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CHAPITRE 4 BOURJ EL BARAJNEH : UN ENVIRONNEMENT DIFFICILE Le présent chapitre décrit la vie dans le camp de Bourj El Barajneh Les témoignages des

4.2 Un environnement précaire et instable

Les lignes précédentes ont décrit les conditions matérielles difficiles dans lesquelles les Palestiniennes de Bourj El Barajneh vivent. Dans les lignes qui suivent, les participantes décrivent maintenant leur environnement comme un milieu précaire et instable. En effet,

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elles évoquent la précarité des revenus, la rareté du travail de même que l'instabilité politique.

4.2.1 IM précarité des revenus

En entrevue, un thème abordé avec les femmes fut celui de la situation financière. Questionnées sur cet aspect, les femmes décrivent leur réalité quotidienne où elles luttent pour assurer les besoins essentiels de leur famille.

Les quinze témoignages illustrent que pour assurer un revenu familial, l'apport de plusieurs membres d'une famille est souvent nécessaire: «The main difficulty if you want to improve your financiai status, is that many members of your family hâve to work, the youngest ones and the oldest ones, so we can live a better life. » (Participante 14)

Une participante évoque sa situation, où ce sont ses deux fils, respectivement âgés de 15 et 11 ans, qui sont les principaux pourvoyeurs de la famille : « Thcy work for like... 12 hours [...] my two sons are supplying us now, because my husband hasn't taken a salary for two months... » (Participante 15)

Malgré l'implication de plusieurs membres de la famille, cinq participantes précisent que l'argent dont elles disposent pour vivre est insuffisant. Deux participantes sont dépendantes de l'argent fourni par leur fils vivant maintenant à l'étranger. L'une d'elles témoigne ici des limites de cette aide : « My son who's in Algeria [...] he can't send me money because he has three sons and they are... big... so, he has to take care of his family. » (Participante 13)

La précarité des revenus a aussi d'autres impacts. Pour deux participantes, des changements devraient être apportés à leur logis; toutefois, le manque d'argent vient contrecarrer tout plan d'amélioration : « Our house is made of two rooms, one kitchen and one bathroom... and, it's not enough because my kids hâve grown up [...] we are trying so hard to make the kitchen as a room for the boys [...] but, because of the financiai situation that is difficult, we can't... but wc're trying hard... » (Participante 15)

Une participante avoue que sa situation financière est telle qu'elle ne peut subvenir aux besoins essentiels de sa famille: « Some days, I don't hâve, like... the money to buy water... like the drinking water... and my kids go to school without taking their lunch. » (Participante 15)

4.2.2 La précarité de l'emploi

La précarité de l'emploi est un phénomène bien réel pour les habitants de Bourj El Barajneh. Une participante note que cette réalité est présente depuis son arrivée en sol libanais : « The people who left Palestine and those who had degrees, they were able to work... while for us, because we came and we left our profit and our land [...] we didn't hâve any degrees, we couldn't do anything. » (Participante 5)

Deux participantes mentionnent que les opportunités d'emploi sont rares. Devant la nécessité de combler les besoins de sa famille, l'une d'elles s'accroche d'ailleurs à son emploi, et cela, malgré les difficultés rencontrées au travail. Son salaire est essentiel à la survie de sa famille : « It's "choiyc"6 difficult but... I'm trying [...] the opportunities are not

that big hère, so you won't find big chances... so I prefer to keep on working with the kids hère [...] and, I need the salary... » (Participante 6)

Les participantes qualifient le travail comme occasionnel, instable ou encore inexistant : « My dad hc works and he makes sweets and it's a scasonal thing, like... he only makes sweets in Ramadan [...] but, the rest of the year, it's not that good. Also, my brother sometimes he works, sometimes he doesn't, which it affects. Now, I'm doing a small thing, I'm helping... » (Participante 8)

« My other sons, sometimes they work, sometimes no, because you know, the situation in this country... because, you know, not ail the boys or the older mcn work. » (Participante 3)

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« My husband doesn't work [...] my son... hasn't worked for four years... » (Participante 12)

Cinq femmes parlent des tourments et des tracas liés au manque de travail comme d'une source d'anxiété et de soucis importante. L'une d'elles témoigne ici : « The main difficulty for me is that I get upset because my son is not working. » (Participante 11)

La précarité de la santé a un impact sur le travail et donc sur le revenu familial de certaines répondantes. Lorsque en santé, les gens ont la capacité de vaquer à leurs activités et de travailler pour subvenir aux besoins de leurs familles. Toutefois le contraire, soit une mauvaise santé, est synonyme de tourments et d'appréhensions.

Pour être en mesure de répondre aux besoins de la famille, la bonne santé de la famille est ainsi primordiale. Six femmes expliquent que les problèmes de santé et le vieillissement mettent en péril le revenu familial. Pour deux participantes, la maladie a frappé leur conjoint. En conséquence, le conjoint de l'une d'elles a perdu son emploi et pour l'autre, bien que son conjoint ait toujours son emploi, elle craint le licenciement de celui-ci. En effet, la participante redoute que le seul et unique revenu de leur famille soit mis en péril par l'âge avancé et la santé fragile de son conjoint :

My husband [...] used to be a teacher but now, he works at a supermarket [...] cause he can't teach anymore because he is over 60... My husband is now 65 (silence)... The problem is that he is not young and he's sick so... [...] he had many difficultés to improve our financial situation... sometimes, we worry like... in case he stops working... so what would happen to us [...] so his âge is like... a big problem[...] we are trying to ignore this but it will happen eventually... (Participante 4)

La maladie entraîne des dépenses et des coûts supplémentaires pour la famille. Deux participantes évoquent les frais et les dépenses que la maladie représente pour le budget familial. L'une d'elles est inquiète du fait qu'elle doive prendre une certaine médication et que, un jour ou l'autre, elle ne puisse en faire l'achat : « I'm sick and I hâve to buy this

expensive medicine [...] the only thing that makes me upset it's the medicine, because it's expensive and I need to buy a pack every two days. » (Participante 12)

Une participante précise que dès qu'un peu d'argent est disponible il est dépensé pour la médication : « Sometimes, if we save a little bit of money, we shred it on médication... I need about 175 000 LL (115 US$) cach month. » (Participante 15)

4.2.3 L'instabilitépolitique

Vivre à Bourj El Barajneh c'est vivre dans un camp de réfugiés mais aussi au Liban et donc dans un climat incertain et instable au plan politique. En effet, trois participantes se méfient de la situation politique actuelle et de l'insécurité dans laquelle est plongé le pays. D'ailleurs, à cause de l'instabilité politique, deux d'entre elles ont refusé que leurs enfants s'éloignent du camp pour poursuivre leurs études ou pour travailler : « I was worried for my kid because it's a far place and 1 don't feel safe to send my son [...] they stopped going since the 'Hariri ' assassination because the political situation and the security situation weren't so good... my husband was so worried... so, we didn't want to send my son alonc there... in the Christians part. » (Participante 15)

Une autre avoue restreindre ses propres déplacements à l'extérieur et en périphérie du camp, et cela, à cause de l'instabilité au pays. Ici, elle réfère aux manifestations qui ont eu lieu à la suite des caricatures du prophète Mohamed et qui se sont soldées par l'incendie de l'ambassade du Danemark à Beyrouth en février 2006 :

I don't like to go out alone, but I hâve the freedom, so I can go out anytime I want [...] Because I feel there is no security in the other areas, like... through Beirut, hère, and in the suburb, I move freely but to go further... I don't feel sale [...1 the situation in Lcbanon makes you feel you are nol "in security"... so that's why. It's not because l'm a girl. [...] I don't feel secure to go out anywherc, like the events that happened [...] about burning the Danish Embassy... a month ago. (Participante 7)

7 Rafic Hariri est un homme politique libanais, musulman sunnile. Il a été premier ministre du pays de 1992 à

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Deux participantes parlent des tensions internes au Liban mais aussi des tensions qui ont lieu à Gaza et en Cisjordanie comme des facteurs influençant la situation financière de leur famille. L'une d'elles témoigne du fait que son conjoint est actuellement sans salaire puisque, depuis l'arrivée du Hamas à la tête du Gouvernement palestinien, l'Union Européenne a cessé d'aider certains organismes palestiniens dont l'un qui emploie le conjoint de la dame : « For two months, we didn't have a salary because of the political situation, because the European Union stopped funding the Paleslinians Authority and because we work at PRCS ... so, they get their funding from the Authority... and we didn't take our salary for two months... ». (Participante 15)

Une participante exprime ses appréhensions par rapport à l'avenir du Liban. Dans l'extrait retenu, elle pense à son propre destin mais aussi à celui de sa famille et de la communauté palestinienne en générale :

I think about my family, about what might happen with the situation... it's [...] changing and, it's not stable. Also, sometimes, I think of doing something new in my house but I think "would 1 bc sure that I will stay alive till that time or something bad will happen" [...] I don't feel salé. 1 don't have even time to sit and relax because if my body relax, my head doesn't relax because I keep thinking ail the time... of everything, the situation in Palestine, the situation hère, my daughters' conditions... everything in life, I think about it. (Participante 9)