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Détection de la collusion dans les enchères fermées de premier prix

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Détection de la collusion dans les enchères fermées de

premier prix

Mémoire

Eliane Landry-Tremblay

Maîtrise en économique

Maître ès Arts (M.A.)

Québec, Canada

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Détection de la collusion dans les enchères fermées de

premier prix

Mémoire

Eliane Landry-Tremblay

Sous la direction de :

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Résumé

Le présent papier s’intéresse à la détection de la collusion dans les enchères fermées de premier prix. Il est question de développer un modèle pour dépister la collusion dans un contexte où les firmes qui se livrent à une telle activité ne sont pas identifiées. Le principe est de voir si le comportement de mise des entreprises est le même en situation compétitive qu’en situation où il peut exister de la collusion. D’abord, un modèle est créé pour estimer le prix misé en fonction de caractéristiques de l’enchère, des caractéristiques de l’entreprise, de la compétition potentielle, ainsi que de la conjoncture économique. Puis, une variable potentiellement indicatrice de collusion est ajoutée au modèle. L’objectif est de déceler des différences dans le comportement des enchérisseurs. Pour ce faire, les données d’enchères de droit de coupe de bois de la forêt publique québécoise ont été utilisées.

Les résultats obtenus démontrent qu’il peut exister de la collusion dans certaines conditions, notamment lorsque des firmes qui font une soumission sont liées par un même actionnaire. Cependant, puisque les firmes collusives ne sont pas identifiées, le modèle ne permet pas de conclure qu’il existe un lien de causalité entre la variable potentiellement indicatrice de collusion et les prix obtenus plus faibles. De plus, le faible nombre d’observations qui correspondent à la variable indicatrice ne permettent pas d’obtenir des résultats robustes. Finalement, le résultat obtenu ne doit pas être vu comme une preuve de collusion en soi, mais plutôt comme un indicateur permettant de s’attarder davantage à des contrats pour lesquels le comportement des enchérisseurs est différent d’un comportement compétitif.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... v

Liste des figures ... vi

Liste des abréviations et des sigles ... vii

Remerciements ... viii

Avant-propos ... ix

Introduction ... 1

1. Théorie des enchères et collusion ... 5

1.1 Les enchères et la stratégie de mise optimale ... 5

1.2 La collusion dans les enchères ... 8

1.3 La détection empirique de la collusion dans les enchères ... 10

2. Le marché du bois ... 19

2.1 Fonctionnement des enchères ... 19

2.2 Types de collusion ... 23

2.3 Caractéristiques du marché... 24

3. Description des données ... 28

4. Méthodologie ... 37

5. Estimation et résultats ... 41

5.1 Modèle standard du prix misé ... 41

5.2 Modèle du prix misé avec variable indicatrice ... 44

5.3 Robustesse des résultats ... 50

5.4 Discussion ... 56

Conclusion ... 58

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Volumes vendus par le BMMB selon le type de vente de juin 2011 à juillet 2016 ... 22

Tableau 2 : Proportion du coût d’opération moyen pour les firmes récoltant les essences SEPM de l’industrie forestière québécoise pour l’année 2013-2014 ... 27

Tableau 3 : Liste des variables utilisées dans le modèle de prix misé ... 34

Tableau 4 : Statistiques descriptives des secteurs de l’échantillon ... 36

Tableau 5 : Résultats du modèle de prix misé ... 42

Tableau 6 : Résultats du modèle de mise avec variable indicatrice de liens ... 45

Tableau 7 : Résultats du modèle de mise avec variable indicatrice pour la même ville ... 47

Tableau 8 : Résultats du modèle de mise avec variable indicatrice pour la présence de mises annulées ... 49

Tableau 9 : Résultats du modèle de prix misé avec variables binaires pour l’année et le trimestre ... 52

Tableau 10 : Résultats du modèle de mise avec variables binaires pour l’année et le trimestre et variable indicatrice de liens ... 53

Tableau 11 : Résultats du modèle de mise avec variables binaires pour l’année et le trimestre et variable indicatrice pour la même ville ... 54

Tableau 12 : Résultats du modèle de mise avec variables binaires pour l’année et le trimestre et variable indicatrice pour la présence de mises annulées ... 55

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Liste des figures

Figure 1 : Répartition des acheteurs du BMMB par type d’entreprise de juin 2011 à juillet 2016 ... 25 Figure 2 : Évolution des mises en chantier non désaisonnalisées mensuelles du Canada et des États-Unis de janvier 2007 à décembre 2015 ... 33 Figure 3 : Évolution du prix composé du bois d’œuvre de janvier 2007 à novembre 2016 ... 33 Figure 4 : Évolution du prix du carburant diesel au Québec de janvier 2007 à décembre 2016 ... 34

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Liste des abréviations et des sigles

BMMB : Bureau de mise en marché des bois

Borne inf. : Borne inférieure Borne sup. : Borne supérieure Coef. : Coefficient

CP : Coupe partielle

DHP : Diamètre à hauteur de poitrine Dist. : Distance

HHI : Indice Herfindahl Hirschman Intervalle de conf. : Intervalle de confiance

MFFP : Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs Mpmp : Millier de pieds mesure de planche

SEPM : Sapin, épinette, pin gris et mélèze

SOPFEU : Société de protection des forêts contre le feu

SOPFIM : Société de protection des forêts contre les insectes et les maladies Vol/ha : Volume à l’hectare

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Remerciements

Je tiens à remercier mon directeur de recherche M. Bruce Shearer, qui m’a accompagné tout au long de mon mémoire. Il a été d’une grande disponibilité et a éclairé mes multiples questions économétriques. Son expertise dans le domaine m’a permis d’approfondir mes connaissances sur le sujet.

Merci aux professeurs du département en économique de l’Université Laval qui m’ont enseigné et qui ont suscité mon intérêt pour la science économique. Ils ont grandement contribué à mes connaissances et à la formation de mon jugement critique tout au long de mon parcours scolaire.

Je tiens finalement à remercier Sébastien, mon conjoint, qui m’a apporté son soutien pour ce projet. Sans ton support et ta présence, ce projet n’aurait pas été possible. Merci de ta patience!

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Avant-propos

Je tiens à mentionner qu’au moment où ce mémoire est réalisé, je travaille pour le ministère des Forêts, de la Faune et Parcs (MFFP), au Bureau de mise en marché des bois. Le fait de travailler au ministère a facilité l’accès aux données, qui sont normalement confidentielles. Mon travail m’a également permis d’avoir une meilleure connaissance du marché et des variables à sélectionner pour le modèle. Finalement, les opinions présentées dans ce mémoire sont les miennes et ne représentent pas celles du MFFP.

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Introduction

L’organisation industrielle a beaucoup étudié le comportement des cartels et la collusion, les facteurs qui en favorisent l’apparition et leur stabilité. Hendricks, McAfee et Williams (2015) étudient la collusion dans les enchères. Ils distinguent le cartel d’un cercle d’enchérisseurs («bidding ring»). Bien que les deux aient comme objectif de diminuer ou d’empêcher la concurrence, le cartel est plus général et fait plutôt référence à un produit en particulier et aux marchés géographiques. Le cercle d’enchérisseurs, quant à lui, est spécifique à une enchère. Kovacic et al. (2006) soutiennent qu’il est naturel pour les enchérisseurs de vouloir supprimer la rivalité et de tenter de s’accaparer une part de la rente qui aurait été transférée au vendeur. Pour ainsi dire, ils considèrent que le truquage des offres est presque inévitable lorsqu’il y a utilisation des enchères. C’est pourquoi, en plus de prévenir la collusion, il est important de s’attarder à la détecter. À cet égard, les économistes étudient de plus en plus les moyens de détection de la collusion (Porter et Zona, 1993, 1999; Bajari et Ye, 2003).

En plus d’être illégale, la collusion génère des distorsions dans les prix d’échange. Les enchères sont utilisées comme mécanisme de marché dans le but de «déterminer la valeur que les acheteurs attachent à l’objet ou au service vendu, soit le maximum que chaque acheteur est prêt à payer pour se procurer un bien» (Del Degan, Massé, 2008, p.9). Lorsque des concurrents font de la collusion, cet objectif est compromis. Les prix obtenus en situation de collusion sont le résultat d’une entente entre entreprises collusives et non d’un processus compétitif de détermination de la mise. Plutôt que le vendeur reçoive la valeur maximale qu’un acheteur est prêt à payer, et donc un maximum de revenus, ce sont les acheteurs qui s’accaparent la rente. On perd donc les bénéfices d’être en situation de concurrence, apportés par les enchères. La collusion génère également des inefficacités dans l’économie puisque les objets ne sont pas nécessairement attribués aux entreprises les plus efficaces. En effet, dans une situation compétitive, l’efficacité est assurée par le fait que les gagnants des enchères sont ceux qui ont les coûts les plus faibles. En situation de collusion, l’entreprise collusive n’est pas nécessairement celle qui a les coûts d’exploitation les plus faibles.

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Dans le cas d’enchères au plus offrant, le résultat de la collusion est l’obtention de prix plus faibles pour le vendeur qu’en situation de concurrence. Il s’agit donc d’un manque à gagner. Lorsque l’État est le vendeur, ces revenus ainsi perdus auraient pu être investis et générer des bénéfices positifs pour la société. D’un point de vue social, on peut ajouter comme impact une perte de confiance en l’État. En outre, celle-ci est exacerbée par le fait que nous venons d’assister à une Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction.

Le présent document s’attarde à la question de détection de la collusion. Plus précisément, il est question de développer un modèle permettant d’identifier la collusion dans les enchères. À cette fin, le modèle développé est appliqué aux données d’enchères de bois réalisées par le Gouvernement du Québec. Dans un premier temps, le comportement de mise de l’ensemble des enchérisseurs est modélisé en situation concurrentielle. La mise est une fonction des caractéristiques de l’appel d’offres, d’indices de compétition potentielle, de caractéristiques des entreprises qui participent, ainsi que de variables de conjoncture économique. Ensuite, des variables indicatrices de collusion sont ajoutées au modèle pour voir si des différences de comportement sont identifiables dans des situations propices à la collusion. Les variables considérées sont : le fait que des entreprises ayant des liens d’actionnariat présentent des mises sur un même appel d’offres, une variable binaire indiquant que des soumissionnaires sont dans la même ville, ainsi qu’une variable binaire qui indique si l’entreprise a déjà annulé une mise sur le même secteur. Si le comportement dans les enchères indiquées est cohérent avec la collusion, ces variables devraient avoir un effet négatif sur le prix misé. Ce projet de recherche contribuera à la littérature sur la détection de la collusion dans les enchères. Il se distingue des travaux précédents par le fait que les firmes collusives ne sont pas connues ex ante. Par exemple, Porter et Zona (1993 et 1999), ainsi que Bajari et Ye (2003) ont utilisé des données pour lesquelles les entreprises collusives sont identifiées ex ante. Ils testent différentes méthodes statistiques pour voir s’ils peuvent détecter le comportement collusif.

Au Québec, les enchères de droits de récolte de bois ont été implantées notamment dans le but d’obtenir un prix de marché et d’établir sa juste valeur. Il importe donc de vérifier que ces prix ne sont pas biaisés. Un élément qui pourrait affecter le prix des ventes est la collusion. Puisque les ventes

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aux enchères servent à tarifer le bois du Québec par le biais d’une équation de prix hédonique, la collusion peut biaiser les résultats obtenus et miner la crédibilité du système d’enchère. Un des objectifs des ventes aux enchères de bois se trouve alors en péril.

Les résultats démontrent que les entreprises ayant des liens d’actionnariat présentent en moyenne des mises plus basses de 2,20$/m3 lorsqu’elles participent au même appel d’offres, toutes

choses étant égales par ailleurs. Ce résultat est cohérent avec un comportement de collusion et cette relation est significative à un seuil de 5%. À l’opposé, si les soumissionnaires sont dans la même ville, ils misent en moyenne 1,37$/m3 de plus que des enchérisseurs qui ne le sont pas. Ce résultat n’est

pas cohérent avec un comportement de collusion. Au contraire, il peut démontrer plus de compétition. Enfin, le fait qu’une entreprise ait déjà annulé une soumission sur le même secteur affecte le prix misé positivement de 1,37$/m3. Il faut cependant être conscient que le dernier résultat est non significatif et

que la variable contient un faible nombre d’observations pour lesquelles la collusion est possible.

Pour tester la robustesse des résultats, j’inclus dans les régressions des variables binaires pour l’année et le trimestre dans lequel l’enchère est tenue. Ces variables capturent des éléments non observables du marché qui ne sont pas capturés par le modèle, mais qui affectent les mises à travers le temps. Le signe de la variable de liens reste négatif, mais devient non significatif. Il faut donc être prudent dans l’interprétation des résultats, en raison notamment du lien de causalité non démontré et du faible nombre d’enchères pour lesquelles des enchérisseurs liés ont déposé une mise sur le même appel d’offres.

Le présent mémoire est divisé en cinq chapitres. Dans un premier temps, un survol de la théorie des enchères est fait pour bien comprendre le comportement de mise optimal. Les formes de collusion recensées sont présentées pour comprendre comment ce phénomène affecte le comportement de soumission, de même que plusieurs méthodes de détection utilisées pour le déceler. La deuxième section décrit le fonctionnement des enchères, ainsi que le marché utilisé, soit celui des droits de récolte de bois. Ensuite, les données utilisées sont exposées et des explications sont fournies

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quant au choix des variables du modèle. Puis, la méthodologie est abordée en détails, ainsi que l’estimation des modèles et les résultats. Pour terminer, une discussion sur les résultats est présentée.

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Chapitre 1

Théorie des enchères et collusion

Pour bien comprendre comment la collusion peut affecter le résultat des enchères, il importe de bien comprendre la théorie sur les enchères, ainsi que les mécanismes de collusion. La présente section s’attarde à présenter la littérature qui traite de ces sujets. On y aborde entre autres la stratégie de mise optimale pour chaque type d’enchère, les formes possibles de collusion et la vulnérabilité des types d’enchères à la collusion. Ces deux sections sont nécessaires pour entrer dans le vif du sujet : la détection de la collusion. La dernière partie traite exclusivement des modèles empiriques d’enchères. La littérature sur le sujet étant très abondante, il s’agit ici de présenter les principaux textes sur lesquels se base mon projet de recherche.

1.1 Les enchères et la stratégie de mise optimale

On classifie les enchères de plusieurs façons. Deux caractéristiques importantes sont le fait d’être ouvertes ou fermées et la règle d’allocation du vendeur1. L’enchère ouverte signifie que les

soumissionnaires donnent leur mise de façon séquentielle, alors que pour l’enchère fermée, le vendeur détermine à l’avance une période de dépôt des soumissions et ouvre l’ensemble des mises reçues lors d’une séance d’adjudication ultérieure. Le deuxième critère fait référence à la règle d’adjudication du vendeur. Plus précisément, le gagnant peut payer soit la mise la plus élevée (premier prix) ou la deuxième soumission la plus élevée (deuxième prix).

En retenant ces deux critères de classification, on distingue quatre principaux types d’enchères : l’enchère hollandaise, l’enchère anglaise, l’enchère fermée de premier prix et l’enchère fermée de deuxième prix. L’enchère hollandaise est une enchère ouverte de premier prix dans laquelle le vendeur part d’un prix élevé et le descend progressivement, jusqu’à ce qu’un enchérisseur se

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manifeste. L’acheteur paie le prix qu’il a offert. Un exemple s’y rapportant est la vente de fleurs et de plantes en Hollande. Il s’agit du marché aux fleurs d’Aalsmeer. L’enchère anglaise est une enchère ouverte de premier prix dans laquelle les soumissionnaires augmentent progressivement le prix, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’offres. Le paiement du gagnant peut être le premier prix ou le deuxième prix. L’exemple classique de l’enchère anglaise où le gagnant est la mise la plus élevée est la vente aux enchères d’œuvres d’art. Ensuite, on retrouve les enchères fermées où les enchérisseurs font parvenir leurs mises dans une enveloppe ou via Internet. Le gagnant peut payer soit le premier prix ou le deuxième prix, dépendamment de la règle fixée par le vendeur. Un exemple d’enchères fermées de premier prix est la vente aux enchères de droits de coupe forestière en Colombie-Britannique et au Québec. Du côté des enchères fermées de deuxième prix, la compagnie Google les utilise pour la vente des espaces publicitaires. En effet, elles servent à déterminer dans quel ordre les résultats d’une recherche vont apparaître et quel prix sera payé par les entreprises par «clic» sur leur annonce (Varian, 2014).

Il existe plusieurs variantes de ces types d’enchères, telles que les enchères combinatoires, où il est possible de faire une mise sur une combinaison de biens, ou l’enchère à tours multiples dans laquelle le vendeur fait plusieurs tours pour l’allocation d’un même bien. Le présent document s’attardera seulement à l’enchère fermée de premier prix, où le gagnant est celui dont la mise est la plus élevée, puisque le Gouvernement du Québec utilise ce type d’enchères pour la vente de droits de récolte de bois sur les terres publiques.

On distingue également les enchères selon leur type d’environnement. Plus précisément, il peut être question d’environnement de valeur commune ou de valeur privée. Pour l’environnement de valeur commune, tous les enchérisseurs ont la même valeur du bien, mais disposent d’informations différentes sur cette valeur. Un exemple pour illustrer ce propos est une jarre qui contient cinquante dollars en monnaie mise à l’enchère. L’objet a la même valeur pour tous les enchérisseurs, mais aucun ne sait combien elle contient réellement et chacun a sa propre idée. L’information envoyée par les autres enchérisseurs peut être vue comme un signal de la valeur et permet à l’enchérisseur d’ajuster sa valeur. À l’inverse, l’enchère de valeur privée a comme caractéristique que chaque enchérisseur a

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sa propre valeur de l’objet mis en vente et constitue une information privée. L’obtention d’information supplémentaire par les autres enchérisseurs ne modifie pas la valeur d’un enchérisseur. Il peut également exister des variantes dans ces types d’environnement. Notamment, la valeur interdépendante, où les enchérisseurs ne connaissent pas la valeur du bien mis à l’enchère et disposent d’informations différentes sur cette valeur. Ces environnements ne sont toutefois pas mutuellement exclusifs. Plus précisément, il est possible qu’un environnement ait une composante commune qui affecte tous les enchérisseurs de la même façon, mais que l’environnement privé corresponde plus au marché en question.

La stratégie optimale de mise pour un enchérisseur dépend généralement de sa propre valeur de l’objet en vente, ainsi que du nombre de concurrents potentiels à l’enchère. Le type d’enchère et d’environnement aura aussi un impact sur ce comportement, de même que les enchères où un ou plusieurs biens sont mis en vente. Par exemple, dans une enchère de deuxième prix fermée où un seul objet est mis en vente dans un environnement de valeur indépendante, la stratégie optimale est de miser sa propre valeur, puisque l’enchérisseur ayant soumis la mise la plus élevée gagne et paie moins que sa vraie valeur (Levin, S.d.a, p. 15). Krishna (2002, p. 15) démontre que dans ce type d’enchère, il s’agit d’une stratégie faiblement dominante de miser ainsi, puisque miser moins que sa valeur ne peut jamais augmenter les profits de l’enchérisseur et peut même parfois les diminuer.

La stratégie de mise pour l’enchère fermée de premier prix, dans un environnement de valeurs privées, doit tenir compte de la valeur de la firme pour l’enchère et de sa probabilité de gagner. La mise optimale dépend également du nombre d’enchérisseurs participant à l’enchère et de l’anticipation du montant que les autres concurrents vont miser. Pour maximiser les gains, la valeur qu’accorde l’entreprise au bien doit être supérieure au prix misé, autrement, l’entreprise ne réalise pas de profits (Krishna, 2002, p. 16). L’entreprise doit donc faire un compromis entre miser plus élevé pour augmenter sa probabilité de gagner et miser plus faible pour faire plus de profits. Ainsi, la stratégie de mise optimale dans une enchère scellée de premier prix est de miser plus faible que sa vraie valeur (Levin, S.d.a, p.18 et Krishna, 2002, p. 19). Dans la littérature, on appelle ce phénomène «bid shading». Il consiste à diminuer sa mise d’un certain montant et celui-ci dépend du nombre de concurrents. Plus

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le nombre d’enchérisseurs augmente, plus la mise va tendre vers sa vraie valeur (Krishna, 2002, p.19). Lorsque les enchérisseurs sont averses au risque, le montant duquel l’enchérisseur va diminuer sa mise est inférieur puisqu’ils misent plus agressivement pour minimiser la probabilité de perdre l’enchère (Munoz-Garcia, 2012, p.10-11). Nous venons de voir les stratégies de mises optimales pour les deux types d’enchères fermées. La stratégie de mise pour l’enchère hollandaise est équivalente à l’enchère de premier prix fermée et celle de l’enchère anglaise à celle de deuxième prix fermée (Krishna, 2002, p.13). Finalement, les stratégies de mise optimale pour les deux types d’enchères diffèrent, mais rapportent le même revenu dans un environnement de valeurs privées où les enchérisseurs sont symétriques (Krishna, 2002, p. 22). Il s’agit du principe d’équivalence de revenus.

1.2 La collusion dans les enchères

Il existe plusieurs stratégies de collusion utilisées à l’intérieur d’un cartel ou d’un cercle de soumissionnaires. Dans un mémo à l’intention du Ministère des Forêts de la Colombie-Britannique - qui procède à des ventes aux enchères de droits de récolte des bois - Peter Cramton (2002) identifie plusieurs stratégies de collusion possibles. D’abord, il peut être question de mises identiques où toutes les entreprises misent le même montant, généralement très près du prix de réserve. Cette forme est toutefois moins commune de nos jours, puisque plusieurs cas ont été répertoriés et que cette façon de se concerter attire facilement l’attention des autorités. On peut également observer des schémas de rotations entre les soumissionnaires. Par exemple, on pourrait s’attendre à recevoir des mises de deux firmes concurrentes sur un appel d’offres, mais on s’aperçoit que systématiquement, lorsqu’une des firmes soumissionne, l’autre ne le fait pas. Il peut aussi s’agir de schémas de rotation plus sophistiqués, tels que la répartition de ventes entre concurrents en fonction du nombre de ventes (ou volumes) remportés. Cependant, cette stratégie nécessite plus de communications entre les firmes et augmente ainsi la probabilité d’être détectée. Une firme peut aussi payer un pot-de-vin ou une ristourne à ses concurrents pour ne pas qu’ils soumissionnent agressivement sur un même appel d’offres. Une autre stratégie est de faire une enchère avec seulement les membres de l’entente pour déterminer avant l’enchère officielle qui sera le seul enchérisseur parmi eux qui participe à une enchère donnée («knockout auctions»). On peut aussi observer un comportement de mises fantômes («phantom

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bidding») où les membres de l’entente déterminent lequel a la valeur la plus élevée et les autres

déposent des mises plus basses pour donner l’illusion de compétition. Finalement, on peut aussi observer, en plus de toutes les stratégies identifiées précédemment, une menace de guerre d’enchères («threat of bidding wars»). Plus précisément, lorsque l’on se rend compte qu’une firme a dévié de sa stratégie, il est question de ne plus maintenir la collusion et il s’ensuit un comportement compétitif de toutes les firmes. Il en résulte donc des prix plus élevés. Ce schéma peut être observé dans les enchères répétées et combiné avec d’autres stratégies.

La capacité des firmes à manipuler le résultat des enchères et à s’organiser est un facteur déterminant dans la collusion. Les enchères de premier prix fermées sont moins sujettes à la collusion que les enchères anglaises (Kovacic et al., 2006, p.6). En effet, pour que le cartel réalise un gain dans une enchère de premier prix, l’enchérisseur qui a la plus grande valeur de l’objet doit diminuer sa mise par rapport à une situation compétitive. Puisqu’il mise sous sa vraie valeur, les firmes du cartel peuvent miser légèrement plus élevé pour tenter de remporter l’enchère et réaliser un profit plus grand (Kovacic et al., 2006, p. 6). Les entreprises membres du cartel ont donc un incitatif à dévier de leur stratégie. Cette situation ne survient pas dans les enchères orales anglaises, car le cartel peut utiliser une règle de participation plus simple : si un membre du cartel participe activement à l’enchère, les autres membres ne misent pas. De cette façon, la compétition à l’intérieur du cartel est éliminée (Kovacic et al., 2006, p.6). Celui qui a la valeur la plus élevée mise tout au plus sa valeur, soit celle qu’il aurait misé en situation compétitive. Il n’y a donc pas d’incitatif à changer de stratégie, contrairement à l’enchère de premier prix. Robinson (1985, p. 144) démontre qu’il n’existe pas d’équilibre de Nash à l’intérieur d’un cartel pour les enchères de premier prix. Puisque la stabilité est difficile à atteindre et qu’il existe une possibilité que les firmes hors de l’entente obtiennent les gains, ces dernières peuvent avoir un incitatif à ne pas rejoindre le cercle d’enchérisseurs (Hendricks, McAfee et Williams, 2015, p.503-504). Pour ces raisons, l’enchère fermée de premier prix est moins encline à la collusion que l’enchère ascendante.

Le format de l’enchère modifie également l’incitatif à la collusion. Plus précisément, il existe une distinction entre les enchères ponctuelles et les enchères répétées. Ces dernières facilitent

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généralement la mise en place d’un cartel ou d’un cercle d’enchérisseurs. En effet, les jeux répétés rendent plus facile la surveillance des membres du cartel et permettent de punir ceux qui en dévient. De plus, les enchères répétées permettent de ne pas avoir à effectuer de versements pour compenser les autres membres de l’entente, puisqu’il y aura d’autres ventes dans le futur. L’autorité responsable des ventes peut limiter les comportements collusifs en ne rendant pas publics les soumissionnaires et leur mise. Autrement, cet élément aide à voir si les membres de l’entente respectent leur stratégie de mise établie au préalable et à punir ceux qui en dévient.

Il faut aussi savoir qu’il est possible pour les autorités de mettre en place d’autres mesures anticollusion. En effet, limiter la quantité d’informations divulguées après l’enchère, éviter les désistements d’entreprises, tenir les enchères à intervalles irréguliers et ne pas annoncer les ventes à l’avance sont des exemples de mesures anticollusion qui peuvent être utilisées (Kovacic et al., 2006).

1.3 La détection empirique de la collusion dans les enchères

Au Canada, la collusion est une entrave à la Loi sur la concurrence. Dans le cadre d’enchères, la collusion correspond généralement aux articles 47 (truquage des offres) et 45 (complots, accord ou arrangement entre concurrents) de la Loi sur la concurrence (L.R.C. (1985), ch. C-34). Le truquage des offres fait référence à des concurrents qui font une entente relativement à un appel d’offres, sans la porter à la connaissance du vendeur. Par exemple, le fait de ne pas présenter de soumission ou encore le dépôt de soumission, dont le contenu est le résultat d’un arrangement en constitue. Il est plutôt question de complot lorsque des concurrents font une entente pour : fixer, maintenir, augmenter ou contrôler les prix, attribuer des ventes, des territoires, des clients ou des marchés ou encore fixer, maintenir, contrôler, empêcher, réduire ou éliminer la production ou la fourniture d’un produit (Loi sur

la concurrence, L.R.C. (1985), ch. C-34, a. 45).

Bien que certaines mesures anticollusion puissent être mises de l’avant, celles-ci ne garantissent pas qu’il n’y ait pas de collusion. C’est pourquoi il est pertinent de s’attarder à détecter la collusion dans les enchères. La littérature sur la détection empirique de la collusion est plutôt récente,

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mais tout de même relativement abondante, surtout en ce qui a trait aux modèles où les firmes collusives sont identifiées.

La collusion est détectable seulement si les firmes qui en font se comportent différemment des firmes compétitives. La littérature sur la détection se concentre donc à distinguer un comportement collusif d’un comportement compétitif, souvent en utilisant des données d’enchères. Plusieurs modèles ont été développés dans les vingt-cinq dernières années, mais la plupart de ces modèles sont développés en connaissant l’identité des firmes qui font de la collusion. Cette démarche permet de tester la fiabilité des méthodes statistiques pour détecter la collusion puisqu’il est possible de catégoriser les firmes en deux sous-groupes distincts : les firmes compétitives (groupe de contrôle) et les firmes collusives (groupe avec traitement). Il est possible de démontrer ainsi que les deux sous-groupes se comportent différemment. L’efficacité de cette méthode est toutefois questionnable lorsque l’identité des firmes collusives n’est pas connue avec certitude, car le lien de causalité ne peut être démontré.

D’une part, la plupart des textes écrits contiennent des modèles qui nécessitent l’identification des firmes collusives. Dans un premier temps, Porter et Zona (1993) tentent de voir s’il existe des distinctions dans le comportement de soumission des firmes collusives et compétitives dans des appels d’offres du marché de la construction de l’État de New York. Parmi les enchérisseurs, une entreprise a été condamnée de truquage des offres et quatre autres sont considérées comme co conspiratrices. Ils estiment un modèle de forme réduite de mise (en logarithme) à l’aide des moindres carrés généralisés sur le sous-groupe de firmes collusives, puis, sur le sous-groupe de firmes compétitives. Les auteurs effectuent ensuite un test de Chow pour voir si les coefficients estimés dans les fonctions de mises sont égaux. Les auteurs concluent que les mises du cartel diffèrent statistiquement des mises compétitives. L’estimation permet de voir qu’il existe bien des différences dans les deux types de mises et suggère que les méthodes statistiques sont efficaces pour détecter la collusion.

Dans un deuxième temps, Porter et Zona (1999) vont améliorer leur approche en modélisant deux décisions que la firme doit prendre, soit déposer une soumission ou non et déterminer le montant

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de la soumission. Les auteurs utilisent des données de contrats d’approvisionnement d’écoles publiques en lait pour une année dans l’État de l’Ohio. Encore une fois, les firmes coupables de collusion sont identifiées ex ante et constituent un groupe distinct des firmes compétitives. Les auteurs sont en mesure de les identifier puisque deux représentants d’entreprises ont avoué avoir truqué des offres avec d’autres firmes de la région. Par rapport à leur première étude, on ajoute la modélisation de la décision de présenter ou non une soumission. On estime un modèle de type probit pour expliquer la participation à une enchère dans lequel la variable dépendante prend la valeur 1 si une mise est présentée et 0 sinon. Un des résultats importants du modèle des firmes compétitives est que la probabilité de recevoir une mise est une fonction décroissante de la distance entre l’enchérisseur et l’école. Ce résultat s’accorde avec la théorie économique puisque le lait transformé est relativement coûteux à transporter. Tout comme dans leur première étude, les auteurs modélisent le prix misé en fonction des différentes caractéristiques du contrat et de la firme pour les firmes compétitives. Le modèle semble cohérent et prédit qu’une firme plus proche de l’école en question a un avantage concurrentiel, mais qui diminue avec la distance.

Les auteurs estiment à nouveau ces équations, mais en ajoutant les firmes collusives et comparent les résultats entre les deux types d’entreprises en faisant des tests statistiques. Les tests permettent de rejeter que les firmes collusives soumettent des mises conformément au groupe de contrôle – les firmes compétitives. Pour bonifier leurs résultats, Porter et Zona examinent la déviation de la mise prédite par le groupe de contrôle en fonction des classes de distance entre l’entreprise et l’école, ainsi que la quantité de mises prédites versus réelles. Ils observent que les entreprises collusives soumettent des mises plus fréquemment que le prédit le groupe de contrôle lorsque l’école est proche de leurs usines (0 à 30 miles), mais également que deux de ces firmes misent plus souvent sur des appels d’offres qui sont loin de leur territoire, contrairement au groupe de contrôle. Ils complètent également un test pour voir si les firmes ont agi de manière indépendante, mais observent une corrélation entre la participation de certaines firmes. On conclut qu’il existe bien des évidences empiriques de différences de comportement dans les mises entre le groupe compétitif et le groupe qui a fait de la collusion.

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Les modèles de Porter et Zona (1993, 1999) reposent sur l’hypothèse que les firmes compétitives et les firmes collusives sont symétriques. Bien que restrictive, cette hypothèse permet de simplifier considérablement le modèle. Bajari et Ye (2003) se distinguent de Porter et Zona (1993, 1999) en présentant un modèle dans lequel les enchérisseurs sont asymétriques. Ainsi, on suppose que les enchérisseurs présentent des distributions de coûts différentes et ne sont donc pas tout à fait identiques. Les auteurs, tout comme Porter et Zona, identifient une fonction de mise, mais celle-ci est spécifique à chaque entreprise. Il est également question d’un contexte où les firmes collusives sont identifiées ex ante. Les chercheurs identifient deux concepts qui sont déterminants dans leur modèle : l’indépendance conditionnelle et l’échangeabilité. Le premier concept, l’indépendance conditionnelle, signifie qu’en absence de collusion les mises doivent être indépendantes, après avoir contrôlé pour les informations sur les coûts des entreprises. S’il y a de la collusion, les chercheurs risquent de trouver une corrélation entre les mises lorsque les membres du cartel soumettent des mises fantômes. Le deuxième concept est le caractère échangeable des mises compétitives. On considère que les coûts seulement devraient déterminer la mise de l’entreprise. Donc, en maintenant l’information des coûts constants, les mises des firmes devraient pouvoir être permutées, c’est-à-dire que si l’on attribue à la firme 1 les caractéristiques de la firme 2, alors la firme 1 miserait la même chose que la firme 2. Ils testent cet élément en autorisant des coefficients spécifiques à l'entreprise dans la fonction de mise et en vérifiant ensuite si ces coefficients sont identiques. Le test d’indépendance conditionnelle s’effectue sur des paires d’entreprises qui ont fait au moins quatre mises sur un même appel d’offres. Les auteurs rejettent l’hypothèse nulle que les firmes sont indépendantes pour seulement quatre paires d’enchérisseurs. Bajari et Ye rejettent l’hypothèse d’échangeabilité des mises lorsque toutes firmes sont dans le même groupe, ainsi que lorsque deux enchérisseurs spécifiques sont ensemble. Les auteurs concluent que les données ne sont pas cohérentes avec un comportement de mise compétitive. Sachant qu’il y a effectivement de la collusion, leurs résultats démontrent que les méthodes statistiques utilisées permettent de la détecter.

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Modèles empiriques de détection de la collusion spécifiques aux enchères de bois

Des modèles de détection de la collusion sont aussi développés lorsque les firmes collusives ne sont pas identifiées ex ante. Cette partie de la littérature est beaucoup moins riche que la précédente. Cette section vise à présenter trois textes spécifiques à la détection de la collusion dans les enchères de bois dans un contexte où les firmes collusives ne sont pas identifiées.

Brannman (1996), de son côté, étudie l’effet de la compétition et la collusion dans les enchères de bois orales et fermées des États-Unis (Forest Service). Son objectif premier est de voir si le niveau de compétition potentielle affecte le prix du secteur. Il crée une variable de compétition anticipée (nombre d’enchérisseurs anticipé) qui est le résultat d’un probit en fonction de la distance de transport. Il crée également une variable de compétition géographique potentielle en dénombrant le nombre de firmes qui sont à moins de 115 miles du secteur. L’auteur intègre ces deux variables dans une équation qui explique le prix misé en fonction des différentes caractéristiques des secteurs, des entreprises et des marchés pour chacun des types d’enchère. Au total, il obtient les résultats de quatre régressions, soit le modèle avec compétition anticipée ou potentielle pour les enchères orales ou fermées. Les résultats confirment généralement les prévisions, c’est-à-dire que la compétition réelle importe pour l’enchère orale et la compétition anticipée ou potentielle importe pour l’enchère fermée. Deux résultats de la régression suggèrent qu’il y a peut-être eu de la collusion. D’abord, le nombre d’enchérisseurs réel a beaucoup plus de pouvoir explicatif que le nombre d’enchérisseurs anticipé ou potentiel pour l’enchère fermée. Pour voir s’il peut être question de collusion, Brannman crée un indice de compétition pour chaque firme, H(i), qui représente le nombre de firmes contre laquelle la firme i a déposé des mises sur le nombre total de mises dans les enchères auxquelles i a participée, moins les mises que la firme i a faites. Des valeurs élevées de H(i) signifient que la firme a beaucoup de compétiteurs. Puisque les coûts d’organisation du cartel augmentent avec le nombre de firmes, une valeur élevée de l’indice représente une probabilité plus faible de faire partie d’une entente. L’effet de la variable est significatif pour les enchères fermées et une augmentation de l’indice agrégé (donc plus de compétition) mène à des prix plus élevés. Toutefois, l’effet est plus important dans les enchères fermées. Bien que cet argument ne semble pas suffisant pour croire qu’il peut y avoir de la collusion, l’indice proposé s’avère intéressant.

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Puis, Brannman trouve le résultat contre-intuitif qu’une augmentation de la distance augmente le prix misé dans les enchères orales. Cette information peut signifier que des firmes plus efficaces peuvent tenter d’intimider des concurrents en misant un prix plus élevé pour faire peur à la concurrence («preclusive bidding»). L’auteur divise les enchères orales en firmes proches et en firmes éloignées du secteur. Il y a en moyenne moins d’enchérisseurs pour les firmes qui sont proches du secteur que les firmes qui sont loin. De même, les prix sont plus faibles pour les firmes proches que les firmes éloignées. Ce comportement semble cohérent avec des stratégies de «preclusive bidding». Enfin, malgré le fait que l’objet de l’étude de Brannman n’était pas de détecter la collusion, les résultats obtenus s’avèrent intéressants. Les effets sont cependant mitigés, puisqu’il est question à la fois de comportement stratégique («preclusive bidding») et de collusion, qui ont deux effets différents.

Baldwin, Marshall et Richard (1997) proposent une approche plutôt différente. En effet, ceux-ci testent différents modèles pour voir si des prix bas peuvent être attribuables à une augmentation de l’offre, à la collusion ou à une combinaison de ces effets. Les auteurs mettent de l’avant que si trop de bois est mis en vente par le Service des Forêts et que la demande des entreprises reste constante, on observera des prix bas. Pour ce faire, ils utilisent des données d’enchères orales ascendantes de droits de coupe forestière des États-Unis (U.S. Forest Service Timber Sales). Bien qu’il ne s’agisse pas d’enchères fermées de premier prix, l’approche demeure tout de même intéressante et propose un aspect de nouveauté en essayant d’intégrer des effets d’offre.

Il est important de mentionner qu’ils sont également dans un contexte où on ne sait pas si la collusion est présente et si oui, quelles firmes font de la collusion. Ils estiment six modèles différents à l’aide de techniques d’estimation de maximum de vraisemblance pour déterminer lequel reproduit le mieux les données. Les modèles testés sont les suivants : un modèle compétitif sans effet d’offre (1) , deux modèles de collusion sans effet d’offre (2 et 3), un modèle compétitif avec effet d’offre (4) et deux modèles non restreints (5 et 6) qui contiennent à la fois la collusion et l’effet d’offre. Le modèle 3 se distingue du modèle 2, car on lui ajoute une variable binaire spécifique à la collusion, soit une variable qui indique que l’enchérisseur ayant soumis le prix le plus élevé et celui ayant soumis le deuxième plus

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élevé sont dans le même comté. Cette variable est introduite pour refléter la probabilité de collusion plus élevée lorsque les enchérisseurs sont rapprochés géographiquement. Puisqu’ils n’ont pas l’information pour créer une variable continue, ils considèrent les enchérisseurs qui ont une probabilité élevée de collusion (les deux enchérisseurs ayant soumis les mises les plus élevées sont dans le même comté) et une probabilité faible (ils ne sont pas dans le même comté). Le fait d’ajouter cette variable binaire est l’équivalent d’ajouter une variable auxiliaire de probabilité de joindre un cartel (Baldwin, Marshall et Richard, 1997, p. 684). Pour l’effet d’offre, les auteurs utilisent une variable «proxy» qui est la quantité de bois offerte par le Service des Forêts dans une forêt nationale pour une année donnée.

Baldwin, Marshall et Richard obtiennent comme résultat que le modèle collusif sans effet d’offre (2) performe mieux que le modèle standard (1) sans effet d’offre. Pour ce qui est des modèles de collusion sans effet d’offre, le modèle collusif (3) avec variable binaire pour indiquer que les enchérisseurs sont dans le même comté performe mieux que le (2). Le modèle compétitif avec effet d’offre (4) est meilleur que le modèle compétitif sans effet d’offre (1) et donne des résultats très similaires au modèle collusif (2). Lorsqu’ils comparent les modèles non restreints incluant les deux effets, soit les modèles (5) et (6), ils obtiennent comme résultat qu’aussitôt que la collusion est prise en considération, l’offre ne contribue plus à expliquer le modèle. Selon eux, puisque l’offre ne contribue pas significativement aux modèles, l’offre agirait comme une «proxy» pour la collusion. On réfute donc le modèle compétitif avec un effet d’offre seulement (4). Finalement, le modèle avec collusion sans effet d’offre (3) semble le plus performant avec les données utilisées.

Saphores, Vincent et Marochko (2006) étudient la collusion dans les enchères orales ascendantes de bois en Roumanie sur deux régions précises : Neamt et Suceava. Ils se situent également dans un contexte où aucune firme n’est reconnue coupable de collusion. Ils utilisent le même principe que les autres textes, soit d’estimer un modèle compétitif et un modèle collusif et testent lequel de ces modèles réplique mieux les données.

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D’abord, pour la région de Neamt, leur échantillon contient 869 observations et couvre la période 1999 à 2002. Les auteurs ont dû se contenter de très peu de variables explicatives, soit le nom de la division du secteur, le volume de bois, le type de bois (mature, éclaircie, récupération), la date de l’enchère, le prix de réserve (public), le prix gagnant et le nom du gagnant. Saphores, Vincent et Marochko utilisent la même approche que Baldwin et al. (1997) discutée précédemment et considèrent des enchères de valeur privée. Pour le modèle compétitif (modèle 1), on suppose que le montant de la mise correspond au consentement maximal à payer, autrement dit, qu’il s’agit de la vraie valeur de l’enchérisseur. Ils effectuent une régression linéaire du logarithme de la mise ($/m3) par les

caractéristiques des enchères disponibles (volume, prix de réserve, variables binaires pour la région, variables binaires pour l’année de la vente). Puisqu’ils n’ont pas d’informations sur la qualité du bois, ils utilisent le prix de réserve comme une «proxy». Pour le modèle avec collusion (modèle 2), on juge que seulement les mises qui ne sont pas proches du prix de réserve correspondent au consentement maximal à payer (la vraie valeur de l’enchérisseur). Les mises qui sont moins de 7% sous le prix de réserve sont considérées comme étant inférieures au consentement maximal à payer. Ainsi, les auteurs effectuent une régression censurée de la mise ($/m3) par les caractéristiques des enchères

disponibles. Ils déterminent que le modèle avec collusion est plus performant que le modèle compétitif et concluent qu’il peut être question de collusion. En effet, l’écart entre le prix gagnant et le prix de réserve public est un comportement stratégique des enchérisseurs, mais pas nécessairement de collusion.

Pour la région de Suceava, les chercheurs ont accès à des données beaucoup plus riches. Ils obtiennent les soumissions pour l’ensemble des secteurs, des données sur la localisation des firmes et des données sur les secteurs. Les chercheurs se concentrent sur les enchères de 2002 et ont un total de 615 observations. Ils estiment une fois de plus un modèle compétitif et un modèle où un sous-groupe d’enchérisseurs fait de la collusion. Tout comme pour la région de Neamt, les auteurs censurent les prix de vente qui sont inférieurs à un certain pourcentage du prix de réserve. Pour Suceava, il s’agit de 5,5% du prix de réserve. Sur les mêmes bases, ils comparent les modèles estimés et jugent que le modèle avec collusion est de loin supérieur au modèle compétitif.

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Le modèle présenté dans le cadre de mon mémoire utilise les résultats présentés précédemment. Le type d’enchère et d’environnement doivent être pris en considération lors de la modélisation du comportement de mise. Le modèle développé est de type forme réduite et s’inspire beaucoup de Porter et Zona (1993 et 1999), dans la mesure où une fonction de prix misé est estimée. Les textes et Brannman (1996) et Baldwin, Marshall et Richard (1997) permettent de mieux cibler les variables à utiliser pour expliquer les mises puisque ces textes traitent du même genre de marché, soit les droits de récolte pour le bois de forêts publiques. Je m’inspire également de la variable de compétition géographique potentielle de Brannman dans le modèle de base en créant le nombre d’enchérisseurs potentiels, qui sera abordé plus en détails au chapitre 3. Dans un même ordre d’idées, l’approche est similaire aux tests additionnels faits par Branmann, dans la mesure où une variable indicatrice -H(i) dans le cas de Brannman- est ajoutée au modèle de prix misé. Je crée aussi une variable de proximité entre les enchérisseurs, soit le fait que des entreprises de la même ville déposent une mise sur un même appel d’offres, inspirée de Baldwin, Marshall et Richard pour capturer les environnements de collusion possible.

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Chapitre 2

Le marché du bois

Cette section vise à décrire le fonctionnement des enchères du Bureau de mise en marché des bois (BMMB), de même que de présenter le marché à l’étude, soit les droits de récolte de bois sur pied au Québec. Ce chapitre permet de mieux comprendre les enchères qui sont utilisées comme données pour tester le modèle, de même que les facteurs qui affectent l’offre et la demande de droits de récolte. De plus, les informations de la dernière section sont pertinentes pour la sélection des variables qui sont utilisées dans le modèle.

2.1 Fonctionnement des enchères

Le BMMB a été créé en janvier 2011 (MFFP, 2011), à la suite de l’adoption de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier (Chapitre A-18.1) au 1er avril 2010. Cette loi visait une

réforme du régime forestier et on y prévoit entre autres, la création d’un marché libre des bois. La mise en vente de 25% des bois de forêt publique a comme objectifs principaux de rendre accessible la ressource à plus d’intervenants de la forêt québécoise, de favoriser une utilisation optimale de la ressource et d’utiliser ces ventes pour tarifer les bois offerts en garantie. «La garantie d'approvisionnement confère à son bénéficiaire le droit d'acheter annuellement un volume de bois en provenance de territoires forestiers du domaine de l'État d'une ou de plusieurs régions, et ce, en vue d'approvisionner l'usine de transformation du bois pour laquelle cette garantie est accordée (MFFP, S.d.a)». Le BMMB a débuté ses activités de ventes aux enchères avant la mise en place officielle du nouveau régime forestier au 1er avril 2013. En effet, il a réalisé ses premières ventes aux enchères

dans le cadre du programme d’implantation en juin 2011. Puisque le gouvernement demeure propriétaire de la ressource, il est question de vendre à l’enchère le droit d’effectuer la récolte de bois sur les terres publiques.

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Le BMMB utilise l’enchère fermée de premier prix pour la vente de droits de récolte de bois. Ce dernier affiche sur son site Internet les documents d’appels d’offres publics, rendant disponible gratuitement la même information à tous les enchérisseurs potentiels. Dans ces documents, le BMMB indique la description des essences et qualité de bois que l’enchérisseur peut retrouver dans le secteur, la localisation du secteur, la description des travaux à réaliser ainsi que la date de réalisation des travaux, des indications concernant la voirie forestière, les mesures d’harmonisation2 qui s’appliquent,

des notions concernant la certification forestière et finalement, les éléments entourant le suivi des opérations.

Le BMMB publie aussi le prix estimé, soit la valeur qu’il pense obtenir pour un secteur. L’enchérisseur peut soumettre des offres inférieures ou supérieures à ce prix. Le BMMB fixe également un prix de réserve pour chaque lot de bois. Ce prix est non divulgué et correspond au prix le plus bas que le gouvernement est prêt à accepter pour un secteur compte tenu des conditions qui prévalent au moment de la vente (BMMB, 2015, p. 5). Les enchérisseurs peuvent soumissionner jusqu’à la date limite indiquée dans les documents d’appels d’offres. Généralement, la période de soumission est d’environ quatre semaines. «Le BMMB procède aux ventes de bois par vague, c’est-à-dire que plusieurs secteurs sont offerts simultanément dans l'ensemble du Québec. Il y a un minimum de trois vagues de ventes annuellement» (BMMB, 2015, p.5).

Tout enchérisseur qui souhaite participer aux enchères peut le faire en s’inscrivant gratuitement au Registre des enchérisseurs. Une personne physique âgée de 18 ans et plus ou une personne morale peut s’inscrire en complétant le formulaire en ligne. L’entreprise ne doit pas avoir été exclue précédemment du Registre. Une entreprise peut avoir été exclue si elle a vu un de ses contrats résilié par le BMMB, si elle a été reconnue coupable de collusion dans les cinq dernières années ou encore si elle a fait une fausse déclaration lors de son inscription au Registre.

2 Une mesure d’harmonisation se définit comme une «mesure particulière ou modalité d'intervention convenue avec les

différents utilisateurs du milieu forestier et qui doit être respectée lors de la réalisation des opérations en forêt» (définition du BMMB, Manuel de mise en marché des bois, p.38).

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Pour participer aux enchères du BMMB, les entreprises n’ont pas besoin de se qualifier, comme il est question dans certains systèmes d’enchères. Ainsi, tout enchérisseur qui a les capacités financières peut participer aux enchères de droits de récolte de bois. Il n’y a donc pas de critères qui restreignent inutilement la participation ou qui pourraient représenter une barrière à l’entrée pour de nouveaux concurrents.

Les enchérisseurs peuvent soumettre leur mise électronique ou papier jusqu’à la date indiquée dans le document d’appel d’offres. Celle-ci doit être accompagnée d’une garantie de soumission. Il s’agit d’une garantie financière qui vise à s’assurer du sérieux d’un enchérisseur. Son montant est établi en fonction du prix estimé du secteur de vente. Ainsi, si un enchérisseur gagnant se désiste avant de signer le contrat de vente, le BMMB encaisse la garantie de soumission. De plus, cette mesure, sert à prévenir la collusion, dans l’optique où il est coûteux pour un enchérisseur de se désister d’un secteur remporté. Les mises reçues lors de la période de soumission sont ouvertes lors d’une séance d’adjudication ultérieure, à laquelle assiste un auditeur externe pour assurer le respect et la conformité des procédures d’adjudication.

La règle d’adjudication dépend du nombre de soumissionnaires. En effet, s’il y a trois enchérisseurs et plus, la mise la plus élevée doit être supérieure au prix de réserve, mais peut être inférieure au prix estimé. Si toutefois il y a eu deux enchérisseurs et moins, la mise la plus élevée doit être supérieure ou égale au prix estimé (BMMB, 2015, p. 24).

Après la séance d’adjudication, les informations sur les enchérisseurs et leur mise ne sont pas divulguées dans le but de prévenir la collusion. En effet, divulguer les enchérisseurs facilite la collusion et dévoiler les mises permet de renforcer la stabilité dans un cartel, puisque les membres peuvent vérifier si les firmes ont dévié de leur stratégie (Kovacic et al., 2006). Les seules informations rendues publiques sont le nom du gagnant de l’enchère et le prix gagnant une fois le contrat de vente signé. De plus, le gagnant a une période d’environ deux ans pour récolter les bois du secteur.

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Le BMMB réalise quatre différents types de vente. La plus fréquente est la vente de bois sur pied selon mesurage, où l’enchérisseur achète les droits de récolte d’un secteur et paie les différentes essences de bois en fonction des volumes récoltés. Ensuite, la vente de bois sur pied selon inventaire est aussi l’achat de droits de récolte pour un secteur, mais l’acheteur soumet un prix total et paie ce montant, sans égard à la quantité de bois récolté de chaque essence. Finalement, l’acheteur peut acheter les bois sous forme de billes (bois déjà récolté) en bord de route ou encore livrées à la destination. Les ventes de bois sur pied sont les plus fréquentes et représentent 98% des volumes vendus depuis le début des ventes jusqu’en juillet 2016 (tableau 1)3.

Tableau 1 : Volumes vendus par le BMMB selon le type de vente de juin 2011 à juillet 2016

Type de vente vendus (MmVolumes 3) Pourcentage (%)

Bois sur pied - Mesurage 26,49 98,1%

Bois sur pied - Inventaire 0,38 1,4%

Bois livré - Mesurage 0,08 0,3%

Bois récolté - Mesurage 0,05 0,2%

Total général 27,01 100,0%

De plus, il est possible de participer à une enchère de base ou combinatoire. L’enchère de base est la plus commune, où il s’agit de faire une mise pour un seul objet (soit un secteur individuel ou une seule combinaison de volume). L’enchère combinatoire correspond à la possibilité de miser sur plusieurs items à la fois. Plus précisément, pour les ventes de bois sur pied, il s’agit de miser soit sur deux secteurs individuels ou sur la combinaison de ces deux secteurs. Pour les ventes de bois récoltés ou livrés, l’enchérisseur a la possibilité de miser sur un groupe d’essences, plusieurs sous-groupes ou l’ensemble des volumes. Dans le cas de la combinaison de secteurs, la valeur de l’enchérisseur peut être d’une plus grande valeur que la somme des deux lots individuels. En effet, ce type d’enchère permet de réaliser des économies d’échelles lorsque l’enchérisseur remporte les deux lots.

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2.2 Types de collusion

Dans ce contexte, en fonction des caractéristiques du marché, du type d’enchère, ainsi que des règles applicables à la mise en marché des bois, certains types de collusion sont plus probables que d’autres. D’abord, puisque les enchères évoluent dans un contexte de jeux répétés, il est plus facile pour des entreprises de se répartir les parts de marché au travers des différentes vagues de vente du BMMB. En effet, il pourrait être avantageux de procéder ainsi plutôt que d’effectuer des compensations financières entre les membres du cartel, car celles-ci sont plus facilement décelables, dans la mesure celles-ci laissent des traces (ex : virements bancaires, retraits, etc.). On peut donc penser que des schémas de rotation de soumissionnaires sont plus probables. De même, une division territoriale des secteurs par entreprise, c’est-à-dire que des enchérisseurs déterminent entre eux quels sont leurs territoires respectifs, permet d’éviter d’avoir recours à des paiements compensateurs.

Pour qu’il y ait une vente lorsqu’un secteur compte trois enchérisseurs et plus, le prix le plus élevé doit être supérieur au prix de réserve, contrairement à la situation où lorsqu’il y a deux enchérisseurs et moins, il doit être supérieur au prix estimé. Pour qu’un cercle d’enchérisseurs soit en mesure d’obtenir un secteur sous le prix estimé (et donc augmenter son profit), il doit contenir un minimum de trois enchérisseurs. Ainsi, il est possible de voir des mises «fantômes», qui sont des mises généralement basses, destinées seulement à donner une illusion de compétition.

Il est plus probable qu’il y ait de la collusion dans une région où la compétition est plus faible. Effectivement, lorsque le nombre d’enchérisseurs est faible, il est plus facile pour eux de se concerter. Il en va de même lorsque peu de nouveaux concurrents sont observés. Le cartel ou cercle d’enchérisseurs n’a donc pas à être en concurrence avec une nouvelle entreprise et possiblement perdre une partie des gains associés à la collusion dans le cas où cette dernière remporterait des enchères.

Finalement, il se peut qu’un cartel n’inclue pas toutes les firmes d’une région. À ce moment-là, les prix seraient plus faibles que dans une situation compétitive, mais l’enchérisseur qui est désigné

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gagnant doit faire attention de ne pas trop diminuer sa mise puisque la mise doit être compétitive par rapport aux mises des entreprises non membres du cartel (Kovacic et al., 2006, p. 20).

2.3 Caractéristiques du marché

Le marché à l’étude est le marché des droits de récolte de bois sur pied. Celui-ci peut être divisé en deux, soit le marché privé et le marché public des bois sur pied. Le dernier est celui qui nous intéresse. Au Québec, 92% des forêts sont du domaine de l’État (MFFP, S.d.c), les 8% restants appartiennent à des propriétaires privés. Le gouvernement du Québec s’occupe de l’offre publique des droits de récolte des bois sur pied. Depuis 2013, les droits de récolte de forêt publique sont attribués généralement de deux façons : 75% via des garanties d’approvisionnement et 25% à l’enchère.

L’offre de bois est plutôt inélastique, puisque la possibilité forestière - laquelle correspond au volume maximum des récoltes annuelles que l'on peut prélever à perpétuité sans diminuer la capacité productive du milieu forestier (MFFP, S.d.b.) - détermine la quantité de bois qui peut être offerte par le gouvernement pour une période quinquennale. Pour ce qui est des ventes aux enchères, le BMMB est soumis à cette même contrainte et doit mettre en vente 25% des volumes des forêts publiques. Ainsi, pour une année donnée, la quantité à mettre en marché est fixe et ne peut pas excéder la possibilité forestière. Pour la présente étude, le marché considéré concerne seulement les volumes affichés par le BMMB.

Les demandeurs sont les usines qui transforment le bois et les entreprises sans usines. Celles-ci sont généralement des entreprises qui s’occupent de la récolte de bois plutôt que de la transformation des bois. Parmi ces entreprises, on retrouve des entrepreneurs forestiers, des coopératives, des négociants, des consultants, des entreprises d’aménagement, etc. (voir figure 1).

Du côté de la demande de bois sur pied, celle-ci est soutenue par les firmes qui ont une garantie d’approvisionnement et celles qui participent aux enchères. Pour obtenir une garantie d’approvisionnement sur terre publique, une entreprise doit exploiter ou projeter d’exploiter une usine

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de transformation des bois (MFFP, 2016a, p. 1). Pour les enchères, le bois est accessible à toute personne satisfaisant les critères d’admissibilité au Registre des enchérisseurs. Ainsi, on retrouve des entreprises qui ont une garantie d’approvisionnement et d’autres qui n’en ont pas.

Figure 1 : Répartition des acheteurs du BMMB par type d’entreprise de juin 2011 à juillet 2016

Les firmes qui participent aux enchères peuvent être de différents types, tels que des scieries, des entrepreneurs forestiers, des coopératives, des négociants, des entreprises de transport, etc. Elles peuvent cependant être regroupées en deux catégories : les entreprises qui effectuent la récolte et les usines de transformation. Ces deux catégories assument des coûts différents. Plus précisément, les entreprises qui réalisent uniquement la récolte n’ont pas d’équipements pour transformer les bois une fois la récolte réalisée et doivent les revendre aux usines de transformation. Ces firmes doivent donc assumer les coûts d’approvisionnement, qui incluent : les coûts de récolte, les coûts de chemins à l’intérieur du chantier (entretien, réfection et amélioration, construction), le transport du bois à l’usine, les coûts d’hébergement ou de camp forestier pour les travailleurs, les autres coûts, tels que le mesurage, l’administration, la planification, l’harmonisation et la certification, ainsi que les transferts à l’État (paiement du taux pour chaque essence et qualité de bois, cotisations pour la protection des forêts, aide financière et crédits). Pour 2013-2014, le coût moyen d’approvisionnement du groupe d’essences sapin, épinette, pin gris et mélèze (SEPM) au Québec s’élevait à environ 65,24$ par mètre cube de bois (Groupe DDM, 2016, p. 21).

Scieries 39% Entrepreneurs forestiers 38% Coopératives 5% Services techniques / consultants 4% Négociants 3%

Aménagement forestier et groupements 4%

Autres 7%

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L’entreprise qui effectue la récolte n’a pas à assumer les coûts de transformation du bois en produits finis que doivent assumer les usines de transformation (environ 35,27$/m3, Groupe DDM,

2016, p.22). Ceux-ci comprennent les coûts de manutention, de tronçonnage, de sciage, de rabotage, de séchage, de transport inter-usine, d’emballage, d’amortissement et de frais financiers. De même, elle n’a pas à assumer les coûts de transport aux marchés (environ 10,32 $/m3, Groupe DDM, 2016,

p.23), dont les principaux sont le Québec, l’Ontario et les États-Unis. Finalement, puisque les entreprises de récolte ne sont pas des bénéficiaires de garanties d’approvisionnement, elles n’ont pas à payer la redevance annuelle4 et d’autres frais fixes. Dans les données considérées, sur les 121

acheteurs différents, près de 60% n’ont pas d’usine.

Les proportions de chaque poste de coûts d’opération pour les firmes récoltant les essences SEPM sont présentées au tableau 2. La deuxième colonne représente la proportion du coût de récolte lorsqu’une entreprise effectue la récolte et la transformation des bois. La dernière colonne affiche ces mêmes proportions, mais lorsque l’on considère seulement les coûts de récolte. Ce tableau, découlant de résultats d’une enquête sur les coûts d’opération et les revenus liés au bois d’œuvre de l’industrie forestière du Québec, permet d’identifier l’importance relative de chacun des postes de coûts et permettra de sélectionner des variables qui sont pertinentes au modèle pour expliquer le prix misé (section suivante). De plus, il faut savoir que les coûts de transformation sont très variables selon les usines. En effet, les usines n’ont pas les mêmes équipements et technologies, résultant en des coûts différents. Dans un même ordre d’idées, elles n’ont pas non plus les mêmes revenus totaux. Effectivement, «la composition du panier de produits et les revenus de vente obtenus peuvent varier de façon importante» (Gouvernement du Québec, 2016, p. 61). Contrairement au marché du lait de l’étude de Porter et Zona, les firmes ne sont donc pas homogènes au niveau des coûts de production.

Maintenant que nous avons vu les coûts qui affectent la demande de bois d’une entreprise, il est pertinent de mentionner les caractéristiques de marché qui vont affecter la demande. D’abord la demande de bois sur pied de SEPM est intimement liée à la demande de bois d’œuvre, puisque la

4 La redevance annuelle est un droit payé par le bénéficiaire d’une garantie d’approvisionnement, qui lui permet de

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grande majorité du bois d’œuvre est produit à partir de ces essences (Dufour, 2002, p. 1). On entend par bois d’œuvre «tous les produits de première transformation du bois manufacturés par les scieries à partir de billes de bois, tels les montants pour charpente (2x4), les planches, les madriers, les poutres, etc.» (Dufour, 2002, p.1). Il est question de deuxième transformation du bois d’œuvre lorsque celui-ci est transformé une seconde fois dans le but d’en faire d’autres produits dérivés tels que les portes et fenêtres, les fermes de toits ainsi que les panneaux de particules et de contre-plaqués (Dufour, 2002, p. 1). L’une des principales utilisations du bois d’œuvre est donc l’industrie de la construction. C’est pourquoi les mises en chantier sont généralement un bon indicateur pour l’évolution du marché du bois d’œuvre. Puisqu’une grande part des exportations du Québec va vers les États-Unis (MFFP, 2016b, p.38 et MFFP, 2017, p. 11), il est pertinent de regarder l’évolution des marchés américain et canadien. Dans un même ordre d’idées, la conjoncture du marché du bois d’œuvre et l’évolution des mises en chantier dépendent de la conjoncture globale de l’économie. Finalement, dans une certaine mesure, le prix de vente des produits fabriqués à partir des bois de SEPM va affecter la demande des droits de récolte. Enfin, il faut savoir que le bois a peu de substituts. Lorsque le bois est destiné à la production de bois d’œuvre, les seuls substituts possibles au bois de forêt publique sont les bois de forêt privée et les importations en provenance des États-Unis et d’autres provinces.

Tableau 2 : Proportion du coût d’opération moyen pour les firmes récoltant les essences SEPM de l’industrie forestière québécoise pour l’année 2013-2014

Poste de coûts

Usine effectuant la récolte Entreprise de récolte seulement Coût moyen ($/m3) En proportion (%) Coût moyen ($/m3) En proportion (%) Récolte 22,56 $ 20% 22,56 $ 35% Chemins 7,93 $ 7% 7,93 $ 12% Transport 16,15 $ 14% 16,15 $ 25% Hébergement 1,04 $ 1% 1,04 $ 2% Autres frais 4,36 $ 4% 4,36 $ 7%

Transferts à l'État (excluant la redevance) 13,20 $ 12% 13,20 $ 20%

Coût de transformation 35,27 $ 31% - $ 0%

Transport aux marchés 10,32 $ 9% - $ 0%

Frais fixes (redevance & frais généraux) 3,00 $ 3% - $ 0%

Total des coûts de production 113,83 $ 100% 65,24 $ 100%

Source : Les données originales proviennent de l’enquête du Groupe DDM (2016) et les regroupements ont été effectués par l’auteure.

Figure

Tableau 1 : Volumes vendus par le BMMB selon le type de vente de juin 2011 à juillet 2016
Figure 1 : Répartition des acheteurs du BMMB par type d’entreprise de juin 2011 à juillet 2016
Tableau 2 : Proportion du coût d’opération moyen pour les firmes récoltant les essences SEPM de  l’industrie forestière québécoise pour l’année 2013-2014
Figure 3 : Évolution du prix composé du bois d’œuvre de janvier 2007 à novembre 2016
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