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VI. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ET ANALYSE

6.4. Analyse par thème

6.4.3. Bilan thématique

Au terme de cette analyse, nous pouvons dresser un tableau comparatif (voir Tableau 5 :

Tableau récapitulatif des thèmes par presse) des différents thèmes qui ressortent des

articles de TogoPresse et Letogolais.com. Il ressort de manière générale que la construction médiatique des inondations d'une presse à l'autre présente des similitudes et des différences. En se penchant d'abord sur les similitudes, il apparaît que le constat des dégâts engendrés par les eaux a été largement couvert par les deux médias. La récurrence des inondations, la destruction d'infrastructures, les impacts économiques et sanitaires ont "saisi et marqué" l'ensemble de la population, en témoigne le traitement systématique qu'en ont fait les deux presses. Si la première s'étale sur les missions de reconnaissance menées par les équipes du gouvernement, la seconde en parle brièvement et s'attèle à rapporter les commentaires des populations touchées par le sinistre.

Le deuxième point commun entre ces deux presses réside dans la présentation des missions de secours aux populations et des actes de générosité que leur ont manifesté de nombreux acteurs publics, privés, associatifs et internationaux. L'incapacité pour les sinistrés de prévoir le risque, leur vulnérabilité face à celui-ci et la nature d'un problème public d'être une condition alarmante qui nécessite une action collective se sont combinées pour susciter auprès du "public national et international", de la pitié, de la compassion et surtout le désir de contribuer à l'amélioration de leur condition. Même si la presse publique nationale s'est plus employée à "publiciser" les donations du gouvernement et des partenaires internationaux que la presse privée, le constat est le même : face à la situation problématique, les acteurs ont mobilisé leurs ressources pour tenter d'y remédier.

Le troisième thème que ces médias ont en commun est celui de la prévention. Les journalistes des deux médias, relayant l'information des services techniques, ont ensuite fait

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le lien entre les inondations et les maladies d'origine hydrique d'une part, et avec la possibilité qu'elles se répètent d'autre part. Alors que la presse publique nationale s'est attardée sur les mesures qui ont été prises pour que soient sensibilisés les populations susceptibles d'être exposés à ces risques, la presse privée s'est plus inquiétée de leur adaptation. Il est à noter dans la presse publique nationale, l'existence d'une sorte "d'effet de mode" lors de la présentation des dons, des cérémonies de prières et de libations, de la mise sur pied de réseau de femmes leader, des réunions des comités de gestion des inondations, les opérations de désinfection des maisons précédemment inondées, etc. Concrètement, cet effet commence lorsqu'un acteur en prend l'initiative et qui s'estompe lorsque "l'évènement n'est plus intéressant". Il se manifeste par la succession, la multiplication et la publicisation de ces actions ou activités.

En se tournant ensuite vers les différences, il est à noter que si les informations ne sont pas contradictoires entre les deux presses, elles sont soigneusement sélectionnées. Par exemple, tandis que le thème du diagnostic critique et de celui de la gouvernance n'apparaissent pas dans le discours véhiculé par la presse publique nationale, il constitue le fondement même de la réflexion menée dans la presse privée en ligne. Et inversement, pendant que TogoPresse rapporte à plusieurs reprises les insuffisances de l'implication citoyenne, Letogolais.com n'en fait pas toujours cas. Les initiatives locales et associatives ont tout de même été présentées par les deux médias, mais la première s'y est plus attardée que la seconde.

Enfin, les thèmes de l'aide internationale et de la vulnérabilité ne sont pas exclusifs à chaque presse, au contraire toutes les deux en font cas, cependant à des degrés très différents. La presse privée en ligne parle de l'aide internationale en termes du poids économique qu'elle représente, tandis que la presse publique nationale ne présente la vulnérabilité qu'en termes d'insuffisance technique et matérielle pour faire face aux besoins de santé.

89 Tableau 5 : Tableau récapitulatif des thèmes par presse

Presse publique nationale Presse privée en ligne

Missions de reconnaissance et bilan des inondations

Bilan des inondations

Mesures d'urgence et assistance aux sinistrés Secours et soutien aux populations Prévention et sensibilisation Prévention et adaptation

Implication citoyenne et Initiatives locales et associatives

Diagnostic critique et gouvernance

Aide internationale Vulnérabilité

Conclusion : Par la mobilisation de tous les acteurs autour des inondations, ce phénomène

au départ naturel, est devenu un problème public. Les discours relayés par les médias montrent bien que les acteurs ont une diversité d'opinions sur le problème. Alors que les acteurs publiques trouvent que la nature est responsable des dégâts, les acteurs privés et associatifs pensent eux que c'est la faute du gouvernement qui remplit mal ses fonctions. Ce débat public s'intensifie avec la répétition des inondations et débouche sur des sujets qui s'étendent hors du domaine du phénomène lui-même (voir Tableau 5 ci-dessus).

Au fil du temps, des questions de gouvernance, de vulnérabilité et de civisme sont évoquées par les acteurs pour renforcer leurs positions. Les inondations sont alors mises en relation avec d'autres problèmes qui, à priori, n'ont rien à voir avec le phénomène naturel. Ces inondations apparaissent donc comme des révélateurs de problèmes sociaux, puisque les acteurs l'expliquent en le mettant en relation avec d'autres problèmes sociaux. Selon eux, les ponts ne se sont pas effondrés tout simplement parce qu'il a beaucoup plu, mais aussi (sinon surtout) parce que les infrastructures étaient mal construites en mauvais état. Les populations ne sont pas très affectées par les inondations tout simplement parce qu'il a beaucoup plu, mais surtout parce qu'ils habitent dans des zones inondables. Ceux qui habitent dans ces zones à risques ne le font pas forcément par choix, mais parce que leurs conditions de vie sont précaires. Ou mieux, ceux qui habitent ces zones et qui ont pourtant acquis légalement ces terrains sont victimes de la corruption des services publiques. Mises

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bout à bout, les causes et les solutions proposées par les acteurs, relient de nombreuses sphères du social. Ainsi, la question des inondations a suscité et nourri un débat public autour de cet enchevêtrement de causalité.

En devenant des révélateurs de problèmes sociaux, les inondations sont aussi devenues des problèmes sociaux, puisque dans la tradition sociologique, les faits sociaux s'expliquent par d'autres faits sociaux. Cette démonstration confirme bien la capacité de ce phénomène environnemental à se transformer problème social, puis en problème public26 dans la

mesure où le gouvernement a dû intervenir pour mitiger la crise. Il a d'abord pris des mesures d'urgence pour venir en aide aux victimes des inondations et a ensuite pris des mesures de moyen et long terme pour éviter la survenue d'autres catastrophes. Non seulement les inondations ont permis de se rendre compte de la vulnérabilité des acteurs, mais elles ont aussi permis de renforcer leur résilience face aux catastrophes naturelles de tout genre. Les vulnérabilités individuelles et institutionnelles ont été mises à jour et des initiatives locales et nationales ont été conduites pour les réduire. Des questions politiques ont aussi été soulevées et ont suscité d'autres débats encore plus intenses, par exemple sur l'endettement et la pauvreté.

En définitive, au vu des résultats présentés ci-dessus et de même que ceux de l'analyse par presse et par acteur, nous pouvons conclure que notre hypothèse principale est vérifiée. En d'autres termes, les inondations sont présentées comme un problème environnemental transformé en problème public aux conséquences économiques marquantes dont les causes sont divines, humaines, naturelles et matérielles (infrastructures) et dont les solutions sont d'ordre divine (surnaturelle), politique (de prévention et de gouvernance) et technique.

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