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Quand _Refus global_ devient "Refus global" : l'histoire d'une réception partielle

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Université de Montréal

Quand Refus global devient « Refus global » : lřhistoire dřune réception partielle

par Sophie Dubois

Département des littératures de langue française Faculté des arts et des sciences

Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales en vue de lřobtention du grade de doctorat

en littératures de langue française

Août 2014

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Université de Montréal

Faculté des études supérieures et postdoctorales

Cette thèse intitulée:

Quand Refus global devient « Refus global » : lřhistoire dřune réception partielle

présentée par: Sophie Dubois

A été évaluée par un jury composé des personnes suivantes :

Martine-Emmanuelle Lapointe, président-rapporteur . Micheline Cambron, directrice de recherche

Johanne Laoureux, membre du jury Anne Caumartin, examinatrice externe Ollivier Hubert, représentant du doyen

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Résumé et mots clés en français

Refus global, le recueil, nřest pas « Refus global », le texte rédigé par Paul-Émile Borduas et cosigné par 15 membres du groupe automatiste. Partant de cette distinction entre le recueil automatiste et son texte éponyme et du constat selon lequel la partie éclipse le tout dans le discours critique, cette thèse a pour objectif dřexpliquer lřoccultation du recueil dans lřhistoire sociale et artistique québécoise. À partir de lřétude de la réception de 1948 à 2008, jřinterroge la constitution du récit commun entourant lřœuvre, duquel le recueil est exclu. Il sřagit donc de mettre au jour les obstacles qui se sont présentés dans le parcours de réception du recueil, nuisant à la formation dřun discours unifié et cohérent à son sujet et lřempêchant de sřinscrire dans lřhistoire.

Dégagés de lřétude du corpus composé de 639 objets sémiotiques secondaires (OSS, selon le concept proposé par Brigitte Louichon), les obstacles à la réception du recueil relèvent à la fois de facteurs pragmatiques, telles la composition hétérogène de lřœuvre ou sa disponibilité; de facteurs institutionnels ou historiographiques, comme la disciplinarisation du champ culturel ou lřimpact du récit de la Révolution tranquille sur lřhistoire littéraire; et de facteurs humains, reposant sur le rôle des auteurs et de certains critiques dans lřaccueil réservé à lřœuvre. Les différentes étapes de la réception sont ainsi considérées : de lřhorizon d’attente (Jauss) à la réception productive (Link), en passant par la publication, les premières critiques, les rééditions, les lectures savantes, lřhistoricisation et lřentrée de lřœuvre dans la mémoire à titre de symbole ou dřhypotexte. Or, plutôt quřà ce parcours de réception exemplaire, cřest son envers qui est interrogé ici, cřest-à-dire les difficultés et les déviations de la réception du recueil Refus global.

Cette thèse est divisée en trois parties. La première, théorique et méthodologique, situe mon propos dans les domaines de lřhistoire culturelle et des études de réception, et présente diverses considérations concernant la constitution du corpus et le traitement des données. La deuxième aborde lřhorizon dřattente et la première réception, moment crucial pour la survie de lřœuvre, comme lřont montré Hans Robert Jauss et Daniel Chartier. On y observe notamment lřeffet de verrou (Cambron) quřa le renvoi de Borduas sur la constitution du récit de réception, de même que les critères éthiques et esthétiques en fonction desquels sřest opérée la hiérarchisation des composantes du recueil. La troisième partie couvre la réception subséquente (1950-2008). À

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lřétude des obstacles empêchant lřintégration du recueil dans lřhistoire sřajoute alors lřétude des réceptions parallèles, parcellaires et autonomes dont a bénéficié Refus global pour survivre Ŕ ponctuellement et partiellement Ŕ en dehors du récit commun formé autour de « Refus global ». Avec les différentes catégories dřOSS (directs, indirects, hypertextuels, métacritiques et parcellaires), ces trois types de réception font partie des outils heuristiques développés dans le but dřexpliquer la réception partielle dont a fait lřobjet le recueil. Selon lřapproche quantitative et environnementaliste de lřhistoire culturelle, Refus global est envisagé comme un microcosme de la culture, dans lequel certaines œuvres sont retenues et dřautres négligées. Lřanalyse dřun corpus critique large et varié permet ainsi de saisir non seulement les phénomènes conduisant à la consécration du texte éponyme ou à lřoubli relatif du recueil, mais aussi les tendances critiques, les parutions marginales, les critiques isolées, etc. qui, enfouies dans les angles morts de la réception, offrent au recueil et à ses composantes des voies de contournement du discours dominant.

En somme, lřétude de la réception du recueil Refus global a permis à la fois de déplacer la focalisation critique depuis « Refus global » vers Refus global, de développer des outils pour envisager la réception dřœuvres marginalisées et de mettre en évidence des critères privilégiés dans la constitution de lřhistoire et de la mémoire culturelles québécoises depuis 1948.

Mots clés : Refus global, réception critique, réception partielle, récit commun, histoire culturelle, recueil, objets sémiotiques secondaires.

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Résumé et mots clés en anglais

Total Refusal, the pamphlet, is not "Total Refusal", the text written by Paul-Émile Borduas and co-signed by 15 members of the group of artists called the Automatists. Based on this distinction between the pamphlet and its eponymous text, and from the observation that the part eclipses the whole in the critical discourse about this work, this thesis aims to explain the occultation of the pamphlet in Quebecřs social and artistic history. From the study of the reception from 1948 to 2008, I question the construction of the common narrative surrounding the work, from which the pamphlet is excluded. In this regard, I uncover which obstacles impeded the pamphletřs path of reception, preventing the constitution of a unified and coherent discourse, and limiting its place in history.

These obstacles, identified from a corpus that includes 639 secondary semiotic objects (« objets sémiotiques secondaires » (OSS), as proposed by Brigitte Louichon), derive from (1) pragmatic factors such as the heterogeneous composition of the work or its availability; (2) institutional or historiographical factors, such as the disciplinarisation of the cultural field and the influence of the Quiet Revolutionřs narrative on the literary history; and (3) human factors, based on the role of writers and critics in the reception of the work. The different stages of the reception are thus considered: from the horizon of expectation (Jauss) to the productive reception (Link), through the publication, the first reviews, the reeditions, the academic lectures, the historicization and the entry of the work in the collective memory as a symbol or an hypotext. However, rather than this classic path of reception, I am concerned with its opposite side, that is, the difficulties and deviations of the reception of Total Refusal pamphlet.

This thesis is divided in three parts. The first part, theoretical and methodological, positions my argumentation in the fields of cultural history and reception studies, and presents various considerations about the formation of the corpus and the processing of the data. The second part is concerned with the horizon of expectations and the first reception. Such is a critical time for the survival of the work, as showed by Hans Robert Jauss and Daniel Chartier. Notably presented are the lock effect (Cambron) of the dismissal of Borduas on the constitution of the reception narrative, as well as the ethical and aesthetic criteria throught which took place the hierarchization of the value of the components of the pamphlet. The third part covers the subsequent reception (1950-2008) in which I continue the study of the obstacles that still prevents the integration of the

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pamphlet in history. Furthermore, this section examines the parallel, fragmented and autonomous receptions which enable the survival of Total Refusal, occasionally and partially, outside the common narrative formed around "Total Refusal".

These three types of reception, together with the different categories of OSS (direct, indirect, hypertextual, metacritical and fragmented), are part of heuristic tools developed to explain the partial reception of the pamphlet Total Refusal. In accordance with the quantitative and environmentalistic approach of the cultural history, Total Refusal is perceived as a microcosm of the culture in which some works are selected and others disregarded. The analysis of a wide and varied critical corpus enables the understanding of, not only the events leading to the consecration of the eponymous text or the relative neglect of the pamphlet, but also the critical trends, marginal publications, isolated critics, etc. which, embedded in the blind spots of the reception, provide the pamphlet and its components with a way to bypass the dominant discourse.

Overall, the study of the reception of the pamphlet Total Refusal has helped change the critical focus from "Total Refusal" to Total Refusal. In addition, it lead to new ways of considering the reception of marginalized works and highlighted selected criteria in the constitution of the history and cultural memory in Quebec since 1948.

Keywords : Total Refusal, critical reception, partial reception, common narrative, cultural history, pamphlet, secondary semiotic objects

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TABLE DES MATIÈRES

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xii

Liste des abréviations ... xiii

Remerciements ... xiv

INTRODUCTION QUAND REFUS GLOBAL DEVIENT « REFUS GLOBAL » ... 1

Quel « Refus global »? ... 3

Genèse et composantes de Refus global ... 4

Le titre : source dřambiguïté ... 5

Refus global : un manifeste? ... 8

Refus global : pour quoi faire? ... 12

1ÈRE PARTIE PRÉMISSES THÉORIQUES ET MÉTHODOLOGIQUES ... 15

Chapitre premier L’histoire d’une réception partielle ... 16

1.1 Théories de l’histoire... 16

1.1.1 De lřhistoire politique à lřhistoire culturelle ... 16

1.1.2 Le renouveau de lřhistoire littéraire ... 19

1.1.3 Les implications méthodologiques dřune histoire culturelle de la littérature ... 21

1.2 Études de la réception ... 25

1.2.1 Trois approches des études de réception ... 25

1.2.2 Vers une histoire de la réception ... 29

1.2.3 La réception partielle ... 32

Conclusion : la métaphore de l’autoroute ... 35

Chapitre deuxième Corpus et traitement de données ... 37

2.1 Constitution et répartition du corpus ... 38

2.1.1 Constitution du corpus ... 38

2.1.2 Répartition du corpus ... 42

2.2 Traitement des données ... 47

2.3 Périodisation et découpage ... 52

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vi 2ÈME PARTIE

LA PREMIÈRE RÉCEPTION (1948-1949) ... 57

Chapitre troisième La première réception : une étape cruciale ... 63

3.1 Portrait du corpus de presse ... 63

3.2 Portrait statistique ... 65

3.2.1 La parution ... 68

3.2.2 Le renvoi de Borduas ... 70

3.2.3 Le temps des polémiques... 71

Conclusion : les hauts et les bas de la réception ... 73

Chapitre quatrième Répondre aux attentes : le contexte artistique des années 1940 ... 75

4.1 Débats sur l’art dans Le Quartier latin ... 78

4.2 Autour de Prisme d’Yeux ... 81

4.2.1 Philosophie et positionnement de Prisme dřYeux ... 82

4.2.2 Les critères de légitimation ... 84

4.2.3 La peinture de Prisme dřYeux ... 88

4.3 Les Automatistes avant Refus global ... 92

4.3.1 Les premiers écrits des/sur les Automatistes ... 92

4.3.2 Les premières manifestations des Automatistes ... 96

4.3.3 Les Automatistes : une fierté nationale ... 103

4.4 La « bombe » Refus global ... 107

Conclusion : un refus pas si global ... 111

Chapitre cinquième Réussir l’épreuve de la première réception : cinq obstacles à surmonter ... 113

5.1 Faire les frais de la présentation : l’objet Refus global ... 116

5.1.1 La matérialité ... 118

5.1.2 Lřhétérogénéité ... 121

5.1.3 Lřhorizon dřattente littéraire... 124

5.1.3.1 Le manifeste ... 125

5.1.3.2 Le livre d’artistes ... 130

5.2 Intégrer le(s) champ(s) : la pluridisciplinarité du recueil... 135

5.2.1 La frontière poreuse entre champ culturel et champ du pouvoir ... 138

5.2.1.1 Lecture politique : les liens au communisme ... 139

5.2.1.2 Lecture éthique : valeurs nationales ou art autonome ... 141

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vii

5.2.3 Les conséquences de lřautonomisation ... 149

5.2.3.1 La question de la compétence ... 150

5.2.3.2 Les champs émergents... 152

5.3 Être pris au sérieux : l’attitude de la critique ... 158

5.3.1 Lřincompréhension ... 160

5.3.2 La minoration ... 164

5.3.2.1 L’évaluation qualitative : les défauts de l’œuvre ... 164

5.3.2.2 L’épreuve de la comparaison ... 167

5.3.3 La moquerie ... 172

5.3.3.1. Caricatures, citations et autres railleries ... 172

5.3.3.2. Les pastiches dřOdette Oligny ... 178

5.4 Subir les conséquences : le renvoi de Borduas ... 185

5.4.1 Borduas et lřÉcole du meuble... 186

5.4.2 La déviation du discours critique ... 189

5.4.2.1 La réduction du discours ... 190 5.4.2.2 L’ouverture du discours ... 192 5.4.3 La mythification ... 197 5.4.3.1 Glorification ... 198 5.4.3.2 Victimisation ... 199 5.4.3.3 Résurrection ... 203

5.5 Composer avec la critique : les répliques des Automatistes ... 208

5.5.1 Le goût pour la polémique ... 210

5.5.1.1 Description des polémiques ... 210

5.5.1.2 Le statut de Refus global dans les polémiques ... 215

5.5.2 Lřarrogance des Automatistes ... 220

5.5.2.1 La réputation des Automatistes ... 220

5.5.2.2 L’éthos du polémiste ... 223

5.5.3 La fin de lřimpossible dialogue ... 228

Conclusion : les dérapages de la communication ... 237

Savoir recevoir ... 241

Le renvoi de Borduas : un évènement ... 242

Les derniers miles de la première réception ... 244

Ce qui a été retenu, dit et non dit ... 247

La lecture du manifeste ou relativiser lřonde de choc ... 251

Les cinq obstacles de la première réception ... 252

LISTE BIBLIOGRAPHIQUE DES ARTICLES DE L’HORIZON D’ATTENTE ... 255

LISTE BIBLIOGRAPHIQUE DES ARTICLES DE 1ÈRE RÉCEPTION ... 256

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viii 3ÈME PARTIE

LA RÉCEPTION SUBSÉQUENTE (1950-2008) ... 257

Chapitre sixième Les suites de la réception : six décennies de discours ... 265

6.1 Portrait du corpus ... 266

6.2 Les étapes de la réception ... 271

6.2.1 Le creux des années 1950 (1950-1957) ... 273

6.2.2 La redécouverte des années 1960 (1958-1967) ... 280

6.2.3 Artistes et spécialistes : les années 1970 (1968-1977) ... 287

6.2.4 Pour ou contre Refus global : les années 1980 (1978-1987) ... 292

6.2.5 La stagnation du discours : les années 1990 (1988-1997) ... 297

6.2.6 Enflure et lassitude : les années 2000 (1998-2008) ... 302

Conclusion : la topique du récit commun ... 308

Chapitre septième Faire son chemin : de (nouveaux) obstacles à la réception ... 313

7.1 Exister : l’importance de la diffusion ... 316

7.1.1 Les éditions de référence ... 318

7.1.2 Rééditions du texte éponyme... 321

7.1.2.1 « Refus global » et Borduas au sommaire des anthologies ... 321

7.1.2.2 « Refus global » dans les écrits de Borduas... 324

7.1.3 Rééditions et autres modes de diffusion du recueil ... 334

7.1.3.1 Les rééditions du recueil ... 334

7.1.3.2 Autres modes de diffusion du recueil ... 341

7.2 Être « discipliné » : la lecture d’une œuvre pluridisciplinaire ... 347

7.2.1 Segmentation des lectures ... 349

7.2.2 Segmentation disciplinaire et stratégies dřappropriation ... 352

7.2.2.1 Discipliner : faire entrer dans le cadre du récit ... 352

7.2.2.2 Justifier la discipline ... 356

7.2.3 La réception multi et interdisciplinaire ... 359

7.2.3.1 La réception multidisciplinaire ... 361

7.2.3.2 La réception interdisciplinaire ... 363

7.3 Être commenté : le poids des critiques ... 373

7.3.1 Quand les auteurs sřen mêlent ... 375

7.3.1.1 L’épopée gauvréenne au cœur de la réception ... 376

7.3.1.2 L’ambivalence du discours des signataires ... 382

7.3.2 Quand la critique sřimpose ... 387

7.3.2.1 Panorama des principaux critiques et effets citationnels ... 388

7.3.2.2 Pierre Vadeboncœur ... 390

(11)

ix

7.3.3 La réception étrangère : le salut hors du récit commun ... 398

7.3.3.1 La réception française... 399

7.3.3.2 La réception anglophone... 402

7.3.3.3 Ray Ellenwood ... 404

7.4 Survivre à l’ombre des mythes : mythification et démythification ... 412

7.4.1 Du mythe Borduas au mythe « Refus global » ... 413

7.4.1.1 Le mythe Borduas : l’hommage posthume ... 413

7.4.1.2 Le mythe « Refus global » : le texte-choc... 416

7.4.2 « Refus global », la Grande Noirceur et la Révolution tranquille ... 421

7.4.2.1 Grande Noirceur et Révolution tranquille, catégories fondatrices ... 421

7.4.2.2 « Refus global » et la construction du récit historique ... 422

7.4.2.3 « Refus global », construction du récit historique ... 424

7.4.2.4 La démythification ... 427

7.4.3 Lire les composantes marginales : sortir du mythe, relire lřhistoire... 432

7.5 Entrer dans la mémoire : la réception productive ... 438

7.5.1 La mémoire vs lřhistoire : « Refus global » comme lieu de mémoire ... 439

7.5.2 Récupérer : réutiliser et recycler « Refus global » ... 444

7.5.2.1 Réutiliser : « Refus global » comme intertexte ... 445

7.5.2.2 Recycler : « Refus global » comme hypotexte ... 450

7.5.3 Inspirer : la réception productive ... 456

7.5.3.1 Le récit commun à l’intérieur de la fiction ... 457

7.5.3.2 Déconstruire le récit commun par la fiction ... 459

7.5.3.3 S’initier à l’automatisme par la fiction ... 466

Conclusion : franchir les obstacles et sortir des limbes ... 472

Chapitre huitième Prendre une autre voie : les réceptions autonomes ... 478

8.1. Regard sur des commentaires pas si courants : les autres textes de Borduas ... 483

8.2 Au cœur des Entrailles : la lecture littéraire de Gauvreau ... 487

8.3 La danse ou l’espoir de survie : la lecture disciplinaire du texte de Sullivan ... 494

8.4 « L’œuvre picturale est une expérience » : la fable du docteur Cormier ... 501

8.5 « Qu’on le veuille ou non… » : le texte de Leduc confiné à Refus global ... 506

8.6 La couverture de Riopelle : donner à voir le recueil ... 510

8.7 Maurice Perron : des photographies sans auteur ou sans Refus global ... 518

Conclusion : l’autonomie par l’individu et par la discipline ... 524

Des réceptions et des œuvres ... 527

Récit commun et angles morts ... 528

Emprunter les voies parallèles et les routes secondaires ... 530

(12)

x

LISTE BIBLIOGRAPHIQUE DES OSS DE 1950 À 2008 ... 538

CONCLUSION LIRE REFUS GLOBAL, REPENSER LA RÉCEPTION, RELIRE L’HISTOIRE ... 539

Refus global : recueil collectif, manifestaire et pluridisciplinaire ... 540

Réception dřobjets et objets de réception ... 546

Les fondements de lřhistoire culturelle québécoise ... 552

BIBLIOGRAPHIE………...……..………557

Annexe I Ŕ Tableau synthèse des polémiques………..………...xv

Annexe II Ŕ Liste des rééditions………..……….……….xix

(13)

xi

L

ISTE DES TABLEAUX

Tableau I Ŕ Description des périodiques et de leur contribution à la couverture de

lřaffaire Refus global ... 64 Tableau II Ŕ Nombre dřOSS mentionnant ou citant lřune ou lřautre des composantes

ou leur auteur dans les trois phases de la première réception ... 73 Tableau III Ŕ Nombre de mentions des auteurs ou composantes selon la discipline à

laquelle appartiennent les articles ... 149 Tableau IV Ŕ Répartition (en %) des OSS de la première réception et de ses trois

phases selon les sujets abordés ... 241 Tableau V Ŕ Supports accueillant la réception de « Refus global » de 1950 à 2008... 266 Tableau VI Ŕ Types de lecture proposée en fonction de la discipline de la source ... 350 Tableau VII Ŕ Liste des critiques les plus actifs et les plus cités de la réception

subséquente ... 388 Tableau VIII Ŕ Nombres dřOSSP, de mentions et de citations dont font l'objet les

(14)

xii

L

ISTE DES FIGURES

Figure 1 Ŕ Processus de réduction du discours lors du parcours de réception ... 61

Figure 2 Ŕ Répartition des OSS de la première réception ... 67

Figure 3 Ŕ Répartition des OSS de la phase de la parution selon les sujets abordés ... 68

Figure 4 Ŕ Répartition des OSS de la phase du renvoi selon les sujets abordés ... 70

Figure 5 Ŕ Répartition des OSS de la phase des polémiques selon les sujets abordés. ... 71

Figure 6 Ŕ « Surréalisme », Le Quartier latin, 13 novembre 1945 ... 92

Figure 7 Ŕ Répartition des OSS de la première réception par discipline... 137

Figure 8 Ŕ « Lřœil en coulisse » [illustration], Le Petit Journal, 29 août 1948 ... 159

Figure 9 Ŕ Robert LaPalme, « Lřombre sur le cerveau », Le Canada, 13 septembre 1948 ... 172

Figure 10 Ŕ Robert LaPalme, « Ces temps modernes », Le Canada, 21 décembre 1948. ... 173

Figure 11 Ŕ Jacques Gagnier, « Les toto-matistes », Le Quartier latin, 30 novembre 1948. 173 Figure 12 Ŕ André Lecompte, « L'œil en coulisse », Le Petit Journal, 29 août 1948. ... 181

Figure 13 Ŕ Robert LaPalme, « Salon du printemps », Le Canada, 19 avril 1949. ... 234

Figure 14 Ŕ Répartition des types dřOSS (1950-2008) ... 268

Figure 15 Ŕ Répartition des sujets dans les OSS (1950-2008) ... 269

Figure 16 Ŕ Distribution des types dřOSS par période de 5 ans ... 271

Figure 17 Ŕ Couverture du recueil réédité chez Anatole Brochu, 1973 (2e édition)... 338

Figure 18 Ŕ Fernand Leduc, « Like it or not… », Total Refusal, 1985 ... 405

Figure 19 Ŕ Vignette du Campus estrien, 26 novembre 1968 ... 445

Figure 20 Ŕ Représentation des relations entre discours dominant et réceptions parallèles, autonomes et parcellaires à lřintérieur de la réception de Refus global ... 479

Figure 21 Ŕ Page-titre de Refus global. Maquette de Jean-Paul Riopelle sur un texte de Claude Gauvreau ... 514

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xiii

L

ISTE DES ABRÉVIATIONS

RG « Refus global »

CMC « Commentaires sur des mots courants » RSA « En regard du surréalisme actuel »

BÊ « Bien-être »

CQ « Au cœur des quenouilles » OC « Lřombre sur le cerceau »

OPE « Lřœuvre picturale est une expérience » DE « La danse et lřespoir »

QV « Quřon le veuille ou non… »

OSS Objets sémiotiques secondaires OSSD Objets sémiotiques secondaires directs OSSI Objets sémiotiques secondaires indirects OSSM Objets sémiotiques secondaires métacritiques OSSH Objets sémiotiques secondaires hypertextuels OSSP Objets sémiotiques secondaires parcellaires

(16)

xiv

R

EMERCIEMENTS

Cette thèse et les cinq années de doctorat dont elle constitue lřaboutissement ne seraient pas lřobjet de fierté quřelles sont aujourdřhui sans le concours de personnes et dřorganismes que je souhaite ici remercier sincèrement.

Dřabord, un immense merci à Micheline Cambron qui, depuis ma maîtrise, a su nourrir ma curiosité intellectuelle et mon goût pour la pluridisciplinarité. Répondant à mon besoin dřautonomie, sa direction basée sur la confiance, la collaboration et le juste conseil est à lřorigine du succès de cette thèse. Merci Micheline pour ton enthousiasme et ta supervision inspirante!

Merci également à la tribu beaulieusienne (Jacques Pelletier et Michel Nareau en tête) pour la collégialité et pour mřavoir offert la possibilité de, parfois, délaisser la thèse pour retourner à mes vieilles amours de maîtrise. Vous avez grandement contribué à faire de ces cinq ans une période riche dřexpériences et de rencontres.

Parce quřils ont non seulement facilité mon parcours doctoral par leur soutien financier, mais aussi parce quřils ont sanctionné mes recherches par leur reconnaissance, je tiens à remercier le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), la Caisse Desjardins Saint-Donat de Montréal, ainsi que la Faculté des arts et sciences (FAS), la Faculté des études supérieures et postdoctorales (FESP) et le Département des littératures de langue française (DLLF) de lřUniversité de Montréal. Un merci spécial à lřéquipe de La vie littéraire au Québec qui, plus quřune bourse, mřa offert un lieu dřéchange stimulant.

Pour leur soutien à un moment ou à un autre de mon cheminement doctoral, merci à Gilles Dupuis et à Michel Pierssens, et plus largement, aux professeurs et au personnel administratif du DLLFUM où jřai passé les dix dernières années de ma vie.

En vrac, pour leur aide ponctuelle Ŕ mais non moins appréciée Ŕ dans mes recherches, merci à Marie Beaulieu, Mathieu Bertrand, Richard Gingras, Lauren Kratzer, Gilles Lapointe, Brigitte Louichon et André Mercier, de même quřau personnel des bibliothèques des Lettres et sciences humaines et des Livres rares et collections spéciales de lřUniversité de Montréal. Enfin, merci à mon conjoint, Daniel Beaudoin, qui a partagé avec moi les hauts et les bas Ŕ les joies abusives et les moments dřangoisse Ŕ dont ont été composées ces cinq années. Merci pour ta compréhension, ta confiance, ton calme rassurant et (même) pour ta rigueur de scientifique.

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1

INTRODUCTION

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2

Manifestum est (« Il est manifeste »). De ces deux mots latins utilisés par les gouvernements pour amorcer leur déclaration de guerre provient la première définition du genre « manifeste1 ». De nos jours, le manifeste se définit plutôt comme lřinstrument de revendication dřun groupe artistique, social ou politique. Or, son caractère polémique le rattache encore à son origine guerrière. Le manifeste se définit en effet comme une prise de position, souvent énoncée avec violence, en regard dřune situation donnée; doté dřun aspect dialogique (il répond généralement à une déclaration ou à un événement spécifique), il possède la particularité de sřinscrire dans lřactualité sociale et discursive de son époque, dřoù le fait que « son champ dřaction est circonscrit et son action, ponctuelle2 », comme le signale Yolaine Tremblay dans son ouvrage sur lřessai québécois. Daniel Latouche et Diane Poliquin-Bourassa, dans leur anthologie de manifestes Le Manuel de la parole, abondent dans le même sens, allant jusquřà affirmer que le manifeste « nřexiste quřen fonction dřun environnement socio-politique3 », cřest pourquoi « les essais de ce type sont susceptibles de vieillir4 » : une fois séparés de leur contexte initial et des débats qui y ont lieu, les manifestes risquent de perdre de leur pertinence et de leur efficacité. Ils seraient donc, par nature, éphémères et voués à lřoubli. Aussi, lorsquřune œuvre manifestaire survit à lřépreuve du temps, celle-ci mérite-t-elle dřêtre interrogée comme une forme dřexception permettant de questionner à la fois le genre du manifeste et le processus de réception des œuvres. Quels sont les facteurs ayant permis à ce manifeste de sřinscrire dans la durée plutôt que de disparaître avec son époque? Quřen a-t-on retenu? Et, en est-il sorti indemne? Ce sont là quelques questions qui peuvent être posées afin de vérifier le degré dřhistoricité du genre.

Au Québec, un manifeste a Ŕ semble-t-il Ŕ réussi à se dégager de la contingence de lřactualité pour sřinscrire dans lřhistoire : il sřagit de « Refus global5 » paru en 1948. Plus quřune simple prise de position artistique à visée ponctuelle, « Refus global » est aujourdřhui

1 Voir Daniel Latouche et Diane Poliquin-Bourassa, « Introduction », Le Manuel de la parole : manifestes

québécois, Tome 2 : 1900-1959, Sillery, Boréal Express, 1977, p. 15.

2 Yolaine Tremblay, Du Refus global à la responsabilité entière : Parcours analytique de l’essai québécois

depuis 1948, Sainte-Foy, Le Griffon dřargile, 2000, p. 108.

3 Daniel Latouche et Diane Poliquin-Bourassa, art. cit., p. 16. 4 Yolaine Tremblay, op. cit., p. 108.

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considéré comme une œuvre charnière marquant le passage dřune culture traditionnelle à une culture moderne. Pour Gilles Lapointe, un de ses principaux exégètes, il est devenu, « à n’en pas douter, […] un classique de la Bibliothèque québécoise, lu et relu par des générations dřétudiants6. » Une affirmation aussi catégorique, attribuant de façon paradoxale le statut de « classique » à une œuvre du genre manifestaire Ŕ réputé éphémère Ŕ, soulève des questions : quel est ce « Refus global » dont traite Lapointe? Ce dernier est-il réellement un manifeste? Et est-il réellement « lu »?

La présente thèse a pour objectif principal de répondre à la dernière question concernant la « lecture » de « Refus global », mais avant dřen exposer plus en détail la problématique et la composition, il me faut mieux cerner lřobjet qui y est à lřétude. Aussi répondrais-je dřabord aux deux questions précédentes concernant la nature et le genre de lřœuvre.

Quel « Refus global »?

Dřentrée de jeu, pour comprendre la nature de la réception dont sera lřobjet « Refus global », il est nécessaire de faire la distinction entre Refus global, recueil de textes et dřillustrations paru en 1948, et « Refus global », texte dřouverture de ce recueil. Aussi est-ce bien au texte éponyme Ŕ et non au recueil dans son ensemble Ŕ que fait référence Gilles Lapointe dans le passage cité plus haut; cřest en effet ce texte, rédigé par Paul-Émile Borduas et cosigné par quinze artistes appartenant au groupe automatiste, qui a été élevé, au fil des ans, au rang de « classique » de la littérature et de la culture québécoises, alors que le reste du recueil a connu une diffusion et une réception beaucoup moins généreuses; il semble même, à certains égards et à certains moments, avoir sombré dans lřoubli.

Ce premier éclaircissement qui fait la distinction entre lřœuvre complète et le texte éponyme permet, dřores et déjà, de nuancer le statut généralement octroyé à lřœuvre en mettant en évidence la double direction quřa empruntée sa réception : consécration du texte éponyme, dřune part, et, dřautre part, occultation du mode de publication en recueil ainsi que des autres composantes contenues dans ce recueil.

6 Gilles Lapointe, « Refus global au seuil de lřâge classique : autour de quelques lectures contemporaines du

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4 Genèse et composantes de Refus global

Lancé le 9 août 1948 à la Librairie Tranquille de Montréal7, Refus global constitue un moment phare dans lřhistoire du groupe des Automatistes, formé autour du peintre Paul-Émile Borduas, professeur à lřÉcole du meuble de Montréal. Dès 1942, Borduas, quelques-uns de ses élèves et dřautres jeunes artistes provenant de lřÉcole des beaux-arts de Montréal travaillent à développer et à faire accepter lřart vivant au Québec. Le mouvement automatiste sřinscrit dans la filiation du surréalisme français dont il poursuit les explorations, lui empruntant notamment lřidée dřune écriture automatique Ŕ littéraire et plastique Ŕ non régie par la raison et permettant dřatteindre lřinconscient. Il pousse toutefois cette idée plus loin grâce à lřabstraction qui accentue la portée non intentionnelle du geste pictural8. Amorcé dans le domaine des arts visuels, le mouvement sřétend bientôt à dřautres domaines des arts et des sciences humaines en raison de la présence dans le groupe dřartistes et dřintellectuels comme Claude Gauvreau (poète et dramaturge), Françoise Sullivan (danseuse et chorégraphe) et Bruno Cormier (futur psychiatre). Représentatif de lřaspect pluridisciplinaire du mouvement automatiste, le recueil Refus global regroupe des textes et des illustrations produits par plusieurs auteurs provenant de disciplines diverses et utilisant différents médiums.

Outre le texte éponyme qui constitue à la fois une prise de position artistique et une critique de lřélite québécoise dite « obscurantiste », le recueil comprend : « En regard du surréalisme actuel », un autre texte de Borduas dont le titre indique bien la visée de positionnement artistique; « Commentaires sur des mots courants », un lexique, non signé, du vocabulaire automatiste; « Au cœur des quenouilles », « Bien-Être » et « Lřombre sur le cerceau », trois objets dramatiques et poétiques de Claude Gauvreau; « Lřœuvre picturale est une expérience », un texte de Bruno Cormier qui dépeint, du point de vue de la psychanalyse,

7 Le lancement a effectivement lieu chez Tranquille, mais la critique a tendance à employer un raccourci

faisant de Tranquille le seul distributeur. Or, plus exactement, « le tirage était de 400 exemplaires, dont 50 hors commerce, 50 répartis entre les librairies Deom, Ménard et Pony, et le reste à la Librairie Tranquille. » (Paul-Émile Borduas, Écrits II. Tome I : Journal, correspondances 1923-1953, Montréal, Les Presses de lřUniversité de Montréal, « BNM », 1997, p. 284, note 219.) Les 50 exemplaires hors commerce furent distribués aux médias et aux souscripteurs qui avaient aidé financièrement à la production du recueil. (Voir Maurice Perron, « Quelques anecdotes autour du Refus global », Parcours, no 12, hiver 1994, p. 19.)

8 Pour plus dřinformations sur le groupe, son esthétique, sa philosophie ou les autres réalisations de ses

membres, je renvoie le lecteur aux ouvrages de François-Marc Gagnon (Paul-Émile Borduas 1905-1960.

Biographie critique et analyse de l’œuvre, Montréal, Fides, 1978; Chronique du mouvement automatiste québécois, 1941-1954, Outremont, Lanctôt éditeur, 1998) et de Ray Ellenwood (op. cit.).

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lřexpérience du peintre et du spectateur devant une toile; « La danse et lřespoir », le texte dřune conférence de Françoise Sullivan; et « Quřon le veuille ou non », un texte sous forme de tract de Fernand Leduc. De plus, le recueil contient sept lithographies dřœuvres automatistes (six peintures et une sculpture) et neuf photographies prises par Maurice Perron des productions du groupe (expositions, mise en scène de « Bien-Être » et chorégraphies « Danse dans la neige » et « Black and Tan » de Sullivan). Enfin, les deux volets de la couverture réalisée par Jean-Paul Riopelle et Claude Gauvreau et mêlant poésie et aquarelle sur le mode de lřassociation libre, constituent une composante à part entière du recueil.

Produit par sept artistes principaux9, le recueil regroupe donc près de trente œuvres10. Parmi celles-ci, il convient cependant dřopérer une distinction entre le texte éponyme, appartenant pleinement à lřhistoire, et les autres productions dont la réception a été lacunaire. Ces dernières seront ainsi qualifiées de composantes « marginales », la marginalité définissant à la fois le statut de ces productions à lřintérieur du recueil par rapport au texte éponyme et la position quřelles occupent dans lřhistoire littéraire, artistique ou plus largement culturelle. Le titre : source d’ambiguïté

En plus de la distinction des composantes entre elles, il convient de porter une attention particulière à la distinction entre le tout et sa partie, dřautant plus quřune relation dřéponymie unit le recueil Refus global et le texte « Refus global ». Cette relation est en effet susceptible de créer de la confusion lorsque vient le temps de déterminer lequel des deux objets est désigné dans les textes critiques. Par exemple, lorsque Gilles Lapointe fait de « Refus global […], un classique de la littérature québécoise », il ne renvoie pas à la même œuvre que celle dont le journal Le Canada annonce la parution en 1948 sous la désignation « ŖRefus globalŗ.

9 Puisque mes recherches portent sur le recueil, je mřintéresserai surtout aux sept créateurs des composantes

énumérées, laissant de côté les propos concernant les neuf autres artistes qui ont signé le texte éponyme, mais qui nřont pas contribué au recueil par une œuvre personnelle, soit Madeleine Arbour, Muriel Guilbault, Louise Renaud, Thérèse Renaud-Leduc, Françoise Riopelle, Marcel Barbeau, Pierre Gauvreau, Marcelle Ferron et Jean-Paul Mousseau. Les quatre derniers ne sont toutefois pas totalement écartés puisquřune de leurs œuvres apparaît dans les lithographies du recueil; les (rares) commentaires à leur propos seront donc recensés à lřintérieur de la composante générique « illustrations ». Par ailleurs, certains de ces signataires participent à la réception du recueil par des lettres ouvertes aux journaux, ils seront alors convoqués non comme créateurs de lřœuvre, mais comme commentateurs de celle-ci.

10 Aux neuf textes sřajoute le poème de Gauvreau situé en couverture. Puis, du côté des composantes visuelles,

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Manifeste de lřautomatisme surrationnel11 » : alors que le premier désigne le texte éponyme (malgré lřusage de lřitalique), le second renvoie au recueil (malgré lřusage des guillemets).

La graphie flottante des journaux de la fin des années 1940, de même que la concentration rapide du discours critique autour du texte éponyme (qui se voit promu à lřitalique) rendent souvent difficile la saisie du référent, surtout lorsque le contexte dřénonciation ne fournit pas dřindices discriminants. Ma recherche se heurtant sans cesse à cette indistinction entre le texte et le recueil, il mřapparaît essentiel de proposer ici des graphies distinctes permettant de ne pas confondre le tout et sa partie. Aussi, en accord avec la convention bibliographique12, lřusage de lřitalique sera-t-il réservé à lřœuvre complète (le recueil Refus global), tandis que la partie (le texte « Refus global ») sera indiquée par des guillemets, comme les autres composantes du recueil (« Bien-être », « La danse et lřespoir »…). Dans certains cas, lorsque la distinction entre les deux référents ne sřavère pas nécessaire puisque le propos concerne les deux objets ou lorsque lřambiguïté persiste malgré le contexte dřénonciation, la double graphie (italique et guillemets) sera utilisée13. Dans les citations, lorsque le contexte permet lřidentification du référent, mais que la graphie originale la contredit, je signalerai lřerreur ([sic]), sans toutefois la corriger. De même, je laisserai tels quels les titres qui nřutilisent aucune graphie (ni italique ni guillemets). Cette façon de faire me permettra de mettre en évidence la confusion liée à lřindistinction graphique généralisée dans le discours critique et, ainsi, de faire apparaître la difficulté qui a pu en résulter au cours de mes recherches14. En ce sens, plus quřun simple outil heuristique permettant de résoudre lřambiguïté, la graphie du titre, lorsquřelle est prise en compte dans les textes critiques, agit également comme révélateur de la confusion régnant dans la réception du recueil, confusion dont elle est à la fois une cause et un symptôme. En effet, dřune part, lřusage de lřitalique pour traiter du texte comme sřil était une œuvre complète et indépendante tend à occulter le contexte de parution

11 Lafcadio, « LřUnderground de lřesthétique. ŖRefus globalŗ. Manifeste de lřautomatisme surrationnel par

Paul-Émile Borduas et compagnie », Le Canada, 23 août 1948, p. 4.

12 Voir « Notice bibliographique dřune partie de livre » dans Marie Malo, Guide de la communication écrite au

cégep, à l’université et en entreprise, Montréal, Québec/Amérique, 1996, p. 206-207.

13 Par exemple, précédemment : « quel est ce ŖRefus globalŗ dont il question? » ou dans une proposition telle :

« lorsquřil est fait mention de “Refus global” dans le discours critique ».

14 Il est à noter que la distinction graphique (italique/guillemets) a déjà été utilisée par certains critiques, dont

François Dumont qui, le premier à ma connaissance, propose en note : « Lorsque Refus global est en italique dans le présent texte, cřest pour renvoyer au livre; quand il est entre guillemets, cřest en référence au texte liminaire » (Usages de la poésie. Le discours des poètes québécois sur la fonction de la poésie (1945-1970), Sainte-Foy, Presses de lřUniversité Laval, 1993, p. 17, note 27.)

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original en recueil; dřautre part, lřusage de lřitalique est lui-même le résultat de la concentration du discours autour du texte auquel le statut dřéponyme confère une importance accrue.

Lřéponymie est une forme particulière de lřhomonymie dans laquelle deux signifiés (ou deux référents dans le cas dřun nom propre), en plus de partager un même signifiant, sont liés par une relation dřinterdétermination, lřun ayant donné son nom à lřautre. En raison de cette relation étroite, lřéponymie est propice à ce que le linguiste Henry G. Schogt nomme la « collision homonymique », soit lřapparition dřune confusion « au moment où deux signifiés, appartenant à une même zone dřintérêt, correspondent à un signifiant unique [et] que le contexte et la situation extralinguistique nřarrivent pas à éliminer lřambiguïté15. » Ainsi, outre les difficultés méthodologiques que pose la confusion lexicale, celle-ci peut également avoir un impact sur la réception de lřœuvre puisque, comme le signale Schogt, lorsque ces « situations où les deux signifiés donnent des sens également acceptables sont trop nombreuses, la paire homonymique devient gênante et un des deux homonymes disparaît16. » Pour faciliter la communication et éviter la confusion, lřusage exerce une pression sur la paire homonymique et tend à préférer lřun des signifiés à lřautre. Dans le cas de « Refus global », lřétude du parcours de réception montre que cřest le signifié-texte, en tant quřéponyme, qui agit comme référent dominant au détriment du signifié-recueil. Or, si, comme le montre lřexemple donné par Schogt17, la marginalisation dřun homonyme tel lřadjectif « gai » (heureux) au profit de « gai » (homosexuel) réduit effectivement les chances de confusion en privilégiant lřusage de synonymes (heureux, content, enthousiaste…) pour le signifié rejeté, il en va autrement pour un nom propre qui, par nature, possède un référent unique et, donc, ne peut avoir dřéquivalent lexical. Par conséquent, lřéponymie contribue non seulement à donner une importance accrue au texte éponyme, mais elle constitue également un facteur expliquant lřoccultation du recueil par le discours critique : la fixation du syntagme « refus global » au référent « texte de Borduas » conduisant graduellement à lřeffacement du référent « recueil pluridisciplinaire ». Ceci explique que Gilles Lapointe puisse affirmer, en 2008, que « Refus

15 Henry G. Schogt, Sémantique synchronique : synonymie, homonymie, polysémie, Toronto, University of

Toronto Press, 1976, p. 98.

16 Ibid. 17 Ibid., p. 99.

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global est devenu […] un classique de la Bibliothèque québécoise » sans quřil nřy ait de confusion possible : certes, le contexte (« classique ») permet dřidentifier « Refus global », mais le syntagme lui-même nřévoque plus guère, à ce moment, que le texte de Borduas.

Dans un rapport qui nřest plus simplement celui de lřhomonymie ou de lřéponymie, mais celui de la synecdoque, il sřopère donc, entre 1948 et 2008, non seulement un effacement du recueil, mais une substitution du tout par sa partie, dřoù le titre de cette thèse : « Quand Refus global devient ŖRefus globalŗ ». Très tôt lors de la réception, on le verra, la partie prend la place du tout dans le discours critique; par un processus de réduction du discours, lřœuvre complète sřefface au profit du texte éponyme qui devient non seulement Refus global, en italique, mais le Refus global, lřarticle défini signalant la particularisation du discours, lřassignation précise qui fixe le syntagme à un référent jugé unique.

Refus global : un manifeste?

Je reprendrai à nouveau ici la phrase de Gilles Lapointe pour aborder une nouvelle difficulté entourant lřobjet dřétude quřest Refus global. Cette phrase est tirée dřun article recensant, suivant le titre, « quelques lectures contemporaines du manifeste », le genre du « manifeste » renvoyant donc ici au texte « Refus global ». Or, un regard sur lřensemble de la réception fait apparaître une absence de consensus quant à lřappartenance générique tant du texte que du recueil. Il arrive même quřun auteur utilise la désignation « manifeste » pour évoquer successivement chacune des deux œuvres : Brigitte Deschamps, par exemple, traite dřabord du « manifeste publié par un groupe dřartistes dřavant-garde18 », désignant ainsi le recueil, puis, plus loin, elle évoque « le manifeste qui donne son nom au recueil19 », soit le texte.

Lřambivalence générique présente dans le discours critique témoigne de lřimpossibilité, pour le chercheur actuel, de sřappuyer sur la réception antérieure quant à la dénomination à employer pour désigner le recueil et le texte. Ainsi, puisque la désignation lectoriale Ŕ celle de la critique Ŕ varie, il peut sembler pertinent de recourir à la désignation auctoriale pour qualifier les deux œuvres. Par contre, en lisant les propos que les Automatistes ont tenus sur lřœuvre, on constate quřeux-mêmes ne sont pas fixés sur le sujet : pour Claude Gauvreau, le

18 Brigitte Deschamps, « La réception de Refus global, de 1948 à 1988 », Mémoire de maîtrise, Montréal,

Université du Québec à Montréal, Études des arts, 1998, p. 4.

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manifeste correspond au recueil20, tandis que, pour son frère Pierre, il sřagit du texte21. Cette confusion fait dřailleurs en sorte quřalors que Borduas écrit à un correspondant : « je vous envoie […] le manifeste », les responsables de lřédition de ses lettres indiquent dans en note : « Probablement le cahier Refus global au complet plutôt que le seul manifeste22. »

Devant un tel flottement, force est dřadmettre quřune étude générique comme celle proposée par Julie Gaudreault23 sřavère la bienvenue. Bien que le discours critique ait fréquemment octroyé la qualité de manifeste au texte éponyme, Gaudreault considère plutôt le recueil comme le véritable représentant du genre. Abondant dans le même sens, je reprendrai ici quelques points de sa démonstration, retournant, pour ce faire, à sa référence principale, lřessai L’enjeu du manifeste, le manifeste en jeu de Jeanne Demers et Lyne McMurray. Afin dřajouter à cet argumentaire, je signalerai auparavant deux autres raisons justifiant lřoctroi du genre manifeste au recueil Refus global, plutôt quřau texte.

Dřabord, à lřorigine, le terme « manifeste » a été employé pour qualifier le recueil, et ce, tant par la critique que par les auteurs. En effet, lors de sa publication en 1948, un bandeau publicitaire sur lequel était inscrit « MANIFESTE » entourait le recueil, laissant entendre que lřensemble de lřœuvre, soit le volume envoyé par Borduas à son correspondant, faisait office de manifeste. Puisque les Automatistes ont fondé la maison dřédition Mithra-Mythe pour la publication du recueil, cette décision éditoriale est, de fait, une décision auctoriale témoignant du projet initial visant à faire de Refus global un manifeste collectif. Cřest dřailleurs de cette façon quřil a été reçu pendant le premier mois de sa diffusion, la critique le désignant, on le verra, comme le « manifeste des Automatistes » ou le « manifeste des peintres automatistes ». En outre, la filiation surréaliste dont se réclament les Automatistes et la parenté générique de Refus global avec les manifestes composites, pluridisciplinaires et parataxiques du groupe français, sur laquelle je reviendrai au chapitre cinq24, autorisent lřassimilation de lřœuvre

20 « Cřest ainsi que le manifeste complet inclut, en plus du Refus global proprement dit, deux autres textes de

Borduas, […] » (Claude Gauvreau, « Lřépopée automatiste vue par un cyclope », La Barre du jour, nos 17-20

« Les automatistes », janvier-août 1969, p. 71). Je souligne.

21 « Lřimportant, cřétait le manifeste; il était majeur. On sřest dit quřon en profiterait pour faire passer dřautres

choses aussi. Claude a pu publier des pièces en un acte; […] » (Pierre Gauvreau cité dans Michel Desautels,

Pierre Gauvreau : Les trois temps d’une paix. Entretiens, Montréal, LřHexagone, 1997, p. 48.) Je souligne.

22 Paul-Émile Borduas, Écrits II. Tome I : Journal, correspondances 1923-1953, Montréal, Les Presses de

lřUniversité de Montréal, « BNM », 1997, p. 295, note 3.

23 Julie Gaudreault, Le recueil écartelé. Étude de Refus global, Québec, Nota bene, 2007, p. 73-81. 24 Voir infra « 5.1.3.1 Le manifeste. B) Manifestes surréalistes », p. 128.

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québécoise, prise dans son ensemble, au genre du manifeste artistique tel que pratiqué par les disciples dřAndré Breton.

Enfin, selon Julie Gaudreault, qui reprend les critères de Demers et McMurray, il est nécessaire de tenir compte de lřensemble du recueil pour arriver à une définition satisfaisante de lřœuvre automatiste comme manifeste. Considérant que le genre implique « trois gestes essentiels : rejeter radicalement le passé, claironner un avenir comme seul acceptable, exposer/expliquer les rouages du nouveau système25 », il apparaît que « ŖRefus globalŗ ne

remplit pas toutes les conditions de réalisation de la rhétorique manifestaire [que seul] le contexte recueillistique complète26 ». En effet, si le texte « Refus global » remplit les deux premiers gestes correspondant aux phases déclarative et explicative du manifeste, les autres composantes du recueil accomplissent la troisième phase, la phase démonstrative, en donnant des exemples concrets des applications de lřautomatisme en peinture, en poésie ou en danse. Autrement dit, le texte de Borduas, par son refus dřune société basée sur la raison et le conformisme et par sa projection vers un avenir axé sur la spontanéité, répond aux deux premiers gestes, soit : « JE/NOUS QUI REFUSONS| PROPOSONS27 ». Ceci est notamment perceptible dans des phrases comme le diptyque : « Au refus global nous opposons la responsabilité entière28 ». Il demeure que la nature de cette « responsabilité » faite de « magie », dř« amour » et de « mystères objectifs » (RG, p. 10) reste abstraite et implicite dans le texte éponyme et que ce nřest quřen considérant lřensemble du recueil que le lecteur est en mesure de se figurer la démarche automatiste : les textes de Gauvreau, la couverture de Riopelle, les lithographies des œuvres, les photographies de la mise en scène et des chorégraphies donnent à voir cette « réserve poétique » (RG, p. 10) évoquée dans le texte éponyme. En somme, le recueil, mieux que le texte, répond à la « rhétorique ternaire du manifeste (affirmer, expliquer, démontrer)29 » que Demers et McMurray synthétisent ainsi :

« JE/NOUS QUI REFUSONS| PROPOSONS| CECI/ COMME CELA30. »

25 Jeanne Demers et Lyne McMurray, L’enjeu du manifeste, le manifeste en jeu, Longueuil, Le Préambule,

« Lřunivers des discours », 1986, p. 80.

26 Julie Gaudreault, op. cit., p. 81.

27 Jeanne Demers et Lyne McMurray, op. cit.

28 Paul-Émile Borduas et al., « Refus global », dans Refus global, Saint-Hyacinthe, Mithra-Mythe, 1948, p. 10.

Désormais, les références à ce texte seront indiquées dans le corps du texte par le sigle RG.

29 Julie Gaudreault, op. cit., p. 137.

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Ne pouvant à lui seul faire figure de manifeste, le texte de Borduas sřapparenterait plutôt à la forme du pamphlet. En effet, comme le soutient Jean Fisette, « Le Refus global [sic], toujours dénommé Ŗmanifesteŗ a effectivement agi, dans le Québec de 1948, comme un pamphlet31 », et ce, en raison de sa « vision apocalyptique du monde, [de son] prophétisme pessimisme [et de son] mélange dřargumentation et de pathos » qui explique « son impact illocutoire32 ». Demers et McMurray abondent dans le même sens lorsquřelles font reposer la spécificité du pamphlet sur lřacte persuasif quřelles opposent à lřacte prescriptif : « alors que le manifeste prétend au pouvoir [et] impose ses choix sur le ton du crois ou meurs […], le pamphlet […] sřappuie sur lřargumentation, incitant ainsi son lecteur à juger dřune réalité33. » Ce caractère ouvert et réflectif du pamphlet correspond assez bien à la démarche de Borduas qui, dans son portrait de la société canadienne-française, met en évidence les défauts de cette société afin de convaincre son lecteur de la nécessité dřun changement. Si le ton est parfois radical, il nřa pas pour but dřimposer le changement; la rhétorique est plutôt celle du constat et la finale est une projection dans lřavenir et non un ultimatum :

Que ceux tentés par lřaventure se joignent à nous.

Au terme imaginable, nous entrevoyons lřhomme libéré de ses chaînes inutiles, réalisé dans lřordre imprévu, nécessaire de la spontanéité, dans lřanarchie resplendissante, la plénitude de ses dons individuels.

Dřici là, […] nous poursuivons dans la joie notre sauvage besoin de libération. (RG, p. 15)

Bref, le pamphlet se présente comme « une invitation au partage34 » : il dénonce et propose certes, mais il nřexige pas comme le fait le manifeste35, cřest-à-dire comme le fait Refus global qui se termine par le tract de Fernand Leduc proclamant, sur le ton manifestaire du « crois ou meurs » : « Quřon le veuille ou non… Ceci sera36. »

31 Jean Fisette, « Le statut de lřénonciation dans le discours pamphlétaire. Le cas Gauvreau » Études littéraires,

vol. 11, no 2, août 1978, p. 375. 32 Ibid., p. 375-376.

33 Jeanne Demers et Lyne McMurray, op. cit., p. 45. 34 Ibid..

35 Yolaine Tremblay, dans son ouvrage sur lřessai québécois, affirme, comme Demers et McMurray, que le

pamphlet « a pour but dřattaquer et de dénoncer » alors que le manifeste « sert dřinstrument de revendication : il explique, dénonce, exige » (Du Refus global à la responsabilité entière : Parcours

analytique de l’essai québécois depuis 1948, Sainte-Foy, Le Griffon dřargile, 2000, p. 108).

36 Fernand Leduc, « Quřon le veuille ou non », dans Refus global, Saint-Hyacinthe, Mithra-Mythe, 1948, n. p.

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En somme, alors que le postulat concernant le caractère éphémère du manifeste, énoncé au début de cette introduction, semblait contredit par le cas de « Refus global » devenu un classique dans lřhistoire québécoise, lorsquřon associe le genre du manifeste au recueil et non au texte, celui-ci sřavère au contraire raffermi : le recueil-manifeste ayant sombré dans lřoubli, à tout le moins partiellement. Ainsi, lřassociation du recueil au genre du manifeste peut expliquer en partie son occultation : associé à une prise de positon ponctuelle visant à positionner le groupe automatiste dans la sphère artistique, celui-ci nřapparaîtrait plus pertinent du moment où le groupe et ses membres sont reconnus par lřinstitution, ce qui advient assez tôt après la parution du recueil pour plusieurs dřentre eux. Or, comment expliquer que le texte éponyme, principal représentant du manifeste, survive pour sa part dans lřhistoire? Lřoccultation du recueil est-elle simplement le fait du caractère ponctuel de lřœuvre? Cela est peu probable, dřautant que lřœuvre nřest pas lřobjet dřun complet oubli: le recueil et ses composantes font en effet lřobjet de réactualisations sporadiques, ce qui mřoblige à chercher, au-delà de lřappartenance générique, dřautres obstacles ayant entraîné lřoccultation du manifeste Refus global.

Refus global : pour faire quoi?

Les ambiguïtés entourant lřobjet « Refus global » ayant été circonscrites, il convient maintenant de cerner plus précisément la problématique qui mřoccupera dans les pages à venir, soit la réception partielle du recueil automatiste.

Certes, le postulat dřoccultation ou de (non-)réception du recueil Refus global a déjà été posé, notamment par un chercheur comme Ray Ellenwood qui affirme dans son histoire du mouvement automatiste : « Borduas’ lead text [...] is often the only text meant when Refus global is mentioned37 » et ce constat est récemment devenu la pierre dřassise de nouvelles lectures de lřœuvre, dont lřessai de Julie Gaudreault, Le recueil écartelé. Étude de Refus global38. Or, ce postulat nřa pas été questionné, ni même vérifié par la critique antérieure. Il paraît donc pertinent de sřinterroger sur le degré dřoccultation dont ont été victimes le recueil et ses composantes marginales, puis sur les facteurs qui ont conduit à cette occultation, même

37 RayEllenwood, Egregore. A History of the Montréal Automatist Movement, Toronto, Exile, 1992, p. xii. 38 Julie Gaudreault, Le recueil écartelé. Étude de Refus global, Montréal, Nota bene, 2007.

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partielle, et, du même coup, sur les occasions qui ont permis au recueil de ne pas sombrer complètement dans lřoubli. Telles sont donc les principales questions qui guideront mes réflexions dans cette thèse. Plus largement, lřétude de la réception partielle de Refus global sera envisagée comme pouvant éclairer le fonctionnement de la mémoire et de lřhistoire littéraires, ainsi que les processus historiographiques sous-jacents à la hiérarchisation des œuvres. Le recueil automatiste sřapparente en effet à un microcosme de la production culturelle à partir duquel il est possible dřobserver à la fois le processus de consécration dřune œuvre par la mémoire et celui de sélection opéré par lřhistoire.

Jetant un regard large sur lřensemble du discours critique sur Refus global, jřentreprends ici de faire le métarécit de la réception du recueil automatiste, lequel, on le verra, est aussi parfois un méta-métarécit, puisque le discours dominant la réception a dřores et déjà façonné lřimage du parcours exemplaire emprunté par lřœuvre automatiste pour devenir un « classique » de la bibliothèque québécoise Ŕ parcours quřil me faudra donc mettre en question. Or, mon récit, en prenant le recueil et non le texte comme objet premier, sřintéressera surtout aux obstacles et aux détours de la réception qui, loin dřêtre une longue route tranquille pour une œuvre recueillistique et pluridisciplinaire comme Refus global, est plutôt constituée de voies parallèles, de routes secondaires et dřangles morts qui, au-delà du récit commun formé par le discours dominant, offrent à lřœuvre marginalisée certaines possibilités de survie. Il sřagira ainsi, par le biais du métarécit Ŕ puisque comme le dit Paul Ricœur, « raconter, cřest déjà expliquer39 » Ŕ, de faire voir comment et pourquoi Refus global a été écarté du récit dominant, mais aussi comment le recueil a pu être saisi à travers le temps, parfois dans son entièreté, parfois de façon partielle et ponctuelle. Au centre de ces explications réside la dynamique qui sřinstaure entre le recueil et son texte éponyme dans la lutte pour la survie dans lřhistoire, laquelle passe par une réception efficace.

Je poursuis donc ici un triple objectif. Je souhaite dřabord apporter une contribution à lřétude de Refus global par un déplacement de la focalisation du texte éponyme vers le recueil pluridisciplinaire dont lřoccultation, on le verra, ne relève pas dřun manque de qualités esthétiques ou dřintérêt herméneutique, mais dřun ensemble de facteurs pragmatiques, historiographiques, institutionnels et aussi parfois purement ponctuels. La mise en évidence

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de ces facteurs qui participent à lřélaboration dřune tradition littéraire constitue dřailleurs un deuxième objectif. La comparaison entre la réception de « Refus global » et celle de Refus global permet en effet de révéler quels ont été les critères privilégiés dans la constitution de lřhistoire et de la mémoire culturelles québécoises depuis 1948. Enfin, par lřétude de la réception dřune œuvre hétérogène et pluridisciplinaire tel Refus global, je souhaite développer des outils et élaborer une réflexion sur les phénomènes de réception parallèle et de réception parcellaire des œuvres, lesquels ont pour but dřenrichir le domaine des études de réception.

Ces objectifs ne seront pas traités séparément; chacune des parties de la thèse contribuera à enrichir à la fois les réflexions sur les méthodes dřanalyse de la réception, sur lřépistémologie de lřhistoire et sur Refus global et lřaccueil qui lui a été réservé depuis sa parution. Mon propos sera plutôt divisé en huit chapitres répartis en trois parties de longueur inégale. La première partie présente les bases théoriques qui soutiennent mon étude (chapitre 1) et les informations méthodologiques liées à la constitution du corpus et au traitement des données (chapitre 2). La deuxième partie, plus substantielle, sřarrête sur la première et principale étape de ce parcours de réception de « Refus global », cřest-à-dire le moment de sa parution (1948-1949). Y est dřabord présenté un portrait général de la première année de réception du recueil automatiste (chapitre 3), puis un bref retour en arrière permet de présenter lřhorizon dřattente qui oriente la réception (chapitre 4), avant que celle-ci soit détaillée en fonction des principaux obstacles qui nuisent à la saisie de lřœuvre dans son ensemble, mais aussi de certains aspects qui, au contraire, favorisent la lecture du recueil (chapitre 5). La troisième partie se divise de façon similaire : débutant par un portrait diachronique de la réception subséquente (1950-2008), lequel fait voir lřémergence et la constitution du récit commun autour de certains topoï (chapitre 6), elle se poursuit par une étude de cinq nouveaux obstacles Ŕ qui, pour certains, prolongent ceux de la première réception Ŕ et par la mise en évidence de voies parallèles qui permettent au recueil de survivre à lřécart du discours dominant (chapitre 7). Enfin, cette partie se termine par une étude des réceptions autonomes des composantes marginales, lesquelles offrent également au recueil des voies de contournement du récit commun, à travers une réception que je qualifie de parcellaire (chapitre 8). Je reviendrai en conclusion sur les trois objectifs énoncés ici, afin de montrer en quoi les difficultés de réception causées par lřobjet problématique quřest « Refus global » permettent dřéclairer aussi bien lřœuvre automatiste que lřhistoriographie québécoise.

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1

ÈRE

PARTIE

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16

C

HAPITRE PREMIER

L’

HISTOIRE D

UNE RÉCEPTION PARTIELLE

Les pages qui précèdent ont permis dřexpliciter le titre de cette thèse, « Quand Refus global devient ŖRefus globalŗ », et de clarifier les ambiguïtés concernant le contenu, le titre et le genre de lřœuvre à lřétude. Jřaborderai maintenant le sous-titre, « lřhistoire dřune réception partielle », et les questions plus théoriques quřil soulève. Mon travail se situant au confluent de lřhistoire culturelle et des études de réception, ce premier chapitre fait un bref retour sur les origines et les présupposés de ces deux domaines et situe mon point de vue à lřintérieur de ceux-ci, faisant voir ce que ma réflexion autour du phénomène de réception partielle est à même dřapporter à ces deux champs de recherche.

1.1 Théories de l’histoire

Étudier la réception du recueil Refus global nřest pas étudier Refus global; il sřagit plutôt dřen cerner les représentations dans lřhistoire à travers le discours critique à son sujet. Aussi cette thèse sřinscrit-elle davantage dans le sillage de lřhistoire culturelle que dans une histoire de la littérature qui relèverait de lřherméneutique.

1.1.1 De l’histoire politique à l’histoire culturelle

Lřhistoire culturelle, telle quelle sřest formée en France dans les années 1980, sřinscrit dans une double relation de continuité et de rupture avec lřÉcole des Annales fondée en 1929 par Marc Bloch et Lucien Febvre autour de la revue Annales d’histoire économique et sociale. Cette école qui dominera la pratique historiographique pendant presque tout le vingtième siècle sřest développée, pour sa part, en réaction à lřhistoire politique et militaire qui avait cours jusque-là. Elle oppose à lřhistoire des Grands Hommes et des Grands Événements une macrohistoire des structures économiques et sociales, à visée ouverte et totalisante, laquelle privilégie les larges panoramas diachroniques et les phénomènes à évolution lente. Pour ce faire, elle emprunte aux objets et aux méthodes dřautres disciplines telles lřanthropologie et la

Figure

Tableau I Ŕ Description des périodiques et de leur contribution à la couverture de l’affaire  Refus global
Figure 2 Ŕ Répartition des OSS de la première réception   a. selon les sujets abordés; b
Tableau III Ŕ Nombre de mentions des auteurs ou composantes selon la discipline à laquelle  appartiennent les articles
Figure 8 Ŕ « L’œil en  coulisse » [illustration], Le  Petit Journal, 29 août 1948
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