• Aucun résultat trouvé

Les stratégies de survie des palestiniennes du camp de Bourj el Barajneh au Liban

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les stratégies de survie des palestiniennes du camp de Bourj el Barajneh au Liban"

Copied!
193
0
0

Texte intégral

(1)

ROXANE CARON

LES STRATÉGIES DE SURVIE DES PALESTINIENNES DU CAMP DE BOURJ EL BARAJNEH AU LIBAN

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Service social pour l'obtention du grade de maître en service social (M. Serv. Soc.)

ÉCOLE DE SERVICE SOCIAL UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2007

(2)

Depuis l'éclatement du conflit israélo-palestinien, le Liban a accueilli de nombreux Palestiniens (Sayigh, 1995). Ce mémoire présente les stratégies de survie de palestiniennes vivant dans le camp de réfugiés de Bourj El Barajneh au Liban. Pour cette recherche de type exploratoire, une méthodologie qualitative a été utilisée. L'échantillon s'est composé de 15 Palestiniennes du camp de Bourj El Barajneh et la collecte de données s'est effectuée à l'hiver 2006 sous forme de récits de vie thématiques. Les résultats révèlent un milieu de vie qui est difficile : pollué, surpeuplé, précaire, instable, violent et discriminatoire. Les responsabilités de la majorité des femmes gravitent essentiellement autour des rôles de mère et d'épouse. Enfin, les participantes multiplient les stratégies de survie; entre autres, elles planifient et s'organisent; elles sont solidaires face à leur famille et à leur communauté; elles s'investissent dans l'éducation et, en temps de guerre, certaines assistent les combattants et s'élèvent contre les agressions.

(3)

AVANT-PROPOS

En écrivant ces lignes, je pense inévitablement à toutes ces Palestiniennes qui m'ont si chaleureusement ouvert leur porte, m'ont accordé leur confiance et m'ont partagé leurs histoires. J'ai aussi une pensée pour mon interprète, ma voix, qui s'est avérée une amie toujours au-devant de mes besoins et présente à tout moment. En retournant dans mes souvenirs, je vois ces hommes et ces femmes qui ont été si généreux à mon égard lors de mon séjour à Bourj El Barajneh. Je suis particulièrement reconnaissante à ceux que j'appelais affectueusement « Marna » et « Baba », qui ont su prendre soin de moi comme si j'étais leur propre fille. Je ne peux passer sous silence l'aide précieuse de Lara DiTomasso d'OXFAM-Liban pour ses conseils à mon arrivée en sol libanais mais aussi l'aide indispensable d'Ollat Mahmoud de Women Humanitarian Organization et de ses précieuses collaboratrices, dont Mirval et Hiba, à qui je pense tout spécialement.

À ma mère, Monique, à qui je dois la concrétisation de ce mémoire. Merci ma chère maman pour ta présence et tes encouragements, mais surtout pour la foi que tu as en mes idées et mes projets. « Je suis » parce que « tu as » toujours cru en moi. Tu es un modèle de courage et de persévérance. Un merci spécial aux hommes de ma famille, François, Jérôme et Olivier, qui ont respecté ce projet malgré le fait qu'il m'amenait de nouveau à l'autre bout de la planète.

Dominique Damant, je tiens à te remercier pour ta grande disponibilité, ta présence, ton temps, tes conseils, ton humanité. Merci de m'avoir épaulée tout au long de ce projet. J'admire la simplicité avec laquelle tu partages tes connaissances; malgré ton impressionnant bagage intellectuel, toujours j'ai senti que tu me traitais d'égale à égale. Il y a des personnes marquantes dans une vie et tu es l'une d'elles.

Un merci tout particulier va à Jocelyn Lindsay qui s'est avéré, probablement à son insu, une personne significative tout au long de mon parcours universitaire; aussi, à Pierre Turcotte qui a grandement contribué à la naissance de ce projet et qui m'a guidée vers la personne qui allait me diriger.

(4)

Merci à toute l'équipe du CRI-VIFF et spécialement à mes deux « complices » sans qui la réalisation de ce projet n'aurait pas été aussi agréable; je pense ici à Mireille Faucher et Maude Cantin-Drouin.

Je suis reconnaissante envers ceux qui ont contribué financièrement à la concrétisation de ce mémoire : le Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faites aux femmes (CRI-VIFF), au Fonds Francine Ouellet, à la Fondation de l'Association des femmes diplômées des universités - Section Québec et enfin, au Bureau international de l'Université Laval.

Je veux aussi exprimer ma gratitude à toutes ces femmes qui se sont trouvées sur mon chemin professionnel et qui m'ont encouragée à poursuivre des études supérieures. Ici, je pense particulièrement à Pauline Lessard et Lise Hébert, deux femmes qui se sont avérées des travailleuses sociales exceptionnelles mais aussi des femmes remarquables. À vous deux, merci!

Je remercie très chaleureusement Marie-Eve Bisson pour la correction de ce mémoire; sa rigueur et ses conseils ont grandement contribué à la production de ce document. Je veux aussi remercier Linda Barrette qui a, à la dernière minute, contribué à l'aboutissement de ce mémoire.

(5)

TABLE DES MATIÈRES

RESUME ii AVANT-PROPOS iii

TABLE DES MATIÈRES v LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES ix

INTRODUCTION ET OBJET DE LA RECHERCHE I

PREMIÈRE PARTIE 5 CHAPITRE 1 - LA SITUATION DES PALESTINIENS DANS LE MONDE 6

1.1 Le peuple palestinien 6

/. /. / La source du conflit 6 /. 1.2 La polémique : de la fuite massive des Palestiniens à leur retour 9

1.1.3 L'étal actuel de la situation des Palestiniens : les événements des années 2004-2007 10

1.2 Les réfugiés à travers le globe 11 1.2.1 Les réfugiés palestiniens 13 1.3 Les Palestiniens au Liban 14

1.3.1 Un bref portrait du Liban 14 1.3.1.1 Le Liban : un pays affligé par la guerre 15

1.3.1.2 Le Liban : une mixicité religieuse et ethnique 16

1.3.2 Le statut légal des Palestiniens au Liban 17 1.3.2.1 La position officielle des autorités libanaises 17

1.3.2.2 La mobilité des Palestiniens à l'intérieur et à l'extérieur des territoires libanais 1 8 1.3.2.3 Les lois libanaises concernant la main-d'œuvre et le permis de travail pour les Palestiniens 18

1.3.2.4 Le système d'éducation et son accès pour les Palestiniens 19

1.3.2.5 Le droit à la propriété et les Palestiniens 20 1.3.2.6 Les droits des Palestiniens à la citoyenneté libanaise 20

1.3.3 Les conditions de vie des Palestiniens au Liban 21

1.3.3.1 Les conditions de logement 21 1.3.3.2 L'emploi 2 3

1.3.3.3 L'éducation 23 1.3.3.4 La santé 24 CHAPITRE 2 - LA PROBLÉMATIQUE 26

2.1 La recension des écrits de la problématique 26

2. /. 1 Les femmes ayant vécu en contexte de guerre 26

2.1.2 Les femmes réfugiées 29

2.1.3 Les moyens et les stratégies de survie des réfugiés 31

2.2 Les limites des études actuelles 34

(6)

3.1.1 Réfugié

3.1.2 Réfugié palestinien

3.1.3 Camp de réfugiés palestiniens 3.1.4 Stratégies de survie

3.2 Le cadre théorique

3.2.1 Les origines du féminisme et le développement de l'approche radicale 3.2.2 Les féministes radicales et leur apport dans la description de la violence 3.2.3 Le féminisme intersectionnel

3.2.4 La femme dans le monde arabe : appliquer le féminisme intersectionnel 3.2.5 Le féminisme intersectionnel appliqué au projet de recherche

3.3 La stratégie de recherche 3.3.1 Les objectifs de la recherche

3.3.2 L'approche privilégiée et le type de recherche 3.3.3 IM population et l'échantillonnage

3.3.3.1 La population à l'étude 3.3.3.1.1 Les critères d'inclusion 3.3.3.2 La méthode d'échantillonnage 3.3.4 Le recrutement

3.3.4.1 Les stratégies de recrutement 3.3.4.2 La période de recrutement 3.3.5 La procédure de collecte de données 3.3.6 La méthode d'analyse des données 3.3.7 Les considérations éthiques 3.3.8 Les limites de l'étude

3.3.9 Les conditions de collecte de données 3.3.10 L'observation participante

3.3.11 Les caractéristiques individuelles et familiales des participantes au moment de

DEUXIÈME PARTIE

CHAPITRE 4 - BOURJ EL BARAJNEH : UN ENVIRONNEMENT DIFFICILE 4.1 Un environnement pollué et surpeuplé

4.1.1 Ix's conditions sanitaires et l'accès aux ressources essentielles 4.1.2 Les conditions de logement

4.2 Un environnement précaire et instable 4.2.1 La précarité des revenus

4.2.2 La précarité de l'emploi 4.2.3 L'instabilité politique 4.3 Un environnement violent

4.3.1 IM violence en temps de guerre 4.3.1.1 Témoins et victimes 4.3.1.2 Réactions et attitudes 4.3.2 La violence au quotidien 4.3.2.1 Témoins et victimes 4.3.2.2 Réactions et attitudes 4.4 Un environnement discriminatoire

(7)

VII

CHAPITRE 5 - FEMMES : PRISES ENTRE TRADITION ET CHANGEMENT 83

5.1 Le quotidien des femmes 83 5.2 Les femmes et la scolarisation 87 5.3 Le travail rémunéré des femmes 92 5.4 Les rapports hommes-femmes 95

5.4.1 La tradition 96 5.4.2 Vers le changement 99 CHAPITRE 6 FEMMES : ENGAGÉES ENVERS LEUR FAMILLE, LEUR COMMUNAUTÉ ET

LEUR PEUPLE 103 6.1 Les relations avec les proches 103

6.1.1 IM soutien 104 6.1.2 La crainte et la méfiance 105

6.3 Les relations avec la population libanaise 106 6.4 Les relations avec les ressources de la communauté 108

6.4.1 Les ressources utilisées avec confiance 108 6.4.1.1 Les organismes communautaires 109 6.4.1.2 Les professionnels I 12

6.4.1.3 L'OSTNU 114 6.4.1.4 Les groupes ou associations politiques 1 15

6.4.2 Les ressources utilisées mais avec crainte, méfiance ou colère I 15 6.4.2.1 Les organismes communautaires 1 15

6.4.2.2 L'OSTNU 116 6.4.3 Ix's ressources non utilisées I 17

6.4.3.1 Les organismes communautaires 1 18 6.4.3.2 Les professionnels I 18 6.4.3.3 Les groupes ou associations politiques I 19 6.4.3.4 Les autorités libanaises 1 19

CHAPITRE 7- FEMMES SURVIVANTES 121 7.1 Les stratégies pour rester vivant physiquement 121

7.1.1 La protection de la famille 122 7.1.2 L'assistance aux combattants et la réaction aux agressions 123

7.1.3 L'aide de proches 124 7.2 Les stratégies pour rester vivant moralement 124

7.2. / L "interdépendance entre les proches de même qu 'avec la communauté 125

7.3 Les stratégies pour rester vivant économiquement 126 7.3.1 Individuellement : la planification et l'organisation des femmes 126

7.3.2 Collectivement : la solidarité familiale et sociale 127 7.4 Les stratégies pour rester vivant socialement 130

7.4.1 La scolarisation 130 7.4.2 La solidarité 132

(8)

CHAPITRE 8 - DISCUSSION 134 8.1 Quelle est la réalité quotidienne des femmes du camp de Bourj El Barajneh? 138

8.2 Comment le vécu de guerre mais aussi de réfugiées a-t-il teinté, changé et influencé la vie des

femmes? 142 8.2.1 Le vécu de guerre 142

8.2.2 Le vécu de réfugié 145 8.3 Quelles sont les stratégies de survie développées par les femmes et cela, à travers les années et les

expériences de vie? 146 8.4 L'analyse interscctionnelle appliquée aux résultats de la recherche 150

8.5 Les implications pour la pratique 154 8.6 Les implications pour la recherche 155

CONCLUSION 158 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 160

ANNEXE A 171

Lettre suscitant la collaboration des organismes locaux au Liban 171

ANNEXE B 174

Protocole d'entrevue 174

ANNEXE C 179

Feuillet d'information à l'intention des participantes 179

ANNEXE I) 182

(9)

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES C1CR FIDH HCR OSTNU-UNRWA OLP ONU OIM OIR ONG PRCS

Comité international de la Croix-Rouge

Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme

Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

Office des secours et des travaux des Nations Unies pour les réfugiés de la Palestine dans le Proche-Orient Organisation de libération de la Palestine

Organisation des Nations Unies

Organisation internationale des migrations Organisation internationale pour les réfugiés Organisation non gouvernementale

Société du Croissant-Rouge palestinien ou Palestinian Red-Crescent Society

(10)

Il y aurait dans le monde 20,8 millions de réfugiés, de demandeurs d'asile et de personnes déracinées dans leur propre pays (HCR, 2006). Cela dit, bien des personnes déplacées que compte le monde actuellement ne parviennent pas à entrer chez elles. Tel est le cas des Palestiniens. Depuis plus d'un siècle, le conflit israélo-palestinien reste un sujet épineux et complexe. Certains évoquent des termes comme « terrorisme », « désobéissance » ou « criminalité » pour y faire allusion. Pourtant, des pourparlers, des négociations et des engagements ont eu lieu, mais malgré ces efforts, les situations politique et territoriale demeurent encore instables.

Depuis ses débuts, le conflit israélo-palestinien a entraîné le déplacement de millions d'individus et de familles. Situé au nord de la Palestine, le Liban s'est avéré pour plusieurs Palestiniens une terre d'accueil. Certains se sont rapidement intégrés à leur pays hôte, alors que la majorité a plutôt été contrainte à la vie en camp de réfugiés (Hudson, 1997). Outre les conflits armés de 1948 et 1967, les Palestiniens du Liban ont subi ceux de la guerre civile libanaise. Les années 80 ont particulièrement été sinistres puisque des camps palestiniens ont été le théâtre d'horribles massacres d'ailleurs condamnés par la communauté internationale avec la résolution 521 du Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations Unies (ONU, 1982). À l'été 2006, le Liban était à nouveau la cible d'un conflit : l'aviation israélienne effectuait plus de 7 000 frappes aériennes sur des cibles libanaises tandis que la marine procédait à 2 500 bombardements supplémentaires. Bien que l'ensemble du pays ait subi ces attaques, certaines régions en ont fait plus durement les frais, notamment le sud du Liban, la vallée de la Bekaa et plusieurs quartiers du sud-ouest de Beyrouth où se trouvent plusieurs camps de réfugiés palestiniens. On estime le nombre de morts à 1 183, dont environ le tiers étaient des enfants ; 4 054 personnes ont été blessées et quelque 970 000 civils ont été déplacés (Amnistie internationale, 2006a).

Devant l'adversité de la guerre, d'un conflit ou d'une catastrophe, les hommes et les femmes cherchant refuge partagent les souffrances de l'exil : perte de membres de la famille, dégradation des conditions de vie, rejet et isolement. Toutefois, les femmes

(11)

2

réfugiées rencontrent des difficultés spécifiques à leur genre : elles font non seulement face à des événements traumatisants mais elles sont davantage vulnérables à la violation de leurs droits humains, à des abus physiques et sexuels, à la discrimination ainsi qu'à toutes formes d'injustices (Bemak, Chung, et Pedersen, 2003; Brisset, 2006; Gagné, 2005; Laliberté, 2005; Le Bars, 2006; Lindsey, 2005; Nahoum-Grappe, 2006). Aujourd'hui, les femmes et les jeunes filles composent près de 80 % des réfugiés dans le monde (Brittain, 2003). En 1980, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) désignait celles-ci comme un « segment vulnérable » de la population de réfugiés (Bcmak et al., 2003; Gagné, 2005; Nahoume-Grappe, 2006). Malgré cette reconnaissance par le HCR des besoins spécifiques des femmes, beaucoup reste à faire pour leur assurer assistance, sécurité et protection (Lindsey, 2005).

La présente recherche s'intéresse à une population spécifique de réfugiés, soit les femmes palestiniennes réfugiées au Liban. Ces femmes ont vécu des déracinements à la suite du conflit israélo-palestinien et de la guerre civile libanaise mais, depuis bientôt 60 ans, des générations de femmes sont, par surcroît, confrontées à la vie en camp d'accueil. Ce projet s'attarde non seulement à comprendre les problèmes que ces femmes rencontrent mais il s'intéresse aussi à leurs stratégies de survie. Les connaissances et les écrits sur les stratégies de survie des femmes en camp de réfugiés demeurent restreints. La présente recherche se concentre donc sur les femmes palestiniennes vivant en camp de réfugiés au Liban. Ainsi, cette recherche, de nature exploratoire, s'intéresse à ce sujet et vise à répondre aux questions suivantes : Quelle est la réalité quotidienne des femmes du camp de Bourj El Barajneh? Comment le vécu de guerre mais aussi de réfugiées a-t-il teinté, changé, influencé la vie de ces femmes? Quelles sont les stratégies de survie qu'elles ont su développer à travers les années et leurs expériences de vie? L'objectif général de la recherche est de dresser le portrait des différentes stratégies de survie utilisées par les femmes palestiniennes réfugiées au Liban. Pour atteindre un tel résultat, les objectifs spécifiques sont de : 1 Décrire leur quotidien; 2 Décrire leur parcours de réfugiées; 3 -Décrire les stratégies de survie adoptées et développées par ces femmes pour se maintenir en vie, ainsi que leur famille et leurs proches dans le camp. Le but ultime du projet reste,

(12)

quant à lui, de comprendre la réalité des femmes palestiniennes réfugiées au Liban afin d'adopter les interventions et les pratiques qui leur sont destinées.

Ceci dit, le présent document se divise en deux parties. La première se compose de trois chapitres et fait le survol de la problématique et de la méthodologie du projet de recherche. La seconde se compose de cinq autres chapitres et s'attarde aux résultats obtenus dans le cadre de la recherche de même qu'à la discussion.

Le premier chapitre met l'accent sur l'état de la situation des Palestiniens dans le monde. Ce chapitre brosse le portrait du conflit israélo-palestinien de son origine jusqu'à aujourd'hui. Partant du général au particulier, il s'attarde aux mouvements internationaux des réfugiés pour se concentrer ensuite sur la situation des Palestiniens au Liban.

Le deuxième chapitre se concentre sur les femmes ayant vécu en contexte de guerre ou de conflit armé ainsi que celles vivant en camp de réfugiés. Les femmes étant au centre du projet de recherche, la problématique porte sur les connaissances acquises et ce jusqu'à aujourd'hui, sur les femmes ayant vécu en contexte de guerre, sur les femmes réfugiées ainsi que sur les stratégies de survie des réfugiés. Ensuite seront présentées les limites des études actuelles, portant sur la population ciblée. Enfin, un tel exercice mènera à la pertinence de la présente recherche.

Le troisième chapitre vient compléter la première partie en présentant la méthodologie utilisée pour l'étude, soit le cadre conceptuel, théorique et méthodologique de la recherche. Aussi s'y trouve la définition des concepts utilisés pour la recherche, la description de l'analyse féministe intersectionnelle de même que l'énumération des divers éléments de la stratégie de recherche utilisée.

Le quatrième chapitre débute la deuxième partie du document qui s'attarde aux résultats de la recherche ainsi qu'à la discussion. Ainsi, ce quatrième chapitre dresse le portrait de l'environnement et du milieu de vie qui sont ceux du camp de Bourj El Barajneh.

(13)

4 Le cinquième chapitre fait état du quotidien des Palestiniennes de Bourj El Barajneh. Le travail et la scolarisation des femmes de même que les rapports entre les hommes et les femmes y seront décrits.

Le sixième chapitre s'intéresse aux relations qu'entretiennent les femmes avec leurs proches, avec la population libanaise de même qu'avec les différentes ressources de leur milieu.

Le septième chapitre se consacre aux stratégies de survie des Palestiniennes de Bourj El Barajneh c'est-à-dire aux actions et aux initiatives qu'elles prennent pour assurer leur survie mais aussi, celle de leur famille et de leur communauté.

Enfin, le huitième chapitre fait le parallèle entre les écrits scientifiques et les résultats obtenus dans la présente étude. La discussion porte à la fois sur les convergences et les divergences entre la recension des écrits et les résultats de la recherche, de même que sur les nouvelles données apportées par la recherche.

(14)

Tel que mentionné dans l'introduction, la première partie du document se compose de trois chapitres où seront présentés : la situation des Palestiniens dans le monde, la problématique des femmes ayant vécu dans un contexte de guerre de même que celle des femmes réfugiées dans le monde et, finalement, le cadre conceptuel, théorique et méthodologique de la recherche.

(15)

CHAPITRE 1 - LA SITUATION DES PALESTINIENS DANS LE MONDE

Tel qu'annoncé précédemment, le premier chapitre de ce document présente l'objet de la recherche. Ainsi, pour saisir la réalité des Palestiniennes vivant dans les camps de réfugiés au Liban, il est important de rappeler brièvement les événements de l'histoire qui ont joué un rôle déterminant dans l'établissement de leur situation actuelle. Ainsi, les prochaines lignes présentent le contexte historique, politique et social dans lequel prend forme ce projet. La situation des réfugiés à l'état mondial de même que celle de la communauté palestinienne suivent ce portrait. Pour conclure le chapitre, les conditions des Palestiniens exilés au Liban sont aussi décrites. Enfin, le présent chapitre n'a pas pour objectif de décrire en détail et dans toutes ses subtilités l'histoire complexe qu'est celle des Palestiniens, mais plutôt de dresser un portrait général de leur situation et de leur réalité afin de contextualiser les résultats du présent mémoire.

1.1 Le peuple palestinien

La situation israélo-palestinienne demeure encore aujourd'hui un des plus grands conflits irrésolus auquel la communauté internationale doit faire face. Pourtant, comme l'histoire nous le prouve, les tentatives pour arriver à une résolution et une paix entre les deux groupes ont été multiples. La réalité est toutefois la suivante : des réfugiés palestiniens continuent de vivre dans des conditions de vie précaires dans l'attente d'une solution au conflit. Les Israéliens, quant à eux, doivent se soumettre à un climat de vie instable et explosif. La section qui suit vise à présenter le contexte dans lequel s'inscrit la recherche en retournant dans le passé afin de suivre l'évolution du peuple palestinien.

1.1.1 La source du conflit

Les racines du conflit israélo-palestinien se tissent à travers l'émergence des nationalismes juif et arabe (Gerner, 1991). D'abord au dix-neuvième siècle, le peuple juif se retrouve dispersé dans tous les continents du globe. Les Juifs doivent cette situation à l'expulsion de leur peuple de Jérusalem par l'empereur Hadrian en 135 apr.J.C. (El-Sarraj, Tawahina et Heine, 1994). Ainsi, en 1880, la plus grande communauté juive se retrouve en Europe de l'Est et au sud de l'Europe (Gerner, 1991). Pendant que le Moyen-Orient, sous domination

(16)

turque, accueille favorablement les Juifs, cette tolérance n'est pas aussi évidente en Europe de l'Ouest, où les Juifs souffrent plutôt de discrimination et de persécution. C'est donc dans ce contexte qu'un sentiment nationaliste juif prend naissance. La fin du dix-neuvième siècle signe le début du sionisme - le nationalisme juif - avec entre autres la publication du livre, « The Jewish State : An Attempt at a Modem Solution to the Jcwish Question », écrit par le juif Théodore Heriz, en 1896. Dans cet ouvrage, l'auteur argumente sur le fait que les Juifs sont non seulement des individus mais un peuple ayant droit à un État distinct (Gerner,

1991).

À la même période, la communauté arabe est pour sa part bien ancrée au Moyen-Orient, et cela depuis des milliers d'années. Le besoin de créer un sens de communauté ne se fait alors que très peu sentir. L'arrivée des missionnaires européens et américains en sol arabe a toutefois changé les données en introduisant le concept de « nationalité ». Initialement, le nationalisme arabe se traduisait principalement par un désir de remplacer le règne ottoman par un contrôle arabe répondant aux besoins des communautés locales (Gerner, 1991). En Palestine, comme les Turcs étaient aussi des Arabes, le nationalisme autre qu'envers la communauté ne s'est que lentement développé.

Au début du XXe siècle, la Palestine est multiculturelle, ceci étant dû à deux millénaires de

migration et d'occupation. Le territoire palestinien est constitué à cette époque de Romains, de Turcs, de Perses et de Juifs. Après un règne ottoman de plus de 400 ans (El-Sarraj et al., 1994), la fin de la Première Guerre mondiale met un terme à celui-ci. Suite au triomphe des armées britannique et française sur les Turcs, des changements au plan géopolitique se dessinent. Deux mandats coloniaux sont instaurés : un premier, français, administrant le Liban et la Syrie, et un second, anglais, administrant la Palestine, la TransJordanie (aujourd'hui connue comme étant la Jordanie et la Cisjordanie) et l'Irak (Morris, 2004).

Les Turcs vaincus et le territoire redéfini, 1917 devient une année clé dans l'histoire avec la promesse du secrétaire des Affaires étrangères britannique de l'époque, Lord Arthur Balfour, envers le mouvement sioniste. En effet, ce dernier se montre réceptif à leur cause

(17)

8

et promet la création d'un foyer national juif en Palestine tout en préservant les droits civils et religieux de la majorité des habitants de la Palestine, alors Arabes. Cette déclaration changera le cours de l'histoire et ouvrira la porte à une première vague massive d'immigration juive de l'Europe vers la Palestine (Gerner, 1991). Pendant la durée du mandat britannique, plusieurs offres de partage du territoire palestinien sont offertes aux deux groupes mais aucune n'est acceptable pour les communautés arabes et juives (Kelman, 2001). La fin de la Deuxième Guerre mondiale a mis une pression sur les communautés européennes pour trouver une solution à la cause juive (Morris, 2004).

L'année 1947 représente une étape importante dans l'histoire israélo-palestinienne. Les Nations Unies, avec la résolution 181 votée le 29 novembre 1947, proposent un plan de partage de la Palestine. Ce plan propose la division de la Palestine en un État juif et un État arabe avec Jérusalem comme «corpus separatum » administré par les Nations Unies (Morris, 2004). La partition géographique, présentée d'abord comme égale, s'est avérée non équitable, favorisant plutôt l'Etat hébreu (El-Sarraj et al., 1994; Gerner,1991). Ainsi, le plan de partition proposait aux Juifs 57 % de la Palestine, incluant les terres fertiles de la côte, et cela, malgré le fait que ceux-ci ne représentaient que 33 % de la population de la région et étaient propriétaires de 7 % des terres (Gerner, 1991). Ce plan constituait alors une victoire pour les sionistes mais était vivement rejeté par les Arabes de la Palestine (Latte Abdallah, 2006). Ainsi, dès la fin de 1947, des incidents et des actes violents se sont intensifiés pour enfin se transformer en une guerre. Entre novembre 1947 et mai 1948, les conflits entre les deux groupes rivaux sont en escalade. Durant cette période, les sionistes sont davantage organisés que leurs opposants palestiniens, et cela, autant sur les plans politique, militaire et administratif. Ils installent rapidement un climat de contrôle sur leurs rivaux palestiniens (Morris, 2004). De plus, pour faire face au conflit, une variété d'actions et de stratégies sont utilisées par les Israéliens pour forcer la population palestinienne à quitter terres et maisons (El-Sarraj et al., 1994; Gerner, 1991). Fuyant les violences de la guerre, des milliers de civils arabes quittent leurs villages craignant de vivre le même sort que leurs compatriotes de Deir Yassin où un carnage a fait 254 victimes (Grange et De Véricourt, 2002; Guigue, 2002; Hussain et Shamsi, 2003; Karel et Rucker, 1998; Morris, 2004). Selon Morris (2004), ce massacre ne fut d'ailleurs pas un cas isolé.

(18)

Les affrontements en arrivent à un point culminant le 15 mai 1948 quand Israël est déclaré État souverain. Cet état ne ressemble toutefois en rien aux dimensions préalablement proposées par le plan de partage (Morris, 2004). Le 11 décembre 1948, l'Assemblée générale des Nations Unies vote la résolution 194 faisant mention du droit de retour des réfugiés comme une condition préalable à l'accréditation d'Israël aux Nations Unies. Israël consent au retour de 15 000 réfugiés et fait, quelque temps plus tard, son entrée aux Nations Unies.

1.1.2 La polémique : de la fuite massive des Palestiniens à leur retour

Entre 1947 et le début de l'année 1949, près de 800 000 Arabes ont pris le chemin de l'exode (Guigue, 2002). Ce mouvement de masse est encore aujourd'hui source de controverse. En effet, les versions concernant les raisons de l'exil palestinien de 1948 varient selon qu'elles proviennent de l'un ou de l'autre des groupes concernés. Pour les Israéliens, la faute serait aux dirigeants arabes qui auraient lancé à leurs compatriotes palestiniens un appel à quitter leurs terres (Grange et De Véricourt, 2002; Kelman, 2001). Selon les Palestiniens, ils auraient plutôt été expulsés par les troupes israéliennes et auraient tout quitté par crainte d'être victimes de massacres (El-Sarraj et al., 1994; Kelman, 2001 ).

Les vues israéliennes et palestiniennes varient non seulement sur les causes de l'exil mais aussi sur le principe du droit de retour des réfugiés. La résolution 194 de l'ONU stipule :

[Qu']il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables. [...] La Commission de conciliation doit faciliter le rapatriement, la réinstallation et le relèvement économique et social des réfugiés, ainsi que le paiement des indemnités, et [...] se tenir en liaison étroite avec le Directeur de l'Aide des Nations Unies aux réfugiés de Palestine, et, par l'intermédiaire de celui-ci, avec les organes et institutions appropriés de l'Organisation des Nations Unies (ONU, 1964).

(19)

10

Les Israéliens ont toujours refusé le droit de retour aux Palestiniens (Kelman, 2001). Pour eux, reconnaître ce droit équivaut implicitement à reconnaître leur culpabilité. De plus, un retour massif des réfugiés viendraient mettre en péril la sécurité et le caractère juif de l'État d'Israël (Grange et De Véricourt, 2002).

7.7.3 L'état actuel de la situation des Palestiniens : les événements des années 2004-2007

Depuis des décennies, la violence et les effusions de sang perdurent, et cela, malgré les trêves décrétées. Toutefois, les initiatives ont été multiples pour en arriver à une entente soit celle du « Quartet » réunissant les États-Unis, l'Union Européenne, la Russie et l'ONU, mais aussi celle de la Ligue arabe ainsi qu'une autre réunissant des personnalités politiques modérées des deux parties. Malgré la recherche d'un accord, des points de discorde persistent et empêchent une entente entre les deux principales parties : les concessions territoriales, le statut de Jérusalem, le problème des réfugiés et la question de la sécurité.

Récemment, deux événements majeurs sont venus de nouveau chambouler les relations entre Palestiniens et Israéliens et ainsi compromettre l'éventualité d'une paix. D'abord, en 2004, c'est le retrait des colonies israéliennes de la bande de Gaza de même que de certaines colonies de Cisjordanie. Amnistie internationale dénonce le fait que, malgré le retrait des colonies israéliennes, l'armée israélienne ait maintenu le contrôle de toutes les voies d'accès aériennes et maritimes à la bande de Gaza, de même que de l'espace aérien du territoire. La mise en œuvre de ce « plan de désengagement » a donné lieu à d'autres affrontements et fait de nouvelles victimes :

Plus de 700 Palestiniens, dont quelque 150 enfants, ont été tués par l'armée israélienne. La plupart ont été victimes d'homicides illégaux résultant d'une utilisation excessive de la force, de tirs inconsidérés, ou encore de bombardements aériens et canonnades visant des zones d'habitation; d'autres ont été la cible d'exécutions extrajudiciaires. Des membres de groupes armés palestiniens ont tué 109 Israéliens, dont 67 civils parmi lesquels figuraient huit enfants. Les victimes ont été abattues ou ont trouvé la mort à la suite d'attentats-suicides ou de tirs de mortier [...] Certaines des violations

(20)

imputables aux soldats israéliens étaient des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, notamment les homicides illégaux, les destructions massives et injustifiées de biens, les entraves aux soins, la prise pour cible du personnel médical, les actes de torture et l'utilisation de Palestiniens comme boucliers humains. Les attaques délibérées contre des civils perpétrées par des groupes armés palestiniens constituaient des crimes contre l'humanité (Amnistie internationale, 2005).

Enfin, en 2006-2007, lors des élections législatives et présidentielles, les Palestiniens des territoires occupés portent le Hamas au pouvoir, groupe longtemps identifié comme « terroriste » par plusieurs pays de la communauté internationale. Un tel renversement crée une crise au sein même des Palestiniens, soit entre les tenants des deux groupes politiques dominants, le Fatah et le Hamas. Plusieurs impacts se font sentir : la fin des subventions internationales en Palestine, des frappes de la part d'Israël ainsi que des attaques bilatérales entre les deux principales factions palestiniennes.

1.2 Les réfugiés à travers le globe

De nos jours, des gens sont encore déracinés de leurs terres, de leurs pays, de leurs proches et forcés, pour de multiples raisons, à trouver refuge autre part. La section qui suit a donc pour objectif de dresser un portrait de la réalité des réfugiés de par le monde ainsi que celle qui préoccupe ce document, les réfugiés palestiniens.

D'abord, il faut noter qu'il est courant d'identifier un problème par le pourcentage de gens affectés par ladite problématique. Toutefois, une telle pratique concernant l'état de la situation des réfugiés dans le monde est potentiellement trompeuse. Harrel-Bond (1986) nous invite à la prudence concernant une telle habitude. Selon lui, c'est une tâche complexe que de produire un sondage précis sur l'état mondial des réfugiés puisque les pays ne s'entendent pas sur une définition univoque du concept. I >e plus, certains gouvernements et organismes, par intérêts politiques variés, tentent de réduire ou d'exagérer le nombre de réfugiés à l'intérieur de leurs frontières. Il est donc important d'aborder le sujet avec nuance.

(21)

12

Les auteurs s'entendent tout de même sur le fait que le nombre de réfugies sur le globe est en croissance presque constante. Selon l'ONU, à la fin des années 1970, on estimait le nombre de réfugiés à 2,5 millions; dans les années 1980, il y en avait plutôt 8,2 millions et des récents estimés parlent maintenant de 9,6 millions (HCR, 2005). Toutefois, il est important de souligner que ces chiffres n'incluent pas ceux que l'Organisation des Nations Unies nomme « les populations inquiétantes » soit les personnes en attente du statut légal de réfugié, les personnes en recherche d'exil, celles déplacées à l'intérieur de leur pays ainsi que ceux étant sans statut légal. Ces différents groupes n'ont donc pas le statut de réfugiés mais vivent dans des conditions précaires semblables à ces derniers. Ainsi, le nombre de réfugiés ou de personnes vivant dans des conditions précaires comparables oscillerait entre 34 et 40 millions selon les différentes sources (Brittain, 2003).

Avec l'accroissement des conflits et des déplacements de masse, l'importance de créer une structure légale pour encadrer, protéger mais aussi distinguer les réfugiés des immigrants s'est imposée. Une panoplie d'organisations nationales et internationales ont, par la même occasion, vu le jour. En 1863, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) devenait ainsi la première instance internationale à s'engager auprès des réfugiés. L'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) a ensuite été crée en 1946 devant la mouvance des peuples causée par la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ensuite, c'est autour de l'Assemblée générale des Nations Unies de voir le jour le 10 janvier 1946. Sous la gouverne de l'Organisation des Nation Unies (ONU), le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) est mis sur pied en 1951 et succède désormais à l'OIR. Finalement, l'Organisation internationale des migrations (OIM) est née en 1989 afin de favoriser la coopération technique et les échanges d'information entre les organisations non gouvernementales (ONG) venant en appui aux différents gouvernements aux prises avec un nouvel afflux de population.

Outre les organisations, deux conventions et un protocole occupent des rôles déterminants dans la protection des réfugiés sur la scène internationale. La Convention de Genève relative au statut de réfugié ratifiée en 1951 ainsi que son protocole de 1967 font figure de

(22)

proue lorsqu'il est question d'élaboration de dispositions particulièrement importantes pour les réfugiés. L'article premier stipule comme suit la définition du concept de réfugié :

Le réfugié est toute personne qui, par suite d'événements survenus avant le premier janvier 1951 et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de nationalité, et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner (HCR, 1951 ).

Cette définition subira des changements en 1967 lorsque sera abolie « la restriction temporelle liée aux événements survenus avant le Ie' janvier 1951 qui était intégrée à la

définition du réfugié de la Convention de 1951 des Nations Unies » (HCR, 2000, p. 53). L'article 33 stipule quant à lui qu'aucun pays ne peut « refouler les personnes réputées fuir la persécution » (HCR, 2000, p. 23). La Convention contre la torture de 1984 vient finalement clore la série des documents importants pour la protection des réfugiés.

1.2.1 Les réfugiés palestiniens

Lorsque le conflit a atteint son point culminant en 1948, plusieurs Palestiniens ont quitté leurs maisons avec la croyance que les armées arabes libéreraient leurs terres des oppresseurs; l'histoire nous démontre toutefois que, pour la grande majorité, ce ne fut pas le cas. Comme dans plusieurs guerres et conflits, la communauté palestinienne s'est vue déchirée et des familles entières sont maintenant séparées. La survie est donc devenue le lot du quotidien : trouver toit, emploi et nourriture pour la famille.

Pour faire face à cette situation, l'ONU crée en 1950, l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (OSTNU). Cette agence a pour mandat de fournir aux réfugiés palestiniens des services d'urgence et de secours, mais aussi des services d'éducation, de santé et des services sociaux (OSTNU, 2005a). L'OSTNU est unique en son genre puisque ses services se consacrent à un seul groupe de réfugiés. Initialement prévus pour être temporaires, les services de l'OSTNU se sont

(23)

M

adaptés à la persistance du conflit ainsi qu'aux besoins grandissants et changeants des Palestiniens. Son mandat, d'abord de courte durée, s'est toujours vu renouvelé et le sera encore jusqu'en juin 2008.

Ainsi, seulement quatre semaines suivant la déclaration de l'Etat d'Israël, un million de Palestiniens étaient faits réfugiés dans les pays avoisinants (El-Sarraj et al., 1994). Selon l'OSTNU ce chiffre s'élèverait aujourd'hui à plus de 4 millions (OSTNU, 2005b). 11 y aurait donc maintenant 1 758 274 réfugiés palestiniens enregistrés en Jordanie, 400 582 au Liban, 417 346 en Syrie, 675 670 en Cisjordanie et 938 531 dans la bande de Gaza. Aussi, le tiers des réfugiés palestiniens, vivent dans 58 camps de réfugiés répartis dans ces mêmes pays et territoires. Les deux autres tiers demeurent dans des villes et villages des différents pays hôtes de même qu'aux abords des camps officiels. De plus, il faut noter que bon nombre de Palestiniens vivant dans des conditions similaires à celles des réfugiés ne sont pas considérés par leur pays d'accueil comme tels, comme c'est le cas en Egypte, au Koweït et au Liban (El-Sarraj et al., 1994). Plus d'un million de Palestiniens seraient, quant à eux, établis dans les pays de l'Ouest, soit en Europe ou aux Etats-Unis; combien sont considérés comme réfugiés, cela reste inconnu.

1.3 Les Palestiniens au Liban

Dès les premiers éclats du conflit israélo-palestinien en 1948, le Liban devient un pays d'accueil pour les Palestiniens, recevant ainsi près de 104 000 réfugiés (Sayigh, 1998). Aujourd'hui, ce chiffre s'élève à 400 582 réfugiés (OSTNU, 2005b).

1.3.1 Un bref portrait du Liban

Le Liban est une république de 10 452 km2 entourée de deux pays, soit d'Israël au sud et de

la Syrie au nord et à l'est, mais aussi de la mer Méditerranée à l'ouest. La ville de Beyrouth en est sa capitale; elle abrite près de 40 % de la population du pays (Sayigh, 1998). L'arabe est la langue officielle au Liban mais l'anglais et le français sont aussi enseignés dans les établissements d'enseignement.

(24)

1.3.1.1 Le Liban : un pays affligé par la guerre

Avant de devenir une nation autonome, le Liban, tout comme la Palestine, a été sous la gouverne de l'Empire ottoman pendant environ 400 ans. Après la défaite turque lors de la Première Guerre mondiale, l'État du Grand Liban s'est vu placé sous mandat français en 1918. Devant ces changements, un mouvement de résistance s'est formé dans la population libanaise, ce qui a eu pour résultat des exécutions, des emprisonnements et à l'exil forcé d'activistes (Wehbi, 2000). Malgré la présence de ce mouvement de résistance, le protectorat français au Liban durera des décennies jusqu'à un point tournant en 1943 où un amendement à la Constitution élimine toute référence au protectorat français. Selon Wehbi (2000), le protectorat français a toutefois laissé un héritage au pays qu'il est essentiel de nommer ici pour comprendre et saisir la complexité de la situation libanaise :

First [...] already existent sectarian and régional divisions were intensified. For example, by giving sélect self-government powers to the Christians Maronites of Mount Lebanon, tension was created between them and members of olher sects living outside that région. Second, the création of the Great Lebanon Republic changed the demographics of Lebanon. Whercas Christians Maronites were the overwhelming majority in a Lebanese stale composed of only Mount Lebanon, the new republic relegated them to the status of a relative majority, with the addition of several Muslim sects. This change in demographics and intensification of sectarian and régional divisions were to many ycars later play themselves out in the civil war (1975-1990). (p. 88)

En effet, en 1975, la guerre civile éclate au Liban. Outre le fait que le territoire libanais sera divisé en une infinité de clans et de milices, de cette guerre de 15 ans résulteront la perte massive de vies humaines, une importante migration de population ainsi que la destruction massive d'infrastructures (Wehbi, 2000). Une telle situation affectera l'économie du pays et en touchera ainsi toutes les communautés ainsi que toutes les régions. Enfin, la guerre civile libanaise prend fin en 1990.

La guerre terminée, la Syrie et le Liban signent un traité reconnaissant l'indépendance du Liban et qui permet à la Syrie de demeurer sur le territoire libanais jusqu'à l'application totale des accords de Taëf. Ceci dit, jusqu'en 2004, la reconstruction du pays sera entreprise mais avec, en parallèle, des affrontements au sud du pays entre Israël et le parti musulman

(25)

16

chiite du Hezbollah. L'assassinat du premier ministre Rafic Hariri en février 2005 vient changer l'équilibre encore fragile du pays : après une manifestation monstre rassemblant près d'un million de personnes, l'armée syrienne se retire du pays en avril 2005, après vingt-neuf ans de présence au Liban. À l'été 2006, le pays est une nouvelle fois ravagé par des affrontements : Israël lance une offensive militaire sur le Liban après l'enlèvement par le Hezbollah de deux de ses soldats. Après des pertes humaines estimées à 1 183 Libanais dont un tiers sont des enfants, 4054 blessés et 970 000 déplacés, les hostilités cessent en août 2006 (Amnistie internationale, 2006b).

1.3.1.2 Le Liban : une mixicité religieuse et ethnique

Au Moyen-Orient, le Liban se démarque par sa mixicité religieuse : la liberté d'affiliation et de pratique religieuse sont garanties par la Constitution et aucune religion n'est désignée comme officielle. Il y a 18 communautés religieuses reconnues au Liban; elles sont tantôt musulmanes, chrétiennes ou druzes. Wchbi (2000) explique brièvement le fonctionnement sectoriel sur lequel le système politique du Liban est basé :

[I]n its first constitution (1926), Lebanon adopted a « temporary » sectarian-bascd political system. This System allocated spécifie shares of parliamentary seats and access to decision-making governmental positions based on religious sect. For example, the Président of the country must be law by Christian Maronite, the Prime minister, Sunni Muslim and the Speaker Shiite Muslim. This allocation is by no means arbitrary. It was set up to reflect the population figures that each sect claimed. This allocation also sought to take into account the minority status of some sects within the région of the Middle East, for example, Christian Maronite. Being in a position of power was intended to provide each of such sects with a sensé of security against sectarian persécution. This supposedly temporary sectarian arrangement is still in effect in contemporary Lebanon (p. 92).

Jusqu'à maintenant il a été question de diversité religieuse mais la diversité ethnique caractérise aussi le Liban. En effet, depuis la fin de la guerre civile, une augmentation de la migration étrangère est observée au pays : des Philippines, du Sri Lanka, du Soudan, de l'Ethiopie et de la Syrie. Ces migrants ont toutefois une position marginale au pays et ont difficilement accès aux services locaux, que ce soit, sociaux ou légaux (Wehbi, 2000). À

(26)

ces migrants du travail s'ajoutent les Kurdes, les Arméniens et les Palestiniens. Ces trois groupes ont en commun d'avoir fui leur pays déchiré par un conflit ou par la persécution. Toutefois, de ces trois groupes, seuls les Palestiniens n'ont pu obtenir le statut de citoyens et sont ainsi, encore à ce jour, considérés comme réfugiés (Grange et De véricourt, 2002). Les prochaines lignes dresseront d'ailleurs l'impact d'une telle situation sur la vie des Palestiniens.

1.3.2 Le statut légal des Palestiniens au Liban

Depuis la première vague de réfugiés palestiniens au Liban en 1948, leur statut au plan légal et politique dans le pays hôte n'a cessé de susciter l'ambiguïté (Al-Natour, 1997) et de faire l'objet de critiques. La section qui suit tente de dresser un portrait concis de cette situation en faisant d'abord connaître la position officielle du Liban envers le peuple palestinien. Ensuite, la mobilité des Palestiniens à l'intérieur et à l'extérieur des frontières libanaises, les différentes lois concernant le travail et l'emploi des Palestiniens ainsi que les législations concernant l'éducation, le droit à la propriété et la citoyenneté feront chacune l'objet d'une présentation.

1.3.2.1 La position officielle des autorités libanaises

Selon Al-Natour (1997), il y a un écart entre le discours officiel libanais, sympathique à la cause palestinienne, et les textes de lois qui les concernent. Le discours précise qu'au moment de l'arrivée en masse des Palestiniens en 1948, les autorités avaient accepté de considérer les Palestiniens comme une population spéciale et distincte des autres communautés de réfugiés, compte tenu du contexte particulier du conflit. Dans les années 50, le gouvernement libanais mettait donc sur pied trois comités ou départements, concernant le peuple palestinien sur leur territoire, soit le Comité central pour les affaires des réfugiés en 1950, le Département des affaires pour les réfugiés palestiniens en 1959 et l'Autorité pour les affaires palestiniennes l'année suivante. L'année 1969 se distingue par l'Accord du Caire où l'OLP et le gouvernement libanais signaient un accord régularisant la présence palestinienne au Liban. Toutefois, malgré cette dernière entente, il n'en demeure pas moins que les législations libanaises concernant les Palestiniens considèrent ce peuple

(27)

18

comme n'étant nullement différent des autres étrangers habitant le territoire (Al-Natour, 1997). Ainsi, au Liban comme dans plusieurs autres pays, la distinction entre un étranger et un citoyen se fait principalement par sa nationalité. Toutefois, comme les prochaines lignes s'efforceront de le démontrer, cela représente un enjeu tout particulier pour les Palestiniens.

1.3.2.2 La mobilité des Palestiniens à l'intérieur et à l'extérieur des territoires libanais La liberté de mouvement des Palestiniens à l'intérieur du Liban est en grande partie totale et non assujettie à quelque restriction que ce soit, à part pour des raisons de sécurité nationale (Al-Natour, 1997). Les Palestiniens résidant à l'extérieur des camps de réfugiés peuvent ainsi changer de domicile en avisant les autorités libanaises. Quant aux Palestiniens habitant les camps de réfugiés, la situation est légèrement différente : ils doivent d'abord demander un permis avant de faire tout changement. Pour ce qui est des déplacements à l'extérieur du pays, les procédures sont différentes selon les pays visités. Par exemple avec la Syrie, il n'est pas nécessaire pour un Palestinien de présenter de documents alors que pour les autres pays arabes, il est nécessaire d'obtenir un passeport. À cet effet, jusqu'en 1980, les Palestiniens étaient exempts du paiement des frais de visas et de passeports, ce qui n'est plus le cas depuis. En 1995, une nouvelle loi a affecté la liberté de mouvement des Palestiniens et a engendré des conséquences dramatiques : les autorités libanaises ont décrété qu'il était maintenant nécessaire pour un Palestinien désireux de sortir du pays d'obtenir un visa de sortie et d'entrée ainsi que de souscrire aux frais encourus. L'application de cette mesure a eu comme conséquence l'éviction forcée de milliers de Palestiniens, les laissant ainsi non seulement sans statut mais aussi itinérants (Al-Natour, 1997). Sayigh (1995) abonde dans le même sens et ajoute que ces permis sont difficiles à obtenir et que les renouvellements peuvent être suspendus, voire refusés, privant ainsi à un Palestinien le droit d'entrée au Liban.

1.3.2.3 Les lois libanaises concernant la main-d'œuvre et le permis de travail pour les Palestiniens

Les lois libanaises concernant le travail sont basées sur deux principes. Le premier est la réciprocité, c'est-à-dire que le traitement légal offert à un Libanais expatrié dans un pays

(28)

autre guide le traitement donné à un citoyen de ce même pays en terre libanaise. Le second est l'obtention d'un permis de travail qui, lui, est nécessaire pour la pratique d'une profession au pays. Certains domaines de travail sont toutefois épargnés par les lois libanaises et n'exigent pas de permis de travail comme c'est le cas pour le travail saisonnier et le commerce au détail. Al-Natour (1997) précise toutefois que remplir les conditions pour l'obtention d'un permis de travail est en principe possible pour tout Palestinien mais, pour la majeure partie de cette population, demeure hypothétique et ne s'applique que très rarement.

Dans les années 50, des restrictions apportées dans les législations ont grandement affecté le travail des étrangers au Liban. En 1962 s'ajoutaient aux deux principes de base des conditions spécifiques excluant les étrangers de la pratique de certaines professions, laissant les Palestiniens dans l'impossibilité de pratiquer 73 professions au Liban (Al-Natour, 1997; Halabi, 2004; Holt, 2007; Sayigh, 1995; Shaaban, 1997). En effet, la pratique de plusieurs professions au Liban est régularisée par l'appartenance à un syndicat ou une association professionnelle; une telle affiliation est nécessaire pour le droit de pratique (Shaaban,

1997). L'adhérence à ces syndicats et associations est aussi possible pour un étranger, mais seulement si le principe de réciprocité est applicable dans son pays d'origine. Ainsi, comme le principe de réciprocité n'est pas possible pour le peuple palestinien puisqu'il est dépossédé de toute terre et d'une patrie, cela implique qu'il est dans l'impossibilité de pratiquer dans plusieurs domaines professionnels du secteur privé tels que le droit, la médecine, la pharmacie et l'ingénierie.

1.3.2.4 Le système d'éducation et son accès pour les Palestiniens

Le système d'éducation libanais offre des services subventionnés par l'État ainsi que des services privés, et cela, allant de la maternelle aux études graduées. Les Palestiniens sont en droit de s'inscrire à ces services. Il y a toutefois des exceptions telles que la faculté des arts et certaines écoles techniques et professionnelles qui sont réservées aux citoyens libanais. En principe, c'est l'OSTNU qui est responsable de l'éducation des Palestiniens au Liban.

(29)

20

Elle a ses propres écoles et fournit une éducation allant de l'élémentaire à l'intermédiaire . Les familles palestiniennes préférant envoyer leurs enfants dans des écoles privées ou publiques (libanaises) sont en droit de le faire et sont éligibles à une subvention de l'OSTNU (Sirhan, 1997).

1.3.2.5 Le droit à la propriété et les Palestiniens

Les législations libanaises concernant l'acquisition d'une propriété par un étranger sont semées de restrictions. Celles-ci sont avant tout basées sur le pouvoir extrême de l'État mais aussi sur la crainte que des acquisitions immobilières deviennent propriétés étrangères. Les restrictions sont variées, allant de limites territoriales à des conditions imposées pour la construction d'habitations ainsi que des frais supplémentaires d'établissement (Abbas, 1997; Al-Natour, 1997; Halabi, 2004). Il y a aussi des distinctions à faire entre l'achat d'une propriété par un individu ou un étranger et celle d'une compagnie ou une société étrangère; cette dernière catégorie d'acheteur est favorisée au détriment de la première. 11 est aussi noté par Al-Natour (1997) que la législation libanaise oblige tout étranger cherchant à faire l'acquisition d'une propriété à remplir une demande auprès du ministère des Finances qui fera ensuite part de ses recommandations au Conseil des ministres qui lui, en retour, émettra un permis de propriété. Le pouvoir du Conseil est ultime et final : une fois que sa décision est émise, il n'y a aucun recours possible. En mars 2001, le Parlement libanais a exclu les réfugiés palestiniens du droit, toutefois reconnu à tous les autres étrangers, de se porter acquéreurs de biens immobiliers au Liban (Grange et De Véricourt, 2002).

1.3.2.6 Les droits des Palestiniens à la citoyenneté libanaise

L'Etat du Liban définit la citoyenneté libanaise par les liens du sang et de la terre. Ainsi, une personne obtient la citoyenneté libanaise si : 1) elle est née d'un père libanais; 2) elle est née dans le Grand État libanais et sans attachement filial à toute autre nationalité; ou finalement 3) elle est née au Liban de parents ou de nationalité inconnus. Mise à part la naissance, la citoyenneté libanaise peut être acquise par les liens du mariage : une 1 Dans le système d'éducation québécois, cela pourrait correspondre aux éludes secondaires.

(30)

Palestinienne mariant un Libanais obtient la citoyenneté libanaise un an suivant l'union alors qu'un Palestinien mariant, lui, une Libanaise, obtient la citoyenneté cinq ans suivant l'union (Cervenak, 1994). De plus, le président de l'État se garde le privilège d'octroyer la citoyenneté à un étranger s'il prouve qu'il a résidé au Liban pendant cinq années consécutives, s'il a marié un Libanais et prouve qu'il a résidé au Liban pour une année complète depuis l'union ou si un étranger a rendu des services exceptionnels au Liban (Abu Nader, 1962, dans Al-Natour, 1997). Bien que les Palestiniens soient considérés par les lois libanaises comme des étrangers, leur statut diffère de celui d'étrangers d'autres nationalités. Al-Natour (1997) apporte les précisions suivantes :

Since a Palestinian, is treated by Lebanese law as a foreigner, it would seem only just that he or she is granted the same opportunities to acquire citizenship as other foreigners. However, in this particular respect the Palestinian status differs from that of other foreigners, because of recommendations by the Arab League regarding the Palestinian présence on the territory of its members. The league called for the provision of job opportunities and work permits for Palestinian residing in Arab League countries, but insisted on the necessity for Palestinians to retain their own nationality. (p. 375)

1.3.3 Les conditions de vie des Palestiniens au Liban

Pas si loin encore dans l'histoire, le Liban et la Palestine ne formaient qu'un même territoire où les habitants se côtoyaient librement, se mariaient entre eux et circulaient aisément de Beyrouth à Galilée (Hudson, 1997). L'arrivée des Français et des Anglais en

1918 et la partition qui s'ensuivit ont toutefois changé le cours de l'histoire à jamais.

1.3.3.1 Les conditions de logement

À leur arrivée au Liban en 1948, les Palestiniens ont principalement trouvé refuge dans les anciens camps de réfugiés arméniens et dans les garnisons françaises. À d'autres, des Libanais ont offert le gîte (Abbas, 1997). À mesure que le conflit a pris de l'ampleur et qu'il est devenu apparent que les Palestiniens demeureraient en sol libanais pour une période prolongée, de nouveaux camps de réfugiés ont été érigés pour eux. L'OSTNU et les autorités libanaises ont convenu de la localisation des camps et, entre 1949 et 1956, s'ajoutaient aux trois camps déjà existants 12 autres camps. À ce jour, il existe toujours

(31)

22

12 camps palestiniens en sol libanais (OSTNU, 2005c) mais le nombre a déjà été de 17; ce sont les effets de la guerre civile qui en ont réduit le nombre. La démographie faisant son effet, des familles se sont établies aux abords de plusieurs camps et ces regroupements sont maintenant surnommés les «camps palestiniens officieux» (Abbas, 1997; Halabi, 2004). Outre dans les camps, certains Palestiniens, dont les conditions économiques sont plus favorables, habitent dans les villes ou les villages de la communauté hôte alors que d'autres sont, au contraire, itinérants. Malgré la présence importante des Palestiniens au Liban, leur nombre exact et leurs conditions de vie ne sont que peu connus.

Selon Abbas (1997) la guerre de 15 ans au Liban a grandement affecté les installations et les infrastructures; les camps palestiniens n'ont pas été épargnés. Les camps de Chatila, Bourj El Barajneh et Rashidiyeh ont été détruits à respectivement 80, 60 et 40 % de leur superficie, astreignant ainsi plusieurs familles à des déplacements répétés. Abbas (1997) condamne le fait que les reconstructions depuis la fin de la guerre au Liban mettent en péril de nombreux camps de réfugiés et donc, des familles entières. Plusieurs Palestiniens ont été évacués de leur refuge sans alternative aucune : à Saida, en 1994, les autorités ont attaqué la région de Barrakat pour en chasser 13 000 habitants. Comme les autorités libanaises ont refusé d'ériger de nouveaux camps, ceux déjà existants sont maintenant soumis à une congestion importante. Ainsi, comme la location ou l'achat de propriétés ne sont pas accessibles à la majorité des Palestiniens, peu d'entre eux décident de quitter l'environnement des camps. Il n'en demeure pas moins que les conditions de vie dans ces camps sont peu favorables. Le Palestinien moyen habite un logement de 2,2 pièces avec une occupation variant entre 2,6 et 3,4 personnes par pièce (Abbas, 1997). L'insuffisance des ressources en eau et la défectuosité du réseau de distribution électrique caractérisent la vie dans les camps. À cela s'ajoutent, des infrastructures qui font défaut : absence d'installations d'assainissement et de services d'enlèvement des ordures (Halabi, 2004). Abbas (1997) conclut que les conditions sanitaires et de logement des Palestiniens en camp de réfugiés libanais ne répondent pas aux standards acceptables. Le Conseil de l'Europe, dans un rapport sur la situation des réfugiés palestiniens (2003), ajoutait pour sa part que la situation des réfugiés palestiniens au Liban est de loin la plus déplorable en pays d'accueil.

(32)

1.3.3.2 L'emploi

Les possibilités d'emploi pour tous les Palestiniens vivant au Liban sont rares (Halabi, 2004; Zakharia et Tabari, 1997). À cet effet, les estimés concernant le chômage pour cette portion de la population sont variables et contradictoires; selon Shaaban (1997), cette situation est une conséquence des conditions de vie difficiles des réfugiés palestiniens au Liban. Une étude sur les conditions de vie des Palestiniens vivant en camp de réfugiés au Liban (Ugland, Khawaja, Tiltnes, Hanssen-Bauer et Pedersen, 2003) révèle que le taux de main-d'œuvre palestinienne issue des camps est peu élevé, soit de 42 %, ceci s'expliquant par la faible participation des femmes. Pour ces dernières, le « maintien du foyer » et les « restrictions sociales » sont les principales raisons de leur non-participation au marché du travail. Cette même étude révèle que près de 40 % des hommes sans travail âgés entre 25 et 44 ans ont perdu l'espoir de trouver un emploi. Le taux de « non-emploi » est élevé chez les jeunes mais plus significatif chez les jeunes filles que les garçons. Une segmentation de la main-d'œuvre est ainsi observée entre les hommes et les femmes des camps. La majorité des Palestiniens vivant en camp de réfugiés trouvent des emplois dans l'agriculture et la construction (Halabi, 2004; Shabaan, 1997). D'autres prennent des initiatives en mettant sur pied des petites entreprises (ex : épiceries, boucheries, kiosques, etc.) mais celles-ci ne génèrent que de modestes revenus pour les familles. Selon Shabaan (1997) le secteur de l'agriculture au Liban est dépendant de la main-d'œuvre palestinienne mais les pratiques d'exploitation sont fréquentes et contribuent à miner le bien-être des travailleurs palestiniens et les laissent sans-emploi à un très bas âge. Le même auteur conclut que le pourcentage de main-d'œuvre palestinienne sans emploi ou sous-employée s'élèverait à 95 % et que la pauvreté affecterait 80 % de la population de réfugiés palestiniens au Liban.

/. 3.3.3 L'éducation

La grande majorité des Palestiniens du Liban sont originaires de régions rurales de la Palestine et plusieurs d'entre eux croient que leur exil de 1948 a entre autres été causé par leur ignorance et leur analphabétisme (Latte Abdallah, 2006; Shabaan, 1997). Les Palestiniens au Liban accordent une grande valeur en l'éducation. Ainsi, avant la guerre du Liban, la communauté palestinienne avait accès à plusieurs universités du monde arabe comme celles de l'Egypte, de la Syrie et de l'Irak de même que de certains autres pays

(33)

24

comme l'Inde, le Pakistan et les Philippines. Aussi, le système scolaire de l'OSTNU offrait, principalement dans les camps, un enseignement de qualité avec des professeurs dévoués (Sirhan, 1997). Toutefois, avec l'émergence et le développement du conflit régional au Liban, les opportunités d'étude à l'extérieur des frontières se sont réduites et, dès le début des années 1980, plusieurs pays avaient suspendu leur soutien à l'éducation des Palestiniens. Pour ce qui est du système scolaire du pays, les nombreuses attaques militaires ont détruit des installations et des institutions d'enseignement et celles des camps de réfugiés n'y ont pas échappé (Sirhan, 1997). La recherche d'Ugland et de ses collaborateurs (2003) a dévoilé que 30 % des Palestiniens n'auraient pas complété de scolarité alors que 9 % des hommes et 22 % des femmes ne seraient jamais allés à l'école. Cette même étude précise que 20 % de la population est illettrée. Selon Sirhan (1997), l'abandon et la reprise scolaire ainsi que la baisse de performance sont les problèmes les plus sérieux observés dans le système d'éducation palestinien au Liban.

1.3.3.4 La santé

Les Palestiniens au Liban ne peuvent bénéficier des services de santé publique libanais; c'est plutôt la Société du Croissant-Rouge palestinien (PRCS), l'OSTNU ainsi que quelques ONG locaux qui ont le mandat de fournir les services nécessaires. Ugland et al. (2003) présentent des chiffres sur la santé des Palestiniens en camp de réfugiés libanais : 8,5 % de la population des camps souffrirait de problèmes chroniques sévères alors que

19 % de la population aurait une santé générale défaillante. Au niveau de la santé mentale, les mêmes auteurs précisent que 42 % de la population démontrerait plus de quatre symptômes de détresse psychologique sur une possibilité de sept. Sayigh (1995) parle quant à elle de crise du système de santé pour les Palestiniens du Liban et précise que ce sont les enfants, les mères, les personnes âgées ainsi que les personnes handicapées qui en sont le plus affectés. Zhakaria et Tabari (1997) considèrent pour leur part que la santé des femmes est particulièrement critique compte tenu le taux élevé de mortalité infantile, les intervalles brefs entre chacune des grossesses et l'absence ou la mauvaise utilisation des méthodes de contrôle des naissances. Ainsi, la santé des Palestiniens dans les camps de réfugiés est intimement liée à leurs conditions de vie, rendues difficiles à cause d'infrastructures

(34)

sanitaires désuètes et d'un accès restreint à l'eau potable pour cause d'insalubrité ou de coupures (Sayigh, 1995).

Enfin, Holt (2007) résume ainsi la situation des réfugiés palestiniens au Liban : « Palestinians refugees in Lebanon - and women in particular - are a disadvantaged minority in a gcnerally inhospitable environment. The Palestinian présence is incrcasingly resentcd in a post-war Lebanon that is looking to future économie development, and the refugees exist within a political and social limbo, with few civil, political or human rights and little hope for the future. » (p. 249)

(35)

CHAPITRE 2 - LA PROBLÉMATIQUE

Le chapitre précédent s'étant attardé sur le contexte de recherche, celui-ci se concentrera sur l'état des connaissances sur les thèmes qui concernent ce projet, soit sur les femmes ayant vécu en contexte de guerre, les femmes réfugiées ainsi que les stratégies de survie des populations de réfugiés. La pertinence de la recherche sera aussi établie et va clore la présentation du présent chapitre.

2.1 La recension des écrits de la problématique

Avec le contexte présenté dans la première partie du document, il est clair que de nombreuses femmes palestiniennes réfugiées au Liban ont vécu les affres de la guerre. Que ce soit l'éclatement du conflit israélo-palestinien qui a occasionné un premier mouvement de masse en 1948 suivi d'un second en 1967, ou encore la guerre civile libanaise, des milliers de Palestiniennes ont subi les impacts de ces événements et, encore aujourd'hui, vivent dans un climat d'insécurité et d'instabilité. La recension des écrits dressera le portrait des femmes vivant en contexte de guerre et de celles réfugiées. Pour clore la section sur l'état des connaissances, la littérature sur les stratégies de survie déployées par les réfugiés sera abordée.

2.1.1 Les femmes ayant vécu en contexte de guerre

Les impacts d'une guerre ou d'un conflit armé sont considérables pour les femmes. Leurs vies et leurs rôles sociaux sont non seulement bousculés par les événements, mais la violence devient partie intégrante de leur quotidien. Lors des conflits armés, les femmes sont des cibles fréquentes et spécifiques de violences dû au simple fait d'être « femme » (Brisset, 2006; Gagné, 2005; Nahoume-Grappe, 2006). À cet effet, un rapport d'Amnistie internationale (2004) spécifie que « l'instabilité et les conflits armés entraînent un accroissement de toutes les formes de violence, notamment le génocide, le viol et les violences sexuelles » (p. 73). Ce même rapport précise que ce sont les femmes qui représentent la majeure partie de la population civile adulte tuée et visée par les sévices, pendant une guerre. Lors de conflits armés, le viol est « une arme et une tactique de guerre » où les femmes sont les principales victimes (Amnistie internationale, 2004; O C R ,

Références

Documents relatifs

- une activité dans laquelle les états mentaux comme les intentions, les représentations, les croyances, les différentes émotions des enseignants et des

Or, au Nord comme au Sud et à l’Est, on peut voir que, dans les zones où ont émergé des « territoires », cette émergence est concomitante d’une prise de conscience, par

Fort de tout cela, la politique sociale ne serait pas théoriquement sur un plan différent des quelques lois (sociales) prises à partir de la lutte des classes travailleuses

Considérant, dès lors, que les pièces irrégulièrement saisies ne sauraient être retenues comme moyens de preuve des concertations relevées dans le rapport d'enquête administrative

Considérant dans ces conditions que l'accord du 20 décembre 1984 souscrit sous l'égide du Comité français du butane et du propane par l'ensemble des sociétés distributrices afin

Considérant que statuant le 17 mai 1990 sur les pourvois formés par les sociétés Schon et Brullard, Sotram Autocars Diss, Transports Gérard Wourms, Autocars Wourms, Wasmer

Pour 31 déménagements depuis la Guadeloupe, les entreprises Jean Michel, T.E.D., Alain Bijou, Demetrans et Lallement ont émis, trois par trois, des devis dans cinq cas. Jean Michel a

Considérant que, par l'arrêt susvisé, sur le pourvoi formé par la société Texaco France, la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) a cassé et annulé