" " f l' " "
f
" " " " 1. +1
i: ,. J" x: q, :,;.t
" · ""~. • ~ .. '1 f t • .,... • , .. ... ,~.~ ~ " ) ... ~ - - ~-.'-(}
,
"
~_,4{-'-lLES LIMITES DU RÉALISME DANS L'OEUVRE'
Os
MICHEL TREMBLAY\
by
'f:
~
Marie-Reine ZlKRI-MEYER
A thesis submitted ta th~
Faculty of Graduate Studies and Research
..
in partial fulfil1ment of the requ~ments r ~,I for the degree of .
(~,.
Master of Arts \ . )
Marc;h 1982
"
"_.~--~._-i
"-./(
'J 1 ,1 l , 1 ,q 1 • '--_1-•
;-•
Je. Ue.n6 ct e.xp.tWneJI. ma. gJU!t.<..tw:t~ ct
Motù.<.e.uJt AndItl SMITH qLÛ It d.i.JU.gl me,4
• t
, Jtec.htJtC.ke.6 et m 'It a.tdle. ct meneJt ct Men
c.e. ~. ----~
----_-.--.-
~ - ... ~ ' - ' -
-.
1. ,t_,*u. " . 1 ,:, , ,.
'(
", , " oR'·,' , .Ce mémol re est une étude psychanalytique de l'oeuvre de Mi che1 "
Tr,emblay. Il vise! souligner les valeurs personnelles de l'auteur'et ,
a
in-.... , ... It.,j. ~
d1quer les limites de son réalisme.
En décr'i vânt lia li êna t i on soci o-!conomi que 'des hab i tants de l'es t de
u
Montrhl, les problêmes de la fem~ sacrifi.
a
s~.
famille. ceux deshomo-.
"
- ,
sexuels, Trem!;>l ay a contribué
a
,!:.t!nover .le 0 style réaliste dans la littératurequ!bécoise moderne.
\
J.
:.
.
~--Ϟr:
-L.e réflexe castrateur y est une constante.~
cep~~Jfant,--r~vre
exprimeaus~
i lesp~ob
1 êmes personne ls de 11 au- .
,,j-L' analyse de l'a psychologie
des personnages, des thêmes et de 1 a structure
dè "
oeuvre rêv~le l'lnconscifIDtde 11'auteur hanté par les images bibliques du Paradis perdu et de la Chute., '
.
Ch~z Trernblay~ une vision morale présiQe donc
a
11~laborat;on:du texte qui.
apparaTt finalement comme le véhicule de valeurs r,.éactionna1res.
, et,.! " ~ ~: '~. %;' ~ " ~
1
~;(
}"
.
, . , ..
.
..
~ ~_""--'-_' _ _
.
..-' .... _ ...
~_1._._._,_ .... ,
.... '::';.'
. G • " ' . / . ' J 1 • ~., { -" • f '.' ,: ' .. ,.
, ..
" SUMMARY " 'L',..
-.
, , • "'IJThis thesis pre~rits'a psycho-analytical study of Miche1 Trembtayl~
• f
"
,
l ,
wor.ks, It revèal~ the person~l values of the author and thereby ~mphasizes ' the limits of his realism.'
..;
.
.
, Î
r
---~-In descrii]fng t~e , socio-economic alienation of Montr~-1.'S' East-end
res'kteQts, the problems,lbf the homosexuals or of the hou~ewife,entirely' ...
, • 1 • • ' , . " • l"
devoted to her family,iTremblay has contributed to the renovation of the ' _______ ~
l , ~ ___ "----~---,~ ,
, .
realfsUc style in modern Quebec literature .. ' ';'
, ,
However, his': works ~t the same time are outpourings of the author l s
), ,
personal problems. The analysi s of the psychology of the"character$, qf the' , themes and of the structure of'his works reveals the unèohscious of the
, "
author who is obsessed .by biblical ,1mages sùch' as Paradise lo'st and th~ Fall
/ ' \ ~ ~
.
. ~of Man. The pstcho":analyticaJ approach' allows . ta demon,strate tfié author'~~s '"
f " "
f ' • " . "
attachement to chis chil.cf!'ood ~nd his inabïlity to'p'ositivelY five in the "
.
present, In substan~e,'"""'therefore,t his, works convey reaet10nary values. "
~--;"--,
.
" !" .,
..
', T •
t·
;,. " { J·C , , ,', .'.
.
'. \1
" " , , \. 1C ....
: .... ' \ . ' - ft Il,.
,..
. ~, "~' ' . ' . '~,-__ , -c_:..--r-.-:' .... ---....:-.... i -' •• "",'. OI!',,,",aujllllJ!l!lll •• '.; •• ;.,!iiI!:iltMl"_ , . 1) ~ _.r ,.
\ . . ' . TAB~É DÉSMATIERES
..
1 • ...'
, ,.
.
;' INTRODUCTION/ ... . "-",-;- ... : ... , ... " .... .... 1~' ~
~
.,~~~~~~~'~~'~~~'~~~~----r-.
. 'li' PREMI ERE- PARTI E Le r~a 1 i sme .~'.:~ ... :.,... ... .. ... ô • • • ~ • '4 . " . -\{
'1-
2-... ; ... f ... : ... :
'.~ ',.:,4Le statut socio-~éonom;que des personnages': ..• ~. ~,., •. :', ct'
Les prob l
~mes sp~ci
fi ques de cé mi 1 i eu .: ... , .. , Î
3-,
.
..
.'
... ..
et, des travesti s ... 21
~
5-1 , Le, mi l ;eu des 'arti~stes .. ;" ... " ... : . . 26
Chap:i tre II - Le
mi
cro-r~a 1 , 1sme ... ; " , ....•. , , .• , .. , .. , .36, .
1- le monde des objets , ... , ... , '" ....••• \ ... 36
'2- Le langage et le discours·,socialt.~ .... : ... -... 43
3- les ancrage~. r.êalistes ....•...•... :, ... ..4 ••• 53
Chapitre III - Les idêologies alÎ'lbiante's ... '.~ ... :.' ... 57
• l ' _ /
l.#1'f' Le f.:!min1sryJe .,I ••••••• ~ ••••• ~ •••• : ... · •• \ . . . 57
'. 2- La marginalitê ... ' ... ' \ " ... ~ ... 62
, DEUX,rÈME
PARTIE l '
approche psychana 1 yi; que : ••..•.• :. \ • ' ••••• : • : •••• ij{Chap1 tre 1 - Les thêl11es ... ! .• . . . ~ • • . . ~
-:::::::.::::::=---:
, , ,1- 'la ~exualit~ ... ~:-~.,-::':::-.-:-.... ~ .•. 67 , , • -~. - --- . 7~
2-amour
,mp~...
4 • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 5 •.
---, - - - " 76 _____ ---.. '"ceste ... ~ -tI • • • • ' . . . .4- La qu@te du Pêre et 1 a d~pendance vis-a-vi s de 1 a M~re .. 81
~~ 5- L'~chec et le sentiment d'insattsfaction ... 84
6- La solitude ... l • • • • • • • • • • ; . . . Il.86 1
1
...
"'"'"
v- '-o
1
, ,-
~~--~~-~~'~.~~~.~~----~~--:-~--~--~-~~--~----==~~
~ , > ... ~ .~-"-_...!..-.,..-. ... ..,,,., • _w,. ",...,_.:... ... 1_~..
i. _ _ IIIIII111I _ _ .JIIlIII • • It • -,.
. , ,:\
".
~.
' ,
l
1- la rêvo1 te .. , .•. , . .e, ... , ... , ... .
8.. le rac; sme ...7.
~ ~
':
~
.... ' ... : ' ..
~
-'" , 88 90'<...#-~Il--t"e travestisme ... jI'" ... l ' a ' • • • • • • • • • • ~ • • • '--' a • ...-.-,\-.-.;-;";
,
---
92 94 Chapitre..
10... Le gant de 1 •••••••••. , ••••• ~, •••••••..••• 1 • • • 12-~ , '.
~ a fo 1 i e ... .- .... f • • • • 94 -.
La""·fam11~le ... ~ ••••• .' •••••••••• "., ... . 96II <;- la psychologie des personnages • • • • • • • JI • • • • • • • • • • • • • • • • • 97 1- l'infantilisme ..•••••••. " • • • • • • • • • • . . •• 97 ssisme et l.'exhibitionnisme ... , 104 3- L'aliénation psychique ... ; ... , ... lo. 108
,
4- . Le sado..;,masochisme ••••••••••••••••••••••••••••••••••••• • -110
Chapitre 'II} - le r~f~xe castrateur ... ~114 1- la'structure de l'oeuvre ... · ... , - 114
. z-
La création de personnages tar~s ... : ... 123 J.
"3-· la description de 1lenvironnem~nt et des objets ••••...•• 127
Chapi tre IV - le sys ti!me métaphori que ... 134
.,
.Chapj tre rV - Le fantasti que •••••••••••••••••••••••...••••••••••••.••• 139
Chapitre VI - le l'Ole de la m~re ... ~ ... 150
.
.
CONCLUS ION •••••••••••••••.••••••••••.••••••.•• 4 . . . 156 BIB~IOGRAPHIE ••• : ••••.••••.•••..•••• .' .•••••.••••••.J •..•••...
~•••....•
160 L ,/ vi -!::'< -
<-1f"' ) ' " - ---~---~--, .: i .'
It.(
,:>:>(.J
, .... • 1 N T R 0 0 Uc/r
ION l ' ---.,..
_--~-, / _--~-,r
.'
" '. il' d • 'Mt" 1 Pt .o..>U$"~'"' ~ " ( , ','l· ,
. \" 1 ~ .. ".' . '
,
''-:..,: 1 1 _ _ _ . . . _ _ _ . . . _ . _ _ _ _ . . . ' " of f,!1 \ \ ".
\ . ~---' \.---Du lecteur le pl us profane au. criti,que .1 ttt4-raireT~ pl us sêvê.re, tout le mQnde s'accorde pour diré 'que Michel
Trem),'~ay
estl'aute~r
dramatique et le\
.. __ --- -romancier le plus populaire du
Quêb~c
actuel. \ n succès est aussi grand ici,• 1 P
\
,où on salue en lui le porte-parole de notre sociét , qu'aux Etats-Unis où il
, 1
est jouê a'longueur d'annêe dans,plusieurs Etats'ou, 'en Eurepe où on essaie
d'analyser le phênomêne qu'est cet êcrivain qui a su se
sibiiise~
les Marie-Lou et les Gemaine LaUZat:! françaises, suisses et belges. ,Gr ce A lui, le thêatrequêbécois a effectuê un bond spectaculaire pour avancer dans la voie de la
littêrature moderne. Il a eu te mêrite, sur ses prêdêcesseurs
canadiens-fran-çais, de se montrer plus fidl!le
a
la rêalitê québécoise et c'esta
juste titre qu'on trouve son oeuvre authenti que.~
Michel Tremblay n'a laissê personne indiffêrent. Il a êtê ,fort
con-testé par wne partie de la critique quêbécoise qui nia vu dans son thêâtre que
1
l'expression d'une aliKation. M. Dassylva s'est levf,'entre autre, contre
l'ut,ilisation du joual et de cette nouvelle t~~ndahce qui veut enfermer la lit-têrature qU~béCOise moder~e da~~~ô que constitue ce langage. Une pa~ , tié .... ·du public trop pru~e s'es~ffOlê;ellaudition de tant de jur~n: au thU .. tre et a affichê son dêsarroi devant le pectacle 'des valeurs véhiculées par les
!f
personnages. !
" , J J \ \ 1
\
o
"outres crHi ques. par contre.~anifest~un
enthous iasm~
••n~
\
- ( , 1
parei l voyant en 1 ul un~ sorte de prophète de h soci été québécoi se et dans'= son oeuvre
1~
miroir lyplusfi~èle
de la·Soc.iét~\
Jean-Claude Gènnainf~~
,parmi lespartis~ns
!nconditümne1S deMi~hel Trembi~;>,.
ri
a écrit dans sa·.préface aux Belles-Soeurs: . \
\
\
Mi che 1 Tremblay est 1 e ,premi er'
a
reprendre dan~ un cadre réaliste le thème de la IIfamille québécoisel' .. Gélinas et Dubé ont toujours écrit leurs ptèces à pàl"-ti r de l' i ntéri eur, tout corrmes'
ils fa i sai ent encorèpartie de la famille ou du milieu social qu'ils avaierit choisi de mettre en scène.
r. ..
J
Michel Tremblay, lui, a écrit Les Belles-Soeurs de , 'extérieur tout cormte s'il \ avait regardé Germaine et sa famillea
travers une vi-tre. Il ne' fait plus-paclie de_la f~m.iJle. C'est un étranger. [. JIl est complêteme~t absent de sa piêce. Après llavoir lu~I.J, on ne sait rien sur lui mais on sait tout, enfin tout ce,qu'il faut savoir sur la grosse Germaine, sa fille, ses soeurs et ses amies. 1Si l'opinion de Jean-Claude Germain comporte beaucoup de vrai, elle n'$n est' pas moins erronée quand elle pr,étend faire de Tremblay. une lecture
..
uniquement réaliste. Tremblay nlest pas vraiment absent de son oeuvrei il
nlest point étranger.face à ses personnages. Il faut slopposer à Gennain dans la mesure où Germaine Lauzon, ses soeurs et ses amies reflètent parfaitement la pSYChologie de leur créateur.
Limi,ter l'oeuvr~ de Michel Tremblay
a
son caractère réaliste ,seraitdé-i
sespérément appauvri ssant pour e 11 e. Le méri te de cette oeuvre
res
i de dans11 i nteracti on de l'approche réal i s te et de l'approche symbo 1 i que. CI es t ce
1-'/
Jean-Claude Germain, Préface aux Belles-Soeurs. 1972), p. 122.
Il
(Montréal: Leméac, '
.
--_
.._
... ~, ~ ... , - -, , , .• ;c.. , ·~·_---~';":: _ _t., ... ___
1 . . . . \ \.
r 1l
11
.
.
" 3 - " , "que nous nous proposons d~ faire dans le cadre de ce mémoire.
'"
L'~tude du rêalisme a pour objet d"établir les rapports qui existent
entre' l'e na'rr,ateur et la société qu'il tache de repr~senter. Lucien Goldmann donne 'au
conc~pt'de
rêalisme le sens de crêation d1un mondé'dont la'structure
~\ " ,
est analogue , à la structure essentielle de la rêalitê sociale au sein ode la":
~
,
., ,
q~el1e l'oeuvre
a
étê écrite. Ne croit-il pas fennement que les 'Véritables~su-, jets CIe la création culturelle sont les 9su-,roupes sociaux et nonsu-, les individus
i~olés? Nous croyons cependant, que la lecture rêaliste seule de l'oeuvre de Tremblay ne rendrait pas justice
a.
sa richesse eta
sa .profondeur.r
..
La lecture psychanalytique lIJettra la lumiêre sur la personnalité de
-_.--~ -~'~=
.
l'auteur, sa propre vision du monde, ses propres valeurs religieuses, morales
et autr..es. L'approche psychanalytique pennettra ainsi de dégager,
a
cOté/de~~
"l'essen~e cul turelle spécifique" de l'oeuvre, sa structure et sa signifi~ation
indivi duelles. \ ' \ \ \
..
• '1 ,--, . "-.... ,..., i , :. , . "
.
(:
\
Î
:;:) _~ _ _ ._ .. ~ , __ _ ... _ _ _ _ ... , __ ...,.,,, ... _ ... "' • .,.i ... i ... _ ... ~$ ... 4A_!!IJI.III •• \"-t'
I..., ___ - vPremi êre eartie
.{JO 1 LE REALISME
""'v
,A
l
I~0 , .
(
o(
D '. 1 r • ~ CHAPITRE l Le maèro~réalisme1- Le statut socio-économique des personnages
...
Exceptés les deux romans fantastiques et sa derniêre pièce LI Im-promptu dlOutremont. toute l'oeuvre de Michel Tremblay traite- d'une classe
-,
bien prêcise de la société "québécoise, cel~dont il est lui-même issu et dont les contraintes tant économiques que psychologiques ont façonné l'exis-tence de ses membres. Ils 1 est donc pa rt1 cul i èrement ; ntêres sé aux _gens de
l'est de Montréal et, sous sa plume, les habitants des rues ~l"e, Gilford
. .
/
et Mont-Royal, les visiteurs du parc Lafontaine ont obtenu la reconnaissance que procure toute oeuvre li ttêra; re de grande valeur.
Economiquement, ces gens se situent juste en-dessous de la classe moyenne. Ils niant point, comme les favorisés de celle-ci. la possibilité de répondre
a
des besoins secon®1res. Ils' sont, par ailleurs, supérieursà la classe des moins nantis de la soctété pour qui la satisfaction des be-soins essentiels nlest pas toujours assurée. L'auteur les place donc A llen-drai t de 11 échelle où .; ls sont condamnés
a
aspi rer perpétuêJlement'~fl-W(.~bJens de 1 a classe supérieure..
,Comnent vivent les gens issus de cette classe?
La plupart d'entre' eux habitent des logements exigus. La famille
4 -i 1 1 1 l,
\
1
'! f ~ 1 11
l
1 1 l1
*
(
5
-même de Michel Tremblay ne devait-elle pas partager un appartement avec deux autres familles? 1
O~ns
la Grosse Fellllled'~
cl3té est enceinte, Gabrfel ne peut réaliser le d~sir le plus cher A son épouse, celui de d~mênager du "cirque" où ils vl~ son "Salaire ne saurait offrir qu'un t~disa
safa-~-
--
/
mille.~
Ici, au moi ns, avec l'argent qu' i 1 donnai t, plus la pension d'Edouard, plus l'argent que Paul envoyait! Albertine et",ce que leur mAre pouvait ajouter 2
t .
·1
il s arri va i ent tous ! vi vre d~celllllentt·~
-L'auteur ne s'attarde pas sur le prods de la promiscuité. Il en dêcrit ici
~ là les d~savantages tels l' intimitê presque impossible pour le couple Gabriel et la grosse femme brutalement envahis par Albertine alors qu' ils , entamai en} une relation amoureuse. le jeune Richard doit .partager la chambre de sa grand-mère qu'il voit agoniser et mouri r jour aprês jour avec~on
~
oncle Edouard qui, durant la nuit,
lui avait parlé de choses qu'il ne connaissait pas, avait avou~ des fautes qu~ il ne comprenai t pas et 1 ui avait demandé l'absolution pour des p~chês qu'il avait sémblé inventer de toutes pièces juste pour troubler sa, U!te d'enfant. Màis n'était-ce pas seulement du dé1 i re d' honme paqueté ~ .. l? 3
1- Miche'1 Tremblay, interview~ par Claude Gingras, liMon Oieu, que je les aime, ces gens-làll
i.!l.la Presse, 16 aollt 1969, p. 26'.
2- Michel Tremblay, La Grosse Fenme dia cOté est enceinte. (Montréal:
lemêac~ 1978)', p.
172.
3- Ibid., pp. 54-55.
q
6
-Michel Tremblay ne se contente pas de faire visiter à ses lecteurs les mai-sons habi tées pa r ses personnages. Il se pla "tt auss
i
a
1 eur donner unaper-1
.
çu de leur nourriture. Il met alors l'accent sur les .sacrifices qu'on. devait faire surtout en temps de guerre. Autrefois, avant la guerre, "quand le steak poussait en abondance Eans le jardin des 'vaches mai s aujourd' hui quand'
l
on -trouva i t un
mor~eau
de boeuf boui 11 i dans sa soupe, on cro;a i t ri!ver" :. On se nourrit surtout de foie de porc qulon se plaTt A appeler foje de veau,de "bal oney" qui faisait la honte de la grosse ferrme, de sandwiches! la "mélas'se et au ketchupll savour~s par la grand-mère Victoir~. Le narrateur relate la sempiternelle histoire de l'orange à laquelle la petite Simone Côtê agêe d'une dizaine d'années n'avait jamais goOté et qui était le cadeàu le plus pr~cieux retrouvé dans le bas de Noêl de Jo~aphat-Le Violon. Les temps ne sont pas plus souriants pour les religieuses du couvent des. Saints-An'ges. Elles s'alimentent de "l'êternelle,.soupe aux restes~e la veille dont l'odeur se mêlait
a
celle, plus prononcêe parce que exactement toujours la..
même, omniprêsente,
t .. l
du 'poire~u bouilli qui accompagnait invariablement le plat du jour" 5. 'Seule Ti-Lou, la louve d',Ottawa, la célèbre prostituée,-de La Grosse Femme d'a coté est enceinte pouvait s'offrir du beurre, ,-de la creme et du jambon sans avoir besoin de carte-s de rationnement.
Ces restrictions en logements et en nourriture sont imposées par la nature du travail effectué par le père de famille. Rappelons que la femme
4- Michel' Tremblay, La Grosse
Jme
d'a
côté est enceinte. (Montréal: Lemêac, 1978), p.44.
~5- Michel Tremblay, Thérèse et Pierrette a'l'êcole'des Saints-Anges. (Montrêa 1: Leméac,
,
1980
j, pp.76-77.
1
, 1
1
/
,
"
7
-. dans l'univers de Tremblay nia aucun pouvoir économique puisqu"elle est
tou-jours confinéè
a
son rôle de mêre et d' épouse. Dans les rares cas où ellese lancé sur le marché du travail, elle exécute un emploi subalterne três mal rémunéré. Nous pensons a Madame Lemieux dans La Grosse Femme dia côté
est enceinte qui/travaille dans un magasin de chaussures ou a Thérèse d'~
piê~es détachées qiji siest promenée des comptoirs du magasin Kresge
a
ceuxdu
~estaurant
Nick'sco~~serveuse.
Les hommes dans 1 1 univers de MichelTremblay illustrent bien la tradition qui voulait que les
CanadienslOt"fran-çais soient un peuple de colonisés, pour la plupart prolétaires, ~~pendant~
:otalement du pouvoir des Anglais.
De La Grosse Femme diA côté est ~einte, nous apprenons qu'Hector
Lemieux est peintre en b3timents de son métier, mais qu'il ne travaille plus depuis des années; que Gabriel travaille de nuit comme pressier et que, dans le même atelier, Léopold Brassard est linotypiste; Edouard n'occupe le poste de gérant d'un magasin de chaussures "qu'a force de flatteries, de compli-ments et d'intrigues" 6; Gérard Bleau, mécanicien, ne peut passer plus que trois mois chez le marne employeur; Masta' Jodoin est 'chauffeur d'autobus; et no~s , pouvons multiplier ainsi les exemples des emplois peu payants. peu valor.isants, voire même aliénants. Le cri de détresse lancé par Léopold
dans
A
toi. pour toujours. ta Marie-lou ne saurait être plus éloquent.A
safemme qui l 1 exhorte de demander une augmentation de salaire
a
son'patron,il ré torq ueT'
6- Michel Tremblay, La Grosse Femme d'a côté est enceinte. (Montréal:
c, lemé.ac, 1978), p.
"9.
APt. JtlR"'VO'•
i i ).
1
i"
(,
, ~" \,
r
. ~-, ... _. ___ . ___ ~. __ . _.N ... __ Jffi~""-~.""4)1"",.~~ _" ... _
8
-. Chus p~s dans une shop a union, moê! Les
aug-mentations me tombent pas dessus tous les six mois
cOll'lne la manne. { •. ~ Ca fait vingt-sept ans que ~
j' travai l1e pour ct' ~coeurant-1a
[00']
Pi s j 1 ai ri enque quarante-cinq ans{o o.l V'en reste êncore trop
de gars po;gnés cOlTllle moê{ .. JHostie~ Toute la
ta-barnac de vie a faire la -même~a~arnac d'affaire
en arrière de'la même tabarna~ machine. 7 '~0
"
Michel Tr~mb1ay n'hêsite d'ailleurs pa~.
a
glisser dans' son texte desremar-ques sur le dominant anglophonè.' Dans La 'Grosse Femme d'a cOtê est enceinte,
arle de l'écart exis nt entre le monde riche de ce der~ier et celui
la majorité canadianne-française:
Les dernières descendaient chez Eaton, au coin
,-d'University: Jamais personne du groupè n'allait
plus loin que chez Eaton: A l'ouest de ce grand
magasin, c'êtait le grand inconnu: l'anglais,
l'ar-gent, Simpson' s, Og; 1 vy' 5
0
8 /'L'auteur est conscient du problème engendr~ par la différence de classes.
c'est pourquoi il fait dire! Lucienne des paroles dont l'écho résonnait dans
les ~trattes supérieures de la sociêtê:
7-J'voulais pas me marier avec un petit crotté de Canadien français qui me donnerait des enfants
com-plexês, non,
t ...
1 J'ai voulu être du bon côté de laclOture, du c6t{ de " argent, p,i sc' est 1
a.
que chus. 9Michel Tremblay, A tOi~ pour toujours. ta Marie-Lou.
Lemfac, 1971), pp.
2-63.
,
(Montrêal:8- Michel Tremblay, La Grosse Femme d'A côtê est enceinte. (Montrêal:
Lemfac, 1978) , p.\
25.
.
\ \
9- ,Michel Tremblay, Bonjour. la, bonjour. (Montrêal: Lemêac, 1974),
p. 43.
i } 1 ~
,
" .-,..
G
~ .b J " 11
i 1 " ,-~----~--_...
,,_._
...
- 9En effet Lucienne se d~fait de sa condition qu'elle croit ~sservissante en se
( , ( .l'~ (
mariant avec Bob, un m~decin anglophone . ,. de "Montrêa1.
•
Il
Il est bien êvident que des travaux aussi peu r!mun~rês ne favorisent pas l'institution de loisirs compensatoires. Du cat~ des hommesJ la'taverne est l'e'ndroit quasi sacrê où l'on dl!verse ses probl~mes. Dans A toi z pour
toujours. ta Marie-Lou. ,Léopold y est confine devant une dizaine de bières,
, ,
Il ne faut point surestimér le voyage de trois mois en Europe fait par Serge dans Bonjour,
la.
bonj~ur. l'on sait fort bien que ce n'est pas l'explora-tion des pays visités qui préoccupe le personnage. Il n'y a ~té que pour mettre ~ l'épreuve son amour incestueux pour sa soeur Nicole; il a sans~'
doute le ml!rite de se tourner vers le monde extérieur et d'en espérer la so-lution
a
ses prob1êmes. Cependant son Moi est encore trop fragile pour se laisser distraire de s-es problèmes. Seul 'Gabriel, l'époux de la grossej f
- t
1
,feRl11e. s'iritl!resse
a
autre chose qu'au travail eta
1, taverne. 1~-aimer la lecture puisqu'il consacre plusieurs
het1FêI~::;;~~pa~nie
de son I!pousea
parcourir Victor Hugo.Les loisirs des feRl11es reflêtent plus exactement le dénuement intel-lectuel et culturel propre
a
ce milieu. La ct!lêbre "ode au bing'o" en est une illustration parfaite. Tout leur potentiel émotif et mental est canalisé vers ce genre d'activités organisées par les paroisses:MOé, j'aime ça le bingo! Moé, j'adore ça le
bingo~ Moé, y'a rien au monde que j'aime plus que
le bingo: Presque toutes les mois, on en prépare un dans' paroisser:,.' Pis ~uand le grand jour arrive, j't'assez exci~e ~ue chus pas capable âe rien faire
"
#
,."
• 10
-dans maisonL . .] y,'a pas un ouragan qui m'empêche-raJt d'aller chez celle qu'on va jouer! -10
'\. /
..
\ Les autres activités sociales de ces ménagères consistent en des fêtes
orga-nis~es par fa paroisse ou des réunions de démonstrations d'articles commer-ciaux. Par ailf~urs, ces femmes dépensent une grande partie de leur énergie et de leur temps A.participer à des concours lancés par la radio ou dans les journaux. Les so1r~es , quotidiennes sont , gén~ralement comblées par la
têl~-vision. Le papotage avec les voisines prend des dimensions tellement impor- . tantes qu'ft} fait figure d'activité quasi "institutionaliséeu dans cet
uni-vers.
Le cadre temporel dans lequel se situent les personnages issus de ce
,
milieu englobe les années comprises entre 1940 et 1970 approximativement. L'auteur y reRrésente les événements qui ont le plus marqué là société
qué-0_
bécoise. Ainsi est-il de, la ,- deu~iême guerre mondiale et de ses répercussions économiques et sociales sur les familles canadiennes. On a décrit plus haut les restrictions financières qui lui ont été-imposées. D'autre part, cette guerre sert d'alibi
a
Michel Tremblay pour r~aliser sa liquidation systéma-tique du sexe masculin de'son oeuvre." Les hommes sont envoyés combattre enQ
Europe auprès des Alliés. Dans ce même contexte, on ne saurait écrire une, oeuvre réaliste sans mentiqnner l'histoire de la conscription. Dans La Grosse Femme d'! côté est enceinte; l'auteur ~voque les diverses opinions sur ce sujet qui ont prévalu! l'~poque. On se souvient comment Gabriel est contre
... '
'10- Michel Tremblay, Les Belles-Soeurs. (Mont,réa·l: Leml!ac, 1972), p. 86.
Il"
1
•
,
,-(
-\
!- 11 -.,.
la conscription et comment il est soupçonn~ d'avoir engrossé sa femme pour
échapper au service obligataire •.
L~art~sans
, de laco~scriPtion
sontrepr~-sentas par Will~rOuellette qui se lêve contre le nazisme et le fascisme.
Mi-chel Tremblay méntionne également le cas des individus IIratés" socialement
qui préf~rent s'enrôler pour se soustraire à des situations ~P humiliantes: ;j.
tel est le cas de Gérard Bleau, de Paul, le mari d'Albertine et de tous ceux
---que des difficultés psychologi---ques et financi~res étranglent.
.~
Mic~el Tremblay, narrateur-historien de la société québécoise des
années 40-70, a relaté ses déboires avec le clergé dont il a décrit l'apogée' et le déclin. Dans Les Belles-Soeurs, il a tenté de démontrer comme l'emploi
du temps de sesc.ménagères est intimement lié li la vie religieuse. Une des
. .
femmes invitées au party de collage de timbres ne s'écrie-t-e11e pas soudain: "Afe, y'est quasiment sept heures. Le chapelet" 11 ce qui fait sursauter
.. Gennaine Lauzon qui se rappelle sa "neuvaine
a
Ste-Thérèse" 11 et qui accourtt
chercher son appareil de radio. Dans la m@me pièce, on parle des retraites
qui commencent sous peu et on espêre que le prêtre animateur ne sera pas aussi~
~ ennuyeux que celui de l'année précédente. La vieille fille de Damnée Manon,
Sacrée Sandra rappelle une tradition bien connue des catholiques qui veut qu'on ne puisse étrenner un chapelet que s'il
représentant du culte:
a été préalablement béni
\
\
C'est fou
t.J
chus pognée entre deux Jeux~pas quoi fairef .. ] Si je l'étrenne tu-suite,
1---'--'1
pis j,'~ais
ça cortera)
par un11- Michel Tremblay, Les Belles Soeurs. (Montréal: Leméac, 1972), p. 30-, .~
'16 1 , t
..
!
1J
l ' \ { , J,
.
(:
,,
'q , ,. ... , ... ., ... 1'-'-_**;, ;4"" 12-pas parce qulylest -pas en~ore bénit ~~s ça serait
COIT1l1~ si je prierais pas panto'ute." "\
Clest" surtout dans Thér~se et Pierrette que Jlauteur siest attardé ~ la
des--cription détaillée et minutieuse de ia grande procession occasionnée
annuel-lement. par la F~te-Dieu. Aucun détail de'la cérémonie nia été omis: l,es
costumes de la Vierge et des autres saintes, ceux des soldats romains, les j
1
bander~les, 11 autel improvisé où brillaient 1e,s cierges ê.1ectriques, leta-bernacle, -les drapeaux papaux, le dais "resp1endissant et d'une laideur
a
cou-per le souffle avec sa bordure d~ dentelle or et rouge et ses montants
recou-vert de cordages, de pompons, de papier crêpé, de glands et de franges de
tou-tes les
c~uleurs"
,13, le reposoir, bref une représentation si précise qu'elleapparente cette partie de 1 1 oeuvre de Tremblay au documentaire historique. Toutefois, 1 1 auteur ne se contente pas de rap'porter des détails matériels.
Il s'attarde aussi sur l'étude psychologique des curés pour qui cette f~t~
était l'occasion unique de faire valoir leur p~ro;sse et de tirer du succès
de la cérémonie tous les avantages possibles. Il ne manque surtout pas de sou-ligner la richesse excessive des membres du clergé accentuée par la pauvreté
des citoyens. !l note ici et là toutes les intrigues inhérentes
a
ce syst~me.
qui visent
a
arracher le pouvoir et surtouta
le conserver-le plus longtempspossib 1 e.
Le déclin au syst~me clérical est également bien décrit. Il se
mani-feste dans l'oeuvre par la satire des prêtres et des religieuses. Laura
12- Michel Tremblay, Damnée Manon. Sacrée Sandra. (Montréal: Leméac,
, 1977), p. 31.
>'" 13- Michel Tremblay, (Montréal: Lemêac,
c
(
o
~.13
-\
Cadi eux leur pr!te les- surnoms les plus d~valorisants.~ur reproche leur cupidité et leurs écarts excessifs de la'voie religieuse:
Le'bon"Dieu d'une main, pis une Player's de l'autre, c'est ça la nouvelle religion. Pis si tu leu'montres une piasse, comme y'ont rien que deux mains, y'vont, 4
laisser tomber le bon Dieu pour sauter sur 1'a piasse. 1
~ , \ \ \ \ \ , , ç ,
Grace â son génie de l'observation et son souci de recréer fidêle~\
~
ment les remous de la société qUébécoise, 1 "oeuvre de Michel Tremblay est en
,J '
.) quelque sorte un reflet lumineux de l'histoire- du Québec des anMes 40 aux années 70.
2- Les problêmes spécifiques de ce milieu ~~~
~~
-~--~~
Michel Tremblay
êt~d~~nfîu;nce
de l'Eglise sur la vie des gens' etw~ - - - -... _ _
-les problèmes crées par
c~tte
domination sans répit. cfest dans La Grosse FelJllle dia côté est enceinte qu'il en fit la synthèse sociologique. 'I1 est maintes fois revenu sur la rupture avec le corps dont souffrent tous ses per-sonnages en tentant de démontrer que le catholicisme a coupé l'individu ~e("
sa sexualité, donc en grande partie de la source de son bonheur. .Il' a dépeint
.
.
Albertine, mal mariée, frustyée sexuellement par son ignorance des choses de l'amour. Son excès de pudeur la rend aigrie; voire violente avec ses enfants.' C'est une femme souffrant d'une maladie psychosomatique: la migraine qui
1
s'empare d'elle toutes les fois qule11e subit une frustration. Albertine,
14- Michel Tremblay, C't'A ton tour. Laura Cadieux. du Jour, 1973), p.
53.
~\
{Montréal: Editions ~-~~--(
1
14
-.'
comme toutes les femmes de' son milieu et de sa génération, est assai~lie par des préjugés contre l'amour et la sè-xua'lité qui la rendent malad ement ja-louse de sa belle-soeur, la grosse femme, qu'elle accable'd'insulte hum;-lf'antes, la traitant de tous les noms, pour avoir désire enfanter
a
1 49~ de quarante ans. Personne dans l'oeuvre de Tremblay n'échappea
~et escla ge créé par la tradition catholique. La grosse femme, en dépit de son grand0-, ,
tentie',de bonheur, ne réussit pas ~ se soustraire A cette cond~mnat{on sans mérc1 des choses de l'amour:
,
Ce qu'Albertine lui avait appris qui 1 'avait confon-due même si elle s'y attendait, Cl ait ce que la rue
Fabre, les voisins, les amis, les 0 aissances disaient
d'elle. Cette ~ondamnation sans appe , ce refus devant un besoin aussi jvital, cette ignorance c sse qui met-tait des bornes et des limites
a
sa libert t qui cra-chait sur son choix ~. J,malgre ses quarante an passés, de procréerJ~'J
l' i nsuJ taient au pl us profond de son ' être. 15 ~A travers toute l'oeuvre, les -exemples de sujets souffrant de problêmes , sexuels se multiplient: Léopold ne dit-il pas
a
ses filles: "Votre mère,la,
a' J'a toujours eu unpr~b1ême,
pis a 'l'aura toujours: le cu1." 16 Leur fille Manon continue la-tradition de sa mère et la mène si 10;n qu'elle en frOle la folie dans la piêce, Damnée Manon. Sacrée Sandra. /'La sexualité est, ùn sujet tabou'pour les gens de ce milieu. Elle les empêche de conmuniquer ~~Jlerrient avec leurs enfants'. Richard, le fils de la
15- Michel Tremblay, La Grosse Femme d'a côté ,est ence;nte.
Lemêac, 1978), pp.
235-236.
(Montréal:.
..
16 - Mi che 1 T rel1Jb-l a,y, ~A_t..,0i'IÏI;~' .... p_o..,u ... r_t ... o ... u ... j .... o ... ur .... s"", ... ta ... M_a ... r1 ... · e .. -... L ... ou_' • (MontréaJ-:
Lemé~1978), p,.
83.
~~~~~~~~
./
_ _ _ _
._.. ...
m.-
"'", ,
15
-grosse femme, vit tout seul les moments pénibles de sa pubert@. Il ne trou-ve d'oreilles attentitrou-ves, ~ ses pr~9Jêmes sexuels qulaupr~s de Merc~des, la
i ~ - ,
prostituée de son quartier. Dans Les Belles-Soeurs, Michel Tremblay a
ef-r
fleur~ les conséquences n~fastes de cette absence d'~ducation sexuelle en re-présentant la jeune Lise Paquette aux prises avec une grossesse ind~sirée.
l'alcoolisme est un des problèmeS les plus importants chez les per-sonnages de Michel Tremblay. Dans la m!me pièce, Ginette Mênard, amie de
L
Linda Lauzon, raconte ainsi sa famille:
~
Ah clest toujours pareilt ..
J
Y se battent ~coeur de jour (~ .. ] CI est pas nouveau. la œre con-tinue A boire ~.~, le père se tache ~ .. ] Ça fait des . chicanes
a
pus f.Uiïr. 17 "Léopold Brassard nOfeses- multiples frustrations 4ans' la bière. Th~rêse,
-,
dans En pièces d~tachées, tache d'oublier l'idiotie de son mari, la folie de
son fr~re, sa vie ennuyeuse et ratée en consommant de 11alcool espérant ainsi
co
se faire arrêter par
la
police et\jeter e~ prison, milieu peut-être plus ac-ceptable pour elle que son p~opre)fOyer. D!ns Bonjour, lA, bonjour, Lucienne"
emprunte la même voie pour fuir sa vie morne et sans intérêt pour elle.
Mi-c~e,l Tremblay' a, ainsi représenté des personnages qui niant aucun pouvoir réel sur leur vie. Ils sont manipuléS par'""l I
Establishment anglophone, par l'Eglise
if
catholique et par la technologie moderne. Ils n'ont d'autres moyens de se" sentir e'xister ou de, se sortir de leur cachot psychologique que de sombrer
.. ;: /If ~ <
t ~ ~1- «~
dans les maladies p~ychosomatiques, dans l'agressivité malsaine, dans l'alcoQ-' lisme
ou,
-êÎàns le cas extr!me, çlans la .folie qui menace L~opold après avoir \17- Michel Tremblay, Les- Belles-Soeurs. (Montréal: Leml!ac~ 1972), p. 93.
" "
~
(
16
-empor,te son oncles.
[
~---Âu
titre des maladies 'psychosomatiques, nous ne saurons omettre de~ ________ --- parle'r d'un de ses premiers romans: Cltla ton tour, Laura Cadieux où nous
! i !
(:
, t i!
t
~ \ ! 1 .j.sonmes mis en présence, une fois de plus, d'un groupe de felT111es dans la
.
,salle d'attente d'un bureau médical. Certaines d'entre elles, dont Laura
Cadieux, ftêquentent le , m~decfn depuis une dizaine d'années ,
a
raison de deux.
fois par semaine. En les ~coutant se raconter, nous "'apprenons qu.I ell es
par-,
tagent les m@mes probl~~es dOs li la pauvreté, li l'ignorance, "au
conditionne-ment
a
la tragédien 18 imposé par la civilis~ti.cnocatholiqu~.1
3- L'utilisation du Joual
,
0, .~Jo
\
En entamant le cycle des Belles-Soeurs, et en mêttant en sc~ne des
personnages représentant les gens de l'est de Montréal, Tremblay nlavait
.
,
d'autre choix que celui de les faire parler leur langue: le "joual". Util t
i-ser le français international ou m@me le c~nadien d'un Marcel D~bé ou d'un
Gratien Gêlinas' aurait certainement porté atteinte au réalisme de 1 1 oeuvre
tant recherché pâr l 1 auteur. Ceci provoqua,de vi~es réactions du cOté de la
critique québécoise: on a crié au scandale, on a exprimé son ind~gnation
mais on a assi~tê, par ~illeurs.
a
l'exaltation la plus totale d'unJean-Claude Gennain qui a vu en Michel Tremblay, ur;Je sorte de prophête, de '''sauveur"
~
(Paris:, 'Lés Editions
18- Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman. ,.
de'Minuit, Gallimard, 1963); p. 69.
,
'---,,---~,c
1 (
,
17
de la sociêté qu~bécoise. C'est que, en faisant parler se~ersonnages la
langue populaire, Tremblay n'y est pas allé de main morte. Il voulait que
~
pi~ces représentent ni plus ni moins une tranche de la vie des ,
.
h~bitants de•
l'est de Montréal. Aussi la prononciation a-t-elle été respectée
intégrale-"
ment. Par exemple, le é remplace le A comme dans pétat~, méaa6~n~, etc.
' " _ J I
.,cl le a se substitue au'E comme dans 6~~, v~g~, etc .
•
Le vocabulaire également n'a poin.t H~ modifié: on dit "chicaner" et non "quere 11 er" rappe 11 e Rose Ouimet
a
Mme de Courva 1. .. On n' h~s ite pasa
qua-i
d~ "nono", de "nounoune" ... On·ne sait dire que ".esque-1 ette" "squelette", "embolie" au lieu de "lIabolie", "émites'; au lieu de "limi ~.
~
Les anglicismes qui~fleurissent dans le texte ont réussi!
sfandali-~,~
ser les puristes de la langue française. Mais .pourquoi faire dire limon
pa-tr~n" ~
in
~Vrier
qui, dans la réalité, emploie "boss", "la shop" etc.? Que dire des sacres et des jurons qui c~orent le joual et qui ont faitcou-\.
1er tant d'encre A propos de la vulgari'ta et '" la médiQcrité de ce ~angage
i
dans le thê!tre?
Sur la question
bl~me a pris toutes les
<,
-
)
.1du
jOU~~hel
Tremblay est catégorique. Lepro-./
.
proportions ~motives et rationnelles possibles. Pour //1 u;', ignorer' le joual
~urait
signifié effacerl'
identitêqu~bêcois'e,
enleverau peup~ sa seul e chance
a
~rtaVer"s " his,~o .... i re de s' affi nner, . voi re ?e. re,: naTtre. O~ e~t allé téllement 1~ da~ ce sens que ~es gens qui tachentiû<
Quêbeç d~ pàrler un français plutôt "standardisé" ont étê parfois ridicu'l isés\
et jugés "traitres" à la r~alit~
québécoise.-~~~
, ~~"
j
l
C
!t
~ ( , i i - 18 -,-C'est justement
c~t
le sujet d'une plêce rêcente de Tremblay: l'Impromptu d'Outremont. te dramaturge y liquide ses vieilles rancunes en-vers cette classe de la société québécoise qui a toujours rejeté ses oeuvresJ
les trouvant soit vulgaires, soit'pauvres linguistiquement et culturellement. Les quatre soeurs héro'nes de la pièce sont issues de la bourgeoisie
cana-~enne-française. ,rois d'entre elles vivent
a
Outremont non loin des ri-chissimes anglophones. Yvette et Lucille vivent dans la maiSon "maternelle". Elles ne sont pas mariées. Fernande, l'atnée, l'est avec un Drapeau qui luipermet de garder le m~me standing social. Quant à Lorrai,ne,- elle a décidé
de rompre avec son milieu et d'épouser un jardinier-paysagiste italien. A
~art
cette dernière qui semble jouir d'une bonne dose de bon sens et de na-turel, les trois autres soeurs sont aux prises avec des problèmes "culturels".---Elles t~ntent de parler le français le plus pu~orrect.
--
--Elles n'osent employer un vocable qui ne soit permis par le Larousse. Le ,
vocabulaire est donc recherché, les structures grammaticales tellement par-faites qu'elles marquent une ruptyre avec le parler naturel quotidien. les soeurs Beaugrand ont une conception tout A fait élitiste de la culture.
"Fernande est arrêtée musicalement à Jchaikowski" dit Laurent Mailhot 19.
Yvette adore les mélodies de Fauré et surtout "l 'horrible tranquillité de Purcell" 20. Tout ce qui représente la réalité, tout cri spontané n'est pour elles que faciHté qui frise le vu1ga,4re:
19-
20-Laurent Mailhot, "Une certaine Révolution culturelle vécue par une (autre) Bande des Quatre", l'l,troduction A L'Impromptu d'Outremont,
(Montréal: Leméac, 1980), p; 14.
Michel Tremblay, L'Impromptu d'Outremont. (Montréal: Leméàc, 1980),
(~
c'
19
-Et quand le spectacle commence, on vous provoque,
on vous i ns u lte, on vous salit [ ..•
J
Le théatre nies tplus une femme qui s'abandonne par besoin, c'est une putain qui veut Jàire de l'argent par tous les moyens. Rien n'est assez vil, rien n'est assez bas pour
atti-rer 1 e pauvre spectateur dans une salle [ •. ~ en lui
hurlant dans les oreilles yn langage
a
raire dresserles cheveux sur la tête. 21
Michel Tremblay a voulu démontrer la
pauvre't~
cuJturelledeJ
gens de ce ,/If;:lieu. Fernande ~crit des lettres qu'elle dédie ~ ses fonds de tiroir. Elle
se contente de rêver, qu'un jour, elles constitueront un phare pour une nou-velle génération d'écrivains. Lucille était vouée au ballet selon la volonté
~
de ~aJmère. Mais elle se retrouve ~ l'age de quarante ans limitée au
verbia-ge ennuyeux et au harcèlement de sa soeur masochiste, Yvette. Celle-ci "se
rêve et s'êcoute en Didon, non pour sortir d'elle-~me
.
mais pour mourir enmusiquelt
2-2dii
Laurent Mailhot. En sonme les représentants de ce milieu
ont, selon Michel Tremblay, une attitude anti-culturel1e, anti-crêat~ice.
Il n'est pas surprenant qu'il insiste sur le caractère parano'aque, raciste,
agress if et profondément "cheap" de Fernande et qu' il fonde la relation
lucille-Yvette
a
un rapport sada-masochiste. Pour 1ui, c'est un milieu fermésur lui-même, qui s'étouffe de l'absence de vraie cu1t~re, de la vraie vie et
qui est appelé
a
disparaître lentement. Tel est le sens/que Michel Tremblaya voulu donner
a
la chanson finale de la pièce: "Jeunes fillettes,pr'Ofitez-du temps" renouant ainsi avec leur enfance et, pr'Ofitez-du même coup, signant leur ar-r@t de mort.
21- Michel Tremblay, L'Impromptu d'Outremont. (Montréal: Leméac, 1980),
p. 99.
22- Laurent Mai1hot, Op. cit., p. 13.
..
\
(~
1
(
(
20
-Le dénouement A caractère r~gressif de cette pièce exprime la thèse
de Michel Tremblay sur la langue et la culture. Le joual êtant pour lui le
reflet le plus de la \lan9ue, quêbécoise, tout autre
par-que la nôtre n'est ,par-que la projection de ce
qui il A la schizophrénie collective d'un peuple qui siest longtemps
\,
déni grê pour se rapprocher d'un modèle êtra nger A sa réal i té.
# 6
Nous aimerions ici faire un exposé succint de la flambée du joual
comme p'h~nomène socio-linguistique au Québec manifesté dans la littérature
grace
a
Michel Tremblay qui en était certainement le pionnier. L'adoptiondu joual comme forme d'expression littéraire ne faisait que ref1~ter une
idéo-logie qu~bécoise des années soixante qui s'explique par des facteurs
économi-ques, ~ociologiques, nationau~ et internationaux. Les années cinquante ont
vu le Québec sortir de 1' ère agricole et du "roman
41
la terrelfpour se
di-v l ~, !
riger vers la société industrielle urbanisée. L'action ne se déroulait plus dans les campagnes canadiennes, mais dans les villes. La main-d'oeuvre
ou-e
vrière devenait le point de mire des écrivains québ~cois. Gabrielle Roya
commencê avec Bonheur d'occasion A d~peindre les misères du milieu ouvrier
de Montréal dont est issue Florentine. Du point de vue social, on a assisté
au développement des idées social-d~mocrates; on a vu fleurir le mouvement
"
des nationalistes; on a dêmocratisê'T'ê'ducation et les soins de la sant~. La
\ .
vieille aristocratie canadienne-française ainsi que la classe anglophone
do-minante ~taient graduellement détronêes au profit des clas~es moyennes et
paüvres.
Sur le
pla~national,
"Egalité et Indépendance" de Daniel Johnson1 /
'"
----~-~--(
2"
-•
lançait le cri des Québécois qui osaient enfin raclamer une place
respecta-ble au sein du Canada. Le Québec se r~veille, le Qu~b~cois prend de plus en
'1\
plus conscience de lui-même et commence A avoir l'id~e·de s'accepter tel
qu'il est.
Ceci eut une incidence internationale surtout par la phrase de De
Gaulle "Vive le Qw!!bec libre". La~ France reconnaissait les revendications
du peuple québécois qui ne peut f~ire autrement que de suivre le mouvement
d'ind~pendance d~jà amorc~ dans les pays du Tiers-Monde. To~t contribua
donc A la marche des Qu~bêcois v~rs leur indépendance. Ils virent que c'est
.en étant eux-mêmes qu'ils yaccêderaient. C'est alors qu'ils commencèrent
1 ~
a
récupérer leur langue et leur culture en n'h~sitant plus à la parler eta
l'expliquer ~ la France et aux autres pays francophones.
Dans ce contexte, on aurait mal vu des ~crivains qui auraient conti-"
.
nu~ à,se 'cacher derriêre la culture françaisé. Il fallait que le Québec
"'
jaillisse et Michel Tremblay, avec d'autres, a fait le plongeon tant attendu
pour' If l' i nternati ona 11 serI! .
4- Le milieu des homosexuels et des travestis
. ,
Michel Tremblay a voulu faire de son oeuvre un moyen de rês'urrection
.
pour la caste des gens opprimés et méprisés de la société. Tel étaJt son
. ,
but en "glorifiant" les habitants de l'est de Montrêal -et en mettant la
lu-mière sur une catêgor'ie de
p;;~s
dont onpréf~ra;
t ignorer l' ex; stence.Il écrivit Hosonna, La Duchesse de bangeafs ainsi que Damnée Manon. Sacrée
)
i
<mr
'. t,
~C
.
J 22 -f .- • • , - - , . - . ,'>P ... """' ... -ftP" 1Z un,., .... ~ 1Sandra pour d~crire le milieu des homosexuels et des travestis. Dans Hosanna,
Cuirette-Raymond Bolduc_tient le rOle du male alors qu'Hosanna, Claude Lemfeux,
, .'
joue le rôle de la fenme. En d~C\rivant leur apparence physique, Michel
Trem-blay souligne une sorte d~ dégradation humiliante. Cuirette a déja été beau
)
.
mais il engraisse a vue d'oeil et se transforme en un paquet de suif. Hosan-na, de son côté, se fait envahir par les rides menaçantes de la vieillesse.
De ~uelle classe de la société font-ils partie? Nous apprenons que
Cuirett~\e$t chômeur, qu'il se fait entretenir par Hosanna-Claude coiffeur
sur la p1aza :St-Hubert. Les autres semblent occuper des emplois plutôt
s\.Ib----alternes quand ils ne sont pas des assistés sociaux. Hosanna vit dans
un,.--petit pppartement laid et pauvre.
Pour vivre pleinement leur rôle d'homosexuels, ils changent de nom et se travestissent. Sandra n'est nul autre que Michel de la rue Fabre: ami d'enfance de Manon Brassard. Hosanna est ce jeune Claude Lemieux de St-Eustache dont on a recon-nu les tendances homosexuelles vers l'age de dix ans. La Duchesse de Langeais cache le fils de Victoire, Edouard, qu'on a appris a
.
mieux connaltre dans La Grosse FelJlTle d'a côté est enceinte. Ainsi,
changent-r
/
ils tous de nom adoptant des surnoms qui répondent probablement
a
leursfan-~a~mes. Raymond Bolduc, l'homosexuel male, la motarf
a
la veste de cuir qui se veut irr!sistible, devient Cuirette. Dans Demain\matin, Montréal m'attend, on les voit tous défilef' avec'leur surnoms insolites: Brigitte, Mona L·isa,;' fos,
Baba lu, Candy Baby. .. Le surnom es t 1 e premi er subterfuge pa r 1 eque 1 f l s
chan-
-~-gent d'identité. C'est par lui qu'ils réalisent un vieux r~ve de devenir une
23
-J
s'affuble de la douceur de la mode féminine 'des années 50.
Candy Baby: IITu sauras Marcel Gérard que 1 a fi n des années 50, c't'est la plus belle époque pour la mode."
HO.!Janna.: IIPour ceux qui, ... iment les parachutes .. ' oui. AsJt,u lavé ta crinoline dans le corn-starch pis dans le sucre, hier .
. 50; r, Candy?" 23
Babalu, de son c6té est déguisé en une danseuse de ventre voluptueuse: Toê, la danse du ventre, ta boTte. T'as
ou-blié de te mettre ton"rubis dans le(nombris,_A
soir.1I 24
-r~ichel Tremblay a décrit brièvement-dans Hosan.na.le cheminement des homo-sexuels dans la vie. Plusieurs d'entre eux viennent de petits vil1àges qu'ils
A 1
ont hate de quitter pour fuir l'hostilité et l'igt~lérance de leurs conci-toyens. Il s se réfugient au coeur de la grande vi lle. Le genre de travaux qu'ils éxécutent ne leur per.met que l'est de Montréal corrme lieu d'habitation. Les 1 i eux de rencontre sont généra l ement les' toil ettes pub 1 i ques des parcs ou les sombres salles de cinéma. Ils tachent de former des couples durables. Ils se rencontrent le soir dans des bars spécialisés de l'est.
l'auteur s'est surtout attardé sur l'étude psycnologtque des homo-sexuel s
trav~rs~
$ Etudi ons d'abord leur comportement tel qu' il nousappa-ra1't -dans Demain
ma~,
Montréal m'attend quand ils sont tous réunis dans le "Me&t Rack" bar. l'~rs propos, véritables coups de lanc'es, n'ont d'autre rai-son d' @tre que de"1
di cul i ser et humi 1 ier autrui:23- Michel Tremblay, Demai n matin. Montréal m' attend. (Montr~al: Leméac,
1972), p. 29.
}
\
(
,.
• 24 -'T'as pas peur d'attraper des bibittes, Cow Boy?
T'~ais que Brigitte est S,pêcia1iste la-dedans.
Tiens, la Parisienne, qui daigne ouvrir la bou-che avant d'ouvrir le reste. D'habitude c'est le contraire qu'elle fait.
T'as rien! dire a~,ec ton imitation de
succê-da né de fausse C1êopatre synthêtique. etc. 2~
Il s se ruent l/un sur l' aut,re cOnlne' le feraient des vautours sur leurs
proies. Il semble qu'ils ne sauraient vivre sans se détruire et s'humilier.
A preuve, le coup joué
a.
Hos~
dans la pièce aJmêmeno~,par:
Sandra,Cui-rette et les
aut~ils
ont réussi a faire échec a'son rêve le plus cher.Ils ne l'ont laissé se dêguiser ·en Cl~opatre que pour mieux lui montrer sa
laideur, sa vu1garitê et son ridicule. Le j04,r du party, ils se sont tous
déguisés en Cléop3tre lui:volant ainsi la ~ingularité qu'elle recherchait
tant. Hosanna s'en relève plus vieillie, car acculée
a
sa réalité dont lamédiocrité ~ jubiler ses ennemis. Mais de quelle r~a1ité s'agit-il?
Michel Tremblay a mis l'accent sur la rupture fatale des hQmosexuels avec leur corps. Ce sont des hommes qui n'ont pour tout désir. que de se
dé-.~ire de leur condit:on mascul ine et emp~unter u~e identité féminine.
vivent perpétuellement les a'fifres de leur ambigui'té sexuelle.
Ils
~
25-r;
j . '
Tu le sais pus si t'es un gars ou ben si t'es une fille hein? Tu sais que c'est ridicule de continuer
a
,par]er de toê au f~mlfin parce que j'peux'te,r'met-tr.e'9a tu-suite sous
'te
nez, comme j'le faisla;
pis~~sais que c'est encore plus ridicule de parler de
tpe au masculin rapport
a
t'que t'as da~s face, piSdes gUénilles que tu portes. 26
Micheî Tremblay, Demain matin. Montréal ~'attend. {Montréal: teméac.
1972}, p. 30.
Michel Tremblay, Hosanna. (Montréal: Lemêac, 1973), p. 28.
(
"
1
25-Le divorce avec leur rôle sexuel se conjugue avec leur dégoQt plus ou
moins ~vident de leur propre corps. Ils souffrent de leur laideur, de leur
ridicule et de leur dégradation. Ils tachent de s'écarter de ce qu'ils sont
et de se faire ressembler à des personnages célêbres. Ils traitent leur
corps en objet:
fondant Chusttie de là, la, j'avais l'air d'un bonbon e! Une mat1êre vierge! J'me sentais
comme u tatue de la sainte du même nom! 27
dit Hosanna en décrivant sa préparation au déguisement.
N'ayant aucune relation positive avec leur propre corps, leur per-sonne, ils souffrent constamment d'insatisfaction:
C'que j'dis la nuitte, mon p'tit gars, pis c'que je crie, la nuitte, quand on fait semblant de fourrer, c'est des affaires qu'on dit pis qu'on crie quand on veut essayer de se persuader qu'on jouit. C'qu'on fai,t, ensemble. Cuirette. ça fait
un bon bout de temps que c'est [ .•
J
strictementhy-gi éni que
t ..
~ ! Tu penses peut-être ~~§ ta façon defourrer est agréable, pour une .•.
Ils entretiennent avec autrui une relation malsaine empreinte d'esclavage
et de tyrannie. Hosanna a besoin
~
autres 'pour qu'elle reconnaisse e11e- imême sa beauté, son originalité voire même son existence. Ces personnages
sont continuellement à l'àffQt de l'approbation d'autrui tout en voulant
l'humilier. le diminuer. Ils souffrent atrocement de la solitude et de la
peur de la vieilless~. La duchesse de Langeais se saoOle pour tacher de
27-
Michel Tremblay, Hosanna. (Montréal: Leméac, 1973), p. 63.28- '~, p. 45.
c
·
'\
(~"
26
-surmonter la d~press;on que lui a causée le départ de son amant aux bras
d'un autre plus jeune qu'elle. Comme tous les personnages de Tremblay, les homosexuels sont habftés constarrment par des rêves souvent impossibles! réaliser mais qui traduisent parfaitement leur rupture avec le Moi.
Michel Tremblay ~e s'est point attardé sur le procès de leur
intégra-tion dans la société. Nous savons par Sainte Carmen de la Main qu'ils sont
p1utat mépris~s, que seule Carmen pouvait les revaloriser. D'Hosanna, nous
dégageon~ l'attitude de la mêre de Claude Lemieux vis-!-vis de l'homosexua-lité de son fils. Il semble qu'en ayant appris la vérité sur son fils, elle ait montré une certaine réjouissance puisque celui-ci ne risquait plus de lui
~tre volé par une autre femme. Pour le reste, elle feint l'ignorance et
l'in-~
différence peut-être comme toute la société s'efforce d'oublier la dure vérité de ces individus.
5- Le milieu des artistes
Michel Tremblay s'est intéressé également au milieu
~es
artistes deJ ,~~
l'est de Montréal. Demain Matin, Trois petits tours et Ste-Carmen donnent un aperçu de la vie quotidienne des chanteurs et danseurs qui se produisent dans ce secteur de la ville de Montréal. Dans la Main fleurissent quelques boTtes de nuit et cabarets spécialisés. Dans Trois petits toyrs. l'auteur place ses artistes dans "un chic Cabaret", le Coconut Inn. Dans Demain
Ma-tin; il les fait évoluer dans le "Meat Rack". Ailleurs, on parle du "Rodéo"
et du "Bolivar lounge'u. Ce sont tous des cabarets de troisi~e ou dè
qua-tri~me classe dont les propri~ta;res sont représent~s par le personnage de
(
,.
._ ... ..."",. U LI . _
Maurice. C'est un homme dépourvu de culture, voire d'intelligence, qui est
arrivé
a
la tête de ces bars par la force et la violence. Carmen fait ~tatde son cynisme total dans Sainte Carmen de la Main en étalant les multiples
meurtres qu'il a perp~três sur les personnes jug~es ind~sirables:
Y'faudrait que la Main pis la Catherine ayent peur
de toé comme la peste, Maurice, pis que toé tu r~gnes
dessus comme'un rat sur un corps
a
vidanges. 29Maurice est dOnc le type parfait de l'ignorant pour qui seules la
producti-vité et la rentabilité sont des val~vegarder. D'ailleurs, dans
---Tht!rèse et Pierrette
a
1 ~co-lé des Sai nts-Anges, Tremblay raconte l'enfance5
de celui-ci dans la famille C~té, une des plus miséreuses du quartier. Il
le décrit comme étant laid,. insignifiant et dépourvu de l'intel1igenc~
re-quise pour réussir ses études.
Ce genre d'individus se fait toujours seconder par des ~tres encore
plus ratés qu'eux mais plus forts en cynisme. CI,est Tooth Picl< qui joue ce
rale dans les pièces que nous étudions. C'est lui qui a tué Oum Oum, Brise-Bois, Willy Ouellette et Cobra. A Carmen, surprise parce qu'il "est haut
comme ,deux pOl1111es et quart pis gros conme un piquet de cl~tlJre" 3D, Maurice
explique:
. C'est be~ ça qui fait sa force ... Y passe partout.
Pis y vise juste. Pis .•. Y'a ben de l'imagination.
CalUllen: "Ca veut di re 'que situ 1 e vends, y te vend."
Ma.uM.c.e: "On est pognés ensemble comme deux charognes." 30'
1 r
'29- Michel Tremblay, Sainte Carmen de la Main. (Montr@al: Leméac,
1976), p. 22.
30-