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Exploration de l'expérience d'étudiantes en sciences infirmières lors d'un stage clinique en regard de l'expression des incertitudes à leur superviseure

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Academic year: 2021

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© Olivier Lauzon, 2020

Exploration de l'expérience d'étudiantes en sciences

infirmières lors d'un stage clinique en regard de

l'expression des incertitudes à leur superviseure

Mémoire

Olivier Lauzon

Maîtrise en sciences infirmières - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

ii

Résumé

Le raisonnement clinique s’avère être une pierre angulaire cruciale dans la pratique infirmière. Il se développe en contexte clinique, entre autres, alors que la stagiaire entre en relation avec une superviseure. La littérature met en évidence que les stagiaires dans des programmes de santé présentent des incertitudes et questionnements lors de stages en milieux cliniques. Or, s’ils ne sont pas répondus, ils peuvent freiner le développement du raisonnement clinique. Aucun écrit s’intéressant directement aux incertitudes des stagiaires en sciences infirmières n’a été recensé. But : Explorer l’expérience d’étudiantes en sciences infirmières lors d’un stage clinique en regard de l’expression des incertitudes à leurs superviseures. Méthode : Devis qualitatif descriptif impliquant neuf participantes de deuxième et troisième année au baccalauréat initial en sciences infirmières. Les données ont été recueillies par des entrevues individuelles semi-structurées, une synthèse des données a été validée par chacune des participantes lors d’une entrevue téléphonique ou par courriel. Une analyse de contenu a été effectuée. Résultats : La nature des incertitudes en contexte de stage clinique a été mise au jour. Les stagiaires expriment ou non leurs incertitudes pour diverses raisons. Autant l’expression que la non-expression des incertitudes provoquent des impacts positifs et négatifs chez la stagiaire. Également, divers facteurs ont été identifiés comme favorisant ou nuisant à l’expression des incertitudes. La relation superviseure-supervisée s’avère particulièrement importante comme levier dans l’expression des incertitudes. La superviseure a un impact majeur sur leur expression. Conclusion : Plusieurs incertitudes sont bien présentes chez les stagiaires. Leur expression ou non-expression entrainent plusieurs impacts dont possiblement sur le développement de leur raisonnement clinique. Certains facteurs contribuent à leur expression, il importe donc de les considérer pour soutenir le développement professionnel de ces infirmières en devenir.

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iii

Abstract

Clinical reasoning is proving to be a crucial foundation in today’s nursing practice. It develops in a clinical context, among other things, when the intern enters into a relationship with a supervisor. Literature shows that interns in health programs present uncertainties and questioning during internship in clinical settings. However, if they are not answered, they can delay the development of clinical reasoning. No writing directly addressing the uncertainties of interns has been identified. Goal: To explore the experience of nursing students during a clinical internship with regards to the expression of their uncertainties to their supervisor. Method: Descriptive qualitative research involving nine second- and third-year participants of the initial baccalaureate in nursing sciences. The data was collected by semi-structured individual interviews and a summary of the data was validated by each of the participants during a telephone or email interview. An analysis of the content was performed. Results: The nature of uncertainties in the context of clinical practice have been revealed. Interns may or may not express their uncertainties for various reasons. Both the expression and the non-expression of uncertainties can cause positive and negative impacts on the intern. Also, various factors have been identified as favoring or hindering the expression of uncertainties. The supervisor-supervisee relationship is particularly important as a lever in the expression of uncertainties. The supervisor has a major impact on their expression. Conclusion: Several uncertainties are present among interns. Whether or not they are expressed has several impacts, possibly on the development of their clinical reasoning. Certain factors contribute to their expression; therefore, it is important to consider them to support the professional development of these aspiring nurses.

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iv

Table des matières

Résumé... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vi

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... vii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1. Problématique ... 3

1.1. Complexité des soins infirmiers ... 3

1.2. Raisonnement clinique infirmier et difficultés rencontrées chez les novices ... 4

1.3. Contribution de la formation clinique au développement du raisonnement clinique... 5

1.4. Rôles des superviseures ... 7

1.5. Relation superviseure-supervisée ... 9

1.6. Incertitudes des stagiaires ... 10

1.7. But de la recherche ... 11

Chapitre 2. Cadre théorique ... 12

2.1. Modèle de Patricia Benner ... 12

Chapitre 3. Recension des écrits ... 16

3.1 Raisonnement clinique ... 16

3.2 Relation superviseure et supervisée ... 22

3.3 Positions d’apprentissage et d’évaluation de Giroux et Girard (2009) ... 31

3.4 Incertitudes des stagiaires ... 34

3.5 Incertitudes des novices en sciences infirmières ... 40

3.6 Questions spécifiques de la recherche ... 42

Chapitre 4. Méthodologie ... 43

4.1 Approche de recherche ... 43

4.2 Milieu de l'étude ... 44

4.3 Échantillon et stratégie de recrutement ... 44

4.4 Collecte de données ... 45

4.5 Analyse des données ... 48

4.6 Considérations éthiques ... 50

(5)

v

Chapitre 5. Présentation des résultats ... 56

5.1. Profil sociodémographique des participantes ... 56

5.2. Nature des incertitudes des stagiaires ... 59

5.3. Expression et non expression des incertitudes ... 75

5.4. Impacts de l’expression des incertitudes ... 82

5.5. Impacts de la non expression des incertitudes ... 90

5.6. Facteurs favorisant et nuisant à l’expression des incertitudes ... 97

5.7. Facteurs nuisant à l’expression des incertitudes ... 105

Chapitre 6. Discussion ... 112

6.1. Cadre théorique ... 112

6.2. La nature des incertitudes ... 113

6.3. Incertitudes : Buts et impacts de leur expression ... 121

6.4. Incertitudes : Raisons et impacts de leur non expression et actions prises ... 125

6.5. Facteurs favorisant et nuisant à l’expression des incertitudes .... 132

6.6. Limites de cette étude... 141

6.7. Recommandations et pistes de développement ... 145

Conclusion ... 148

Bibliographie ... 150

Annexe 1. Lettre de recrutement ... 154

Annexe 2. Formulaire de consentement ... 156

Annexe 3. Questionnaire sociodémographique ... 159

Annexe 4. Canevas pour les entrevues individuelles ... 160

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vi

Liste des tableaux

Tableau 1. Niveaux d’expertise de Benner (1995) ... 13

Tableau 2. 10 caractéristiques et comportements de Caring facilitant l’enseignement clinique par les superviseures selon Ali (2012) (Traduction libre) ... 24

Tableau 3. Attitudes de la superviseure les plus et moins importantes selon Ismail et al. (2016) (Traduction libre) ... 25

Tableau 4. Caractéristiques de la superviseure les plus et moins importantes selon Ismail et al. (2016) (Traduction libre) ... 26

Tableau 5. Caractéristiques d’une superviseure efficace selon Niederriter et al. (2017) (Traduction libre)... 28

Tableau 5. Caractéristiques d’une superviseure efficace selon Niederriter et al. (2017) (Traduction libre) (Suite) ... 29

Tableau 6. Caractéristiques des stagiaires selon les positions d’apprentissage et d’évaluation selon Giroux et Girard (2009)... 32

Tableau 8. Nature des incertitudes selon Wolpaw et al. (2012) ... 37

Tableau 9. Nature des incertitudes selon Nixon et al. (2014)... 38

Tableau 10. Caractéristiques démographiques des participantes ... 58

Tableau 11. Comparaison entre les thèmes émergents et les types d’incertitudes selon Wolpaw et al. (2012) et Nixon et al. (2014) ... 114

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vii

Liste des abréviations, sigles, acronymes

AIC : Assistante infirmière-chef

CEPI : Candidate à l’exercice de la profession infirmière DEC: Diplôme d’études collégiales

OIIQ : Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec PAB: Préposé(e) aux bénéficiaires

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viii

“With the privilege of educating future nurses comes great responsibility.” P. 98

WALLACE, BOURKE, TORMOEHLEN ET POE-GRESKAMP (2015)

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ix

Remerciements

Décider de poursuivre des études supérieures est à réfléchir murement. Cela implique un énorme investissement de temps et d’énergie, de multiples réflexions et des remises en question. Il m’aura fallu neuf ans pour achever ce projet, mais il est maintenant complété. Mes parents m’ont appris à persévérer, même si le chemin est ardu. Un tel projet ne se fait pas sans le soutien de son entourage, qui vit les conséquences du choix qu’on a fait de s’investir dans les études supérieures.

Je tiens à remercier ma conjointe Stéphanie qui croit toujours en moi et en mes projets. Sans son soutien inconditionnel au quotidien, sa confiance et ses encouragements, ce mémoire serait resté inachevé. Un tel travail nécessite le sacrifice de nombreuses heures, soirées, et journées à lire et à rédiger. Merci de faire partie de ma vie et de me pousser à me dépasser chaque jour !

Merci à mes collègues qui travaillent avec moi à chaque jour à soigner les gens et à former la relève, de qui j’apprends encore tous les jours.

Merci aux participantes qui sont maintenant des professionnelles, et peut-être même elles-mêmes superviseures. Je vous souhaite une carrière à la hauteur de vos attentes !

Merci à ma directrice Mme Kathleen Lechasseur pour son soutien durant toutes ces années où la motivation jouait au yoyo et dans mes multiples moments d’égarement. Ses commentaires ont fait cheminer ma réflexion pour en arriver à terminer la rédaction de ce mémoire. Merci !

Je me plais à dire que nous apprenons tous les jours. Je le fais par amour de ma profession, pour le bien de mes patients, et pour moi-même. Il est

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x

impossible pour un seul individu de tout connaitre, mais il appartient à chacun de partager aux autres ses connaissances et son expertise.

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1

Introduction

La profession infirmière a grandement évolué au fil du temps. D’abord une vocation, puis un métier. Les soins se sont complexifiés et nous avons dû nous développer comme profession. En effet, la clientèle s’est complexifiée, principalement en raison de l’avancement de la science qui augmente l’espérance de vie, laissant la population avec des problématiques de santé chroniques qui n’étaient pas aussi fréquentes auparavant. Cette complexification des soins nécessite une acquisition accrue de connaissances et de compétences, d’où l’évolution de la formation infirmière. Le raisonnement clinique de l’infirmière est devenu l’outil indispensable à développer durant la formation de l’infirmière.

La formation de la relève représente un défi pour toutes les institutions scolaires et les établissements de santé du monde entier en raison des soins qui sont de plus en plus complexes et spécialisés. Le poids du système de santé étant sur les épaules des quelque 63 000 infirmières du réseau, il est primordial de former adéquatement la relève infirmière pour qu’elle assume adéquatement ses responsabilités tout en assurant des soins de santé de qualité et sécuritaires. Les futures infirmières acquièrent les connaissances et compétences requises lors de leur parcours académique jumelant théorie et pratique. L’exposition aux situations de soins se fait en relation avec une superviseure qui encadrera la stagiaire dans ses apprentissages selon des objectifs définis. Les stagiaires apprennent de l’exposition aux situations de soins qu’elles rencontrent, et de la superviseure qui a un rôle de guide. Les stagiaires en sciences infirmières vivent des incertitudes qu’elles n’expriment pas toujours à leurs superviseures, les privant d’apprendre de l’expérience de leurs superviseures. Ce projet de recherche s’est intéressé à l’expérience d’étudiantes en sciences infirmières lors d’un stage clinique en regard de l’expression de leurs incertitudes à leur superviseure.

(12)

2

Le premier chapitre, soit la problématique, justifiera l’intérêt de ce projet pour la formation infirmière et la pratique infirmière. Ensuite, le modèle de Benner servira de cadre théorique et présentera les caractéristiques des novices permettant de mieux comprendre leur réalité. Nous poursuivrons avec la recension des écrits qui présentera le concept de raisonnement clinique, la relation superviseure-supervisée ainsi que les incertitudes des stagiaires. La méthodologie détaillera l’approche qualitative utilisée. Pour terminer, les résultats seront présentés puis discutés et comparés avec la littérature.

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3

Chapitre 1. Problématique

1.1.

Complexité des soins infirmiers

Le milieu de la santé subit des modifications constantes, ce qui génère de nombreux défis pour tous les professionnels de ce domaine. Les infirmières1

n’y font pas exception. Elles travaillent dans un contexte de soins complexes, au rythme rapide, en évolution constante, nécessitant de l’adaptation et de la flexibilité (Association des infirmières et infirmiers du Canada, 2015). Elles doivent relever quotidiennement des défis de taille en lien, entre autres, avec l’apparition de nouvelles technologies et l’augmentation de la complexité des cas cliniques où les multipathologies, les comorbidités et la polypharmacologie cohabitent (Agrément Canada, 2013; Association des infirmières et infirmiers du Canada, 2015; Sauvé, 2014). Selon des statistiques de l’Institut national en Santé Publique du Québec, le nombre de personnes atteintes d’une ou plusieurs maladies chroniques augmente chaque année en regard de la prévalence du diabète (Institut National en Santé Publique du Québec, 2018) et l’obésité (Institut National en Santé Publique du Québec, 2017). Ce nombre croissant de personnes atteintes de maladies chroniques, souvent atteintes de plusieurs problématiques de santé à la fois, augmente la charge de soins sur le réseau de la santé et ses professionnels (Association des infirmières et infirmiers du Canada, 2015). De plus, la diminution de la durée de séjour dans les centres hospitaliers force les infirmières à faire plus avec moins de temps et de ressources selon Magalhaes et al. (2017) qui se sont intéressé à l’association entre la charge de travail du personnel infirmier et la sécurité des patients dans le cadre d’une étude quantitative brésilienne. Plus tôt, en 2011, Berkow, Virkstis, Stewart, Aronson et Donohue avaient énoncé ce même constat lors de leurs travaux aux États-Unis qui ont porté sur l’évaluation des habiletés de raisonnement clinique des infirmières. Ils ont entre autres noté

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4

que le manque de temps associé à la charge de travail du personnel infirmier nuit à l’application des habiletés de raisonnement clinique.

1.2.

Raisonnement clinique infirmier et difficultés

rencontrées chez les novices

Les habiletés de raisonnement clinique sont essentielles dans la pratique infirmière. Une étude américaine réalisée en 2009 par Berkow, Virksits, Stewart et Conway auprès d’infirmières expérimentées, d’infirmières éducatrices et d’administrateurs s’est intéressée à leur satisfaction par rapport aux infirmières nouvellement graduées vis-à-vis 36 compétences. Ils devaient noter chaque compétence sur une échelle en six points. Les résultats montrent de très faibles taux de satisfaction des évaluateurs. En effet, les habiletés de prise de décision arrivent au 24e rang sur 36 compétences avec 20% de

satisfaction alors que le suivi, la reconnaissance des changements cliniques des patients, et l’interprétation des données arrivent respectivement aux 25, 26 et 27e rang sur 36 compétences avec 19% de satisfaction. La priorisation

des soins est l’une des compétences les moins satisfaisantes au 34e rang avec

12% de satisfaction. Bien que ces résultats soient étonnants, il reste que les compétences les moins satisfaisantes sont reliées au processus de raisonnement clinique, ce qui est inquiétant. Deux ans plus tard, en 2011, Berkow, et al. ont publié les résultats d’un projet de recherche visant à développer un outil diagnostic servant à évaluer les performances individuelles des infirmières concernant 25 habiletés de raisonnement clinique afin d’offrir du soutien à ces infirmières. Ils ont identifié que le développement du jugement est fréquemment adressé selon une approche identique pour tous qui ne prend pas nécessairement en considération les spécificités d’une infirmière ou d’un groupe d’infirmières.

Saintsing, Gibson, et Pennington (2011) ont réalisé une revue de littérature ayant pour objectif de mettre en lumière le lien entre le peu d’expérience chez les nouvelles infirmières et les erreurs de raisonnement clinique durant leurs

(15)

5

premières années de travail. Cette revue s’est intéressée particulièrement aux types d’erreurs et aux causes en comparant 20 articles. Selon les études recensées dans leurs travaux, 75% à 88% des nouvelles infirmières ont commis une ou des erreurs reliées à l’administration de médication, dont 30% de ces erreurs qui sont associées à des erreurs de jugement clinique. Selon une étude qualitative d’Ebright, Urden, Patterson, et Chalko (2004) réalisée aux États-Unis citée par Saintsing et al. (2011), la charge de travail élevée et les contraintes de temps associées sont des facteurs contribuant à 80% des erreurs chez les infirmières novices. Selon une étude américaine menée par Smith et Crawford (2003) et citée par Saintsing et al. (2011), alors que la nouvelle infirmière manque de temps, éprouve de la difficulté à prioriser et à détecter rapidement les signes de complication, jusqu’à 37% des erreurs seraient reliées à des interventions tardives.

Ainsi, il importe donc de soutenir le développement du raisonnement clinique et des habiletés de résolution de problèmes qui le sous-tendent chez les futures infirmières pour leur permettre de relever les défis qu’elles rencontreront (Saintsing et al., 2011). Le raisonnement clinique se développe entre autres par l’acquisition de connaissances et de leur transposition dans la pratique en situations réelles de soins. Les nouvelles infirmières diplômées, tout comme les étudiantes, apprennent par l’expérience, par le contact avec des modèles de rôles et grâce aux échanges avec ceux-ci (Saintsing et al., 2011). Ainsi, la formation académique contribue de façon très importante au développement du raisonnement clinique de nos futures infirmières.

1.3.

Contribution de la formation clinique au

développement du raisonnement clinique

La formation infirmière doit permettre aux étudiantes de développer l’ensemble des savoirs infirmiers à la base d’une pratique infirmière en tenant compte de la personne tout en favorisant le développement d’un raisonnement clinique. Les stages en milieux cliniques sont le moyen le plus utilisé pour intégrer la

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6

théorie à la pratique et développer les compétences cliniques requises notamment en regard du raisonnement clinique selon plusieurs associations professionnelles canadiennes (Association des infirmières et infirmiers du Canada, 2015; Nurses Association of New Brunswick, 2013, 2014; Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2009b).

Pour développer ce raisonnement clinique tant nécessaire, il importe d’acquérir des connaissances et de l’expérience clinique. Cependant, il existe un écart bien référencé entre les apprentissages théoriques et la réalité des milieux cliniques partout dans le monde. Safazadeh, Irajpour, Alimohammadi, et Haghani (2018) ont étudié le concept de l’écart entre la théorie et la pratique lors d’une étude qualitative iranienne en interviewant des stagiaires en sciences infirmières, des infirmières, des superviseurs, des médecins et des membres de la faculté des sciences infirmières, soit 18 personnes au total. Leurs résultats ont fait ressortir notamment des causes reliées aux stagiaires et reliées aux superviseures. En ce qui concerne les stagiaires, il semble qu’elles tendent à mémoriser la théorie pour performer aux examens, mais ont des difficultés à utiliser cette théorie apprise par cœur, car elles en auront oublié une partie avant leur arrivée en contexte clinique. Par ailleurs, leur attention se porte davantage sur l’exécution des procédures et sur l’obtention de bonnes notes académiques plutôt que sur leurs apprentissages. Précédemment, Giroux et Girard (2009) ont défini cette tendance à se centrer sur l’obtention de bonnes notes. En effet, la « position d’évaluation » reflète le besoin de la stagiaire de paraitre compétente en raison d’un sentiment de jugement et d’évaluation continuels de la part de la superviseure. Cette position est à l’inverse de la « position d’apprentissage », où une relation favorise les échanges et les apprentissages alors que la stagiaire vise à devenir compétente. Les auteurs ont établi les concepts de position d’apprentissage et de position d’évaluation lors d’un projet de type recherche-action en médecine au Québec s’étant échelonné sur quinze ans visant à développer un atelier favorisant l’établissement d’une position d’apprentissage grâce à l’interaction

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7

entre le superviseur et la supervisée. Ces deux acteurs ont leur rôle à jouer dans l’établissement d’une position d’apprentissage.

Plus récemment, Safazadeh et al. (2018) ont abondé dans le même sens et ont fait valoir que la stagiaire craint de laisser paraitre un manque de connaissances et de compétences à sa superviseure. Elle tend à valoriser l’obtention de bonnes notes académiques plutôt que les apprentissages en eux-mêmes et taira ses questions, ce qui corrobore les résultats de Lechasseur (2009) qui s’est intéressée à la mobilisation des savoirs des stagiaires en sciences infirmières par la pensée critique.

En ce qui concerne la superviseure, un manque de connaissances et d’expérience clinique sur le département, une incapacité à expliquer les traitements et les soins ainsi qu’une faible utilisation du raisonnement clinique ont été notés comme des éléments qui freinent le support de la stagiaire dans ses efforts pour combler l’écart entre la théorie et la pratique clinique (Safazadeh et al., 2018). En tant qu’apprenante, la stagiaire doit évidemment s’efforcer à réduire l’écart entre la théorie et la pratique, mais la superviseure peut jouer un rôle indéniable pour supporter la stagiaire en ce sens lors des stages cliniques.

1.4.

Rôles des superviseures

Selon l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (2009b), les stages cliniques préparent les stagiaires aux réalités pratiques et permettent aux étudiantes d’apprendre dans des situations réelles à exercer de façon sécuritaire la profession. L’encadrement d’une stagiaire par une superviseure est fréquemment utilisé dans les programmes académiques, car il permet à la stagiaire de vivre la réalité de l’infirmière et de développer son raisonnement clinique et les autres compétences (Hickey, 2010).

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8

McClure et Black (2013) se sont penchés sur les rôles de la superviseure du point de vue de la stagiaire, des superviseures et des responsables des stages lors d’une revue de littérature. Selon une étude réalisée par Omansky (2010) au Massachussetts et citée par McClure et Black (2013), la superviseure est décrite comme un guide pour la stagiaire dans l’application des savoirs académiques dans un contexte clinique, le développement du raisonnement clinique et l’acquisition des habiletés cliniques. La superviseure participe à réduire l’écart entre la théorie et la pratique chez la stagiaire lors de stages cliniques d’une durée limitée (McClure & Black, 2013). Parker, Lazenby, et Brown (2012), tel que cité par McClure et Black (2013), présentent également la superviseure comme un facilitateur, notamment en regard du développement des habiletés techniques, de la documentation, de la communication interprofessionnelle, de l’organisation du travail et de la priorisation des soins aux patients.

Pour accomplir pleinement ses rôles, la superviseure nécessite des habiletés cliniques, mais également de supervision qui ne sont pas innées et qui se développent avec le temps et l’expérience (Horton, DePaoli, Hertach, & Bower, 2012; McClure & Black, 2013). Horton et al. (2012) se sont penchés sur les bénéfices d’une formation destinée aux superviseures afin de les outiller et leur permettre de développer des habiletés de supervision dans le cadre d’une étude américaine. Des 714 infirmières ayant participé à une formation sur la supervision entre 2006 et 2009, 178 ont retourné le questionnaire autoadministré de type Likert, et les résultats montrent l’impact positif d’une formation axée sur la supervision de stagiaires du point de vue des superviseures. Cardinal, Couturier, Savard, Tremblay, et Desmarais (2014) ont réalisé une évaluation d’ateliers réalisés auprès de plus de 2000 superviseures visant à les outiller à encadrer efficacement des stagiaires sur une période de dix ans. Comme plusieurs ateliers portant sur différents sujets étaient offerts, de ces 2000 superviseurs, il est possible que des superviseures aient assisté à plus d’un atelier. Lors de l’évaluation de la pertinence de leurs ateliers, un

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9

taux de satisfaction de 94% a été obtenu quant à l’applicabilité du contenu, attestant de l’utilité d’une formation adressée aux superviseures qui ont besoin de soutien pour accomplir pleinement leur rôle de superviseure.

1.5.

Relation superviseure-supervisée

Une étude descriptive américaine menée par Hickey (2010) souligne que la relation établie entre la superviseure et la stagiaire est extrêmement importante à la réalisation d’un stage prolifique. Cette étude portant sur la perception des infirmières nouvellement graduées par rapport à leurs expériences d’apprentissages cliniques a également conclu à l’importance d’un climat positif pour soutenir les apprentissages. En effet, dans cette étude menée auprès de 33 infirmières ayant graduées dans les six mois à un an précédent la complétion du questionnaire, les participantes devaient répondre à cinq questions sur une échelle de type Likert en cinq points. L’analyse a fait ressortir qu’une attitude positive de la part de la superviseure facilite les apprentissages et la communication en plus de permettre aux étudiantes de saisir des opportunités d’apprentissage. Les conclusions de Hickey (2010) sont corroborées par la revue de littérature réalisée par McClure et Black (2013) portant sur le rôle important que joue la superviseure de stage. Il est à noter que McClure et Black (2013) n’ont pas pris en compte l’étude de Hickey (2010) dans leur revue de littérature.

Plus récemment, Telio, Ajjawi, et Regehr (2015) se sont intéressés à la rétroaction dans le domaine médical lors d’une revue de littérature menant au concept d’alliance éducative à partir du concept d’alliance thérapeutique utilisée en psychologie. Ils notent que les stagiaires valorisent la rétroaction, mais ont également peur de celle-ci en raison de la charge émotionnelle associée aux éléments négatifs de leur performance, ce qui a également été énoncé plus tôt par Mann et al. (2011) lors de leurs travaux de type théorie ancrée réalisés à Halifax et menés auprès de 134 participants provenant de huit programmes de médecine. Selon l’attitude de la superviseure, les

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10

stagiaires s’ouvriront ou se fermeront à la rétroaction reçue, limitant ainsi leurs apprentissages. Gratrix et Barrett (2017) ont également exploré la perception des stagiaires de leur expérience quant à la relation superviseure-supervisée lors d’une étude qualitative, réalisée au Royaume-Uni, sous forme d’entrevues de groupe auprès de huit stagiaires finissantes. Leurs participantes ont énoncé que la relation avec la superviseure est primordiale particulièrement lorsque celle-ci offre une rétroaction positive et constructive. Une telle relation pousse la stagiaire à s’investir davantage dans ses apprentissages et expérimentations. À l’inverse, une attitude négative rebute la stagiaire à adresser ses questionnements à sa superviseure, allant même parfois jusqu’à chercher du soutien auprès d’un autre membre du personnel ou auprès de quelqu’un à l’extérieur du contexte clinique. Une grande variation entre les superviseures a été soulevée par les participantes en ce qui concerne la qualité et la quantité de rétroactions et de soutien qui leur est offerte, ainsi qu’au niveau des attentes alors que les superviseures n’évaluent pas tout à fait de la même façon.

1.6.

Incertitudes des stagiaires

Plusieurs études en médecine réalisées aux États-Unis (Nixon et al., 2014; Wolpaw, Côté, Papp, & Bordage, 2012; Wolpaw, Papp, & Bordage, 2009; Wolpaw, Wolpaw, & Papp, 2003) ainsi qu’une réalisée à Taiwan (Sawanyawisuth, Schwartz, Wolpaw, & Bordage, 2014) montrent que les étudiants ont des incertitudes particulièrement au niveau clinique (diagnostics et traitements), mais qu’ils sont réticents à les exprimer à leur superviseure. Il y a très peu d’écrits s’intéressant à l’expression et à la non-expression des incertitudes des stagiaires en général, et encore moins dans le domaine des soins infirmiers.

Devant l’importance de soutenir le développement du raisonnement clinique des stagiaires en sciences infirmières et le constat que plusieurs de leurs

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11

questions peuvent demeurer sans réponse, il nous semble primordial de se pencher sur ces incertitudes que les stagiaires en sciences infirmières vivent. Nous savons que les stagiaires en général ont des incertitudes en contexte d’apprentissage, mais nous ne savons que très peu sur la nature des incertitudes des stagiaires en sciences infirmières et sur l’impact de leur expression ou non-expression. Il nous parait donc important d’apporter un éclairage sur le sujet afin de mieux soutenir les stagiaires dans le développement de leur raisonnement clinique.

1.7.

But de la recherche

Le but de cette recherche est d’explorer l’expérience des stagiaires lors d’un stage clinique en regard de l’expression de leurs incertitudes à leur superviseure.

(22)

12

Chapitre 2. Cadre théorique

Le modèle théorique de Benner De novice à expert – L’excellence dans les soins infirmiers (Benner, 1995) sert d’assise à ce projet, car il décrit les caractéristiques des novices et contribue à apporter un éclairage concernant les difficultés rencontrées par celles-ci.

2.1.

Modèle de Patricia Benner

Selon la théorie de Benner (1995), l’infirmière développe des habiletés, des compétences, une vision des soins et une compréhension des situations de santé tout au long de sa carrière en fonction des expériences vécues. L’infirmière développera donc son expertise suite à l’exposition à des situations de soins. C’est de cette façon qu’une étudiante en sciences infirmières deviendra une infirmière novice, qui évoluera graduellement vers le niveau de débutante, puis de compétente, de performante et peut-être ultimement au niveau d’experte au cours de sa pratique professionnelle.

Travaux de Dreyfus et Dreyfus

Benner a développé sa théorie à partir des travaux de Dreyfus et Dreyfus (1980) qui se sont inspirés de joueurs d’échecs et de pilotes d’avion pour développer leur théorie qui porte sur cinq niveaux d’habiletés mentales. Ceux-ci ont inspiré Benner, qui a développé un modèle adapté aux soins infirmiers, où elle parle plutôt de niveaux d’expertise.

Niveaux d’expertise de Benner

Benner (1995) identifie cinq niveaux d’expertise : la novice, la débutante, la compétente, la performante et l’experte. Dans le cadre de ce projet, nous nous intéressons principalement aux deux premiers, soit la novice et la débutante, car une stagiaire est considérée novice, et il est souhaité qu’elle progresse vers le niveau de débutante au fil de ses apprentissages.

(23)

13

Chaque niveau d’expertise est bien défini par Benner (1995), permettant de comprendre les pensées, les actions et les raisonnements en contexte clinique. Les caractéristiques de ces niveaux sont présentées dans le tableau ci-bas.

Tableau 1. Niveaux d’expertise de Benner (1995) Novice

• Décrit des situations en termes d’éléments objectifs, des paramètres objectivement mesurables, tels que les signes vitaux et la diurèse, et des caractéristiques identifiables sans expérience clinique, telles que l’agitation (Benner, Tanner, & Chesla, 2009), provenant de l’expérience personnelle;

• Suit des règles qui lui sont enseignées qui lui imposent un comportement limité et rigide;

• Tire des conclusions en fonction d’informations de la situation qu’elle peut reconnaitre sans expérience clinique (Benner et al., 2009). • Éprouve des difficultés à prioriser ses interventions et à identifier les

actes qui seront utiles en situation réelle;

• Éprouve de la difficulté à intégrer les connaissances théoriques apprises aux situations de soins vécues;

• Aura besoin de soutien pour prioriser si une liste de tâches ou d’actions lui sont données.

Débutante

• Capable de noter les facteurs significatifs qui se reproduisent dans des situations identiques;

• Incapable de faire le tri entre ce qui est important et ce qui l’est moins dans une situation clinique. Possède une vision fragmentée d’une situation de soins et ne voit pas une situation de soins comme un tout.

Compétente

• Possède une vision plus d’ensemble que la débutante;

• Capacité à différencier ce qui est pertinent de ce qui ne l’est pas dans une situation clinique;

• Commence à percevoir ses actes en termes d’objectifs ou de plans à long terme;

• Planifie ses soins en fonction d’un objectif à atteindre, comme le traitement d’un problème de santé, plutôt que comme des soins à exécuter;

• Capacité d’analyse présente, mais est cependant moins rapide et moins souple que l’infirmière performante;

• A le sentiment de maitriser les choses et d’y faire face et d’être en mesure d’affronter les nombreux imprévus;

• Capacité de planification consciente et délibérée qui l’aide à gagner en efficacité et en organisation;

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• Capacité à voir les situations de soins comme des touts et non comme des éléments disparates.

Performante

• Approche les situations en faisant appel à ses propres perceptions ainsi qu’aux données cliniques.

• Ses actions se présentent d’elles-mêmes sans réelle réflexion, car elles sont fondées sur l’expérience et les évènements récents. • Ordonnera inconsciemment les éléments du contexte par ordre

d’importance pour déterminer quelle est la conduite à tenir et ce qu’il risque de survenir.

Experte

• Ne tient plus compte des caractéristiques et des règles.

• Évaluation et intervention rapide dans des situations familières grâce à son expérience et son intuition.

• Performances souples qui montrent un niveau élevé d’adaptabilité et de compétence.

• Possède des habiletés analytiques élevées utiles lorsqu’elle est moins familière avec une situation.

Acquisition d’expérience

Les cinq niveaux d’expertise présentés précédemment ne sont pas hermétiques. Comme le processus d’apprentissage et de développement de l’infirmière est un processus graduel, il est juste de dire qu’une infirmière passera graduellement d’un niveau à l’autre. Elle présentera donc des caractéristiques des deux niveaux à la fois tout en progressant vers le niveau suivant. Il en est de même pour les autres niveaux à l’exception du niveau d’experte, car ce ne sont pas toutes les infirmières qui atteindront ce stade. Le modèle de Benner (1995) comporte cinq niveaux d’expertise. Cependant, ils ne sont pas tributaires des années d’expérience acquises. Ainsi, une infirmière pratiquant depuis deux ans pourrait se situer dans la catégorie « débutante ». De la même façon, une infirmière pratiquant depuis 30 ans peut être « performante » malgré sa large expérience.

Finalement, une infirmière peut progresser et régresser dans les niveaux de compétence (Benner, 1995). Une infirmière compétente ou performante dans

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un domaine des sciences infirmières régressera à un niveau inférieur si elle change de spécialité. Devant cette nouvelle spécialité, elle devra acquérir de nouvelles connaissances et développer une nouvelle expertise. Ses connaissances et expériences antérieures lui serviront de tremplin vers l’acquisition des connaissances et compétences et faciliteront le développement de son expertise.

En bref, ce modèle permet plus particulièrement de comprendre la réalité des novices et des débutantes que sont les étudiantes en sciences infirmières ainsi que leurs caractéristiques. Il permet de comprendre que la novice se base sur des paramètres observables et qu’elle n’est pas en mesure à son stade de prioriser un soin avant un autre. Cela permet par le fait même d’établir des objectifs réalistes avec la novice en fonction d’où elle est rendue dans son développement. De plus, l’enseignement sera différent s’il s’agit d’une novice ou d’une débutante. Contrairement à la novice, la débutante fait plus de liens (ce que la novice a de la difficulté à faire), mais elle a de la difficulté à voir la situation comme un ensemble. Cela nous permet également de mettre en lumière le besoin des stagiaires d’exprimer leurs incertitudes à leur superviseure afin de créer des liens entre la théorie et la pratique, pour ainsi développer leur raisonnement clinique.

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Chapitre 3. Recension des écrits

La recension des écrits permettra de décrire l’état actuel des connaissances qui mènera aux questions de recherche. Nous différencierons tout d’abord les concepts de raisonnement clinique, pensée critique et jugement clinique qui sont souvent vus d’une façon interchangeable dans la littérature. Nous aborderons ensuite le raisonnement clinique chez les novices ainsi que leur relation avec leur superviseure qui leur offre un encadrement clinique afin de développer ce raisonnement clinique. Nous enchainerons avec les positions d’apprentissage et d’évaluation en contexte de stage clinique qui peuvent notamment avoir un impact sur l’expression des incertitudes. Finalement, les incertitudes des étudiantes en stages cliniques seront présentées.

3.1 Raisonnement clinique

Raisonnement clinique : Une définition

Le raisonnement clinique est la pierre angulaire de la pratique infirmière (Chapados, Audétat, & Laurin, 2014). Il permet d’exercer la profession d’infirmière avec compétence en conformité aux normes professionnelles et éthiques et il est essentiel au développement des connaissances et des compétences de tous les professionnels (Facione, 1990; Lavertu, 2013). Les termes de jugement clinique et pensée critique sont souvent utilisés dans la littérature lorsque nous abordons le concept de raisonnement clinique. Avec le temps, la littérature s’est étoffée par rapport à ces concepts, nous permettant de mieux définir ceux-ci.

Selon le dictionnaire Le Robert Illustré (2013b), le raisonnement est « le fait de raisonner en vue de parvenir à une conclusion ». Le verbe « raisonner » est défini comme « faire usage de sa raison pour former des idées, des jugements ». Facione (1990, p. 3), avec un groupe d’experts, a défini la pensée

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critique comme un « […] processus récursif et non linéaire grâce auquel une personne forme un jugement sur ce qu’elle doit penser ou faire dans une situation bien précise […] [Traduction libre] ». Tanner (2006) a réalisé une revue de littérature regroupant 200 articles portant sur le jugement clinique. Tanner définit le jugement clinique comme étant le résultat de la réflexion, soit l’interprétation de la situation ou la décision prise à la suite d’un processus de réflexion. Elle aborde le concept de raisonnement clinique comme le processus cognitif par lequel l’infirmière analysera une situation, confrontera les données cliniques et arrivera à un jugement. Choquette et Legault (2008) ont réalisé une revue de littérature portant sur le concept de pensée critique et arrivent à des conclusions similaires. Leur recension ajoute qu’une personne démontrant une pensée critique sera intellectuellement curieuse, aura une capacité d’analyse développée et cherchera à accéder à la vérité d’une situation. Selon ces auteurs, « […] La pensée critique est constituée d’une série d’habiletés reliées à l’action et représente la pratique réelle de la pensée critique, notamment l’interprétation, l’analyse, l’évaluation, la déduction, l’explication et l’autorégulation […] (Choquette & Legault, 2008, p. 30). » Levett-Jones et al. (2010) abondent dans le même sens lorsqu’ils définissent le raisonnement clinique dans le cadre d’une revue de littérature sur le raisonnement clinique. En effet, ils le définissent comme un processus par lequel l’infirmière analysera une situation à l’aide des informations qu’elle aura recueillies afin de poser un jugement selon sa compréhension de la situation dans le but d’établir un plan d’action. Ils ajoutent que l’infirmière apprendra de chaque situation où elle démontrera ses habiletés de raisonnement clinique. Phaneuf (2013), enseignante émérite qui a dédié sa carrière à l’enseignement des soins infirmiers et au concept de raisonnement clinique, définit le jugement clinique comme « […] une idée, une opinion claire que l’infirmière se fait à la suite d’un processus d’observation, de réflexion et de raisonnement sur les données observées; il est, en somme, la conclusion qu’elle en tire […] (Phaneuf, 2013, p. 1) ». Elle ajoute que pour arriver à un jugement, un processus de raisonnement clinique est nécessaire sans toutefois définir ce

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dernier. Lavertu (2013, p. 75), lors d’un projet de maitrise visant à développer un outil d’évaluation de la pensée critique lors de stages en soins infirmiers, utilise le terme de pensée critique, et la définit comme « […] un processus de pensée raisonnable, intentionnel, réflexif et autorégulateur que l’infirmière ou l’infirmier utilise dans le but de produire un jugement infirmier ou de poser un acte infirmier adapté au contexte de la situation en conformité avec les normes professionnelles et éthiques […]. »

Bien que les concepts de jugement clinique, pensée critique et raisonnement clinique sont souvent utilisés de manière interchangeable, il est possible d’en dégager des différences importantes. Pour les besoins de ce projet, nous différencions le jugement clinique du raisonnement clinique. Nous adoptons la vision que le jugement clinique est le résultat d’un processus de raisonnement clinique. En ce qui concerne le raisonnement, nous considérons que celui-ci ainsi que la pensée critique sont le même processus. Pour les besoins de ce projet, nous adoptons la définition de Lavertu (2013) citée précédemment, ce qui nous amène à considérer l’apport du raisonnement clinique dans la pratique infirmière.

Raisonnement clinique et pratique infirmière

Le raisonnement clinique qui permet à l’infirmière de porter un jugement raisonné face à une situation donnée est une habileté essentielle à développer par les nouvelles infirmières selon les travaux australiens de Levett-Jones et al. (2010) et de Pitt, Powis, Levett-Jones, et Hunter (2015) qui se sont intéressés à l’influence des habiletés de raisonnement clinique sur les performances en contexte clinique. Ces infirmières pourront alors faire face à la complexité des situations cliniques qu’elles rencontreront et offrir des soins de qualité en tenant compte de la personne et des problématiques rencontrées par celle-ci (Chang, Chang, Kuo, Yang, & Chou, 2011; Choquette & Legault, 2008). Dans leur étude quantitative réalisée à Taiwan auprès de 570 superviseures, Chang et al. (2011) se sont intéressés aux relations entre les

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habiletés de raisonnement clinique et le niveau de compétence des infirmières. Ils associent un niveau de compétence infirmière plus élevé à, entre autres, des habiletés de raisonnement clinique plus développées. Ils associent également l’expérience de travail, le niveau d’étude et les fonctions exercées dans l’organisation comme étant tributaires du niveau de compétence.

Le raisonnement clinique contribue à assurer la sécurité des patients, car l’infirmière identifiera la problématique du patient et choisira les gestes à poser de façon raisonnée (Levett-Jones et al., 2010). À l’inverse, de faibles habiletés de raisonnement clinique prédisposent les infirmières à faire des erreurs et compromet leur capacité de détecter les signes de détérioration de leurs patients (Levett-Jones et al., 2010; Pitt et al., 2015), détérioration pouvant même aller jusqu’à la mort lors que les signes de détérioration ne sont pas détectés (Levett-Jones et al., 2010).

Comme souligné dans La mosaïque des compétences (Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2009a), au-delà des dimensions professionnelle et fonctionnelle, la dimension contextuelle amène toute la complexité de la profession infirmière. Tout patient se présente à l’infirmière avec un contexte personnel, social, professionnel et de santé différent. C’est par son raisonnement clinique qu’elle déterminera quels sont les éléments de la situation de santé du patient et du contexte à prendre en considération afin de prendre des décisions cliniques adaptées à la situation. La profession infirmière :

« […] ne se situe pas dans le « faire » et dans « l’ici et maintenant ». Son importance humaine exige l’acquisition de ces connaissances fondamentales et une bonne dose de réflexion, de prise de décision, de capacité de prévoir les interventions nécessaires, la capacité de bien les cibler en fonction des difficultés du malade, de planifier à plus long terme et de prévenir les complications possibles. Seules les habiletés perceptuelles d’observation et les habiletés intellectuelles de réflexion, de raisonnement, de pensée critique, reliées au jugement clinique, le permettent réellement […] (Phaneuf, 2013, p. 5). »

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C’est l’habileté la plus importante chez l’infirmière (Phaneuf, 2013). Devant son importance pour l’infirmière, l’examen professionnel de l’Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec (OIIQ) vise particulièrement à évaluer la capacité des candidates à l’exercice de la profession d’infirmière à analyser une situation et à poser un jugement, soit évaluer leur capacité de raisonnement clinique (Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2016). Les stagiaires doivent donc, au cours de leur formation, développer leur raisonnement clinique.

Raisonnement clinique chez les stagiaires

Le raisonnement clinique est essentiel dans la profession infirmière, alors que l’infirmière doit analyser des situations souvent ambigües et où les valeurs personnelles et professionnelles peuvent entrer en conflit (Tanner, 2006). Lorsqu’une infirmière expérimentée entre dans la chambre d’un patient, elle commence déjà à collecter des données, seulement par l’observation, qu’elle analysera et qui lui permettront de poser un jugement sur la situation du patient (Levett-Jones et al., 2010). Dès lors, elle analysera la situation et les interventions à poser dans cette situation. Cela est possible grâce à son expérience et à ses connaissances.

Pour la stagiaire, le processus est un peu plus complexe. En effet, la capacité de jugement clinique, de réflexion et d’analyse des novices ne leur permet pas d’aborder une situation de soins sous l’angle de la complexité (Benner, 1995; Benner, Sutphen, Leonard, & Day, 2010; Benner et al., 2009; Choquette & Legault, 2008). Selon la théorie de Benner (1995), la novice a un comportement « limité et rigide ». Elle utilise des données quantifiables comme le poids, la pression artérielle et la fréquence cardiaque, pour connaitre l’état des patients. La novice utilise des règles, qui lui sont données, qu’elle ne peut utiliser que dans un contexte défini (Dreyfus & Dreyfus, 1980). Elle se retrouvera devant l’inconnu face à une situation similaire présentant une variante. Il est normal à ce stade de voir un raisonnement plus lent et laborieux (Phaneuf, 2013). Bien qu’elle ait des connaissances pertinentes à la situation

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clinique, la novice doit réorganiser ses connaissances en fonction de la situation clinique pour les utiliser (Chapados et al., 2014). Elle aura de la difficulté à distinguer les éléments pertinents à prendre en considération par rapport à une situation (Benner, 1995; Levett-Jones et al., 2010). Elle pourra même se fier à des stéréotypes et des impressions qui affecteront les informations collectées ainsi que le raisonnement qui en découlera (Levett-Jones et al., 2010).

L’infirmière experte se montre en mesure de collecter un plus large éventail d’informations cliniques rapidement lors de sa collecte de données, d’effectuer plus de liens cliniques, de parfois prédire l’évolution du patient, mais également prévenir les complications. De son côté, la novice cherche à étoffer leur évaluation une fois qu’une problématique est identifiée en poursuivant leur collecte de données. Pour cette raison, les novices détectent les complications plus tardivement qu’une infirmière experte (Levett-Jones et al., 2010).

De plus, chez la novice, la priorisation des tâches et des soins est inexistante (Benner, 1995; Benner et al., 2009). Les finissantes ont des difficultés au niveau de l’évaluation de situations cliniques, du raisonnement clinique, de la gestion du temps, de la communication avec les autres professionnels de la santé et du travail d’équipe (Hickey, 2010). Les caractéristiques décrites par Benner (1995) expliquent en partie les difficultés rencontrées. L’écart entre ce qu’elles connaissent et la réalité clinique à laquelle elle est confrontée laisse place aux incertitudes.

Afin de permettre l’intégration des différentes compétences nécessaires à la pratique clinique, telles que l’intégration de la théorie à la pratique, l’évaluation clinique, le raisonnement clinique et la priorisation des soins, la stagiaire interagit avec une superviseure dans le cadre de stages cliniques.

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3.2 Relation superviseure et supervisée

La relation entre la stagiaire et la superviseure est l’un des facteurs les plus importants en contexte de stage clinique. Elle est même vue comme un point central des stages cliniques (Ali, 2012; Ismail, Aboushady, & Eswi, 2016; Myrick & Yonge, 2001), notamment en ce qui concerne le développement du raisonnement clinique des stagiaires (Giroux & Girard, 2009). En effet, le raisonnement clinique se développe alors que la stagiaire est en relation étroite avec une superviseure qui l’accompagnera dans ses apprentissages (Ali, 2012; Giroux & Girard, 2009; Hickey, 2010; Ismail et al., 2016; McClure & Black, 2013; Myrick, 2002; Myrick & Yonge, 2001; Niederriter, Eyth, & Thoman, 2017; Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2009b; Telio, Regehr, & Ajjawi, 2016).

Une étude de type théorisation ancrée réalisée à Calgary par Myrick et Yonge (2001) auprès de six stagiaires de dernière année du baccalauréat en sciences infirmières et six superviseures s’est intéressée à la perception de ceux-ci du processus de développement du raisonnement clinique en contexte de stage clinique ainsi que sur les mesures mises en place pour favoriser celui-ci. Cette étude qualitative met en lumière l’importance de la relation entre une superviseure et une stagiaire. En effet, la superviseure, par sa façon d’être et par ses actions, participe à créer un climat de confiance en voyant la stagiaire comme une collègue et non comme une subordonnée, en la valorisant comme personne et en étant disposée à travailler avec la stagiaire à son développement professionnel. La valorisation de la stagiaire par la superviseure témoigne de son ouverture, de son accessibilité et de sa disponibilité. À l’inverse, une stagiaire qui ne se sent pas valorisée aura tendance à taire ses questions, ne se sent pas confortable de les adresser, affectant par le fait même ses performances et inhibant ses habiletés de raisonnement. Lorsqu’une relation de confiance est établie, la stagiaire et la superviseure travaillent ensemble activement vers des objectifs d’apprentissage. Lorsque la relation de confiance est établie, les stagiaires

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sont plus curieuses et sont plus portées à questionner leur pratique davantage et à se remettre en question. Dans le cas d’une relation positive, la rétroaction est vue comme une opportunité de grandir et d’acquérir de nouvelles compétences. Une seconde étude de type théorisation ancrée réalisée auprès de six stagiaires en sciences infirmières de quatrième année d’une université de Calgary et leurs superviseures par Myrick (2002) sur les mêmes questions de recherche ajoute que la stimulation du développement du raisonnement clinique peut être « délibérée » ou « accidentelle » de la part de la superviseure. La stimulation délibérée est faite par le questionnement des connaissances, la remise en question du raisonnement et la discussion. La stimulation accidentelle, ayant une prévalence plus élevée que la stimulation délibérée, se fait indirectement par l’observation de la superviseure alors qu’elle guide, agit comme modèle de rôle et priorise ses soins.

L’étude à devis mixte de Hickey (2010) réalisée aux États-Unis abonde dans le même sens que celle de Myrick et Yonge (2001). Selon cette étude, les participants voient comme positif un « […] enseignement « facilitateur », une recherche d’opportunités d’apprentissage pour la stagiaire, une communication claire des attentes, une accessibilité du superviseur, une stimulation de l’indépendance de la stagiaire et une aide pour développer les habiletés de jugement clinique […] [Traduction libre] (Hickey, 2010, p. 39) ». Leurs conclusions montrent donc qu’une attitude positive facilite les apprentissages, la communication en plus de permettre aux étudiants de saisir les opportunités d’apprentissage. Cette relation de confiance et d’ouverture rend la stagiaire plus à l’aise à être « challengée » et à poser ses questions (Lechasseur, 2009; Saintsing et al., 2011).

Une étude quantitative descriptive d’Ali (2012) réalisée auprès de 113 stagiaires en sciences infirmières en Arabie Saoudite s’est intéressée aux attitudes de caring qui facilitaient l’enseignement clinique de superviseures

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avec des stagiaires. Les caractéristiques et comportements facilitants tirés d’Ali (2012) sont présentés dans le tableau suivant.

Tableau 2. 10 caractéristiques et comportements de Caring facilitant l’enseignement clinique par les superviseures selon Ali (2012) (Traduction libre)

10 caractéristiques de Caring 10 comportements de Caring

• Être présent pour travailler avec la stagiaire;

• Poser des questions pertinentes à la pratique clinique;

• Avoir de l’expérience en formation dans le milieu clinique; • Être bien informé dans le champ

clinique;

• Démontrer de l’enthousiasme; • Lier les tâches cliniques aux

objectifs du stage;

• Orienter adéquatement la

stagiaire à travers les politiques, routines de soins dès le début du stage;

• Faire de l’évaluation en continu; • Transmettre ses connaissances

à la stagiaire;

• Offrir à la stagiaire des opportunités de mettre en pratique.

• Démontrer un intérêt véritable du patient et de ses soins;

• Respecter la stagiaire telle qu’elle est;

• S’intéresser à la stagiaire en tant que personne;

• Accepter ses propres erreurs et limites;

• Ne donne pas le sentiment à la stagiaire qu’elle est un échec; • Faire sentir que la stagiaire peut

réussir;

• Croire en la stagiaire;

• Inspirer la stagiaire à poursuivre

le développement de ses

habiletés et connaissances; • Aider la stagiaire à se voir

comme une professionnelle; • Instiller l’espoir en le futur à la

stagiaire.

Selon leurs résultats, les stagiaires valorisent particulièrement les superviseures ayant une large expertise dans leur champ de pratique, les considérant comme des expertes leur apportant un sentiment de sécurité. L’absence ou l’indisponibilité de la superviseure, reliée à une charge de travail élevée par exemple, limite les opportunités d’apprentissage et est vue comme insécurisante par les stagiaires (Ali, 2012). Les caractéristiques et les comportements appréciés par les stagiaires cités précédemment mettent en lumière des éléments sécurisants la stagiaire, tant au niveau émotionnel que dans ses apprentissages.

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Des résultats similaires sont ressortis d’une revue de littérature réalisée par McClure et Black (2013). Leur étude portant sur le rôle du superviseur du point de vue des stagiaires montre qu’une relation positive favorise les apprentissages. En effet, une superviseure présente, accueillant les discussions cliniques comme une occasion de développement pour la stagiaire et qui s’intéresse réellement à sa progression est vue comme un élément aidant par les stagiaires (McClure & Black, 2013).

En 2016, Ismail et al. ont publié une étude de type descriptive corrélationnelle portant sur les attitudes et les caractéristiques les plus importantes du point de vue des stagiaires en sciences infirmières. Leur étude a été menée en Égypte auprès de 333 stagiaires qui ont eu au moins cinq superviseures différentes. Les tableaux ci-bas présentent un résumé des résultats.

Tableau 3. Attitudes de la superviseure les plus et moins importantes selon Ismail et al. (2016) (Traduction libre)

Attitudes les plus importantes Attitudes les moins importantes

• Stimuler ce qui est important; • Donner de la rétroaction sur les

performances de la stagiaire; • Informer la stagiaire sur son

niveau de préparation;

• Avoir un bon sens de l’humour; • Diriger la stagiaire vers la

littérature utile en soins infirmiers;

• Démontrer des habiletés

cliniques et un bon jugement; • Démontrer une maitrise des

techniques et procédures;

• Communiquer les attentes à la stagiaire.

• Être autocritique;

• Reconnaitre ses propres limites; • Ne pas critiquer la stagiaire

devant d’autres personnes; • Démontrer des habiletés de

communication;

• Montrer un intérêt personnel envers la stagiaire;

• Démontrer de l’empathie;

• Corriger les erreurs de la stagiaire sans la rabaisser; • Donner du renforcement positif

pour les bonnes contributions, observations et performances; • Démontrer de l’enthousiasme.

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Tableau 4. Caractéristiques de la superviseure les plus et moins importantes selon Ismail et al. (2016) (Traduction libre)

Caractéristiques les plus importantes

Caractéristiques les moins importantes

• Être accessible pour la stagiaire; • Être un bon modèle de rôle; • Mettre l’emphase sur ce qui est

important;

• Démontrer les bonnes

techniques et procédures;

• Diriger la stagiaire vers la littérature utile en soins infirmiers;

• Être organisée;

• Discuter des avancées dans son champ de pratique;

• Ne pas critiquer la stagiaire devant d’autres personnes; • Prendre la responsabilité de ses

propres actions;

• Démontre ses connaissances en soins infirmiers.

• Démontrer des habiletés de communication;

• Comprendre rapidement ce que la stagiaire lui demande ou lui exprime;

• Être dynamique et énergique; • Encourager la participation dans

les discussions;

• Montrer un intérêt personnel envers la stagiaire;

• Avoir un bon sens de l’humour; • Offrir du support et des

encouragements à la stagiaire;

• Communiquer ses attentes

envers la stagiaire.

Cette étude est intéressante en raison des informations qu’elle nous procure sur la perception des stagiaires en ce qui concerne les attitudes et caractéristiques recherchées chez les superviseures. Une relation positive offrant du soutien à la stagiaire augmentera sa motivation, facilitera son adaptation et sa gestion du stress et permettra des discussions cliniques stimulantes (Ismail et al., 2016).

Cependant, les attitudes et caractéristiques vues comme moins importantes sont considérées ainsi en raison de la fréquence des réponses des participantes, et non, car elles ne sont pas désirées chez la superviseure. L’étude d’Ismail et al. (2016) ne s’est pas penchée sur les attitudes et caractéristiques qui sont vues négativement chez les superviseures par les stagiaires.

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La relation superviseure-supervisée a été également étudiée par Telio et al. (2016) lors de leurs travaux sur « l’alliance éducationnelle » et la rétroaction. Ceux-ci ont réalisé leur projet selon une théorisation ancrée constructiviste auprès de résidentes en médecine en stage de psychiatrie au Canada. 34 répondantes ont d’abord rempli deux questionnaires de type Likert à 6 et 7 points portant sur leurs expériences de rétroaction lors de leurs différents stages, ainsi que sur la relation avec leur dernière superviseure. De ces 34 répondantes, 8 participantes ont été sélectionnées pour participer à des entrevues. Le choix des participantes s’est fait sur la base des résultats aux questionnaires, alors que leurs réponses étaient aux extrêmes des échelles de Likert, soit que leurs relations et expériences étaient très positives ou très négatives. Leurs résultats montrent que la première interaction teinte « l’alliance éducationnelle » pour toute sa durée. En effet, l’absence d’intérêt de la part de la superviseure lors de la première interaction limitera l’impact de la rétroaction lorsqu’elle voudra en offrir, alléguant même qu’il serait trop tard. Devant une alliance faible, les stagiaires s’éloigneront et fuiront les situations où ils pourraient recevoir de la rétroaction. Ceux-ci accorderont une faible crédibilité aux rétroactions offertes, qu’elles soient positives ou négatives (Telio et al., 2016).

De l’autre côté, une alliance forte avec la superviseure part de l’intérêt de l’un envers l’autre dès le début de la relation. Dans cette relation, la stagiaire accueillera la rétroaction positive, mais aussi négative, comme une source d’apprentissage, accordant de la crédibilité à ce qui lui est dit (Telio et al., 2016), résultat également obtenu par Niederriter et al. (2017). La rétroaction offerte dans une alliance forte est vue comme ayant comme but d’offrir l’opportunité d’apprendre, de s’améliorer plutôt que ridiculiser. De plus, dans ce type d’alliance, la stagiaire est plus prompte à questionner son superviseur et à demander des rétroactions (Telio et al., 2016).

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28

Plus récemment, aux États-Unis, Niederriter et al. (2017) ont également étudié les caractéristiques des superviseures qui sont efficaces en supervision clinique. Dans leur recherche de type phénoménologique, ils ont questionné 14 étudiantes afin d’identifier les caractéristiques et les techniques d’enseignement qui font d’une infirmière une superviseure efficace. Ceux-ci ont fait ressortir quatre grands thèmes, soit la relation de confiance, l’expérience ainsi que les connaissances, le coaching et le modèle de rôle, qu’ils ont chacun divisé en quatre sous-thèmes. Ces thèmes et sous-thèmes sont résumés dans le tableau ci-bas.

Tableau 5. Caractéristiques d’une superviseure efficace selon Niederriter et al. (2017) (Traduction libre)

Relation de confiance

Accessibilité Sentiment que la superviseure est présente pour la réussite de la stagiaire, que la relation rend la stagiaire confortable de s’adresser à la superviseure pour obtenir des réponses à ses questions.

Disponibilité Présence, tant physique qu’émotionnelle de la superviseure, afin de répondre aux questions de la stagiaire, renforçant le sentiment de sécurité.

Attentes claires Établissement des attentes afin que la stagiaire sache quels sont ses points à travailler, qui permet de s’autoévaluer, mais également de réduire l’anxiété associée aux stages cliniques.

Désir d’enseigner Intérêt réel de la superviseure et passion pour son travail avec le désir de réussite de la stagiaire.

Expérience et connaissances

Expérience dans la spécialité

Expérience clinique dans le champ de pratique de la superviseure.

Compétence Détient les habiletés techniques requises dans son

champ de pratique, facilitant la supervision et l’accompagnement de la stagiaire.

Débriefing Discussion spontanée entre la stagiaire et la superviseure suite à une intervention, ou en fin de journée, pour faire un retour sur les points positifs et ceux à améliorer.

Validation Explicitation de la tâche à exécuter par la stagiaire avec correction au besoin par la superviseure suivie par l’exécution accompagnée par la superviseure.

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