Antonin Guilloux
1M002 : SUITES ET
INT´ EGRALES, ALG` EBRE LIN´ EAIRE
ANN´ EE 2016-2017
Antonin Guilloux
1M002 : SUITES ET INT´ EGRALES, ALG` EBRE LIN´ EAIRE
ANN´ EE 2016-2017
Antonin Guilloux
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Avertissement
Ce cours de math´ ematiques g´ en´ erales du second semestre de L1 couvre les th` emes des suites et int´ egrales et une introduction ` a l’alg` ebre lin´ eaire.
Diff´ erentes sources d’inspiration m’ont servi pour r´ ediger ce polycopi´ e, no- tamment plusieurs notes de cours de coll` egues (par exemple Patrick Polo, Claire David, Sophie Chemla, Jean-Lin Journ´ e...). Je tiens ` a remercier tout particuli` erement Patrick Polo, dont les conseils m’ont ´ et´ e tr` es utiles. Certaines sections sont en grande partie reprises du polycopi´ e qu’il a lui-mˆ eme r´ edig´ e en 2013/2014. Les discussions avec Laurent Charles et Pierre Charollois m’ont aussi permis d’am´ eliorer ce texte.
Certains r´ esultats ont une importance particuli` ere. Ils sont identifi´ es comme
des questions de cours et sont indiqu´ ees par le symbole (QC) en marge : (QC)
TABLE DES MATI` ERES
1. Introduction : un peu de logique . . . . 9
1.1. ´ Enonc´ es math´ ematiques . . . 10
1.2. Raisonnements . . . 15
1.3. Quelques notations sur les ensembles . . . 16
2. Suites r´ eelles et complexes . . . 19
2.1. Suites r´ eelles ou complexes ; op´ erations sur les suites . . . 19
2.2. Quelques exemples . . . 20
2.3. Suites born´ ees, convergentes . . . 23
2.4. Sous-suites et le th´ eor` eme de Bolzano-Weierstrass . . . 28
3. Suites num´ eriques r´ ecurrentes . . . 31
3.1. Repr´ esentation graphique . . . 31
3.2. D´ efinition, monotonie . . . 32
3.3. Convergence et points fixes . . . 33
3.4. Convergence et points fixes, Cas des fonctions d´ erivables . . . 33
3.5. M´ ethode de Newton . . . 35
4. Matrices . . . 37
4.1. Matrices . . . 37
4.2. Somme de matrices et produit par un scalaire . . . 39
4.3. Produits de matrices . . . 40
4.4. Cas des matrices carr´ ees . . . 43
5. R´ esolution des syst` emes lin´ eaires . . . 47
5.1. Syst` emes lin´ eaires, aspects th´ eoriques . . . 47
5.2. Syst` emes lin´ eaires : le pivot de Gauss . . . 49
6. D´ eterminants . . . 59
8 TABLE DES MATI `ERES
6.1. Cas des matrices 2 × 2 . . . 59
6.2. Cas g´ en´ eral . . . 60
6.3. D´ eterminant et inversion . . . 66
6.4. Calcul de d´ eterminants . . . 68
Annexe : preuve de l’existence du d´ eterminant . . . 69
7. Int´ egration . . . 75
7.1. Primitives et int´ egrales . . . 75
7.2. Propri´ et´ es de l’int´ egrale des fonctions continues . . . 77
7.3. Calculs de primitives et d’int´ egrales . . . 78
7.4. Int´ egration des fonctions rationnelles . . . 84
8. ´ Etude th´ eorique de l’int´ egrale . . . 89
8.1. Int´ egration des fonctions en escalier . . . 89
8.2. Int´ egration des fonctions continues par morceaux . . . 93
8.3. Quelques propri´ et´ es suppl´ ementaires de l’int´ egrale des fonctions continues . . . 97
8.4. Formule de Taylor avec reste int´ egral . . . 98
8.5. Sommes de Riemann . . . 100
8.6. Calculs approch´ es d’int´ egrales . . . 101
8.7. ´ Epilogue : Int´ egrale de fonctions ` a valeurs complexes . . . 102
9. Espaces vectoriels . . . 103
9.1. Groupes ab´ eliens, corps, espaces vectoriels . . . 104
9.2. Combinaisons lin´ eaires, Sous-espaces vectoriels . . . 106
9.3. Application lin´ eaire . . . 109
9.4. Bases, dimensions . . . 112
9.5. Le rang . . . 116
9.6. Application : Les ´ equations diff´ erentielles lin´ eaires d’ordre 2 ` a coefficients constants . . . 119
10. Matrices d’une application lin´ eaire, Changement de bases, R´ eduction . . . 125
10.1. Matrices d’une application lin´ eaire . . . 125
10.2. Matrices de passage . . . 128
10.3. R´ eduction . . . 131
10.4. Application aux matrices d’´ evolution d’un syst` eme . . . 136
CHAPITRE 1
INTRODUCTION : UN PEU DE LOGIQUE
Les math´ ematiques demandent une grande rigueur dans l’exposition des r´ esultats et des d´ emonstrations. Si l’intuition et la persuasion sont des outils indispensables dans la recherche de solutions ` a des probl` emes, si l’aspect de jeu d’´ enigmes peut-ˆ etre une motivation pour faire des maths, il n’en reste pas moins que l’´ etape finale d’un travail est une r´ edaction rigoureuse des r´ esultats et des raisonnements.
Le but de cette rigueur est de permettre une v´ erification au lecteur. Dans l’id´ eal, il ne doit pas y avoir d’ambigu¨ıt´ es dans la r´ edaction et le lecteur doit savoir exactement ce que l’auteur du texte a en tˆ ete. Un point qui n’est pas compl` etement ´ evident au premier abord est qu’une r´ edaction rigoureuse d´ e- pend du lecteur. Par exemple, consid´ erons le texte suivant
La fonction x 7→ x
2− 2 est d´ efinie et continue sur R, vaut −1 pour x = 1 et 2 pour x = 2. D’apr` es le th´ eor` eme des valeurs interm´ e- diaires, elle s’annule sur l’intervalle [1, 2].
Normalement, il doit vous apparaˆıtre comme rigoureux et vous devez ˆ etre convaincus. Mais, bien sˆ ur, si je dis la mˆ eme chose ` a un ´ el` eve de seconde, il ne peut pas consid´ erer cette r´ edaction comme rigoureuse, car il ne connaˆıt pas les d´ efinitions et le th´ eor` eme auxquels elle fait r´ ef´ erence. Il faudra que je trouve un autre moyen de le convaincre de l’existence de √
2
(1). Dans le cadre de ce cours, je consid` ere que le lecteur connaˆıt les d´ efinitions et r´ esultats du cours 1M001. Au fur et ` a mesure, nous verrons de nouvelles d´ efinitions et de nouveaux r´ esultats qui permettront de dire de nouvelles choses de mani` ere rigoureuse.
1. Par exemple, d’apr` es le th´ eor` eme de Pythagore, c’est la longueur de la diagonale du
carr´ e de cˆ ot´ e 1. C’est rigoureux pour l’´ el` eve de seconde – et mˆ eme pour nous, ¸ ca donne
beaucoup plus d’informations et d’intuition !
10 CHAPITRE 1. INTRODUCTION : UN PEU DE LOGIQUE
Cette rigueur repose notamment sur une utilisation tr` es pr´ ecise du langage (et on parle d’ailleurs de langage math´ ematique pour le diff´ erencier du langage courant), sur des r` egles de logique et de raisonnements bien ´ etablies et bien comprises et sur une grande attention aux d´ efinitions des objets et des cadres de travail et ` a l’exposition des d´ emonstrations.
Cette pr´ esente introduction cherche ` a expliciter les deux premiers points : quelle est cette pr´ ecision dans le langage qu’on recherche, et quels sont les outils logiques dont on dispose. Quant au troisi` eme point, il sera illustr´ e tout au long du semestre par la r´ edaction mˆ eme du cours.
Une des dimensions de votre formation en math´ ematiques est d’apprendre
`
a maˆıtriser cette utilisation du langage et de la logique dans votre pratique des math´ ematiques. Vous devez vous approprier ces fa¸ cons de mettre en forme vos raisonnements pour pouvoir les expliquer ` a d’autres.
1.1. ´ Enonc´ es math´ ematiques
1.1.1. Propositions et ´ enonc´ es. — Une proposition est tout simplement une affirmation grammaticalement correcte:
Exemples 1.1.1. — 1. x est positif.
2. La fonction est continue.
On ne peut pas d´ ecider si ces affirmations sont vraies ou fausses: tous les termes ne sont pas bien d´ efinis. Par exemple, pour la premi` ere des deux, ¸ ca d´ epend de qui est x.
Un ´ enonc´ e est une affirmation dont tous les mots sont bien d´ efinis (il ne doit pas y avoir d’ambigu¨ıt´ e). Il est vrai ou faux. Par exemple:
Exemples 1.1.2. —
1. Tout nombre r´ eel positif est le carr´ e d’un nombre r´ eel.
2. Consid´ erons un nombre rationnel positif. Alors il est le carr´ e d’un nombre rationnel.
3. Toute fonction continue sur R est positive.
Pour construire des ´ enonc´ es ou propositions plus compliqu´ es, nous utili- sons des connecteurs logiques : la conjonction (”et”), la disjonction (”ou”), l’implication, l’´ equivalence et la n´ egation.
Consid´ erons donc deux ´ enonc´ es E1 et E2.
1.1. ´ENONC ´ES MATH ´EMATIQUES 11
1.1.2. Conjonction. — La conjonction de E1 et E2 est l’´ enonc´ e “E1 et E2”.
Par exemple :
Exemples 1.1.3. —
1. Tout nombre r´ eel positif est le carr´ e d’un nombre r´ eel et tout nombre r´ eel est le cube d’un nombre r´ eel.
2. Tout nombre r´ eel est le carr´ e d’un nombre r´ eel et tout nombre r´ eel est le cube d’un nombre r´ eel.
La conjonction “E1 et E2” est vraie quand les deux ´ enonc´ es sont vrais. Si l’un des deux est faux ou les deux sont faux, la conjonction est fausse. On peut r´ esumer cette r` egle dans un tableau de v´ erit´ e :
E1 Vrai Faux E2
Vrai Vrai Faux
Faux Faux Faux
Figure 1. Tableau de v´ erit´ e de “E1 et E2”
Exercice : Parmi les deux exemples, certains sont-ils vrais ?
1.1.3. Disjonction. — La disjonction de E1 et E2 est l’´ enonc´ e “E1 ou E2”.
Par exemple :
Exemples 1.1.4. —
1. Tout nombre r´ eel est positif ou tout nombre r´ eel est n´ egatif.
2. Tout nombre r´ eel est le carr´ e d’un nombre r´ eel ou tout nombre r´ eel est le cube d’un nombre r´ eel.
La disjonction “E1 ou E2” est vraie quand l’un des deux ´ enonc´ es est vrai ou les deux sont vrais. Si les deux sont faux, la disjonction est fausse. Le tableau de v´ erit´ e est le suivant.
E1 Vrai Faux E2
Vrai Vrai Vrai
Faux Vrai Faux
Figure 2. Tableau de v´ erit´ e de “E1 ou E2”
Exercice: Parmi les deux exemples, certains sont-ils vrais?
12 CHAPITRE 1. INTRODUCTION : UN PEU DE LOGIQUE
1.1.4. Implication et ´ equivalence. — L’implication est l’´ enonc´ e “Si E1, alors E2” qu’on peut dire aussi “E1 implique E2” (not´ e “E1 ⇒ E2”).
Exemples 1.1.5. —
1. 2 est positif implique 2 est un carr´ e.
2. 3 est n´ egatif implique −2 est un carr´ e.
3. 3 est positif implique −2 est un carr´ e.
L’implication “E1 implique E2” est vraie si E1 et E2 sont vrais ou si E1 est faux (peu importe la v´ erit´ e de E2) : du faux on peut d´ eduire n’importe quoi.
Le tableau de v´ erit´ e est le suivant.
E1 Vrai Faux E2
Vrai Vrai Vrai
Faux Faux Vrai
Figure 3. Tableau de v´ erit´ e de “E1 implique E2”
Attention, sur l’implication nous commen¸ cons ` a voir des divergences entre le langage courant et le langage math´ ematique: en g´ en´ eral, l’intuition nous commande de dire que le deuxi` eme exemple ci-dessus est faux. Or, il est vrai, car le premier ´ enonc´ e est faux. En plus, les exemples 2 et 3 sont tr` es ´ etranges car il n’y a pas de rapport entre l’´ enonc´ e de gauche et celui de droite, et ¸ ca heurte notre intuition de l’implication. Il se trouve que pour un raisonnement logique rigoureux, la d´ efinition donn´ ee est la bonne.
L’´ equivalence est l’´ enonc´ e “(E1 implique E2) et (E2 implique E1)”, qu’on peut dire aussi “E1 ´ equivaut ` a E2” (not´ e “E1 ⇔ E2”).
Vues les r` egles donn´ ees ci-dessus, l’´ equivalence est vraie si les ´ enonc´ es sont tous les deux vrais ou tous les deux faux. Dans les autres cas, elle est fausse.
1.1.5. N´ egation. — La n´ egation de l’´ enonc´ e E1 est l’´ enonc´ e “non E1”. La n´ egation est vraie si E1 est faux ; elle est fausse si E1 est vrai.
Ca semble simple dit comme ¸ ca, mais vous pouvez m´ editer sur les r` egles (surtout la troisi` eme):
1. “non(E1 et E2)” est (´ equivalent ` a) l’´ enonc´ e “non(E1) ou non(E2)”.
2. “non(E1 ou E2)” est (´ equivalent ` a) l’´ enonc´ e “non(E1) et non(E2)”.
3. “non(E1 ⇒ E2)” est (´ equivalent ` a) l’´ enonc´ e “E1 et non(E2)”.
Pour v´ erifier ces r` egles, une bonne fa¸ con est de dresser un tableau de v´ erit´ e:
faire un tableau avec toutes les valeurs possibles de v´ erit´ e pour E1 et E2 et
verifier que dans chaque cas les deux ´ enonc´ es propos´ es sont en mˆ eme temps
vrais et en mˆ eme temps faux.
1.1. ´ENONC ´ES MATH ´EMATIQUES 13
1.1.6. Variables et quantificateurs. — Regardons le texte suivant
(2): Lorsque le cube et les choses, pris ensembles, sont ´ egaux ` a un nombre discret,
(3), on trouve deux nombres qui diff` erent de celui- l` a
(4)tels que leur produit soit toujours ´ egal au cube du tiers des choses nettes
(5). Le reste alors, en r` egle g´ en´ erale, de la soustraction bien r´ ealis´ ee de leurs racines cubiques est ´ egal ` a ta chose princi- pale
(6).
Dans le second de ces actes
(7), lorsque le cube reste seul
(8), tu ob- serveras ces autres accords : tu diviseras imm´ ediatement le nombre en deux parties, de sorte que l’une multipli´ ee par l’autre donne clai- rement et exactement le cube du tiers de la chose
(9). Ensuite, de ces deux parties, selon une r` egle habituelle, tu prendras les racines cubiques ajout´ ees ensembles, et cette somme sera ton r´ esultat
(10). [...]
Il est tr` es difficile de le comprendre, en tous cas pour nous lecteurs modernes.
Nous pr´ ef´ ererions lire et ´ ecrire:
Pour r´ esoudre l’´ equation z
3+ pz = q, on peut chercher u et v tels que:
( u − v = q uv =
p33
Alors (dans le cas o` u u et v sont r´ eels), la diff´ erence de leurs racines cubiques donnera une racine de l’´ equation initiale.
Pour r´ esoudre l’´ equation z
3= pz +q, on peut chercher u et v tels que:
( u + v = q uv =
p33
Alors (dans le cas o` u u et v sont r´ eels), la somme de leurs racines cubiques donnera une racine de l’´ equation initiale.
2. Tir´ e d’une lettre de 1546 de Tartaglia ` a Cardan, traduction personnelle.
3. C’est ` a dire qu’on veut r´ esoudre une ´ equation
x3+px=q.4. On cherche
uet
vtels que
u−v=q.5. On doit avoir aussi
uv= p33. 6. Autrement dit, une solution est
√3u−√3 v.
7. On ´ etudie un deuxi` eme cas, dans une liste d´ ecrite plus haut dans la lettre.
8. C’est ` a dire que l’´ equation est maintenant
x3 =px+q. Les nombres n´egatif ´ etaient suspects !
pet
qd´ esignent toujours des nombres positifs.
9. Maintenant, on cherche
uet
vtels que
u+v=qet
uv= p33. 10. La solution est alors
√3u+√3 v.
14 CHAPITRE 1. INTRODUCTION : UN PEU DE LOGIQUE
Exercice : essayer de comprendre que c’est effectivement une traduction du texte ci-dessus. Ce texte d´ ecrit partiellement une m´ ethode pour r´ esoudre les
´
equations du troisi` eme degr´ e, appel´ ee m´ ethode de Cardan
(11). Elle est due ` a Cardan qui rep` ere une erreur dans la m´ ethode ci-dessus et la corrige.
Une chose ` a noter est que dans notre traduction, nous avons utilis´ e des variables: nous avons donn´ e un nom ` a des objets qu’il est long de d´ ecrire avec des mots. N’oubliez jamais que ce n’est que ¸ ca: un nom commode donn´ e ` a des objets qu’on pourrait d´ ecrire avec des mots. Les ´ enonc´ es math´ ematiques sont avant tout des phrases !
Une autre abr´ eviation dont nous nous servons couramment sont les quan- tificateurs : nous utilisons le symbole ∀ pour dire “pour tout” et le symbole ∃ pour dire “il existe”.
Exemples 1.1.6. —
1. ∃x ∈ R, x > 0 se lit “il existe un nombre r´ eel positif”.
2. ∀y ∈ [0, +∞[, ∃z ∈ R, y = z
2se lit “pour tout nombre r´ eel positif, il existe un nombre r´ eel dont le premier est le carr´ e” et surtout se comprend comme l’affirmation “tout nombre r´ eel positif est un carr´ e”.
Avec toutes ces r` egles (et la connaissance de quelques lettres grecques), vous pouvez lire la d´ efinition de la continuit´ e en un point x
0d’une fonction f d´ efinie sur un intervalle I de R:
∀ε > 0, ∃η > 0, ∀x ∈ I, |x − x
0| ≤ η ⇒ |f (x) − f (x
0)| ≤ ε
Exercice : une fois que vous l’avez lue, essayez de la comprendre, au sens de la dire avec une phrase fran¸ caise la plus compr´ ehensible possible.
1.1.7. N´ egation, encore. — Il nous faut revenir sur la n´ egation, pour comprendre comment nier des phrases compliqu´ ees. Tout d’abord un aver- tissement: il n’est pas si facile de nier une phrase. Cependant, il y a une m´ ethode automatique, qui n’aide pas beaucoup la compr´ ehension mais qui permet d’arriver au bon r´ esultat.
Les r` egles donn´ ees plus haut expliquaient comment nier des phrases li´ ees par un connecteur: si on sait nier E1 et nier E2, alors on sait nier “E1 et E2”:
c’est l’´ enonc´ e “non(E1) ou non(E2)”.
Pour nier un ´ enonc´ e qui commence par un quantificateur, il suffit de l’´ echanger avec l’autre quantificateur, sans changer la condition sur la variable s’il y en a une. Si P est une proposition et A un ensemble, la n´ egation de “∀x ∈ A, P”
est “∃x ∈ A, non(P)” et inversement.
11. Voir par exemple la page Wikipedia:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Methode_de_Cardan
1.2. RAISONNEMENTS 15
Par exemple, la suite des ´ etapes n´ ecessaires pour nier la d´ efinition de la continuit´ e donn´ ee plus haut est :
1. non(∀ε > 0, ∃η > 0, ∀x ∈ I, |x − x
0| ≤ η ⇒ |f (x) − f (x
0)| ≤ ε) est (´ equivalent ` a):
2. ∃ε > 0, non(∃η > 0, ∀x ∈ I, |x − x
0| ≤ η ⇒ |f (x) − f (x
0)| ≤ ε) qui est (´ equivalent ` a):
3. ∃ε > 0, ∀η > 0, non(∀x ∈ I, |x − x
0| ≤ η ⇒ |f (x) − f (x
0)| ≤ ε) qui est (´ equivalent ` a):
4. ∃ε > 0, ∀η > 0, ∃x ∈ I , non(|x − x
0| ≤ η ⇒ |f (x) − f (x
0)| ≤ ε) qui est (´ equivalent ` a):
5. ∃ε > 0, ∀η > 0, ∃x ∈ I, |x − x
0| ≤ η et non(|f (x) − f (x
0)| ≤ ε) qui est (´ equivalent ` a):
6. ∃ε > 0, ∀η > 0, ∃x ∈ I , |x − x
0| ≤ η et |f (x) − f (x
0)| ≥ ε.
Il ne reste maintenant qu’` a comprendre ce qui signifie cet ultime ´ enonc´ e!
1.2. Raisonnements
Nous passons ici en revue les types de raisonnements qui nous serons utiles.
Nous en verrons plusieurs exemples au cours du semestre.
1.2.1. Par r´ ecurrence. — Vous le connaissez : il s’agit de d´ emontrer un
´
enonc´ e du type “pour tout entier n, P (n)” o` u P est une propri´ et´ e de n.
Pour ¸ca on initialise : on montre P (0).
Ensuite, on montre l’h´ er´ edit´ e ou propagation : on montre pour tout entier n l’implication P (n) ⇒ P(n + 1).
Alors l’´ enonc´ e “pour tout entier n, P (n)” est prouv´ e.
Nous verrons beaucoup d’exemples de tels raisonnements. Il y a aussi des variantes (par exemple commencer l’initialisation ` a n = 1 plutˆ ot que 0).
1.2.2. Par la contrapos´ ee. — On a deux ´ enonc´ es A et B et on veut d´ e- montrer que A ⇒ B.
Pour ce faire, on remarque que l’´ enonc´ e A ⇒ B est ´ equivalent ` a l’´ enonc´ e non(B) ⇒ non(A). Pour ce faire, il faut ´ ecrire la table de v´ erit´ e des deux implications et on constater que ces deux tables sont identiques.
Et le raisonnement par contrapos´ ee est de montrer l’´ enonc´ e non(B) ⇒ non(A).
Exemple 1.2.1. — Montrons pour tout entier n que : n
2est pair ⇒ n est pair.
On ´ ecrit l’implication contrapos´ ee : n est impair ⇒ n
2est impair. C’est cela
maintenant qu’on veut montrer.
16 CHAPITRE 1. INTRODUCTION : UN PEU DE LOGIQUE
C’est facile : si n est impair, on peut ´ ecrire n = 2k + 1 pour k un entier.
Ainsi n
2= 4k
2+ 4k + 1 est bien un nombre impair.
1.2.3. Par l’absurde. — C’est un raisonnement tr` es proche de la contra- pos´ ee. On veut montrer, sous certaines hypoth` eses, l’´ enonc´ e A.
Pour ¸ ca, on suppose, sous les mˆ emes hypoth` eses, que l’´ enonc´ e non(A) est vrai, et on cherche une contradiction.
Exemple 1.2.2. — Montrons que √
2 est irrationnel.
On veut montrer qu’il est impossible de trouver deux rationnels p et q sans facteurs communs tels que √
2 =
pq.
Pour ¸ ca, on raisonne par l’absurde : on suppose qu’il existe deux entiers p et q, qui ne sont pas tous les deux pairs car sans facteurs communs, tels que
√ 2 =
pq.
En mettant au carr´ e, on obtient q
2= 2p
2. Donc q
2est pair et d’apr` es l’exemple pr´ ec´ edent, q est pair : q = 2q
0pour un entier q
0. En rempla¸ cant, on obtient p
2= 2q
02, donc p
2est pair. Finalement q et p sont pairs : c’est la contradiction recherch´ ee.
On en d´ eduit bien que √
2 est irrationnel.
1.3. Quelques notations sur les ensembles
Passons en revue quelques notations sur les ensembles, sans vraiment nous poser la question de ce qu’est un ensemble – ¸ ca nous emm` enerait trop loin ! Nous restons dans le vague : un ensemble est une collection d’objets, appel´ es
´
el´ ements. On suppose donc qu’on a deux ensembles A et B.
1. L’intersection de A et B est l’ensemble A ∩ B des ´ el´ ements qui sont ` a la fois dans A et dans B. Autrement dit, pour tout x, x ∈ A ∩ B ´ equivaut
`
a x ∈ A et x ∈ B.
2. L’union de A et B est l’ensemble A ∪ B des ´ el´ ements qui sont dans A ou dans B (ou les deux). Autrement dit, pour tout x, x ∈ A ∪ B ´ equivaut
`
a x ∈ A ou x ∈ B.
3. L’ensemble A est inclus dans B, not´ e A ⊂ B, si tout ´ el´ ement de A est aussi ´ el´ ement de B . Autrement dit A ⊂ B ´ equivaut ` a : pour tout x, x ∈ A ⇒ x ∈ B .
Exemples 1.3.1. —
1. ] − ∞, 1] ∩ [0, +∞[ est l’ensemble [0, 1].
2. ] − ∞, 1] ∩ [0, +∞[ est l’ensemble R.
3. L’inclusion ]1, 2[⊂]0, +∞[ est vraie.
1.3. QUELQUES NOTATIONS SUR LES ENSEMBLES 17
4. L’inclusion {kπ, pour k ∈ Z} ⊂ [0, +∞[ est faux. Rappelons que le pre-
mier ensemble est l’ensemble des multiples (positifs ou n´ egatifs) de π.
CHAPITRE 2
SUITES R´ EELLES ET COMPLEXES
Les suites sont un objet fondamental ` a la fois en math´ ematiques et dans l’application des math´ ematiques aux autres sciences. Nous verrons dans ce cours et les travaux dirig´ es divers exemples : approximation d’un nombre ir- rationnel par des d´ ecimaux ; suite de Syracuse ; algorithme de Newton pour approcher les racines d’un polynˆ ome ; mod´ elisation des prˆ ets bancaires.
Ce chapitre commence principalement par des rappels. Ce sera le pr´ etexte pour r´ eintroduire sur divers exemples les nombres complexes et leurs propri´ e- t´ es.
2.1. Suites r´ eelles ou complexes ; op´ erations sur les suites On fixe la notation K = R ou C.
D´ efinition 2.1.1. — Une suite ` a valeurs
(1)dans K est une application u : N → K.
On note u = (u
n)
n∈Nou u = (u
0, u
1, . . . , u
n, . . .).
L’ensemble des suites ` a valeurs dans K est not´ e S
Kou K
N. Le nombre u
nest appel´ e n-i` eme terme de la suite u.
Il arrive parfois que la suite ne soit pas d´ efinie pour tous les entiers de N, mais seulement pour un sous-ensemble d’indices I ⊂ N. Une suite d´ efinie sur I est une application u : I → K. On la note u = (u
n)
n∈I.
On peut d´ efinir une suite par diff´ erents proc´ ed´ es, par exemple : 1. une formule ; par exemple la suite d´ efinie par u
n= n
2+ cos(n).
1. On dit plus simplement suite r´ eelle si
K=Ret complexe si
K=C.20 CHAPITRE 2. SUITES R ´EELLES ET COMPLEXES
2. un processus de construction (suite d´ efinie par r´ ecurrence) ; dans ce cas, on donne u
0, puis on explique comment construire u
n+1` a partir de u
n. Autrement dit, la suite v´ erifie une relation de r´ ecurrence u
n+1= f (u
n). Par exemple, les suites de Syracuse : on choisit u
0´ egal ` a un entier quelconque et on pose u
n+1=
u2nsi u
nest pair et u
n+1= 3u
n+1 si u
nest impair. Ces suites peuvent ˆ etre tr` es compliqu´ ees ` a ´ etudier. Par exemple, pour les suites de Syracuse, on conjecture
(2)que pour tout choix de u
0, la suite passera par 1 (c’est-` a-dire qu’il existe n avec u
n= 1). Par exemple, si u
0= 4, alors la suite est (4, 2, 1, 4, 2, 1 . . .). En revanche, si u
0= 15, alors la suite est
(15, 46, 23, 70, 35, 106, 53, 160, 80, 40, 20, 10, 5, 16, 8, 4, 2, 1, 4, 2, 1, . . .).
3. Une r´ ecurrence ´ etendue : on se donne les p premiers termes, et on ex- plique comment construire u
n+p` a partir de u
n, u
n+1, . . ., u
n+p−1. 2.1.1. Op´ erations sur les suites. — On peut faire des op´ erations alg´ e- briques sur les suites : addition, multiplication, multiplication par un scalaire.
Nous rappelons ces d´ efinitions.
D´ efinition 2.1.2. — Soit u et v deux ´ el´ ements de S
Ket λ ∈ K. On d´ efinit :
(QC)
— La suite u + v par u + v = (u
n+ v
n)
n∈N.
— La suite λ · u par λ · u = (λu
n)
n∈NRemarque 2.1.3. — On verra plus tard que ces d´ efinitions font de l’espace des suites un espace vectoriel.
On sait aussi multiplier les suites entre elles.
D´ efinition 2.1.4. — Soient u et v deux suites ` a valeurs dans K. On d´ efinit leur produit uv par uv = (u
nv
n)
n∈N.
(QC)
2.2. Quelques exemples
2.2.1. Les suites arithm´ etiques. —
D´ efinition 2.2.1. — Une suite u = (u
n)
n∈Nest dite arithm´ etique de raison r ∈ K si elle v´ erifie la relation de r´ ecurrence :
(QC)
2. C’est-` a-dire on pense que c’est vrai, mais qu’on ne sait pas le prouver. Pour ces suites, on l’a v´ erifi´ e num´ eriquement pour tous les
u0jusqu’` a au moins
1018! Le lecteur pourra aller voir la suite d’articles consacr´ es ` a cette suite sur le magnifique site Image des ma- th´ ematiques (http://images.math.cnrs.fr) : premier article (http://images.math.cnrs.
fr/Le-probleme-3n-1-elementaire-mais.html), deuxi`
eme article (http://images.math.
cnrs.fr/Le-probleme-3n-1-cycles-de.html) et troisi`
eme article (http://images.math.
cnrs.fr/Le-probleme-3n-1-y-a-t-il-des.html).
2.2. QUELQUES EXEMPLES 21
u
n+1= u
n+ r.
On montre alors, par r´ ecurrence :
Proposition 2.2.2. — Soit (u
n) une suite arithm´ etique de raison r. (QC)
— Son terme g´ en´ eral est u
n= u
0+ nr.
— La somme de termes cons´ ecutifs est donn´ ee par :
n
X
k=p
u
k= (n − p + 1) u
p+ u
n2 . Exemples 2.2.3. —
1. La suite d´ efinie par u
n= n est arithm´ etique de raison 1. La somme des n premiers entiers est 1 + . . . + n =
n(n+1)2. Une preuve g´ eom´ etrique et bien plus jolie est aussi donn´ ee en TD.
2. On peut repr´ esenter graphiquement dans le plan complexe l’´ evolution de la suite arithm´ etique de premier terme u
0= 1 et de raison r = 1 + i. Le lecteur peut consulter cette animation https://ggbm.at/p5GPP7XT.
2.2.2. Les suites g´ eom´ etriques. —
D´ efinition 2.2.4. — Une suite u = (u
n)
n∈Nest dite g´ eom´ etrique de raison
q ∈ K si elle v´ erifie la relation de r´ ecurrence : (QC)
u
n+1= qu
n. On montre alors, par r´ ecurrence :
Proposition 2.2.5. — Soit (u
n) une suite g´ eom´ etrique de raison q. (QC)
— Son terme g´ en´ eral est u
n= u
0q
n.
— Si q 6= 1, la somme de termes cons´ ecutifs est donn´ ee par :
n
X
k=p
u
k= u
p1 − q
n−p+11 − q .
Exemple 2.2.6. — On peut repr´ esenter graphiquement l’´ evolution d’une suite g´ eom´ etrique de premier terme u
0= 1 et de raison q ∈ C. Suivre le lien https://ggbm.at/PNhWKvps pour une animation interactive. On peut traiter le cas q = 1 + i.
Tout d’abord, pour multiplier par un nombre complexe, il vaut mieux le mettre sous notation exponentielle (on renvoie au cours du premier semestre pour cette notion) : on remarque que
1 + i =
√ 2
cos
π 4
+ i sin
π 4
=
√
2e
iπ4.
22 CHAPITRE 2. SUITES R ´EELLES ET COMPLEXES
Donc la multiplication par 1 + i se traduit g´ eom´ etriquement par une simili- tude : on fait une homoth´ etie de rapport √
2 puis une rotation d’un quart de tour.
2.2.3. Les suites arithm´ etico-g´ eom´ etriques. —
D´ efinition 2.2.7. — Une suite u = (u
n)
n∈Nest dite arithm´ etico-g´ eom´ etrique de raisons r, q ∈ K si elle v´ erifie la relation de r´ ecurrence :
u
n+1= qu
n+ r.
Proposition 2.2.8. — On suppose q 6= 1
(3). Le terme g´ en´ eral d’une suite arithm´ etico-g´ eom´ etrique de raisons q et r est :
u
n= q
nu
0+ r(q
n− 1) q − 1 .
D´ emonstration. — Modifions la suite u de mani` ere ` a trouver une suite g´ eo- m´ etrique : d´ efinissons la suite v par
v
n= u
n+ r q − 1 . Alors on a
v
n+1= u
n+1+ r
q − 1 = qu
n+r + r
q − 1 = qu
n+ qr q − 1 = q
u
n+ r q − 1
= qv
n. Donc la suite (v
n) est g´ eom´ etrique de raison q et v
n= q
nv
0= q
n(u
0+
q−1r).
On en d´ eduit que u
n= v
n−
q−1r= q
nu
0+
r(qq−1n−1).
Une remarque sur la preuve ci-dessus : c’est un exemple de r´ edaction a posteriori : il a fallu r´ eflechir, faire des calculs, pour trouver la bonne suite v
n` a consid´ erer. Ce processus est occult´ e dans la r´ edaction, o` u on donne directement la solution, qui peut alors sembler “magique”. Ce type de r´ edaction est plus efficace, mais cache parfois des id´ ees int´ eressantes.
Exemple 2.2.9. — Un bon exemple de suites arithm´ etico-g´ eom´ etriques est donn´ e par les prˆ ets bancaires. Imaginons qu’on emprunte 10 000 euros au taux annuel de 3% et qu’on d´ ecide de rembourser 100 euros par mois. On veut savoir combien de mois on va mettre ` a rembourser le prˆ et.
Notons u
nla somme (”le capital”) restant due ` a la banque apr` es n mois (u
n= 0 si on a fini de rembourser). On a u
0= 10000. Pour calculer u
n+1en fonction de u
n, la r` egle est la suivante : les 100 euros de remboursement servent d’abord ` a payer les int´ erˆ ets du mois sur la somme u
n, puis ` a rembourser le capital. Le taux mensuel d’int´ erˆ et est 3/12 = 0, 25%. Par exemple, pour le premier remboursement, on doit commencer par payer 0, 0025 ∗ 10000 = 25
3. Sinon, la suite est arithm´ etique.
2.3. SUITES BORN ´EES, CONVERGENTES 23
euros d’int´ erˆ ets, et on rembourse donc 75 euros de capital. Ainsi, u
1= 10000 + 25 − 100 = 9925. Plus g´ en´ eralement, on obtient la relation de r´ ecurrence :
u
n+1= u
n+ 0, 0025u
n− 100 = 1, 0025u
n− 100.
La suite (u
n)
n∈Nest donc arithm´ etico-g´ eom´ etrique, de raison q = 1, 0025 et r = −100, tant qu’on n’a pas fini de rembourser. La proposition pr´ ec´ edente nous donne la formule :
u
n= (1, 0025)
nu
0− 100 1, 0025
n− 1
1, 0025 − 1 =(1, 0025)
n10000 − 40000(1, 0025
n− 1)
=40000 − 30000 × 1, 0025
n.
Le nombre de mois n´ ecessaire au remboursement est le plus petit entier n tel que 40000 − 30000 × 1, 0025
n≤ 0. Ce nombre est n´ egatif pour n ≥
ln(1,0025)ln(4/3)' 115, 2 (exercice !). Donc le nombre de mois n´ ecessaire au remboursement est 116 (presque 10 ans).
On observe que si on d´ ecide de rembourser 200 euros par mois (r = −200), la dur´ ee est 54 mois – soit moins de la moiti´ e. En revanche, si on ne rembourse que 50 euros par mois, alors la dur´ ee est 278 mois – soit plus du double. Et on a un probl` eme si on ne veut rembourser que 25 euros par mois : chaque mois, ces 25 euros partent int´ egralement pour payer les int´ erˆ ets et on ne rembourse jamais le capital.
2.2.4. R´ ecurrences lin´ eaires d’ordre 2. —
D´ efinition 2.2.10. — On dit qu’une suite u = (u
n)
n∈Nv´ erifie une r´ ecur- rence lin´ eaire d’ordre 2 s’il existe a 6= 0, b et c 6= 0 dans K tels que pour tout n ≥ 0, on a :
(RL2) au
n+2+ bu
n+1+ cu
n= 0.
Nous ne traiterons pas en amphi cette ann´ ee ces suites. Elles sont l’objet d’un devoir qu’on peut trouver sur Sakai.
2.3. Suites born´ ees, convergentes
2.3.1. Suites born´ es, major´ ees, monotones. — On rappelle que le mo- dule d’un nombre complexe z = a + ib est |z| = √
a
2+ b
2. Si z est r´ eel (donc z = a), alors son module est sa valeur absolue. Le module v´ erifie quelques propri´ et´ es utiles :
— on a |a| ≤ |z| et |b| ≤ |z| ;
— on a, si λ est r´ eel, |λz| = |λ||z| ;
— on a l’in´ egalit´ e triangulaire : pour tous z = a+ib, z
0= a
0+ib
0complexes,
|z + z
0| ≤ |z| + |z
0| et |z − z
0| ≥ |z| − |z
0|.
24 CHAPITRE 2. SUITES R ´EELLES ET COMPLEXES
D´ efinition 2.3.1. — — Une suite r´ eelle ou complexe u
nest dite born´ ee si ∃M ∈ R, ∀n ∈ N, |u
n| ≤ M .
(QC)
— Une suite r´ eelle est major´ ee si ∃M ∈ R, ∀n ∈ N, u
n≤ M.
— Une suite r´ eelle est minor´ ee si ∃m ∈ R, ∀n ∈ N, u
n≥ m.
Proposition 2.3.2. — Si u et v sont deux suites ` a valeurs dans K born´ ees, et λ ∈ K, alors u + v est encore born´ ees et λ · u aussi.
Remarque 2.3.3. — Dans le langage qu’on mettra en place plus tard dans ce cours, ces propri´ et´ es s’expriment en disant que l’espace des suites born´ ees est un sous-espace vectoriel de S
K.
D´ emonstration. — Prouvons la premi` ere assertion, les autres sont similaires : Soit u et v deux suites complexes born´ ees et λ ∈ C. Soit donc deux r´ eels M et N tels que pour tout n, |u
n| ≤ M et |v
n| ≤ N . Consid´ erons la suite u + v.
Le module de son n-i` eme terme v´ erifie, grˆ ace ` a l’in´ egalit´ e triangulaire :
|u
n+ v
n| ≤ |u
n| + |v
n| ≤ M + N.
La suite u + v est donc born´ ee par M + N. De mˆ eme, la suite λ · u est born´ ee par |λ|M.
De plus, une suite complexe est born´ ee si et seulement si sa partie imaginaire et sa partie r´ eelle sont born´ ees :
Proposition 2.3.4. — Soit u = (u
n)
n∈Nune suite complexe, et notons a = (a
n= Re(u
n))
n∈Nsa partie r´ eelle et b = (b
n= Im(u
n))
n∈Nsa partie imagi- naire.
(QC)
Alors u est born´ ee si et seulement si a et b le sont.
D´ emonstration. — Supposons u born´ ee, et soit M ∈ R tel que pour tout n,
|u
n| ≤ M . Comme pour tout n on a |a
n| ≤ |u
n| ≤ M et |b
n| ≤ |u
n| ≤ M, les suites a et b sont born´ ees.
R´ eciproquement, supposons a et b born´ ees. Alors il existe un r´ eel M > 0 tel que pour tout n on a |a
n| ≤ M et |b
n| ≤ M . Or, |u
n| = p a
2n+ b
2n≤
√
M
2+ M
2≤ √
2M . Donc u est born´ ee.
Rappelons la d´ efinition de suites monotones (seulement dans le cas des suites r´ eelles, ¸ca n’a pas de sens pour les suites complexes) :
D´ efinition 2.3.5. — Pour une suite r´ eelle u, on dit que :
— u est croissante si pour tout n ≥ 0, u
n+1≥ u
n;
— u est d´ ecroissante si pour tout n ≥ 0, u
n+1≤ u
n;
— u est monotone si elle est croissante ou d´ ecroissante.
On ajoute l’adjectif strictement si les in´ egalit´ es sont strictes.
2.3. SUITES BORN ´EES, CONVERGENTES 25
2.3.2. Suites convergentes. — Vous connaissez la d´ efinition :
D´ efinition 2.3.6. — Une suite r´ eelle ou complexe u est dite convergente si
il existe un nombre r´ eel ou complexe l tel que : (QC)
∀ε > 0, ∃N ∈ N, ∀n ≥ N, |u
n− l| ≤ ε.
Le nombre l = lim(u) est appel´ e la limite de la suite u. On dit aussi que u tend vers l, not´ e u
n−−−→
n→∞l.
Proposition 2.3.7. — Soit (u
n)
n∈Nune suite de S
Kconvergente vers l ∈ K.
Alors
1. La suite est born´ ee.
2. La suite (u
n+1− u
n)
n∈Ntend vers 0.
D´ emonstration. — 1. On utilise la d´ efinition de convergence avec ε = 1 : il existe N entier tel que pour tout n ≥ N , |u
n− l| ≤ 1. En utilisant l’in´ egalit´ e triangulaire, on obtient |u
n| ≤ |l| + 1. Donc la suite est born´ ee par max {|u
0|, |u
1|, . . . , |u
N|, |l| + 1}.
2. Soit ε > 0. Soit N tel que pour tout n ≥ N , |u
n−l| ≤ ε. Alors, pour tout n ≥ N , on a |u
n+1−u
n| ≤ |(u
n+1−l)+(l−u
n)| ≤ |u
n+1−l|+|u
n−l| ≤ 2ε.
Ca montre bien la convergence vers 0.
Quand une suite n’est pas convergente, on dit qu’elle est divergente. En niant la d´ efinition pr´ ec´ edente, on voit qu’une suite est divergente si pour tout l, il existe ε > 0 tel que pour tout N ∈ N, il existe n ≥ N tel que |u
n− l| > ε.
Exemple 2.3.8. — Prenons le cas des suites g´ eom´ etriques complexes. Soient u
06= 0 ∈ C, q ∈ C et u
nla suite g´ eom´ etrique de premier terme u
0et de raison q (on renvoie le lecteur ` a l’animation d´ ej` a mentionn´ ee pour les suites g´ eom´ etriques). Trois cas d’´ etudes se pr´ esentent :
— si |q| > 1, alors |u
n| = |u
0q
n| = |u
0||q|
ntend vers +∞. Donc la suite u
ndiverge, par contrapos´ ee du premier point de la proposition ci-dessus.
— si |q| < 1, alors |u
n| = |u
0q
n| = |u
0||q|
ntend vers 0. Ainsi |u
n− 0| → 0, ce qui d’apr` es la d´ efinition signifie que u
n→ 0.
— si |q| = 1 : on remarque que |u
n+1− u
n| = |u
0q
n(q − 1)| = |u
0||q − 1| est constant. Si q = 1, alors la suite est constante et donc convergente (` a nouveau par contrapos´ ee du second point de la proposition ci-dessus).
Si q 6= 1, on voit que u
n+1− u
nne tend pas vers 0 : la suite n’est pas convergente.
Proposition 2.3.9. —
26 CHAPITRE 2. SUITES R ´EELLES ET COMPLEXES
Soit u une suite complexe. Notons a = (a
n= Re(u
n))
n∈Net b = (b
n= Im(u
n))
n∈N. Alors u tend vers l = r + is si et seulement si a tend vers r et b tend vers s.
(QC)
D´ emonstration. — Supposons que u
n−−−→
n→∞l et soit ε > 0. Utilisons la d´ efi- nition de u
n−−−→
n→∞l pour cet ε : il existe un entier N tel que pour tout n ≥ N , on a |u
n− l| ≤ ε. Or on a d´ ej` a vu que |a
n− r| ≤ |u
n− l| et |b
n− s| ≤ |u
n− l|.
Donc, pour tout n ≥ N , |a
n− r| ≤ ε et |b
n− s| ≤ ε. ¸ Ca montre que a et b convergent, vers r et s respectivement.
R´ eciproquement, supposons que a
n−−−→
n→∞r et b
n−−−→
n→∞s. Soit ε > 0.
Utilisons la d´ efinition de la convergence de a et b pour le r´ eel
√ε2
: il existe N ∈ N tel que pour tout n ≥ N , on a |a
n− r| ≤
√ε2
et |b
n− s| ≤
√ε2
. On en d´ eduit, pour n ≥ N :
|u
n− (r + is)| = q
(a
n− r)
2+ (b
n− s)
2≤ s
ε
22 + ε
22
≤ ε
¸
Ca prouve bien que u tend vers l = r + is.
La limite est unique : si u
n→ l et u
n→ l
0, alors l = l
0(vous l’avez vu pour les suites r´ eelles, la proposition pr´ ec´ edente le montre pour les suites complexes).
Vous connaissez le th´ eor` eme :
Th´ eor` eme 2.3.10. — Toute suite r´ eelle croissante et major´ ee, ou d´ ecrois- sante et minor´ ee, converge.
On a aussi un r´ esultat sur les op´ erations sur les limites :
Proposition 2.3.11. — Soient u et v deux suites convergentes, de limite res- pectivement l et l
0, et λ ∈ K.
(QC)
Alors les suites u + v, λ · u et uv sont convergentes, de limites respectives l + l
0, λ · l et ll
0.
D´ emonstration. — Vous le savez d´ ej` a pour les suites r´ eelles. La proposition
´
enonc´ ee plus haut permet de le faire pour les suites complexes. Faisons par
exemple le cas du produit : si la suite (u
n= a
n+ ib
n) tend vers l = a + ib et la
suite (v
n= c
n+ id
n) tend vers l
0= c + id, alors on a les quatre convergences de
suites r´ eelles ´ ea
n→ a, b
n→ b, c
n→ c et d
n→ d. Mais le terme g´ en´ eral de u
nv
nest a
nc
n−b
nd
n+i(a
nd
n+b
nc
n). Par les th´ eor` emes d’op´ erations sur les limites de
suites r´ eelles et la proposition 2.3.9, u
nv
ntend vers ac−bd+i(ad+bc) = ll
0.
2.3. SUITES BORN ´EES, CONVERGENTES 27
Pour les suites r´ eelles, vous connaissez des th´ eor` emes sur le passage ` a la limite dans les in´ egalit´ es (attention, elles deviennent larges !) et le th´ eor` eme des gendarmes :
Th´ eor` eme 2.3.12. — Soit u = (u
n), v = (v
n) et w = (w
n) trois suites ` a valeurs dans R. Alors :
— Si u −−−→
n→∞l, v
n−−−→
n→∞l
0et pour tout n ∈ N, u
n≤ v
n, alors l ≤ l
0.
— Si u −−−→
n→∞l, v
n−−−→
n→∞l
0et pour tout n ∈ N, u
n< v
n, alors l ≤ l
0.
— Si u et v convergent vers la mˆ eme limite l et que pour tout n ∈ N, u
n≤ w
n≤ v
n, alors w est convergente, de limite l.
Enfin, un autre th´ eor` eme connu est le th´ eor` eme des suites adjacentes : Th´ eor` eme 2.3.13. — Soient u et v deux suites r´ eelles, u croissante, v d´ e- croissante, telles que pour tout n, u
n≤ v
net v
n− u
n→ 0.
Alors u et v sont convergentes, et ont la mˆ eme limite.
C’est un bon exercice de v´ erifier que vous savez prouver ce th´ eor` eme ` a partir des r´ esultats rappel´ es ci-dessus.
2.3.3. Calculs de limites. — Vous avez d´ ej` a d´ etermin´ e la limites de cer- taines suites. Rappelons quelques r´ esultats et m´ ethodes utiles pour calculer des limites.
1. Si u
n=
PQ(n)(n)est un rapport de deux polynˆ omes, alors la limite (finie ou infinie) en n → +∞ est la limite du rapport des monˆ omes de plus haut degr´ e. Par exemple,
n→+∞
lim
3n
2+ 2
4n
2+ 3n + 2 = lim
n→+∞
3n
24n
2= 3
4 .
2. Si u
nest de la forme f(v
n) o` u f est continue et v
nadmet une limite l dans le domaine de d´ efinition de f , alors u
ntend vers f (l). Dans le cas o` u v
ntend vers une limite finie ou infinie l et que f admet une limite (finie ou infinie) L en l, alors u
ntend vers L. Par exemple :
n→+∞
lim e
−n= 0.
n→+∞
lim ln
1 + 1 n
= 0.
3. Utilisation des d´ eveloppements limit´ es : dans le cas d’une forme ind´ e-
termin´ ee, par exemple u
n= n ln 1 +
n1, on peut utiliser les d´ eveloppe-
ments limit´ es pour pr´ eciser l’information dont on dispose. Par exemple,
28 CHAPITRE 2. SUITES R ´EELLES ET COMPLEXES
on sait que pour tout x > −1, on peut ´ ecrire ln(1 + x) = x + xε(x), o` u ε(x) −−−→
x→00. En prenant x =
n1, on obtient
ln
1 + 1 n
= 1 n + 1
n ε
1 + 1 n
. Donc on peut ´ ecrire :
u
n= 1 + ε
1 + 1 n
n→+∞− −−−− → 1.
D’autres exemples seront vus en TD.
2.4. Sous-suites et le th´ eor` eme de Bolzano-Weierstrass 2.4.1. Sous-suites. —
D´ efinition 2.4.1. — Soit u = (u
n)
n∈N∈ S
Kune suite. Une suite extraite, ou sous-suite, de u est une suite u
0= (u
ϕ(n))
n∈Npour une fonction ϕ : N → N strictement croissante.
Une telle fonction s’appelle une extraction. Montrons que pour toute extrac- tion, on a
ϕ(n) ≥ n.
En effet, par r´ ecurrence, ϕ(0) ≥ 0 et, si ϕ(n) ≥ n, alors on a ϕ(n+1) > ϕ(n) ≥ n. On obtient donc ϕ(n + 1) > n ce qui implique ϕ(n + 1) ≥ n + 1.
Exemple 2.4.2. — Consid´ erons la suite complexe u d´ efinie par u
n= i
n. On a u = (1, i, −1, −i, 1, i, −1, −i, . . .). La sous-suite des ´ el´ ements d’indices divisibles par 4 est la suite (u
4n)
n∈N. Ici, l’extraction est la fonction ϕ(n) = 4n. Cette sous-suite est constante ´ egale ` a 1.
2.4.2. Le th´ eor` eme de Bolzano-Weierstrass. —
Th´ eor` eme 2.4.3 (Bolzano-Weierstrass). — De toute suite r´ eelle ou com- plexe born´ ee, on peut extraire une sous-suite convergente
(QC)
On prouve d’abord le th´ eor` eme dans le cas des suites r´ eelles :
D´ emonstration. — On consid` ere donc une suite r´ eelle born´ ee. Soient a un minorant et b un majorant. On construit par r´ ecurrence deux suites (a
k)
k∈Net (b
k)
k∈Ntelles que:
1. pour tout k, on a a
k≤ b
k.
2. pour tout k ≥ 1, on a a
k+1≥ a
ket b
k+1≤ b
k.
3. pour tout k, b
k− a
k=
b−a2k2.4. SOUS-SUITES ET LE TH ´EOR `EME DE BOLZANO-WEIERSTRASS 29
4. Pour tout k entier, une infinit´ e de termes de la suite (u
n)
n∈Nse trouvent dans l’intervalle [a
k, b
k].
Pour ¸ ca, on commence par poser a
0= a, b
0= b. ¸ Ca v´ erifie bien les quatre conditions ci-dessus.
Supposons donc a
ket b
kconstruits, et construisons a
k+1et b
k+1. Pour ¸ ca, on coupe l’intervalle [a
k, b
k] en deux sous-intervalles : [a
k,
ak+b2 k] et [
ak+b2 k, b
k].
Comme une infinit´ e de termes de la suite (u
n)
n∈Nsont dans [a
k, b
k], alors dans au moins un des deux sous-intervalles, il y a une infinit´ e de termes de la suite. Si c’est le cas pour le premier sous-intervalle, alors on pose a
k+1= a
ket b
k+1=
bk+a2 k. Sinon, on pose a
k+1=
bk+a2 ket b
k+1= b
k.
Dans les deux cas, les 4 conditions sont facilement v´ erifi´ ees.
Les deux suites construites sont adjacentes : elles convergent vers une limite commune l ∈ [a, b]. Construisons maintenant une sous-suite de (u
n)
n∈Nqui converge aussi vers l. Pour ¸ca on construit par r´ ecurrence une extraction ϕ telle que pour tout k, u
ϕ(k)∈ [a
k, b
k] :
— On pose ϕ(0) = 0.
— Si ϕ(k) est construite, alors on d´ efinit ϕ(k + 1) comme le plus petit indice n > ϕ(k) tel que u
n∈ [a
k+1, b
k+1]. C’est possible, car l’intervalle consid´ er´ e contient une infinit´ e de termes de la suite.
Alors, ϕ est une fonction strictement croissante de N dans N ; c’est donc une extraction.
Comme pour tout k, on a a
k≤ u
ϕ(k)≤ b
k, que a
k→ l et b
k→ l, le th´ eor` eme des gendarmes nous garantit que la sous-suite (u
ϕ(k))
k∈Nconverge vers l. La preuve du th´ eor` eme de Bolzano-Weierstrass dans le cas r´ eel est donc termin´ ee.
Pour le cas complexe, on commence par la proposition suivante :
Proposition 2.4.4. — Soit (u
n)
n∈Nune suite convergente de limite l. Alors toute sous-suite de (u
n)
n∈Nest convergente de limite l.
D´ emonstration. — Soit u = (u
n) une suite qui tend vers l. Soit (u
ϕ(n)) une suite extraite ; la fonction ϕ : N → N est donc une fonction strictement croissante. Soit ε > 0. On cherche un entier N tel que pour tout n ≥ N ,
|u
ϕ(n)− l| ≤ ε. Pour ¸ ca, utilisons la d´ efinition de u
n−−−→
n→∞l pour cet ε : il existe un entier M tel que pour tout n ≥ M , |u
n− l| ≤ ε.
On a vu que ϕ(M ) > M . Alors, pour tout n ≥ M , on a ϕ(n) > ϕ(M ) ≥ M et donc |u
ϕ(n)− l| ≤ ε. ¸ Ca conclut la preuve.
On peut conclure la preuve du th´ eor` eme de Bolzano-Weierstrass complexe :
D´ emonstration. — Consid´ erons u = (u
n= x
n+ iy
n) une suite complexe et
born´ ee. Alors, comme on l’a d´ ej` a vu, les deux suites (x
n) et (y
n) sont born´ ees.
30 CHAPITRE 2. SUITES R ´EELLES ET COMPLEXES