UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
DÉPARTEMENT DE PHILOSOPHIE ET SCIENCES RELIGIEUSES
ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES, PARIS SECTION DES SCIENCES RELIGIEUSES
L A QUERELLE DES POSSIBLES
R
ECHERCHES PHILOSOPHIQUES ET TEXTUELLES SUR LA MÉTAPHYSIQUE JÉSUITE ESPAGNOLE, 1540-1767
T
OMEI
L’ HISTOIRE D ’ UN PROBLÈME
THÈSE DE DOCTORAT EN RÉGIME DE COTUTELLE PRÉSENTÉE PAR
J
ACOBS
CHMUTZSOUS LA DIRECTION DE MM.
JEAN-LUC SOLÈRE, UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES ET OLIVIER BOULNOIS, ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES
DÉCEMBRE 2003
UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
DÉPARTEMENT DE PHILOSOPHIE ET SCIENCES RELIGIEUSES
ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES, PARIS SECTION DES SCIENCES RELIGIEUSES
L A QUERELLE DES POSSIBLES
R
ECHERCHES PHILOSOPHIQUES ET TEXTUELLES SUR LA MÉTAPHYSIQUE JÉSUITE ESPAGNOLE, 1540-1767
T
OMEI
L’ HISTOIRE D ’ UN PROBLÈME
THÈSE DE DOCTORAT EN RÉGIME DE COTUTELLE,
PRÉSENTÉE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT PAR
J
ACOBS
CHMUTZSOUS LA DIRECTION DE MM.
OLIVIER BOULNOIS, ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES, PARIS
JEAN-LUC SOLÈRE, UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
JURY
JEAN-ROBERT ARMOGATHE, ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES, PARIS
LAMBROS COULOUBARITSIS, UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
JEAN-FRANÇOIS COURTINE, UNIVERSITÉ DE PARIS-IV SORBONNE
MAARTEN J.F.M. HOENEN, KATHOLIEK E UNIVERSITEIT LEUVEN
BRUXELLES, LE 12 DÉCEMBRE 2003
Illustration de la couverture :
Francisco Suárez, Roberto Bellarmino, Gabriel Vázquez peintures de Bernard-Joseph Wamps (1740) Ancienne bibliothèque jésuite de Valenciennes
La bonne philosophie est inconnue en Espagne. Les Italiens n’écrivent pas, mais ils pensent ce que les autres écrivent. Gênés par l’Inquisition, ils se contentent de nourrir leur esprit des ouvrages des autres nations. Les Espagnols n’écrivent ni ne pensent. Leurs livres philosophiques sont des ramas d’idées fausses et gigantesques, puisées dans les ouvrages inintelligibles d’Aristote et de ses disciples, dont les moines leur permettent la lecture. L’étude de la philosophie ne sert chez eux qu’à augmenter les ténèbres et le chaos de leur imagination.
Jean-Baptiste de Boyer, Marquis d’Argens, Mémoires, 1735.
R EMERCIEMENTS
Paradoxalement, l’idée de ce travail de recherche sur la scolastique moderne est née d’une rencontre avec la philosophie médiévale, dans le cadre propice de la Section des Sciences Religieuses de l’École Pratique des Hautes Études. Mes remerciements vont dès lors en premier lieu à Olivier Boulnois et Jean-Luc Solère, envers qui ma dette est immense : pour avoir accueilli avec bienveillance un projet aussi vague que démesuré à ses débuts, pour l’avoir guidé et enrichi au cours des années par leurs enseignements et leurs encouragements, et finalement pour avoir manifesté leur impatience de voir ce « pur possible » se transformer en thèse réelle.
Le Fonds National belge de la Recherche Scientifique (Bruxelles), en m’accordant un mandat d’aspirant, m’a donné les conditions matérielles idéales pour entreprendre ce travail. Une subvention de la Section des Sciences Religieuses de l’École Pratique des Hautes Etudes (Paris) m’a facilité de nombreux déplacements nécessaires. Enfin, l’École des Hautes Etudes Hispaniques de la Casa de Velázquez (Madrid) m’a donné le privilège de pouvoir rédiger ce travail au milieu des in-folios sur lesquels il porte, et parfois même sous les sombres portraits à l’huile de leurs auteurs. Je tiens à exprimer ma gratitude envers son ancien directeur, M.
Jean Canavaggio, ainsi qu’à son successeur, M. Gérard Chastagnaret, et à M. Benoît Pellistrandi, directeur des études, qui ont tout fait pour rendre la recherche idéale.
Parmi les nombreux autres chercheurs qui ont guidé mes pas, je tiens à remercier tout particulièrement Sven K. Knebel (Berlin) et John P.
Doyle (Saint Louis). Mon propre travail doit beaucoup plus à leur savoir philosophique et à leur enthousiasme pour la scolastique jésuite que les nombreuses notes en bas de pages à leur attention peuvent en témoigner.
Les encouragements discrets et constants tout au long de ces années de Jean-Robert Armogathe (Paris), Serge-Thomas Bonino, o.p. (Toulouse), Lambros Couloubaritsis (Bruxelles), Jean-François Courtine (Paris), Maarten Hoenen (Nimègue-Louvain), Philippe Hoffmann (Paris), Pasquale Porro (Bari) et Norman J. Wells (Boston) ont été précieux pour me rassurer qu’il y avait encore de l’intérêt à étudier la métaphysique scolastique aujourd’hui.
Lors de mon séjour en Espagne, j’ai contracté une dette profonde envers le P. José Martínez de la Escalera, s.j. (Comillas) pour m’avoir facilité l’accès aux notes manuscrites des grands bibliographes de la
SOMMAIRE GÉNÉRAL 8
Compagnie que furent José Eugenio de Uriarte et Mariano Lecina, ainsi que pour m’avoir fait partager avec une si discrète générosité son savoir de jésuite éduqué avant 1939. Ángel d’Ors (Madrid) s’est quant à lui révélé le meilleur des guides dans le dédale des nombreuses bibliothèques espagnoles oubliées des chercheurs. Aurora Miguel Alonso (Madrid) m’a mise sur la piste d’anciens catalogues de bibliothèques que je croyais perdus ou inaccessibles. Les conseils et la diligence de nombreux bibliothécaires m’ont également été précieux : je pense ici tout particulièrement à Óscar Lilao Franca (Salamanque), au P. Antoni Borràs i Feliu, s.j. (Sant Cugat), au P. Jordi Roca i Coll, s.j. (Barcelone) et au P. Enrique García Martín (Valladolid), ainsi qu’à tout le personnel de la Biblioteca Histórica « Marqués de Valdecilla » (Madrid) et de la Real Academia de la Historia (Madrid).
Je tiens enfin à remercier tous ceux qui m’ont fait l’amitié de partager leurs travaux et découvertes scolastiques, bien souvent avant leur publication, tout au long de ces dernières années, et en particulier Jean- Pascal Anfray (Paris), Michaël Devaux (Paris), Marco Forlivesi (Bologne), Tobias Hoffmann (Washington), Luc Foisneau (Paris), Russ Friedman (Copenhague), Riccardo Quinto (Padoue) et Chris Schabel (Nicosie). Jean-Christophe Bardout (Brest) a toujours été là pour me rappeler qu’il n’y avait pas que des scolastiques au XVIIe siècle. Wladimir Barreto Lisboa, Alfredo Carlos Storck et Erwan Lecoeur, comme moi Parisiens d’occasion, se sont révélés les meilleurs des hôtes et des compagnons lors de mes nombreux déplacements aux bords de la Seine.
Mes derniers mots vont à Karine, qui m’a donné la joie nécessaire pour finir ce travail.
Miraflores de la Sierra, 1er octobre 2003
S OMMAIRE GÉNÉRAL
T
OMEI :
L’
HISTOIRE D’
UN PROBLÈMEREMARQUES ÉDITORIALES...15
PROLOGUE... 19
INTRODUCTION GÉNÉRALE...23
I.LES ROSES POSSIBLES DE VALENCE...55
1. La Bible a-t-elle besoin de métaphysique ? ... 55
2. Les mots d’Aristote...62
3. L’émergence du pur possible...68
II. DISTINGUER EN DIEU...83
1. Le paradoxe métaphysique de la distinction...85
2. Une nouvelle distinction thomiste... 90
3. L’interprétation jésuite des distinctions ... 97
4. Distinction de raison et rapport de priorité ... 103
III. UN THOMISME INTROUVABLE...111
1. Précontenance et précompréhension...112
2. Les paradoxes métaphysiques de la science divine ...118
3. La modernisation du vocabulaire thomiste... 124
4. Des possibles sans être ... 135
IV. LE SCOTISME SUR SES GARDES...149
1. La défense de l’orthodoxie scotiste... 150
2. Des possibles hors de l’essence divine... 156
3. Une ontologie insaisissable... 162
4. Des objets avant ou après l’intellect ?... 170
V. SCIENCE DIVINE ET NOÉTIQUE... 179
1. Une science impuissante ... 180
2. Une science sans médiation ... 185
3. Un nouveau réalisme noétique ... 190
4. Vers une métaphysique réaliste ...204
SOMMAIRE GÉNÉRAL 10
VI. SCIENCE DIVINE ET MÉTAPHYSIQUE... 217
1. L’objet de la métaphysique en contexte ... 218
2. L’exclusion de l’être de raison ... 224
3. Des possibles entre essence et existence... 231
4. Science divine et métaphysique... 237
5. Une métaphysique boiteuse ?... 245
6. Une ontologie négative... 253
VII. LA TENTATION ESSENTIALISTE...261
1. Un scotisme au-dessus de tout soupçon... 261
2. Le retour d’une ontologie refoulée ...264
3. Le possible résiste à la création... 274
4. L’exemplarisme comme dernier rempart ... 279
VIII. LE POSSIBLE CONTRE LA PUISSANCE...289
1. Dieu est le créateur des essences...290
2. Une ontologie de la double négation... 293
3. La puissance et ses connotations... 300
4. Les limites du nominalisme ... 308
IX. UNE ONTOLOGIE SOUS CONDITIONS... 317
1. Comment prédiquer d’un pur possible ?... 319
2. Le possible comme existence sous condition... 322
3. Le succès d’une ontologie minimaliste ...330
4. Le possible comme transcendantal... 339
5. L’identité entre possibilité et existence... 343
X. LA RÉVOLUTION NÉO-AUGUSTINIENNE...347
1. Dieu est sa propre cause et sa propre science ... 347
2. La formulation de la thèse connexionniste ... 353
3. Contre le manichéisme métaphysique...360
4. C’est en Dieu une même chose de vouloir, d’entendre et de créer ... 366
5. Une renaissance médiévale inattendue ... 370
6. Dieu est le premier état de choses... 397
7. La connexion de tous les possibles... 414
8. L’égalité modale entre Dieu et les possibles... 433
9. Dieu possibilité des possibles et impossibilité des impossibles... 437
10. La mort de Dieu prouve son existence ...450
XI. DES POSSIBLES SANS DIEU...459
1. Les possibles comme nouveaux états de choses... 461
2. Des vérités objectives sans porteurs... 474
3. La querelle des vérifacteurs...484
4. Un Dieu spectateur...489
5. Contre l’univers connexionniste ...496
XII. COMBATS D’ARRIÈRE-GARDE...507
1. Les extrêmes d’un vieux débat...508
2. Les dernières frontières théoriques... 515
SOMMAIRE GÉNÉRAL 11
3. Le thomisme et le scotisme dans tous leurs états ... 526
4. L’épuisement... 543
ÉPILOGUE : LA MÉTAPHYSIQUE EXPULSÉE...549
1. La métaphysique sous les paillotes corses... 550
2. La philosophie espagnole orpheline... 555
T
OMEII :
LES AUTEURS ET LES TEXTES INTRODUCTION : le manuscrit scolastique à l’âge de l’imprimé ...567Critères d’édition et abréviations ...585
I. FRANCESCO ALBERTINI : une métaphysique essentialiste...589
Un Napolitain à l’école espagnole...589
Disputatio de esse essentiae (Naples, v. 1600-05)... 594
II. PEDRO HURTADO DE MENDOZA : la puissance et les possibles...623
La longue carrière d’un iunior metaphysicus... 623
Quid sit creaturas esse possibiles ? (Pampelune, 1609)...630
Utrum Deus referatur ad creaturas transcendentaliter ? (Salamanque, 1635)... 636
De scientia Dei possibilium (Salamanque, 1636)... 652
III. JUAN DE LUGO : possibilité et prédication...667
Un cardinal prince des théologiens... 667
Quid sit esse possibile ? (León, 1615)... 673
De relatione praedicamentalis et transcendentalis (León, 1 615)... 677
IV. RODRIGO DE ARRIAGA : un possible sous conditions ...683
Un Espagnol à Prague ...683
Quid sit rem esse possibilem ? (Valladolid, v. 1622)...689
V. THOMAS COMPTON CARLETON : les possibles et leurs négations ...699
La route espagnole d’un exilé anglais...699
Disputatio de negationibus (Douai, v. 1625-30)... 703
Disputatio de rerum possibilitate (Douai, 1625-30) ... 706
VI. ANTONIO PÉREZ : la Déité seule mesure des possibles...711
L’irrésistible ascension du Theologus mirabilis... 711
Quid existentia, necessitas, contingentia et connexio ? (Valladolid, 1627)... 721
De connexione causae cum possibilitate effectus (Valladolid, 1627)... 725
Quid sit Deitas ? (Salamanque, 1630)... 741
Assertiones de scientia Dei de seipso (Salamanque, 1630)... 745
De connexione Dei cum possibilibus (Salamanque, 1630)...751
Responsio P. Antonii Perez ad puncta sibi data (Rome, 1648)... 761
SOMMAIRE GÉNÉRAL 12
VII. FRANCISCO DE OVIEDO : ce qui n’existe pas, il faut le taire... 767
Une nouvelle voix d’Alcalá... 767
Quid sit possibilitas entis realis ? (Alcalá, v. 1630)... 769
VIII. MIGUEL DE ELIZALDE : la mort de Dieu prouve son existence ... 781
La métaphysique oubliée d’un théologien rigoriste ... 781
Disputatio de ente possibili et impossibili (Valladolid, 1647)... 787
IX. TIRSO GONZÁLEZ DE SANTALLA : le retour de la toute-puissance ...801
Un Général philosophe... 801
An Deus repugnaret, repugnante quacumque creatura ? (Santiago, 1654)... 810
De essentiis aeternis (Santiago, 1655)... 835
X. TOMÁS MUNIESA : l’exigence d’existence des possibles...841
La métaphysique et le cilice... 841
De potentia ad existendum et exigentia identitatis (Tarazona, 1657)...849
Disputatio de quinque statibus entis (Tarazona, 1657)... 855
XI. SILVESTRO MAURO : contre les possibles manichéens ...861
L’Aristote au Collège Romain... 861
Utrum ens possibile constituatur per aliquod esse diminutum (Rome, 1656-58)...866
De veritate obiectiva aeterna (Rome, v. 1670)... 873
XII. SEBASTIÁN IZQUIERDO : une ontologie des états de choses...883
La carrière classique d’un novateur ...883
De variis statibus entium seu rerum (Alcalá, v. 1650-57)...894
Quid sit possibile in universum ? (Alcalá, v. 1650-57)... 923
De scientia qua Deus cognoscit creaturas (Rome, 1665-70)... 933
De scientia Dei mere naturali (Rome, 1665-70) ...940
XIII. GASPAR DE RIBADENEIRA : un testament métaphysique...945
Le premier professeur jésuite de l’Université d’Alcalá... 945
Opusculum metaphysico-theologicum (Alcalá, 1669)... 954
XIV. IGNACIO FRANCISCO PEINADO : les possibles et leurs vérifacteurs ...1075
Le troisième homme de l’école Alcalá... 1075
In quonam consistat possibilitas rerum ? (Alcalá, v. 1660)... 1079
De verificativo propositionibus (Alcalá, v. 1660)... 1094
XV. JERÓNIMO DE SOUSA : Une échelle du néant vers l’être ...1101
Un scotiste nomade... 1101
Scala theologica (Naples, 1674)...1104
SOMMAIRE GÉNÉRAL 13
XVI. ANDRÉ SÉMERY : une mouche est-elle possible de soi-même ?... 1107
Une vie dans l’ombre du Collège Romain... 1107
Quaestio de possibili (Rome, 1681)... 1110
XVII. JUAN DE CAMPOVERDE : Un Dieu heureux sans possibles ...1117
Un rescapé du désastre... 1117
De connexione causarum cum possibitate rerum possibilium (Alcalá, 1690)... 1121
XVIII. ESTEBAN LÁRIZ : Les possibles disjonctifs ...1133
Le retour d’un fantôme... 1133
Quaestio de possibilitate entis naturalis (Alcalá, v. 1700)... 1137
XIX. ÁLVARO CIENFUEGOS :Dieu comme un tableau ...1147
La scolastique d’un traître à la patrie ... 1147
An Deus cognoscat creaturas possibiles in seipso ? (Salamanque, 1700) ... 1152
XX. JOSÉ RUFO : La dernière métaphysique ...1167
Du Paraguay à la Romagne... 1167
In quo formaliter consistat rerum possibilitas ? (Faenza, 1769)... 1172
Utrum Deus connectatur cum possibilitate possibilium ? (Faenza, 1769)... 1177
APPENDICE : inventaire des inventaires jésuites... 1185
T
OMEIII
WHO’S WHO ? ...1203BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE... 1231
Sigles et abréviations... 1231
I. Manuscrits scolastiques, 1500-1800... 1233
II. Sources imprimées antiques et médiévales ... 1242
III. Sources imprimées, 1500-1850 ... 1249
IV. Littérature secondaire...1273
INDEX NOMINUM...1343