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La gestion intégrée de l'eau est-elle vraiment intégrée au Québec? : une synthèse des connaissances et une évaluation du concept d'intégration dans la GIEBV québécoise

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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La gestion intégrée de l'eau est-elle vraiment intégrée au

Québec ? Une synthèse des connaissances et une

évaluation du concept d'intégration dans la GIEBV

québécoise

Mémoire

Philippe Gosselin

Maîtrise en aménagement du territoire et développement régional - avec

mémoire

Maître en aménagement du territoire et développement régional (M.ATDR)

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Résumé

Le concept d’intégration dans la gestion intégrée de l’eau par bassin versant (GIEBV) a été sélectionné pour décloisonner les différentes approches et mieux protéger les ressources en eau dans une optique

de développement durable. Ce processus intégré, caractérisé par la transversalité de nombreux

enjeux, est complexe. L’évaluation des politiques publiques rattachée à ce type de gestion, l’est tout autant.

Au-delà des avancées réalisées dans les dernières décennies, plusieurs problématiques freinent

toujours l’intégration de la GIEBV au Québec.Divers ouvrages scientifiques québécois ont abordé

divers thèmes et solutions pour la GIEBV. À travers notre démarche, plusieurs de ces analyses ont été sélectionnées et structurées autour de quatre types d’intégration (verticale, de la connaissance, participative, territoriale). Cette approche a permis d’identifier certains enjeux fondamentaux de la GIEBV et de mettre en relation diverses recommandations sous forme de synthèse afin d’évaluer la Politique nationale de l’eau (PNE) de 2002. Dans une optique de responsabilisation des acteurs de l’eau, ces pistes de solutions peuvent bonifier l’approche de la nouvelle Stratégie québécoise de l’eau (2018-2032) et ainsi renforcer le caractère intégré de la GIEBV au Québec.

Nos résultats amènent à voir que, malgré les efforts des 15 dernières années, l’intégration pour la GIEBV n’est pas suffisamment effective. Bien qu’une évolution plus marquée soit observée pour l’intégration participative, certaines avenues devraient toutefois être davantage considérées pour ce type d’intégration comme celles d’acteurs plus responsabilisés œuvrant dans une dynamique plus collaborative et une clarification du rôle des organismes de bassins versants (OBV). Pour sa part, l’intégration verticale serait plus efficace par une décentralisation des responsabilités vers le palier régional, une législation révisée afin d’assurer une plus grande concordance entre ministères et secteurs d’activités ainsi que par la mise en place d’un système de redevance diversifié. Pour l’intégration de la connaissance, les différents types de savoirs (scientifiques, locaux, experts) devraient être mieux valorisés dans toutes les étapes du processus de la GIEBV. Pour l’intégration territoriale, l’échelle du bassin versant devrait être davantage considérée comme la plus pertinente pour la planification territoriale et pour articuler davantage la réalité des sous-bassins versants en matière de GIEBV jusqu’aux différents ministères.

Mots clés : Gestion intégrée de l’eau par bassin versant (GIEBV) - Intégration - Gouvernance de l’eau

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Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Liste des tableaux ... iv

Liste des acronymes ... v

Remerciements ... vi

Introduction ... 1

Chapitre 1 - La GIEBV : Un processus en constante évolution ... 4

1.1 Une brève histoire de la gestion de l’eau au Québec ... 4

1.2 Concepts ... 8

1.3 Problématique ... 15

1.4 Questions de recherche ... 17

1.5 Objectifs ... 18

Chapitre 2 - Stratégie de recherche et méthodologie ... 19

2.1 Exploration préliminaire ... 19

2.2 Type d’approche ... 19

2.3 Politique publique ... 20

2.4 Analyse de politique publique ... 21

2.5 Évaluation de politique publique ... 22

2.6 Indicateurs de notre recherche ... 23

2.7 Méthode pour la récolte et l’analyse de nos données ... 25

Chapitre 3 - Résultats : Une synthèse des connaissances pour une évaluation de politique publique ... 34

3.1 Intégration verticale ... 36 3.2 Intégration de la connaissance ... 57 3.3 Intégration participative ... 68 3.4 Intégration territoriale ... 89 Conclusion ... 99 Bibliographie ... 106

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Corpus de la littérature scientifique à l’étude ... 26

Tableau 2 : Grille d’extraction des données de Morestin ... 29

Tableau 3 : Adaptation de la grille d’extraction des données de Morestin ... 29

Tableau 4 : Grille d’analyse de politique publique... 32

Tableau 5 : Intégration verticale (thématiques et sous-thématiques) ... 36

Tableau 6 : Intégration de la connaissance (thématiques et sous-thématiques) ... 57

Tableau 7 : Intégration participative (thématiques et sous-thématiques) ... 68

Tableau 8 : Intégration territoriale (thématiques et sous-thématiques) ... 89

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Liste des acronymes

APL Administrations publiques locales (villes, villes-MRC, MRC, CM)

CA Conseil d’administration

CM Communauté métropolitaine

DD Développement durable

GIEBV Gestion intégrée de l'eau par bassin versant

GIRE Gestion intégrée des ressources en eau

GISL Gestion intégrée du Saint-Laurent

LAU Loi sur l’aménagement du territoire

LQE Loi sur la qualité de l’environnement

MAMH Ministère des Affaires municipales et de l'Habitation

MELCC Ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

MRC Municipalité régionale de comté

OBV Organisme de bassin versant

PDE Plan directeur de l'eau

PNE Politique nationale de l'eau

PGIR Plan de gestion intégrée régional du Saint-Laurent

PPRLPI Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables

ROBVQ Regroupement des organismes de bassins versants du Québec

RSVL Réseau de surveillance volontaire des lacs

SAD Schéma d’aménagement et de développement

TC Table de concertation

TCR Table de concertation régionale

ZGIRE Zone de gestion intégrée de la ressource-eau

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Remerciements

Geneviève Cloutier

Merci pour cet accompagnement, cette liberté et cette rigueur qui m’inspireront encore longtemps. Antoine Verville

Merci pour cet échange qui m’a amené à choisir ce sujet de maîtrise m’ayant grandement fait évoluer. Louis Guay

Merci pour ce bagage partagé qui renforce cette démarche de recherche. ATDR

Merci pour cette formation multidisciplinaire qui contribue à l’avenir de nos territoires régionaux. Gérard Bouchard

Merci pour cette manière de regarder le monde et pour les conseils, ils me guident encore toujours. Isabel Brochu

Merci pour ce regard passionné et rigoureux sur ce territoire régional du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Amélie Morissette-Desjardins

Merci pour ces discussions qui m’ont permis de faire de bons choix durant ce parcours académique. Simon Gauthier

Merci pour cette amitié qui va au cœur des choses. Sara

Merci pour ce que tu es. Ma mère

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Introduction

Devant les défis à relever en matière de protection des ressources en eau, les approches centralisées et sectorielles se sont montrées insuffisantes (Vescovi, 2010). Pour contribuer à une gouvernance et une gestion plus durable de l’eau, les démarches intégrées, concertées et territorialisées ont progressivement pris une place non-négligeable dans les politiques publiques contemporaines. Ces instruments politiques, nécessaires à la cohérence d’actions envisagées par les acteurs de l’eau, se doivent d’évoluer à l’aide d’évaluations adaptées à ces variables caractérisant ce type de gouvernance (Rocle et al. 2011).

En 2002, le gouvernement du Québec officialise le nouveau cadre de gouvernance pour l’eau avec la Politique nationale de l’eau (PNE). Pour éviter une dynamique trop sectorielle entre l’ensemble des composantes rattachées aux ressources en eau, la gestion intégrée de l'eau par bassin versant (GIEBV) est sélectionnée comme mode d’opérationnalisation de cette politique publique (PNE, 2002). Misant sur le concept d’intégration et de bassin versant, ce type de gestion vise à limiter les pollutions situées sur l’ensemble d’un même territoire de l’eau dépassant les limites administratives. Plusieurs acteurs locaux d’horizons variés sont invités à participer à une démarche de concertation volontaire proposée par les organismes de bassins versants (OBV). Cette démarche de concertation permet d’intégrer les problématiques et les solutions rattachées aux spécificités des 40 zones territoriales de l’eau du Québec méridional. Ces notions sont ensuite inscrites dans chaque plan directeur de l’eau (PDE) pour chacune des 40 zones de gestion intégrée des ressources en eau (ZGIRE). Les actions issues de ce processus concerté peuvent être mises en œuvre par ces acteurs, une façon non coercitive de mobiliser et d’engager les acteurs pour protéger de manière individuelle et collective les ressources en eau.

Lorsque chaque intervenant agit dans son seul champ de compétence sans qu’aucun n’ait spécifiquement le mandat de gérer ou de coordonner les actions d’ensemble, il devient difficile de dresser un bilan des actions, des projets et des politiques mis en place par chacun. On gère alors des usages, des autorisations, des projets, mais non l’eau vue comme un tout (PNE, 2002 : 12).

À travers les années, la mise en place de la GIEBV au Québec a évolué au contact de la dynamique internationale, des actions politiques, scientifiques, professionnelles et citoyennes. Au niveau législatif, la Loi sur le Développement Durable (LDD) de 2006 est venue avec 16 principes clarifier le cadre légal en matière de protection de l’environnement et de l’eau (MELCC, 2019). Durant cette même année, la modification de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne affirme le droit de toute

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personne de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité (Stratégie québécoise

de l’eau, 2018 : 1). En 2009, La Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et favorisant une meilleure gouvernance de l’eau et des milieux associés officialise le concept de la GIEBV, définit un nouveau régime d’autorisation pour les prélèvements d’eau et sauf exception, officialise l’interdiction de transférer l’eau prélevée hors du bassin du fleuve Saint-Laurent (MELCC, 2019). Plusieurs années après l’adoption de ces lois pour la gestion environnementale québécoise, de nouvelles réformes continuent de préciser les attentes en ce qui concerne la protection de cette ressource. En 2017, la création de la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques affirme le principe d’aucune perte nette ainsi que la responsabilité des MRC à réaliser un Plan régional des milieux humides et hydriques (PRMHH) en consultation avec les acteurs du milieu, dont les OBV (MELCC, 2019). En 2018, la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) est modernisée pour bonifier le régime d’autorisation environnementale (MELCC, 2019). Durant cette même année, la Politique nationale de l’eau de 2002 est remplacée par un nouveau cadre de gestion : la Stratégie québécoise de l’eau 2018-2032 (MELCC, 2019). En parallèle de ces avancées, plusieurs études scientifiques québécoises, reflétant comme par exemple les avancées terrain des OBV, ont été réalisées de 2003 à 2017 sur

divers sujets reliés à la GIEBV. Celles-cipeuvent nourrir la réflexion et l’élaboration pour les nouvelles

politiques publiques. Ces ouvrages restent parfois trop peu mobilisés et l’un des objectifs du présent mémoire est de contribuer à les mettre en valeur. Au fil du temps, la GIEBV québécoise évolue vers des pratiques plus intégrées et durables pour éviter les impacts sur les ressources en eaux (Vescovi, 2010). À travers ce processus, les rôles des acteurs et les systèmes (politiques, économiques, environnementaux, sociaux) se redéfinissent, faisant éclore de nouvelles dynamiques, qui sont à la fois descendantes et ascendantes et, donc, complexes.

Bien que la GIEBV évolue et qu’elle permet d’éviter des conflits politiques et sociaux qui pourraient entraîner davantage la détérioration de l’eau, la dégradation des ressources est toujours bien présente (ROBVQ, 2019).

Cette coexistence d’une multitude de centres de décision peut conduire à des désaccords quant aux objectifs à poursuivre et aux usages à privilégier. Même lorsque les différents acteurs concernés se concertent, les conflits d’usage sur un même cours d’eau, lac ou nappe d’eau peuvent atteindre un degré de complexité tel qu’ils requièrent un arbitrage. Pour mieux coordonner les diverses actions, non seulement entre elles, mais en vue d’une véritable gestion intégrée de l’eau, une approche globale s’impose (PNE, 2002 : 11).

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À cet égard, suite à presque 20 ans d’existence de la PNE, il est pertinent de se demander si la gestion intégrée de l’eau par bassin versant (GIEBV) est véritablement intégrée.

Ce mémoire pose d’abord un regard synthèse autour du concept d’intégration de la GIEBV pour ensuite évaluer la Politique nationale de l’eau de 2002. Ce concept a été décliné en quatre grands types d’indicateurs : intégration verticale, intégration de la connaissance, intégration participative, intégration territoriale. Ceux-ci ont été sélectionnés pour faciliter la lecture de documents scientifiques ayant traités d’un aspect ou d’un autre de la gestion de l’eau au Québec. Une grille de collecte de données originale nous a permis de décliner ces quatre indicateurs avec les éléments soulevés dans notre corpus composé de 23 études scientifiques (essai, mémoires, thèses, articles scientifiques). Ces informations rassemblées sous forme de synthèse des connaissances, et classées par sous-thématiques et thématiques, nous ont permis de réaliser une évaluation de politique publique de la Politique nationale de l’eau (2002). Considérant que cette politique a été remplacée par la Stratégie québécoise de l’eau

(2018-2032)durant la période de notre recherche, une attention a été portée à ce nouveau

document-cadre de la GIEBV.

Cette recherche vise donc à interroger le corpus des travaux scientifiques réalisés sur la GIEBV québécoise pour saisir et pour renforcer l’opérationnalisation de ce concept d’intégration. Notre démarche de type exploratoire permettra d’exposer diverses pistes de réflexions et de solutions pour surpasser les problèmes actuels. Nous la souhaitons rassembleuse et utile à l’évolution de la GIEBV et de la gouvernance de l’eau au Québec.

Le mémoire est structuré en quatre chapitres. Le chapitre 1 présente l’évolution de la gestion intégrée de l’eau par bassin versant (GIEBV) et introduit les concepts, la problématique et les objectifs de recherche. Le chapitre 2 expose les rouages méthodologiques déployés pour réaliser la synthèse de connaissances et l’évaluation de politique publique. Le chapitre 3 présente les résultats de la synthèse de connaissances des textes scientifiques sélectionnés ainsi que l’évaluation de notre politique publique, soit la Politique nationale de l’eau. Au final, une conclusion permettra un récapitulatif de notre démarche ainsi qu’un rappel de nos résultats.

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Chapitre 1 - La GIEBV : Un processus en constante évolution

Dans ce premier chapitre, nous observerons l’historique de la gestion de l’eau au Québec, les concepts entourant la GIEBV ainsi que la problématique, les questions et les objectifs de notre recherche.

1.1 Une brève histoire de la gestion de l’eau au Québec

Dès le XIVe siècle, la révolution industrielle enclenche de grandes transformations économiques, sociales et environnementales dans les sociétés du monde (Anastakis, 2019). Interconnectée à ce processus historique, l’économie de marché, caractérisée par une croissance basée sur la compétition, l’offre et la demande, la production et la consommation, a influencée leurs pratiques (Daniel, 2008). Dans ce contexte, le Canada réalisera son chemin de fer pour accentuer l’exploitation et l’exportation de ces ressources naturelles (H. Marsh, 2009). Dans la constitution canadienne de 1867, les enjeux environnementaux sont d’ailleurs pratiquement absents (Nadeau, 2015 ; Baril, 2018) et dans celle de 1982, aucun pouvoir exclusif n’est attribué à l’un des deux paliers de gouvernement en matière environnementale et de gestion de l’eau (Halley et al. 2012 - in Brun et al. 2012). Au niveau fédéral, bien que plusieurs lois aient été mises en place pour protéger l’environnement et les ressources en eaux (Loi sur les ressources en eau, Loi sur la protection de l’environnement, Loi sur les pêches, etc.), divers secteurs d’activités de compétences fédérales affectent les ressources en eau (ports, transports interprovinciaux et internationaux d’énergie, etc.) (Nadeau, 2015). Le gouvernement du Québec est responsable de la gestion, de la conservation et de l’exploitation de l’eau dans son état naturel. Il peut légiférer en matière de ressources naturelles et plus précisément en matière de redevances, de terres publiques, de droits civils et de droits de propriété (Nadeau, 2015). Ceci étant dit, si une province exige des mesures de protection face aux impacts des activités étant sous juridiction fédérale, rien n’est assuré pour leurs acceptations (Baril, 2018). Pour leur part, les autres paliers politiques du Québec (ville, ville-MRC, MRC, CM) se sont vu attribuer d’importantes responsabilités d’usage et de protection de cette ressource : distribution d’eau potable, traitement des eaux usées, libre écoulement des eaux, etc. (Halley et al. 2012 - in Brun et al. 2012, Nadeau, 2015).

Un retour sur les étapes marquantes depuis les soixante dernières années amène à constater l’évolution des mesures en matière de gestion de l’eau au Québec ainsi que la dynamique sectorielle reliée aux ressources en eau.

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Pour poursuivre le processus entamé au début du XXe siècle en matière d’hygiène publique, les années 60 sont caractérisées par une responsabilisation accentuée de l’État québécois en matière d’épuration et en développement régional (Milot, 2009). La Régie d’épuration des eaux du Québec créé en 1961 expose dans son rapport de 1962 la nécessaire participation de tous les acteurs afin d’améliorer la situation dans le domaine des eaux usées (Émond, 2017). En 1965, la création de la Régie des eaux du Québec (REQ) vise pour sa part à assurer la qualité et la quantité des eaux, à réunir la législation de plusieurs ministères et à nommer le ministère des Affaires municipales comme principal responsable (Milot, 2008 - in Choquette et al., 2018). C’est en 1968 que le Québec met en place la Commission Legendre pour étudier le statut complexe de l’eau (Vérificateur général, 2013) et qu’un rapport sera publié quelques années plus tard pour exposer diverses mesures pour limiter les pratiques sectorielles de l’eau : statut juridique de l’eau, responsabilités accentuées de l’État, dissociation de l’eau de la propriété foncière, mise en place de la GIEBV, création d’un ministère de

l’eau, etc. (Milot, 2008 - in Choquette et al., 2008).L’évolution des régions du Québec est caractérisée

par une croissance démographique et par un développement économique qui, connexes aux pratiques en aménagement du territoire, ont impacté les dynamiques sociales et les ressources naturelles, dont l’eau. Le Bureau d’aménagement de l’est du Québec (BAEQ) est créé en 1963 pour élaborer un plan de développement pour le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie afin de diminuer les inégalités sociales et économiques. D’ailleurs, devant la compétition interurbaine pancanadienne, l’Office de planification et de développement du Québec (OPDQ) voit le jour en 1968 pour améliorer la situation socio-économique des régions (Bibeault, 2003 ; Milot, 2008). Pour un développement régional caractérisé par une meilleure qualité des eaux, une première expérience en aménagement intégré du territoire et de GIEBV se réalise avec le plan Yamaska de la fin des années 60 jusqu’au début des années 70. La rivière Yamaska est d’ailleurs sélectionnée pour son bassin versant situé entièrement sur le territoire

du Québec. En collaboration avec divers ministères, le Ministère des richesses naturelles a la

responsabilité d’orchestrer un plan modèle de GIEBV pour le Québec abordant l’approvisionnement, les inondations, les réglementations industrielles, la tarification, etc. (Bibeault, 2003 ; Lavigne 1973). Les années 70 sont caractérisées par de fortes préoccupations concernant la protection de l’environnement ainsi que par un renforcement des mesures reliées à la protection de l’environnement et à l’aménagement du territoire (Milot, 2009). En 1972, la conférence des Nations unies sur l'environnement, soit le colloque de Stockholm, propose une approche pour mieux lutter contre la pollution dont diverses mesures de protection de l’environnement pour les différents États du monde.

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Au Québec, diverses instances et outils sont d’ailleurs créés au fil de cette décennie pour mieux protéger l’environnement et mieux structurer le territoire dans une optique de développement durable : Ministère de l’Environnement, Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU), municipalités régionales de comté (MRC), Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE), programme d’assainissement des eaux du Québec (PAEQ), etc. En 1979, la Corporation de restauration de la Jacques-Cartier (CRJC) est également créée pour assurer une

gestion à l’échelle du bassin au-delà des frontières municipales (ROBVQ, 2019). En lien avec

l’aménagement du territoire, cette première initiative de gestion a comme objectif global de mieux protéger les ressources en eau et comme enjeu prioritaire, la réintroduction du saumon atlantique. Les années 1980 sont caractérisées par divers ajustements de gestion publique et pour que la gestion de l’eau s’inscrive davantage à l’aménagement du territoire et aux initiatives locales (Milot, 2008 - in Choquette et al. 2008). En 1980, le gouvernement adopte la Loi sur la société québécoise d’assainissement des eaux et en 1981, le Règlement provincial Q2-R22 du traitement des eaux usées des résidences isolées (MELCC, 2019). La Politique sur la protection des rives, du littoral et des plaines inondables (PPRLPI) de 1987 se met en œuvre à travers les schémas d’aménagement et de développement (SAD) des MRC et les règlements d’urbanisme (RU) des municipalités (MELCC, 2019). Durant cette décennie, réglementations et programmes en lien avec le secteur agricole ont vu le jour (Stratégie québécoise de l’eau 2018-2032). Plusieurs associations de lacs et organismes de bassins sont également créés : Assomption, Richelieu, Beauport, etc. (Milot, 2018).

La décennie 90 est également chargée en actions gouvernementales, en réflexions internationales sur l’environnement et en participation de la société civile. D’abord, la réforme Ryan vise un nouveau partage des responsabilités entre le gouvernement québécois et le palier municipal en matière de voirie, transport et sécurité publique (Bilan du siècle, 2019). En 1992, le concept du développement durable (DD) est adopté lors de la Déclaration de Rio. La même année, la conférence de Dublin sur l’eau est organisée et le Québec signe la Charte d’adhésion au Réseau international des organismes de bassin pour la gestion intégrée par bassin. En 1994, une refonte relative au droit privé du Code civil est réalisée entre autres sur la question de propriété. Durant cette même année, le PAEQ est remplacé par le programme d’assainissement des eaux municipales (PADEM) afin qu’une grande partie de la population puisse avoir un traitement pour ses eaux usées (MELCC, 2019). Les inondations du

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Symposium sur la gestion de l’eau en 1997 se penche sur la privatisation de la ressource et sur l’adoption d’une future politique publique de gestion de l’eau pour le Québec. Sur ces sujets, une importante réflexion sera d’ailleurs entamée avec la Commission Beauchamp (BAPE, 2000). Durant cette décennie, d’autres organisations sont créées, dont le Comité de bassin de la rivière Chaudière (COBARIC) afin de suggérer une organisation de GIEBV pour le Québec (Milot, 2008 ; ROBVQ, 2019). Les années 2000 sont caractérisées par des catastrophes relatives à la qualité de l’eau potable, à la santé publique et par une importante volonté politique d’adopter une approche de gestion structurante pour l’eau. En effet, la population de Walkerton en Ontario est frappée par l’épidémie de la bactérie E. coli provenant des eaux usées d’une ferme à proximité des puits individuels (Agence de santé publique du Canada. 2000: 171; in Talbot, 2008). Au Québec, la contamination d’une source d’eau potable par du trichloréthylène de la base militaire de Valcartier a provoqué une onde de choc (OBV de la capitale, 2019). En 2000, le BAPE rend public le rapport Beauchamp qui recommande d’adopter une politique nationale de l’eau qui mise sur la GIEBV, de réaliser une loi-cadre sur l'eau, d’adopter un système de redevances sur les prélèvements d'eau et les rejets, etc. (BAPE, 2000). Devant la possibilité de l’exportation en vrac de l’eau, on adopte en 2001 la Loi visant la préservation des ressources en eau (LPRE) (Halley et al., 2012) et le Règlement sur la qualité de l’eau potable (RQEP). Pour plus de protection, le Règlement sur le captage des eaux souterraines (RCES) de 2002 sera remplacé par le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) (MELCC, 2019).

En somme, des années 1960 aux années 2000, le Québec a établi de grands fondements de sa structure de gestion de l’eau. Le gouvernement du Québec a été un acteur de premier plan pour inscrire des principes de gestion forts (protection, préservation, accès à l’eau pour tous, etc.). Cela dit, même après l’adoption de lois et de l’adhésion à des valeurs et à des réseaux reconnus privilégiant la gestion à l’échelle du bassin versant, les modalités de gestion restent fragmentées au sein du territoire québécois. Les défis liés à l’occupation du territoire teintent la mise en œuvre de la gestion de l’eau. En outre, la préservation de la qualité de l’eau potable apparaît toujours menacée. C’est dans un contexte qui est caractérisé selon Vescovi (2010) par un manque d’intégration que le Québec adoptera en 2002 la Politique nationale de l’eau (PNE) pour « assurer la protection de cette ressource unique, de gérer l'eau dans une perspective de développement durable, de s’assurer, ce faisant, de mieux protéger la santé publique et celle des écosystèmes. » (MELCC, 2019). La section suivante précise le sens que l’on donne ici aux concepts fondamentaux reliés à la gestion intégrée de l’eau québécoise.

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1.2 Concepts

Plusieurs concepts sont centraux pour notre réflexion sur l’eau et sa gestion intégrée. C’est le cas de

la gouvernance de l’eau au Québec,la gestion intégrée des ressources en eau nommée GIRE, la

gestion intégrée de l’eau par bassin versant nommée GIEBV et l’intégration. Gouvernance de l’eau au Québec

La notion de gouvernance est introduite dès les années 1970 et 1980 par les approches managériales de gestion. Elle invite à revoir la gestion de l’État qui peine à faire face aux défis sociaux, économiques et environnementaux (Milot, 2009), une difficulté qui impacte sa légitimité (Hamel et al., 2006). La gouvernance correspond à une approche décentralisée, territorialisée et collaborative (Gagnon, 2010) tout en étant le signe que l’action publique ne peut plus se faire de la même manière : « Dans un monde d’organisations où les ressources, le pouvoir et l’information / connaissance sont vastement distribués entre plusieurs mains, personne ne peut plus imposer autocratiquement sa gouverne. » (Paquet, 2011 : 3). Les gouvernements n’ont plus le monopole lors de l’élaboration de politiques publiques (Teasdale, 2010), aucun acteur ne peut remplir seul le rôle de gestionnaire et faire face aux demandes variées (Milot, 2009; Paquet, 2011). La gouvernance se présente comme une réponse aux défis des sociétés caractérisés par une multiplication de groupes et d’intérêts. Pour évoluer vers des buts communs (Lascoumes et al, 2007), la gouvernance mise sur l’expérimentation, le développement de connaissances et l’amélioration des pratiques en continu (Gagnon, 2010). Pour la gouvernance :

On y retrouve les lois, les politiques, les plans et les programmes définis par les agences publiques, de même que les normes construites et partagées dans une communauté (croyances, valeurs, représentations) (…) Ainsi, la gouvernance peut être comprise comme l'ensemble des institutions encadrant le rapport entre les individus, les collectivités et la ressource eau, de même que les processus de définition et de mise en œuvre de celles-ci (Milot, 2009 : 33).

Si la gouvernance est un synonyme du partage des rôles et des responsabilités, elle peut également correspondre, lorsqu’associée à la gestion de l’eau, à un mode particulier de gestion. En effet, bien qu’elle puisse référer à la gouvernance de l’eau à l’échelle nationale, elle peut également être traitée pour les instances de concertation de l’OBV ainsi que pour la mise en œuvre. François Anctil souligne toutefois une distinction entre le concept de gouvernance et celui de gestion (Anctil, 2016). Il avance que la gouvernance repose sur un large processus administratif incluant différentes institutions et

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Le gouvernement au Québec définit sa gouvernance de l’eau comme étant : « Un processus interactif de prise de décisions et d’actions entre l’ensemble des acteurs de l’eau (du privé, du public et des citoyens) dans l’environnement politique, social, économique et administratif propre à un territoire donné. » (PNE, 2002 : 6). Selon François Anctil, la gouvernance de l’eau au Québec se base sur un large processus allant des institutions gouvernementales, aux structures organisationnelles de l’eau jusqu’aux canaux informels (Anctil, 2016). La gouvernance de l’eau au Québec se base donc également sur la gouvernance locale des organismes de bassin versant (OBV) qui offre une flexibilité d’actions et reflétant la singularité des territoires pour assurer la GIEBV (Gagnon, 2010). En ce sens, il mentionne : « La PNE, s’inscrivant sous un principe de gouvernance, veut que le gouvernement sollicite la création d’OBV assurant la gestion intégrée de l’eau. » (Gagnon, 2010).

Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE)

La GIRE est un concept utilisé autant pour définir la gouvernance de l’eau que la GIEBV. Concept empirique, peu d’acteurs remettent en cause la définition générale du Partenariat mondial : « Un processus qui favorise le développement et la gestion coordonnée de l’eau, des terres et des ressources connexes, en vue de maximiser, de manière équitable, le bien-être économique et social en résultant, sans pour autant compromettre la pérennité d’écosystèmes vitaux. » (Partenariat mondial de l’eau, 2017 : En ligne). La définition de la GIRE, qui ne fait donc pas de distinction entre la gouvernance et la gestion, est un processus itératif qui s’adapte aux réalités économiques, sociales et environnementales (Environnement Canada, 2019). Impliquant la participation de divers acteurs, la

GIRE est décrite comme un processu d’apprentissage en continu : « Much like the concept of

sustainability, IWRM is not an end state to be achieved, it is a continuous process of balancing and making trade-offs between different goals and views in an informed way. » (Medema et al., 2008 : En ligne). Ceci étant dit, Asit K. Biswas soulève que plusieurs se réclament de pratiquer la GIRE sans

pourtant vraiment appliquer ses principes (Biswas, 2004 : 251).

La GIRE au Québec inclue les zones de gestion actuellement délimitées pour la gestion de l’eau, dont celles du Saint-Laurent : « À l’échelle locale et régionale, le Québec a instauré le processus de gestion intégrée des ressources en eau dans les bassins versants du Québec méridional et sur le Saint-Laurent » (MELCC, 2020). La GIRE fait premièrement référence aux 40 organismes de bassin versant (OBV), qui sur leur zone de gestion intégrée des ressources (ZGIRE) du territoire méridional du Québec, sont responsables de réaliser un plan directeur de l’eau (PDE). La GIRE du Québec fait également

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référence aux 12 tables de concertation régionale (TCR) devant réaliser des plans de gestion intégrée régionaux (PGIR) pour les zones reliées au tronçon fluvial du fleuve Saint-Laurent (estuaire et golfe). Ces 52 organismes impliqués sur les zones nommées zone de gestion intégrée de l’eau (ZGIE), sont responsables d’instaurer une gestion de l’eau à l’intérieur de leur zone territoriale et avec leur document respectif qui vise à rassembler : « l’information nécessaire à la compréhension des problématiques et des enjeux associés à la zone de gestion concernée. » (MELCC, 2020).

Gestion intégrée de l’eau par bassin versant (GIEBV)

Reliée aux institutions gouvernementales, la GIEBV est basée sur un processus décentralisé et trans-sectoriel où les acteurs sont amenés à définir ensemble les actions reliées aux enjeux régionaux et locaux pour protéger les ressources en eau. Le gouvernement du Québec avance :

La gestion par bassin versant vise la concertation de l’ensemble des acteurs de l’eau concernés. Elle permet d’assurer une meilleure intégration des multiples intérêts, usages, préoccupations et moyens d’action des forces vives du milieu, dans une perspective de développement durable. Ce type de gestion devrait conduire à la mise en œuvre de solutions plus efficaces et, par conséquent, à une amélioration de la santé des cours d’eau, des lacs et des écosystèmes qui y sont associés (Cadre de gestion 2004 - Gestion intégrée de l’eau par bassin versant au Québec : 17-18).

Pour trouver des solutions adaptées aux impacts sur les ressources, la gouvernance de l’eau s’opérationnalise par la GIEBV (Anctil, 2016). À travers une vision de DD, la GIEBV vise à résoudre concrètement les problèmes touchant les ressources en eau (Vescovi, 2010). Ce processus de gouvernance locale de l’eau, à l’échelle des ZGIRE et basé sur une concertation volontaire qui intègre

les intérêts, ressources et contraintes des acteurs. (MELCC, 2019). La GIEBV rassemble donc des

acteurs aux intérêts convergents ou divergents afin qu’ils se concertent sur les usages à privilégier et sur les actions à entreprendre. Nancy Émond souligne que : « La mise en œuvre de la GIEBV devrait toutefois prendre en considération le système d’acteurs qui existe et sa dynamique (Grandgirard, 2007) et composer avec les relations et les jeux de pouvoir existants (Aubin, 2007) » (Émond, 2017 : 17). Inscrit dans la GIEBV, le concept de bassin versant est défini par le MELCC comme : « Un territoire délimité par les lignes de partage des eaux sur lequel toutes les eaux s’écoulent vers un même point appelé exutoire » (MELCC, 2019). Incluant les lacs, les rivières, les milieux humides et les nappes phréatiques, un bassin versant est donc davantage considéré comme un volume d’espace pour être subdivisé en différents sous-bassins versants (Gangbazo, 2004). La Stratégie québécoise de l’eau

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surface s’écoulent naturellement vers un même point appelé « exutoire du bassin versant » (Stratégie québécoise de l’eau 2018 : 3). Au-delà de son réseau hydrique spécifique, chacun de ces bassins est caractérisé par diverses spécificités biologiques, urbanistiques, etc. (Émond, 2017).

Chaque modèle de GIEBV dans le monde existe en fonction de son contexte historique, culturel, géographique, économique et politique (Émond, 2017). Au Québec, « La complexité du problème et les multiples sources possibles de contamination au phosphore (municipalité, agriculture, villégiature, etc.) ont contribué à la promotion de la GIEBV... » (Milot et al. 2010 : 98). À l’échelle locale et régionale, ce type de gestion ascendante, avec un État devant déployer les outils nécessaires (Gagnon, 2010), s’inscrit dans une perspective de développement durable (Vescovi, 2010), de concertation et de participation d’acteurs : publics (gouvernement fédéral et provincial, municipalités, MRC, CM) ; économiques (agriculteurs, forestiers, industriels) ; communautaires (groupes environnementaux, associations de riverains) ; Premières Nations; citoyens (Stratégie québécoise de l’eau, 2018). Sélectionnés pour la GIEBV au Québec, les OBV sont des organismes à but non lucratif (OBNL) subventionnés et désignés par le gouvernement avec le mandat de promouvoir également la GIRE, favoriser la concertation entre les nombreux acteurs pour réduire les conflits autour d’enjeux et usages de l’eau et d’inclure la population (informer, mobiliser, consulter, sensibiliser) (MDDEFP, 2012 ; Vescovi, 2010). Un grand nombre d’équipes permanentes des OBV travaillent avec une table de concertation (TC) représentative des acteurs du milieu, et donc séparée de leur conseil d’administration (CA), pour la réalisation d’un plan directeur de l’eau (PDE) (MDDEFP, 2012). Ce PDE représente un portrait territorial, diagnostic, enjeux, orientations, objectifs, actions et échéancier. Il constitue un outil de planification non-obligatoire pour déployer la GIEBV. Les OBV œuvrent donc à une vision de planification, à l’accompagnement d’actions volontaires d’acteurs concertées et qui évoluent dans un contexte territorial distinct : superficie, bassins versants, ressources, frontières (locales, nationales, internationales), régions, MRC, municipalités, Premières Nations, population (Laberge & al, 2011) et selon diverses utilisations (foresterie, agriculture, industrie, tourisme, hydroélectricité, résidentielle, etc.) (Émond, 2017). Pour la GIEBV, Nancy Émond avance que le modèle québécois se qualifie :

(…) d’intégration expérimentale institutionnalisée, fort de son partage d’intérêt et d’information, de sa loyauté envers les institutions, de son intégration de type stratarchique, mais problématique de par la forte ambiguïté régnant sur l’idée d’acteur entraînant alors des identités localement différencier, mais institutionnellement isomorphes, et freinant par conséquent le développement d’actions collectives nécessaires pour assurer l’avenir de la GIEBV (Émond, 2017 : 211).

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La difficulté de réaliser la GIEBV a été soulignée par plusieurs auteurs. Nancy Émond le souligne dans sa thèse : « la GIEBV est un concept flou (De la Porte, 2007; Tremblay, 2010; Agyenim, 2011), une approche complexe (Kidd et Shaw, 2007), traversée par des tensions dialectiques entre l'intégration et la régulation partielle et sectorielle (Bibeault, 2003), et difficile à opérationnaliser (Formiga Johnsson, 2001; Lloyd et coll., 2005; Fourneaux, 2009; Saunders, 2012). » (Émond, 2017 : 17).

Intégration

Le terme intégration est abordé avec certaines variables selon la source consultée. Luc Vescovi (2010) ressort trois définitions de base du concept d’intégration du Petit Robert. L’intégration peut correspondre à : « (1) l’établissement d’une interdépendance plus étroite entre les parties d’un être vivant ou les membres d’une société » (Vescovi, 2010 : 5 ; in Petit Robert, 1993). Elle peut aussi renvoyer selon lui à la « (2) Coordination des activités de plusieurs organes nécessaires à un fonctionnement harmonieux ». L’intégration est aussi le fait de « (3) Tenir compte de… ».

Pour Nancy Émond (2017), le verbe intégrer signifie : « rendre entier » (Émond, 2017 : 33). Il devient ainsi synonyme d’inclusion et de perspective globale. Pour la sociologue, intégrer veut également dire : « participer à la construction d’un ensemble créé à partir de divers éléments. » (Émond, 2017 : 33). Considérant que l’intégration est un sujet d’étude sociologique et qu’il faut comprendre l’intégration comme une interaction entre acteurs, elle définit l’intégration comme : « Un processus, un ensemble de relations réciproques, et donc d’interactions, possibles sur la base d’un partage de principes communs et engageants toutes les composantes d’un système d’action. » (Émond, 2017 : 25). Rocle, Latte, Denis et Henocque (2011) abordent eux aussi l’intégration comme un processus réunissant divers acteurs en cherchant à bien considérer un ensemble de dimensions pour assurer la clarté de la démarche. Une notion intéressante de la position de ces auteurs français est, selon nous, d’ajouter à la dimension intégrée de la gestion de l’eau une considération territoriale :

(…) l'intégration comme un « processus dynamique et ouvert qui réunit des acteurs d’origines et d’intérêts divers pour réfléchir, mettre en place et suivre une politique d’usage raisonné et raisonnable des ressources dans un domaine donné en prenant en compte les interactions sociales et naturelles existantes, sous contraintes de réduction de la complexité et des incertitudes » (ibid., p.65). Cette définition mérite cependant d'être complétée par une référence explicite au territoire, car il s’agit bien, dans l’action publique contemporaine, d’intégration des politiques publiques à l’oeuvre sur un territoire donné (Rocle et al., 2011 : 4).

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Gangbazo (2004) va dans le même sens que Rocle et al. (2011), en soulignant l’interaction entre les systèmes, dont ceux qui marquent le territoire : « La notion d’intégration en matière de gestion intégrée de l’eau par bassin versant souligne la nécessité de prendre en compte toutes les composantes du cycle de l’eau, ainsi que les interactions entre les systèmes naturels et les systèmes humains. » (Gangbazo, 2004 : 9).

L’intégration se présente donc comme un défi complexe qui requiert une liaison des composantes biophysiques aux composantes de nature environnementale et socioéconomique (Vescovi, 2010). Le principe d’intégration reconnaît également que l’eau est nécessaire à de nombreuses fins et liée à divers services et fonctions (Gangbazo, 2004). L’intégration de la GIEBV sous-entend alors une coordination à la fois verticale et horizontale, car elle favorise une inclusion d’une vision d’un grand nombre d’acteurs, de décisions à l’échelle locale et régionale, de la prise en compte des besoins de la population, une collaboration qui s’inscrit dans un partage du pouvoir entre les diverses échelles :

Une telle approche de gestion va de pair avec une modification dans la gouvernance de l'eau, l'État étant alors appelé à décentraliser une partie de ses pouvoirs et de ses responsabilités vers des collectivités régionales. En retour, l'État doit assumer de nouvelles fonctions quant au soutien de ces collectivités afin qu'elles aient les ressources financières et humaines nécessaires pour exécuter leurs nouveaux mandats (Gangbazo, 2004 : 11).

L’objectif est donc de faire une gestion de l’eau de manière intégrée, concertée et responsabilisée pour tenir compte de l’ensemble des activités et pour bien passer à l’action afin d’éviter de trop impacter la qualité et la quantité de la ressource sur un même territoire. Comme le souligne Émond (2017), l’intégration peut d’ailleurs être considérée à la fois comme une manière de faire et comme une réponse aux défis organisationnels de la gouvernance. Elle est une approche qui devient une solution. Contrairement à l’approche sectorielle, l’approche intégrée de la GIEBV offre certains avantages pour la collaboration et pour renforcer la cohérence des actions gouvernementales (Vescovi, 2010 ; Émond, 2017). À l’échelle des municipalités, l’approche intégrée permet une réduction des coûts de traitement de l’eau, de limiter les inondations, etc. (Gangbazo, 2011). Cela dit, il apparaît encore ardu d’opérationnaliser cette intégration souhaitée. Gangbazo soulignait déjà, en 2004, que l’objectif de gestion intégrée requiert d’établir dès le début de chaque démarche le fondement des opérations :

(…) l'adoption de ce type de gestion demande que les éléments qui feront l’objet d'une intégration soient expressément déterminés et exprimés en termes de défis clairs et pertinents pour l'organisme. Ces défis, de même que les orientations et les objectifs qui en découleront, devront

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ensuite être pris en compte dans tout le processus de planification et de mise en œuvre de la gestion intégrée de l’eau par bassin versant (Gangbazo, 2004 : 9).

Au plan technique, Gangbazo avance que le concept intégré de la GIEBV relié à la gouvernance de l’eau au Québec doit prendre en compte les éléments suivants : (1) toutes les composantes du cycle de l’eau et (2) les interactions entre les systèmes naturels et les systèmes humains (Gangbazo, 2011). Plus précisément, cela correspond : (1) des terres et de l’eau ; (2) des eaux de surface et des eaux souterraines ; (3) des intérêts des acteurs de l’eau ; et à la (4) coordination entre les différentes institutions (gouvernements nationaux, ministères, MRC, villes, secteurs publics et privés, etc.) qui ont des responsabilités dans le domaine de l’eau (Gangbazo, 2011). Selon Biswas (2004), l'intégration ciblée est celle des différents usagers, des demandes en eau, de l’enjeu de la disponibilité en eau, des différentes ressources, des sphères institutionnelles, des échelles décisionnelles et des divers objectifs (économiques, de développement, de conservation environnementale, etc.). Pour l’auteur, il y aurait quelque 41 éléments à intégrer. Nancy Émond (2017) distingue pour sa part quatre principaux types d’éléments à intégrer : (1) processus ; (2) moyens ; (3) acteurs ; (4) résultats. Selon elle, les institutions et les acteurs sont les éléments à être intégrés et parmi ces derniers, les municipalités, les organismes locaux et les acteurs économiques sont les principaux. Elle résume l’intégration aux trois i : institutions, intérêts, information, ou de façon plus large, aux cinq i : institutions, intérêts, information, idée, identité (Émond, 2017).

L’approche écosystémique constitue l’approche clé d’intégration pour la GIEBV (Gangbazo, 2004). Selon le cadre de référence pour les OBV prioritaires de 2004 (remplacé en 2012), les activités humaines font partie des écosystèmes. On y mentionne que cette approche écosystémique vise à intégrer les objectifs environnementaux, sociaux et économiques. Pour y arriver, il s’agit d’acquérir une connaissance approfondie des rapports qui existent entre les activités humaines et les écosystèmes pour faciliter les choix de gestion. Dans une perspective de DD, cette approche permet d’adhérer à un ensemble de valeur dans une optique de gestion intégrée des ressources en eau. Avec les connaissances et outils nécessaires, l'élaboration et l'application d'une approche écosystémique consistent à considérer l'écosystème de manière tout entière et mieux cibler les objectifs dans la GIEBV (Auger et al., 2004). Le plan directeur de l’eau (PDE) réalisé dans une approche concertée permet de mettre à jour, avec les acteurs impliqués, les éléments reliés à cette approche écosystémique. Le PDE est l’outil privilégié d’intégration pour permettre l’opérationnalisation de la gestion intégrée de l’eau par

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1.3 Problématique

Plusieurs travaux ont abordé la définition théorique de l’intégration et ce à quoi elle réfère quand il est question de gestion de l’eau intégrée par bassin versant (GIEBV). Dans le contexte québécois, il est désormais possible d’avoir une idée plus précise de la démarche à entreprendre, des approches à privilégier, des outils à mobiliser et des acteurs à interpeler pour répondre aux objectifs de ce type de gestion intégrée. Malgré des avancées et évolutions indéniables, il apparaît encore difficile de mettre en œuvre la GIEBV. Cela est notamment dû à la complexité de réaliser une réelle intégration.

En 2019, la PNE aurait eu 17 ans, car cette politique publique a été remplacée en 2018 par la Stratégie québécoise de l’eau (2018-2032). Plusieurs auteurs abordent la question de la gestion intégrée et soulignent que malgré les intentions de gérer la ressource de manière intégrée, par bassins versants et de tendre vers un développement durable, la gouvernance de l’eau au Québec est encore trop hiérarchisée, centralisée, sectorielle et soumise à des dynamiques de compétition. Plusieurs études scientifiques ont été réalisées : études de cas (Banville, 2006; Vachon, 2004), analyses de dimensions instrumentales et procédurales (Brun et Lasserre, 2006; Prévil et al., 2004), des analyses factuelles des impacts de la GIEBV de manière générale ou sur un secteur d'activité ou groupe particulier (D. Tarte, 2015), etc. On souligne les difficultés et on cherche à en connaître les sources. Pour bien mettre en perspective la complexité de la mise en œuvre de la GIEBV, George Gangbazo rappelle que :

Si elle paraît relativement simple au premier abord, la mise en œuvre de la notion d'intégration engendre de nombreuses ramifications qui peuvent devenir rapidement difficiles à circonscrire et à gérer. Compte tenu du caractère ambitieux d’une pleine intégration, peu d’organismes, sinon aucun, ne peut prétendre réaliser une gestion intégrée de l'eau au sens large du terme. Au contraire, faute d'en avoir défini la portée, la majorité des organismes, gouvernementaux ou non gouvernementaux, en évoquent le principe sans en préciser les implications concrètes (Gangbazo 2004 : 9).

Déjà en 2003, Jean-François Bibeault souligne l’intérêt de faire le point sur les avancées et les ratés : « On est en droit de se questionner sur l’applicabilité d’un tel projet politique et technique qui vise à articuler de manière cohérente et fonctionnelle la gestion d’une multitude de problèmes d’utilisation de l’eau à partir d’une approche générale capable d’optimiser l’ensemble des usages et bénéfices leur étant associés » (Bibeault, 2003 : 390). Un peu dans le même sens, Medema et al. (2008), mentionnent que la tâche de mise en œuvre de la GIEBV en est une d’ampleur. Ils invitent à réfléchir sur les problématiques clairement soulevées, voir une analyse des échecs, mais également sur les ressources à déployer pour une telle gouvernance :

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Reforming entire governance systems is a significant and costly task and one that requires as necessary preconditions a robust statement of failure in existing arrangements and an as-yet unknown causal theory of governance arrangements and natural resource management outcomes. It is not clear from the literature that sufficient “failures analysis” has been undertaken to show that existing water resource issues are a direct consequence of the way in which current governance operates. Such a lack of a sound case for reform could well be an underlying barrier to implementation (Medema et al., 2008 - Site Internet).

C’est dans cette perspective que s’inscrit le présent mémoire. Où en sommes-nous au Québec face à la notion d’intégration de la gestion intégrée de l’eau par bassin versant (GIEBV) reliée à une gouvernance de l’eau qui s’inscrit à l’échelle locale, régionale, mais également à l’échelle nationale. Pour répondre à cette question, nous proposons comme problématique une lecture de la gouvernance, comprise comme un mode d’interaction et de partage des rôles et des responsabilités entre institutions et divers acteurs de l’eau, combinée à une lecture d’une gestion durable de l’eau sur la base du bassin versant. Afin de comprendre pourquoi et comment la GIEBV peut évoluer vers une gouvernance plus intégrée et durable de l’eau, il nous apparaît essentiel de dresser le bilan de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas dans sa mise en œuvre, mais également des pistes possibles pour améliorer la situation. Les deux approches retenues pour ce faire sont celles d’une synthèse des connaissances scientifiques produites sur le sujet de la gestion de l’eau québécoise ainsi qu’une évaluation de politique publique sur les deux principaux documents-cadres de la GIEBV au Québec, soit la Politique nationale de l’eau (2002) qui a été remplacée par la Stratégie québécoise de l’eau (2018-2032).

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1.4 Questions de recherche

Question principale de recherche

Pourquoi et comment la gestion de l’eau par bassin versant comme approche de gouvernance peut-elle être davantage intégrée ?

Sous questions de recherche

(1) Quels sont les problèmes récurrents en matière d’intégration dans la littérature ?

(2) Quelles sont les propositions qui convergent et qui divergent dans la littérature en ce qui concerne l’intégration de la GIEBV et de la gouvernance de l’eau au Québec ?

(3) Comment les pistes de solution éclairées par les auteurs s’articulent-elles avec la PNE (2002) et avec la Stratégie québécoise de l’eau (2018-2032) ?

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1.5 Objectifs

Au cours de notre recherche exploratoire, nous avons considéré important de se questionner principalement sur « pourquoi » et « comment » la GIEBV était et devait être intégrée. Il est avancé que « plus il y a d’indétermination et d’ambiguïté dans le contenu de la PNE plus la mise en œuvre de la GIEBV sera différenciée. » (Émond, 2017 : 47).

L’objectif de ce mémoire est d’analyser comment a été réalisée l’intégration jusqu’à maintenant et de

saisir l’évolution possible d’une gestion plus intégrée de l’eau au Québec.Pour observer et comprendre

l’application d’une gouvernance de l’eau plus intégrée, plus participative et plus durable qu’il y a 17 ans, c’est à la lumière d’une littérature sélectionnée que nous soulèverons pourquoi et comment la gouvernance de l’eau du Québec pourrait être plus intégrée. Il s’agira donc d’exposer certaines pistes de solution afin d’améliorer l’application du concept d’intégration de la GIEBV interrelié à la gouvernance de l’eau au Québec. Ce mémoire a comme objectif complémentaire de mettre en relation et en valeur les travaux scientifiques réalisés depuis 15 ans (de 2003 à 2017) sur l’objet commun que constitue la GIEBV, qui étant associés à différentes disciplines et sphères d’activités, ont parfois du mal à s’intégrer. Ainsi, ce mémoire cherche ainsi à atteindre un double objectif d’intégration : Une intégration des perspectives disciplinaires autour d’un même objet qui permet d’éclairer les éléments de la GIEBV et les recommandations d’actions à considérer pour bonifier ce type de gestion intégrée. Le travail nous amène donc à faire, à partir de notre synthèse de connaissances, une évaluation de politique publique pour constater à quel niveau les contraintes et pistes de solution sont concordantes avec la PNE de 2002 et la Stratégie québécoise de l’eau 2018-2032. Pour le futur, il sera possible, avec une vision partagée entre l’ensemble des acteurs et appuyée par une volonté politique gouvernementale, d’utiliser les propositions issues de cette synthèse et évaluation pour améliorer la nouvelle Stratégie québécoise de l’eau (2018-2032).

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Chapitre 2 - Stratégie de recherche et méthodologie

Pour notre stratégie de recherche et méthodologie, nous observerons d’abord l’exploration préliminaire et notre type d’approche. Nous exposerons ensuite ce qu’est une politique publique ainsi que l’analyse et l’évaluation de politique publique. Les quatre grands indicateurs de notre recherche seront expliqués. Nous présenterons finalement notre méthode pour la récolte et l’analyse de nos données.

2.1 Exploration préliminaire

Une analyse documentaire a d’abord permis d’observer l’historique et de définir les différents concepts reliés au sujet principal de notre étude, soit l’intégration de la GIEBV. Le choix de quatre indicateurs (intégration verticale, intégration de la connaissance, intégration participative, intégration territoriale) vise la mise en place d’une approche inductive pour la collecte des composantes soulevées par les auteurs scientifiques sélectionnés pour cette étude. Pour exploiter nos résultats, une méthodologie spécifique, soit la synthèse des connaissances et l’évaluation de politique publique, a été sélectionnée.

2.2 Type d’approche

Pour questionner la GIEBV, diverses approches ont été appliquées par les chercheurs au cours des deux dernières décennies, avec une prépondérance marquée d’enquêtes qualitatives par entretiens semi-directifs. À titre d’exemple, Poupier (2010) et Milot et Lepage (2010) procèdent de manière qualitative en réalisant des entretiens semi-directifs, la première auprès de gestionnaires pour connaître leur utilisation des connaissances scientifiques et les seconds auprès d’intervenants des OBV pour saisir le mode d’opération dans ces organisations. Émond (2015) a combiné le recours à un questionnaire avec la conduite d’entretiens semi-directifs pour faire l’évaluation de la mise en œuvre de la GIEBV. Il nous apparaît, à la suite de ces travaux, qu’une approche purement quantitative ne permettrait pas de parvenir à notre fin, soit de faire une synthèse des connaissances et une évaluation de la situation quant au caractère intégré de la gestion de l’eau tout en respectant les nombreuses idées des textes sélectionnés. Nos quatre types d’indicateurs, pour leur part, nous le permettront, de manière qualitative et inductive. À la différence des travaux mentionnés plus haut, nous choisissons de porter notre regard à une autre échelle, soit celle de l’ensemble du paysage des études menées par les chercheurs sur la GIEBV québécoise. Nous choisissons, pour mener à terme notre synthèse des connaissances et notre évaluation de politiques publiques, de nous en remettre à des sources produites par des chercheurs et qui sont reliées à ce sujet de cette politique publique qu’est la Politique nationale de l’eau de 2002.

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2.3 Politique publique

Selon le Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé (CCNPPS), une politique publique est un document qui : « (…) désigne une action ou un ensemble d’actions stratégiques mené par une autorité publique afin d’atténuer ou de favoriser certains phénomènes se manifestant dans la population. » (CCNPPS, 2010 : 3). Ceux qui sont en autorité la choisissent pour régler un ou plusieurs problèmes (Paquin et al. 2010). La politique publique présente : « la vision d’un enjeu susceptible d’une action publique et accessoirement les aspects légaux, techniques, pratiques et opérationnels de cette action » (Turgeon et Savard, 2012 : 1). Sabatier et Schlager (2000) avancent qu’une politique met de l’avant des orientations, l’autorité de l’État ainsi que les responsabilités des différents acteurs (Émond, 2017). En ce sens, Muller (1990) souligne cinq éléments qui composent une politique publique : « ensemble de mesures concrètes, décisions de nature autoritaire, cadre général d’action, un public ou une cible, des objectifs ou des buts à atteindre. » (Fourneau, 2009 : 35). Dans une optique évolutive, elle est considérée comme un document « où sont sédimentés des instruments, des contenus, des idées, des acteurs, des moyens et des organisations toujours susceptibles d’être réagencés » (Lascoumes et al. 2012 - in Émond 2017 : 48).

La principale politique publique qui a permis d’agir globalement sur les problématiques de la gouvernance et de la gestion intégrée de l’eau au Québec est selon nous la Politique nationale de l’eau (PNE) de 2002. C’est elle que nous retenons pour notre étude. Nancy Émond (2017) avance d’ailleurs que la PNE est la politique constitutive de la GIEBV. Selon la sociologue : « pour l’État québécois, la raison d’être de l’adoption de la PNE réside dans le besoin de se donner une vision globale de la gestion des ressources en eau. » (Émond, 2017 : 95). Avec cette politique publique, le Québec affirme sa volonté de renforcer son approche dans le domaine de la gestion intégrée de l’eau. Pour guider les actions gouvernementales, on retrouve dans cette politique trois enjeux, cinq orientations, 16 axes d’interventions et 57 engagements gouvernementaux ainsi que plusieurs résultats attendus (PNE, 2002). Cette politique publique est connectée à un éventail de lois et à un grand nombre d’acteurs. La PNE de 2002 a donc mis les bases de la GIEBV pour considérer les réalités locales et l’implication des divers acteurs de l’eau et des citoyens. Cela fait d’elle un objet d’analyse des plus pertinent et des plus riche. En raison que cette politique vient d’être remplacée par la Stratégie québécoise de l’eau 2018-2032, le pont qui sera fait avec ce nouveau cadre de l’eau accentue l’intérêt que l’on peut porter à notre démarche.

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2.4 Analyse de politique publique

Stéphane Paquin, Luc Bernier et Guy Lachapelle avancent que : « L’analyse des politiques publiques représente l’étude de l’action de l’État dans la société. » (Paquin et al. 2010 : 7). Ils mentionnent d’ailleurs que « L’analyse des politiques publiques a une double fonction : mieux comprendre les interventions de l’État dans la société et proposer des moyens pour les améliorer. » (Paquin et al. 2010

- Quatrième de couverture).Il s’agit donc d’expliquer comment fonctionne la politique et d’évaluer son

contenu pour l’améliorer. Elle est également une approche qui consiste à décomposer une politique avec l’aide de catégories d’analyse (Palier et Surel, 2005 - in Émond, 2017). En se basant sur une définition large des politiques publiques, cela peut conduire à des analyses explicatives visant à démystifier leur mise en œuvre (Montpetit, 2012).

Dans le cadre du présent mémoire, le modèle logique est compris comme la chaîne attendue entre la politique étudiée et l’amélioration de la solution à un problème particulier (CCNPPS, 2010). Ce modèle offre la possibilité de mieux comprendre comment cette politique fonctionne et comment celle-ci est censée agir (CCNPPS, 2010). La majorité des modèles partagent d’ailleurs les éléments suivants : énoncé du problème ; objectifs visés ; ressources ; activités ; résultats attendus (CCNPPS, 2010 : 92). Le modèle logique permet donc de mieux saisir les rouages de la politique publique et cibler les éléments à corriger ou à ajuster. Le modèle logique utilisé pour notre recherche sur la PNE provient de celui réalisé par Émond (2017).

D’abord, cinq orientations structurent la PNE : 1) Réforme de la gouvernance de l’eau ; 2) Implantation de la gestion intégrée du Saint-Laurent ; 3) Protection de la qualité de la ressource et des écosystèmes aquatiques ; 4) Poursuite de l’assainissement de l’eau et de l’amélioration des services ; 5) Valorisation des activités récréotouristiques (PNE, 2002).

Nancy Émond expose comme résultats attendus, des acteurs qui se concertent mieux, une meilleure intégration (intérêts, usages, préoccupations, moyen d’action) et ultimement, l’amélioration de la santé des ressources en eau et des écosystèmes (Émond, 2017).

Pour se diriger vers de tels objectifs, l’État québécois se base sur certains principes : 1) développement durable de la ressource ; 2) eau comme patrimoine collectif ; 3) gestion intégrée de la ressource (participation et concertation des acteurs) ; 4) démocratisation de l’information ; 5) responsabilisation des gestionnaires (Émond, 2017 : 95).

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2.5 Évaluation de politique publique

Le champ d’étude de l’analyse des politiques publique couvre l’étape de l’évaluation, qui est la dernière étape de ce processus. Elle vise plus spécifiquement à observer les décalages et à proposer des mesures concrètes pour éviter les lacunes et les déficits (Jacob, 2003 : in Paquin et al. 2010). L’évaluation d’une politique publique peut chercher à savoir si sa mise en œuvre est conforme à sa définition, à chercher à identifier les décalages ou à exposer des mesures pour améliorer la situation (Paquin et al. 2010). L’évaluation constitue une étape nécessaire et importante dans un contexte de complexification de l’action publique (Paquin et al. 2010).

Depuis plusieurs décennies, les gouvernements appliquent une gestion de plus en plus axée sur l’efficience et les résultats (L’observatoire de l’administration publique, 2005). Le fait de prendre appui sur les constats d’observateurs clés pour évaluer une politique publique peut se fonder sur des critères autres que l’efficacité économique et peut s’intéresser, notamment, à l’action, aux formes d’interaction entre les acteurs, à l’équité, à l’adaptabilité, l’auto-organisation et donc à sa faisabilité (Ostrom, 2010). La visée de la présente recherche est donc de contribuer à cette dernière étape du cycle de politiques publiques, c’est-à-dire de faire une évaluation de fin de parcours de la PNE en lien avec le concept d’intégration de la GIEBV (Jacob, 2003 : in Paquin et al., 2010 : 285). Ce type d’évaluation permet de porter un regard plus objectif pour permettre une possible réorientation. À la lumière des textes scientifiques québécois analysés, notre évaluation permettra de juger de la réalité versus ce qui était souhaité, ainsi que de soulever des pistes de solutions en matière de GIEBV. On vise, avec cette évaluation sur les éléments et les résultats de la PNE (2002) mais également du nouveau cadre qu’est la Stratégie québécoise de l’eau (2018-2032), à agir sur une ou des situations encore problématiques et à envisager de nouvelles mesures pour améliorer la GIEBV (Rocle et al. 2010).

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2.6 Indicateurs de notre recherche

Un certain flou persiste sur ce qui devrait être véritablement intégré ainsi que l’application de cette intégration. La littérature scientifique sélectionnée sur la GIEBV a permis d’examiner différents éléments à intégrer. Nous avons choisi de tenter de préciser l’analyse des éléments à intégrer de la GIEBV en nous servant des études scientifiques effectuées à partir d’approches variées et appartenant à divers domaines. Le choix d’indicateurs qualitatifs s’est avéré crucial.

Notre démarche pour la sélection de nos indicateurs a d’abord été inspirée par la méthode de synthèse pour les politiques publiques « CCNPPS », conçue pour permettre aux professionnels de la santé publique ainsi qu’aux autres disciplines d’analyser autant les effets de politiques publiques (efficacité, effets involontaires, équité) que les données sur des enjeux touchant la mise en œuvre (coût, faisabilité, acceptabilité) » (CCNPPS, 2010 : 12). Ces six dimensions sont interreliées et peuvent être considérées séparément (CCNPPS, 2010). Pour trouver nos indicateurs, bien que nous nous soyons inspirés de cette démarche et de diverses sources (Émond, 2017 ; Biswa, 2008 ; Vescovi, 2010), notre synthèse se structure plutôt autour de quatre grands indicateurs relatifs aux types d’intégration d’une étude intitulée « Mesurer l’intégration dans l’action publique territoriale : L’exemple de la gestion intégrée de la mer et du littoral » (Rocle et al. 2011). Ce choix pour notre mémoire a été fait pour réunir les nombreux éléments provenant des textes sélectionnés. Les indicateurs mobilisés par Rocle et al. (2011) correspondent bien selon nous au paysage académique que nous avons choisi pour recueillir les données et mieux saisir le pourquoi et le comment de l’intégration de la GIEBV et de la gouvernance de l’eau au Québec. Ces auteurs ont utilisé une méthode d’élaboration avec six indicateurs pour le suivi et l’évaluation du degré d’intégration de l’action publique en France.

Il s’agit de l’intégration horizontale (entre différents secteurs d’activités et groupes d’acteurs), l’intégration verticale (coordination multiniveaux et interinstitutionnelle), l’intégration spatiale (continuum terremer), l’intégration temporelle (rétrospective et prospective), l’intégration participative (jeux d’acteurs et moyens techniques de communication) et l’intégration des connaissances (sciences humaines et sociales, sciences naturelles, savoirs locaux) (Rocle et al. 2011 : 2).

Puisque l’intégration horizontale nous apparaît très proche de la participation telle qu’elle est habituellement définie au Québec, nous avons fusionné l’intégration horizontale et l’intégration participative. En effet, la cohabitation et le degré d’association inscrite dans la définition de l’intégration horizontale se rapprochent de l’intégration participative. Par ailleurs, l’intégration temporelle qui correspond au fait de rendre compte des priorités établies, de l’évolution dynamique du contexte et de

Figure

TABLEAU 5  Intégration verticale   (Thématiques et sous-thématiques)
TABLEAU 8   Intégration territoriale   (Thématiques et sous-thématiques)
TABLEAU  9   Évaluation quantitative  Type d’intégration

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