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Le passage à la vie adulte des jeunes à leur sortie du Centre jeunesse : le cas des jeunes ayant participé à un programme d'insertion

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Academic year: 2021

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FALANGA MIMIE MUTOMBO

LE PASSAGE A LA VIE ADULTE DES JEUNES A LEUR SORTIE DU CENTRE JEUNESSE : LE CAS DES JEUNES AYANT PARTICIPE A UN

PROGRAMME D'INSERTION

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en service social pour l'obtention du grade de maître en service social (M. Serv. Soc.)

ECOLE DE SERVICE SOCIAL FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2010

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RESUME

Les différentes transitions qui s'opèrent dans la vie d'un jeune qui atteint l'âge adulte soit, l'insertion professionnelle, résidentielle et relationnelle constituent des atouts importants pour son affirmation dans son nouveau statut. Cette étude exploratoire avait pour but de cerner comment les jeunes vivent leur passage à la vie adulte après une prise en charge dans les services de protection de l'enfance. Cinq jeunes, issus d'une famille d'accueil ou d'un centre de réadaptation qu'ils ont quitté parce qu'ils ont atteint leur majorité légale depuis au moins trois mois, ont accepté de partager leur expérience.

La collecte de données a été réalisée au moyen d'une entrevue individuelle semi-dirigée. Les résultats de l'étude montrent qu'il a fallu suffisamment du temps, de l'aide d'une tierce personne, d'une certaine prise de conscience et de la volonté pour que ces jeunes finissent par trouver l'équilibre qui découle du statut d'adulte. Sur le plan professionnel, ces jeunes font appel aux différents services d'aide à l'emploi et à un réseau d'amis qui les aident dans leur démarche. Leur situation résidentielle montre une forme d'itinérance, soit pour fuir l'isolement et la solitude, soit en raison des multiples thérapies et différents services d'aide à la réinsertion résidentielle. Aussi, le retour dans le milieu familial, le logement à proximité des amis et la cohabitation avec un copain ont contribué à la réussite de leur insertion résidentielle. Leurs propos montrent qu'ils connaissent un épanouissement relationnel marqué par la présence d'un large éventail d'amis, connaissances et parents (naturel ou d'accueil) qui constituent leur réseau social.

Nos analyses sur les trajectoires de service au centre jeunesse et sur le passage à la vie adulte font ressortir deux profils. D'une part, la trajectoire des jeunes [Cyndi et Steve] qui ont été placés en centre d'accueil suite à des relations conflictuelles et qui n'ont pas maintenu de lien avec leur famille d'origine ; ces jeunes se sont retrouvés particulièrement isolés à leur sortie du centre jeunesse et ils ont dû faire appel à leur réseau informel pour intégrer le monde adulte. D'autre part, la trajectoire de jeunes [Diane, Carine et Patrice] qui ont maintenu le contact avec leur famille d'origine durant leur placement et qui ont pu compter sur son soutien à l'atteinte de l'âge adulte. Même si leur entrée dans la vie adulte a été difficile, la présence de leur famille a été et demeure un élément favorable à leur insertion sociale.

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Globalement, il apparaît que le passage à la vie adulte des jeunes à leur sortie du centre jeunesse requiert un soutien étroit pour assurer leur insertion dans la société.

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INMEMORIUM Ma très chère mère, Rebecca Bofona Bondeka, décédée le 26 mars 1996. Mes grands parents : Julbert Mutombo et Ortance Musau Batilana Bondelca et Ketty Falanga Et tous les défunts de ma famille...

Ce mémoire vous est dédié...

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AVANT PROPROS

Je ne saurais terminer les lignes de cette étude sans remercier très sincèrement toutes les personnes qui m'ont accompagnée et encouragée tout au long de ma formation et qui ont fait en sorte que ce projet devienne réalité.

Mes remerciements à monsieur Daniel Turcotte, professeur et directeur de programme de maîtrise de l'école de service social de l'Université Laval. Ce mémoire est le fruit de son implication et de sa détermination depuis qu'il en a accepté et pris la direction. Ses commentaires et critiques m'ont emmenée à chaque fois à pousser et à améliorer mon analyse. Ma reconnaissance aux jeunes adultes qui ont accepté de partager leur expérience, sans laquelle la présente étude n'aurait pu se réaliser.

Je tiens à souligner l'appui du Centre jeunesse de Québec-institut universitaire par la présence de madame Guislaine Frenette ma répondante à la recherche, Serge Bouchard, France Marcotte et Linda Fournier intervenants en Centre jeunesse de Québec, Marco St Pier directeur de Gestion Jeunesse, France Nadeau et Michel Brousseau de l'équipe scientifique du CJQ-IU. Votre soutien dans les diverses orientations ainsi que dans le processus de recrutement et d'entrée en contact avec les jeunes a permis de joindre les jeunes qui ont fait l'objet de cette étude. Recevez ici l'expression de ma reconnaissance.

Plusieurs personnes, amis et collègues, m'ont soutenue et encouragée tout au long de mes études. J'adresse mes remerciements tout spécialement à Fidelie Ngandu, Asina Muside, Nick Ngoma, Tony Samba, Eucher Cizi Bassintsa et Aitus Bassintsa. Votre présence m'a été très bénéfique et vos conseils m'ont permis de persévérer jusqu'au bout de l'effort.

Finalement, un merci très spécial à ma famille. À mes sœurs et frères, mes cousines et cousins qui m'ont toujours encouragée et soutenue. À mon oncle Crispin Kasongoma et ma tante Ndaya Mulaja, votre implication dans mon éducation a donné bon fruit, recevez ma plus profonde considération. Mes tantes et oncles maternels qui sont toujours là pour moi ; Virginie, Marie et Dieudonné Bondeka, Antoinette Tosanga, Michel Botovvamungu et Lucie Bilaou. Enfin, Marie-Louise Tshilobo, tes conseils et tes encouragements inestimables m'ont permis de cheminer vers la réussite, merci Mamie. À mon père, Boniface Mutombo, tes critiques, ton implication et ta détermination sur ma réussite m'ont permis de persévérer et de croire en moi. Merci papa.

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TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ i INMEMORIUM iii

AVANT PROPROS iv TABLE DES MATIÈRES v

INTRODUCTION 1 CHAPITRE I : LA PROBLÉMATIQUE 4

1.1. L'OBJET D'ÉTUDE ET PRÉVALENCE 5 1.2. LA PERTINENCE DE L'ÉTUDE 7 CHAPITRE II : LA RECENSION DES ÉCRITS 10

2.1. LA RECENSION DES ÉCRITS SUR L'INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE

DES JEUNES 11 2.1.1. L'évolution de l'insertion professionnelle chez les jeunes 11

2.1.2. Une génération vulnérable ? , 15

2.1.3. Les jeunes qui vivent dans des conditions précaires 17 2.2. L'INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS FACE À L'INSERTION

SOCIOPROFESSIONNELLE DES JEUNES 18 2.3. L'INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE DES JEUNES DANS LES

SERVICES DE PROTECTION DE L'ENFANCE 19 2.3.1. Études sur les jeunes placés en milieu substitut 19 2.3.2. Les difficultés personnelles vécues par les jeunes placés en protection 21

CHAPITRE III : CADRE D'ANALYSE 26 v

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3.1. L'ACCES A L'EMPLOI 27 3.2. L'ACCÈS AU LOGEMENT 28 3.3. LE MODE DE RELATION 29 CHAPITRE IV : LA MÉTHODOLOGIE 31

4.1 LA POPULATION À L'ÉTUDE 33 4.2 LES PROCÉDURES D'ÉCHANTILLONNAGE 33

4.2.1 Les critères de sélection de l'échantillon 33 4.2.2 La taille et les caractéristiques de l'échantillon 33 4.3. LES PROCÉDURES DE COLLECTE DE DONNÉES 34 4.4. LES PROCÉDURES DE CONTACT AVEC LES JEUNES 35

4.5. LE DÉROULEMENT DE L'ENTREVUE 36 4.6. L'ANALYSE DES DONNÉES , 36

4.7 LES CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES 37

4.8 LES LIMITES DE L'ÉTUDE 38 CHAPITRE V : LES RÉSULTATS DE L'ÉTUDE 39

5.1. LA SITUATION ACTUELLE DES JEUNES 40

5.1.1. Parcours de chaque jeune 41

a) Diane : 41 b) Carine : 42 c) Cindy : 43 d) Steve: 44 e) Patrice : 46

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5.1.2. Sommaire du profil sociodémographique des jeunes 47

5.2. LE PASSAGE AU CENTRE JEUNESSE 48

5.2.1. Motif de placement 48 5.2.2. Appréciation de séjour de placement 49

5.2.3 Contacts avec la famille durant le séjour dans le milieu d'accueil 50

5.3. LA TRANSITION VERS L'ÂGE ADULTE 51

5.3.1. La sortie du centre jeunesse 51 5.3.1.1. L'utilisation des services sociaux par les jeunes 53

5.3.2. Insertion professionnelle 54 5.3.2.1 Recours aux services d'aide à l'emploi et rédaction de CV 54

5.3.2.2 Travail et scolarisation 55 5.3.3. Insertion résidentielle 56 5.3.3.1. Insertion résidentielle vs itinérance 56

5.3.4. Insertion relationnelle 57 5.3.4.1 Relation avec les autres 57 5.3.4.2. Situation amoureuse 58 5.4. IDENTIFICATION DE PROFILS 58

5.4.1. Tableau de synthèse des résultats 59

CHAPITRE VI : DISCUSSION 62 6.1. SITUATION SUR L'INSERTION PROFESSIONNELLE 63

6.2. SITUATION SUR L'INSERTION RÉSIDENTIELLE 64 6.3. SITUATION SUR L'INSERTION RELATIONNELLE 66

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CONCLUSION 69 BIBLIOGRAPHIE 72 ANNEXE I : GUIDE D'ENTREVUE 77

ANNEXE II : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT 82 ANNEXE III : APPROBATION DU PROJET DE RECHERCHE 85

ANNEXE IV : CERTIFICAT DE CONFORMITÉ ÉTHIQUE DU CJQ-IU 87 ANNEXE V : JUSTIFICATION DE L'EXEMPTION DU CÉR DE L'UNIVERSITÉ

LAVAL 89 ANNEXE VI : LETTRE D'ATTRIBUTION D'UNE RÉPONDANTE À LA RECHERCHE

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INTRODUCTION

Les jeunes suivis en centres jeunesse sont considérés comme un groupe vulnérable en raison de la complexité des problèmes qu'ils présentent et du peu de ressources dont ils disposent pour réussir leur insertion socioprofessionnelle (Goyette, 2006; Bouchard, 2001). En plus des barrières structurelles que rencontrent les jeunes en général, pour ceux suivis dans les services de protection de l'enfance, l'insertion est encore plus difficile. Ainsi, à la majorité, au moment de quitter les services du centre jeunesse, leur sentiment de confiance et de sécurité laisse place à l'anxiété, à la peur et à un sentiment de solitude face à cette transition vers le monde adulte, car ils y sont peu préparés (Goyette, 2006; Nadeau, 2000).

Au Québec, le soutien aux jeunes en difficulté se poursuit jusqu'à 18 ans : la majorité légale. C'est un moment qui est considéré comme une étape où les jeunes atteignent la maturité qui leur permet d'exercer leurs droits d'adulte et d'assurer pleinement leurs responsabilités (Nadeau, 2000). Pour les jeunes suivis en protection de la jeunesse, atteindre la majorité constitue un passage brusque à la vie autonome, car cela implique la rupture du soutien des centres jeunesse (Goyette, 2006). Pour les parents d'accueil et les intervenants, ces jeunes qui quittent les centres jeunesse à l'âge de 18 ans sont mal outillés pour faire face aux exigences de la vie après leur placement (Goyette, 2006 ; Nadeau, 2000).

Plusieurs auteurs ont étudié le phénomène des jeunes pris en charge par l'État. Leurs travaux démontrent que ces jeunes sont confrontés à plusieurs problèmes qui ne facilitent pas leur insertion dans la vie courante. Goyette (2006) affirme que les jeunes qui ont longtemps séjourné dans un milieu substitut rencontrent des difficultés autant dans le foyer d'accueil que dans leur parcours scolaire, compromettant ainsi leur insertion. Les difficultés psychosociales, les problèmes de santé sont accentués par un manque de préparation à affronter la vie d'une manière autonome après la prise en charge assurée par l'État. Ces difficultés placent les jeunes dans une situation de vulnérabilité. L'étude de Reid (2007) mentionne à cet effet que le

manque de soutien approprié augmente les risques pour ces jeunes de se retrouver en marge de la société et d'être confrontés à différents problèmes. Ces jeunes accusent souvent du retard dans leur cheminement académique et plusieurs d'entre eux finissent par quitter l'école avant de compléter la scolarité secondaire. D'autres deviennent parents à un jeune âge. Sans emploi, la seule alternative reste le recours à l'aide sociale. Souvent sans abri, ils vivent aussi 1

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des problèmes de santé mentale, d'abus de substance psychoactive, d'incarcération ou d'implication dans les activités criminelles (Reid, 2007 ; Nadeau, 2000).

Le passage à la vie autonome de ces jeunes nécessite donc un appui important pour faciliter une transition réussie. C'est dans ce contexte que s'inscrit cette étude exploratoire qui tente de répondre à la question suivante : comment les jeunes suivis au Centre jeunesse de Québec vivent-ils leur insertion sociale après leur prise en charge par le service de protection ?

Les questions spécifiques de l'étude consistent à savoir :

■ Quelle est la situation du jeune sorti du centre jeunesse sur le plan des trois transitions qui marquent le passage de l'adolescence au monde adulte autonome : (1) l'insertion sur le marché du travail; (2) le logement (3) le mode de relation (cohabitation avec des amis, relation de couple, famille d'origine, seul, ...)

■ Quelles ont été les actions posées par lejeune depuis sa sortie du centre jeunesse pour assurer son insertion socioprofessionnelle ?

■ Quels sont les obstacles rencontrés par lejeune dans son parcours d'insertion ? ■ Quels sont les éléments qui lui ont été utiles pour son insertion ?

■ Comment les relations sociales du jeune contribuent-elles à son insertion ?

L'échange avec les cinq répondants qui ont fait l'objet de cette étude a permis de savoir ce qu'ils sont devenus après cette prise en charge. Par cet échange, il a- été possible de comprendre leur situation et leur expérience et ensuite, d'identifier les éléments qui leur ont été utiles pour franchir cette étape marquante de leur vie. En espérant que les commentaires et suggestions recueillis auprès de ces jeunes, ainsi que les analyses apportées dans ce document permettront d'ajuster et d'améliorer les services offerts aux jeunes bénéficiaires des différents programmes d'insertion à la vie adulte pour, mieux répondre à leurs besoins et à leurs attentes.

Ce document comprend six grands chapitres ainsi répartis. Le premier chapitre constitue la problématique de l'étude. Il présente l'objet de l'étude et en établit la pertinence. Le deuxième chapitre se consacre à la recension des écrits sur l'insertion socioprofessionnelle des jeunes, sur l'intervention des pouvoirs publics face à cette insertion et sur les enjeux de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes suivis dans les services de protection de l'enfance. Le

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troisième chapitre concerne le cadre d'analyse selon les trois transitions qui marquent le passage à la vie adulte : l'accès à l'emploi, l'accès au logement et le mode de relation. Le quatrième chapitre concerne la méthodologie et le cinquième les résultats de l'étude. Le sixième chapitre de discussion met en relation les résultats de l'étude avec les connaissances disponibles dans les textes consultés et, s'appuient sur les questions spécifiques de recherche en plus de souligner les profils des répondants identifiés par l'étude. En conclusion sont présentées les limites de l'étude, les recommandations pour l'intervention et les nouvelles perspectives de recherche.

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1.1. L'OBJET D'ETUDE ET PREVALENCE

L'enfance et la jeunesse sont des étapes de la vie qui ont une influence déterminante sur le développement de l'être humain. Selon le Ministère de Santé et des Services Sociaux du Québec (2007), la société actuelle permet à la majorité des jeunes et des enfants de grandir dans un contexte propice, de s'insérer normalement et de trouver des réponses à leurs besoins. La majorité des jeunes trouvent auprès de leur famille et de leur milieu de vie, les ressources nécessaires pour assurer leur développement, leur bien-être, leur santé et leur sécurité. Pour la plupart des jeunes, la tâche qui consiste à développer les habilités nécessaires pour une transition à l'âge adulte est un processus qui s'effectue avec l'appui de la famille et des amis. Malheureusement, tel n'est pas le cas pour les jeunes suivis en protection de lajeunesse. Une étude publiée en 2007 dans « New directions for youth development » sur l'insertion sociale des jeunes qui sortent des services de l'enfance, fait état des résultats des recherches canadiennes et internationales sur lajeunesse, après leur prise en charge par le système d'aide à l'enfance. Il ressort de cette étude que la transition entre les services de prise en charge et l'âge adulte est difficile pour beaucoup de jeunes. La situation est encore plus difficile pour les jeunes qui font la transition à l'âge adulte sans le soutien de la famille et des amis (Reid, 2007).

En 2008, 68 651 jeunes, soit 4,5 % de l'ensemble de la population québécoise âgée de 0 à 17 ans, ont fait l'objet d'un signalement. Parmi les jeunes de 13 ans et plus qui font l'objet de mesures de protection, 3 206 sont dans un service de placement jusqu'à l'âge de 18 ans (ACJQ, 2008). Pour ces jeunes, le placement en dehors de leur milieu naturel s'est présenté comme la solution indiquée pour assurer leur protection. Aux États-Unis, Courtney et Barth (1996) ont étudié le cas de 2 653 jeunes placés à long terme. Leur étude révèle que plus de la moitié, soit 59,8 % de jeunes, ont séjourné pendant au moins 18 mois dans le service de placement avant d'atteindre l'âge de 18 ans. Une étude canadienne effectuée sur 257 jeunes, indique que plus de la moitié des jeunes constituant l'échantillon avaient été placés plusieurs fois, et pendant de longues périodes (Kufeldt, Simard et Vachon 2000).

Or, les écrits témoignent que les jeunes ayant connu plusieurs placements et ayant longtemps séjourné dans le système de protection éprouvent des difficultés d'insertion à l'âge adulte. Plusieurs raisons expliquent leur vulnérabilité : l'histoire de placement, les défaillances du système de protection de l'enfance, les multiples placements d'une famille d'accueil à une

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autre impliquant le changement d'une école à une autre, les difficultés psychosociales, les problèmes de santé, accentuées par un manque de préparation à affronter la vie d'une manière autonome après la prise en charge assurée par l'État (Crawford et Tilbury, 2007 ; Goyette, 2006 ; Kufeldt, Simard et Vachon 2000). Les enfants exposés à de telles instabilités sont à risque de fragilité, car à chaque rupture, le sentiment d'être aimé, de se sentir en sécurité et en stabilité sera fragilisé, laissant place au sentiment de rejet et à la culpabilité (Goyette, 2006 ; Kufeldt, Simard et Vachon 2000).

Pour leur part, Crawford et Tilbury (2007) font remarquer qu'en Australie, les jeunes suivis par l'État ont généralement de faibles résultats scolaires et sont sans emploi. Leur situation est occasionnée par plusieurs facteurs tels que : les taux élevés d'exclusion scolaire et le manque de soutien académique, de multiples placements d'une famille à une autre qui entraînent des conséquences scolaires, le manque de coordination entre le système éducatif et le personnel de protection de l'enfance, le manque d'attention aux besoins éducatifs par des professionnels et, le manque d'espoir des responsables et des assistants sociaux sur l'avenir de ces jeunes. À l'âge de 18 ans, au moment où beaucoup de jeunes entrent dans la vie active avec l'aide de leurs parents ou de leurs proches, les jeunes suivis dans les services de protection de l'enfance peuvent éprouver de la difficulté suite à la rupture de prise en charge formelle assurée par l'État et ils manquent généralement l'appui de leur famille (Crawford et Tilbury, 2007).

Or, pour bon nombre de ces jeunes qui grandissent dans une famille d'accueil, les relations avec leur famille d'origine sont distantes et fragiles. Ainsi, lorsque s'arrête le soutien apporté par les services à l'enfance, ils éprouvent un sentiment de solitude et d'isolement (Goyette, 2006 ; Nadeau, 2000). Leur situation les rend vulnérables et ils sont peu susceptibles de recevoir l'appui souhaité de la part de leur famille pour faire une transition adéquate (Crawford et Tilbury, 2007). Ainsi, ils sont à risque de connaître l'échec (Nadeau, 2000). Les centres jeunesse du Québec portent une attention particulière aux jeunes âgés de 16 ans et plus considérés à risque de connaître des difficultés d'insertion. Un suivi leur permettant de se préparer à la vie autonome et d'acquérir les qualifications professionnelles est possible grâce aux différents programmes existants. Ces programmes, comme la Qualification des jeunes, la préemployabilité et le programme Autonomie, visent à offrir aux jeunes un avenir meilleur après la prise en charge par les centres jeunesse pour les aider à s'insérer dans la société une

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fois atteint l'âge de 18 ans. L'efficacité de ces programmes influencera la capacité du jeune à assimiler et à s'adapter aux exigences du monde extérieur.

Cette étude porte sur cette population si particulière que sont les jeunes suivis en protection de la jeunesse : leur situation après la prise en charge, les actions posées pour assurer leur insertion, les obstacles rencontrés, les éléments utiles à l'insertion, la contribution des relations à l'insertion du jeune, tels sont les éléments abordés dans l'étude et qui ont fait l'objet de rencontres avec cinq jeunes qui ont bien voulu partager leurs expériences.

1.2. LA PERTINENCE DE L'ÉTUDE

Depuis quelques décennies, la situation des jeunes en général et, particulièrement de ceux présentant des difficultés d'adaptation est au cœur des préoccupations, que ce soit en milieu de recherche, en milieu d'intervention ou dans les décisions gouvernementales. Au Québec comme ailleurs, les chercheurs tentent d'identifier des pistes de solution afin de faciliter le passage à la vie adulte des jeunes qui atteignent leur majorité. Dans un rapport1 soumis au Ministre délégué à la santé, aux services sociaux et à la protection de la jeunesse en 2000, les auteurs ont identifié plusieurs problèmes sociaux vécus par les jeunes placés en centre d'accueil et ont établi une liste de recommandations pour aider à une meilleure insertion de ces jeunes. Le rapport suggère entre autres :

d'établir un processus de formation professionnelle pour les jeunes de 16 ans et plus placés en centre d'accueil ;

d'assurer une continuité des services jusqu'à l'âge de 21 ans (Biais, Cloutier et coll. 2000).

Par ailleurs, en août 2004, le Conseil permanent de la jeunesse (CPJ) recommandait que soient intégrés dans les activités des centres jeunesse :

des interventions qui favorisent la préparation à la vie autonome ;

1 Le rapport du Groupe de travail sur la politique de placement en milieu familial visait à évaluer le processus de

recrutement, d"accréditation, de formation, de support, de suivi et de réévaluation des ressources de type familial en référence au guide d'orientation de la pratique professionnelle ainsi que de formuler les recommandations au ministère de la Santé et des services sociaux.

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de nouvelles expériences d'interventions qui visent l'autonomie des jeunes et les recherches sur la problématique de ces jeunes ;

des mesures de soutien aux jeunes qui quittent le milieu substitut au-delà de 18 ans ; des services mixtes d'hébergement, en vue de favoriser l'insertion résidentielle des jeunes des centres jeunesse (CPJ, 2004a).

L'Association des centres jeunesse du Québec dénombre chaque année environ 5000 jeunes qui atteignent l'âge de 18 ans et quittent leurs services. Pour plusieurs d'entre eux, le seul moyen de survie reste le recours à l'aide sociale (ACJQ, 2002). La mise en place récente de différents programmes" d'insertion destinés aux jeunes suivis au centre jeunesse leur permet cependant de bénéficier d'un appui supplémentaire pour favoriser leur autonomie au moment de leur majorité. Si la préparation à la vie autonome requiert des investissements importants en termes de services et de supports, dans les faits, les jeunes qui quittent un milieu substitut à l'âge de 18 ans en reçoivent peu (Nadeau, 2000). Des travaux réalisés au Canada, aux États-Unis et ailleurs montrent que ces jeunes connaissent des situations difficiles telles que des événements traumatisants, des difficultés psychosociales et familiales, de la toxicomanie, des problèmes de santé (physique et mentale), des sentiments de culpabilité et des histoires de placement fragmentées qui peuvent entraver leur évolution vers une vie autonome acceptable (Crawford et Tilbury, 2007 ; Goyette, 2006 ; Kufeldt, Simard et Vachon 2000 ; Nadeau, 2000). Nombreux sont les jeunes qui débutent leur vie adulte avec une faible estime de soi, un déficit au plan scolaire, une santé physique et mentale fragile, des aspirations et des habiletés scolaires limitées et des opportunités d'emploi restreintes (Nadeau, 2000). Certaines études soulignent que les jeunes issus d'un réseau d'accueil sont plus à risque de dépendance au plan social. Goyette (2006) constate qu'un nombre important des nouveaux demandeurs à l'aide sociale ont connu des expériences de placement en milieu substitut durant leur jeune âge. Pour ces jeunes, atteindre la majorité signifie faire une demande de sécurité de revenu par manque de choix (Goyette, 2006). D'autres études indiquent que les difficultés financières augmentent les risques d'être impliqué dans des activités criminelles (Barth, 1990, citée dans Nadeau 2000). Nombreux sont ceux qui décrochent avant de compléter la scolarité obligatoire. Le

2 Entre autres, programme autonomie, programme qualification des jeunes, services de préemployabilité initié en

2002 dans les Centres jeunesse afin de susciter auprès des jeunes un intérêt pour poursuivre les études ou développer les habiletés dans un programme de formation professionnelle ou simplement leur offrir la possibilité d'avoir un avenir autre que la poursuite des études. (McClish, 2004).

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décrochage scolaire et la sous-scolarisation contribuent à la pauvreté relative des jeunes adultes issus du réseau des ressources d'accueil. La précarité économique que vivent ces jeunes est susceptible d'engendrer de l'instabilité résidentielle et, par conséquent, l'itinérance,

une situation qui menace grandement la santé (Turcotte, 2008). Quant aux relations sociales, l'étude de Goyette (2006) révèle que les jeunes qui quittent un milieu substitut ont pour la plupart un réseau social restreint ou inadéquat, ce qui rend difficile leur passage à la vie adulte, notamment parce qu'ils se sentent isolés. Certaines études considèrent le soutien et les relations sociales indispensables et nécessaires à une transition réussie des jeunes afin de minimiser les risques d'isolement. Lorsqu'ils quittent le réseau d'accueil, plusieurs sont déconnectés de services de soutien, en plus d'être peu ou mal préparés à établir de nouvelles relations (Goyette, 2006). Leurs lacunes en ce qui concerne l'emploi, le logement et les relations sociales constituent d'importants obstacles au devenir de ces jeunes.

Les différentes lectures effectuées ont permis de constater que le devenir des jeunes après un épisode prolongé de placement au moment où ils atteignent l'âge de 18 ans, est très peu exploré. Le peu de connaissances dans ce domaine ne permet pas de généraliser les expériences à l'ensemble des jeunes vivant les mêmes difficultés, car les études réalisées présentent de façon incomplète l'image de ces jeunes. Les raisons principales de ces restrictions restent la grande variété dans la taille et la composition des échantillons, la diversité des approches utilisées par les auteurs ainsi que le milieu et le contexte de réalisation des recherches. Ainsi, il faut admettre l'ombre dans laquelle se situent les connaissances en ce qui concerne la situation des jeunes après leur prise en charge.

C'est dans ce contexte que se situe cette étude exploratoire dont le but est de cerner comment les jeunes vivent leur passage à la vie adulte après leur prise en charge dans les services de protection. Les questionnements soulevés dans cette étude pour comprendre le devenir de ces jeunes après la prise en charge par les services des centres jeunesse requièrent une meilleure

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2.1. LA RECENSION DES ECRITS SUR L'INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE DES JEUNES

Une meilleure connaissance de la situation socioprofessionnelle des jeunes adultes suivis dans les services de protection passe nécessairement par l'investigation et la compréhension des perspectives d'insertion sociale et professionnelle des jeunes adultes de la population générale. La stratégie de recherche documentaire et la mise en contexte permettent de mieux situer ces jeunes par rapport à leurs pairs. Dans les pages qui suivent, seront présentées une analyse des travaux de recherche sur l'évolution de l'insertion professionnelle chez les jeunes, l'intervention des pouvoirs publics face à l'insertion socioprofessionnelle des jeunes et l'insertion sociale et professionnelle des jeunes dans les services de protection de l'enfance.

2.1.1. L'évolution de l'insertion professionnelle chez les jeunes

Comme dans la plupart des pays occidentaux, au Canada, la préoccupation concernant l'accès à l'emploi des jeunes remonte aux années 1970. Ces années sont marquées par la « sur-modernité » causée par le choc pétrolier qui se traduit par la mondialisation de l'économie, la révolution des techniques de l'information et de la communication, la montée du néolibéralisme, etc. (Assogba, 1999). Les conséquences sont le chômage, la précarité de l'emploi, la pauvreté et l'exclusion de la population active particulièrement chez les jeunes

3 La recherche documentaire a été réalisée principalement dans les bases des données suivantes : Repère,

psy-info, social work abstract, et dans le catalogue Ariane. Les mots clés utilisés sont : soutien aux jeunes en difficulté, jeunes en difficulté, (avec spécificité type de document : mémoire, thèse, essai dans le catalogue /\riane) jeunes en difficulté, insertion sociale et professionnelle des jeunes au Québec, protection de lajeunesse au Québec. La lecture de certains ouvrages et la consultation de leurs bibliographies ont conduit à d'autres références pertinentes autour du sujet de recherche, permettant ainsi d'effectuer une large revue de la littérature sur la situation des jeunes de la population générale et particulièrement des jeunes suivis dans les services de protection.

La recherche documentaire a été aussi effectuée dans le moteur de recherche « google.ea ». Celle-ci concernait principalement la consultation des rapports d'activités du Centre jeunesse de Québec et ceux de l'Association des centres jeunesse du Québec.

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adultes dont l'âge est compris entre 16 et 35 ans. Cette situation conduit à l'allongement de la période entre l'école et la vie active dans le cycle de vie des personnes (Assogba, 1999). Cet allongement est justifié par d'importants changements sociaux-économiques. Au début des années 60, l'expansion des collèges et des universités a favorisé une hausse des inscriptions, prolongeant ainsi la durée de l'adolescence chez les jeunes et de leur dépendance à l'égard de leurs parents (Boyd et Norris, 1999). Une autre des raisons avancées par ces auteurs pour expliquer cet allongement de la jeunesse est que les jeunes vivent au domicile parental plus longtemps et, que cette situation les aide à faire d'autres transitions de l'adolescence à l'âge adulte (Boyd et Norris, 1999). En outre, les jeunes ont du mal à se trouver un emploi stable et vivent des transitions récurrentes de chômage, de parcours instables, etc. Ainsi, se décrit une nouvelle donne de l'accès à l'emploi des jeunes, particulièrement les moins qualifiés (Lefresne, 2003).

Entre 1997 et 2002, le taux d'emploi des jeunes québécois de 15-24 ans avait largement augmenté atteignant 57,2 % en 2002 (Vultur, 2003) pour finalement se stabiliser entre 2002 et 2005 (Statistique Canada, 2005). Ce taux d'emploi a grimpé en juillet 2008, atteignant 59,2 % pour les 15-24 ans comparativement à 63,4% pour l'ensemble de la population active (Statistique Canada, 2008). En ce qui concerne le taux de chômage des jeunes, il a évolué de manière cyclique avec des hausses et des régressions depuis 1976. Entre 1976 et 2002, le taux de chômage a chuté de 22,6 % pour atteindre 19,3 % en 1997 et suite à une croissance solide des emplois, il a atteint 13,5 % en 2002 (Vultur, 2003), puis a légèrement augmenté à partir de 2002 pour revenir à 13,5 en 2005 et rechuter en juillet 2008 à 11,0 % comparativement à 6,1 % sur l'ensemble de la population active (Statistique Canada, 2008).

Il est vrai qu'au Québec, l'insertion professionnelle des jeunes ne correspond plus à des trajectoires prédéterminées et uniformes d'emploi. Comme le décrit si bien Vultur (2003, p. 69):

Il s'agit plutôt d'une évolution progressive marquée par des étapes intermédiaires multiples : formation, emploi flexible, chômage de courte durée, stage, loisirs, etc. (...) les normes de reproduction traditionnelle par lesquelles les modalités d'intégration dans la société se transmettaient de génération en génération ont perdu aujourd'hui leur signification et les parcours professionnels des jeunes ne sont plus structurés par des régulations objectives et permanentes (Vultur, 2003, p. 69).

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Selon Blondin et coll. (2001), les jeunes sont fortement touchés par la montée du travail atypique. Au Québec, l'emploi atypique4 a connu d'importantes progressions; en 1995, il touchait 925 000 à 1 150 000 personnes soit 29 % à 36 % de l'emploi total (Matte et coll., 1998). Entre 1976 et 1995, le Québec a créé plus de 670 000 emplois dont 73,3% appartenaient à des formes dominantes d'emploi atypique, soit l'emploi autonome et l'emploi salarié à temps partiel ou encore l'emploi temporaire (Marte et coll., 1998). Il est estimé qu'en 2000, plus du tiers des travailleurs (40 % des femmes et 33 % des hommes) au Québec occupaient des emplois contractuels à durée déterminée, du travail autonome ou des emplois à temps partiel involontaire (Malenfant et coll., 2002). Selon le Conseil permanent de la jeunesse, la montée de l'emploi atypique observée chez les jeunes dans les années 1990 et la

précarité sur les conditions de vie des 15-24 ans contribuent à la diminution de leurs revenus, car ce type d'emploi est souvent associé à de faibles salaires, à peu d'avantages sociaux et à de l'instabilité sur la durée de l'emploi et sur le revenu (Blondin et coll., 2001). Il y a eu augmentation de 135 % de travail atypique constatée entre 1976 et 1995 et, en 1999 plus de 46 % des jeunes et 53 % des jeunes femmes occupaient un emploi atypique contre 33 % chez les 30 ans et plus. Ainsi, nombreux sont les jeunes adultes qui éprouvent de la difficulté à obtenir un emploi et à le conserver et la période de l'insertion professionnelle s'allonge en retardant le projet de vie des jeunes (Blondin et coll., 2001). Selon l'annuaire québécois des statistiques, les jeunes de 15-24 ans occupent près de la moitié des emplois à temps partiel et environ un sur trois est temporaire. Considérant un taux de chômage de 25 % chez les 15-24 ans, les statistiques sur le chômage des jeunes au Québec paraissent inquiétantes. En 2005, une baisse de -1,2 % sur l'emploi était notée pour ce groupe d'âge comparativement à une moyenne de 1,0 % pour l'ensemble de la population active (Martin, Fabel et coll., 2006). La tendance reste néanmoins nuancée en considérant le contexte volontaire ou non, dans lequel s'inscrit l'emploi atypique chez certains jeunes. Il est souvent associé à la notion de précarité, mais l'emploi atypique5 n'est pas synonyme de précarité bien qu'il s'accompagne plus souvent des traits essentiels à la précarité. Ainsi, le contexte ou les conditions dans lesquelles la personne fait le choix de son statut d'emploi apparaissent comme une dimension importante (Blondin et coll., 2001).

4 L'emploi atypique désigne ici tout ce qui ne relève pas d'un emploi salarié permanent et à temps plein. 5 L'emploi atypique désigne ici le travail à durée déterminée plutôt qu'indéterminée, l'emploi incertain ou à

accès limité, voire inexistant, aux avantages sociaux. Ainsi que la fréquence sur une faiblesse et l'irrégularité des revenus d'emploi. (Blondin et coll. 2001 ; p. 10)

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En effet, les nouvelles caractéristiques de l'emploi peuvent, dans certains cas, accommoder les travailleurs. Ainsi, les jeunes et notamment les femmes choisissent un emploi atypique afin de concilier le travail et les études, ou encore le travail et les obligations familiales (Blondin et coll., 2001). Pour Trottier (2000), le problème d'insertion sur le marché du travail est souvent défini en termes de stabilisation. L'accumulation de ce type de contrat à durée indéterminée peut néanmoins maintenir ces jeunes sur le marché du travail en mouvance en raison de la polyvalence d'expérience professionnelle qui leur est reconnue. Il propose ainsi de miser sur l'employabilité de l'individu, c'est-à-dire :

sa capacité d'éviter le chômage, de mettre en valeur ses capacités et sa polyvalence, soit en démontrant que ses compétences correspondent à celles qu'un employeur recherche, soit en créant son propre emploi. (Trottier, 2000, p.95).

En outre, les nouvelles façons d'intégrer le marché de l'emploi développé au début des années 60, dans le fait d'acquérir le savoir ont fortement modifié le cycle de trajectoire de vie des jeunes. Ainsi, la scolarisation reste la seule stratégie efficace pour obtenir un meilleur emploi (Blondin et coll., 2001). Bien que le simple fait de posséder un diplôme ne garantisse toujours pas un bon emploi (Blondin et coll., 2001), Rose (2000) et Trottier (2000) soulignent que cela diminue le risque de précarité. Selon les données de Statistique Canada de 2005, le taux de chômage des jeunes québécois de 15-24 ans détenteurs d'un diplôme post-secondaire était seulement de 8 %, comparativement à 12,3 % pour ceux ayant complété le secondaire et 20,3 % pour ceux ayant un secondaire partiel (statistique Canada, 2005). La plupart de ces jeunes de 15-24 ans, soit 58,1 % en 2000 occupaient un statut d'emploi « non régulier » ou « atypique6» (Vultur, 2003). Nombreux sont ceux qui occupent ce type d'emploi par choix en raison de leur fréquentation scolaire, de leurs préférences individuelles et d'autres raisons économiques (Vultur, 2003). En 2002, on comptait 51,7% de ce type d'emploi chez les jeunes comparativement à 14,6 % en 1976. Ces jeunes travaillent donc moins de 30 heures par

semaine et, la plupart d'entre eux concilient travail-études (Vultur, 2003). Cette expérience de travail acquise pendant les études favorise une meilleure insertion en emploi dès l'obtention du diplôme (Blondin et coll., 2001). Aussi, le statut d'étudiant donne accès aux différents soutiens qui protègent ces jeunes de la précarité. Ces jeunes attendent plus longtemps pour

6 L'emploi «non régulière ou «atypique» désigne un statut d'emploi qui n'est pas concerné par les modalités

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acquérir leur autonomie et se stabiliser en emploi, mais ils bénéficient de plusieurs types de soutien (familial, scolaire, divers programmes d'aide à l'insertion) (Vultur, 2003). Le support matériel et financier des parents et amis sont aussi présent pour la plupart de ces jeunes. De plus, ils peuvent bénéficier de prêts et bourses (Gauthier et coll., 1999). Nombreux sont ceux qui quittent le domicile des parents entre l'âge de 20-24 ans, pendant que les études s'allongent de plus en plus. Dans les premières années de leur vie autonome, leur situation financière ne leur permet toujours pas d'être autonomes (Molgat et Charbonneau, 2003). Ainsi, les parents n'hésitent pas, la plupart du temps, à apporter leur soutien, de sorte que les projets traditionnellement associés au passage à la vie autonome se trouvent retardés, bien qu'ils finissent pour la plupart par intégrer pleinement le marché du travail (Rose, 2000 ; Vultur, 2003) après un cumul d'expériences professionnelles et l'obtention d'un diplôme (Blondin et coll., 2001). Les relations amicales se présentent aussi comme source de soutien. La colocation aide certains jeunes à réduire les dépenses (Molgat et Charbonneau, 2003) et les protège de la précarité. Enfin, la plupart des jeunes adultes parviennent à échapper à la précarité parce qu'ils retournent aux études tout en bénéficiant des différents avantages qui leur sont destinés. En plus de leur insertion progressive sur le marché du travail et de divers soutiens dont ils sont les principaux bénéficiaires.

2.1.2. Une génération vulnérable ?

Selon Gauthier (2003), « les effets de la restructuration du marché du travail et l'éclatement de la famille, (...) depuis le milieu des années 1970, ont laissé planer (...) l'image d'une jeunesse victime (...) [Les méfaits des toxicomanies (...) la vie dans la rue],... qu'il faut absolument protéger contre elle-même renvoie à une image de jeunesse vulnérable.» (p. 13). Cette image de vulnérabilité décrite par Gauthier (2003) est de moins en moins adoptée par les chercheurs et plusieurs prennent des positions plutôt nuancées et refusent de considérer toute lajeunesse comme un groupe vulnérable (Gauthier, 2003 ; Parazelli, 2003 ; Malenfant et coll., 2002 ; Trottier, 2000; Rose, 2000).

Pour sa part, Rose (2000) identifie plusieurs problèmes théoriques et méthodologiques liés à l'interprétation des données utilisées pour la description de la situation des jeunes de 18-30 ans face au marché du travail. Il souligne la nécessité de pouvoir combiner les indicateurs d'ampleur, de risque, de durée et de sélectivité du chômage pour mieux comprendre la 15

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spécificité de la situation des jeunes (Rose, 2000). Considérant une plus grande proportion de chômage chez les jeunes, ils y demeurent néanmoins moins longtemps que la moyenne (8,5 mois contre 15 mois) par rapport à la population générale. Par conséquenL les jeunes sont plus favorables à l'employabilité, ils sont les premiers licenciés, mais aussi les premiers embauchés (Rose, 2000). Le chômage des jeunes se présente avant tout comme un problème de stabilisation dans l'emploi, car les jeunes ont moins de difficultés d'insertion que de stabilisation (Rose, 2000).

Hormis le fait que la majorité des jeunes échappent à la précarité professionnelle, les prévisions des économistes projettent des situations dont chaque génération tire des avantages et des inconvénients :

le Québec connaîtra (...) une croissance économique qui devrait assurer une création d'emploi de 1,7 % par année, (...). Ce rythme de création d'emploi, conjugué à une désaffectation importante (...) du marché du travail, pourrait se traduire par une diminution importante de taux de chômage des jeunes (...). L'accélération du progrès technique aura également des effets positifs sur l'insertion des jeunes en emploi. Ce phénomène tendra à diminuer les emplois anciens, augmentant ainsi le chômage des adultes, et favoriser la création d'emplois nouveaux qui visent notamment le segment de la population jeune. (Vultur, 2003, p. 69).

Vultur (2003) soutient que malgré le taux élevé de chômage des 15-24 ans, l'ampleur de l'écart avec celui des 24 ans et plus doit être relativisée :

si nous analysons l'évolution de cet écart à l'aide de l'indicateur relatif au taux de chômage [...], nous pouvons constater que, depuis 1976, la situation relative de l'emploi des jeunes s'est, en quelque sorte, améliorée (Vultur, 2003, p. 61).

Dans une perspective plus large, les statistiques sur l'emploi des jeunes au Québec ne font aucunement référence à une insertion professionnelle particulièrement problématique. Selon le classement sur les taux d'activité de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économique, 2008), les jeunes québécois occupent une position enviable comparativement à leurs pairs français. Houzel (2004) soutient que malgré les efforts financiers déployés par l'État français sur le plan national, le taux de chômage des jeunes en

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France reste le double, soit 11,8% en moyenne, par rapport à l'ensemble des pays de l'OCDE (Houzel, 2004).

2.1.3. Les jeunes qui vivent dans des conditions précaires

À l'inverse se situent les jeunes qui vivent dans des conditions de précarité. La littérature consultée permet de soutenir qu'une certaine catégorie de jeunes est plus susceptible que d'autres de se trouver dans des conditions de précarité à l'âge adulte. Aussi, est-il important de considérer les origines sociales qui, selon les écrits, jouent un rôle important dans cette précarité. Pépin (2000), propose une vision structurale du marché de travail qui contraint les jeunes adultes à s'insérer autrement.

(Il) se pourrait fort bien que, d'ici quelques décennies, ceux qui tiennent à un emploi permanent, à temps plein, lié à leur formation et à progression linéaire soient considérés comme des inadaptés, (...) des déficitaires de l'insertion. (Pépin, 2000, p. 246)

Dans ce contexte, la précarité qui est définie en fonction des normes établies par le simple fait d'occuper un emploi (Rose, 2000), doit être repensée. Trottier (2000), stipule que l'on peut évoquer la précarité dans le seul cas où la désaffiliation et l'exclusion sociale menacent les jeunes en favorisant des itinéraires chaotiques et les conduisent dans une succession de petits

boulots et de périodes de chômage longues et récurrentes (Trottier, 2000). Aussi, les origines ethniques du jeune ont une influence importante, même à diplôme équivalent et avec une profession du père comparable (Lopez et Thomas 2006). Ces jeunes, même s'ils forment un groupe diversifié, ils présentent des caractéristiques communes qui sont la sous scolarisation (Vultur, 2005 ; Trottier, 2000).

Lopez et Thomas (2006) considèrent que l'appartenance socioprofessionnelle du père a une influence sur la scolarisation et par conséquent sur l'insertion professionnelle des jeunes. Leur étude montre que les jeunes issus de la classe ouvrière ont plus de difficultés d'insertion en emploi que ceux issus de famille de cadres ou de professions intermédiaires. Ces contraintes ont tendance à s'accumuler chez les jeunes issus de familles ouvrières, car ils y sont plus exposés que leurs pairs issus de familles d'agriculteur, d'artisan, de commerçant, de cadre, d'employé ou de professionnel intermédiaire (Lopez et Thomas 2006).

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En plus des difficultés dans la dynamique familiale du jeune, les difficultés professionnelles des parents, la séparation, les problèmes de santé vécus dans la famille ou la séparation d'un enfant de son milieu naturel constituent des éléments contributoires d'une précarité persistante. La majorité de ces jeunes présentent un parcours familial marqué par les relations parentales conflictuelles ou autoritaires, de l'incohérence dans les relations avec les parents, les discordes, l'abandon ou la séparation des parents (Vultur, 2005). En outre, l'absence du père est une des constantes dans les trajectoires familiales de ces jeunes et nombreux sont ceux qui finissent par abandonner l'école avant l'obtention d'un diplôme d'études secondaire en plus des difficultés qu'ils éprouvent à se maintenir en emploi beaucoup plus stable (Vultur, 2005). Dans ses études, Vultur (2005) remarque que dans le lot de jeunes qui participent aux divers programmes d'insertion en emploi, 25 % ne parviennent toujours pas à concrétiser leur projet professionnel et à intégrer le marché du travail de manière stable, même après avoir complété plusieurs stages (Vultur, 2005). Il désigne cette catégorie déjeunes comme étant les jeunes désengagés (Vultur, 2005). Par ailleurs, ces jeunes ont presque deux fois plus de risque de vivre de longues périodes de chômage dans les 5 années suivant l'obtention d'un diplôme (Lopez et Thomas 2006).

Face à toutes ces difficultés, dont les conséquences collectives et individuelles sont loin d'être totalement identifiées, les pouvoirs publics interviennent de plus en plus ; ils engagent des dépenses dans le domaine de la formation professionnelle et de l'éducation, de l'emploi et de la lutte contre l'exclusion. Ainsi, les jeunes sont devenus un groupe cible des politiques publiques et leur insertion professionnelle un enjeu socio-économique majeur (Lefresne, 2003).

2.2. L'INTERVENTION DES POUVOIRS PUBLICS FACE À L'INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE DES JEUNES

Pendant longtemps, la catégorie « jeunes » fut identifiée, dans les statistiques, à la tranche d'âge des 15-24 ans. Celle-ci se subdivisait en deux groupes, dont les 15-19 ans appelés teenagers et les 20-24 ans, appelés jeunes adultes (Lefresne, 2003). Le prolongement des études initiales et les difficultés de stabilité dans l'emploi, les deux combinés, ont déplacé graduellement les limites du parcours d'insertion, conduisant ainsi les enquêtes statistiques à retenir la tranche des 15-29 ans pour décrire les jeunes. Cependant, les groupes d'âge

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officiellement concernés par les dispositifs d'insertion mis en place par les pouvoirs publics varient sensiblement d'un pays à l'autre, voire d'une province à l'autre.

Au Royaume-Uni, par exemple, le principal dispositif d'insertion est appliqué pour les jeunes de 16-17 ans compte tenu de leur entrée précoce sur le marché du travail. En Italie, l'un des principaux programmes d'insertion s'adresse aux jeunes jusqu'à l'âge de 32 ans, car l'accès au marché du travail est en moyenne beaucoup plus tardif. En ce qui concerne la France, en 1982, la mise en place d'un programme d'insertion sociale et professionnelle des jeunes de 16-18 ans sans qualification a notablement transformé le dispositif antérieur en articulant plus étroitement l'économique et le social, et en mettant en place de nouvelles instances intermédiaires telles que les missions locales pour l'emploi des jeunes (Labbé et Abhervé, 2005). Il existe, au Québec, tout un réseau d'organisations publiques et parapubliques concernées par les dispositifs d'insertion socioprofessionnelle des jeunes de 16-24 ans. On y retrouve entre autres les services d'insertion professionnelle du réseau des centres local d'emploi, les services communautaires tels que les organismes d'aide à l'emploi et à l'insertion résidentielle des jeunes considérés à risque d'exclusion ou en situation d'exclusion, les services d'insertion socioprofessionnelle des jeunes dans le secteur de l'éducation des adultes et les services d'insertion socioprofessionnelle des jeunes dans les services de protection de l'enfance.

2.3. L'INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE DES JEUNES DANS LES SERVICES DE PROTECTION DE L'ENFANCE

2.3.1. Études sur les jeunes placés en milieu substitut

Aux États-Unis, les recherches sur les jeunes qui sortent des services de placement remontent aux années 1924, suite à une étude réalisée par Theis (Festinger, 1983 ; Barth, 1986 ; cité dans Nadeau, 2000). L'auteur a interviewé 500 jeunes de 18 ans et plus ainsi que leurs parents d'accueil. Les résultats de l'étude indiquent que 75 % des jeunes interviewés avaient la capacité d'auto gérance, en plus de se montrer respectueux des lois et des normes de leur milieu de vie. En 1939, Baylor et Monachesi ont étudié le cas de 500 jeunes âgés de 5 à 29 ans. Plus de 73 % de jeunes âgés de 21 ans et plus au moment de l'étude présentaient un comportement adéquat, c'est-à-dire une bonne conduite de vie, selon les auteurs. Cette même étude stipule que plus de 70 % de ces jeunes vivaient dans un environnement jugé favorable 19

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qui, dans l'ensemble, leur évitait les conditions et les facteurs susceptibles de leur causer du tort.

L'étude de Reid (2007), stipule que la transition entre les services de prise en charge et l'âge adulte est difficile pour beaucoup de jeunes. La situation est encore plus difficile pour les jeunes qui font la transition à l'âge adulte sans le soutien de la famille et des amis. Selon Goyette (2006), en plus des difficultés d'ordre structurel rencontrées par les jeunes en général, ceux qui quittent un milieu substitut à leur majorité sont particulièrement vulnérables aux difficultés d'insertion sociale et professionnelle. Les difficultés psychosociales et de santé, et le manque d'appui dans la préparation aux conditions indépendantes de vie et d'emploi ne permettent pas à ces jeunes de vivre facilement une transition réussie. Beaucoup de ces jeunes se retrouvent dans une situation de dépendance face aux services publics. Ainsi, l'analyse documentaire effectuée par Goyette (2006) démontre la précarité économique de ces jeunes. Il ressort de celle-ci qu'un jeune sur dix qui quitte le service de placement à l'âge de 18 ans, atteint l'autonomie financière à 21 ans, et que moins de 20% des jeunes constituant l'échantillon pouvaient vivre sans soutien (Meech et Fung, 1998, cité dans Goyette 2006).

Les jeunes suivis en protection de la jeunesse présentent des points en commun avec leurs pairs de la population générale qui sont décrits comme « jeunes désengagés » (Vultur, 2005) et identifiés comme « les individus à risque de précarité persistante » (Lopez et Thomas, 2006). La plupart des jeunes suivis dans les centres jeunesse pour motif de protection se caractérisent par un parcours familial et relationnel conflictuel, par l'absence d'un des parents, par le décrochage scolaire, ainsi que par les difficultés à trouver un emploi et le maintenir à l'âge adulte (Pauzé et coll., 2004). Le manque d'appui au moment de la transition à la vie autonome, caractéristique de la situation de ces jeunes, est d'ordre matériel, mais également relationnel. Selon les propos des intervenants jeunesse, honnis le soutien matériel, la plupart déjeunes qui quittent un milieu substitut ont un réseau social limité ou inadéquat. C'est ce qui rend difficile leur transition vers le monde adulte, notamment parce qu'ils se sentent isolés (Goyette, 2006).

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2.3.2. Les difficultés personnelles vécues par les jeunes placés en protection

Le groupe de recherche sur les inadaptations sociales de l'enfance (GRISE, 2004) a dressé le portrait et le parcours des jeunes pris en charge par les centres jeunesse du Québec. Cette étude portant sur 144 jeunes8 devenus adultes, a permis de démontrer que les jeunes pris en charge par les centres jeunesse en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse présentaient des portraits cliniques plus sévères que les jeunes contrevenants au moment de leur entrée dans les services (Pauzé et coll., 2004). Les données montrent que bon nombre de ces jeunes vivent encore au domicile parental et la plupart ont conservé une bonne relation avec leurs parents. En revanche, une fois adulte, ces jeunes ont pour la plupart quitté l'école et seulement la moitié d'entre eux sont en emploi. Ces jeunes ont accès à un revenu modeste, plus de 50 % possèdent un revenu de moins de 12 000 $ par année, alors que 86 à 93 % vivent avec un revenu inférieur à 20 000 $ (Pauzé et coll., 2004). Aussi, selon l'étude, un jeune sur quatre est prestataire d'une assurance emploi ou de prestation d'aide sociale, ce qui traduit une situation socioprofessionnelle relativement précaire. Sous un angle plutôt pragmatique, Pauzé et coll. (2004), constatent que les jeunes adultes ayant quitté le réseau des services d'accueil demeurent des sujets avec des difficultés importantes d'adaptation. Leur étude révèle qu'un jeune sur quatre présente des troubles dépressifs et, jusqu'à 35 % de ces jeunes présentent des problèmes d'abus ou de dépendance à l'alcool et jusqu'à 44 % des problèmes d'abus ou de dépendance aux drogues. Il s'agit de taux très inquiétants. De plus, les auteurs notent un niveau de détresse très préoccupant chez les jeunes ayant reçu des services dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse. Près d'un jeune sur cinq avait déjà eu une pensée suicidaire et parmi eux 50 % avaient planifié un moyen pour mettre fin à leurs jours et la moitié d'entre eux ont même tenté de se suicider (Pauzé et coll., 2004).

En 2008, l'ACJQ a dénombré 62,8 % de jeunes9 pris en charge dans les différents centres jeunesse du Québec pour motif de la négligence et 9,9 % pour les problèmes de comportement. Dans ses études le GRISE (2004) démontrait qu'un parent sur trois, soit 32 % des parents interrogés identifiaient les difficultés relationnelles avec leur adolescent et 37,3 % des jeunes admettaient des difficultés dans les relations avec leur mère et 44,5 % avec leur père (Pauzé et coll., 2004b). Au moment de l'enquête, 61 %, des jeunes avaient déjà vécu au

Une étude réalisée de 1998 à 2004. L'étude a regroupé 144 jeunes dont la moyenne d'âge est 19 ans.

1 II s'agit des jeunes qui ont bénéficiés de mesures de protection ordonnées jusqu'à l'âge de 18 ans.

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moins un placement en ressource d'accueil ce qui, selon les auteurs, témoigne de difficultés répétitives de ces jeunes dans leur parcours de vie, parcours souvent marqué par l'éclatement familial (Pauzé et coll., 2004). Seulement 20,7 % des familles des jeunes interrogés sont intactes, alors que 25,1 % sont recomposées et 53,2 % sont monoparentales depuis 73,6 mois en moyenne (Pauzé et coll., 2004). Seulement 52,6 % des répondants principaux de ces jeunes occupaient un emploi rémunéré, alors que 31,5 % vivaient de prestations d'aide sociale depuis près de huit ans en moyenne. Or, 42,9 % des familles vivaient d'un revenu annuel de moins de 20 000 $ et une bonne partie des familles vivaient dans un état de pauvreté relative. En outre, 28,5 % des parents n'avaient pas complété leur diplôme d'études secondaires, seulement 11,5 % d'entre eux avaient entrepris ou réussi des études universitaires (Pauzé et coll., 2004b). En plus, Pauzé et coll. (2004) ont identifié différents problèmes personnels vécus par ces jeunes. L'étude rapporte que 27,0 % de jeunes présentaient des problèmes de consommation abusive de drogues ou d'alcool et 27,7 % des troubles de comportement (intériorisés ou extériorisés), 26,2 % avaient un retard scolaire et 17,5 % reconnaissaient avoir été abusés sexuellement (Pauzé et coll., 2004b).

Ces différents constats conduisent à une réflexion en faveur de la mise en place de services ciblés et concertés pour ces jeunes lors qu'ils atteignent l'âge de la majorité. Ainsi, plusieurs auteurs pensent que ces.services devraient être en continuité avec ceux offerts par les centres jeunesse. À cet effet, le comité provincial sur le continuum de services spécialisés destinés aux enfants et aux jeunes et à leur famille recommandait une mise en place des stratégies de relais entre les réseaux, de faciliter l'adaptation et de prévenir les pannes de services et de faciliter la transition vers la vie adulte autonome des jeunes âgés de 16 à 19 ans. Dans cette même perspective, les recommandations du Groupe de travail sur la politique de placement en famille d'accueil (2000), décrit plus hauL faisait des recommandations qui consistent entre autres à établir un processus de formation professionnelle pour les jeunes de 16 ans et plus placés en centre d'accueil, etc. (Biais, Cloutier et coll., 2000).

Au Québec, divers programmes ont été développés pour les jeunes de 16-18 ans qui sont placés à l'extérieur de leur milieu familial en vertu de la Loi sur la protection de lajeunesse. Il s'agit, entre autres, du programme de qualification des jeunes (PQJ), des services de pré

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employabilité à guichet unique10 et du programme autonomie. Initiés en 2002 par les centres jeunesse du Québec en partenariat avec différents organismes, ces programmes visent la clientèle plus à risque de connaître l'exclusion professionnelle. Ainsi, le programme qualification des jeunes fait suite au Sommet du Québec et de la jeunesse qui plaçait la qualification des jeunes au centre d'un vaste plan d'action pour venir en aide aux jeunes en difficulté. Implanté entre 2002 et 2005 dans quatre régions du Québec (soit Abitibi-Témiscaminque, Outaouais, Laval et Montréal) à titre de projet pilote (pour ensuite s'étendre dans l'ensemble des centres jeunesse du Québec), ce programme vise à soutenir la fin de la prise en charge des jeunes et cible ceux qui sont plus à risque de connaître dé difficultés par rapport à l'insertion socioprofessionnelle (ACJQ ; Goyette, 2006). Le projet qualification des jeunes comporte deux volets principaux : la formation au plan social et professionnel et, la mise en place d'un dispositif d'intervention alliant les différentes ressources du milieu susceptibles de concourir à l'insertion socioprofessionnelle des jeunes à leur sortie des centres jeunesse (Goyotte, Morin, Etienne, 2005). Entre 2002 et 2005, 80 jeunes de quatre différentes régions du Québec ont bénéficié, dans le cadre de ce programme, d'un suivi leur permettant d'être accompagnés dans la transition vers l'âge adulte. Ce suivi visait à préparer ces jeunes dans leur processus de transition et à leur donner un appui dans les secteurs principaux de leur vie : éducation, logement, emploi, qualifications professionnelles.

Le service de préemployabilité fut mis en place en 2002 par la direction de la réadaptation11 pour les jeunes (filles et garçons) de 16-17 ans qui connaissent des difficultés scolaires importantes. Il vise à mieux les outiller pour un moyen autre que l'école tout en répondant à leurs besoins de réadaptation. Axé sur le développement de la confiance en soi, de l'estime de soi et des compétences à travers de petites réalisations, ce programme offre à ces jeunes un milieu d'apprentissage de travail adéquat. Ces jeunes bénéficient d'un accompagnement régulier, assuré par des éducateurs expérimentés qui utilisent comme approche la thérapie de la réalité12 avec un langage positif et des attitudes sans jugement (McClish, 2004). Ce

10 Le guichet unique consiste à centraliser toutes les demandes à un programme d'emploi et à orienter les jeunes,

dont les caractéristiques correspondent au programme, vers le programme de préemployabilité ou vers un des programmes des organismes partenaires (Gestion jeunesse ou entreprise dimension). (McClish, 2004).

" La direction de réadaptation des centres jeunesse dispense des services d'hébergement de réadaptation pour les adolescents de 12- 17 ans placés.

12

Cette thérapie exploite les forces du jeune en plus du système d'auto évaluation quotidienne et hebdomadaire en étroite collaboration avec les personnes autorisées et les familles (McClish, 2004).

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programme, met de l'avant la possibilité de développer des habiletés sociales par des actions concrètes afin de favoriser la réadaptation de ces jeunes (McClish, 2004).

Le programme autonomie13 est né de la volonté de mieux répondre aux besoins des jeunes placés en milieu substitut. Ce programme s'appuie sur les recommandations de l'équipe de travail qui a analysé les politiques de placement en ressource de type familial (Biais, Cloutier et collaborateurs, 2000). Ce rapport recommandait entre autres qu'« en collaboration avec les familles d'accueil, le Centre jeunesse met en branle un processus de formation pratique en vue de la vie autonome et évalue de façon systématique ses progrès (...) pour chaque jeune de 16 ans placé (...) de façon à favoriser la réussite de la transition vers la vie adulte » (p. 53-55). Pour se faire, le programme autonomie s'est doté d'objectifs qui consistent entre autres à :

favoriser la transition à la vie adulte des jeunes dont l'orientation après le placement est la vie autonome ;

offrir au jeune une intervention spécifique et spécialisée dans son processus du développement d'autonomie ;

fournir un suivi et l'accompagnement dans les démarches à effectuer ; développer un réseau d'entraide et briser l'isolement,... (Marcotte, 2008).

Pour atteindre ces objectifs et mieux orienter le jeune dans ses démarches, des ateliers de groupe (entre dix et douze jeunes) sont organisés en raison d'une dizaine de rencontres à deux semaines d'intervalles, dans le but de permettre au jeune d'entreprendre ses démarches personnelles. Les rencontres se focalisent sur la diffusion d'information, la mise en situation sur un fait concret, les jeux de rôle, le témoignage et la discussion. Le programme permet de former deux groupes de jeunes durant l'année. Le contenu des rencontres s'oriente sur les habilités du jeune à passer de son état d'adolescence à celui d'adulte (18 ans... liberté-responsabilités). L'obtention des papiers officiels, comment gérer son budget, la recherche d'un appartement et la signature d'un bail et les ateliers de cuisine sont autant d'éléments qui constituent le contenu des ateliers en plus des règles de rédaction d'un cv, l'organisation de la recherche d'un emploi, l'entrevue et les normes du travail qui sont faits en collaboration avec

13 Programme autonomie est offert aux jeunes placés en famille d'accueil et dont le milieu de vie après le

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Gestion Jeunesse14. Lors du souper de clôture, une pochette d'information relative aux sujets traités est remise au jeune. Dans certains cas, un suivi individuel se révèle mieux adapté. Ce suivi est axé sur l'autonomie du jeune. En collaboration avec les intervenants impliqués, le suivi proposé peut prendre différentes formes selon les besoins du jeune. L'accompagnement dans les différentes démarches pour l'obtention des documents officiels, la recherche d'appartement et lors de la signature du premier bail, l'accompagnement lors de la première épicerie, le support et le suivi dans l'établissement d'un budget, l'accompagnement pour demande d'aide sociale, l'inscription scolaire, etc. S'il en exprime le désir, un accompagnement au-delà de l'âge adulte est offert au jeune.

L'ensemble des écrits recensés permet d'affirmer que les jeunes pris en charge par les services de protection de lajeunesse rencontrent des difficultés d'insertion sociale dans leur parcours vers la vie adulte autonome. Pour contrer ces difficultés, divers programmes à leur intention ont été mis en place pour les aider.

14 Partenaire du centre jeunesse, organisme à but non lucratif qui œuvre auprès des jeunes en difficulté. Gestion

jeunesse a pour mission de développer l'employabilité et l'intégration en emploi des jeunes de 16-18 ans décrocheurs scolaires.

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À l'instar de Nadeau (2000) et Goyette (2006), les perspectives analytiques de cette recherche sont élaborées à partir des travaux de Galland (2000). Cet auteur oriente ses analyses selon les différentes étapes qui marquent le passage de l'adolescence au monde adulte autonome. Pour lui, les trois moments majeurs qui contribuent à cette insertion sont : (1) l'accès à l'emploi, (2) l'accès au logement et (3) le mode de relation. C'est dans le souci d'une meilleure compréhension des changements constatés chez les jeunes durant les années 90 que l'auteur utilise ces éléments de transition. Il cherche ainsi à montrer que les différentes étapes de transition qui marquent le passage de l'adolescence à la vie adulte sont importantes et réciproques, et dépendent de l'appartenance sociale et du milieu de vie du jeune. Ce modèle a d'ailleurs orienté bon nombre de recherches faites dans ce domaine. Molgat et Charbonneau (2003) avancent que :

L'adolescence est imprégnée d'un désir d'investir les relations avec les pairs (...), la période du passage à la vie adulte implique, quant à elle, une redéfinition de ces relations qui suit le rythme des événements du parcours biographique : fin des études (...), insertion dans le marché du travail, départ du foyer parental, mise en couple, etc. Bien que ces événements se déroulent aujourd'hui selon des schémas multiples, impliquant souvent des retours, (...) ils inscrivent les relations des jeunes dans des contextes particuliers (Molgat et Charbonneau, 2003, p. 73)

Pour les jeunes suivis dans les centres jeunesse, ce processus d'accès au monde adulte est complexe et exige un soutien particulier considérant leurs difficultés personnelles, scolaires et familiales (Goyette, 2006). La présente étude a donc retenu ces trois dimensions d'analyse développées par Galland (2000) pour comprendre les différents changements qui s'opèrent dans la vie du jeune. Elles représentent trois importantes étapes dans le processus transitoire du jeune vers la vie adulte : l'accès à l'emploi, au logement et le mode de relation entretenue par le jeune.

3.1. L'ACCÈS À L'EMPLOI

Selon les critères de l'organisation internationale de travail (OIT, 2002 dans Houzel, 2004), le taux de chômage des jeunes français était estimé à 20,2% en 2002. Selon le texte de Goyette et Turcotte (2004), les jeunes suivis dans les réseaux de ressources d'accueil ont de la difficulté à s'insérer dans le monde du travail et à maintenir leur emploi (Courtney et coll., 2001, cité dans Turcotte, 2008). La plupart d'entre eux vivent près ou en deçà du seuil de la 27

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pauvreté dans les premiers mois suivant leur retour dans la communauté et sont amenés à solliciter différentes formes d'assistance sociale. En effet, il n'est pas surprenant que ces jeunes se tournent vers l'aide sociale, considérant la rapidité avec laquelle ils doivent se prendre en charge malgré le manque relatif de soutien financier et affectif de leur milieu d'origine (Courtney et coll., 2001, cité dans Turcotte, 2008). Ainsi, la rupture des liens tissés avec les intervenants des centres jeunesse peut être très déstabilisante pour les jeunes.

En outre, on assiste de plus en plus à l'allongement de la période école-vie active. L'accès à l'emploi, qui était instantané dès la fin de la scolarité obligatoire, est actuellement incertain, la transition école-emploi s'est donc allongée dans le cycle de vie des individus (Galland, 2000). Dans le cas des jeunes suivis en protection de lajeunesse, l'accès à l'emploi paraît encore plus difficile. Pour pouvoir les aider dans ce processus, différents programmes, dont le programme qualification des jeunes, programme autonomie et les services de préemployabilité pour les jeunes aux prises avec des difficultés particulières d'adaptation, ont été développés.

3.2. L'ACCÈS AU LOGEMENT

Parmi les exigences de la vie autonome, l'aspect du logement constitue un élément important pour l'affirmation des capacités à l'autosuffisance. Selon Raychaba (1988), les jeunes qui quittent le réseau de soins d'accueil à l'approche de la majorité sont susceptibles de connaître des épisodes d'itinérance. À cet effet, les travaux révèlent que les jeunes sans abri sont nombreux à avoir vécu un placement en ressource d'accueil (Raychaba, 1988). Ces jeunes qui connaissent des situations difficiles et souvent problématiques risquent d'avoir du mal à assumer les responsabilités qui découlent de l'établissement dans un lieu de résidence stable (Raychaba, 1988). En effet, accéder à un logement indépendant constitue, de la part des jeunes, une étape importante pour l'affirmation de leur autonomie. Cette autonomie est perçue comme « le signe d'une identité acquise à l'égard des parents » (Galland, 2000 : 20). Pour la plupart des jeunes, la cohabitation reste le meilleur moyen pour assumer et réduire les dépenses liées au logement, en plus de protéger contre la précarité (Molgat et Charbonneau, 2003). Selon une étude de Houzel (2004), l'âge médian pour le premier départ est 20 ans et demi pour les filles

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