• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les trajectoires biographiques comme déterminants du rapport informel aux sciences et techniques

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les trajectoires biographiques comme déterminants du rapport informel aux sciences et techniques"

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

LES TRAJECTOIRES BIOGRAPHIQUES

COMME DÉTERMINANTS DU RAPPORT INFORMEL

AUX SCIENCES ET TECHNIQUES

Aymard DE MENGIN, Marie-Claire HABIB, Serge CHAUMIER Cité des Sciences et de l'Industrie

CÉREM (Centre d'étude et de recherche sur les expositions et les musées)

MOTS-CLÉS: REPRÉSENTATIONS DES SCIENCES - CURIOSITÉ - DlSTANCIATION-VOIES D'ACCÈS - ABSTRAcrIONDES

TECHNIQUES-EXPÉRIENCE PERSONNELLE

RÉSUMÉ: L'intervention rendra compte d'enquêtes qualitatives, encore en cours de réalisation. Les entretiens approfondis cherchent à mettre en évidence des moments d'inflexion des représentations sociales des sciences. Il existe des événements de vie, des rencontres, des lectures... qui orientent durablement la curiosité. Nombreuses sont les personnes chez qui coexistent une forte curiosité pour certains domaines scientifiques ou techniques et un intérêt faible pour les sciences en générai.

SUMMARY:

(2)

Les voies de la curiosité scientifique ne sont pas linéaires : elles sont faites d'obstacles, de chemins de traverse, de raccourcis. Nous allons vous parler,àtravers des cas tirés d'études en cours, de ces chemins singuliers, des portes d'entrée et des moments d'inflexion, des raccourcis et détours, sans prétendreàla généralisation. Il s'agit de mieux comprendre des itinéraires significatifs.

Chaque personne entretient un rapport particulier et unique avec les sciences et les techniques, qui ne se résume pas aux déterminismes sociologiques qui servent conununément de facteurs explicatifs. L'âge, le lieu de résidence, le sexe, et surtout le niveau d'étude et la profession, s'ils sont des critères essentiels, que nous ne pensons pas minimiser, ne suffisent pas cependant à tout expliquer. Les tendances lourdes, mesurables au niveau statistique, sont à croiser avec des influences venant orienter les histoires de vies. Ainsi on peut repérerdes points d'inflexion dans un parcours individuelqui orientent un individu vers tel ou tel sujet de préoccupation et de curiosité.

1. PARCOURS SINGULIERS AVEC LES SCIENCES ET TECHNIQUES

Comment en sommes-nous arrivés à cette démarche? Nous étudions régulièrement les parcours des visiteurs des expositionsàla C.S.1. et leurs récits de visite, autrement dit leurs détours et centres d'intérêt, leur curiosité en acte, leurs modes d'appropriation des expositions. Par exemple, une étude filmée a été réalisée récenunent auprès des visiteurs de l'exposition" Nouvelle Image, Nouveaux Réseaux" afin qu'ils expriment leurs pratiques et leurs représentations des techniques de l'information et d'internet. Ces études montrent la diversité des attitudes et des centres d'intérêt en fonction de la variété des propositions de médiation scientifique et technique. Pour caricaturer à l'extrême, ce sont plutôt des cadres et des enseignants qui s'intéressent aux débats sciences-société, des ingénieurs et techniciens qui s'intéressent aux" Machines àCommuniquer ", des femmes qui passent le plus de temps dans .. Médecine et Santé ", des honunes dans .. Énergie" ou " Automobile ". Constat des voies d'accès différentes. Comment les interpréter?

Pour comprendre les déterminismes sociologiques, nous disposons de nombreux travaux. Les études du Ministère de la Recherche! donnent beaucoup d'éléments sur les opinions et attitudes vis-à-vis des sciences et du progrès technique. On yconstate par exemple une pan de défiance qui se traduit notamment par le choix d'une réponse "la science apporte à peu près autant de bien que de mal" par environ la moitié des personnes interrogées. Mais à quel mal apporté par la science pensent ces personnes? Et surtoutàquoi s'intéressent-elles?

Aussi la C.S.I. a réalisé une enquête sur la curiosité scientifique et technique des Français2où les personnes interrogées étaient appelés à dire leur intérêt pour 29 domaines des sciences et techniques. On a pu ainsi découvrir que, parmi les 6 classes de la population en fonction de leurs centres d'intérêt, 3 étaient à nette majorité féminine, par exemple la classe de ceux qui s'intéressent avant tout aux sciences humaines, à la médecine, à l'astronomie et à l'informatique. Voie d'entrée sciences humaines. Ou bien que les personnes qui s'intéressent beaucoup au fonctionnement des objets techniques quotidiens constituent un quan de la population, plutôt concentré dans les classes à majorité masculine. Autre voie d'entrée.

(3)

Mais nous étions trop loin encore des histoires de vie concrètes qui seules permettent de comprendre comment telle personne se met à distance des sciences ou telle autre se découvre une passion subite pour un domaine très particulier. Aussi la C.S.!. a engagé plusieurs enquêtes qualitatives s'appuyant sur des entretiens approfondis qui commencent par la question suivante" Y a-t-il des sujets qui vous intéressent particulièrement parmi les sciences et les techniques ? ". Plusieurs populations sont successivement étudiées: non-visiteurs de la C.S.!., visiteurs, chefs d'entreprise et responsables d'organes de presse, considérés comme des leaders d'opinion.

Sans entrer dans une analyse approfondie des entretiens que nous avons eu l'occasion de mener jusque là, nous pouvons donner quelques exemples des premiers éléments qui apparaissent. Notons seulement que ces études qualitatives révèlent des éléments demeurés cachés dans une étude quantitative: des personnes dont le premier réflexe est de se dénier toute forme de compétence, voire de curiosité dans le domaine des sciences et techniques, ne s'en avèrent pas aussi étrangers quand on prend la peine de leur faire raconter leur préoccupation dans le quotidien. (Ds peuvent même y trouver une voie de réalisation, si ce n'est de compensation à un moindre investissement scolaire ou professionneI3).

2. " UNE SORTE DE CURIOSITÉ PAR RAPPORTÀ CE QUI NOUS ENTOURE" Premier exemple : une infirmière de 42 ans habitant Besançon qui exprime deux représentations différentes des sciences:

UIl y avait beaucoup de biologie... mais pour moi c'était pas vraiment les sciences... à la

limite... déjà plus l'anatomie ... ..

.. sciences humaines... sciences artistiques... pour moi les sciences c'est tout : sciences de la musique, sciences des œuvres, sciences de la technique, sciences humaines... La science ce n'est pas uniquement le cosmos, c'est étre curieux dans tous les domaines, et peut étre tenter d'aller à peine plus loin... ..

Cette infirmière oscille sans cesse entre une conception très étroite des sciences où même la biologie n'est pas vraiment scientifique, et une conception très large où tous les domaines de savoir et de recherche pourraient être inclus. On dirait que cette hésitation lui sert principalement à ne pas se considérer scientifique, ou alors seulement dans un sens où ..la science c'est une sorte de curiosité par rapport à ce qui nous entoure. "EUe a fait une terminale scientifique, des mathématiques, de la physique et des études d'infirmière, mais Uc'est un apprentissage de l'univers intérieur, de son

univers à soi...pas de l'univers, du cosmos ou de comment ça marche... ". Elle a U adoré les

maths jusqu'en 3e... " mais étaitU complètement nulle... moins que ma frangine qui était très

douée...". EUe a aimé U en biologie, quand on fait des cultures" mais eUe "fait plus de

différence entre la technique pure... [et la science] ".

Elle se souvient longuement d'une expérience de Ustromboscopes ", U des jeux d'optique, des

filtres, des rayons lumineux qui sont diffractés, des circuits électriques",

mais dit aussi :" ça ne

(4)

" En biologie il y a aussi des chiffres, mais c'est plus travailler aussi de faire des recherches... si je prends un exemple, on allait chercher des plantes pour comparer, que l'on regardait au microscope, c' érait plus de l'artisanat, je dirais, il y avait du concret, on partait d'un végétal, de J'unà J'autre on comparait alors que les maths c'est de la science pure, c'est des chiffres, on baraille avec de l'abstrait tout le temps, on peut pas toucher les chiffres.. . la seule fois où j'ai pu toucher les chiffres c'étail au CP, avec mes pièces et mes baguelies " .

Elle a fait du béton avec une soi-disant fonnule mais "c'est pas difficile", il suffit"d'avoir les moyens... et de regarder dans les revues".Achète-t-elle des"revues scientifiques et techniques ? "

" Bah, Sciences et Vie Junior" pour les enfants. Elle a regardé"l'Encyclopédie delamédecine" mais pour elle"c'est pas vraiment un livre scientifique, c'est comme un dictionnaire... " mais elle a arrêté.

Comme vous le voyez cene infumière minimise constamment ses connaissances etson intérêt pour tous les sujets scientifiques, alors même qu'elle a consacré une bonne partie de son temps d'étudeset même depuis à ces approches. Au cours de l'entretien, prenant conscience de cene contradiction, elle en cherche l'explication, et évoque l'enseignement, les chiffres opposésàlarecherche dans la nature, le manque d'utilité et finalement le sens de la vie;

" Leprof nous a fait bosser et m'a permis d'avoir11,mais c'érait très scolaire... mais il était très humain, il avait tout compris de l'échange qu'il peut y avoir entre un cours complètement théorique, borné, et puis bon, une certaine atmosphère... mais c'était pour avoir le Bac, c'étail l'objectif... "

" Ça me faisait penserdla réalité de la vie... la différence entre les chiffres et la manipulation de végétaux et du microscope...dl'alirait que l'on peut avoirdmanipuler,daller chercher dans la nature, se balader en plus, on cherche, ensuite on ramène, on prépare et on regarde au microscope... il y a une démarche... on va sûrement découvrir quelque chose". Elle décrit précisément une démarche de recherche et elle y oppose une démarche mécaniste" 2+2=4,lUmets la machine en rOUle... ".La science mathématique n'est pas tant du côté de l'abstrait que du manque d'utilité, et parfois même du "trop concret" .. "calculer pour savoir si tu vas avoir ce qu'il faut pour ton mois... ". "J'avais décrété que je n'y arriverais pas... Voild"

3. LES CHOSES DONT ON EST CURIEUX... ET LES CHOSES ESSENTIELLES DE LA VIE

" Je ne dois pas être une scientifique mais je suis une curieuse... j'ai du maldconcevoir que l'on puisse être un scientifique passionné de l'univers et n'arriverd ne faire que ça de sa vie... "

On peut rapprocher ce doute d'une confidence, au début de l'entretien, àpropos de ses années d'études d'infirmière, une expérience fondanice dans sa vie;

(5)

" Ces trois années, il faut les vivre pour faire comprendre ce que je dis, c'est-à-dire que c'est, trois ans qui sont finalement d'une richesse extrême au niveau de l' humain, au niveaudece que l'on peut donner... qui sont finalement les choses les plus importantes, l'essentiel... ..

Au fond si les sciences sont dignes d'intérêt, de curiosité, cette femme s'est rendue compte, à l'occasion de ces années de formation, que les sciences touchent moins à l'essentiel que d'autres expériences, qui impliquent l'humain. D'autres femmes expriment des sentiments proches. C'est peut-être une des raisons qui expliquent la relative désaffection des jeunes femmes pour les formations scientifiques après le Bac.

Elle synthétise ainsi son attitude: "j'ai une curiosité globale sur les choses, et à chaque fois que je fais l'effort d'aller voir plus loin, je suis déçue" au point qu'elle démarre l'entretien par un regret:"pouvoir refaire mon cursus jusqu'au bout... depuis la sixième jusqu'au Bac, pour voir comment je réagirais par rapport à tout ce que j'ai appris... ..

4. UNE CAPACITÉ INATTENDUE D'ADAPTATION AUX TECHNIQES INFORMATIQUES

Citons aussi le cas de cette secrétaire, employée d'une école de formation, qui à l'heure delaretraite se découvre des champs d'intérêts nouveaux. ceux-ci arrivent d'abord par son emploi. quand en 1990, à l'âge de 50 ans, on lui impose de se former et d'utiliser l'informatique dans le cadre de son travail. Après une première période de résistance. qu'elle imputea posteriori à sa crainte de ne pas être à la hauteur, elle a l'occasion d'utiliser quotidiennement un Macintosh. Si elle reconnaît avoir fait quelques erreurs au départ, finalement elle se rend compte de sa capacité d'adaptation et des nouveaux services de cette technique nouvelle.

.. Au début je n'étais pas très intéressée, j'ai eu dumaldéjà par rapport à mon travail. Maisje m'y suis mise etje crois que plus ça va, plus je me dis que je m'y intéresseetque je risque de m'en passionner. Par l'informatique, ça va me donner un éclairage extraordinaire les découvertes. les sciences etc... , et je pense qu'on ne peut pas y échapper, que ceux qui ne veulent pas y entrer, ils passent à côté de quelque chose. (..J...) je pense que ceux qui ne voudront pas rentrer dans cette sphère risquent d'être en retard à un moment donné. Et comme ça va très très vite, plus vite que ça n'allait il y a quarante ans, ils risquent d'être dépassés". En un laps de temps d'à peine dix ans, la technique lui devient si familière qu'à l'heure de la retraite, elle envisage sérieusement de s'équiper à son domicile pour "pouvoir continuer de communiqueretne pas être larguée".Ontouche là à deux arguments récurrents, d'une part l'idée que la communication passerait nécessairement demain par le réseau, d'autre part àlacrainte d'être dépassée. La retraite n'est pas synonyme de mise à l'écart des nouvelles technologies, celles-ci sont au contraire utilisées ici pour "demeurer dans le coup" et ne pas être isolé (TI). cene adaptation est peut-être d'autant plus aisée qu'elle a bénéficié étant enfant de modèles parentaux allant dans le même sens. Ainsi, nous confie

t-elle àun autre moment, ces parents ont

été

dans les premiers à posséder une voiture, car ils devaient

s'adapter professionnellement pour demeurer eux aussi dans le coup à cette époque.

(6)

s.

LA CURIOSITÉ PAR L'ENVIRONNEMENT SOCIAL

Cetteclé d'entrée aux techniques par la professionrecoupe chez elle, deux autres clés, elles aussi

imponantes. D'une pan un

environnement social

dense qui lui

pennetde bénéficier

de

nombreux conseils, ainsi elle peut recourir à de nombreuses personnes ressources pour la conseiller dans le choix du matériel,àson travail mais aussi dans sa famille.

- Je vais prendre quand même conseil auprès de personnes qui s'y connaissent .. j'ai plusieurs amis qui s'y connaissent, j'ai quelqu'un dans la famille qui travaille dessus .. (.../...) j'ai demandé déjà à un collègue de travail pour le madem, à mon neveu je lui en ai parlé aussi, il a dit qu'il allait s'en occuper, lui il est vraiment de la partie, il a créé une société, je vais quand même m'adresser à lui, et puis j'ai un ami à Paris qui s'en occupe aussi, qui travaille sur informatique.

- Donc plutôt des personnes que des revues spécialisées?

- Voilà, plus des personnes, pluspar le contact. À un moment donné ilfaudra bien que je consulte les documents, parce que je pense qu'avec le matériel on te donne des manuels, peut-être que ça complétera, mais j'aime mieux la communication directe, quoi!

Par ailleurs, elle a des modèles d'identification possible, et il faut prendre en compte ici le modèle donné par la descendance, sa fille, traductrice de CD-Rom, utilise quotidiennement l'ordinateur et constitue un modèle de référence. Une fiené manifeste est exprimée à son endroit De plus, un entourage sollicite sa conversion àl'univers de l'internet, une cousine installée aux États-Unis la pressant de s'équiper d'une messagerie électronique.Latechnique est ici le suppon au développement de relations sociales. Ces éléments lui permettent de surmonter les craintes présentes de ne pas êtreà la hauteur,nde ne pas être capablen.Pounant devant le fonctionnement lui-même de la machine, elle réïtère son manque de confiance en elle, ne s'estimant pas capable de comprendre. Peut être préfère-t-elle aussi préserver un peu du caractère mystérieux et magique de l'intérieur des choses?

D'autre pan, l'intérêt pour un autre domaine, celui de la médecine, vient renforcer l'envie de s'équiper de CDRom pour rechercher potentiellement des informations. Mais d'où vient cet intérêt manifeste pour le champ médical? Comme pour d'autres, l'intérêt pour le fonctionnement d'une machine se manifeste lors d'un dysfonctionnement de celle-ci,làl'intérêt pour la santé intervient dans l'histoire de vieàun moment oùily a problème. Une autre clé d'entrée omniprésente réside dansle rapport au corps qui conduit à s'intéresser à la médecine,à la nutrition...

6. UN TRAVAIL PROGRESSIF DE RECONSTRUCTION, À PARTIR DE SON EXPÉRIENCE

La leucémie de son mari,ily a moins de dix ans, qui obligeàun travail de recoupement pour percerle langage hennétique des spécialistes et qui permet d'établir une compréhensiondephénomènes de vie devant lequel l'individu se sent désarmé, constitue un autre point d'inflexion de son rappon aux sciences et techniques. Intérêt prolongé par un problème personnel d'infarctus et d'intervention en

(7)

chirurgie cardiaque qui ouvre à un univers jusque là demeuré obscur. Mais l'intervention conduit aussi à la découverte d'autres techniques, celles des moyens nécessaires mis en œuvre pour conduire à bien l'opération. On note au passage quel'appropriation de l'information scientifique passe alors, non par une simple diffusion en directe, - par une sorte de transfusion d'une source de savoir à un élève ignorant -, mais par untravail progressif de reconstruction, par approximations successives, qui permet d'acquérir et de faire sien une somme d'information'. Il y a ce faisant réinvestissement des notions acquises dans un système de représentation propre, dépendant d'une culture d'appartenance, qui permet d'organiser et de donner une cohérence à l'ensemble de ces nouveaux savoirs parmi ceux déjà possédés5• Sur ce savoir acquis vient se greffer de nouvelles pratiques. Ainsi les processus d'acculturation s'organisent non seulement en fonction des sources de diffusion, mais essentiellement des conditions de réception qui permettent de donner sens aux messages en fonction d'une expérience vécue. Pour cela, les personnes interrogées insistent-elles sur la nécessité de partir du concret et de situations rencontrées. Il n'est pas étonnant que les objets de curiosité scientifique soient toujours en lien avec des sujets de préoccupation au quotidien.Onretrouve ici l'idée, pas spécialement nouvelle, mais toujours révolutionnaire pour l'éducation nationale, de partir de l'expérience du sujet pour aller vers le général ou l'abstraction. Cette femme constate que la technique si elle pennet une communication à distance facilitée, dont le counier électronique est l'exemple, techniques pour lesquelles elle ne cesse de s'émerveiller (comme pour la magie du téléphone), a paradoxalement pour reversd'isoler les individus et donc de générer une société individualisée où la communication a nécessairement besoin d'instrumentalisation pour s'exercer. Ainsi l'écran, le téléphone s'interpose fatalement entre soi et les autres, comme si les impératifs de la communication imposaient un support entre des individus atomisés. Surtout l'idée que l'évolution des techniques conduit à une complexité accrue et à unemise d distance ressort de plusieurs entretiens.

7. UNE PLUS GRANDE ABSTRACTION DES TECHNIQUES

Plusieurs personnes, notamment des hommes dont le rapport à la technique passait par la familiarité avec la mécanique, ont fait remarquer que les progrès amenaient à uneplus grande abstraction des techniques. Il s'agit de comprendre" théoriquement" comment ça fonctionne. Ainsi l'électronique, puis l'informatique, mais aussi la réduction des éléments, " la compactisation ", amenait à l'impossibilité de faire soi-même, de " bricoler" et queladémarche autodidacte s'avérait donc plus difficile. Ce qui était une clé d'entrée aux techniques, le bricolage de l'amateur s'avère plus hertnétique, (même si certains jeunes notamment aniventà bidouiller sur l'informatique et peuvent s'y réaliser3).Ainsi les domaines de compétences se réduisent carles savoirs-faire morcellés sont plus difficilement transposables d'un objet d un autre.

ce

faisant, la technique devient plus abstraiteet par conséquent plus distante de son quotidien, se rapprochant peut être davantage du domaine des sciences, dont les personnes interrogées ont dumalàtracer les frontières, exprimant sans doute une

réalité

de l'évolulion des Sciences et techniques. Les techniques, - hier domaine des ingénieurs, des

(8)

plus à voir avec le domaine de l'immatériel. Plus virtuelle, la relation est plus absU'aÏte, et contribue, si ce n'est à une mythification, à un détachement. L'éloignement de la capacité à comprendre la technique dans son fonctionnement, jumeléàson omniprésence, contribueàen renforcer l'opacité, le caractère énigmatique, si ce n'est magique.

Si

la technique est de plus en plus considérée comme plus abstraite, lointaine, voire énigmatique, les médiations pour les rendre intelligibles doivent également se transformer. Non seulementils'agit de présenter les choses plus absU'aÏtes par la médiation de présentations concrètes, maisilfaut prendre en compte en amontdes imaginaires de la technique qui renforcent son caractère lointainet de moins en moins susceptible d'être compris par le non-spécialiste. C'est doncàun double travail d'explicitation que se voit confronté le médiateur des Sciences et techniques.

On voit au travers de ces brefs exemples comment peut se construire un univers de compétence propre,particulieràchaque personne, même si des clés d'entrée peuvent être récurrentes. On peut ainsi repérer sous forme de typologie6 :

- la sollicitation du fait d'un univers professionnel, ou dans le cadre d'études - le rappon au corps

- un environnement social stimulant - un loisir

- une passion paniculière

- la médiation: apprendre pour retransmettre, notammentàses enfants

- la volonté citoyenne el quasi-militante de comprendre pour se construire une opinion sur des sujets de société (et des choix politiques en résultant)

BIBLIOGRAPHIE

1 - BOY D.,Les attitudes des Françaisàl'égard de la science, 1994.

2 - DE MENGINA., Les sujets de curiosité scientifique el technique des Français, Lalettre de l'OC/M,1998,55,.

3 - LAGEÉ., La Culture technique comme mode de connaissance, d'expression et de créativité, Culture technique,17.

4 - ALBERTINI J.-M., BELISLE C., Les Fonctions de la vulgarisation scientifique et technique, in Vulgariser la science. Le procès de l'ignorance,sous la dir. de Daniel Jacobi et Bernard Schiele, Champ Vallon, 1988, p. 226.

5 - SMAIL A., BELISLE

c.,

Vulgariser, un défi ou un mythe,Lyon: Ed. Chronique sociale, 1985. 6 - Typologie qui recoupe celle établie par BOSS et KAPFERER,Le public et la vulgarisation scientifique et technique. Enquête sur les attitudes et les comportements des Français.

Références

Documents relatifs

Ventilation/perfusion: Les échanges gazeux dans les états physio- et/ou pathologiques... Rapport

ANNEXE 6.c : Exemple de feuille de prescription postinterventionnelle informatisée (à partir d’une bibliothèque de modèles créés par les prescripteurs).. Groupe de travail SFAR

Afin de pouvoir financer le buffet déjeuner nous vous demandons de bien vouloir adresser 15 euros par chèque à l’ordre de l’ABASS avant le 4 novembre 2015 à cette

Afin que les modèles et les numéros de série concernés des lames GVL et AVL GlideScope soient conformes au présent avis de sécurité, veuillez remplir les étapes 1 à 5 du

AR MENIL, 1 ère Ambulance de réanimation BSPP sonnée à 11h30, au.. départ

L'é iPctro-acoustique doit être traitée en couvrant la gamme des produits qui vont du serni-professionnel au matériel professionnel. Le domaine vidéo peut être

Ce dossier a pour objet l’analyse comparative et heuristique des études sur le journalisme et la perméabilité des recherches dans le domaine des sciences humaines et sociales