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Construction médiatique des inondations : exemple du Togo de 2007 à 2011

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CONSTRUCTION MÉDIATIQUE DES INONDATIONS

EXEMPLE DU TOGO DE 2007 À 2011

Mémoire

Ange Mawussé Dovi

Maîtrise en sociologie

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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iii Résumé

Eu égard à la récurrence des inondations qui frappent annuellement le Togo de 2007 à 2011, à l'ampleur des dégâts et à l'investissement de l'espace public par différents acteurs, le problème environnemental des inondations est devenu un problème public. Grâce à l'approche constructiviste des problèmes sociaux, notre objectif est de révéler cette transformation et de souligner la contribution des médias à ce processus. Dans son double rôle de rapporteur et d'acteur, la presse togolaise a permis de révéler la trajectoire argumentative des acteurs mobilisés grâce à la controverse que les différents discours ont suscitée. En définitive, les résultats obtenus nous permettent d’avancer qu’à cause de leur vulnérabilité, les acteurs se sont plus préoccupés de la gravité des inondations que de ses causes et de découvrir que ces inondations ont agi comme des révélateurs de problèmes sociaux, tant les problématiques auxquelles les intenses débats ont abouti étaient diverses et variées.

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v Abstract

Following the flooding events that yearly struck Togo from 2007 to 2011, which caused important damages, and led social actors to mobilise, this essay examines the environmental problem of flooding and its construction as a public issue. Adopting a constructivist approach to environmental problems, the objective is to show the transformation of an environmental problem into a public issue, and to emphasize the contribution of the media to the process. In its double role as reporter and actor, the Togolese press is a means by which the actors' claims are expressed. A public controversy about the causes and the consequences of annual flooding arose between different actors and institutions. Data gathered from press reports show that because of their own vulnerability many local actors were more concerned with the extent of the flooding than with their origins. Transformed as a social problem, they reveal an intense social and political debate.

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vii Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... ix

Liste des graphiques ... xi

Liste des cartes ... xi

Liste des sigles et abréviations ... xiii

Remerciements ... xvii

Introduction ... 1

I. CONTEXTE : INONDATIONS DE 2007 À 2011 ... 3

1.1. Bref aperçu du déroulement des inondations de 2007 à 2011 ... 8

1.2. Cadre climatique et physique ... 9

1.3. Découpage administratif, cadre humain et vulnérabilité... 11

II. PROBLÉMATIQUE ... 15 2.1. Question de recherche ... 23 2.2. Objectifs ... 23 2.3. Hypothèses ... 24 2.3.1. Hypothèse principale ... 24 2.3.2. Hypothèses secondaires ... 24

III. DU PROBLÈME ENVIRONNEMENTAL AU PROBLÈME PUBLIC ... 27

3.1. Les problèmes sociaux ... 27

3.2. Les problèmes publics ... 28

3.2.1. La mobilisation ... 29

3.2.2. La médiatisation ... 29

3.2.3. La politisation ... 30

3.3. Les dimensions des problèmes environnementaux ... 30

3.3.1. Les revendicateurs ... 30

3.3.2. Les revendications ... 31

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viii

3.4. La notion de controverse ... 35

3.4.1. Controverse environnementale et prise de décision publique ... 36

3.4.2. Intérêt de l'analyse longitudinale des controverses ... 37

IV. MÉDIAS ET PROBLÈMES ENVIRONNEMENTAUX ... 41

4.1. L'importance des médias ... 41

4.2. La presse : rapporteuse et participante au modelage des enjeux ... 42

4.3. Notre typologie des presses ... 44

V. MÉTHODOLOGIE ... 45

5.1. Présentation et justification du corpus de la recherche ... 45

5.2. Présentation du support de la recherche ... 47

5.2.1. Version papier ... 47

5.2.2. Version électronique en ligne ... 48

5.3. La grille d'analyse ... 49

5.4. Justification et apport... 52

5.5. Limites ... 52

VI. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ET ANALYSE ... 55

6.1. Bilan annuel ... 55

6.2. Analyse par presse ... 59

6.3. Analyse par acteurs ... 62

6.3.1. National Public ... 62

6.3.2. National Privé ... 64

6.3.3. National Associatif ... 65

6.3.4. International ... 67

6.4. Analyse par thème ... 68

6.4.1. Presse publique nationale ... 69

6.4.2. Presse privée en ligne ... 81

6.4.3. Bilan thématique ... 87

6.5. Inondations : entre risque principal et vulnérabilité ... 90

6.6. Une controverse environnementale publique particulière ... 93

Conclusion ... 97

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ix Liste des tableaux

Tableau 1 : Tableau comparatif du pourcentage de la population et d'incidence de la pauvreté par région

Tableau 2 : Types idéaux des causes et des solutions des inondations

Tableau 3 : Répartition par an des articles de presse publiés pendant et en dehors de la période cible (juillet à octobre de 2007 à 2011)

Tableau 4 : Grille d'analyse

Tableau 5 : Tableau récapitulatif des thèmes par presse Tableau 6 : Tableau récapitulatif de la controverse

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xi Liste des graphiques

Graphique 1 : Distribution mensuelle des articles de presse de 2007 à 2011 et périodes de pluies

Liste des cartes

Carte 1 : Carte des bassins et des sous-bassins du Togo Carte 2 : Carte administrative du Togo

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xiii Liste des sigles et abréviations

CEDEAO : Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest FAO : Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture FMI : Fonds monétaire international

OCHA : Bureau de coordination des affaires humanitaires OMS : Organisation mondiale de la santé

ONG : Organisation non gouvernementale PAM : Programme alimentaire mondial Plan ORSEC : Plan d'organisation de secours

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement RRC : Réduction des risques de catastrophes

SNU Togo : Système des Nations Unies au Togo UA : Union africaine

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xv Aussi étroit que soit le chemin,

Bien qu’on m’accuse et qu’on me blâme ; Je suis le maître de mon destin,

Le capitaine de mon âme.

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xvii Remerciements

Je tiens à adresser de sincères remerciements à mes parents, pour les multiples sacrifices auxquels ils ont consenti toutes ces longues années, ainsi qu'à mes frères et sœurs, pour toute la confiance et le réconfort qu'ils m'ont apporté – sans oublier les heures passées à scanner les presses.

Mes profonds remerciements vont à Louis Guay pour avoir toujours été présent et pour avoir mis toute cette énergie dans la réalisation de ce mémoire, et à Yao Assogba, pour m'avoir très tôt, montré le chemin.

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1 Introduction

Le 06 septembre 2007, la presse privée togolaise en ligne, Letogolais.com, titre : "Pluies diluviennes au Togo : une dizaine de morts dans le nord". Le journaliste rapporte que selon les communiqués du gouvernement, les pluies incessantes ont engendré des inondations qui ont causé d'importants dégâts matériels et des pertes en vies humaines. Regrettant que les autorités n'aient publié aucune estimation des dégâts, il conclut sur le caractère récurrent de tels incidents dans le nord du pays. Connaissant la suite des évènements, nous pouvons dire que les acteurs impliqués ne se doutaient probablement pas à la publication de cet article, que ce serait le début de cinq longues années d'inondations, de dégâts matériels, de pertes en vies humaines, de déplacements de populations, de recherches de solutions, de mobilisations locales et internationales et de conflits médiatiques.

La presse, rapporteuse par excellence des faits de société, a non seulement relayé, mais aussi sélectionné et organisé l'information sur les inondations, le déroulement des opérations de secours, l'inquiétude et le désarroi des sinistrés, l'assistance qui leur a été apportée et leur vulnérabilité face au sinistre. Elle a ainsi dressé le tableau de la situation des populations touchées par le sinistre et interpellé les uns et les autres sur leurs conditions sociales indésirables. L'ampleur des inondations et leur récurrence au fil des années ont donné un caractère alarmant au phénomène qui a attisé l'engagement politique et social des acteurs qui se sont emparés de l'espace public pour opposer leurs points de vue. La presse a été saisie par ceux-ci dans le but de faire valoir et légitimer leur construction argumentaire sur les causes et les solutions à apporter au phénomène, et celle-ci s'est aussi saisie d'eux en tant qu'actrice à part entière, qui choisit et valorise des points de vue particuliers. La couverture médiatique qui a été faite des inondations les présente comme des conditions sociales indésirables pour une certaine partie de la population et qui suscite la mobilisation d'acteurs qui s'opposent dans l'espace public. En d'autres termes, la presse présente les inondations comme un problème public.

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La recherche existante sur l'apport des médias dans la construction des problèmes sociaux (et dans une large mesure, ceux publics) en fait des espaces de lutte et de revendications dont s'emparent les acteurs dans le but d'imposer leur vision du problème et d'obtenir des ressources (Spector et Kitsuse, 1977), étape préalable nécessaire à leur légitimation (Hannigan, 1995), ou des entités indépendantes qui au contraire, s'emparent des problèmes sociaux et les construisent en problèmes publics (Cohen, 1972). Ainsi, la presse peut aussi, en fonction de ses intérêts, favoriser l'expression d'un acteur ou d'une définition particulière du problème plutôt que d'un autre. Il apparaît donc que les médias jouent un double rôle, à savoir celui de relais d'informations produites par d'autres acteurs et celui d'acteur qui choisit l'orientation qu'elle souhaite donner à l'information.

L'intérêt constructiviste qui a nourri toute notre réflexion a engendré une certaine proximité entre problèmes sociaux et problèmes publics. En effet, ces deux notions deviennent similaires, strictement du point de vue d'une analyse méthodologique, dès lors qu'on conçoit qu'elles sont toutes deux construites par des acteurs qui s'affrontent dans des espaces publics, en se servant des médias pour diffuser leur définition du problème, leurs solutions et leurs engagements pour l'action, afin de conquérir l'opinion publique. Cependant d'un point de vue ontologique, les différences existantes entre ces concepts, longuement explicitées dans les pages qui suivent, rappellent de ne pas s'égarer dans leur confusion. Toutefois, l'analyse de l'un grâce à l'approche méthodologique de l'autre n'est pas impossible. L'intérêt de notre recherche est donc d'appliquer à l'étude d'un problème public, l'approche constructiviste des problèmes sociaux.

Par une analyse qualitative d'articles provenant de deux presses, l'une publique et l'autre privée, nous avons pour objectif d'étudier la construction des inondations en un problème public, par le prisme de l'approche constructiviste des problèmes sociaux. En d'autres termes, en nous focalisant sur la richesse thématique de ces articles, nous souhaitons montrer comment les inondations de 2007 à 2011 au Togo sont construites comme un problème public à travers ces médias, d'en faire ressortir les principaux acteurs, de révéler les spécificités de leurs discours, ainsi que de repérer les nœuds de controverses qui éclatent dans l'espace public.

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3 I. CONTEXTE : INONDATIONS DE 2007 À 2011

Tout problème social s'inscrit dans un contexte qu'il est indispensable de bien connaître afin de pouvoir le délimiter et le comprendre dans son ensemble. Ce chapitre a pour but de replacer le lecteur dans le contexte dans lequel se sont produites les inondations de 2007 à 2011, et de décrire les conditions climatiques moyennes habituelles du pays.

En Afrique en général et en Afrique tropicale en particulier, deux facteurs importants ont un fort impact sur l'émergence et la mise en œuvre de politiques de gestion des risques liés aux inondations (Gallais, 1994 ; Bechler-Carmaux et al., 2000). D'une part, les grandes variations spatio-temporelles entre les précipitations y engendrent deux risques hydriques : les sécheresses et les inondations. Dans des conditions normales, ces variations sont prévisibles et on pourrait "facilement" estimer les probabilités d'occurrence de ces phénomènes, même si les inondations subséquentes aux pluies sont plus spontanées (et donc moins prévisibles) que celles dues aux crues de fleuves. D'autre part, la très forte croissance urbaine engendre dans certains pays en Afrique l'occupation de « zones à risques » et entrave la mise en place de systèmes de prévention ou de prévision efficaces des risques et de protection des populations (Thouret, 1996). La multiplication de bidonvilles dans les pays en développement, est généralement la conséquence de la croissance démographique urbaine et de l’expansion spatiale des villes. En se combinant à la croissance rapide de la population, à l'exode rural, à la pauvreté et l'impuissance des autorités face à cet ensemble de facteurs, il en découle une situation facilitant l'occupation par les populations les plus défavorisées d'espaces qui sont jugés "à risques" (Bechler-Carmaux et al., 2000 ; Jha et al., 2012). Alors que la croissance annuelle de la population ouest africaine était estimée à 2,7% en 2012, 36,8% de celle-ci vivait en ville la même année et environs 45,8% disposait de moins de $ 1,25 par jour en 20101. La ville s'étend si

rapidement sous l'influence des facteurs précités que les services publics n'arrivent pas à suivre le rythme de cette croissance et à aménager les espaces qui sont progressivement

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habités par les populations (Jha et al., 2012). Il arrive que celles-ci se retrouvent ainsi à habiter dans des lieux dits "à risque", lieux désignant des espaces non propices à l'habitation (Bechler-Carmaux et al., 2000 ; Jha et al., 2012). Ces lieux sont essentiellement des espaces géographiques dont les facteurs topographiques les prédisposent à différents types d'aléas de catastrophes tels que les inondations, les glissements de terrain, les éboulements, l'érosion, etc (Programme des Nations Unies pour le développement [PNUD], 2010). En ce qui concerne les inondations,

Deux ans après la saison des pluies [de] 2007 pendant laquelle 300 personnes sont mortes et 800 000 autres ont été affectées par des inondations, [l]’Afrique de l’Ouest est une fois de plus en proie à une saison pluvieuse dévastatrice. Depuis juin, début de la saison des pluies [de] 2009, les inondations ont affecté plus de 600 000 personnes et auraient causé la mort de 187 autres. Des dégâts matériels sont notés avec la destruction de biens personnels et publics tels que les habitations, les cultures vivrières, les infrastructures socio-économiques que sont les écoles, les maisons, les hôpitaux, les routes et ponts. Le Sénégal, le Burkina Faso, le Ghana, la Guinée et le Mali figurent parmi les pays les plus touchés (Bureau de coordination des affaires humanitaires [OCHA], 2009: 1).

Au Togo, les différents rapports du gouvernement réalisés en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Système des Nations Unies au Togo (SNU Togo) sont unanimes : « Le risque d’inondation est devenu depuis

2007 le risque naturel le plus important pour le pays, puisqu’il a été suivi de nouveaux évènements catastrophiques durant les étés 2007, 2008 et 2009. Les bilans réalisés à la demande du gouvernement […] montrent son impact et l’incapacité pour le pays de prévoir les crues autant que de lutter contre elles » (PNUD, 2010 : 19). En effet, des inondations

devenues quasi-annuelles depuis 2007 ont sévèrement touché l'ensemble du territoire national, notamment les zones périurbaines de Lomé (la capitale) ainsi que certaines communautés en milieu rural, réparties dans les cinq régions économiques du pays.

Les pertes en vies humaines, économiques et matérielles provoquées par ces inondations, inscrites dans un contexte généralisé de changement et de variabilité climatique accrue, ont suscité l’éveil de la « conscience nationale » sur la nécessité de mettre en place des mécanismes de réduction des risques de catastrophes naturelles (PNUD, 2010 ; Gouvernement Togolais et al., 2010).

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5 Dans la préface de la Stratégie nationale de réduction des risques de catastrophes au Togo, le ministre de l'Environnement et des ressources forestières rappelle :

Au cours des années 2007, 2008 et 2009, notre pays a enregistré les inondations les plus spectaculaires suite aux pluies diluviennes survenues durant les mois de juillet, août et septembre sur l’ensemble du territoire. Les régions des Savanes et Maritime ont été sévèrement touchées avec des décès et d’importants dégâts matériels notamment : la destruction de l’habitat, infrastructures routières, écoles, système d’approvisionnement en eau potable, électrique et téléphonique, hôpitaux, marchés, champs de cultures, bétail entraînant le ralentissement des activités génératrices de revenus. Aussi, enregistre-t-on une dégradation considérable du potentiel des ressources naturelles et de l’environnement aggravant les conditions de vie de nos laborieuses populations (République Togolaise et al., 2009 : 5).

Si de nombreuses études sur la vulnérabilité du pays face aux risques naturels ont été réalisées au cours de l'année 2010 (Gouvernement Togolais et al., 2010 ; République Togolaise et al., 2010a, 2010b, 2010c, 2010d), c'est selon nous à cause de la puissance des inondations et des dégâts engendrées cette année-là d'une part, et d'autre part, à cause de l'insuccès des programmes mis en place en 2008.

L’instabilité des saisons constatée depuis quelques années, a entraîné, au cours de l’année 2010, notamment au Sud du Togo, une jonction entre la deuxième saison pluvieuse et la première. La conséquence en a été la longue période d’hivernage marquée de précipitations plus abondantes que la moyenne. […] Tout comme les années précédentes, les inondations devenues désormais cycliques, récurrentes, inéluctables au Togo ont touché toutes les régions du pays. Elles occasionnent d’importants dégâts aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Il s’agit notamment des pertes en vies humaines, des blessures, des déplacements de populations, d’importants dégâts sur l’agriculture et sur l’environnement (Système des Nations Unies au Togo [SNU Togo], 2010 : 3).

Une évaluation humanitaire a été réalisée du 21 au 23 octobre 2010 par le gouvernement togolais, en collaboration avec ses partenaires techniques et financiers, sur 4 des 5 régions administratives du pays, à savoir Maritime, Centrale, Kara et Savanes – Plateaux n'ayant pas été prise en compte. En termes absolus, « l’évaluation a dénombré sur l’ensemble du

territoire 82 767 sinistrés, 85 blessés et 21 décès. Les dégâts matériels évalués concernent le nombre de maisons inondées (3947), écroulées (7320), décoiffées (194) et abandonnées (921) ; la superficie des champs de cultures dévastés est de 7744,24 hectares »

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En ce qui concerne l'éducation, l'évaluation révèle que dans les préfectures Lacs, Yoto, Bas Mono et Grand Lomé – toutes dans la région Maritime :

La destruction totale ou partielle d’infrastructure scolaire a été enregistré, notamment 366 salles de classes, 54 cours d’écoles, environ 800 mètres de clôture détruits, 141 écoles affectées, près de 2000 table-bancs ont été complètement trempés et sont inutilisables. A cela, il faut ajouter des armoires, des chaises, des bureaux détruits dans les écoles touchées par les inondations, 10 puits pollués et endommagés (Gouvernement Togolais et al., 2010 : 14).

Le secteur de la santé, sujet à des problèmes variables en fonction des régions, a lui aussi été touché par ces inondations qui ont engendré l'effondrement de bâtiments servant à offrir des soins de santé. De plus, les eaux qui stagnent dans certains centres de santé, dans les rues, dans les maisons et dans des espaces non aménagés constituent de véritables gîtes de vecteurs de maladies hydriques et même parasitaires, en l'occurrence les germes de moustiques (Gouvernement Togolais et al., 2010 : 17).

L'impact économique de ces inondations est marquant dans le secteur économique primaire. En effet, l'agriculture emploie environ 70% de la population active et reste faiblement mécanisée. Elle dépend encore fortement des pluies et reste dons assujettie aux aléas climatiques (Gouvernement Togolais et al., 2010 : 18). Les données de l'évaluation montrent que dans les zones d'investigation, ce sont environs 4737,79 ha essentiellement de maïs inondés et 16 179 producteurs qui sont affectés (Gouvernement Togolais et al., 2010 : 18). Les principales cultures étant les céréales, les tubercules, les légumineuses, les cultures de rente, les cultures pérennes, la canne à sucre et les cultures maraîchères, ces pertes engendrent bien plus qu'un manque à gagner, mais aussi une pénurie alimentaire. Le sous-secteur de l'élevage a connu des dégâts aussi importants, à savoir la destruction d'étangs piscicoles et d'installations d'élevages pour les petits ruminants et la volaille (Gouvernement Togolais et al., 2010 : 19).

Les infrastructures routières déjà vétustes, précaires et mal construites dans certaines régions ont aussi subi d'importants dégâts. La destruction de ponts entiers et de ponceaux, l'apparition ou l'aggravation de nids de poules et l'inondation de certaines voies de circulation sont les éléments marquants du diagnostic réalisé par l'équipe de l'évaluation. De plus, certains endroits de la ville de Lomé qui étaient des lits de rivière, et considérés

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7 comme des « zones à risque » sont habitées ou transformés en zones de stationnement, ce qui augmente les pertes matérielles lors des inondations (Gouvernement Togolais et al., 2010 : 23).

Le rapport du SNU Togo (2010) révèle lui aussi, à la suite d'une mission de survol des zones inondées dans la région Maritime, en l'occurrence la partie Est de la ville de Lomé, le long du fleuve Zio et la partie Sud Est du Togo (Préfectures des Lacs, de Yoto et de Bas Mono) que :

Les zones rurales n’étaient pas inondées comme on le pensait. Cependant quelques habitations en bordure ou dans les lits des fleuves étaient inondées. Les champs cultivés étaient davantage touchés […] Les quartiers en milieux urbains et semi urbains étaient plus inondés avec un nombre important de maisons sous les eaux (SNU Togo, 2010 : 6).

Ce constat vient appuyer l'idée selon laquelle les zones à risques sont de plus en plus occupées sous l'influence de l'expansion urbaine. Eu égard au caractère récurrent des inondations et aux conséquences enregistrées sur l’économie nationale et sur les populations les plus pauvres, le gouvernement a érigé la réduction des risques de catastrophes (RRC) en priorité nationale, alors que le Plan de contingence multirisque du Togo élaboré en 2009 place les inondations comme risque prioritaire contre lequel il faut se protéger. Il a de ce fait pris des initiatives lui permettant d’apporter des réponses appropriées aux crises de catastrophes tout en prenant en compte la durabilité dans les interventions (PNUD, 2010). Le gouvernement, les partis politiques d'opposition, la société civile togolaise, les acteurs privés ainsi que les partenaires internationaux se sont mobilisés afin de sensibiliser et d'apporter une aide matérielle, des soins de santé et un soutien moral aux populations touchées2.

Compte tenu de la récurrence et de l'ampleur croissante du phénomène, de la mobilisation des acteurs, de la planification et de la mise en œuvre de solutions, les inondations enregistrées au Togo entre 2007 et 2011 sont présentées par les médias comme des problèmes publics. D'où notre interrogation : comment la presse contribue-t-elle à la construction des inondations comme un problème public ?

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1.1. Bref aperçu du déroulement des inondations de 2007 à 2011

En septembre 2007, des pluies diluviennes s'abattent sur le Nord du Togo. C'est le début des premières inondations dans la région des Savanes. En octobre de la même année, c'est la région des Plateaux qui est victime de ces pluies, avec les mêmes conséquences. Le gouvernement demande l'aide de la Force française de l'opération Licorne en mission en Côte d'Ivoire pour secourir les sinistrés.

En juillet 2008, les inondations dues à des pluies importantes font des dégâts dans la région des Plateaux et une semaine plus tard frappent aux portes de la capitale (environs 75 km au nord de Lomé). Au cours du même mois, les fortes pluies ont fait monter le niveau des fleuves Mono et Zio, ainsi que de leurs affluents. Les inondations prennent de l'ampleur et des ponts sur l'axe routier reliant le Sud au Nord sont détruits, ce qui isole la capitale des autres régions. En août 2008, le gouvernement lance un appel à l'aide internationale et met en exécution un Plan d'organisation des secours d'urgence avec l'aide des Forces françaises et ghanéennes : le Plan « ORSEC ».

En janvier 2009, le gouvernement commande une étude sur la mise en valeur agricole des zones inondables à la suite des inondations de juillet 2008, et élabore le Plan de contingence multirisque du Togo. Mais en juillet 2010, de nouvelles inondations se produisent à Lomé. « (…), en septembre 2010, la ville de Lomé a enregistré 205,5

millimètres d’eau contre une normale de 65,4 millimètres, soit un excédent de 314%. Sur l’ensemble du territoire, le cumul pluviométrique mensuel de janvier à septembre 2010 par rapport à la normale (1971-2000) est excédentaire et varie de 66,5 à 175%. » (SNU Togo,

2010 : 3). La gravité des inondations conduisent à l'élaboration conjointe de documents stratégiques par le gouvernement et les partenaires internationaux.

En 2011, l'accent mis sur la prévention est accru. La revue annuelle du Plan de contingence est réalisée en avril, pendant qu'à la même période, des réseaux locaux de gestion des inondations sont mis en place. En mai, des études rétrospectives sont réalisées pour tirer des leçons des évènements passés et de nombreux ouvrages d'assainissement sont réalisés ou réhabilités. Bien que des inondations soient signalées, elles n'ont pas eu la même ampleur que les années précédentes.

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9 1.2. Cadre climatique et physique

Le Togo, pays d'Afrique de l'Ouest d'une superficie de 56 790 km2, est entièrement situé

dans la zone tropicale (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture [FAO], 2005)3. Il bénéficie ainsi d'un climat tropical avec quatre saisons au Sud (alternance

de deux saisons sèches et deux saisons pluvieuses) et deux saisons au Nord (une sèche et une pluvieuse). Le Sud jouit d'un climat de type subtropical avec succession d'une grande saison pluvieuse qui s'étend d'avril à juin, une petite saison sèche de juillet à août, une petite saison pluvieuse de septembre à octobre et une grande saison sèche de novembre à mars. Au Nord, le climat est de type soudanien, avec une saison pluvieuse de juin à septembre et une saison sèche d'octobre à mai.

Les précipitations moyennes annuelles ont une hauteur de 1 168 mm et les températures varient en moyenne entre 30°C à Lomé et 34°C à Mango pour les maximales, et entre 23°C à Lomé et 13°C à Mango pour les minimales (FAO, 2005 : 2). Ces précipitations viennent nourrir en eaux les trois grands bassins qui constituent le système hydrographique du pays (République Togolaise et al., 2013 : 8-9). Le plus grand, le bassin de l’Oti, occupe environs 47,7% du territoire et est subdivisé en sept bassins secondaires. Il a un régime de type tropical lié au régime pluvial de la zone qu’il draine. Les crues s'observent entre août et octobre, et la période d'étiage s'étend de décembre à juin. Le second, le bassin du Mono, occupe environs 37,7% du territoire. Il est de type tropical de transition et est caractérisé par des pluies régulières plutôt qu'abondantes tout au long de l’année. Les crues s'observent entre juillet et octobre. Le troisième, le bassin côtier du lac Togo, est composé de petits chenaux lagunaires et l’ensemble du bassin côtier couvre une superficie estimée à 14,3%. Il possède un régime équatorial de transition lié aux précipitations, c'est-à-dire une alternance de deux saisons sèches avec deux saisons de pluie. « Les eaux superficielles représentent 8

à 12 milliards de m3 d'eau en moyenne par an et sont alimentées par des pluies dont les

eaux sont drainées en surface par quatre principaux cours d’eau (Oti, Mono, Haho et Zio) » (Gouvernement Togolais et al., 2010 : 8) (voir Carte 1 : Carte des bassins et sous-bassins du Togo).

3 Toutes ces informations sont tirées des pages 1 à 2 du rapport L'irrigation en Afrique en chiffres publié en

2005 par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Il s'agit de données par pays, résultat de l'enquête AQUASTAT.

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Carte 1 : Carte des bassins et des sous-bassins du Togo

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11 1.3. Découpage administratif, cadre humain et vulnérabilité

Le découpage administratif du Togo structure le pays en cinq (5) régions, trente-cinq (35) préfectures et une (1) sous-préfecture. Du sud au nord, se succèdent la région Maritime, la région des Plateaux, la région Centrale, la région de la Kara et la région des Savanes. La population togolaise, estimée en 2010 à 6 191 155 habitants dont 51,4% de femmes, occupe l'espace géographique de manière inégale (République Togolaise et al., 2013). Les données de 2012 précisent la répartition de la population dans la région Maritime (42%), dans les Plateaux (22,2%), dans la Centrale (10%), dans la Kara (12,4%) et dans les Savanes (13,4%) (République Togolaise et al., 2013).

Tableau 1 : Tableau comparatif du pourcentage de la population et d'incidence de la pauvreté par région.

Population (%) Incidence de la pauvreté (%)4

Maritime 42 93,35

Plateau 22,2 56,2

Centrale 10 77,7

Kara 12,4 75,0

Savanes 13,4 90,5

Le Tableau 1 ci-dessus montre bien que les régions Maritime et Savanes sont fortement habitées. À la lueur des conclusions de Thouret (1996) quant à l'influence de la croissance urbaine sur la mise en place des systèmes de prévision et de prévention des risques, nous pouvons avancer que de tels systèmes auraient plus de difficulté à être mis en place dans les régions Maritime et Savanes. De plus, les apports de Bechler-Carmaux et al., (2000) et de Jha et al., (2012) sur la multiplication de bidonvilles sous l'effet de la croissance démographique urbaine et de l’expansion spatiale des villes, nous permettent d'avancer que les taux d'incidence de pauvreté très élevés de ces régions ont favorisé l'occupation

4 « D'une manière générale, la région des Savanes est la plus pauvre avec une incidence de pauvreté de

90,5%, suivie des régions Centrale (77,7%), de la Kara (75,0%), Maritime (69,4%), des Plateaux (56,2%) et enfin de Lomé (24,5%) » (FMI et République Togolaise, 2010 :14).

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12

d'espaces jugés « à risques » par les populations y habitant. Ainsi, selon nous, les populations des régions Maritime et des Savanes sont, à la suite de la combinaison de ces facteurs, vulnérables aux catastrophes naturelles.

Alors que 61,7% de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté (République Togolaise et al., 2010a : 19), le Togo dispose de capacités politiques, juridiques, institutionnelles et techniques limitées quant à la prévention et à la gestion efficace des catastrophes (République Togolaise et al., 2013). De ce fait, face à l'occurrence d'un risque environnemental quelconque, et celui d'inondation en particulier, l'État togolais et ses citoyens sont, à différents degrés, tous deux très vulnérables, même si des dispositions sont prises depuis les inondations de 2010. Soulignons en guise d'exemple les tremblements de terre de 1862, 1906, 1911 et 1913, les glissements de terrain des années 1988-1989 et la soixantaine d'inondations urbaines et rurales survenues entre 1925 et 1992 (République Togolaise et al., 2009). Et plus récemment, en ce qui concerne les inondations,

En 2007, le communiqué officiel du Gouvernement dresse le bilan suivant : 20 personnes décédées, 58 blessées et 34 000 personnes déplacées. Dans le même bilan on note 22 129 cases détruites, 101 ponts et ponceaux cassés, défoncés ou emportés par les eaux. On dénombre également 46 écoles et collèges endommagés ou détruits, et 3 dispensaires infréquentables. Dans l’Oti, plus de 1 500 hectares de cultures vivrières ont été détruits. En 2008, le rapport d’évaluation conjointe produit par le SNU communique que le désastre aurait affecté entre 30 000 et 40 000 personnes. Ce cataclysme a fait six (06) morts, 4 000 ménages affectés soit environ 20 000 personnes. En 2009, le nombre de morts se chiffre à 12 dont 04 par noyade et 08 par effondrement de cases (République Togolaise et al., 2009 : 32).

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13 Carte 2 : Carte administrative du Togo

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15 II. PROBLÉMATIQUE

En abordant la question des inondations au Togo, nous avons constaté qu'elles étaient "devenues" des problèmes publics. Constituant le point de départ de notre réflexion, ce constat est probablement inspiré de l'idée de Neveu (1999 : 2) selon laquelle, « Un

« problème public » (ou « social problem ») n'est rien d'autre que la transformation d'un fait social quelconque en enjeu de débat public et/ou d'intervention étatique ». Non

seulement l'utilisation interchangeable de "problème public" et de "problème social" nous a intrigué, mais en plus, à en croire cet auteur, tout fait ou phénomène social quelconque peut devenir un problème public, pour autant qu'il en remplisse les conditions. Mais comment est-ce possible ? En réponse à cette question générale, il ressort un cheminement composé de plusieurs étapes que suit un fait qui connait une telle métamorphose. Tout d'abord, il y a un fait social qui est une réalité ou une situation initiale, connue de tous ou non. Quand cette situation est considérée et reconnue par un groupe comme gênante ou posant un problème, elle devient un problème social. Quand ce problème social est porté et défendu dans l'espace public par des acteurs et qu'il acquiert l'attention de l'opinion publique, il devient un problème public. Enfin, lorsque ce problème public est pris en charge par des autorités politiques, il devient un problème politique. Compte tenu de cette succession causale et en référence à la spécificité ontologique de chaque notion, nous avons conclu qu'un problème social n'était pas exactement un problème public, mais qu'il pouvait le devenir ; mais aussi, et surtout, que tout fait social, économique, environnemental, juridique, ou autre pouvait le devenir.

L'étude des problèmes sociaux a rapidement constitué en sociologie une des questions fondamentales de la discipline. Tepperman et Curtis (2011) soulignent que très tôt, la sociologie s'est intéressée aux problèmes sociaux, car ceux-ci étaient liés d'une manière ou d'une autre aux faits sociaux. Ainsi, au-delà des divergences théoriques et méthodologiques, les sociologues se sont préoccupés de l'identification et de la résolution de problèmes sociaux. Cependant, définir ce que sont les problèmes sociaux n'a pas

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toujours été discuté préalablement de manière théorique au sein de la discipline, ce qui a engendré une diversité d'approches. Best rapporte dans Ritzer (2004 : 15) les propos de Case (1924 : 268) qui écrivait au sujet de cette notion qu'elle était semblable à « (…) one of

those much used popular expression which turns out to be incapable of exact definition ». Il

a fallu attendre les premières interrogations de Wright Mills et de Richard Fuller, mais surtout "l'intervention" d'Herbert Blumer (1971), d'Armand Mauss (1975) et de Spector et Kitsuse (1977) pour que cette lacune soit véritablement discutée et que des pistes de solutions soient recherchées.

Diverses approches se partagent le champ théorique de l'étude des problèmes sociaux. Le champ a largement été monopolisé par la théorie structuro-fonctionnaliste, qui, lorsqu'elle a révélé ses limites, a favorisé l'émergence d'autres théories, dont l'approche constructiviste. L'approche constructiviste des problèmes sociaux a bénéficié, en ce qui concerne les problèmes écologiques, de l'apport de nombreux auteurs, entre autres Peter Berger et Thomas Luckmann (1966), John Hannigan (1995, 2006) et Steven Yearley (2004), qui y ont vu un moyen de répondre aux difficultés auxquelles était confronté le structuro-fonctionnalisme. Cette approche suggère que la signification de toute chose en société, y compris la définition de ce qu'est un problème social, est le fruit d'une construction de la part des membres de la société. En effet, la variabilité selon les groupes, les époques ou les espaces géographiques, de ce qui constitue un problème social ou plus précisément, de ce qui est explicitement ou implicitement considéré comme un problème a conduit à l'émergence de cette approche importante de l'analyse sociologique dans laquelle nous inscrivons cette recherche. Ainsi, la définition de ce qu'est un problème social est le produit de la culture dominante et des pratiques symboliques dans un groupe ou une société. Ce processus est encore plus frappant dans la sphère du discours public, tant les acteurs mettent en œuvre diverses stratégies dans cette lutte de définitions, voire d'idéologies. Dans le but de contrôler le sens qui sera donné à un problème social, les acteurs mettent en place, diverses stratégies de revendication (claimsmaking) pour provoquer auprès de la population de profonds sentiments de pitié, d'inquiétude, de préoccupation, d'intérêt ou de peur. Ces revendications sont alors portées par des institutions, principalement les médias,

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17 qui, en les rapportant et en les diffusant, participent au modelage de la perception du public de ce qu'est le problème social en question (Tepperman et Curtis, 2011 : 15).

Réalisant une analyse comparative de journaux de langue française et anglaise au Canada, Young et Dugas (2012) affirment que la presse écrite, qu'elle soit sous format papier ou accessible en ligne, demeure la source d'informations la plus prédominante en matière de changements climatiques, et cela malgré la multiplication de divers forums ou blogues de non professionnels. Selon eux, non seulement ces forums ne sont pas aussi accessibles que la presse écrite, mais aussi leurs contenus reposent sur des publications préalablement parues dans la presse écrite. Les journaux restent de ce fait des contributeurs importants au discours public en matière de controverses et sont un moyen clé par lequel les revendications et discours sont communiqués et légitimés auprès du grand public.

Toutefois, bien loin d'être de simples instruments de légitimation, les institutions de diffusion des revendications participent très souvent à la construction des problèmes (Hannigan, 2006). Les médias par exemple peuvent "orienter" le lectorat à prendre parti pour tel ou tel acteur en mettant l'accent sur un aspect plutôt qu'un autre du problème, en portant un jugement (subtil ou non) sur la légitimité de tel ou tel acteur, ou tout simplement en privilégiant (volontairement ou non) une source lors de la collecte de l'information. Young et Dugas (2012 : 37) précisent que la sociologie du journalisme affirme que la voix qui s'exprime dans la presse ou sur les médias audiovisuels joue un rôle crucial dans la formulation et la présentation des informations et, par là, sur l'évaluation qu'en fait l'opinion publique. D'où la nécessité d'étudier les acteurs et d'analyser l'impact de celui qui s'exprime et surtout ses particularités sociales, économiques et politiques, qui pourront jouer sur les perceptions du lectorat.

Le processus de revendication englobe tous les moyens et stratégies mis en œuvre par les acteurs pour défendre leur position et conquérir "l'opinion publique". En effet, la conquête de cette dernière offre à l'acteur un maximum d'adhésion à sa perception de la situation problématique et ainsi de légitimer sa définition du problème. Car, malgré les nombreux débats quant à la définition du seuil de population concerné à partir duquel un problème devient social, un problème social n'en est effectivement un que quand une certaine « part relative » de la population le reconnait comme tel. Vu l'importance de la conquête de

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18

l'espace public dans la lutte pour la légitimation de la définition des problèmes sociaux, la sphère du discours public offre le meilleur cadre pour l'observation d'un tel processus de construction, dont les médias en général et la presse écrite en particulier sont des rapporteurs de premier plan.

En résumé, étudier du point de vue constructiviste un problème social consisterait à analyser les processus par lesquels les acteurs impliqués revendiquent la légitimation de leur définition du problème en produisant des discours argumentatifs au sein de l'espace public. En se référant par exemple à la théorie conflictuelle de la construction des problèmes sociaux, il apparaît clairement que des acteurs luttant chacun pour leurs intérêts construiront des discours divers visant à renforcer leur position, et, dans la mesure du possible, à déconstruire le discours et la légitimité de l'autre. Ce mouvement peut aussi consister à puiser dans le "stock argumentaire" de l'autre des éléments qui corroborent la définition de l'un, à détecter dans son argumentation des contradictions et incohérences afin de le déstabiliser ou encore à mettre en exergue ses changements d'avis, de position ou d'arguments. Or, ces interactions discursives et argumentatives (ou jeux d'argumentation et de contre-argumentation) entre les acteurs, constituent des points autour desquels se cristallisent les controverses, qui peuvent éclater dans l'espace public lors de la définition d'un problème social.

En appliquant l'étude sociologique des trajectoires argumentatives aux relations entre les acteurs du changement climatique et de l'énergie nucléaire, Chateauraynaud relève que :

« Ce qui est intéressant dans ce processus [d'argumentation], c'est qu'il ne s'agit pas, ou pas seulement, de la cristallisation de positions et de prises de positions déjà faites, mais une série de mouvements argumentatifs signalant le déplacement progressif des alliances et des oppositions » (Chateauraynaud, 2011b : 131). En effet, en décortiquant l'argumentation

autour de ce qui apparaît être l'instrumentalisation des enjeux climatiques pour insuffler un souffle nouveau à l'industrie nucléaire en Europe, l'auteur se rend compte du développement par à-coups des arguments avancés et donc du caractère procédural de l'argumentation au sein des controverses. D'où la nécessité selon lui de retracer l'histoire des controverses en les saisissant par le prisme d'une sociologie argumentative et d'une "balistique" sociologique (Chateauraynaud, 2011a, 2011b).

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19 Cette approche de la trajectoire argumentaire proposée par Chateauraynaud pour l'étude des controverses, s'est révélée être la mieux adaptée à notre objet à l'étude, mais n'est pas la seule. En effet, dans une optique réunificatrice de la démarche de recherche, Lemieux (2007)6 présente les approches classique et celle élaborée par les études sociales des

sciences – reprise ensuite par la sociologie des épreuves – de l'analyse des controverses, afin de montrer leurs avantages et de conclure sur une démarche combinatoire. Tandis que l'approche classique saisit la controverse comme le révélateur d'une dynamique "non explicite" qui sous-tend les relations entre les acteurs, l'approche des science studies voit dans ce phénomène des actions collectives qui conduisent à redéfinir ces relations. En d'autres termes, alors que la première approche saisit le moment conflictuel comme un moment privilégié d'accès à l'ordre social, la seconde la considère comme un moment de transformation – voire de renouvellement – de l'ordre social. L'auteur propose ainsi que l'étude des controverses se fasse dans la « perspective d'une articulation possible, et

souhaitable, entre une approche de la controverse en tant qu'épreuve (à nos yeux, essentielle à sa bonne description) et l'approche classique (selon nous, nécessaire à toute explication du comportement des participants à cette controverse) » (Lemieux, 2007 : 194).

Après avoir présenté les deux premières dimensions de notre objet d'étude (problème social et controverse publique) explorons maintenant sa troisième dimension : le risque. Les différentes catastrophes environnementales et autres accidents technologiques majeurs qu’ont connus le XXème et le début du XXIème siècle ont – entre autres facteurs – contribué

à la cristallisation de cette notion dans les « consciences collectives » de nos sociétés modernes. Pensons par exemple aux accidents pétroliers de Torrey Canyon en 1967 et de l'Exxon Valdez en 1989, à l'accident chimique de Bhopal en 1984, aux accidents nucléaires de Three Mile Island en 1979, de Tchernobyl en 1986 et de Fukushima en 2011, aux inondations de 1988 au Bangladesh et de 1998 dans le sud-est de la Chine, à l'ouragan Katrina aux États-Unis en 2005 et au tremblement de terre de 2006 dévastant l'île de Java en Indonésie. Caractérisées par leur fort potentiel à engendrer des dommages, leur caractère imprévisible et non contrôlable, ces catastrophes décrivent dans les faits ce qu'est un risque

6 L'auteur y présente un résumé des précédents travaux sur l'analyse des "controverses" (plus généralement les

disputing processes), à travers la sociologie des épreuves, sorte de nébuleuse théorique se trouvant aux

croisements de la sociologie pragmatique, de la sociologie des régimes d'actions, des théories de l'argumentation et des études sociales des sciences (sciences studies).

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20

naturel ou environnemental. En effet, du point de vue de la théorie, celle-ci reste complexe à définir, malgré la bibliographie prolifique existant autour de la notion (sans aucune prétention à relever ici de manière exhaustive toute l'œuvre existant sur le sujet – Adam et al., 2000 ; Adams, 1995 ; Beck, 1992, Beck et al., 1994, Blaikie et al., 1994 ; Bourg et Schlegel, 2001 ; Dauphiné, 2001 ; Douglas et Wildavsky, 1983 ; Lupton, 1999 ; Lagadec, 1981 ; Le Breton, 2012 ; Martinais et al., 2006 ; Skinns et al., 2011). Retenons toutefois que le risque « est la conséquence aléatoire d'une situation mais sous l'angle d'une menace,

d'un dommage possible » (Le Breton, 2012 : 3), ou qu'il « fait référence à un évènement qui n'est que potentiel, qui n'a de réalité que rapporté aux pratiques et représentations de ceux qui y sont confrontés, ou du moins pensent l'être » (Martinais et al., 2006 : parag 9).

Dans la pratique, "risque", "incertitude" et "péril" ont des champs qui se recouvrent mais qui ne sont pas identiques. Le risque est fortement aléatoire, mais celui-ci peut être quantifié et se traduit par des probabilités d'occurrence. Et tandis que le péril est une situation qui ne laisse aucune possibilité de choix à l'homme, le risque quant à lui laisse une certaine part d'initiative, il lui laisse une certaine responsabilité (Le Breton, 2012). Cette distinction se révèle très instructive quant à l'identification des causes, mais surtout des solutions apportées à la probabilité d'occurrence d'une catastrophe. Il ressort des recherches que le risque est une construction sociale et que, de ce fait, l'identification et la résolution de ce qui est un risque varie au sein d'une même société, d'une société à une autre, d'une génération à une autre, d'un individu à un autre. Parlant des inondations, Martinais et al. (2006 : parag 7) font remarquer que « le risque d'inondation ne prend forme que par le

regard porté sur les phénomènes inondant, les représentations produites à leur endroit et, le cas échéant, les actions entreprises dans une logique de prévention et de protection ».

Le Breton (2012) en s'appuyant sur les œuvres de Diamond (2006), Delumeau (1989), Desjours (2000), Ewald (1986), Febvre (1956) et Giddens (1994) retrace l'évolution de la notion de risque. Il montre comment d'anciennes civilisations ont construit leurs risques majeurs autour d'une forte symbolique de la colère des dieux. Ces derniers dont il ne faut absolument pas perdre la protection, doivent être apaisés par des sacrifices, des réalisations grandioses ou des cérémonies d'expiation. Après la Renaissance, l'essor du capitalisme, de la propriété privée et de l'individualisme ont renforcé la responsabilité humaine face au

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21 risque, et les assurances (initialement celle maritime et celle contre les incendies) constituaient une solution acceptable à celui-ci, même si le dessein divin était, malgré tous les efforts humains, celui déterminant. L'idée de responsabilité s'est poursuivie et renforcée avec les Lumières, la révolution industrielle et ses découvertes, le sentiment de maîtrise de l'homme sur la nature, la perte d'emprise de la religion, l'émergence de l'État providence, pour aboutir à la généralisation à tous les domaines du social (accidents divers, vieillesse, santé, chômage, commerce,…) de l'assurance privée et de la protection de l'État comme moyen de se prémunir contre le risque. Ainsi, « La notion de risque a aujourd'hui

supplanté celle de chance ou de destin. La fatalité ou les obscurs desseins de la providence cèdent la place à l'accident (Giddens, 1994). Le risque est de plus en plus perçu comme une zone d'incertitude laissé par les techniques et les règlementations (…) » (Le Breton, 2012 :

43).

Par ce glissement progressif, les sociétés ont pris conscience du fait que si le risque est un phénomène extérieur sur lequel ils n'avaient aucun contrôle, la prise de certaines précautions peut le réduire ou l'éviter. Ainsi, la responsabilisation de l'individu face au risque a fait émerger l'inquiétude sur sa capacité à faire face au risque (c'est-à-dire sa

résistance à celui-ci, notion de laquelle découle la vulnérabilité) et celle de le gérer

efficacement de sorte qu'après coup il puisse retrouver son "état initial ou normal" (sa

résilience). Si l'usage de la notion en sociologie est « controversé : polysémique, multiscalaire, multidimensionnelle » (Becerra, 2012), nous retiendrons tout de même avec

Blaikie et al. (1994 : 5) que la vulnérabilité est générée par des processus sociaux, économiques et politiques qui influencent la manière dont les risques affectent les populations, de diverses façons et avec différentes intensités7. Ainsi, l'agencement des

conditions sociales, économiques et politiques des sociétés influence sinon conditionne leurs capacités à être plus ou moins résistantes aux risques. Il apparait alors que la résistance ou la vulnérabilité au risque est liée aux ressources dont on dispose. Ainsi, la Banque Mondiale (1998) affirmait que la proportion de blessés et de décès dus aux catastrophes environnementales dans les pays pauvres pouvait être jusqu'à 100 fois supérieure à celle des pays développés. Dans le même esprit, Maltais et Gauthier, en

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s'inspirant de Marschang (2007) affirment que « (…), les désastres peuvent être considérés

comme le résultat de la rencontre entre un élément déclencheur comme un tremblement de terre, une inondation, une éruption volcanique, etc. et la vulnérabilité des individus, des communautés et des régions » (Maltais et Gauthier, 2008 : 26). Ainsi, le désastre ou la

catastrophe ne vient en fait que révéler la situation de précarité, d'instabilité, de fragilité ou de vulnérabilité dans laquelle vit déjà une certaine catégorie de personnes. En d'autres termes, les personnes qui ne sont pas vulnérables ou dont la situation sociale, économique, politique, environnementale, juridique, etc. leur confère une résistance au phénomène en question seront différemment ou non-affectées par celui-ci. Face à cette situation, Wisner et al. (2004) et Juan (2008) proposent d'aller plus loin en changeant tout simplement de perspective. Pour eux, plutôt que d'étudier les catastrophes comme des révélateurs de vulnérabilités au sein de la société, il faudrait considérer les vulnérabilités comme des causes potentielles de catastrophes. Ainsi, la fragilité économique, sociale et politique des membres d'une société les conduiraient à mener des activités qui "favorisent le risque". En d'autres termes, à cause de ces fragilités et pour s'affranchir d'elles, les populations repoussent les limites du risque acceptable et créent ainsi des occasions favorables au danger (Beck, 1992). Par exemple, la catastrophe de Bhopâl (Inde) en 1984 est survenue après qu'un nuage de produits chimiques se soit échappé d'une usine de fabrication d'engrais et répandu au-dessus des bidonvilles qui se sont créées autour de l'usine8, et

l'accident nucléaire de Goiânia (Brésil) en 1987 est survenu après qu'un vieux matériel médical radioactif soit récupéré et transporté par des ferrailleurs9.

En définitive, l'approche constructiviste privilégiée dans le cadre de cette recherche propose que « (…) la naissance des problèmes sociaux dépend de l'existence d'individus et de

groupes qui définissent une situation comme problématique. (…) [Le] choix des solutions pour faire face aux problèmes sociaux donne souvent lieu à des débats et à des conflits entre les participants dans le but non seulement d'imposer leur vision mais également d'obtenir des ressources » (Dorvil et Mayer, 2001 : 14). Cette analyse des problèmes

sociaux est à rapprocher de la définition du risque proposée par Maltais (2006), à savoir qu'elle met en concurrence des acteurs dans des rapports de domination, sur leur légitimité

8 http://www.monde-diplomatique.fr/2004/12/BAILLY/11723 9 http://www.dissident-media.org/infonucleaire/news_goia.html

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23 et leur capacité à mobiliser des connaissances, des savoirs, des outils et des ressources déterminant leur aptitude à imposer leur "définition du risque". Ainsi, perçus sous le prisme de l'analyse constructiviste, problèmes sociaux et risques possèdent des caractéristiques communes qui s'entrecroisent dans l'émergence de controverses au sein de l'espace public. Au vu de tout ce qui précède, l'objectif de notre recherche est d'étudier grâce à l'approche constructiviste des problèmes sociaux, comment les médias togolais ont contribué à la représentation des inondations survenues entre 2007 et 2011 comme un problème public.

2.1. Question de recherche

Comment la presse participe-t-elle à la construction les inondations comme un problème public ? Tel est notre principal souci. Notre préoccupation étant essentiellement analytique, la question principale de recherche est de savoir comment s'articule dans la presse la construction des inondations (un phénomène environnemental) comme un problème public et comment s'y manifestent les controverses, tout en se servant de l'approche constructiviste des problèmes sociaux comme outil d'analyse.

Plus spécifiquement, nous cherchons d'abord à savoir quels sont les acteurs qui se manifestent dans la presse et quelles constructions argumentatives sont véhiculées par celle-ci ? Sachant que la presse est un espace de lutte dont essaient de s'emparer les différents acteurs, en s'appuyant sur les résultats de Young et Dugas (2012) et en tenant compte des exemples de Champagne (1991), il est possible de prévoir que les presses publique et privée, nationale et régionale, en version papier et en ligne ne présenteront pas les mêmes faits de la même façon.

2.2. Objectifs

L'objectif principal de notre recherche est de montrer comment, dans la presse écrite, les inondations de 2007 à 2011 sont construites comme un problème public.

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24

L'objectif secondaire est de révéler les différences thématiques dans la presse publique nationale et la presse privée en ligne, et les différences de discours des acteurs qui y interviennent, lors de la présentation des inondations.

2.3. Hypothèses

Afin de garder le fil de notre recherche, nous formulons ici quelques hypothèses que nous avons mises à l'épreuve.

2.3.1. Hypothèse principale

En s'inspirant de la prolifique littérature existant sur le risque et sa construction sociale, nous avons résumé dans le Tableau 2 : Types idéaux des causes et des solutions des

inondations, les types idéaux de causes et de solutions à apporter aux inondations. Grâce à

ces outils, nous posons ici l'hypothèse principale de notre recherche.

Nous postulons que les inondations seront présentées comme un problème environnemental transformé en problème public aux conséquences économiques marquantes dont les causes sont divines, humaines, naturelles et matérielles (infrastructures) et dont les solutions sont d'ordre divine (surnaturelle), politique (de prévention et de gouvernance) et technique.

2.3.2. Hypothèses secondaires

En s'inspirant à la fois de l'étude de Young et Dugas (2012) qui révèle des différences thématiques entre la presse francophone et anglophone sur la couverture médiatique des changements climatiques, de l'analyse de Champagne (1991) qui révèle l'influence des attaches politiques de deux quotidiens français sur la présentation de mouvements de jeunes dans une banlieue près de Lyon et des intérêts économiques et politiques qui peuvent motiver les acteurs à porter telle plutôt que telle revendication dans la sphère publique, nous énonçons ici deux hypothèses secondaires. Celles-ci découlent du fait que s'il existe

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25 des différences thématiques dans la médiatisation d'un phénomène environnemental sur la base de la culture médiatique, il pourrait y avoir des différences thématiques sur la base d'intérêts. Intérêts d'une part des maisons de presse – qui se font porte-parole des revendications des acteurs – et intérêts des acteurs auxquels ils sont les plus proches – à cause de ces mêmes intérêts. Ainsi, nous postulons que :

Premièrement, tandis que la presse publique nationale véhiculera principalement les arguments d'acteurs nationaux publics et d'acteurs internationaux, la presse privée en ligne quant à elle, véhiculera principalement les arguments d'acteurs nationaux privés et d'acteurs nationaux associatifs.

Deuxièmement, les acteurs nationaux publics et internationaux attribueront le phénomène à des causes humaines, naturelles et matérielles et proposeront des solutions techniques et politiques de prévention ; les acteurs nationaux privés l'attribueront à des causes divines, naturelles et matérielles et proposeront des solutions divines et techniques ; et les acteurs nationaux associatifs désigneront des causes divines, humaines, naturelles et matérielles et proposeront des solutions divines, politiques de prévention et de gouvernance, et techniques.

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27 III. DU PROBLÈME ENVIRONNEMENTAL AU PROBLÈME PUBLIC

Plusieurs auteurs (Best et Harris, 2013 ; Eitzen et Bacca Zinn, 2000 ; Hannigan, 1995, 2006 ; Tepperman et Curtis, 2011 ; Yearley, 1992) se sont attelés à répondre à définir la nature des problèmes sociaux et leurs conclusions constituent le point de départ de notre recherche. Ce chapitre n'a pas pour but de rouvrir ce débat, mais de relever la spécificité de l'étude des problèmes environnementaux comme problèmes publics, par le biais de l'approche constructiviste des problèmes sociaux, et de donner les éléments clés de notre classification aux fins d'analyse du cas à l'étude.

Soulignons que les troisième et quatrième chapitres jouent un rôle fondamental à la compréhension de notre recherche, car ils apportent un éclairage important au lecteur quant à notre démarche et servent en même temps à justifier nos hypothèses. En effet, le lecteur découvrira dans les pages suivantes les différents éléments clés qui nous ont suggéré le prisme constructiviste des problèmes environnementaux et une explication du choix de nos hypothèses. Il s'agit de montrer au lecteur, dans le prolongement de la problématique, pourquoi telle démarche plutôt que telle autre et pourquoi ces hypothèses plutôt que d’autres.

3.1. Les problèmes sociaux

Nous conviendrons avec Tepperman et Curtis (2011 : 3) qu'un problème social est : « A

social condition or pattern of behavior that is believed to warrant public concern and collective action ». En combinant les éléments objectifs et subjectifs, nous pouvons définir

les problèmes sociaux plus précisément comme, à la fois une condition empirique qui menace le bien-être d'une part significative de la société, et comme un processus par lequel

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les membres de cette société en viennent à voir une condition comme un problème social qui justifie et nécessite une action réparatrice collective10 (Tepperman et Curtis, 2011 : 5).

Les problèmes sociaux sont donc à la fois des conditions ou situations qui engendrent un dommage à autrui et le processus par lequel des acteurs identifient cette situation comme dommageable ou problématique. De ce fait, les mêmes situations peuvent constituer ou non des problèmes sociaux pour des acteurs ou groupes différents à des moments différents de leur existence. Appliqué à notre objet d'étude, ce qui nous intéresse au final à propos des inondations au Togo, ce ne sont pas seulement les conditions dans lesquelles celles-ci se sont déroulées, mais aussi et surtout comment les acteurs et groupes d'acteurs ont réagi à cette condition. C'est dans cet ordre d'idée que nous privilégions l'approche constructiviste.

3.2. Les problèmes publics

Selon Neveu (1999 : 2), un problème public « n'est rien d'autre que la transformation d'un

fait social quelconque en enjeu de débat public et/ou d'intervention étatique ». Cette

définition qui se veut d'ailleurs toute simple donne des éléments importants sur la notion. D'abord, un problème public est le résultat d'une transformation. On peut donc conclure qu'un problème public n'existe pas en soi, mais qu'il est le fruit d'un processus de transformation, d'une construction. Ensuite, il est à l'état initial, un fait social quelconque. De ce fait, tout fait social peut, après avoir subi la transformation nécessaire, éclore en tant que problème public. Un fait d'ordre culturel ou environnemental par exemple, peut donc se transformer en problème public. Enfin, les notions d'enjeu de débat public et/ou d'intervention des autorités politiques viennent donner la condition à laquelle cette transformation peut être considérée comme aboutie. Ainsi, lorsqu'un fait environnemental arrive à passer du stade d'un fait quelconque à celui d'un enjeu de débat public et/ou qu'il nécessite une action de la part de l'État, il devient alors un problème public.

Hassenteufel (2010) présente de manière succincte le processus de « mise sur agenda », qui est le processus par lequel un fait quelconque peut "s'élever" au rang de problème public.

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29 Relevant tout d'abord que l'étude des politiques publiques en termes de mise sur agenda n'est apparue que dans les années 1970, il précise que celle-ci apporte une réflexion cruciale sur les processus de sélection des problèmes publics – une des dimensions qui manquaient "aux traditionnelles" policy sciences, qui ne s'attelaient qu'à rendre le plus scientifique et le plus rationnel possible les décisions publiques. Il montre ensuite que le processus de mise sur agenda est fondé sur des dynamiques : la mobilisation, la médiatisation et la politisation.

3.2.1. La mobilisation

La mobilisation est l'initiative de groupes plus ou moins organisés qui mènent des actions visibles pour attirer l'attention des médias et, en conséquence, celle des acteurs publics et de l'opinion publique, dans le but de faire valoir et de légitimer leur définition du problème. Ces groupes viennent généralement en opposition aux acteurs publics et peuvent rechercher des relais (acteurs politiques, personnalités scientifiques, journalistes, vedettes de cinéma, de musique ou de sport, etc.) afin de porter le problème au sein d'arènes publiques (Hassenteufel, 2010 : 51).

3.2.2. La médiatisation

La médiatisation peut être fortement liée à la mobilisation ou dépendre des logiques du champ médiatique. Dans le second cas, ce sont les médias qui hiérarchisent les problèmes qui seront ensuite mis à l'agenda. Ainsi, « La mise sur agenda d'un problème trouve donc

souvent son origine dans des faits auxquels la promotion médiatique donne une forte audience » (Hassenteufel, 2010 : 52). Il faut toutefois signaler qu'il a été opposé à cette

approche le rôle primordial de relais de définition de problème élaborée par d'autres acteurs, que jouent les médias. D'où la nécessité de nuancer l'impact des médias sur la mise sur agenda des problèmes publics.

Figure

Tableau  1 :  Tableau  comparatif  du  pourcentage  de  la  population  et  d'incidence  de  la  pauvreté par région
Tableau  3 :  Répartition  par  an  des  articles  de  presse  publiés  pendant  et  en  dehors  de  la  période cible (juillet à octobre de 2007 à 2011)
Tableau 6 : Tableau récapitulatif de la controverse

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