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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Le corps au travail et dans la formation des compétences : ergonomie et didactique professionnelle

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Academic year: 2021

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LE CORPS AU TRAVAIL ET DANS LA FORMATION

DES COMPÉTENCES :

ERGONOMIE ET DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE

Patrick MAYEN ENESAD, Dijon

MOTS-CLÉS : ERGONOMIE – DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE – COMPÉTENCES – DÉVELOPPEMENT – TRAVAIL

RÉSUMÉ : Quelle que soit l’activité de travail, le corps de ceux qui ont à y réaliser des tâches est engagé. Les compétences, entendues comme pouvoir d’agir, y sont indissociablement corps et pensée. L’objectif de cette communication est de montrer, à partir du point de vue de l’analyse ergonomique et de l’analyse didactique professionnelle du travail quelques catégories de situations dans lesquelles le corps est engagé, comment il l’est et quelle est la place de la conceptualisation dans l’action.

ABSTRACT : At work, the body is involved in action whatever the tasks a professionnel has to do. Competencies as “power to act”, are made of both body and mind. The aim of this paper is to present some situations where body is engaged, how he is involved in action and what is the place

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1. INTRODUCTION

La didactique professionnelle s’inscrit dans le champ de la formation professionnelle et s’intéresse prioritairement aux questions suivantes : Qu’est-ce qu’être compétent ? Comment se forment et se transforment les compétences ? Quel est le rôle de l’action en situation et quel est le rôle de l’enseignement dans la formation et le développement des compétences ? Pour répondre à ces questions, la didactique professionnelle cherche à comprendre ce qu’est l’action en situation. Elle emprunte ainsi largement à des disciplines dont le travail est l’objet : ergonomie et psychologie du travail. L’analyse du travail a alors pour but d’examiner les conditions de l’action et l’action effectivement déployée en situation. On pourrait dire qu’il s’agit de rendre compte du fonctionnement, notamment cognitif, des professionnels. L’analyse du travail a aussi pour but d’identifier les conditions et les processus de développement, là où il se fait. Cela signifie que les situations de mutations, d’évolution du travail, de prise de fonction, d’alternance entre formation et activité, constituent des moments privilégiés de l’analyse. L’objectif est de concevoir des situations didactiques et des dispositifs de formation à partir des situations de travail et pour la maîtrise des situations de travail. Dernier point à souligner : en référence à la théorie des schèmes et des champs conceptuels développés par Vergnaud (1997), la conceptualisation dans l’action occupe une place essentielle en didactique professionnelle. L’analyse du travail revient alors à identifier les phénomènes et les processus de conceptualisation pour et dans l’action. De ce point de vue, la question des savoirs scientifiques et techniques, de leur place dans les situations de travail, de leur circulation entre univers du travail et univers de formation, de leurs processus d’élaboration pour l’action, composent une part essentielle des questions de la didactique professionnelle.

L’analyse du travail, en ergonomie, ne se réduit pas à la mobilisation d’un cadre théorique et d’une batterie de méthodes, mais suppose une position sur l’homme au travail. « Comprendre le travail pour le transformer » résume l’essentiel de cette position. Il s’agit encore « d’adapter le travail à l’homme et non pas l’homme au travail ». Il s’agit enfin de contribuer au développement de son pouvoir d’agir : capacités d’action mais aussi moyens de l’action, pour pouvoir faire ce que l’on est capable de faire et ce que l’on a appris à faire. Dans ce cadre, la connaissance, et ici, la conceptualisation, constituent une des modalités de formation et de développement du pouvoir d’agir dans et sur les situations.

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2. LE CORPS AU TRAVAIL

L’analyse du travail nous apprend beaucoup sur ce qu’est le corps au travail et, aussi, sur les conceptions en vigueur de ce qu’est le corps, de ce qu’est le travail, des liens entre corps, pensée et connaissances. Un des constats les plus récurrents est celui de la méconnaissance de ce qu’est le travail, aussi bien du côté de ses conditions matérielles et sociales, que du côté de l’activité effectivement déployée pour y faire face. Au sein de cette méconnaissance, la place de la conceptualisation dans l’action, les relations entre action physique et activités de pensée, la place et les fonctions du corps dans l’action, occupent une part notable. Nous allons donc effectuer à présent un bref tour d’horizon de ces questions en les rapportant toujours, in fine, à des questions de formation professionnelle.

2.1 Le corps, agent, instrument et composante des situations de travail

Tout d’abord, le travail est toujours un travail physique. Le corps est engagé, il est sollicité au cœur de toutes les situations. Ce qui est évident pour les tâches de transformation matérielle où la force de travail semble l’instrument essentiel de l’action l’est beaucoup moins pour une série d’autres tâches. Ainsi, ce n’est qu’assez récemment que les travaux sur les pratiques d’enseignement mettent en évidence le caractère éminemment physique du travail. À travers les déplacements dans la classe, fonction de décharge motrice et psychique pour l’enseignant, de contrôle des activités d’apprentissage, de maintien de la discipline. À travers l’utilisation du corps comme instrument de la voix jusqu’aux gestes. Ailleurs, le corps trop peu sollicité refait irruption dans les situations de travail selon différentes modalités : somnolence et baisse de l’attention, engourdissement et raideurs, tensions physiques et nerveuses. De nombreuses études ergonomiques permettent de comprendre que le corps devient alors un facteur supplémentaire de complexité de la situation, une source de préoccupation. C’est, par conséquent, un objet de la situation à prendre en compte, à comprendre, à conceptualiser et à propos duquel il s’agit aussi de trouver des moyens d’agir. Un professionnel compétent est alors celui qui trouve des ressources pour intégrer le corps à l’action, en inventant des moyens de conserver une certaine vigilance, d’empêcher l’esprit de s’évader (Clot, 1999), d’agir malgré lui. Or, ces moyens paraissent souvent incompatibles avec l’idée de la place et de l’usage requis du corps au travail. Idée que se font ceux qui organisent, prescrivent et contrôlent le travail, mais aussi, et cela nous intéresse directement ici : enseignants et formateurs.

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gestes sont nécessairement requis et, au moins pour partie, normés, se réalisent sans pensée. La notion d’exécutant, fondamentalement héritée des modes d’organisation du travail et de grilles de classification, reste agissante dans les processus de construction des diplômes et des formations et constitue un critère discriminant entre niveau C.A.P. et niveaux B.E.P. et BAC Professionnels. L’action semble considérée dans sa seule dimension d’exécution, dans la mise en œuvre de « bonnes pratiques », définies de l’extérieur et accessoirement validées par la science. Les enseignements scientifiques intervenant alors le plus souvent comme argumentation justifiant les bonnes pratiques, et non comme sources d’instruments pour comprendre et agir, diagnostiquer et construire l’action (Bazile et Mayen, 2002). L’imitation est privilégiée, avec l’idée - plutôt confirmée par les travaux récents en neuropsychologie - que le corps peut reproduire des séquences d’action en observant un autre les réaliser. Mais comment imiter les actions perceptives, peu perceptibles, les raisonnements et les diagnostics, encore moins observables ? L’imitation suppose ainsi savoir au moins un peu quoi imiter, c’est-à-dire ce qu’il faut chercher à percevoir, dans quel but et dans quelle relation aux conditions de la situation sur et dans laquelle s’accomplit l’action. 2.3 Action perceptive et activités cognitives complexes

L’action perceptive est une des formes d’action les plus examinées en ergonomie. Il n’est pas sûr qu’elle soit aussi bien considérée dans l’univers de la formation. Elle est pourtant une forme intermédiaire essentielle entre activités d’intervention sur le monde et activités de pensée. Dans le travail, les actions de prises d’information sous forme de recherche et de sélections d’indicateurs pour estimer l’état d’une ou d’une configuration de variables constituent une part essentielle des activités de diagnostic, de contrôle ou d’évaluation de l’action, de ses résultats, des processus en cours. Sur le plan cognitif, pour que ces variables soient identifiées, mobilisées et pour que les indicateurs soient construits et opérants, une conceptualisation est nécessaire, conceptualisation générée par l’action en situation ou/et par des formes diversifiées de rencontres avec les concepts des sciences et des technologies. Or il n’existe guère de situations de travail dans lesquelles l’action se réduit à son exécution. La variabilité des tâches à réaliser est souvent plus élevée qu’on ne le suppose et l’adaptation à celle-ci suppose une activité importante de diagnostic et de contrôle qui nécessite actions perceptives et raisonnements.

2.4 Le corps, fatigue, maladies et accidents

Le corps, en ergonomie, c’est d’abord le corps soumis aux risques à court ou à long terme engendrés par les conditions de travail ou par des systèmes de représentations et d’action « à risques ». Instrument de l’action et source de risques pour lui-même. Source d’embarras, de limitation du pouvoir d’agir, de douleur et de souffrance, le corps est aussi ressource disponible, à

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développer ou à entretenir et protéger, objet de connaissance et de l’action et instrument de connaissance et d’action. De ce fait, le corps est, comme nous l’avons déjà noté plus haut, un élément de la situation. Réduire le risque et réduire la souffrance au travail constituent deux objectifs essentiels de la formation professionnelle, du point de vue de l’ergonomie. Deux objectifs qu’il n’est pas inéluctable de penser « à la remorque » des apprentissages de l’action de transformation des objets du travail. Ainsi, dans quelle mesure l’apprentissage des objets du travail est-il indissociablement apprentissage des propriétés fondamentales de dangerosité de ces objets et apprentissage des propriétés, par exemple physico-chimiques de la transformation ? De même, doit-on apprendre exclusivement des règles de sécurité sans cdoit-onceptualisatidoit-on des risques ?

Comme le montrent de nombreux travaux, le développement professionnel tout au long de la vie, c’est aussi le développement de modes d’action, de stratégies pour adapter son action non plus aux conditions externes de la situation, mais au vieillissement du corps. Ce développement, largement laissé à l’expérience, pourrait-on le penser pour de jeunes professionnels ? Autrement dit : comment construire une découverte et une appropriation des situations du métier à partir des propriétés de son corps (de sa pensée et de ses connaissances) : potentiels de risque, mais aussi possibilités inutilisées ou ignorées, et non plus seulement à partir de la découverte des objets à transformer et des instruments et procédures pour le faire ?

2.5 Compétences incorporées et incorporation des connaissances

Nous pourrions reprendre à ce moment la formule de Spinoza : « On ne sait pas ce que peut le corps ». Elle prend, à propos du travail, au moins trois sens convergents : le premier, nous venons de l’évoquer à propos de la place du corps dans l’apprentissage de l’action : est-ce que l’on exploite le potentiel de développement du corps et de la pensée ? Comment rendre compte et bénéficier des inventions réalisées par des professionnels pour se servir au mieux de leur corps et pour le protéger en dehors des modes d’action attendus ? Pourrait-on ainsi proposer des situations didactiques dans lesquelles les professionnels, jeunes ou moins jeunes auraient pour consigne de chercher des postures, des gestes totalement différents de ceux qu’ils mettent en œuvre ou qu’ils ont appris à mettre en œuvre pour réaliser une tâche ? Pourrait-on les amener ainsi à découvrir la nécessité de certains modes d’action mais aussi la pluralité des manières d’en réaliser d’autres, à prendre conscience des facteurs de risques propres à telle séquence d’opération effectuée dans telle position ?

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sans que cela « passe » par la tête. La production de routines est une constante des processus d’apprentissage. Elle revient aussi à une forme d’incorporation. Leplat utilise le terme de « compétences incorporées » pour désigner ces compétences qui font une avec une certaine classe de situations, système de perception et d’action très efficace et peu conscient, mais aussi très tenace. C’est la face négative de la routine, là où les gestes échappent à la pensée consciente, parce qu’ils sont routinisés et se déploient pour une configuration de situation alors que la configuration effective est différente. Sclérose, longs et durs efforts pour désapprendre. On pourrait assimiler à cela tous les cas où le geste échappe parce qu’il est pris, entraîné dans le cours d’action. C’est une occurrence importante d’accidents. Cas prototypique : une séquence d’action de travail du bois sur une machine, la pièce ripe, s’envole, le bras la suit pour la happer au passage. La construction de capacités pour se protéger de ces « enchaînements à risques » nécessite prise de conscience et analyse, mais aussi apprentissage systématique et entraînement pour construire des routines d’interruption de gestes. Incorporation contre intuitive.

Le troisième sens est plus restreint, mais tout aussi intéressant : un grand nombre de nos connaissances sont des compétences et une grande part d’entre elles nous sont mal connues, restent peu conscientes et peu explicites. Pourtant, d’une part, elles sont agissantes dans les situations d’action. D’autre part, elles ne sont pas exemptes de conceptualisations. En développant une théorie de la connaissance-en-actes, Vergnaud (1997) souligne l’idée qu’au fond de l’action, il y a de la conceptualisation. Nous avons abordé la question de la variabilité. Une situation, constituée de buts à atteindre dans des conditions déterminées est ainsi toujours soumise à la variabilité, variabilité des propriétés de l’objet de l’action, variabilité des systèmes d’instruments, variabilité des conditions matérielles, naturelles et sociales, variabilité, moins souvent pensée, de l’état du corps. Fatigue, énergie, force, capacités d’attention, tension nerveuse. La tâche varie en fonction de la variation de ces facteurs et de leurs combinaisons. L’application des mêmes procédures est ainsi rapidement vouée à l’échec. Comment réaliser le réglage de l’action ? C’est là qu’intervient la conceptualisation. Conceptualisation pragmatique, catégorisations en acte, parfois naïves, locales, mais opératives. Catégorisations trouvant peu ou pas de correspondances avec des catégories culturelles élaborées, scientifiques ou technologiques, étroitement intégrées aux caractéristiques des situations, aux séquences d’action, aux règles d’actions, aux règles de prises d’informations, finalisées par les buts constitutifs de l’action elle-même. Mais, parfois, catégorisations et conceptualisations pragmatiques nourries et fondées sur des concepts scientifiques et techniques appropriés comme instruments pour l’action, organisateurs des perceptions et de la régulation des gestes eux-mêmes. Si la pensée est dans le geste, comment la désincorporer pour ouvrir des possibilités de développer les catégorisations-en-acte et vers des conceptualisations un peu plus larges, un peu plus fondées, et peut-être plus pertinentes pour l’action ?

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2.6 Le corps, les instruments et les situations : la compétence distribuée

Ce que nous apprend encore l’analyse du travail, c’est le caractère distribué de l’action. Une situation ainsi que les systèmes d’instruments qu’elle comporte pré-définissent littéralement l’action. Autrement dit, ils imposent une certaine orientation à l’action et, donc, à la formation de l’action et à la construction et à l’évolution du système de compétences. Le corps est ainsi « dirigé ». Des actions sont possibles, d’autres sont impossibles. Possibles ou impossibles parce que les conditions sont réunies ou pas. Sans tel instrument, certaines actions sont impossibles. Impossibles ou possibles parce que l’usage d’un instrument impose en même temps un certain usage de son corps, de sa pensée et de soi-même. Les systèmes d’instruments, matériels ou symboliques, en développant le pouvoir d’agir, entraînent aussi des limitations de l’action et un modelage des possibilités d’invention. Le corps et son action sont façonnés par les situations dans le sens également où les actions se répètent, et opèrent un développement musculaire spécialisé, une déformation fonctionnelle du corps dans son entier avec les habiletés et les faiblesses qui y correspondent, habiletés et performances perceptives et gestuelles, d’endurance ou d’économie. Il faudrait ajouter que l’action est fondamentalement collective. En effet, toute action s’inscrit dans un processus de travail. Elle est donc limitée par l’action des autres, dépend de celle des autres et influence celle des autres, est adressée à d’autres. Elle s’effectue souvent avec d’autres : pair, collègue, client, etc. Là encore, il n’est pas certain que le caractère distribué du travail et l’effet de façonnage des propriétés du corps et de la pensée dans les activités communes collectives organisées, finalisées et outillées par des systèmes d’instruments, soit souvent pris en compte dans et par les dispositifs de formation professionnelle.

L’intérêt d’adopter la position de l’ergonomie pour examiner le travail, mais aussi les processus et conditions de la formation des compétences tient essentiellement à ce que l’action et le corps y trouvent une juste place, y sont étroitement reliés à l’environnement matériel et social de l’action, y sont indissociablement pensés et action, gestes et conceptualisations pour l’action en situation. Il n’est pas tout à fait inutile de préciser que cette conception ne correspond pas tout à fait aux conceptions en vigueur dans les univers du travail et de la formation.

BIBLIOGRAPHIE

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VERGNAUD G. (1997). Au fond de l’action, la conceptualisation. In J.-M. Barbier : Savoirs théoriques, savoirs d’action. Paris : PUF.

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