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Identification des mécanismes de dissémination de l’ambroisie et des vecteurs associés sur une zone d’étude du Nord du Gard

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Academic year: 2021

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MÉMOIRE

Présenté par

: Nicolas SCHMITT

Dominante d’approfondissement :

AGER

(AGRONOMIE-ENVIRONNEMENT)

Identification des mécanismes de

dissémination de l’ambroisie et des vecteurs

associés sur une zone d’étude du Nord du

Gard

Stage long de fin d’étude, option Apprentissage

Stage effectué au CETIOM (Centre d’Etude Technique Interprofessionnel des Oléagineux Métropolitains), Centre de Grignon - B.P.4 – 78850 THIVERVAL GRIGNON

Pour l’obtention du :

DIPLOME D’INGENIEUR AGRONOME d’Agroparistech et du

DIPLOME D’AGRONOMIE APPROFONDIE

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Remerciements

Je tiens à remercier Christophe SAUSSE, mon tuteur entreprise au CETIOM pour son aide quotidienne, ses conseils et sa disponibilité depuis mon arrivée au CETIOM.

Je remercie Thierry PIANETTI de la Chambre d’Agriculture du Gard pour son aide dans cette étude, et les nombreux contacts dans le Gard dont il nous a fait bénéficier. Un grand merci également aux agriculteurs de la zone d’étude pour leur grande disponibilité, leur patience et leur collaboration dans le cadre de cette étude.

Je remercie également Bruno CHAUVEL de l’INRA de Dijon pour son expertise et ses conseils, mais également sa bonne humeur en toutes circonstances.

Merci à Philippe MARTIN, mon tuteur école, pour ses conseils avisés tout au long des 2 années passées au CETIOM, et pour sa disponibilité.

Merci à Martine LEFLON du CETIOM pour tous ses conseils divers et variés (et informatiques en particulier…) et la bonne ambiance à laquelle elle a largement contribué dans le bureau 144.

Merci enfin à toute l’équipe du CETIOM pour leur accueil, leur humour et leur bonne humeur au quotidien dans les locaux de Grignon, au coin café comme à la cantine…

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Sommaire

Introduction ... 5

Chapitre I/ Synthèse bibliographique : Identification les vecteurs de dissémination de l’ambroisie ... 6

1. L’ambroisie, une plante envahissante ... 6

a) Biologie et écologie de la plante ... 6

 Présentation ... 6

 Cycle de vie ... 6

 Semences et stock semencier ... 8

b) Une invasion qui progresse ... 8

 Origines et historique de l’infestation ... 8

 Répartition actuelle et extensions récentes ... 9

c) Des moyens de lutte connus ... 11

 La lutte dans les culture ... 11

 La lutte en interculture ... 11

 Prévention ... 12

2. Une dissémination essentiellement humaine ... 12

a) En milieu agricole ... 12

b) Dans les milieux non agricoles ... 14

c) Un cas particulier de dissémination naturelle : les cours d’eau. ... 15

d) Scénario « modèle » : Infestation initiale / multiplication / contamination locale et lointaine ... 16

3. Problématique ... 17

a) Des mécanismes de dissémination complexes derrière des vecteurs identifiés ... 17

b) Interaction entre les différents vecteurs et leurs mécanismes dans le paysage agricole ... 18

Chapitre II/ Matériel et méthodes ... 19

1. Définition d’une zone d’étude ... 19

a) Recherche d’une zone d’étude appropriée ... 19

b) Localisation de la zone d’étude ... 20

c) Histoire de l’ambroisie et de la lutte sur la zone d’étude ... 21

d) Hypothèses préalables de dissémination sur la zone d’étude. ... 22

 Engins de récolte ... 22

 Rivières ... 22

 Transports de terre ... 23

2. Protocole de collecte des données ... 23

a) Choix des agriculteurs enquêtés ... 23

b) Entretiens semi-directifs ... 24

c) Visite des parcelles ... 25

3. Méthode d’analyse des données ... 26

Chapitre III/ Résultats ... 29

1. Un contexte adapté ... 29

2. Résultats des entretiens et identification des points critiques ... 31

3. Processus de dissémination par vecteur connus ... 35

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b) Crues ... 35

c) Déplacements de terre ... 35

4. Identification de nouveaux vecteurs ... 36

a) Semences contaminées ... 36

b) Fourrages contaminés ... 38

c) Fumiers ... 39

5. Premiers résultats interactions rivières/milieu agricole ... 40

Chapitre IV/ Elaboration de scénarios de dissémination à l’échelle de l’exploitation et du territoire ... 44

1. Scénarios impliquant les engins de récolte ... 44

a) A courte distance : l’échelle de l’exploitation ... 44

b) A moyenne et grande distance : l’échelle du paysage ... 46

2. Scénario « semences fermières en système élevage » ... 47

3. Un lien entre rivière/crues et transport de terre ? ... 48

4. Articulation des vecteurs entre eux : des processus de dissémination croisés ... 49

5. Discussion ... 52

Chapitre V/ Perspectives de recherches et stratégies de prévention ... 53

1. Quantification des flux de graines ... 53

2. Gestion des infestations ... 54

3. Principe de prévention/principe de précaution ? ... 54

Conclusion ... 56

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Introduction

L’ambroisie (Ambrosia artemisiifolia L) est une plante invasive qui pose depuis plusieurs années de graves problèmes dans certaines régions françaises au premier rang desquelles la région Rhône-Alpes. Cette plante rudérale qui se satisfait des milieux les plus ingrats est également une adventice concurrentielle très importante dans les cultures, et les moyens de lutte existant pour la détruire sont peu nombreux, délicats à mettre en œuvre et parfois inefficaces.

Mais surtout, l’ambroisie produit au moment de la floraison un pollen hautement allergène, auquel 6 à 12% de la population serait sensible : la lutte contre cette plante est devenu un enjeu majeur de santé publique. Des mesures contraignantes vis-à-vis de l’ambroisie avaient été prises dès 2000, et imposaient la destruction de la plante avant la floraison et l’émission de pollen. L’application de ces mesures n’a pas connu le succès escompté. D’une part, la production de pollen et les allergies qui y sont liées restent importantes, mais plus grave encore, la plante continue son extension vers des régions qui étaient encore épargnées : à moyen terme, on s’expose aux mêmes problèmes dans des régions encore assez préservées (Languedoc-Roussillon, Bourgogne, Poitou-Charentes…) que dans les secteurs historiques comme la région Rhône-Alpes. Des projets de lutte dans le milieu agricole ou de lutte concertée ont eu lieu ou voient le jour dans certaines régions.

En ce qui concerne la dissémination des semences d’ambroisie et donc l’extension de l’infestation, on dispose d’assez peu de données, et le nombre de recherches sur le sujet reste limité. Les vecteurs de dissémination semblent être connus de longue date et paraissent évidents, mais bon nombre d’infestations restent inexpliquées et certains vecteurs n’ont jamais pu être démontrés avec certitude. Par ailleurs, ces vecteurs en tant que moyen de transport n’ont que rarement été confrontés aux situations observées. Les mécanismes de dissémination qui mettent en action ces vecteurs restent la plupart du temps méconnus. La connaissance de ces aspects est pourtant fondamentale pour mener des actions destinées à enrayer la progression de la plante. En réduisant la dissémination, on pourrait éviter de recréer des problèmes agricoles et allergiques dans des secteurs jusqu’ici épargnés. C’est dans ce contexte que nous avons décidé d’étudier plus en détail les vecteurs et les mécanismes liés.

Dans un premier temps, une synthèse bibliographique précise sur les vecteurs de dissémination a été réalisée. Nous avons ensuite établi une méthodologie basée sur des enquêtes et des cartographies de parcelles sur une zone d’étude en adéquation avec ce que nous voulions montrer. Les résultats obtenus ont été filtrés en confrontant résultats d’enquêtes, cartographies des parcelles, observations sur le terrain et avis d’experts. Des scénarios de dissémination qui retracent l’histoire de la dissémination de l’ambroisie ont alors été élaborés à partir de la généralisation de cas réels observés sur le terrain. Enfin, les perspectives ouvertes par ces travaux et leurs limites ont été analysées.

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Chapitre I/ Synthèse bibliographique :

Identification les vecteurs de dissémination de

l’ambroisie

1. L’ambroisie, une plante envahissante

a) Biologie et écologie de la plante

 Présentation

L’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L.), que nous appellerons par commodité ambroisie par la suite, est une plante annuelle estivale de la famille des Astéracées, annuelle et monoïque. Cette plante étant très répandue et commune dans de nombreuses régions du monde, elle possède un nombre très important de surnoms à l’intérieur de ses zones d’extension, les plus connues étant « petite ambroisie », « ambroise », « herbe de Bonce », ou encore « herbe à poux » au Canada et « ragweed » aux USA.

 Cycle de vie

L’ambroisie est une plante rudérale et pionnière qui peut s’adapter à presque tous les milieux et tous les types de sol. Elle peut se développer dans n’importe quel substrat, quel que soit son pH, sa teneur en éléments grossiers ou nutritifs. Elle parvient même à croître en l’absence de sol, dans les fissures du bitume ou dans les décombres les plus grossiers. C’est ainsi qu’on la trouve dans des milieux aussi variés que cultures et intercultures, jachères fraîchement ensemencées, chantiers, bords de route, lits de rivière caillouteux, décombres, friches urbaines : c’est la plante des milieux perturbés, sur lesquels la végétation est fréquemment détruite et la terre remuée.

Dans les régions du Sud de la France, la germination de l’ambroisie débute dès mars dans les cultures d’hiver si les conditions lui sont favorables, et en même temps que les cultures de printemps au moment de leur implantation. Le zéro de végétation de la plante a été estimé à 3,6°C, ce qui confirme son aptitude à germer dès la fin de l’hiver (GUILLEMIN et al, 2008). La préparation du sol et la fertilisation favorisent l’ambroisie, d’autant plus que son cycle est couplé avec celui des cultures de printemps (maïs, tournesol, soja…). Hors des zones agricoles, la date de levée dépend des conditions pédoclimatiques du lieu, se produit généralement entre avril et juin. La plante apprécie tout particulièrement la chaleur, si bien que son développement est assez lent jusqu’au mois de juillet, alors que sa croissance est extrêmement rapide lors de la seconde quinzaine de juillet, époque durant laquelle les boutons floraux font leur apparition (figure N°1) (FUMANAL, 2007).

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Figure N°1 : Cycle de vie et de reproduction d’Ambrosia artemisiifolia en France. (B.FUMANAL et B.CHAUVEL, 2007).

La floraison proprement dite intervient dès fin juillet, parfois plus tôt les d’années chaudes et lorsque la germination précoce. La floraison peut se prolonger tard dans la saison sur les plantes les plus tardives (bande de roulement le long des routes, étendues de terre remaniées en début d’été), et ne prend parfois fin qu’avec les premières gelées hivernales, comme ce fut le cas en 2006.

Durant la floraison, seules les inflorescences mâles prennent la forme d’épis de fleurs verdâtres, au sommet des tiges principales ou des ramifications si elles existent. Elles émettent en grande quantité un pollen allergénique, qui est porté par le vent sur des distances importantes, jusqu’aux portes des villes. Les fleurs femelles sont quant à elles assez discrètes et se situent à l’aisselle des feuilles. Après pollinisation, ces dernières donnent des fruits de type akène, qui atteignent leur maturité entre fin septembre et novembre.

L’ambroisie est de plus une plante très résistante à la sécheresse, qui apprécie particulièrement la chaleur estivale (optimum de croissance à 27,5°C (GUILLEMIN et al, 2008)). Cette résistance lui permet de se développer dans des endroits très caillouteux, et en plein été dès que la place lui est libérée (après la moisson des céréales, après un désherbage total ou un bouleversement du terrain, par exemple). Cette aptitude à exploiter au mieux les ressources en eau et nutriments du substrat serait en grande partie dûe à la mycorrhyzation qui a pu être mise en évidence chez la plupart des populations d’ambroisie rudérales (FUMANAL, 2007).

Le seul frein à son développement est la fermeture du milieu : elle ne supporte pas la concurrence des autres plantes, et est absente des milieux densément occupés par d’autres plantes tels que forêt, jachère en place, prairies, trèfles ou luzernes. Des terrains peuvent être très contaminés une année, comme les jachères récemment implantées, et voir l’ambroisie disparaître l’année suivante, dès que la végétation implantée occasionne une concurrence trop importante. Un stock semencier se constitue très rapidement (la première ou les premières

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années). Il suffit alors d’un retournement de terre ou d’une destruction du couvert pour que ce stock semencier puisse exprimer son potentiel invasif et germe.

 Semences et stock semencier

Les semences de type akène mesurent entre 3 et 6 mm. Leur variabilité de poids et leur taille est très importante, ce qui n’a toutefois pas d’influence établie sur la vigueur et la taille de la plante qui en est issue (FUMANAL, 2007). Les graines ne germent pas toutes dès leur maturité, et connaissent deux phases de dormance :

-une dormance primaire dès la maturité de la graine, qui lui évite une germination qui conduirait à une mort hivernale sous l’effet du gel.

-une dormance secondaire qui entre en jeu en été, une fois que la période de germination printanière est passée, et qui concerne les graines qui n’ont pas pu germer (positionnement trop profond, sécheresse…) (WILLEMSEN, 1975).

Les graines enfouies dans le sol constituent un stock semencier pouvant devenir très important, en particulier en milieu rudéral où nombre d’entre elles ne trouvent pas les conditions nécessaires à leur germination. Au contraire, une grande majorité des semences germe au printemps dans les parcelles agricoles où toutes les conditions de germination sont réunies, ce qui tendrait à faire diminuer le stock semencier plus rapidement que ce que la littérature laisse supposer. Des échantillonnages réalisés entre 0 et 15 cm de profondeur dans les sols avancent des chiffres dépassant les 2000 semences viables par m², conséquence de plusieurs cycles de grenaison (VITALOS et al, 2008). On comprend bien les enjeux de gestion d’un tel stock semencier, d’une part dans la dissémination dont il peut être la source (transports de terre contaminées, engins de travail du sol), et d’autre part par le travail de fond nécessaire pour le faire diminuer ou empêcher sa croissance. Les semences conservent leur capacité germinative jusqu’à 4 ans en surface et 40 ans dans le sol (TOOLE & BROWN, 1946), il est fondamental d’éviter toute production de graine lorsque cela est possible, ou de mener une lutte de longue durée pour parvenir à épuiser progressivement le stock semencier.

b) Une invasion qui progresse

 Origines et historique de l’infestation

L’Ambroisie est une plante native d’Amérique du Nord, mais dont l’abondance relative et la répartition restaient limitées. Elle aurait ensuite colonisé le Nord du Canada lors de périodes post-glaciaires, puis plus récemment, l’ensemble du Canada suite à l’ouverture des milieux liée à l’essor de l’agriculture. Elle se serait d’abord étendue en suivant le cours des rivières, avant de profiter de l’ouverture de nouvelles voies de communication (routes en particulier) pour envahir tout le pays (LAVOIE et al, Oct. 2007) et prospérer au point de poser de graves problèmes. Elle est assez peu répandue dans les cultures, leur préférant les terres incultes, d’où elle a été systématiquement éliminée par le biais de campagne d’arrachage soutenues et de végétalisation des zones infestées.

Les premières invasions avérées d’ambroisie en France datent des années 1860 (Figure N°2) dans la vallée du Rhône, et seraient liées à l’importation de lots de semences de trèfle contaminés par des graines d’ambroisie, en provenance d’Amérique du Nord.

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Figure N°2 : Progression de l’Ambroisie en France depuis 1880. Les départements en vert

représentent les départements nouvellement infestés entre 2 périodes.

La présence de semences d’ambroisie dans les lots de trèfle ou de luzerne est même à cette époque un critère utilisé pour mettre en évidence l’origine nord-américaine des lots de semence (Larousse Agricole, édition 1921).

A la même époque, dans les mêmes conditions et par le même vecteur, elle colonise également plusieurs autres pays européens. Cette plante nouvelle est un exemple parfait d’introduction accidentelle et d’extension d’une plante étrangère. Elle s’est peu à peu naturalisée, et on se préoccupe peu de son extension au début du siècle, d’autant plus qu’elle se contente des terres incultes et qu’il s’agit d’une plante plutôt décorative et originale… Une seconde vague d’introduction en France se situerait en fin de première guerre mondiale, lorsque les troupes américaines importaient pour leurs chevaux des fourrages contaminés avec des semences d’ambroisie (CHAUVEL et al, 2006).

Cependant, la véritable « explosion démographique » de l’ambroisie a eu lieu plus tard, en deux étapes. En premier lieu à partir des années 60, à la faveur des grands travaux d’aménagement du territoire, durant lesquels de grandes quantités de terre issues d’anciennes parcelles agricoles ont été déplacées, sur de grandes distances parfois, avec les graines qu’elles contenaient. On peut citer les exemples de l’aéroport de Saint Exupéry, les diverses routes, autoroutes ou rocades, le chantier du TGV Sud-Est. Le transport de terre contaminée est un vecteur très important d’expansion de l’Ambroisie, parfois sur de très grandes distances. L’importance de ce vecteur devient particulièrement visible lorsque des aménagements sont réalisés avec de la terre exogène, et que l’Ambroisie lève sur des accotements fraîchement aménagés (DECHAMP, MEON, 2002).

La seconde phase d’infestation est contemporaine de la réforme de la PAC en 1992, avec l’instauration de la jachère obligatoire. De nombreuses parcelles ont pu souffrir d’un peuplement en plantes de couverture insuffisant les premières années après la mise en place de la réforme, ce qui a été un facteur favorisant pour l’ambroisie. Les sols ont accumulé un stock semencier important, qui pouvait à son tour être disséminé par les déplacements de terre.

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A l’heure actuelle, rien ne semble pouvoir stopper l’extension de l’Ambroisie en France, tant cette plante parvient à prospérer dans tous les milieux. On peut dire qu’actuellement, on la trouve dans quasiment toutes les régions françaises (Figure N°3).

Figure N°3 : Répartition actuelle de l’ambroisie en France, d’après Muller (2004)

Des témoignages ou des relevés mettent à jour son extension d’année en année. Cependant, dans les régions septentrionales, sa présence reste le plus souvent limitée à des petits foyers, et les émissions de pollen restent en deçà du seuil de nuisibilité pour l’homme. Il semble cependant que le réchauffement climatique de ces dernières années, la réduction du nombre de jours de gel hivernal et le retardement progressif du premier gel permettent à l’ambroisie de terminer son cycle de croissance et de grainer dans des endroits où elle n’y parvenait pas par le passé, dans le nord-est de la France en particulier (CHAUVEL, 2008).

Le principal foyer actuellement reste la région Rhône-Alpes, au sud et à l’est de Lyon, zone densément peuplée et fortement urbanisée, avec une agriculture en recul (DECHAMP, MEON, 2002). Les densités de plante produisent des émissions de pollen telles qu’il a été montré que des nuages de pollen atteignent les grandes agglomérations suisses (CLOT & al, 2002).

A côté de ce foyer principal, des foyers secondaires commencent à prendre une importance certaine depuis quelques années (DESSAINT et al 2005) :

-Dans le sud de la vallée du Rhône et dans le Languedoc-Roussillon, ou elle passe progressivement des plaines alluviales fertiles aux parcelles de coteaux en systèmes de culture secs

-Dans la région Poitou-Charentes, où l’ambroisie profite du recul du maïs au profit des cultures de tournesol qui nécessitent moins d’eau (CHAUVEL, 2008). Elle fait l’objet d’une attention particulière dans cette région, où des actions de sensibilisation sont menées ces dernières années.

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Côte d’Or, où elle s’adapte très bien aux rotations locales sèches. Les vecteurs de dissémination en Bourgogne n’ont cependant pas encore été totalement élucidés.

Le plus inquiétant est que de nombreux petits foyers sont désormais présents et répartis sur l’ensemble du territoire, foyers qui sont amenés à se développer et donc à devenir des sources de graines pour de nouvelles disséminations : l’infestation tend à se généraliser à l’échelle nationale si des mesures ne sont pas prises rapidement.

c) Des moyens de lutte connus

Bien que leur mise en œuvre fasse souvent défaut, des moyens de lutte contre l’ambroisie existent et leur efficacité est avérée. Ils restent cependant délicats à mettre en œuvre et sont coûteux en temps et en moyens. Les principaux moyens de lutte qui peuvent être appliqués concernent les parcelles agricoles.

 La lutte dans les culture

La lutte en cultures est basée sur le désherbage principalement chimique mais aussi mécanique, ou par la combinaison des deux. Si dans certaines cultures comme le maïs, le désherbage avait une efficacité proche de 100% lorsqu’on utilisait de l’atrazine, la lutte est devenue plus compliquée mais les résultats restent satisfaisants depuis son interdiction. Le principal point noir reste le désherbage des cultures de tournesol, dont la sole tend à augmenter avec la remontée des cours et la faible disponibilité en eau d’irrigation ces dernières années (en remplacement du maïs en culture de printemps, le tournesol nécessite moins d’eau) (CHAUVEL, 2008). Les conditions d’application des rares herbicides efficaces contre l’ambroisie sont déterminantes pour l’efficacité du traitement : si le temps est sec avant et après l’application, l’efficacité est très réduite (RAPPORT ACTA, 2008). Le désherbinage (binage de l’interrang et application herbicide sur le rang) est très efficace, mais peu pratiqué, le plus souvent par manque d’équipement.

 La lutte en interculture

Il a été montré que les intercultures qui suivent des céréales à paille ou des colzas sont généralement très infestées (SCHMITT, 2007). La lutte sur ce type de surfaces reste technique (Tableau N°1), mais bien plus aisée que dans les cultures. Pourtant, les agriculteurs semblent réticents à mettre en œuvre les moyens nécessaires dans des parcelles en période non productive (RAPPORT ACTA, 2008). La lutte sur chaumes peut être mécanique ou chimique. Les déchaumages doivent être croisés afin d’assurer une destruction correcte des ambroisies, mais leur efficacité reste très liée aux conditions d’humidité du sol et aux outils utilisés. La lutte chimique est la plus simple à mettre en œuvre, les désherbants totaux montrent une très bonne efficacité sur les ambroisies à un stade de développement intermédiaire. Même si les ambroisies les plus développées ne sont pas complètement détruites, la production de pollen et de graines est bloquée (PERSPECTIVES AGRICOLES, 2007). Si jusqu’à présent la préférence des agriculteurs allait à la lutte chimique pour sa simplicité et son coût modéré, la récente hausse généralisée du prix des intrants en général et du glyphosate en particulier remet

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souvent en cause le choix de l’une ou de l’autre méthode. La mise en place d’un couvert peut permettre de contenir l’infestation en concurrençant les ambroisies.

Absence d’ambroisie à la récolte

Sol nu Déchaumage tardif (faux semis et mélange terre-résidus) Absence

de vivaces

Couvert Déchaumage en bonnes conditions de sol, semis couvert* et roulage

Présence

Sol nu Désherbage des vivaces après redémarrage (15 à 30 cm) puis déchaumage tardif (faux semis et mélange terre-résidus)

de vivaces Couvert Désherbage des vivaces après redémarrage (15 à 30 cm) puis après 7 jours minimum déchaumage, semis couvert et roulage

Présence d’ambroisie à la récolte Absence

Sol nu Déchaumage avant floraison des ambroisies puis 2ème déchaumage éventuel si relevées d’adventices

de vivaces Couvert Déchaumage avant floraison des ambroisies, semis couvert* et roulage

Présence

Sol nu Désherbage des vivaces après redémarrage (15 à 30 cm) mais avant floraison des ambroisies puis déchaumage tardif (faux semis et mélange terre-résidus)

de vivaces Couvert Désherbage des vivaces après redémarrage (15 à 30 cm) mais avant floraison des ambroisies puis déchaumage, semis couvert et roulage

*Derrière colza, les repousses de colza remplacent le semis d’un couvert

Tableau N°1 : Règles de décision pour la gestion de l'interculture (Rapport ACTA, 2008)

 Prévention

Le meilleur moyen de lutte contre l’ambroisie reste de prévenir et d’empêcher son installation. En amont, il est donc recommandé de procéder à des récoltes différenciées des parcelles de tournesol, en commençant par moissonner les parcelles les moins infestées et en terminant par les parcelles les plus infestées (METGE, 2005). Par ailleurs, un nettoyage des moissonneuses après la récolte d’une parcelle de tournesol est préconisé (ouverture maximale des vans, soufflage…), même si sa mise en œuvre reste délicate lors des pics d’activité que constituent les périodes de moisson (une charte de bonne conduite des Entreprises de Travaux agricoles a été mise au point en région Rhône-Alpes).

Enfin, l’observation attentive des parcelles et la destruction ciblée des ambroisies dès les premières années d’invasion devraient être systématiques. Si les premières plantes qui se développent ne parviennent pas à grainer, le stock semencier est rapidement épuisé, et l’infestation régresse et disparaît au bout de quelques années. Malheureusement, la localisation et la reconnaissance des plantes au début de l’infestation fait souvent défaut. La formation des agriculteurs à l’identification et concernant risques encourus, tant au niveau de la santé publique que sur leur exploitation, devrait être généralisée à toutes les régions à risques.

2. Une dissémination essentiellement humaine

a) En milieu agricole

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En milieu agricole, le principal vecteur de dissémination des semences serait constitué par les engins de récolte non nettoyés. Il est néanmoins nécessaire d’éclaircir le terme d’engins de récolte utilisé de manière un peu abusive, et source de confusions. Seules les moissonneuses-batteuses récoltant des cultures de printemps, en particulier le tournesol et dans une moindre mesure le maïs, sont susceptibles de transporter des semences d’ambroisies. Dans les cultures de céréales ou de colza, la moisson est trop précoce pour que des graines d’ambroisies soient formées.

Les moissonneuses qui sont très rarement nettoyées transmettent l’ambroisie de parcelles en parcelles lors de la récolte (PERSPECTIVES AGRICOLES, 2007). Cette dissémination peut être réalisée sur de courtes distances dans le cas de récoltes en commun avec utilisation locale des machines, ou sur de beaucoup plus grandes distances lors du transport de machines entre régions, ce qui est souvent pratiqué par les ETA (Entreprises de travaux Agricoles) pour allonger la durée d’utilisation et donc la rentabilité des moissonneuses. Des contaminations auraient même eu lieu en Suisse suite à la récolte de parcelles par un entrepreneur français de la région lyonnaise (TARAMARCAZ et al, 2005). Par ailleurs, il est très probable que les moissonneuses homogénéisent l’infestation sur la parcelle aux stades précoces d’invasion. Des travaux menés sur le Brome stérile (Bromus sterilis L.) ont montré que après le passage de la moissonneuse, 46% des semences étaient retrouvées 1m autour du pied-mère, 43% étaient déplacées jusqu’à 53m devant le pied-mère par la machine, et 10% des semences étaient retrouvées jusqu’à 7m en arrière du plant d’origine (REW et al, 1996).

Dans le même ordre d’idée, les engins de broyage utilisés lorsque les ambroisies sont en graines disséminent ces dernières, à courte distance par projection, mais aussi à plus longue distance mêlée aux débris végétaux qui s’y accumulent (VITALOS, 2008).

Les engins de travail du sol et les véhicules agricoles disséminent des semences d’ambroisie via la terre qui reste fixée sur les outils ou dans les pneus (CHAUVEL, 2006). Ce vecteur qui pourrait paraître minime et ne transporter que de très faibles quantités de graines ne l’est pas. En effet, si on prend en compte un stock semencier de 2000 graines/m² répartit dans les 15 premiers cm, et avec une densité moyenne de 1,3T/m3, on peut estimer qu’un kg de terre contient 10 graines d’ambroisies. En se déplaçant, les engins contaminent progressivement de nouvelles parcelles. Par ailleurs, les semences d’ambroisies contenues dans la couche de terre arable peuvent se déplacer sur des courtes distances mais également passer d’une parcelle à une autre par ruissellement ou érosion : elles sont soit entraînées avec le sol, ou avec l’eau qui ruisselle lors d’épisodes pluvieux violents.

Les fourrages importés de zones contaminées ont été incriminés lors des premières infestations d’ambroisies. Des semences seraient arrivées avec du fourrage en provenance des Etats-Unis, importé avec les chevaux des troupes américaines à la fin de la seconde guerre mondiale (CHAUVEL et al, 2006). Ce vecteur n’a plus été étudié depuis, mais il est très probable que des foins en provenance de zones infestées par l’ambroisie puissent être contaminés, en particulier les foins de seconde coupe.

Des composts dont la poussée de chauffe n’a pas été assez intense lors de la fermentation peuvent être contaminés par des semences d’ambroisie (SUISSE, LAMBELET). En effet, les semences d’ambroisie semblent pouvoir résister aux appareils digestifs bovins (LHOTSKA et al, 1989). Il est donc probable que des semences non digérées et viables se retrouvent dans les fumiers et soient disséminées lors de son épandage dans les parcelles cultivées.

Si les semences certifiées (toutes espèces confondues) semblent être très contrôlées et indemnes d’ambroisies (CHAUVEL et al, 2004), un accident reste possible, et il suffit d’une seule graine viable ne produise une plante capable de grainer à son tour dans une parcelle

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pour provoquer une infestation. En revanche, les semences fermières échappent à tout contrôle et pourraient être des vecteurs locaux de dissémination. N’oublions pas que les semences sont le vecteur historique d’infestation de l’ambroisie en France !

b) Dans les milieux non agricoles

Si les semences certifiées (destinées à la multiplication) sont très contrôlées et que le risque de contamination est faible, il en est tout autrement pour les graines destinées à la consommation animale. Les graines pour oiseaux sauvages, directement distribuées dans les parcs et jardins, seraient un vecteur important. Des études dans plusieurs pays (France, Suisse, Allemagne, Autriche, Hongrie…) arrivent toutes à la même conclusion : les semences pour oiseaux, en particulier les mélanges multigraines, contiennent énormément de semences d’ambroisie ; on a pu en dénombrer jusqu’à 2500 par kg dans des échantillons achetés en France (CHAUVEL et al, 2004). Les points de nourrissage multiples constituent de plus un grand nombre de possibilité d’infestations très réparties sur le territoire. Ce sont les alentours de mangeoires qui constituent en Suisse la majorité des relevés d’ambroisie (BOHREN, 2006). Cependant, il semblerait que la faculté germinative des semences d’ambroisie présentes dans ces mélanges de graine soit très variable. Contrairement aux semences de multiplication, les conditions de stockage et l’âge des graines (qui influent directement sur leur capacité germinative) ne sont pas pris en compte par les fabricants, puisqu’elles sont destinées à la consommation (VITALOS et al, 2008). Il semblerait par ailleurs que les oiseaux sauvages consomment les semences d’ambroisie naturelles, et il est probable qu’elles puissent passer sans dommage le système digestif des oiseaux : les semences pourraient être disséminées par endozoochorie dans les déjections aviaires (VITALOS et al, 2008). Des expériences plus poussées sont à mener pour confirmer cette hypothèse.

Un autre vecteur de dissémination en milieu non agricole est le transport de terre et de matériaux contaminés par des semences dans des zones encore indemnes (DESSAINT et al, 2005). En zone péri-urbaine, les zones agricoles servent de réserve foncière et, pouvant être construites à tout moment, elles font l’objet d’un entretien minimal qui favorise le développement des ambroisies (METGE, 2005). Lorsque les travaux débutent, les terres contaminées sont stockées (dans ce cas, la multiplication peut continuer sur les tas de terre) ou exportées directement, parfois à grande distance, avec les semences qu’elles contiennent. Cette dissémination insidieuse est très dangereuse car elle concerne de nombreux milieux, privés ou publics, comme les jardins particuliers, les espaces verts, les aménagements routiers, les zones industrielles, etc.

Enfin, les voies de communication sont un vecteur à part entière de dissémination de l’ambroisie. Elle se multiplie au bord des routes, à la limite de l’enrobé, ou dans les bas-côtés. Une fois grainée, elle peut progresser :

-avec l’aide du broyeur qui entretient les bords de route, et qui transporte des graines dans les débris végétaux qui s’y déposent. On a pu récemment dénombrer 28 semences (taux de germination 66%) pour 100g de débris déposés sur un broyeur au travail le long d’une route : il est probable que les ambroisies progressent de plusieurs kilomètres par ce biais (VITALOS, 2008).

-par hydrochorie, en flottant sur la nappe d’eau qui se trouve sur la route, et qui est mise en mouvement par le passage répété des véhicules.

-sous l’effet du trafic. L’aspiration que provoque le passage des véhicules suffirait à déplacer cette graine légère (0,2 à 10 mg) le long de la route. Des pièges à semences installés

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25m en quelques jours (après la chute des graines) (VITALOS, 2008).

c) Un cas particulier de dissémination naturelle : les cours

d’eau.

Un des rares vecteurs de dissémination de l’ambroisie en milieu naturel serait la dissémination des semences par hydrochorie le long des cours d’eau. Certaines semences d’ambroisie ont en effet la capacité de flotter (entre 45 et 95% des semences selon les populations) (FUMANAL, 2007). Ces graines flottantes suivent donc le cours de la rivière et se déposent sur les rives en aval, ce qui pourrait expliquer que le lit de certaines rivières soit très infesté par l’ambroisie. Les inondations permettent aux ambroisies, même éloignées du lit mineur, de franchir les limites du milieu naturel et de contaminer par débordement de rivières les terrains adjacents, agricoles en particulier. Les rivières du Sud de la France sont plus particulièrement concernées, en raison de la variation annuelle caractéristique de leur débit (ALBERTERNST et al, 2006). Les périodes d'étiage sévère, voire d'assec, succèdent à des périodes d'inondation durant lesquelles de fortes précipitations en amont amènent par ruissellement de grandes quantités d'eau dans le lit de la rivière. Pendant la période d’étiage, qui coïncide avec son cycle, l’ambroisie prospère sur les bancs de galets « neufs » nus, issus des crues précédentes (FATON, 2008) (Figure N°4).

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L’inondation automnale ou hivernale suivante disperse les graines et remue les galets, laissant le champ libre à une prochaine infestation.

Dans le cas des rivières à régime méditerranéen, l’ambroisie occupe une niche écologique vide, très peu d’espèces autochtones parvenant à s’installer dans ces milieux ingrats et dévastés chaque année par les crues (CHAUVEL, 2008).

Pourtant, les interactions rivière/milieu agricole ou rivière/autres milieux n’ont pas été étudiées, ni les vecteurs d’introduction initiaux des ambroisies sur les parties les plus en aval de ces rivières : des hypothèses de dépôts de gravats dans le lit des rivières, couramment pratiqués dans le Sud sont une cause probable, tout comme les contaminations croisées en provenance d’autres milieux (bords de route…). A noter qu’hormis les inondations, les sédiments rivulaires contaminés semblent avoir été un vecteur de dissémination dans le sud du pays, avant l’interdiction de leur extraction (graviers et sable utilisés en soubassement de route ou stabilisation de chemins, amendements agricoles).

d) Scénario « modèle » : Infestation initiale / multiplication /

contamination locale et lointaine

L’ambroisie, comme la plupart des espèces invasives, ne se dissémine pas en suivant un front de colonisation continu. La plante se répand par foyers de taille souvent peu importante, répartis sur le territoire qui se développent parfois à très grande distance de la source de semence initiale. La petite taille des colonies pionnières est un avantage : peu visibles et peu connues dans les nouveaux milieux colonisés, le faible nombre d’individus n’empêche pourtant pas une forte production de semences, qui sont disséminées à partir de ces premières colonies (les ambroisies sont très sensibles à la concurrence intraspécifique : en situation de faible concurrence entre plantes en début de l’infestation, la production de semences est très importante sur des plantes qui atteignent des très forts développements (FUMANAL, 2007)) La dissémination à courte ou longue distance peut se produire pendant des périodes d’accroissement négligeable des populations, et son efficacité n’a que peu de liens avec la taille des colonies (PYSEK P. et al, 2005). Pendant que cette première phase de dissémination très discrète a lieu, les colonies les plus anciennes prennent de l’ampleur, s’étendent sur les parcelles et deviennent très visibles: lorsqu’on prend conscience du problème, il est souvent déjà trop tard. En effet, ces colonies développées traduisent souvent le fait que de nombreuses colonies isolées de petite taille sont déjà installées plus loin et sont entrain de se développer. Il s’agit en quelque sorte d’une infestation en chaîne, dans laquelle chaque nouvelle colonie se développe rapidement en émettant de nouvelles colonies. Les surfaces infestées augmentent de façon exponentielle si rien n’est fait pour freiner l’invasion, et la quasi totalité des surfaces à risque sont envahies, comme nous avons pu le constater dans la région lyonnaise (SCHMITT, 2007).

Plus la date d’arrivée de l’ambroisie sur le territoire est ancienne, plus le nombre de colonies isolées a de chances d’être important, si les conditions sont favorables à l’ambroisie. La multiplicité des foyers et leur répartition augmente la probabilité des évènements de dissémination accidentelle : la plante a toutes les chances d’envahir complètement le territoire.

A partir de ces constatations, on peut proposer un scénario modèle de dissémination, auquel la plupart des situations rencontrées pourront être rapprochées (on pose l’hypothèse qu’aucune lutte n’est engagée) (Figure N°5)

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Figure N°5 : Processus modèle de dissémination - multiplication en milieu agricole

3. Problématique

a) Des mécanismes de dissémination complexes derrière des

vecteurs identifiés

Comme nous venons de le voir, certains vecteurs de dissémination des semences sont bien identifiés et connus. Même si la démonstration scientifique de leurs effets ou de leur implication est parfois inexistante, certaines observations font l’objet de citations dans un grand nombre de publications.

Pourtant, si l’implication du vecteur en tant que moyen de transport des semences est établie et documenté, ce sont les mécanismes qui mettent en jeu le(s) vecteur(s) qui sont beaucoup moins connus. A l’heure actuelle, la dynamique spatio-temporelle qui débute par un transport de graines et se conclut par une infestation importante des milieux est très peu connue. Ces mécanismes de dissémination et les dynamiques d’infestation qu’ils engendrent

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constituent pourtant un aspect fondamental de l’infestation par l’ambroisie : tant que ces mécanismes ne seront pas connus, on ne pourra pas prendre de mesures pour contenir la plante dans les régions infestées et éviter son extension dans des régions encore préservées. Dans cette étude, nous nous intéresserons donc moins aux vecteurs qu’aux processus complexes de dissémination dans lesquels ils sont impliqués.

b) Interaction entre les différents vecteurs et leurs

mécanismes dans le paysage agricole

Une des raisons qui fait que la dissémination de l’ambroisie reste pour l’heure encore floue pour les scientifiques est sa complexité. D’une part, la diversité des vecteurs impliqués, même à petite échelle (commune, parcelle) est très grande, contrairement à d’autres plantes envahissantes qui mettent en oeuvre un ou quelques vecteurs qui sont plus ou moins faciles à contrôler. Il faut bien avoir à l’esprit que des vecteurs qui paraissent mineurs et très peu probables ont en fait une importance grande : il suffit qu’une seule graine parvienne à produire une plante et à grainer pour produire une nouvelle infestation en quelques mois D’autre part, les différents vecteurs et leurs mécanismes interagissent entre eux sur les territoires :

-un même vecteur peut être impliqué dans plusieurs mécanismes de dissémination parfois très différents (ex : la terre : sur les engins agricoles, sur les engins de TP, dans les remblais…etc)

-les différents mécanismes de dispersion peuvent se relayer pour disséminer l’ambroisie efficacement sur tout le territoire, comme cela a pu être montré au Canada, où l’ambroisie aurait d’abord suivi les rivières avant de compléter son extension grâce aux routes. (LAVOIE C. et al, 2007).

Ces phénomènes sont très complexes car l’infestation initiale dans zone nouvelle suit souvent une logique d’accident : l’évènement est très peu probable, mais la multiplicité des risques et des interfaces à risque font que l’accident devient très probable. L’infestation initiale est en fait impossible à observer et à prévoir. C’est par des méthodes indirectes qui visent à retracer l’histoire de l’arrivée des ambroisies que nous essayerons de montrer ces infestations.

Ce sont finalement les mécanismes de dissémination et la façon dont ces mécanismes s’articulent entre eux dans les paysages que nous allons essayer de mettre en évidence par l’étude approfondie d’un petit territoire agricole. Cette étude devra montrer les points sensibles et les failles que l’ambroisie utilise pour coloniser de nouvelles zones, pour trouver dans le futur des parades qui limiteront l’extension de la plante à des zones encore vierges mais menacées.

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Chapitre II/ Matériel et méthodes

1. Définition d’une zone d’étude

a) Recherche d’une zone d’étude appropriée

Cette étude sur les mécanismes de dissémination de l’ambroisie nécessitait une zone d’investigation adaptée. Après avoir réalisé des relevés terrain couplés à des enquêtes agriculteurs en 2007 dans le Nord de l’Isère, nous avons décidé de changer de lieu : notre enquête exigeait des caractéristiques pour la zone totalement opposées aux conditions dont nous disposions dans le Nord de l’Isère et sa zone « projet pilote tableau de bord » (JUPONT, 2006), à savoir :

-une zone sur un front de colonisation. Pour étudier les mécanismes de dissémination, il est indispensable d’être en présence d’un secteur où l’ambroisie est en progression, et où elle est apparue il y a quelques années. Dans le Nord du Gard, l’ambroisie est apparue il y a quelques dizaines d’années sur des secteurs bien précis. Elle a réellement commencé à s’étendre de façon plus générale il y a 8 à 12 ans, et continue à se disséminer. Elle se multiplie également de façon préoccupante sur les parcelles déjà contaminées (Source : Chambre d’Agriculture du Gard). Si l’infestation est plus ancienne, elle est souvent généralisée, et les 2 principaux éléments qui pourraient nous permettre d’identifier les vecteurs et les processus qui y sont reliés sont effacés : la mémoire des agriculteurs et les indices spatiaux de terrain.

-un moyen d’entrer directement dans le sujet sur le terrain. Vu le temps limité consacré à ce projet, il était indispensable de commencer rapidement cette étude en entrant directement en contact avec des agriculteurs dont les parcelles présentaient des caractéristiques susceptibles de nous intéresser. Nous n’avons pas perdu de temps à rechercher ces parcelles et leurs propriétaires car nous avons bénéficié de l’expertise et de la bonne connaissance du terrain de Thierry Pianetti, Technicien de la Chambre d’Agriculture. Il a pu nous proposer rapidement des parcelles qu’il avait repérées au préalable et nous a indiqué les coordonnées des propriétaires.

-des agriculteurs disponibles et motivés. Cet aspect est apparu comme un frein dans le Nord de l’Isère, ou les agriculteurs sont d’une part accusés d’être à l’origine des troubles liés à l’ambroisie par défaut d’entretien, mais également sujets d’enquêtes récurrentes depuis 5 ans, et de communications ciblées chaque année ou presque. Ils étaient peu enclins et même réticents aux enquêtes (30% de refus). Au contraire, le secteur Nord Gard étant nouvellement infesté, les agriculteurs étaient au courant du problème ambroisie, mais peu informés. Nous avions donc toutes les chances de trouver des exploitants ouverts et motivés, ce qui est une condition sine qua none à la réussite d’enquêtes pour lesquelles la coopération des agriculteurs et leurs souvenirs vis-à-vis de l’ambroisie sont le point de départ de l’étude.

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b) Localisation de la zone d’étude

La zone à choisir se situe à l’extrême Nord du département du Gard (région Languedoc-Roussillon), à cheval sur le département de l’Ardèche (région Rhône-Alpes) (Figure N°6).

Figure N°6 : Localisation de la zone d’étude

La zone est assez peu densément peuplée, et ne comporte pas de grandes villes ou de zones industrielles étendues. La vocation de la zone est agricole mais surtout touristique, avec des sites réputés (Aven d’Orgnac, villages de Barjac et Lussan…). La zone urbanisée la plus proche est la ville d’Alès et ses environs, qui se trouve à une trentaine de kilomètres plus au Sud. Il s’agit d’une région agricole difficile et sèche, avec des terres aux potentiels variables, mais assez faibles dans l’ensemble.

Le nord du Gard est traversé d’Est en Ouest par la Cèze, une rivière au régime méditerranéen. Par souci de simplification, nous incluons à la Cèze ses deux affluents, l’Auzon et l’Alauzène. La rivière présente une zone d’expansion large de plusieurs kilomètres à hauteur du village de Rivières, qui se caractérise par une plaine alluviale très agricole et large, qui se retrouve sous les eaux lors d’épisodes de crues. Au niveau de Tharaux, la plaine de la Cèze se resserre fortement et la rivière entre dans une vallée encaissée, les Gorges de la Cèze. De part et d’autre de la plaine alluviale limoneuse et fertile, s’élèvent des coteaux caillouteux et secs de terres rouges et de faible potentiel agricole, que l’eau des inondations n’atteint pas.

Plus au sud, dans le secteur de Méjeanne-le-Clap, un plateau aride avec végétation de type maquis ou garrigue sépare le secteur agricole de la plaine de la Cèze et les coteaux qui s’y rattachent d’une zone agricole un peu plus vallonnée mais beaucoup plus sèche et sans rivières importantes, autour de Lussan.

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c) Histoire de l’ambroisie et de la lutte sur la zone d’étude

La présence massive de l’ambroisie dans le Gard semble être assez récente comparée à d’autres départements voisins infestés de longue date. En effet, sa présence n’a pas été relevée en 1980 (CHAUVEL, 2004), et on dénombre moins de 10 communes infestées en 2004 (MULLER, 2004). Ces dates sont cependant discutables, car il est certain que des communes étaient déjà infestées à cette date au vu des infestations actuelles, mais il est possible que la détermination de la plante et la moindre médiatisation du problème n’avaient pas permis de détecter plus de communes infestées à l’époque.

Quoi qu’il en soit, il semble que l’ambroisie soit présente dans certains secteurs depuis une quinzaine d’années. En particulier, le lit de la rivière Cèze et les parcelles qui bordent la rivière et ses affluents dans la plaine de Rivières, ainsi que le lit du réseau des Gardons (rivière Gard, Gardon d’Alès, Gardon d’Anduze) sont infestés de longue date. Plus récemment, la plante a eu tendance à se répandre rapidement et largement à l’intérieur d’un triangle délimité par les axes Alès-Barjac, Alès-Bagnols s/s Cèze, et la limite Nord du département (Figure N°7). Barjac Axe Alès-Barjac Axe Alès-B. s/s Cèze Les Gardons Barjac Axe Alès-Barjac Axe Alès-B. s/s Cèze Les Gardons

Figure N°7 : Principales zones infestées par l’ambroisie dans le département du Gard

Cependant elle est observée de façon ponctuelle sur les communes de Moussac, Pougnadoresse (secteur d’Uzès) et semble absente sur la partie Sud pour le moment. La partie la plus infestée reste la zone « historique » où l’ambroisie a pu se multiplier d’année en année, comprise entre Alès, Barjac et Bagnols s/s Cèze.

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La Chambre d’Agriculture du Gard (CA30) s’intéresse au problème ambroisie sur la zone d’étude depuis 1999. Il s’agit en effet d’une zone de productions de semences en général, et de semences de tournesol en particulier. Des problèmes de désherbages qui pouvaient aller jusqu’à l’abandon de la multiplication sur certaines parcelles son apparus. La CA30 a commencé par diffuser un courrier ciblé à 80 agriculteurs dans une zone comprise entre Alès et Barjac depuis 2003, leur rappelant les mesures à prendre pour limiter l’invasion (désherbages adaptés, destruction sur intercultures…).

Depuis 2005, la CA30 essaie de mobiliser les collectivités locales et les organismes agricoles du département pour mettre en place une lutte concertée et efficace. En juin 2005, une réunion à l’initiative de la Chambre d’Agriculture a rassemblé les maires, la DDASS, la DRAF et le Conseil Général du Gard dans le but de sensibiliser les acteurs locaux et de coordonner des actions de lutte.

En 2007, la CA30 a organisé une réunion de sensibilisation à l’attention des maires et des employés communaux des cantons de St Ambroix et Barjac confrontés au problème ambroisie (identification de la plante, destruction…). Un protocole de cartographie a été mis en place : les personnels de terrain (employés communaux) étaient chargés de noter les infestations d’ambroisie sur leurs communes, et de retourner leurs cartes à la CA30 qui les centralise et les met en forme (SIG) à l’automne. Si la phase de sensibilisation a bien été intégrée par les agents, la CA30 a eu peu de retour de cartographie, qui semble être contraignante à réaliser pour des personnes bénévoles peu formées à ce type de relevés.

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d) Hypothèses préalables de dissémination sur la zone

d’étude.

En recoupant des références bibliographiques générales, des références plus locales ou qui concernaient les alentours avec les observations réalisées par les acteurs agricoles locaux (Chambre d’Agriculture du Gard) et des observations réalisées lors de missions sur place précedemment (CETIOM, INRA), l’implication de certains vecteurs de dissémination apparaît comme évidente sur la zone d’étude concernée.

 Engins de récolte

Le vecteur engins de récolte est très souvent cité et incriminé dans la dissémination des ambroisies (CHAUVEL, 2006 ; BOHREN, 2004 ; TARAMARCAZ et al, 2005 ; etc…). Il apparaît comme le vecteur le plus important dans le milieu agricole.

Le secteur étudié n’échappe pas à cette modalité de dissémination qui y a au contraire été bien établie et y est très fréquente. La zone est en effet favorable à ce genre de dissémination mais aussi à sa mise en évidence : la culture du tournesol y est bien représentée, et une zone peu infestée jouxte une zone historiquement très infestée. Le tournesol est cultivé dans ces 2 zones, les agriculteurs possèdent souvent des parcelles dans les 2 secteurs et ont conscience d’avoir apporté l’ambroisie sur les parcelles peu infestées à partir des parcelles infestées avec les moissonneuses batteuses.

 Rivières

Les rivières en tant que vecteur de dissémination des graines flottantes d’ambroisie sont citées dans de nombreuses études : les lits de rivières constituent le seul milieu naturel

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dissémination pour les graines (FATON, 2008 ; ALBERTERNST et al, 2006 ; LAVOIE et al, 2007 ; McFAYDEN, 1984 ; etc…). Les rivières jouent un rôle important dans l’extension de la plante dans le Sud de la France (infestation très forte dans le parc des Ramières, Drôme, p.ex), et le Gard n’échappe pas à la règle : l’ambroisie suit le lit des rivières Cèze et du réseau hydrographique des Gardons. L’explosion démographique de l’ambroisie dans les zones autour de ces 2 rivières date d’une dizaine d’année et est consécutive aux fortes crues de 2002 qui avaient touchées la région (CA 30).

 Transports de terre

Les transports de terre au sens large constituent des vecteurs de dissémination diversifiés et efficaces de l’ambroisie, qui ont des implications aussi bien dans les milieux agricoles (engins de travail du sol, pneus…) que dans les milieux non-agricoles (engins de travaux publics, terres de remblai) (VITALOS, 2008 ; TARAMARCAZ et al, 2005 ; CHAUVEL, 2006 ; DECHAMP, 2002 ;…etc). Ce type de transport de graines est important dans le Sud du pays, l’infestation dans le Sud-lyonnais aurait été consécutive aux grands travaux des dernières décennies qui ont généralisé l’infestation (CR 69, 2007). Le Nord du Gard est au carrefour de zones infestées (Ardèche, Drôme), avec les échanges de terres qui s’ensuivent. De plus, des accotements routiers et chemins ont été réalisés avec des substrats contaminés par les graines d’ambroisie qui étaient extraites des lits des rivières avant l’interdiction de cette pratique. Le secteur est une zone favorable à la dissémination des semences d’ambroisie via la terre.

2. Protocole de collecte des données

a) Choix des agriculteurs enquêtés

Les agriculteurs enquêtés ont été choisis en 2 étapes :

-tout d’abord, après avoir exposé le travail que nous souhaitions réaliser, nous avons parcouru le territoire en compagnie de Thierry Pianetti, technicien à la Chambre d’Agriculture du Gard, qui connaît très bien la zone Nord-Gard puisqu’il y opère, en est originaire, et travaille sur l’ambroisie avec les agriculteurs locaux depuis quelques années. Il nous a donc proposé des parcelles qui lui semblaient intéressantes et qui correspondaient à nos critères de choix (situations contrastées entre 2 parcelles voisines, proximité de voies de communication ou de cours d’eau, histoire particulière relatée par les agriculteurs, cas particuliers de contamination par des vecteurs originaux supposés…). Il nous a ensuite fourni les coordonnées des exploitants de ces parcelles que nous avons contactés par téléphone pour prendre un rendez-vous.

-après les premiers entretiens sur le terrain, nous avons essayé de recouper les informations que les agriculteurs nous donnaient en élargissant le cercle des enquêtés aux voisins ou aux personnes qu’ils nous citaient (fortes infestations, voisin avec des méthodes différentes , un système d’exploitation différent, des niveaux d’infestation différents…). En général, il s’agissait de terminer un entretien avec 2 ou 3 noms supplémentaires que nous pouvions choisir de contacter pour réaliser le même entretien si cela semblait pertinent. Les agriculteurs ont également été choisis en raison de leur localisation sur le territoire, de façon à

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avoir des exemples sur des sites aux caractéristiques différentes (plaine en bord de rivière, coteaux secs, secteur agricole de Lussan). Cette diversité voulue devrait faciliter la mise en évidence des mécanismes de transfert de graines entre les différents milieux.

Finalement, c’est une dizaine d’agriculteurs qui ont été enquêtés au sein de la zone d’étude.

La collecte des données a été organisée en 2 parties :

- une première tournée la première semaine du mois de juin pendant laquelle nous avons rencontré les agriculteurs disponibles de la liste initiale. Durant cette première session, nous avons également pu visiter aisément les cultures de printemps, récemment implantées et pas encore très développées.

- une seconde tournée la dernière semaine de juillet durant laquelle nous avons rencontré les agriculteurs qui n’étaient pas disponibles lors de la première tournée (éleveurs occupés par les récoltes de fourrage), et les agriculteurs « complémentaires » que nous avions contactés suite à la première tournée. Nous avons aussi visité les parcelles de céréales récoltées, et les milieux que nous voulions approfondir (lits de rivières, bordures de route…)

Deux « enquêtes » particulières ont été réalisées en plus des enquêtes agricoles classiques : il paraissait évident d’élargir l’échelle des enquêtes sur les exploitations au niveau du territoire, et le lien entre les exploitations nous manquait.

Le maire de Lussan a été consulté : et élu local est un ancien conseiller agricole de la Chambre d’Agriculture de Gard qui, en plus d’avoir une bonne connaissance du secteur grâce à ses anciennes activités, il a également une vue d’ensemble du problème au niveau de sa commune. Sa vue d’ensemble plus globale du secteur devrait nous aider à relier les agriculteurs entre eux et à faciliter la mise en relation de réseaux de travail qui pourraient traduire des interactions entre les mécanismes de dissémination sur une échelle spatiale plus vaste.

Enfin, des observations ont été réalisées à l’interface entre le lit de la Cèze avec les secteurs agricoles qu’elle jouxte. Cette observation devrait permettre d’en savoir plus sur les interactions entre la rivière et le milieu agricole que nous supposons (inondations).

b) Entretiens semi-directifs

La méthode d’enquête choisie a été celle des entretiens semi-directifs (BLANCHET, 1996). Le but étant ce collecter le plus d’informations possible et d’identifier les points sensibles, les mécanismes complexes ou les vecteurs que nous ne connaissions pas encore, il s’agissait de laisser parler les agriculteurs le plus librement possible de l’ambroisie sur leur exploitation, en recadrant si nécessaire. Un guide d’entretien a été mis au point, qui n’a pas été dévoilé aux agriculteurs : il liste tous les passages obligés dans l’entretien (annexe N°1). Après avoir expliqué la démarche, le but et les grandes idées de l’étude, la parole est laissée à l’exploitant qui nous raconte son histoire avec l’ambroisie, librement. Aucune intervention ou interruption du discours de l’enquêté n’est pratiquée, sauf si la discussion dévie, ou qu’un point capital dans l’enquête n’est pas assez approfondi par l’interlocuteur. Au fur et à mesure du déroulement de la discussion, en prenant des notes, les points essentiels sont cochés sur la liste préétablie. Eventuellement, à la fin de l’entretien, l’agriculteur est relancé sur les éléments indispensables qui n’auraient pas été abordés, mais en général, l’expérience montre qu’il faut plus souvent abréger une enquête qui dévie que relancer un interlocuteur peu inspiré !

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la situation actuelle de l’ambroisie sur l’exploitation, les conséquences de l’infestation éventuelle, les pratiques agricoles vis-à-vis de l’ambroisie et le comportement général de l’agriculteur par rapport à la plante (METGE, 2005). Pour l’aider à se situer en terme de niveaux d’infestation, nous lui présentons une série de clichés pris dans le Nord de l’Isère la saison passée, et qui illustrent visuellement les niveaux d’infestation de 1 à 5 que nous utilisions pour cette précédente étude. Cela aide d’une part l’agriculteur à traduire une observation visuelle en un nombre de plantes au m², et permet à l’enquêteur de chiffrer l’infestation face à un agriculteur qui n’a souvent jamais réalisé comptage d’ambroisie sur ses parcelles. (Figure N°8).

Niveaux

0 1 2 3 4 5

Ambroisies/m² aucune 1 tous les 10m ~ <5 par m² Entre 6 et 20 par m² Entre 21 et 50 par m² Plus de 50 par m² Code couleur

Figure N°8 : niveaux d’infestations et densité d’ambroisies correspondantes. Des photos illustrant des

parcelles caractérisant les différents niveaux d’infestation ont été présentées aux agriculteurs.

Ensuite, l’agriculteur essaye de se souvenir le plus précisément possible de sa première confrontation à l’ambroisie sur son exploitation, date précise de l’arrivée, évènements préalables permettant d’incriminer un vecteur précis… Nous essayons enfin de retracer l’évolution de l’infestation de cette première invasion (dissémination sur l’exploitation ou sur les parcelles voisines, chez les exploitants voisins etc.). Par ce biais, on tente de remettre en mouvement les semences à partir des vecteurs cités ou supposés.

Le fait de commencer par la situation actuelle sur l’exploitation permet de commencer la conversation avec un sujet que l’exploitant maîtrise, puisqu’il côtoie la plante au quotidien : il est alors plus facile d’aborder le sujet plus délicat de l’historique de l’ambroisie qui fait appel à des souvenirs parfois lointains (10 ans), voire difficiles, lorsque l’agriculteur sait qu’il a commis une erreur qui a introduit l’ambroisie chez lui par exemple. Lorsque toute l’étude se base sur les réponses et les informations fournies par les agriculteurs, il est primordial d’instaurer une relation de confiance mutuelle entre les 2 parties. En particulier, en insistant sur la notion de confidentialité des résultats de l’entretien, on apprend parfois des choses surprenantes concernant les pratiques agricoles, ou des actions uniques de certains. C’est seulement à partir de cet état de faits qu’on parvient à cerner la complexité et la variété des vecteurs liés à ces pratiques.

La grille d’entretien ne constitue qu’une trame de discussion, et peut être abordée selon un ordre différent selon l’intérêt que porte l’agriculteur à tel ou tel sujet. Elle constitue un minimum à relever, en plus des informations pléthoriques et souvent d’un grand intérêt qui nous sont révélées par l’enquêté lorsqu’il parle librement. La discussion se poursuit lors de la visite des parcelles en compagnie de l’exploitant.

c) Visite des parcelles

La visite des parcelles en compagnie de l’exploitant est un point que nous souhaitions mettre en place pour cette étude. En effet, l’agriculteur peut illustrer les propos qu’il a tenus précédemment directement sur le terrain : des détails qu’il aurait pu oublier lors de l’entretien lui reviennent à l’esprit, des éléments qu’il avait du mal à exprimer mais qu’il maîtrisait parfaitement deviennent évidents lorsqu’ils sont illustrés sur ses parcelles. On découvre

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également d’autres parcelles parfois plus intéressantes en terme d’historique ambroisie que celles qui nous avaient guidées dans le choix de l’exploitation à enquêter.

Cela nous donne en outre l’occasion de parcourir le territoire d’étude en compagnie de ceux qui le connaissent le mieux. Certaines parcelles sont en effet très éloignées des axes majeurs de communication, et nous ne les aurions peut-être jamais visitées de notre propre initiative.

De plus, il était très important pour étudier les vecteurs de dissémination potentiels et les mécanismes qui y sont liés, de ne pas considérer la parcelle comme une entité distincte, mais de la prendre en compte comme un élément dynamique du paysage, en interaction avec son environnement. En fait, l’environnement immédiat de la parcelle est presque plus intéressant que la parcelle en elle-même : les éléments paysagers (haies, bois, cultures voisines…), les voies de communication ou les zones habitées sont autant de facteurs qui peuvent nous permettre soit de privilégier un processus de dissémination, soit, lorsque ces éléments isolent la parcelle, d’en éliminer d’autres. Dans le même ordre d’idée, la localisation des colonies d’ambroisies les premières années d’infestation nous renseignent sur le vecteur potentiel. Par exemple, une colonie isolée formant une bande le long d’un chemin ou d’une route nous fait privilégier l’hypothèse d’une infestation initiale en provenance de la route directement, des remblais qui la bordent, ou encore de colonies sur les accotements.

Enfin, chacune des parcelles citée ou incriminée par l’agriculteur a été localisée avec son aide sur une carte IGN randonnée 1/25000, l’échelle la plus précise que nous avons pu nous procurer.

3. Méthode d’analyse des données

Les résultats des enquêtes et des visites des parcelles ont ensuite été recoupés entre elles au sein de la même exploitation pour s’assurer de la cohérence entre les propos tenus par l’agriculteur et la réalité de la situation sur le terrain. Ces mêmes résultats ont également été confrontés aux enquêtes réalisées chez les voisins de l’agriculteur concerné, toujours pour s’assurer de la cohérence des réponses et observation entre des personnes qui partagent le même espace agricole et des pratiques souvent proches.

Nous avons ensuite procédé par élimination, en prenant comme base de départ tous les vecteurs cités par les agriculteurs et tous ceux que nous soupçonnions après le discours des agriculteurs, l’histoire de la parcelle, sa localisation dans le paysage et son observation. Les vecteurs et les mécanismes probables ont été filtrés au fur et à mesure de l’investigation menée sur les cas, après consultation d’experts ambroisie (élus locaux, INRA, CETIOM…) ou en menant de nouvelles recherches, bibliographiques ou au sein des filières concernées (ETA, filière semences…). Certains cas restaient inexplicables en prenant uniquement en compte nos hypothèses de vecteurs initiaux, nous avons dû poursuivre nos recherches pour étudier l’implication de vecteurs auxquels nous n’avions pas pensé au départ .( Figure N°9 ).

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Figure N°9 : Méthode d’analyse des données.

Tous les cas exploitables ont par ailleurs été convertis sous SIG. Les cartographies réalisées nous ont permis de nous rendre mieux compte de l’environnement des parcelles et des interactions qui pourraient y être liées (inondations, voies de communication…) (figure N°10).

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Au final, et lorsque nous avions assez d’information pour mener nos investigations, une enquête sur une exploitation agricole conclut à un (voire plusieurs) vecteur(s) considéré comme étant le plus probable, et à un mécanisme de dissémination associé qui met en mouvement ce vecteur dans un contexte donné.

Figure N°10 : Exemple de carte réalisée

pour la plaine de la Cèze à Rivières et Rochegude : tous les éléments paysagers susceptibles de favoriser la dissémination sont mis en évidence (routes, rivières, bois…) (Carte IGN 1/2500, Google Earth)

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Chapitre III/ Résultats

1. Un contexte adapté

La zone d’étude précise choisie reprend toutes les caractéristiques que nous souhaitions y voir apparaître, dans une échelle de taille réduite à quelques kilomètres. Cette concentrations des milieux et des cas est un atout qui nous permet d’étudier une grande diversité de mécanismes de dissémination, en connaissant en détail la zone, de taille réduite, et en limitant les déplacements entre les différents cas étudiés.

Cette zone est à l’interface entre des milieux bien caractérisés et intéressants du point de vue de la dissémination de la plante. Les risques de dissémination de l’ambroisie sont très importants, et donc plus fréquents et plus faciles à observer. Les zones agricoles sont très prépondérantes sur les zones urbanisées : nous étudions principalement la dissémination de l’ambroisie dans le milieu agricole, mais les interfaces à risque entre le milieu agricole et non-agricole sont bien représentées (rivières, voies de communication, villages…) (Figure N°11).

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Figure N°11 : Caractérisation de la zone d’étude Nord Gard (carte Michelin).

Axe central de la zone d’étude, la rivière Cèze et ses affluents, dont le lit est contaminé par l’ambroisie. La rivière descend des Cévennes où l’infestation est à priori encore inexistante, mais on commence à trouver des ambroisies dès qu’on se rapproche de la plaine, à partir de Saint Ambroix. Elle traverse alors une plaine qui constitue une zone d’expansion des crues, avant de se resserrer à hauteur de Tharaux, où la le lit de la Cèze entre dans une zone étroite de gorges encaissées.

La rivière est encadrée dans ce secteur par une zone agricole inondable large de 1 à 2 kilomètres de part et d’autre de la rivière, des communes de Tharaux à Rivières : cette zone est très infestée par l’ambroisie depuis plus d’une dizaine d’années. L’ambroisie s’y est multipliée de façon exponentielle d’autant plus que ces terres sont poussantes, fertiles et humides : des densités d’ambroisie très élevés (plusieurs dizaines à plusieurs centaines de plantes par m²) traduisent des grenaisons répétées et importantes au cours des dernières années.

Lorsqu’on s’éloigne des rives de la Cèze, on quitte la plaine alluviale pour des coteaux peu élevés par rapport à la rivière (quelques dizaines de mètres), avec des terres rouges caillouteuses et aux faibles potentialités. L’infestation y est beaucoup plus récente et date de

Figure

Figure N°1  : Cycle de vie et de reproduction d’Ambrosia artemisiifolia en France.
Figure N°2 : Progression de l’Ambroisie en France depuis 1880. Les départements en vert  représentent les départements nouvellement infestés entre 2 périodes
Figure N°3 : Répartition actuelle de l’ambroisie en France, d’après Muller (2004)
Tableau N°1 : Règles de décision pour la gestion de l'interculture (Rapport ACTA, 2008)
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