu’elle soit de profil t’as regardé quoi ? », l. 31). La tutrice sélectionne à ce moment S2 comme destinataire désignée d’un acte directif de question, auquel S2 s’aligne par la production d’une réponse (« les épicondyles », l. 32). La tutrice produit à son tour une évaluation négative de cette réponse, donnant à son tour de parole le format d’une question de relance (« les épicondyles de la cheville ? », l. 33). S2 rectifie alors sa réponse (« les condy- heu les malléoles », l. 34) et produit une information jugée correcte par la tutrice, comme en atteste la poursuite de l’échange sur un thème distinct (« tu penses qu’elles sont superposées ? », l. 35).

Ce qui transparait ici clairement dans l’organisation séquentielle de l’inte- raction, c’est l’accomplissement d’un format interactionnel typique du discours instructionnel, et bien documenté dans la littérature sous la forme de la séquence I-R-E (Mehan, 1979 ; Macbeth, 1990). Dans un premier tour de parole, un locuteur produit une intervention initiative de question dont il connaît la réponse (I). Dans un deuxième tour de parole, le participant moins expérimenté apporte la réponse sollicitée (R). Dans un troisième temps, cette réponse fait l’objet d’une évaluation (E). Cet ordre séquentiel, emblématique des échanges en milieu scolaire et qui rend manifeste une intention didactique, agit à ce moment de l’interaction comme un pattern structurant de l’interaction entre la tutrice et sa stagiaire. Cette organisation séquentielle relève d’une forme hautement visible d’étayage, dans laquelle des objets de savoir en lien avec l’anatomie du patient font l’objet d’une focalisation de l’attention des participants. On peut considérer qu’à ce moment de la progression de l’interaction, l’accomplissement d’une procédure de travail se trouve pour ainsi dire suspendue, au profit d’un scénario de « transmission », au sens de Kunégel (2011), c’est-à-dire d’une forme d’interaction qui est orientée de manière ostensible vers la mise en circulation de savoirs.

De manière notable, le patient ne disparaît pas complètement de cette nouvelle configuration de participation à l’interaction. Il fait même l’objet, à certains moments, d’une focalisation de l’attention des participants. C’est le cas par exemple, à la ligne 39, lorsque la tutrice interrompt son propos pour s’adresser directement au patient (« monsieur ça va ? », l.  39). Le changement

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de volume de sa voix ainsi que son adressage direct au patient placent alors à nouveau le patient dans la position d’un destinataire ratifié et non plus seulement d’un témoin perçu offrant son corps à des palpations et à la transmission d’un savoir portant sur l’anatomie de la cheville. Le fait que l’ensemble des partici- pants s’engagent dans un rire collectif à ce moment n’est pas anodin, mais rend visible aussi l’écart reconnu, dans la situation accomplie, entre l’activité de prise en charge du patient et l’exploitation didactique à laquelle cette prise en charge se prête. En d’autres termes, ce que le rire vient valider ici, c’est l’autonomie à la fois reconnue et légitimée d’une « leçon » d’anatomie dans l’espace de la procédure de prise d’image.

Après la brève interpellation du patient, la tutrice poursuit l’échange avec ses stagiaires. Elle ne s’adresse cependant plus exclusivement à S2, mais inclut progressivement S1 dans l’espace de participation, comme en atteste par exemple le passage du « tu » au « vous » dans l’usage des pronoms personnels (« une cheville de profil si vous vous souvenez bien l’avant du pied est un tout petit peu surélevé », l. 41). Cet échange d’étayage prend successivement des formes variées. Il s’exprime d’abord par des actes assertifs à valeur d’explication (l. 41), que valident les stagiaires (« d’accord », l. 42). Il s’exprime ensuite par un retour à la pratique didactique du questionnement, selon le format récurrent déjà repéré précédemment (« qu’est-ce qui va se passer si vous tirez votre radio comme ça, sur le cliché il va y avoir quoi comme image ? », l. 43). Ces formes d’organisation séquentielles de l’interaction, orientées en priorité vers les stagiaires (et non vers le patient) et façonnées par des objets de savoir explicites (l’anatomie de la cheville, la superposition des malléoles, l’anticipation des images produites selon la position de la cheville), montrent comment les enjeux formatifs ou « constructifs », selon la terminologie de Samurçay et Rabardel (2004), présentent à ce moment de la prise en charge une forte visibilité dans la conduite des interactions.

4. L’interaction tutorale comme modalisation de l’expérience du travail

Au travers de cette étude de cas, nous avons mis en évidence les transformations permanentes induites par les participants sur leurs formes d’engagement dans l’interaction et sur les formes d’organisation locales qui résultent de ces engage- ments. Loin de se stabiliser dans une configuration de participation unique, l’organisation de l’interaction prend d’abord la forme d’une procédure de travail réalisée par une stagiaire, avec l’aide d’une autre stagiaire (3.1.). Elle se transforme

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ensuite, par l’arrivée de la tutrice, en une mise au travail « observée », puis

« évaluée » (3.2.). Enfin, l’organisation de l’interaction prend progressivement la forme d’un dialogue d’étayage, dans lequel les enjeux de transmission de savoirs occupent l’avant-scène (3.3.). Aux différentes étapes de ce processus en perpé- tuelle transformation, les participants endossent des rôles distincts, ou plutôt rendent visibles les diverses facettes qui composent leur identité située. Ainsi, la tutrice peut par exemple endosser un rôle d’observatrice avant de dispenser son savoir ; la stagiaire en charge de la prise d’image peut conduire la procédure de positionnement et de réglage avant d’endosser un rôle de destinataire d’une

« leçon » ; la stagiaire observatrice peut ponctuellement endosser une fonction de guidage à l’intention de sa collègue ; et le patient peut contribuer activement à la réalisation du positionnement de sa cheville, avant de servir d’objet à l’étayage d’un savoir à destination des stagiaires. On assiste ici à un cas emblématique de plasticité des interactions tutorales, c’est-à-dire leur capacité à façonner selon des modalités variables les relations qu’entretiennent les participants, en fonction des contingences locales qui émergent en situation.

Pourtant, il importe de le relever, ces transformations et ces ajustements permanents ne constituent pas seulement des adaptations formelles. Au-delà des changements repérables dans les formules d’adresse, dans les volumes de la voix, dans les thèmes ou contenus verbalisés, dans les positions de participation endossées, ce sont de manière plus profonde des transformations des rapports des participants à la situation d’action qui se trouvent accomplies. Ces transfor- mations des propriétés de surface des processus interactionnels rendent visible la manière dont les participants s’orientent dans les situations qu’ils rencontrent localement et les enjeux qu’ils reconnaissant à ces situations. Pour reprendre la formule de John Gumperz (1982), ces transformations agissent comme des « indices de contextualisation », qui sont utilisés par les participants pour construire une interprétation partagée de ce qu’ils réalisent conjointement.

Reconnaître le caractère « contextualisant » des formes d’engagement dans l’interaction, c’est faire nous semble-t-il un lien pertinent avec la théorie goffma- nienne du « cadrage de l’expérience ». Dans sa théorie du cadrage de l’expérience, Goffman (1991) montre par exemple que la manière dont les individus font l’expérience des réalités qu’ils rencontrent dans la vie quotidienne n’est pas immédiate et univoque mais médiatisée, filtrée, par ce qu’il appelle des cadres (frames). Ces cadres désignent un ensemble de savoirs et de savoir-faire (des

« prémisses organisationnelles » dit Goffman), culturellement construits, qui permettent d’interpréter les expériences à la fois naturelles et sociales comme

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relevant d’un type particulier, et de répondre à la question « qu’est-ce qui se passe ici ? ». C’est notamment en mobilisant ces cadres naturels et sociaux que les individus parviennent à interpréter la signification des situations qu’ils rencontrent et d’y ajuster leurs propres comportements. Si ces cadres jouissent, sur le plan sociétal, d’une forme de réalité partagée par les membres d’une communauté, leur convocation en situation constitue une opération à chaque fois nouvelle et le produit d’un travail d’interprétation incessant. C’est en ceci que réside, pour Goffman, le caractère « vulnérable » et nécessairement incertain du cadrage de l’expérience. Les individus peuvent se tromper sur la signification de ce qu’ils font. Ils peuvent être amenés à reconsidérer rétrospectivement la manière d’interpréter une expérience vécue. Ou encore, ils peuvent détourner ou renégocier les attentes sociales qui régissent l’activité en cours. Ici aussi, la dynamique propre aux interactions verbales constitue une des ressources par lesquelles des contextes locaux d’activité peuvent être collectivement établis et interprétés.

Selon Goffman, il existe deux manières distinctes par lesquelles une réalité donnée, déjà pourvue de sens selon un cadre primaire, peut être transformée en une autre activité : la fabrication et la modalisation. Les fabrications consistent en des « efforts délibérés, individuels ou collectifs, destinés à désorienter l’activité d’un individu ou d’un ensemble d’individus et qui vont jusqu’à fausser leurs convictions sur le cours des choses » (Goffman, 1991, p. 93). C’est le cas par exemple d’un canular, qui vise à « dénaturer partiellement l’ordre du monde » tel qu’il est interprété par un sous-ensemble des participants à l’interaction. La seconde forme de transformation de l’expérience de la réalité relève de ce que Goffman désigne comme la modalisation. Par modalisation, Goffman entend

« un ensemble de conventions par lequel une activité donnée, déjà pourvue d’un sens par l’application d’un cadre primaire, se transforme en une autre activité qui prend la première pour modèle mais que les participants considèrent comme sensiblement différente. » (Goffman, 1991, p. 52). C’est le cas par exemple des mises en scènes théâtrales, des répétitions de gestes techniques à des fins d’apprentissage ou des pratiques de simulations, dans lesquelles une activité ciblée fait l’objet d’altérations reconnues par l’ensemble des participants.

Si la problématique de la modalisation des cadres de l’expérience retient toute notre attention, c’est parce que les interactions tutorales en situation de travail nous semblent en relever dans une large mesure. En effet, comme permet de le souligner notre étude de cas, la présence des stagiaires dans les environnements de travail et l’émergence d’une « fonction tutorale » endossée par les travailleurs

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opèrent des transformations significatives des conditions d’effectuation du

« travail ». Sous l’effet médiateur des tuteurs, les expériences du travail se trouvent modalisées dans des activités d’une autre nature, qui prennent le travail pour cible, mais qui en transposent les conditions habituelles de réalisation. Il ne s’agit plus seulement pour les stagiaires de « faire une radiographie d’une cheville », mais « d’apprendre à le faire », dans des circonstances aménagées à cette fin.

En d’autres termes, la théorie goffmanienne du cadrage de l’expérience permet de porter un regard renouvelé sur l’activité des tuteurs, un regard selon lequel leur travail peut être conceptualisé comme une modalisation du cadre de l’expérience des stagiaires. Dans le cas étudié ici, ce travail de « modali- sation » trouve des formes d’expressions multiples. Il se manifeste d’abord par des aménagements et des transformations des systèmes de positionnement dans lesquels sont placés les stagiaires, selon qu’ils sont invités à réaliser le travail, à l’observer ou à le commenter. Ce travail de « modalisation » se manifeste ensuite par les degrés variables de visibilité et d’explicitation attribués aux savoirs en jeu dans les situations rencontrées. Tantôt tacites et incorporés dans des gestes praxiques, ces savoirs sont parfois mis en visibilité lorsqu’ils permettent de réinterroger, d’évaluer ou de transformer les conditions d’effectuation du travail. Enfin, ce travail de « modalisation » est rendu particulièrement saillant lorsque les contingences temporelles et séquentielles de l’accomplissement du travail se trouvent temporairement suspendues pour permettre à des pratiques de « transmission » de se déployer. On le voit, penser les rapports entre travail et formation, dans le cas de la relation tutorale, ne se réduit pas simplement à reconnaître à toute activité de travail une dimension à la fois « constructive » et « productive ». Cela revient à considérer que les participants à l’interaction tutorale s’engagent dans un travail permanent de contextualisation, dans lequel ils apportent des degrés de visibilité et de priorité variables aux expériences de travail et de formation qui configurent leurs rencontres.

C’est là que réside, à notre avis, la contribution des tuteurs à des activités de conception. Certes, les tuteurs héritent d’environnements « pré-conçus » et parfois aménagés de manière structurelle pour faciliter les apprentissages en situation de travail. La « salle école » étudiée ici en est une illustration. Mais ces environnements sont inertes en l’absence des formes de participation qui s’y trouvent accomplies. C’est en effet dans et par l’accomplissement d’un travail de cadrage de l’expérience que les tuteurs actualisent les potentialités des environ- nements de travail à des fins de formation. C’est à ce titre qu’ils s’engagent dans ce qu’on pourrait considérer comme un travail situé de conception : la

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conception-en-acte. Ce travail de conception située ne suit pas les principes d’une ingénierie de la formation. Elle ne procède ni d’une analyse de besoins, ni d’un accomplissement de séquences didactiques explicites. Ce travail de conception est d’une autre nature : il implique de façonner pour les apprenants des espaces de participation spécifiques, dans lesquels se mêlent à la fois les exigences de l’effectuation du travail et la promesse d’assurer la mise en œuvre des savoirs permettant de les réaliser de manière conforme. Les interactions langagières ne sont pas absentes de ce travail de conception-en-acte. Elles en sont à la fois la trace visible et la principale ressource de mise en œuvre.

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Wittorski R. (Dir.). Comprendre la transmission du travail. Paris : Champ social, 2015.

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The tutors’ activity of conception as a working experience modalization: the case of the medical

radiology technicians’ training

Abstract: This paper aims at contributing to a better understanding of the tutors’

activity and its relationships with the underlying training design. To this end, a particular analytical perspective is adopted, its purpose being to comprehend some of the specificities of this activity : its linguistic dimension on the one hand and its fulfillment through interaction processes on the other hand. This theoretical and methodological framework is illustrated by a case study related to a specific empirical context : the supervision of novice trainees involved in a training program to become technicians in medical radiology. Based on a detailed study of verbal and nonverbal interactions between a tutor, a patient and two trainees in a conventional radiology department, the paper aims to understand how the the training stakes transform the work effectuation conditions, and how they obtain variable degrees of visibility in the course of the performed interactions. To conclude, this analysis of datas offers a renewed perspective on the relationships between tutorship and training program design, a perspective in which the activity of conception is carried out within and by tutorial interac- tions, and not only in what they create.

Key words: Interaction. Tutorship. Conception. Internship. Participation.

Learning. Work.

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La actividad de concepción de tutorías como modelización de la experiencia laboral : el caso de la

formación de los técnicos en radiología médica

Resumen : Este artículo tiene como objetivo contribuir a una mejor comprensión de la actividad realizada por los tutores y las relaciones que están en juego en la concepción de formaciones. Para ello se eligió una perspectiva analítica particular que pretende abarcar algunas especificidades de esta actividad : su dimensión lingüística y también su cumplimiento en procesos de interacción.

Esta perspectiva teórica y metodológica se ilustra aquí por medio de un estudio de caso que depende de un contexto empírico particular, la de la tutoría de estudiantes de técnicos en radiología médica durante su formación. A partir de un estudio detallado de las interacciones verbales o no verbales entre un tutor, un paciente y dos estudiantes dentro de un servicio de radiología convencional, el artículo tiene como objetivo comprender cómo las cuestiones relacionadas con la formación transforman las condiciones de ejecución del trabajo y adquieren grados variables de visibilidad en el curso de las interacciones realizadas. Este análisis de datos propone, en conclusión, una enfoque nuevo sobre las relaciones entre tutoría y diseño de programa de formación, una perspectiva en la cual la actividad de concepción es realizada con y por las interacciones tutórales, y no solamente en sus alrededores.

Palabras claves : Interacción. Tutoría. Diseño. Período de prácticas. Partici- pación. Aprendizaje. Trabajo.

Laurent Filliettaz et Isabelle Durand. L’activité de conception des tuteurs comme modalisation de l’expérience du travail : le cas de la formation des techniciens en radiologie médicale. Les Sciences de l’éducation - Pour l’Ère nouvelle, vol. 49, n° 2, 2016, pp. 83-109. ISSN 0755-9593. ISBN 978-2-918337-27-0.

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