Journée Justice: état des savoirs
Frontières du droit, frontières de la justice
EHESS – Paris – 27 mai 2016
Quand le management entre au
tribunal : quels effets sur la justice ?
Frédéric Schoenaers
Faculté des Sciences Sociales – Université de
Liège
Introduction
La « managérialisation » de la justice belge
Effet d’emballement depuis 2008
Toutes dimensions de la vie judiciaire touchées
Quels effets induits?
Plan
Bref retour sur l’histoire du NMP dans la justice belge
Quels impacts présents ou à venir suite à la réforme de
2013/14 (première analyse exploratoire)
Méthodologie
30 entretiens semi-directifs
2 focus groups
Retour sur le NMP dans la justice belge
Avant 1996, une justice belge protégée des velléités managériales
Une forte capacité de résistance par rapport aux « intrusions » (distance
au monde politique forte par effet de délégation dans un état « consociatif »)
Management judiciaire 1.0 en suite de l’affaire Dutroux:
Discours politique « post affaire Dutroux » fort et crise de légitimité
(mise en évidence de dysfonctionnements)
Dispositifs faibles, bricolés localement(peu de procédures « centrales »):
mandats, statistique, rapports d’activités
Système de sanctions relativement faible
Centrage sur la « performance » reposant sur l’accélération du temps
(tableaux de bord)
Dimension performative forte (le discours percole dans toutes les strates
des organisations)
Évolution plutôt que révolution / Maintien des frontières entre politique et judiciaire
Retour sur le NMP dans la justice belge
Management judiciaire 2.0
Projet « Atomium » pour un « nouveau paysage
judiciaire »(2008/09)
Donnée de départ: part de budget public faible, réorganiser paysage et développer un nouveau modèle de gestion pour « faire mieux » avec le budget disponible (voire un peu plus)
Lois « management » de 2013 et 2014
Fusion des arrondissements pour des économies d’échelle Mobilité pour plus de flexibilité
Contrats de gestion pour plus d’autonomie , de maîtrise et de contrôle budgétaire
Nouveaux organes: Collège des Cours et Tribunaux/Collège du Ministère public (négociation avec le politique à propos des moyens de l’ordre judiciaire Signature de contrats de gestion avec les entités locales
Un contexte défavorable: emballement de la crise budgétaire et le cost cutting qui en résulte
Retour sur le NMP dans la justice belge
Bilan intermédiaire 2.0:
Une fusion peu « guidée » (émiettement de l’action sur le
territoire)
Une mobilité (subie) qui peut introduire de l’arbitraire
De fortes incertitudes sur la gestion autonome
« Le tout » à la maîtrise ou à la diminution des coûts
En complément, dispositions légales pour la diminution
des délais (compléments législatifs sur les procédures,
renforcement du rôle du parquet)
Une double pression : nouveau cadre managérial /
nouvelles procédures juridiques
Une autonomie seulement en apparence? Brouillage des
frontières (commissaires du gouvernement dans les
Collèges, contrôle politique indirect fort)
En guise de conclusion, les enjeux du
management 2.0 à la belge…
Apparition progressive de « confusions » qui posent question
Confusion entre vitesse et précipitation: le spectre d’une justice
expéditive
Confusion entre autonomie et compétition: le spectre des guerres
inter-juridictionnelles dans la course aux moyens (contrats de gestion)
Confusion entre mandat et carte blanche: le spectre d’un retour
de l’arbitraire dans la gestion locale
Confusion entre objectifs de « saine » gestion et contrôle abusif
par le politique: le spectre d’une rupture de la séparation des pouvoirs
Confusion entre la figure du magistrat « responsable » et du
magistrat manager : le spectre d’un centrage sur la réponse à la (supposée) désirabilité sociale
Confusion entre maîtrise des coûts et étranglement budgétaire: