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II. PARTIE CLINICO-THÉORIQUE

6. Une séance type avec Mattéo

6.1. Généralités sur le cadre en psychomotricité

Le rythme renvoie à la question du cadre, du contenant : le cadre pose des repères et permet une enveloppe sécurisante. Il inclue des rituels qui rythment la séance. À l’intérieur du cadre, on peut jouer en sécurité, en laissant s’écouler et circuler des mouvements. Dans un cadre, les éléments se répètent, ce qui permet une anticipation de ce qu’il peut se passer et une reconnaissance des événements qui ont lieu. La forme ritualisée incarnée par le cadre permet d’accepter l’inattendu et la surprise. La répétition d’éléments permet également de dépasser la simple imitation et de faire sien l’élément, de se l’approprier. Pour cela, il faut laisser le temps et l’espace au patient.

Le cadre permet de construire des repères, son histoire, et donc d’exister. La cadre s’inscrit donc autour de deux temps indissociables : un temps circulaire composé de microrythmes et un temps linéaire composé de macrorythmes. Ces

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deux notions sont développées par Marcelli17. Il décrit le macrorythme comme la continuité, une pulsation stable et répétitive, donc la répétition d’une expérience de manière cyclique et prévisible qui constitue alors la continuité et la présence. On retrouve le macrorythme au début de la vie à travers les soi ns, le portage, etc. Ce temps linéaire permet à l’enfant d’anticiper et de construire un sentiment d’exister dans le temps. Le microrythme, lui, représente la discontinuité, il correspond à tous les inattendus, les attentes, les surprises et les ruptures q ui maintiennent la vigilance. Au début de la vie, c’est la conjonction de ces deux temps qui permet la construction du rythme du bébé : le macrorythme stable et en continuité scandé de microrythmes grâce auxquels il peut investir l’incertitude.

En thérapie psychomotrice, le professionnel permet ce cadre, stable et sécurisé, où la créativité est possible, l’incertitude et l’étonnement peuvent surgir. Ce cadre est un temps d’interaction où la disponibilité du psychomotricien est indispensable. Il s’agit d’être disponible, dans un cadre, au patient et à la médiation utilisée. La difficulté est d’être disponible aux temps de l’autre et d’organiser tous ces temps. Il faut se synchroniser ou se désynchroniser au rythme du patient, tout en respectant son rythme propre. La thérapie psychomotrice accompagne le patient dans l’émergence de son propre rythme. La disponibilité s’’inscrit dans la question d’exister en tant qu’humain, d’être là au monde. Elle s’inscrit dans notre vécu et dans notre relation à l’autre. Le professionnel est également concerné par cette question : il doit être disponible dans la relation avec son patient. La disponibilité vient interroger notre r elation à l’autre et au monde. Être disponible, c’est être présent, c’est s’inscrire dans un espace-temps. La disponibilité ne s’entend pas seulement pas d’un point de vue physique, mais symbolique et psychique.

La séance se construit sur un rythme qui lui est propre et qui est pensé : un temps d’accueil avec l’enfant, la séance en tant que telle avec des propositions d’activités (foot avec Mattéo) et un temps de fin (temps de détente), avant la séparation.

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6.2. Place de l’échauffement corporel

La séance type avec Mattéo se déroule de la façon suivante : un échauffement corporel, puis nous nous lançons dans une partie de foot. Le mot foot est de bien grande envergure, nous en reparlerons par la suite. Nous installons des cages de but avec deux plots. Notre espace de jeu fait environ 7 mètres de long.

L’échauffement corporel permet de commencer calmement la séance. Les premiers échauffements seront des éveils corporels : nous bougeons chacune de nos articulations. Nous ressentons ce que ces mouvements provoquent dans notre corps. Nous nous questionnons sur le rôle de chacune pendant une séance de foot. Ce temps d’échauffement permet de travailler la fluidité et la souplesse du mouvement, l’équilibre mais également la régulation tonique. J’y inclus la respiration pour aider Mattéo dans la prise de conscience de son corps. Les dissociations ne sont pas forcément simples pour Mattéo qui est facilement hypertonique du membre supérieur. Il a des difficultés à faire bouger sa tête sans lever ses épaules, par exemple. Il s’investit pleinement dans ces exercices qui semblent l’intéresser.

Au fur et à mesure des séances, je vais adapter les échauffements corporels de façon à faire plus de lien avec la séance qui suit. Nous travaillons sur la motricité globale et la qualité du mouvement : en modifiant la vitesse, le poids de notre corps dans le déplacement. Je propose davantage de petites propositions (cloche-pied, pas chassés, marcher en tapant dans le ballon le long d’une ligne, etc.). Je les réalise en même temps que Mattéo afin qu’il ait une aide visuelle et que nous partagions ces propositions.

Par la suite, je fais à nouveau évoluer les échauffements en y apportant le ballon, qu’on utilise par la suite dans la séance. Je m’inspire des échauffements que l’on peut voir dans des clubs de foot (faire des longueurs de la salle en envoyant le ballon d’un pied à l’autre, faire des slaloms avec le ballon, etc.). Cela permet dans un premier temps de commencer à mettre le corps en mouvement, à travailler la motricité générale en amont de la médiation en tant que telle : la compétitivité est absente, le sens de l’échauffement est compris, les propositions permettent également à Mattéo d’investir la salle. Il y est très impliqué. Ce format

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d’échauffement semble plus adéquat pour la séance qui suit. Ils permettent de décomposer les mouvements qu’on utilise pendant le jeu sans la compétition. Nous travaillons ces mouvements dans le but de les décompenser pour les expérimenter et pouvoir les reproduire dans le jeu. Ainsi, nous travaillons sa régulation tonique, sans être impliqué dans un jeu avec des enjeux.

6.3. Cadre de la médiation

En séance, nous utilisons le foot comme médiation. Elle s’est installée petit à petit. Elle a permis de sortir du bureau et de mettre du mouvement dans la séance. Au départ, c’étaient de simples échanges de ballon, puis des règles ont été énoncées et appliquées, et le format du foot est apparu.

C’est dans la médiation, dans le jeu du foot, que je travaille mes objectifs de prise en charge avec Mattéo. Les séances de psychomotricité durent 30 minutes : les 10 premières sont un temps d’accueil et d’échauffement ; pendant les 15 minutes qui suivent, nous faisons le foot ; et nous prenons un temps de détente et de verbalisation durant les 5 dernières minutes.

Après l’échauffement corporel, nous installons le terrain de jeu : deux plots servent à délimiter nos cages. Mattéo place le ballon au centre ; nous nous mettons chacun de notre côté. Il compte et nous commençons. Mattéo se précipite systématiquement pour installer le terrain et pour taper dans le ballon au centre.

Il s’agit de pouvoir lui proposer un cadre sécurisant dans lequel il puisse expérimenter, bouger, courir, tout en prenant conscience de son état, de ses mouvements et de son rythme. Tout mouvement s’inscrit dans un espace dans lequel l’engagement corporel est sollicité. Et de mon côté, je travaille mes objectifs de prises en charge à travers le foot (motricité globale, régulation tonique, coordination, etc.).

33 6.4. Rituel de fin de séance

En fin de séance, je lui propose systématiquement un temps de détente, de retour sur soi et sur ses sensations du moment. J’ai tenté plusieurs formats. Au départ, on se mettait au sol, en tailleur et je lui proposais un petit exercice sur la respiration pour étirer notre corps et faire redescendre l’énergie que nous avions acquise en jouant. Il y participe volontiers et dit se sentir bien. Il est intéressé par l’exercice et par le rôle de la respiration que je lui explique. Il est assis en tailleur, ne semble pas à l’aise, mais ne veut pas changer de position.

La fois suivante, je lui propose de s’assoir sur un tapis : je me place derrière lui, en tailleur. Sur des exercices de respiration, je lui fais des empaumements sur le membre supérieur en accentuant sur les épaules, très contractées. Quand il inspire, je remonte mes mains de ses mains aux épaules, l’aidant à se grandir ; et sur les expirations, je glisse rapidement mes mains de ses épaules, en les empaumant, jusqu’à ses mains. Mattéo semble apprécier ce moment, il ferme les yeux et ferme la bouche. Au fur et à mesure, ses épaules se relâchent. Mattéo est habitué aux massages ; sa maman lui en procure. J’utilise cette médiation en y mettant du sens pour l’aider à prendre conscience de son état, des différentes tensions qui parcourent son corps, du relâchement qu’il peut vivre, etc. Je lui verbalise le principe de la respiration, je l’accompagne avec mes mains. Cela semble avoir de l’effet sur ce jeune garçon qui se relâche petit à petit. Il dit se sentir bien, il est détendu après cette séance.

Je fais à nouveau évoluer la proposition de détente en lui proposant par la suite de s’allonger sur le tapis. Je pense qu’il ressentira mieux son corps déposé sur un tapis, ses membres inférieurs seront moins contractés qu’assis en tailleur. Sur des exercices de respiration, je lui propose à nouveau des empaumements particulièrement au niveau des épaules pour faire redescendre toutes ces contractions. Mattéo semble à nouveau en profiter, sa bouche s’ouvre, son visage semble détendu. Je ressens à travers mes mains le relâchement de ses épaules au fur et à mesure de mes empaumements.

Ces fins de séance sont bénéfiques pour Mattéo qui semble en profiter pleinement, il parle de lui et des ressentis qu’il a. Ce temps de détente est un

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temps calme qui permet à nouveau de faire varier le rythme de la séance. C’est un temps de retour à soi et à ses sensations.

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