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Le psychomotricien et l’enfant : une question d’ajustement ? Ton rythme, mon rythme : accordons-nous !

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: dumas-02274321

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02274321

Submitted on 29 Aug 2019

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Le psychomotricien et l’enfant : une question

d’ajustement ? Ton rythme, mon rythme :

accordons-nous !

Guillemette Yon

To cite this version:

Guillemette Yon. Le psychomotricien et l’enfant : une question d’ajustement ? Ton rythme, mon rythme : accordons-nous !. Médecine humaine et pathologie. 2019. �dumas-02274321�

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Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie Site Pitié-Salpêtrière

Institut de Formation en Psychomotricité 91, boulevard de l’Hôpital

75364 Paris Cedex 14

Le psychomotricien et l’enfant :

Une question d’ajustement ?

Ton rythme, mon rythme : accordons-nous !

Mémoire pour l’obtention du Diplôme d’État de Psychomotricien Guillemette YON

Juin 2019

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Table des matières

REMERCIEMENTS ...4

INTRODUCTION ...5

I. PRÉSENTATION DU CAPP ...7

1. Fonctionnement et équipe ...7

2. Parcours d’un enfant au sein du CAPP ...8

3. Qu’est-ce que la psychomotricité ? ...10

4. Accueil de l’enfant en psychomotricité au CAPP ...11

4.1. Anamnèse ...11

4.2. Le bilan psychomoteur ...13

4.3. Les médiations...16

II. PARTIE CLINICO-THÉORIQUE ...18

1. Formation initiale de psychomotricité ...18

2. Présentation de Mattéo ...19

3. Début de prise en charge - juin 2017 - ...21

4. Mes premiers contacts avec Mattéo ...22

4.1. Qu’est-ce que le rythme ? ...25

4.2. Dimension relationnelle du rythme ...26

4.3. Le corps et le rythme ...27

5. Sa scolarité - 2018/2019 - ...29

6. Une séance type avec Mattéo ...29

6.1. Généralités sur le cadre en psychomotricité ...29

6.2. Place de l’échauffement corporel ...31

6.3. Cadre de la médiation ...32

6.4. Rituel de fin de séance ...33

7. Principales observations psychomotrices des séances ...34

7.1. Place de la parole ...34

7.2. Les émotions ...35

(4)

7.4. Appuis & poids ...39

8. Passation des bilans psychomoteurs - décembre 2018 - ...40

9. Stratégies d’ajustement ...42

9.1. De ma tutrice ...42

9.2. De Mattéo ...42

9.3. Mes ajustements ...43

10. Les dernières séances avec Mattéo - avril 2019 -...49

III. DISCUSSION ...53

1. La relation, pivot de cet accompagnement ...54

2. Quel rythme pour Mattéo : le sien ou le mien ? ...55

3. Le rythme : médiateur ou élément structurel psychomoteur ? ...56

4. Mattéo a-t-il trouvé son rythme ? ...57

CONCLUSION ...58

BIBLIOGRAPHIE ...59

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REMERCIEMENTS

Je remercie tout particulièrement Aude VALENTIN-LEFRANC, ma maître de stage et de mémoire, pour sa bienveillance, son écoute attentive, sa disponibilité et nos échanges. Merci de toute l’énergie déployée pour m’accompagner tout au long de cette année.

Je remercie Alice MATHIEZ, ma maître de stage, auprès de qui j’ai énormément appris. Merci pour son écoute et ses conseils.

Merci à tous mes « psychopotes » qui savent ce que je leur dois, merci pour votre présence et votre soutien.

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INTRODUCTION

« J’ai été emportée par Mattéo » est la phrase qui résume ma première séance avec ce jeune garçon de 6 ans et ½ lors de notre rencontre en CAPP. Mattéo arrivant tout timide devant la salle de psychomotricité se transforme en boule d’énergie qui se répand et se diffuse dans toute la salle. Je suis emportée dans une agitation, dans un rythme qui n’était pas le mien, ni celui des objectifs de la séance. Mes capacités d’ajustement et d’observation sont mises à mal. Ma respiration, ma voix, ma posture sont perturbées, déséquilibrées. Tout est précipité : lui, sa voix, ses gestes, sa respiration, ma respiration, mes gestes, ma voix, moi. Nous semblons complètement désynchronisés.

L’objet de ce mémoire est né pendant mon stage de 3e année grâce à

Mattéo, c’est lui qui m’a amenée à poser la problématique suivante : l’accordage de l’enfant et du psychomotricien permet-il de faire émerger le rythme propre de l’enfant à travers leurs ajustements corporel et rythmique ?

Afin de réfléchir sur cette problématique, j’ai posé l’hypothèse générale que le rythme du psychomotricien permet d’ajuster le rythme de l’enfant. Il est garant du rythme de la séance et permet à l’enfant d’y trouver un support pour faire émerger son rythme interne.

Grâce à la conscience de son rythme interne, le psychomotricien se rend disponible au rythme de l’enfant et l’aide à s’ajuster. Afin de soutenir l’émergence et la construction du rythme interne de l’enfant que ce soit dans le corps ou dans le langage, le psychomotricien doit écouter. Il doit aussi prendre conscience de son propre rythme, de son mouvement et de son ajustement tonico -émotionnel. Ce travail a débuté pour moi en formation initiale à l’IFP1

à travers les travaux pratiques d’expressivité corporelle, de conscience corporelle, de pratique psychomotrice, etc. Cela demande de l’écoute, de l’observation et de réflexivité2. J’ai donc appris avec Mattéo que le premier outil du psychomotricien dans une

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Institut de Formation en Psychomotricité

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Propriété caractérisant une relation réflexive (se dit, en philosophie, de la conscience qui se prend elle-même pour objet.)

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démarche psychomotrice est la connaissance psycho-corporelle et le regard qu’il a de lui-même pour accompagner au mieux un patient.

Parallèlement, il s’agit d’avancer avec l’enfant sur tous les paramètres qui influenceront l’émergence et la construction de son rythme interne (régulation tonique, respiration, espace, etc.), ce qui lui permettra de s’exprimer dans son corps et dans son langage.

Ce travail défend l’idée qu’une fois que ce rythme interne est trouvé et vécu, le psychomotricien et l’enfant travailleront pour le soutenir, et s’ajuster dans la relation tonico-émotionnelle.

J’ai souhaité construire mon mémoire sur mon expérience avec Mattéo avec comme méthodologie, une approche clinico-théorique. Je vous propose donc la description clinique de mon travail avec Mattéo que je vais agrémenter de théories qui m’ont soutenues dans la compréhension de ma problématique et de ma posture.

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I.

PRÉSENTATION DU CAPP

1. Fonctionnement et équipe

Mon stage d’initiation thérapeutique de 3e année se déroule dans un CAPP, Centre d’Adaptation Psychopédagogique. Il en existe onze à Paris uniquement. Ces structures existent depuis 1959 : ce sont des structures d’aide et de soutien, qui reçoivent des enfants et des adolescents scolarisés dans Paris et en difficulté scolaire, pour favoriser la prévention, l’adaptation et l’intégration scolaire. Certains enfants reçus présentent davantage de difficultés psychiques, sociales ou familiales dont les répercussions perturbent leur scolarité (cf. annexe 1 : plaquette de présentation du CAPP).

Les CAPP appartiennent au parcours éducatif de santé et à la prévention de la santé mentale. Leur mission est de réduire les inégalités sociales et territoriales en matière de santé et de scolarité. Les familles en situation de précarité socio-économiques ou ayant des difficultés éducatives sont ainsi reçues en priorité.

Le CAPP a une double tutelle : l’Éducation nationale et la DASES (Direction de l’action sociale, de l’enfance et de la santé) dépendant de la ville-département de Paris. C’est une structure gratuite composée d’une équipe pluridisciplinaire : un médecin psychiatre responsable et une directrice administrative et pédagogique, des psychologues, une psychomotricienne, une orthophoniste, des psychopédagogues, une secrétaire, une assistante sociale. Cette équipe accueille les enfants entre 3 et 16 ans scolarisés à Paris présentant des difficultés d’adaptation à l’école, ou des difficultés à entrer dans les apprentissages, ou des résultats scolaires ou des comportements qui alertent les parents et/ou l’école. Le plus souvent ce sont les enseignants, le directeur, le médecin scolaire, les psychologues ou les équipes du RASED3 qui proposent aux parents cet accompagnement ; plus rarement c’est une demande des parents, indépendamment de l’école. Grâce à l’équipe pluridisciplinaire, une évaluation globale et complémentaire permet de proposer, ou non, une prise en charge en

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groupe ou individuellement à l’élève en difficulté et de l’orienter, si besoin, vers des structures plus adaptées, en aval de la prévention.

Le CAPP où j’effectue mon stage est situé dans un secteur d’éducation prioritaire comme les dix autres CAPP. Il se trouve au 3e étage d’une école primaire. Tous les bureaux s’enchaînent les uns à la suite des autres. Un grand long couloir en forme de L majuscule les réunit tous. Au centre, une salle d’attente composée d’une multitude de jeux permet aux enfants d’y attendre leur séance et aux parents d’y attendre leur enfant.

Des réunions de synthèse de 2 heures ont lieu le lundi après-midi. Elles permettent de présenter les nouveaux enfants, mais également à chaque professionnel d’échanger autour des indications et des prises en charge qui pourraient lui poser des difficultés, des questionnements, etc. C’est un l ieu d’échange où chacun peut apporter son point de vue, questionner sa prise en charge, proposer une autre orientation pour un enfant, demander un autre point de vue complémentaire, etc.

2. Parcours d’un enfant au sein du CAPP

Ce sont les parents qui doivent prendre rendez-vous avec le CAPP, ils ont un premier contact avec la secrétaire qui prend toutes les informations administratives nécessaires et leur explique rapidement en quoi consiste le parcours au CAPP. Pour la plupart des parents, l’école leur indique le CAPP mais les parents ne connaissent pas toujours cette structure. Un premier rendez-vous est donné avec l’assistante sociale et/ou le médecin psychiatre. Ces derniers proposent un entretien d’accueil afin de récolter toutes les informations nécessaires à une éventuelle orientation vers les rééducateurs ou les psychologues. Par exemple, il est demandé aux parents des informations générales sur l’enfant, quels sont les motifs de la demande (apprentissage scolaire, comportement, autres), qui est à l’origine de la demande (l’école ou la famille), quelle est la demande de la famille et celle de l’enfant. Lors de cet entretien, l’assistante sociale et/ou le médecin se renseigne sur la structure familiale (le père, la mère, le lieu de vie de l’enfant, la fratrie, les conditions de

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vie). Ceci permet d’avoir un premier point de vue global de l’enfant : lui, l’école et son environnement. Puis, les professionnels peuvent questionner l’état physique actuel de l’enfant : l’appétit, le sommeil, les habitudes de l’enfant (onychophagie, succion du pouce, objet transitionnel), la vision, l’audition, la latéralisation, les coordinations, l’aisance gestuelle ou manuelle (dans les jeux, le sport et les différentes activités de la vie quotidienne). Ensuite, le comportement de l’enfant est abordé : avec son père, sa mère, sa fratrie, à l’extérieur, dans les autres activités, son degré d’autonomie, ses goûts et intérêts. Cet entretien reprend l’histoire de l’enfant : la grossesse, l’accouchement, les trois premières années de sa vie, l’entrée à l’école, etc. Et enfin, est-ce que l’enfant bénéficie de services extérieurs d’aide (MDPH – Maison Départementale des Personnes Handicapées). L’assistante sociale et/ou le médecin note les différentes observations qu’il a pu faire sur l’enfant durant l’entretien. Cet entretien est relayé dans le dossier patient auxquels tous les professionnels ont accès.

C’est lors de cet entretien que l’assistance sociale explique plus précisément aux parents et à l’enfant ce qu’est un CAPP, ce qu’on y propose, comment les professionnels de santé ou de rééducation peuvent proposer des accompagnements ou des prises en charge. À la suite de cet entretien, l’assistante sociale et/ou le médecin en parle en réunion de synthèse à toute l’équipe. L’objectif est de faire une présentation rapide de l’enfant, sans briser le secret professionnel et la confidentialité des données, ni la dimension clinique que peuvent aborder par la suite les psychologues. Le médecin psychiatre peut proposer plusieurs modalités : soit il oriente l’enfant vers un bilan en orthophonie, en psychomotricité, en psychopédagogie ou vers une prise en charge en psychothérapie, soit il oriente l’enfant vers un autre référent, un psychologue, qui fera le point de son côté et restera référent de l’enfant. Dans le cas où les enfants sont d’abord reçus par un référent psychologue, celui-ci va prendre le temps de dénouer la parole et le symptôme souvent caché derrière la demande. Ils prennent le temps d’écouter la demande de l’enfant et des parents, et d’interroger aussi l’enfant sans ses parents sur ce qu’il se passe pour lui à l’école, à la maison etc. Ce temps permet, le plus souvent, de délier certaines difficultés. Puis, si c’est nécessaire, les psychologues reparlent de cet enfant en réunion de synthèse, en posant et en demandant une indication :

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psychomotricité, orthophonie, psychopédagogie etc. La règle au sein de ce CAPP est de ne pas surcharger l’enfant de prises en charge : il bénéficiera de ce dont il a besoin mais en prenant le temps qui lui est nécessaire, les unes parfois à la suite des autres. La plupart bénéficient d’une psychothérapie et d’une autre prise en charge (psychomotricité, orthophonie ou psychopédagogie) conjointement. En revanche, chaque enfant suivi a un référent (médecin psychiatre ou psychologue) : le médecin psychiatre ne suit pas forcément l’enfant tout au long de son parcours dans la structure mais c’est le référent dans le sens où il a déjà vu l’enfant à ses débuts au CAPP, qu’il connaît son dossier et qu’il coordonne son parcours au sein de la structure. Chaque professionnel de santé qui suit cet enfant peut ainsi se référer à lui. Il est le responsable hiérarchique des psychomotriciens et orthophonistes.

3.

Qu’est-ce que la psychomotricité ?

Avant d’aborder le travail du psychomotricien en CAPP, je vous propose quelques éclairages. D’après Catherine Potel (2010), « être psychomotricien

thérapeute c’est avant tout tenir compte en priorité de l’individu sujet, avec ses propres richesses intérieures qui vont lui permettre de créer sa vie ». Elle ajoute

que la psychomotricité n’est pas une théorie en soi, mais bien « un dispositif et

une pratique qui proposent une certaine façon de faire et ont pour repère principal de considérer le corps dans toute sa complexité : existentielle, expressive, émotionnelle, identitaire». La psychomotricité vise à prendre

l’Homme dans sa globalité et de permettre l’articulation esprit et corps ; deux concepts pour un être unifié : le point d’appui de la démarche psychomotrice est bien l’individu dans sa globalité. En s’intéressant à la relation entre le corps et l’esprit, elle se préoccupe des désordres psychiques qui s’expriment à travers le corps et vice versa. Ainsi, le psychomotricien lit les différentes composantes du corps comme le mouvement à travers à la fois sa composante motrice (planification motrice, coordination, etc.) mais aussi à travers sa composante psychologique (confiance, estime de soi, etc.). La psychomotricité est « un métier

à tisser, à tisser de la relation, de l’histoire, du temps et du symbolique » (Potel,

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J. de Ajuriaguerra (1980) définit, lui, la psychomotricité comme un concept qui « tente de mettre en évidence cette interrelation entre les fonctions mot rices

et la vie psychique de l’individu, le corps étant considéré comme point d’ancrage des expériences sensorimotrices, émotionnelles et affectives, cognitives et sociales ». Le psychomotricien s’appuie sur ses connaissances théoriques

acquises, son savoir-faire clinique et son savoir-être relationnel. Cela lui permet de s’adapter et de s’ajuster à la situation et aux patients en fonction des caractéristiques de la situation et de l’environnement (cf. annexe 2 : décret de compétences du psychomotricien).

Les grands items et le bilan psychomoteur en CAPP seront abordés dans la partie suivante (voir page 12). En CAPP, la psychomotricité est indiquée pour les enfants présentant des troubles des apprentissages4 et/ou des troubles du comportement. Les enfants agités sont le plus souvent envoyés en psychomotricité où le bilan permet d’éclairer ces symptômes bruyants et visibles.

4. Accueil de l’enfant en psychomotricité au CAPP

4.1. Anamnèse

Lorsqu’un enfant est adressé en psychomotricité au CAPP, il est reçu une première fois en présence des parents. Ils connaissent les locaux et le fonctionnement a minima du CAPP. Parfois, il faut repréciser qui les envoie et pourquoi. Tout d’abord, il s’agit de connaître et de faire émerger une demande : pourquoi les parents viennent consulter pour leur enfant ? Est-ce que l’enfant sait pourquoi il est là ? L’entretien avec les parents permet d’élaborer ensemble une anamnèse générale et psychomotrice : de la grossesse à maintenant. Au cours de ce premier temps de rencontre, on reprend les éléments de vie un par un dans un échange et une écoute attentive : comment s’est déroulé la grossesse ? L’accouchement ? Les premiers mois de vie ? L’entrée à l’école ?

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Difficultés persistantes dans les habiletés : lecture, écriture arithmétique ; qui ont une interférence significative avec la réussite scolaire et/ou les activités de la vie quotidienne (DSM -V).

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On questionne aussi les parents sur le développement psychomoteur de l’enfant : la position assise, le quatre-pattes, la marche, mais aussi le langage, le sommeil, l’alimentation et la propreté, etc. On se renseigne sur les relations qu’entretient l’enfant avec ses éventuels frères et sœurs, avec l’école et ses copains, ainsi que sur les activités extrascolaires et le sport. Un échange se fait aussi autour des aspects sensoriels et des éventuelles maladies ou allergies de l’enfant afin de prendre en compte ses éléments de santé dans la prise en charge. Parfois, étant donné la population accueillie plutôt fragile et peu accompagnée sur le plan de la santé, le carnet de santé et le livret peuvent être demandés par la psychomotricienne.

Il est aussi important de se renseigner sur les relations des parents avec l’école et le système éducatif, relations qui parfois peuvent s’avérer fragiles ou conflictuelles. Les CAPP ont en effet la mission d’être au plus près de l’école et de l’enfant/élève, et le professionnel permet d’apaiser les conflits parents/école. Pour terminer cet échange avec les parents, la psychomotricienne présente la psychomotricité ; la plupart du temps, ni les parents, ni l’enfant ne connaissent cette profession. La professionnelle leur explique son métier avec des mots simples et des exemples, ainsi que la façon dont la suite va se dérouler dans le temps et l’espace, le bilan, le retour et l’éventuel accompagnement de leur enfant. Le cadre est posé et permet aussi le lien parents-professionnel, ce qu’on appelle l’alliance. Et cela commence dès l’entretien.

Cet échange permet aussi de voir la qualité tonique des échanges parents/enfants, de la circulation de la parole entre eux, de la communication non verbale entre les parents et enfant. Cela apporte de précieux éléments qualitatifs appuyés par le bilan afin d’élaborer, par la suite, des hypothèses. Quand cet échange avec les parents prend fin, et que cela est possible pour l’enfant, les parents quittent la salle de psychomotricité et l’enfant reste seul avec la psychomotricienne. Elle continue de créer un lien avec l’enfant, déjà engagé pendant l’entretien où la place de l’enfant est soulignée par le regard et les mots. Ce temps est assez libre et délicat, il s’agit de créer de la confiance et ceci en lui proposant le plus souvent une mise en mouvements comme des échanges de balle, de découvrir la salle, etc. Ce petit temps permet déjà des observations qualitatives précieuses.

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13 4.2. Le bilan psychomoteur

Par la suite, l’enfant sera reçu au moins deux fois pour réaliser un bilan psychomoteur composé de différents tests (cf. annexe 3 : tests psychomoteurs principalement utilisés au CAPP) choisis auparavant selon l’âge et les problématiques émergentes de la demande et des indications. Citons pour exemple ceux le plus souvent utilisés par la psychomotricienne :

- Le Charlop Atwel pour évaluer la motricité globale de l’enfant, les coordinations, les dissociations, etc. Certains items du M-ABC2 pour la motricité globale et la motricité fine ; mais ne possédant pas la mallette, ce sont des observations qualitatives. On s’inspire des propositions normées pour proposer de simples exercices.

- Le dessin du bonhomme et les somatognosies de Bergès pour évaluer le schéma corporel de l’enfant et la représentation affective qu’il a de son propre corps. L’enfant à travers le dessin peut se représenter lui-même, ou représenter quelqu’un d’autre. Le dessin peut être un support à la verbalisation, il donne accès à de nombreuses informations quant à la représentation que l’enfant peut avoir de lui-même, quant à la connaissance de son schéma corporel, à son imaginaire, à son investissement corporel, etc.

- L’évaluation de la motricité gnosopraxique, EMG, pour évaluer les praxies et le traitement visuo-spatial. En effet, selon les difficultés que présente l’enfant, on peut orienter une hypothèse vers une dyspraxie (échec à l’épreuve des doigts), des difficultés visuo-spatiales (échec à l’épreuve des mains) ou encore une dyspraxie visuo-spatiale (échec aux deux propositions).

- Le Soubiran et le Stamback, qui permettent d’évaluer le rythme principalement. Comment l’enfant réussit-il à se synchroniser à un rythme ? Comment s’organise-t-il ou se désorganise-t-il grâce à un rythme ? Sa boucle audio-motrice5 est-elle efficiente ?

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- La figure de Rey et le Santucci, pour les éléments visuo-perceptifs et la visuo-construction. Comment l’enfant organise sa table ? Comment arrive-t-il à observer un tout et à le redessiner, l’organiser sur un autre support ? - Le BHK pour mettre en évidence une potentielle dysgraphie. On peut

observer les appuis de l’enfant, la prise de son stylo, l’automatisation de la lecture, etc.

- Le Marthe Vyl pour évaluer l’organisation spatiale de l’enfant, son adaptation spatiale. Comment l’enfant s’organise-t-il dans l’espace ? S’appuie-t-il sur des repères ?

Les principaux items psychomoteurs sur lesquels la psychomotricienne axe son attention et ses observations sont :

- La sphère tonique6 : qualitativement et quantitativement, la régulation tonique, la présence de paratonie7/syncinésie8, enfant hypotonique/hypertonique. Il existe trois types de tonus :

 Le tonus de fond est un état de tension minime des muscles. Il est involontaire et permanent. Il maintient la cohésion des différentes parties du corps. Il est garant du sentiment d’unité corporelle.

 Le tonus de posture est l’activité tonique minimale qui permet la position debout et les équilibres (statiques et dynamiques).

 Le tonus d’action désigne la contraction musculaire permettant l’action et le mouvement. Il est sous commande volontaire. - La motricité globale : statique et dynamique. Comment l’enfant

s’organise-t-il dans son corps ? Comment se déplace-s’organise-t-il ? Comment bouge-s’organise-t-il ? Comment sont ses praxies ? L’enfant a-t-il de bons appuis ? Comment est son équilibre ? La qualité des coordinations et des dissociations ?

6

« État de tension musculaire permanent, involontaire et variable en intensité » Ajuriaguerra (1949).

7

Trouble neuromusculaire qui interdit toute relaxation volontaire des muscles striés. Les fibres musculaires restent en contraction permanente ou tonus persistant. https://www.dictionnaire-medical.net/term/17857,1,xhtml

8

Contraction involontaire d'un groupe de muscles apparaissant quand le sujet effectue un mouvement, que celui-ci soit réflexe ou volontaire, mettant en jeu un autre groupe de muscles. https://www.larousse.fr/encyclopedie/medical/syncin%C3%A9sie/16374

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- La motricité fine : comment tient-il son crayon ? Arrive-t-il à délier ses doigts ?

- L’espace et le temps : comment l’enfant se déplace-t-il dans la salle ? Comment l’enfant se repère-t-il ?

- Le schéma corporel et la représentation affective du corps : l’enfant connaît-il son corps ? Ses différentes parties corporelles ?

- Dialogue tonico-émotionnel9 : comment l’enfant utilise le langage infra-verbal ? Quel état émotionnel de l’enfant ? Quelle communication avec l’adulte ? Comment les émotions se transmettent entre l’enfant et le psychomotricien ?

- La latéralité : est-elle établie ?

- Le langage : sert-il l’enfant à communiquer ? Ou est-il seulement informatif ? Comment est-il organisé ?

Pour ces grands axes, les grilles de lecture du développement psychomoteur de l’enfant sain sont régulièrement consultées.

Dans ce bilan psychomoteur au CAPP, la place de l’enfant/élève est importante à explorer et le « lire, écrire et compter » sont lus en transversal de manière qualitative ainsi que le raisonnement, la déduction et la mémoire. Les prérequis psychomoteurs (espace, tonus, schéma corporel, coordination, etc.) nécessaires aux apprentissages ont ici une place fondamentale car les indications tournent souvent autour des difficultés scolaires. En psychomotricité, dans ce CAPP, les huit intelligences10 sont interrogées et sollicitées : logico-mathématiques, linguistiques, kinesthésiques, etc.

Ces premières séances de bilan et la rédaction de celui-ci permettent d’élaborer des hypothèses et d’analyser les besoins en psychomotricité de l’enfant en tenant évidemment compte des problématiques et demandes de la sphère familiale. À la fin de ces trois séances, la psychomotricienne échange directement avec l’enfant seul pour lui faire un retour. Elle s’accorde avec lui de ce qu’elle va dire à ses parents afin que l’enfant comprenne qu’il est au cœur du

9

Reflet des états émotionnels de deux partenaires avec transmission de l’un à l’autre, Ajuriaguerra (1962).

10

Marmion, J. (2016). Howard Gardner - À chacun son intelligence. Les Grands Dossiers des

Sciences Humaines, 45(12), 31-31.

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dispositif et que sa parole est entendue. Elle revoit ensuite les parents en sa présence pour exposer le bilan et proposer, si besoin est, un accompagnement en psychomotricité. C’est le moment où les parents peuvent poser des questions et soumettre leurs interrogations. Ensemble, un rendez-vous est fixé pour l’enfant, rendez-vous souvent hebdomadaire, et le cadre des séances est posé. Les aspects positifs de l’enfant et ses potentiels sont toujours soulignés. Dans ce CAPP, beaucoup de parents ne maîtrisent pas bien la langue française écrite et parfois orale, il est alors nécessaire de s’ajuster, de reformuler, d’illustrer le retour de bilan car le vocabulaire psychomoteur est parfois très opaque pour eux. Il est possible que des explorations complémentaires soient demandées lors du retour de bilan, comme des examens ophtalmologique, ORL, neurologique, un rendez-vous en centre de référence, etc. Dans ce retour de bilan et avec les propositions de suivi, la psychomotricienne peut demander aux parents l’autorisation d’entrer en contact avec l’école et le professeur des écoles de l’enfant, si besoin est. Un écrit peut être remis aux parents à leur demande, ce qu’ils font rarement parce que la parole semble leur suffire. En revanche, un exemplaire sera remis au référent de l’enfant au CAPP et conservé dans son dossier.

La question du cadre espace-temps et de son respect est souvent abordée car la continuité est fondamentale dans le travail en psychomotricité. La régularité de la prise en charge est en effet un point important pour l’enfant. Cet aspect de la continuité des rendez-vous hebdomadaires, le plus souvent même jour, même heure, est déjà un cadre thérapeutique pour l’enfant. Et étant donné la fragilité d’ancrage des familles reçues et l’insécurité sociale ou autre dans lesquelles ils vivent, c’est un point à consolider.

A la séance qui suit, l’enfant commence sa prise en charge psychomotrice. Le lien a été créé ou est encore en cours de construction grâce aux précédentes séances. Le bilan est déjà une rencontre !

4.3. Les médiations

Les médiations utilisées en psychomotricité par ma tutrice sont diverses et variables mais l’idée est aussi de partir des centres d’intérêts de l’enfant ou de

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médiations transférables pour permettre la socialisation de l’enfant/élève à l’extérieur (exemple : le foot et les jeux de ballons, etc.). Ils doivent pouvoir transférer leurs compétences à l’extérieur de la salle de psychomotricité, à l’école ou ailleurs, cela construit aussi la confiance en soi pour ces enfan ts souvent peu stimulés sur le plan des activités ou du sport. Cette grande salle au sein du CAPP regorge de différents jeux de société, de ballons, de cerceaux, de plots, etc. Le plus souvent, la psychomotricienne utilise les ballons avec les enfants : c’est un objet qu’ils connaissent bien et qu’ils utilisent que ce soit à l’école ou à l’extérieur. Certains enfants bénéficient de séances de relaxation : un tapis est disponible afin de permettre à l’enfant de s’allonger. Un gros Physioball®

attire souvent l’attention des enfants qui aiment sauter dessus, taper dedans, le porter et le jeter. Le mur est parsemé d’affiches et de quelques dessins réalisés par certains enfants. Une armoire contient de la peinture, et différents accessoires nécessaires à des activités manuelles variées. Certains enfants ne toucheront pas au matériel, ils prendront un ballon, objet investi ; d’autres fouillent, cherchent dans les armoires, questionnent sur les objets inconnus ; certains sont interpellés par les jeux de société ; d’autres encore utilisent toute la salle pour jouer à cache-cache, faire un jeu dramatique, etc. Les médiations sont adaptées aux enfants reçus ; le plus souvent, les enfants nous orientent facilement vers ce qui les intéresse comme le jeu libre et spontané, mais il arrive que l’axe thérapeutique soit justement de dire non ! Dans le cas du jeu spontané, c’est là qu’intervient la capacité d’adaptation de la psychomotricienne qui utilise alors la médiation choisie, en gardant en tête les objectifs thérapeutiques précis et ajustés.

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II.

PARTIE CLINICO-THÉORIQUE

1. Formation initiale de psychomotricité

Avant de présenter Mattéo, penchons-nous sur la formation d’un apprenti psychomotricien. Les trois années d’études de psychomotricité permettent à chaque étudiant de commencer un véritable travail de conscience corporelle. L’étudiant apprend à se mettre à l’écoute de son corps, de ses ressentis. Il prend conscience de sa régulation tonique, de ses états affectifs, il apprend à mettre du sens et des mots sur ce qu’il vit. Les travaux pratiques d’expressivité corporelle, de relaxation, de conscience corporelle, et tant d’autres, permettent à chaque étudiant de vivre de riches et diverses expériences corporelles, de vivre et habiter son corps. L’apprenti psychomotricien développe sa propre connaissance psychocorporelle. Il s’agit au bout des trois ans d’études d’être disponible, corporellement et psychiquement, au patient qu’il reçoit dans un cadre bien défini. Pendant ces séances, en petit groupe ce qui permet un meilleur partage d’expériences, l’étudiant reçoit beaucoup et prend également petit à petit de l’autonomie en étant à l’origine de propositions.

L’étudiant en psychomotricité a également de nombreux cours théoriques qui lui permettent d’alimenter toute la pratique qu’il vit. En parallèle de ces cours dispensés à l’institut de formation de psychomotricité, il fait plusieurs stages d’observation et d’initiation thérapeutique différents. Il est donc très vite confronté à des patients, aux institutions.

En 2e année, les travaux pratiques d’expressivité corporelle sont découpés en deux temps, ce qui nous permet de travailler sur deux principaux thèmes. L’année dernière, nous avons donc travaillé sur le rythme pendant la moitié de l’année. Les objectifs de ces cours étaient de nous faire prendre conscience de notre propre rythme, de le confronter en séance à plusieurs autres rythmes différents. Nous avons travaillé sur le rythme, ses qualités, les facteurs influençant le rythme. Nous avons vécu différentes propositions thérapeutiques (danse, musique, etc.). J’ai donc appris à écouter, à prendre conscience de mon propre rythme, à ressentir. En groupe, j’ai pu expérimenter la confrontation de mon rythme à ceux des autres, j’ai pu travailler sur mon ajustement tonico-émotionnel. J’ai appris à me mettre à mon écoute et à l’écoute des autres, ce qui

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m’a permis, quand j’ai reçu Mattéo, de me rendre disponible à lui. Ce travail sur moi m’a donné une conscience et une connaissance corporelle qui m’ont permi s de rencontrer Mattéo, d’observer les difficultés qu’il présentait et de commencer une prise en charge avec lui.

2. Présentation de Mattéo

Mattéo consulte au CAPP en octobre 2016, il a alors 4 ans et ½ : il est reçu par l’assistante sociale. Mattéo vient avec son père, qui ne parle pas bien le français. La maman ne le parle pas du tout, parfois les échanges se font en anglais avec la psychomotricienne. Ils sont d’origine sri-lankaise, nous n’avons aucune donnée sur leur arrivée en France. Mattéo est né en France et a un frère et une sœur ; ils vivent tous les trois avec leurs deux parents dans un F2, ils dorment tous ensemble. Il entretient de bonnes relations avec son père et « fait trop câlins avec sa mère », selon les dires de ce dernier. Avec ses frère et sœur, il a de bonnes relations. À l’extérieur, il est très timide et inhibé. C’est une famille assez isolée sur le plan social : il parle tamoul à la maison, entre eux. Les enfants sortent peu, même au square. Les parents ne parlent pas bien français surtout la maman qui s’exprime mieux en anglais. Ils n’ont pas beaucoup de relations sociales hormis le cercle familial et tamoul ; ils sont le plus souvent entre eux.

Il faut préciser que le grand frère qui a 18 mois de plus que Mattéo est suivi en psychothérapie et en orthophonie depuis deux ans et va être orienté en ULIS (unité localisée pour l’inclusion scolaire). La famille connaît donc bien le CAPP.

L’assistance sociale précise dans son compte rendu qu’elle n’arrive pas à savoir qui est à l’origine de la demande. Le père exprime les difficultés de langage et de graphisme de Mattéo ainsi qu’une inhibition : il a du mal à s’exprimer, il est décrit comme très timide, il ne bouge pas. Mattéo a des difficultés pour manger, il n’aime que très peu de choses, il a du mal à déglutir. D’après l’entretien, il dort bien, il boit encore un biberon de lait le matin et le soir, il n’a pas vu le médecin scolaire cette année ; il serait ambidextre. Il sait s’habiller

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seul, mais sa mère « doit l’aider ». Il peut se mettre en colère si elle lui refuse quelque chose.

À la suite de ce premier entretien, Mattéo commence à être suivi en psychothérapie. La psychologue demande, un an après le début de la thérapie, un bilan en psychomotricité. C’est ainsi qu’il est reçu en juin 2017 en psychomotricité. Les conclusions du bilan sont « une inhibition du langage et du

corps ainsi qu’un retard psychomoteur important mais des capacités relationnelles et intellectuelles certaines. Certains prérequis ne sont pas en place : schéma corporel, espace/temps et latéralité. II s'inscrit dans un profil hétérogène sur l’ensemble des points évalués. C'est un enfant motivé, curieux et présent et qui apprend vite, même s’il met du temps à faire confiance. II n'investit pas encore son corps comme un corps sujet. Par ailleurs, Mattéo manque d'appui, d'ancrage et ne peut encore parler de lui, de ses ressentis, réinvestir . Son axe serait à travailler en lien avec son rapport à l’alimentation.

Les troubles toniques, graphiques et praxiques sont présents, ce qui interroge si cela perdure sur d'éventuels troubles neuromoteurs associés à explorer. Sa courbe staturopondérale est évidement à surveiller car Mattéo est très petit et frêle et un bilan orthoptique et orthopédique serait pertinent afin d’écarter toutes les causes de cet ordre-là. Un accompagnement hebdomadaire en psychomotricité me semble pertinent pour Mattéo qui va pouvoir expérimenter son corps et ses sensations et surtout travailler ses équilibres, ses coordinations, sa latéralisation et son axe (bouche, pied). Il pourrait aussi bénéficier de cet espace/cadre pour jouer, développer ses potentialités verbales et cognitives, dépasser ses inhibitions en partageant, mais aussi et surtout vivre des expériences sensorimotrices agréables. Il besoin d’être nourri.

L'objectif serait donc de travailler sa posture, son ajustement tonique, ses gestes, son enveloppe, à l’aide de jeux moteurs avec une dimension socialisante (football, basket…) et faciliter la mise en mots de ses ressentis corporels.

Rassurer les parents semble être important dans ce cadre. La piscine ou le judo pourrait être aussi une piste d'activité extra-scolaire pour lui permettre d’être à l'écoute de son corps et être dans le temps et la relation à l’autre. »

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La psychomotricienne commence donc à le suivre à partir de juin 2017. Tous les mercredis, il est accompagné par sa maman, principalement. Ils sont très réguliers.

3. Début de prise en charge - juin 2017 -

Lorsque Mattéo est reçu par ma maître de stage, il est complètement inhibé : il ne lui parle pas, ne répond que très peu à ces questions, il ne bouge pas et ne réalise pas de mouvements. C’est un enfant qui se nourrit très peu. Il va lui falloir du temps pour s’engager dans la relation avec la psychomotricienne. Le mot inhibition11 vient du latin inhibere qui signifie retenir. On définit l’inhibition par la mise en réserve des potentialités. C’est un mécanisme normal et adaptatif qui permet de contrôler ses gestes, sa parole. En revanche, l’excès en fait une pathologie. C’est le couple « impulsion/inhibition » qui permet une liberté motrice et l’action.

Ma tutrice axe à ce moment le travail autour du sensoriel et de l’expérimentation corporelle : elle lui propose un cadre contenant dans lequel cet enfant puisse se sentir en sécurité et expérimente. Au départ ; il ne peut s’engager dans le mouvement. Il ne faut pas le brusquer et travailler directement sur le symptôme. Il faut l’apprivoiser « comme le Petit Prince et le renard », ainsi que ses parents. Mattéo est très demandeur de jeux de société : elle allie donc l’expérimentation et la sphère logico-mathématique. À travers cela, elle construit petit à petit avec lui une relation de confiance. Progressivement, Mattéo va s’ouvrir : il va se mettre en mouvement, il va s’engager corporellement dans la relation, il s’ouvre à la psychomotricienne et à sa salle. Il a fallu respecter sa temporalité et son rythme.

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4. Mes premiers contacts avec Mattéo

Lorsque je rencontre Mattéo pour la première fois, c’est le 19 septembre 2018. Il attend dans le couloir, discret, et entre dans la salle seulement après avoir été sollicité par ma tutrice. Elle s’assoit sur le banc ; Mattéo se place devant elle, debout. Il revient en psychomotricité après deux mois d’absence (vacances estivales). C’est un garçon de toute petite taille et de petit gabarit. Il est en CP, il a 6 ans et demi. Je vérifie à nouveau son âge sur son dossier, il semble plus jeune à cause de son petit gabarit. Il parle d’une voix très timide, très basse mais douce. Il ne pose pas de question, ne dialogue pas mais répond aux questions qu’on lui pose. Sa voix n’a pas de prosodie, ses réponses ne sont pas des phrases mais des mots. Il ne regarde pas forcément son interlocuteur dans les yeux. Mattéo se tient les poches, le pantalon, il tire sur son tee -shirt, il bouge sur ses deux pieds ; et pourtant, on le sent en confiance avec la psychomotricienne, de laquelle il se rapproche de plus en plus. Quant à moi, il ne me regarde pas de la séance ; il pourrait sembler indifférent. Ma présence semble le rendre davantage timide, il me jette quelques coups d’œil, semble hésiter quand mon maître de stage lui pose des questions ou parle de moi, mais pour autant, il sera tout au long de la séance investi. Durant cette première séance, je le trouve très proche de la psychomotricienne physiquement, très présent dans la relation, malgré une grande timidité. Ma tutrice le questionne sur son alimentation : Mattéo a toujours du mal à manger et à déglutir certains aliments. Elle l’incite à manger et cherche les raisons de ce refus : une difficulté à déglutir ? Pas d’appétit ? Nous avons des difficultés à comprendre réellement les raisons ; la psychomotricienne incite régulièrement et vivement sa mère depuis plusieurs mois à aller consulter un médecin, craignant des difficultés d’ordre médical.

Après avoir parlé de l’été, et réabordé la présence de Mattéo au CAPP, la séance se poursuit par une partie de foot. Je peux ainsi observer Mattéo qui est très hypertonique : il présente des paratonies au niveau du membre supérieur, il ne respire pas beaucoup, il bloque sa respiration quand il se met en mouvement. Il ne présente pas de dissociation tête/épaule, ni de très bonnes coordinations/dissociations podales : il utilise beaucoup son pied droit. Il tient en équilibre statique et dynamique mais n’a pas de bons appuis.

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Lors de ma deuxième rencontre avec Mattéo, je suis encore en observation. Il ne me regarde pas, c’est comme si je ne suis pas là. Il fait une séance de foot avec ma tutrice, cette fois-ci pieds nus afin de mieux ressentir ses appuis. Cela lui permettra d’en prendre plus conscience, de mieux ressentir et d’être ainsi plus en équilibre. Il semble moins hypertonique des bras, il ne tire pas sur son tee-shirt. Il prend appui sur le devant des pieds. Il montre une passe qu’il avait apprise la semaine dernière. Il parle un peu plus que la semaine dernière. Cependant, il semble très précipité et se désorganise dans ses mouvements. Il bloque toujours sa respiration quand il se met en mouvement.

Après deux mois de coupure dans les prises en charge, liée au congé maladie de ma tutrice, nous rencontrons à nouveau Mattéo. Il attend à nouveau dans le couloir, n’osant pas toquer. La psychomotricienne va le chercher et l’amène dans la salle. Elle s’assoit sur le banc, il se met debout face à elle. Elle lui explique les raisons de son absence, il écoute. Puis, elle lui demande de m’expliquer à moi pourquoi il vient au CAPP, quelles sont les raisons de ses venues. Mattéo se tourne un peu vers moi, mais ne me regarde pas, et n’arrive pas trop à m’expliquer. La psychomotricienne l’aide ainsi à m’expliquer. Il répond très facilement « oui », sans parler davantage. Il regarde la personne à qui il parle. La psychomotricienne lui explique que c’est moi qui ferai la séance : Mattéo sourit et accepte. Le contact visuel s’installe dès le moment où il est dit que je prends la séance en main ; il ne regarde plus à ce moment-là la psychomotricienne. La relation à trois semble difficile pour lui : il est soit en relation avec la psychomotricienne soit avec moi. Il ne semble pas perturbé par le fait que je prenne la séance en main. Il s’investit pleinement et commence à entrer en relation avec moi.

Je lui propose de commencer : il file chercher les plots, les installe pour délimiter les cages de but. Je l’invite à enlever ses chaussures et, ensemble, nous choisissons une balle pas trop dure pour nos pieds. Il la place au centre, compte jusqu’à 3 et partez ! Mattéo se précipite sur la balle. Sa respiration est précipitée et bruyante. Ses membres supérieurs sont très tendus, il a quelques paratonies. Quand je m’approche de lui, il s’agite beaucoup. Je commence à me laisser emporter dans sa précipitation : je parle vite, je parle fort, je respire de façon précipitée, je suis essoufflée, je tape sans viser, etc. Je me laisse

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emportée dans son rythme ; je me ressens très excitée, traversée par une tornade d’énergie. La psychomotricienne l’invite à souffler, à arrêter le ballon et à viser pour taper dans le ballon. Mattéo et moi avons beaucoup de mal à nous ajuster. Je commence à me rendre compte qu’il faut que je sois plus contenante pour lui et essaye de freiner mon mouvement, en courant moins. Mais dès que Mattéo s’approche de moi, je réagis comme lui et tape le ballon, sans réfléchir, de façon précipitée. Tout au long de la séance, Mattéo chutera plusieurs fois, sans incidence. Selon moi, ceci ne s’explique pas par des troubles de l’équilibre mais par sa précipitation qui ne lui assure pas de bons appuis. Quand il marque des points, il ne s’arrête pas et continue le jeu.

Je rencontre beaucoup de difficultés à l’observer et à garder mes objectifs en tête, à savoir travailler la motricité globale (qualité et fluidité du mouv ement), la régulation tonique ainsi que la relation. Mattéo était, il y a un an, très inhibé, n’entrait pas en relation, ne bougeait pas. Quand je le vois en séance, il est très timide dans la relation, mais, une fois dans le jeu, il est très excité, précipité. Mattéo semble vouloir expérimenter dès que le contexte l’y autorise. Le jeu semble une soupape pour libérer toute l’énergie qu’il a au fond de lui ; il lui permet de bouger. Dans la relation, il est plutôt timide, ne parle pas beaucoup, n’a pas d’émotions dans ses paroles. Au cours de la séance, il se met en mouvement très facilement, mais bouge énormément et maladroitement. J e ne réussis pas à utiliser cette médiation pour mettre en place mes objectifs. Lui est dans le jeu, il est précipité et compétitif, et moi, je n’arrive pas à garder une posture de psychomotricienne. J’observe son hypertonie des épaules, ses paratonies, son unique utilisation du pied gauche, etc., mais je n’en fais rien. Je n’investis pas beaucoup l’espace, je reste collée à mes buts, comme en recherche d’arrière-fond. À la fin de la séance, ressentant cette énergie excitatrice qui circule entre lui et moi au sein de la médiation, je tente un moment de retour à soi, au calme. Mattéo, lui, est embarqué dans la partie et a du mal à arrêter de jouer. Lorsque nous rangeons, il court partout : il range la balle, attrape les plots, essaye de tous les porter, les fait tomber, les reprend, court pour les déposer, etc. Je m’assois pour remettre mes chaussures, lui reste debout en équilibre : je l’incite à venir s’assoir à côté de moi, je tente ainsi de permettre un temps calme, en l’amenant au sol ; mais il refuse, puis il finit par me

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rejoindre n’arrivant pas à enfiler ses chaussettes. Je l’aide et lui donne des petits conseils. Je reste assise, impassible à côté de lui qui continue maladroitement d’enfiler ses chaussures. Je lui donne un verre d’eau qu’il boit d’une traite, sans respirer.

Je suis essoufflée en fin de séance : le rythme a été si rapide et soutenu !

4.1. Qu’est-ce que le rythme ?

Le mot rythme a plusieurs racines étymologiques : une racine étymologique latine rhythmus12 qui signifie régulier, cadence, mesure régulière, et qui elle-même découle d’une racine grecque, rhuthmós13, couler comme une

rivière. On retrouve dans la langue française le préfixe rhéo14, qui signifie couler, pour des mots dont le sens est en lien avec un fluide, un écoulement. On retrouve dans l’origine même du mot rythme une double racine qui met en évidence les notions de régularité et de fluidité. Le rythme n’est pas donc pas figé, il apparaît comme quelque chose qui revient régulièrement, qui coule.

Dans le dictionnaire Larousse, le mot rythme15 a plusieurs définitions. Tout d’abord, le rythme est défini comme « un retour, à des intervalles réguliers dans

le temps, d'un fait, d'un phénomène ». C’est la fréquence d’un phénomène

physiologique périodique. Par exemple, le rythme des saisons, le rythme cardiaque, etc. En musique, le rythme est « l’organisation dans le temps des

événements musicaux. Il comporte tous les éléments qui permettent de repérer une structure temporelle : espacement, durée, accentuation des sons musicaux ».16 Le rythme désigne à la fois le moment où on doit entendre les

notes et il détermine la durée des notes. Le rythme est donc la succes sion de temps forts et de temps faibles. La pulsation, quant à elle, détermine des temps, et du tempo, qui est la vitesse de pulsation.

12 https://fr.wiktionary.org/wiki/rythme 13 https://fr.wiktionary.org/wiki/rythme 14 https://fr.wiktionary.org/wiki/rh%E9o- 15 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/rythme/70326 16 https://fr.wikipedia.org/wiki/Rythme_(musique)

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Missonnier (2007) reprend cette double racine pour expliquer que la vie s’organise dans ces deux rythmes de base : le temps circulaire et le temps linéaire. Le rythme est ainsi fait d’une structure faite d’alternance, de répétition et de continuité. Au départ, le rythme est dyadique puis il va devenir petit à petit poly-relationnel, poly-familial et poly-social. Cela permet au bébé de s’ouvrir à l’extérieur, de faire la différence entre soi et non-soi. L’individu s’inscrit dans son histoire, dans son corps propre et construit une identité rythmique et subjective. Le rythme binaire est très rassurant et sécurisant par la répétition (exemple : l’enfant pleure parce qu’il a faim, sa mère le nourrit, la satiété apparaît, l’enfant ne pleure plus, et ainsi de suite). L’intégration progressive de rupture, de microrythmes, permet de créer la surprise et l’inattendu, et permet ainsi l’émergence d’un autre rythme. Au début de la vie, le bébé vit une réalité cyclique et binaire ; puis le temps binaire va se transformer en temps continu ce qui permet au sujet d’élaborer un temps propre et subjectif, et ainsi faire apparaître un rythme ternaire.

Le rythme a différentes natures : il peut être artificiel (le bruit d’une montre), naturel (rythme respiratoire, rythme cardiaque, alternance jour/nuit, etc.). Les rythmes naturels sont innés et sans cesse présents, ils reviennent à intervalles réguliers. Ils sont autonomes, mais peuvent être influencés par des facteurs extérieurs (fatigue, stress, etc.).

4.2. Dimension relationnelle du rythme

Bullinger (2015) à travers le développement sensorimoteur explique le développement du rythme par le développement de l’espace oral. La sphère orale permet l’émergence des fonctions instrumentales (langage, gnosies, praxies). Dans le ventre de sa mère, le fœtus est nourri en continu grâce au cordon ombilical. À la naissance, l’espace oral a une fonction exploratoire et une fonction de capture (succion, déglutition) qui permet l’émergence de la satiété et de l’apaisement de la faim. C’est cette alternance qui crée un rythme, à la base des échanges entre le bébé et son environnement.

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In utero, le bébé s’adapte au rythme. Il perçoit son rythme cardiaque,

respiratoire, sa voix, ses mouvements, etc. À la naissance, il est pris d’emblée dans un rythme relationnel grâce aux portages, aux soins, etc. Les premiers cycles sont courts et se terminent par un retour au calme : l’enfant a faim, il pleure, il attire l’environnement extérieur, qui le nourrit, l’enfant est apaisé et s’endort. Ces interactions précoces se forment sur cette rythmicité primaire – cycle très court – où on répond rapidement aux besoins de l’enfant. L’adulte joue un rôle essentiel en séquençant le temps : présence/absence, séparation/retrouvaille, stimulation/calme. Ainsi, le rythme primaire de l’enfant est une articulation entre les rythmes biologiques et la réponse de l’environnement.

Le rapport au rythme se retrouve dans toutes les expériences corporelles. Les mouvements permettent de l’intégrer corporellement et psychiquement. On est sans cesse traversé par les rythmes (lent, rapide, vif, etc.) , que l’on marche, que l’on parle, etc. Le corps est une véritable source de rythme qui permet des mouvements de tension ou de détente, intriqués dans les rythmes primaires et archaïques de la vie. En intégrant les rythmes, le sujet apprend à s’accorder au x rythmes extérieurs, sociaux.

4.3. Le corps et le rythme

La construction du rythme s’appuie sur des rythmes internes, propres à la construction corporelle. La psychomotricité s’appuie sur le corps en mouvement et en relation, c’est ainsi que la question du travail rythmique apparaît et fait sens. Dès le début de la vie, le corps est pris dans un rythme interactif (lever, coucher, repas, etc.). Le rythme est au cœur du vivant, présent du début de la vie à la fin. C’est un langage universel et infraverbal, qui soutient la construction psychocorporelle. Le rythme s’inscrit dans le corps, il y prend sa source. Et en même temps, la motricité permet d’intégrer le rythme : c’est une alimentation réciproque. On retrouve le rythme dans le corps à travers la marche, l’expérimentation du rythme, le schéma corporel (marelle, sauts, etc.). Le corps s’inscrit dans un rythme qui lui est propre et est influencé par un rythme

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extérieur, celui de son environnement. Perdre son rythme propre amène à perdre son identité et à être en décalage avec les autres (Missonnier, 2007).

G.Haag (1986), à partir de son expérience avec des enfants autistes, souligne que le rythme soutient l’axe corporel, le rapport au sol, les coordinations et les dissociations. La répétition du rythme permet l’appropriation du mouvement, sa décomposition et l’intégration de schèmes moteurs. Ainsi, nous comprenons qu’avec un rythme interne non trouvé ou trop précipité, Mattéo présente des difficultés de motricité globale, de mauvaises coordinations. Il est compliqué pour lui de s’approprier les mouvements et de les décomposer.

Le rythme permet à chacun d’inscrire son corps dans le temps. Le rythme comme répétition régulière d’une structure donnée est la base de l’expérience de la temporalité, qui se construit dès la petite enfance. La perception du rythme avant de s’intellectualiser se vit dans son corps à travers les ressentis des différents rythmes physiologiques à savoir le rythme respiratoire, le rythme nycthéméral, etc. et des rythmes environnementaux (soins répétés, paroles répétées, etc.). Le rythme est la structuration du temps : c’est le point de départ pour se représenter le temps grâce aux éléments répétitifs. L’enfant se construit un corps dans une réalité temporelle grâce à toutes les répétitions vécues dans ses interactions (soins, moments de câlins, excitation, détente, etc.). La rythmicité de l’extérieur et son rythme endogène lui permettent de se construire dans une temporalité. Le temps s’organise donc grâce aux premières fonctions corporelles et aux premiers rythmes de soin et de maternage.

L’humain ne vit pas seulement le temps, il se le représente, ce qui lui permet de prendre conscience du passé et de se projeter dans le temps à venir. Ainsi, un découpage temporel est faisable : on peut rythmer le temps, donc s’extraire de ce temps linéaire qui s’écoule sans fin pour ne pas y être happé. On observe chez des enfants agités cette difficulté à être attentifs au silence ; le remplissage moteur ou verbal permet de remplir ce vide. Concernant Mattéo, c’est un enfant qui ne parle pas beaucoup, mais une fois en mouvement, il est très agité : comblerait-il dans le mouvement un vide oppressant ?

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5. Sa scolarité - 2018/2019 -

À la demande de la psychomotricienne, Mattéo nous apporte assez fièrement, en janvier 2019, son livret scolaire, ce qui nous permet de constater avec lui que ses résultats sont bons. Il est content et fier de son travail. Son institutrice relève son très bon travail en mathématiques et lui demande des progrès en français : « […] des difficultés persistent. Mattéo s’exprime parfois

difficilement (choix des mots et formation des phrases) […] ». Les difficultés

d’expression de Mattéo que j’observe dans le cadre de la séance de psychomotricité sont donc présentes dans d’autres domaines de la vie. Cela vient m’éclairer davantage sur la timidité dont peut faire preuve Mattéo : il ne parle trè s peu, voire pas du tout de lui ; en partie, cela pourrait s’expliquer par des difficultés à s’exprimer. S’il a du mal à s’exprimer de manière générale, il peut rencontrer encore plus de difficultés pour parler de lui.

6. Une séance type avec Mattéo

6.1. Généralités sur le cadre en psychomotricité

Le rythme renvoie à la question du cadre, du contenant : le cadre pose des repères et permet une enveloppe sécurisante. Il inclue des rituels qui rythment la séance. À l’intérieur du cadre, on peut jouer en sécurité, en laissant s’écouler et circuler des mouvements. Dans un cadre, les éléments se répètent, ce qui permet une anticipation de ce qu’il peut se passer et une reconnaissance des événements qui ont lieu. La forme ritualisée incarnée par le cadre permet d’accepter l’inattendu et la surprise. La répétition d’éléments permet également de dépasser la simple imitation et de faire sien l’élément, de se l’approprier. Pour cela, il faut laisser le temps et l’espace au patient.

Le cadre permet de construire des repères, son histoire, et donc d’exister. La cadre s’inscrit donc autour de deux temps indissociables : un temps circulaire composé de microrythmes et un temps linéaire composé de macrorythmes. Ces

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deux notions sont développées par Marcelli17. Il décrit le macrorythme comme la continuité, une pulsation stable et répétitive, donc la répétition d’une expérience de manière cyclique et prévisible qui constitue alors la continuité et la présence. On retrouve le macrorythme au début de la vie à travers les soi ns, le portage, etc. Ce temps linéaire permet à l’enfant d’anticiper et de construire un sentiment d’exister dans le temps. Le microrythme, lui, représente la discontinuité, il correspond à tous les inattendus, les attentes, les surprises et les ruptures q ui maintiennent la vigilance. Au début de la vie, c’est la conjonction de ces deux temps qui permet la construction du rythme du bébé : le macrorythme stable et en continuité scandé de microrythmes grâce auxquels il peut investir l’incertitude.

En thérapie psychomotrice, le professionnel permet ce cadre, stable et sécurisé, où la créativité est possible, l’incertitude et l’étonnement peuvent surgir. Ce cadre est un temps d’interaction où la disponibilité du psychomotricien est indispensable. Il s’agit d’être disponible, dans un cadre, au patient et à la médiation utilisée. La difficulté est d’être disponible aux temps de l’autre et d’organiser tous ces temps. Il faut se synchroniser ou se désynchroniser au rythme du patient, tout en respectant son rythme propre. La thérapie psychomotrice accompagne le patient dans l’émergence de son propre rythme. La disponibilité s’’inscrit dans la question d’exister en tant qu’humain, d’être là au monde. Elle s’inscrit dans notre vécu et dans notre relation à l’autre. Le professionnel est également concerné par cette question : il doit être disponible dans la relation avec son patient. La disponibilité vient interroger notre r elation à l’autre et au monde. Être disponible, c’est être présent, c’est s’inscrire dans un espace-temps. La disponibilité ne s’entend pas seulement pas d’un point de vue physique, mais symbolique et psychique.

La séance se construit sur un rythme qui lui est propre et qui est pensé : un temps d’accueil avec l’enfant, la séance en tant que telle avec des propositions d’activités (foot avec Mattéo) et un temps de fin (temps de détente), avant la séparation.

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6.2. Place de l’échauffement corporel

La séance type avec Mattéo se déroule de la façon suivante : un échauffement corporel, puis nous nous lançons dans une partie de foot. Le mot foot est de bien grande envergure, nous en reparlerons par la suite. Nous installons des cages de but avec deux plots. Notre espace de jeu fait environ 7 mètres de long.

L’échauffement corporel permet de commencer calmement la séance. Les premiers échauffements seront des éveils corporels : nous bougeons chacune de nos articulations. Nous ressentons ce que ces mouvements provoquent dans notre corps. Nous nous questionnons sur le rôle de chacune pendant une séance de foot. Ce temps d’échauffement permet de travailler la fluidité et la souplesse du mouvement, l’équilibre mais également la régulation tonique. J’y inclus la respiration pour aider Mattéo dans la prise de conscience de son corps. Les dissociations ne sont pas forcément simples pour Mattéo qui est facilement hypertonique du membre supérieur. Il a des difficultés à faire bouger sa tête sans lever ses épaules, par exemple. Il s’investit pleinement dans ces exercices qui semblent l’intéresser.

Au fur et à mesure des séances, je vais adapter les échauffements corporels de façon à faire plus de lien avec la séance qui suit. Nous travaillons sur la motricité globale et la qualité du mouvement : en modifiant la vitesse, le poids de notre corps dans le déplacement. Je propose davantage de petites propositions (cloche-pied, pas chassés, marcher en tapant dans le ballon le long d’une ligne, etc.). Je les réalise en même temps que Mattéo afin qu’il ait une aide visuelle et que nous partagions ces propositions.

Par la suite, je fais à nouveau évoluer les échauffements en y apportant le ballon, qu’on utilise par la suite dans la séance. Je m’inspire des échauffements que l’on peut voir dans des clubs de foot (faire des longueurs de la salle en envoyant le ballon d’un pied à l’autre, faire des slaloms avec le ballon, etc.). Cela permet dans un premier temps de commencer à mettre le corps en mouvement, à travailler la motricité générale en amont de la médiation en tant que telle : la compétitivité est absente, le sens de l’échauffement est compris, les propositions permettent également à Mattéo d’investir la salle. Il y est très impliqué. Ce format

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d’échauffement semble plus adéquat pour la séance qui suit. Ils permettent de décomposer les mouvements qu’on utilise pendant le jeu sans la compétition. Nous travaillons ces mouvements dans le but de les décompenser pour les expérimenter et pouvoir les reproduire dans le jeu. Ainsi, nous travaillons sa régulation tonique, sans être impliqué dans un jeu avec des enjeux.

6.3. Cadre de la médiation

En séance, nous utilisons le foot comme médiation. Elle s’est installée petit à petit. Elle a permis de sortir du bureau et de mettre du mouvement dans la séance. Au départ, c’étaient de simples échanges de ballon, puis des règles ont été énoncées et appliquées, et le format du foot est apparu.

C’est dans la médiation, dans le jeu du foot, que je travaille mes objectifs de prise en charge avec Mattéo. Les séances de psychomotricité durent 30 minutes : les 10 premières sont un temps d’accueil et d’échauffement ; pendant les 15 minutes qui suivent, nous faisons le foot ; et nous prenons un temps de détente et de verbalisation durant les 5 dernières minutes.

Après l’échauffement corporel, nous installons le terrain de jeu : deux plots servent à délimiter nos cages. Mattéo place le ballon au centre ; nous nous mettons chacun de notre côté. Il compte et nous commençons. Mattéo se précipite systématiquement pour installer le terrain et pour taper dans le ballon au centre.

Il s’agit de pouvoir lui proposer un cadre sécurisant dans lequel il puisse expérimenter, bouger, courir, tout en prenant conscience de son état, de ses mouvements et de son rythme. Tout mouvement s’inscrit dans un espace dans lequel l’engagement corporel est sollicité. Et de mon côté, je travaille mes objectifs de prises en charge à travers le foot (motricité globale, régulation tonique, coordination, etc.).

Figure

graphique  3 à 13 ans  EMG –  évaluation de la  motricité  gnosopraxique

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