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Les enjeux du toucher, dans le cadre de la psychomotricité, auprès des adultes en situation de polyhandicap

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-01835587

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01835587

Submitted on 11 Jul 2018

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Les enjeux du toucher, dans le cadre de la

psychomotricité, auprès des adultes en situation de

polyhandicap

Marion Aycaguer

To cite this version:

Marion Aycaguer. Les enjeux du toucher, dans le cadre de la psychomotricité, auprès des adultes en situation de polyhandicap. Psychologie. 2018. �dumas-01835587�

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UNIVERSITÉ de BORDEAUX

Collège sciences de la santé

Institut de formation en psychomotricité

Mémoire en vue de l’obtention

du Diplôme d’Etat de Psychomotricité

AYCAGUER Marion

Née le 22/10/1996 à DAX (40)

Directeur de mémoire : HOURCADE Alexandra

Juin 2018

Les enjeux du toucher, dans le cadre de la psychomotricité,

auprès des adultes en situation de polyhandicap

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Remerciements

Je tiens à remercier tout particulièrement Alexandra, de m’avoir permis d’enrichir mon identité professionnelle future, et de m’avoir fait partager sa pratique auprès des adultes polyhandicapés. Un grand merci également pour son soutien dans la rédaction de ce mémoire.

Je remercie également l’ensemble des professionnels paramédicaux pour leur accueil. J’ai pu observer une entraide et une solidarité au sein de cette équipe, que j’espère retrouver tout au long de ma future carrière.

Je pense également aux différents résidents rencontrés à la MAS, et notamment Amélie, qui m’ont acceptée et fait confiance.

Je remercie mes amis de promotion, pour ces trois belles années durant lesquelles nous avons évolué ensemble.

Pour finir, je souhaite remercier mes proches, et plus particulièrement mes parents et mon frère, sans qui rien n’aurait été possible.

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Sommaire

Avant-propos ____________________________________________________________________1 Introduction _______________________________________________________________ 2 I) Polyhandicap ___________________________________________________________ 4

1. Présentation _______________________________________________________________ 4 2. Etiologies, prévalence et symptômes ___________________________________________ 7 3. Retentissements sur la vie quotidienne ________________________________________ 16

II) Le toucher ____________________________________________________________ 21

1. L’organe du toucher : la peau _________________________________________________ 21 2. Sens du toucher ___________________________________________________________ 23 3. Le toucher dans le développement psychique de l’enfant __________________________ 28

III) Psychomotricité et polyhandicap : la place du toucher _______________________ 39

1. Généralités sur la psychomotricité ____________________________________________ 39 2. Etat des lieux du rapport au corps du sujet polyhandicapé _________________________ 44 3. Médiation toucher en psychomotricité, auprès des patients polyhandicapés __________ 51 4. Présentation d’Amélie ______________________________________________________ 68

Conclusion ________________________________________________________________ 84 Bibliographie ______________________________________________________________ 86

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1

Caresser, frotter, effleurer, serrer, repousser, balayer, attraper,

taper, agripper, comprimer, malaxer, pincer, tapoter, griffer, câliner,

appuyer, compresser, chatouiller, manipuler, écraser, embrasser …

Toucher.

Être touché.

Être caressé, être frotté, être effleuré, être serré, être repoussé,

être balayé, être attrapé, être tapé, être agrippé, être comprimé, être

malaxé, être pincé, être tapoté, être griffé, être câliné, être appuyé,

être compressé, être chatouillé, être manipulé, être écrasé, être

embrassé…

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Introduction

Pourquoi le toucher ?

Le toucher fait partie de notre quotidien, et d’autant plus lorsque nous en prenons conscience. Dans la relation aux objets, à autrui, ou encore à notre propre corps, nous touchons sans cesse. Toucher pour saluer, pour agir sur notre environnement, toucher pour agresser, toucher pour apporter de l’affection … Ce sens est au cœur de la vie et des interactions.

Envisager de vivre sans toucher, sans ressentir ?

Cela paraîtrait inconcevable à une personne dont tous les sens sont opérationnels et dont le corps est maîtrisé et conscientisé. Alors pouvons-nous imaginer un monde sans toucher pour des personnes vulnérables, dont le corps est lourdement handicapé ?

Cette dimension du toucher m’a interpellée au début de mon stage de troisième année, en Maison d’Accueil Spécialisée (MAS). En effet je souhaitais réaliser mon stage de troisième année auprès d’une population adulte, qui m’était inconnue. De plus, je voulais me plonger dans un milieu d’accueil permanent. La palette très large de troubles que nous retrouvons dans le polyhandicap, la grande dépendance et ce vécu corporel si particulier a attiré mon attention et soulevé de nombreuses interrogations. C’est pourquoi j’ai souhaité découvrir les enjeux de la psychomotricité auprès de ces patients.

J’ai donc été accueillie à l’année, à raison d’un jour et demi par semaine. Dans le cadre de ce stage, j’ai rencontré des adultes polyhandicapés de plus de 18 ans, résidant dans l’institution.

Lors de mes premières rencontres avec les résidents, j’ai réalisé à quel point la communication était entravée par le handicap. Le toucher m’a donc semblé être une des médiations importantes pour entrer en relation avec eux. De cette rencontre avec les résidents ont découlé différents questionnements :

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3 • Le toucher dans la relation : comment communiquer par ce canal ? • Le toucher en psychomotricité : comment améliorer le vécu corporel des résidents pour les apaiser au quotidien ?

• Le toucher est nécessaire dans les soins au quotidien pour les résidents : comment ajuster son toucher?

Finalement, je me suis demandé comment aborder le toucher, dans la thérapie et la relation en psychomotricité, auprès des adultes polyhandicapés ? Quels en sont les apports ?

Je suppose que le toucher, en psychomotricité, peut aider les patients souffrant de polyhandicap dans la construction de leur unité psychocorporelle et identitaire, et à

prendre conscience de leur corps, l’investir.

De plus, je pense que le toucher est un moyen de communication privilégié auquel il faut porter une attention particulière dans la relation avec ces personnes.

Je commencerai par présenter le polyhandicap dans sa globalité, avec tout ce qu’il engendre. Ainsi, je mettrai en avant les différents troubles retrouvés, ainsi que les difficultés quotidiennes vécues par ces patients.

Je parlerai ensuite du toucher, d’abord par des apports physiologiques sur la peau et le sens du toucher, pour en venir au rôle du toucher dans le développement normal de l’enfant.

Enfin, je mettrai tout cela en lien pour rendre compte du vécu corporel ayant un défaut de structuration ou étant insécure du sujet polyhandicapé. J’évoquerai l’enjeu du

toucher dans le cadre de la psychomotricité auprès de cette population. Puis je vous

présenterai Amélie, patiente que j’ai rencontrée durant mon stage. Je développerai la place et l’apport du toucher dans la prise en soins d’Amélie et dans la relation avec elle.

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I. Polyhandicap

1. Présentation

Il me semble nécessaire, afin de comprendre la place du toucher dans la vie des sujets polyhandicapés, de s’arrêter sur la complexité du polyhandicap. Commençons par l’histoire de celui-ci.

1.1 Point historique

L’histoire débute dans les années 1950 / 1960. A cette époque, les pédiatres exerçant dans les hôpitaux prennent conscience du nombre croissant d’enfants, appelés alors « encéphalopathes », ou « arriérés profonds ». Ils mettent en évidence que ces derniers ne bénéficient d’aucun soin particulier, ni de structure d’accueil adaptée.

En 1953, le professeur TARDIEU fait reconnaître l’infirmité motrice cérébrale (nous reviendrons sur ce terme plus tard). Il s’agit là d’un premier pas, mais cette infirmité ne comprend pas la déficience mentale.

En 1965, est créé le Comité d’Études et de Soins aux Arriérés Profonds (CESAP), essentiellement par des pédiatres et psychiatres. Il deviendra plus tard le Comité d’Étude, d’Éducation et de Soins Auprès des Personnes Polyhandicapées. Parmi les fondateurs, nous retrouvons entre autre le Dr ZUCMAN qui utilise pour la première fois le terme « polyhandicap » en 1969 dans la revue « Réadaptation ». Ce CESAP a permis progressivement d’offrir des lieux de consultation, de créer des structures d’aide à domicile, des établissements spécialisés et enfin d’apporter des informations sur le polyhandicap.

D’un point de vue légal, il faudra attendre 1975 pour que les choses changent. Bien que le terme « polyhandicap » n’y apparaisse pas, la loi d’orientation en faveur des

personnes handicapées et celle sur les institutions médico-sociales, prévoient des MAS,

pour adultes « n’ayant pas pu acquérir un minimum d’autonomie, nécessitant une surveillance médicale et des soins constants ».

Suite à cela, en 1984, le Centre Technique National d’Études et de Recherches sur les Handicaps et les Inadaptations (CTNERHI) permet le début d’un groupe d’études, sous la direction du Dr ZUCMAN, afin d’éclaircir les différences concernant les 3 grands groupes de

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5 handicap associés : le polyhandicap, le plurihandicap et le surhandicap, que je définirai un peu plus loin.

C’est en 1989 qu’un décret stipule des conditions particulières d’accueil, d’éducation et de soins pour les enfants polyhandicapés. Dans la nouvelle définition proposée, le handicap mental est associé à des troubles moteurs. La notion de déficience profonde est ajoutée. De plus, cette définition aborde la grande dépendance en apportant des précisions sur les réponses soignantes et éducatives adaptées.

En 1992, le Dr ZUCMAN déclare, suite à cette nouvelle définition, que « la vie psychique des sujets, qu’ils soient polyhandicapés ou psychotiques, enfants ou adultes, gardait une surprenante capacité à évoluer en fonction de la qualité des soins et des interactions avec l’entourage ». Nous voyons donc là apparaître l’aspect relationnel, que ce soit dans les soins du quotidien, ou dans les interactions.

Une nouvelle définition adoptée par le conseil d’administration du Groupe Polyhandicap France (GPH) en 2002, précise les perturbations vécues par les sujets polyhandicapés comme « multiples et évolutives », et touchant à « l’efficience motrice, perceptive, cognitive et la construction des relations avec l’environnement physique et humain ». Il y évoque l’aspect évolutif de la vulnérabilité physique, psychique et sociale. De plus, cette définition mentionne des mesures à prendre afin de favoriser le suivi médical, l’éducation, la communication, le développement des capacités d’éveil sensori-moteur et intellectuelles, tout cela dans le but de permettre aux personnes polyhandicapées d’accéder à un maximum d’autonomie.

En effet, le regard porté sur le polyhandicap a évolué au fur et à mesure des années. La définition s’est précisée pour répondre le plus précisément possible aux besoins des personnes, et s’est élargie afin d’éviter l’exclusion.

1.2 Définitions admises de nos jours

a) Handicap

Le handicap, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est, « l’interaction entre des sujets présentant une affection médicale et des facteurs personnels et environnementaux, soit entre les caractéristiques individuelles d’une personne (les

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6 déficiences, les limitations de l’activité et restriction à la participation) et son environnement ».

Le 11 février 2005, la France a adopté la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette dernière définit le handicap comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou trouble de santé invalidant ».

b) Polyhandicap

Maintenant que nous avons défini le handicap, j’ai choisi, afin de définir le polyhandicap, de me baser sur l’annexe XXIV ter du Centre Technique National d’Etudes et de Recherches sur les Handicaps et les Inadaptations (CTNERHI) du 29 octobre 1989.

Cette dernière stipule que le polyhandicap est un « handicap grave à expressions multiples avec déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation. » Cette définition, qui est la plus couramment admise, est à la fois médicale et juridique, puisqu’elle revêt aussi un aspect social. Elle permet que, en France, lorsqu’on parle d’une personne polyhandicapée, on lui donne un statut spécifique se rapportant à cette annexe (qui est inscrite dans le code de l’action sociale et des familles).

1.3 Polyhandicap, plurihandicap, surhandicap, quelles différences ?

Le polyhandicap est à distinguer des notions de plurihandicap et de surhandicap.

a) Le plurihandicap

Le plurihandicap se définit comme « l’association circonstancielle de deux ou plusieurs handicaps même importance avec conservation des facultés intellectuelles ». Parmi les exemples de plurihandicap, on peut citer la surdicécité (association d’une déficience auditive grave et d’une déficience visuelle).

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7

b) Le surhandicap

Le surhandicap est généralement compris comme « l’aggravation d’un handicap existant par les difficultés relationnelles qu’il provoque ». Il se rencontre par exemple chez les jeunes handicapés mentaux qui subissent des stimulations inadaptées, en intensité ou en fréquence. Des troubles du comportement, du type repli sur soi, mutisme ou balancements, peuvent alors être repérés. Notons alors qu’une stimulation adaptée améliore l’adaptation sociale et l’épanouissement des personnes handicapées.

c) L’infirmité motrice cérébrale (IMC) et infirmité motrice d’origine cérébrale (IMOC)

Nous pouvons également distinguer le polyhandicap de l’IMC., se caractérisant par une atteinte motrice sans atteinte de la cognition. L’IMOC, qui est une atteinte motrice avec troubles associés et atteinte légère ou moyenne de la cognition, est aussi différente du polyhandicap. Ces trois notions appartiennent à la famille des paralysies cérébrales, le polyhandicap en étant la forme la plus sévère.

Maintenant que nous avons passé en revue quelques termes importants, abordons plus précisément les caractéristiques du polyhandicap.

2. Etiologies, prévalence et symptômes

2.1 Etiologies et prévalence

Les causes du polyhandicap sont multiples, et peuvent même parfois demeurer inconnues. Les déficiences et incapacités naissent d’atteintes primaires, pouvant survenir à différentes périodes. C’est ce qu’a évoqué le Dr GEORGES-JANET, dans son article « polyhandicap ». Nous relevons donc différents cas de figure :

 En prénatal (malformations, accidents vasculaires cérébraux prénataux…), dans 50% des cas.

 En périnatal (souffrances fœtales, grandes prématurités…) pour 15% des polyhandicaps.

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8 Cependant, il faut savoir qu’il s’agit d’un ensemble complexe. On ne peut pas simplement associer une certaine cause isolée à un certain polyhandicap. En effet j’ai pu remarquer sur mon lieu de stage, que les causes du polyhandicap des résidents étaient parfois floues, indéterminées. Ces causes inconnues représentent 30% des cas.

Selon le site Perce-Neige, on compte 880 nouveaux cas d’enfants polyhandicapés chaque année en France, et plus de 95000 adultes hébergés dans les établissements médico-sociaux.

Maintenant que nous connaissons les causes possibles, arrêtons-nous sur les différentes manifestations.

2.2 Symptômes

Nous retrouvons différents types de troubles : moteurs, intellectuels, du comportement, sensoriels, ainsi que de nombreux troubles associés.

a) Déficience motrice

La déficience motrice peut se définir comme « une absence ou une réduction des possibilités pour un individu d’agir sur son environnement physique. Ces actions concernent la préhension et la locomotion ».

Il existe plusieurs types d’atteinte motrice :

 Pyramidale, spastique ou flasque (motricité volontaire)  Extrapyramidal (athétoses, dystonies, chorées…)  Ataxie cérébelleuse

 Formes mixtes (par exemple, une athétose associée à une spasticité)

La déficience sera fonction du type d’atteinte. On peut alors observer différents degrés :

 La spasticité est extrêmement courante chez le sujet polyhandicapé (85%). Elle est d’origine neuro-musculaire. Elle peut être le résultat d’un problème nerveux au niveau des neurones moteurs des muscles à commande volontaire, ou encore un problème de transmission de l’information, entre le nerf et le muscle. Elle consiste en une augmentation du réflexe tonique d'étirement et par une augmentation des réflexes ostéotendineux.

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9  L’athétose, se manifeste par des mouvements involontaires d’ondulation,

prédominant à la tête, aux pieds et aux mains.

 La parésie est caractérisée par une paralysie partielle, ayant pour conséquence notamment une perte de la force musculaire.

 La dystonie désigne un trouble neurologique responsable d'anomalies du tonus des muscles. Elle se présente sous la forme de contractions musculaires involontaires, douloureuses et de longue durée, engendrant parfois des postures anormales. De plus, nous savons qu’il existe un lien entre le tonus et les émotions. Ces dernières peuvent en effet influencer l’état tonique, et donc les troubles du tonus chez les patients.

Jean est un résident extrêmement dystonique. Son corps est continuellement dans des postures anormales. Ces perturbations toniques l’empêchent d’utiliser ses membres de façon volontaire et sont également source d’importantes douleurs.

Cependant, j’ai pu observer que ces dystonies sont très liées à ses émotions. En effet, lorsque l’attention de Jean est déviée par quelque chose qu’il aime et qui donc lui apporte des émotions positives, les dystonies diminuent. Cette décentration lui permet donc de s’apaiser.

 L’hypotonie est une diminution du tonus musculaire, alors que l’hypertonie est une augmentation de celui-ci, mettant le sujet dans un état de crispation.

Brice est constamment en hypertonie, son buste en hyperextention, creusant son dos dans une lordose très importante. Cette posture est source de douleurs et d’épuisement pour lui. L’hypertonie est difficilement contrôlable, bien qu’un ancrage avec la respiration (travaillé avec la psychomotricienne), l’aide à abaisser son tonus. Cette hypertonie semble également être liée aux émotions. Nous pouvons par exemple l’observer quand il entend la voix d’un professionnel qu’il apprécie particulièrement : son manque de pare-excitation (terme que nous présenterons par la suite) l’empêche d‘accueillir ses émotions de façon ajustée, il est alors envahi par celles-ci et cela se remarque dans son tonus qui augmente davantage.

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10 Ces différents troubles moteurs peuvent se retrouver avec des intensités variables chez les sujets polyhandicapés. Ils sont très liés à des perturbations du tonus musculaire, à sa régulation.

Ils viennent limiter les expériences sensorielles, entrainant un ralentissement du développement cognitif de la personne, privée alors des apprentissages nécessaires. De plus, ils sont responsables d’une importante dépendance, mais aussi de douleurs musculaires quotidiennes. A ces nombreux troubles moteurs, viennent s’ajouter une déficience intellectuelle.

b) Déficience intellectuelle

On peut aussi l’appeler retard intellectuel ou retard mental. Dans le secteur du polyhandicap, nous sommes confrontés à des retards mentaux dits « profonds » ou « sévères », correspondant approximativement à un Quotient Intellectuel inférieur à 40. La déficience, aujourd’hui, est devenue une véritable entité propre avec des caractéristiques fonctionnelles. En effet, elle est plutôt vue comme un « style d’adaptation individuel », et plus seulement comme un défaut de stratégie cognitive.

Selon l’American Association on Mental Retardation (AAMR), cette déficience se définit comme « une déficience caractérisée par des limitations significatives dans le domaine

intellectuel, fonctionnel aussi bien que dans le domaine conceptuel, le domaine social et celui des habiletés adaptatives ».

La déficience intellectuelle, chez les personnes polyhandicapées, semble être expliquée par :

- les effets de la pathologie en elle-même. En effet G. SAULUS (2008) explique que selon lui, ce sont l’atteinte neurologique massive et les difficultés de gestion des

flux sensoriels qui entravent le fonctionnement du cerveau, et donc créaient la

déficience intellectuelle.

- L’entrave au développement de l’enfant. A. BULLINGER a parlé de l’importance

du milieu dans le développement cognitif. Tous les troubles moteurs, sensoriels,

évoqués précédemment ne permettent pas à l’enfant de vivre correctement les différentes étapes du développement sensori-moteur, amenant normalement à la construction du psychisme, de la pensée.

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11 Cette déficience est responsable de difficultés à se repérer dans l’espace et le temps ; d’une faiblesse des capacités mnésiques ; de troubles dans le raisonnement ; de troubles voire absence de langage et de difficultés dans la relation… Les activités et loisirs possibles sont donc limités.

Cependant, les sujets polyhandicapés peuvent exprimer, à leur façon, leurs émotions. Ils peuvent être en relation avec autrui, avec l’environnement.

c) Troubles du comportement

On entend par là des comportements en « écart à la norme ». Il s’agit de moyens

d’expression que nous devons apprendre à décoder.

Les troubles du comportement prennent souvent une place importante au quotidien. Nous retrouvons souvent chez les personnes polyhandicapées, des comportements d’autostimulation, appelés également stéréotypies. Cela peut aller jusqu’à des automutilations.

Nous pouvons par exemple observer des patients qui se cognent la tête contre le mur, des manipulations des mains faites de manière plus ou moins automatique, des grattages très puissants de certaines zones du corps… Ces autostimulations peuvent être réalisées sous forme de décharge psychomotrice, ou encore dans le but de se procurer des sensations.

Selon A. FRÖHLICH (2000, p.37), « Chaque individu, quel qu’il soit, a besoin d’un minimum de stimulation sensorielle pour construire et conserver une certaine stabilité de l’organisme psychique et physique. Pour éviter de s’appauvrir totalement sur le plan sensoriel, l’individu organise lui-même et pour lui-même des situations stimulantes ».

Ces comportements correspondent donc souvent à une recherche du sujet visant à se ressentir comme sujet habitant son corps. Ce sont, pour le sujet, des moyens de luttes contre l’angoisse. Généralement, la personne « s’accroche » à une (ou plusieurs) stimulation(s) sensorielle(s) pour parer l’angoisse.

Ces auto-stimulations sont donc les marqueurs d’une construction psychique encore archaïque, d’où l’importance pour le psychomotricien de les prendre en compte et d’essayer d’y mettre du sens.

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12 Nicolas est un résident aveugle. De ce fait, il est très attentif à ce qui se passe autour de lui, sur le plan sonore. Lors d’un atelier, un accompagnant a dû utiliser un ton ferme pour rappeler le cadre à une résidente. Nicolas, juste à côté, probablement intrusé et surpris par ce changement d’intonation, a agressé la professionnelle en griffant sa main avec beaucoup de force à plusieurs reprises. Ce comportement a donc nécessité un ajustement de l’ensemble des professionnels, pour rassurer Nicolas.

Thomas est également un jeune résident aveugle. Il présente des traits fortement autistiques dans son comportement, entre autre des stéréotypies et des automutilations. Il a pour habitude de cogner l’arrière de sa tête contre le mur lorsqu’il est dans son lit. Cela a nécessité une réaction des professionnels, qui ont alors adapté cet endroit du mur pour lui éviter de se blesser tout en lui permettant de continuer ce besoin sensoriel, mais de manière plus acceptable pour sa corporéité.

d) Les troubles sensoriels

Ils font très souvent partie des problèmes invalidants du polyhandicapé. Le déficit est surtout retrouvé au niveau de la transmission, de l’intégration et du traitement des informations. Les organes sensoriels sont généralement préservés. Il est nécessaire de repérer cette atteinte le plus précocement possible afin de la corriger au mieux. De plus, avec le vieillissement, ces troubles sensoriels sont susceptibles de s’accroitre. Les troubles de la vision et de l’audition ont été décrits par le Dr GEORGES-JANET.

On relève dans 40% des cas, un trouble de la vision. Il peut s’agir de myopie, d’amétropie, d’astigmatisme, de cataracte, de malformations oculaires, d’atteintes rétiniennes, ou encore d’un trouble de réception des images visuelles.

Pour ce qui est de l’audition, son évaluation est plus complexe. La surdité est rare, mais si elle est présente, les appareillages nécessaires peuvent engendrer des problèmes de tolérance chez la personne atteinte.

e) Manifestations secondaires

 L’épilepsie

Elle est très courante chez les sujets polyhandicapés, en effet 40 à 50% d’entre eux en seraient atteints. Elle se manifeste par des crises qui correspondent à une décharge

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13 moteurs (secousses, contractions), ou encore des manifestations neuro-végétatives (rougeur/pâleur, vomissements, modifications des rythmes cardiaque, respiratoire…). Chez le sujet polyhandicapé, les manifestations épileptiques peuvent être difficiles à repérer. Les crises peuvent passer inaperçues et alors ne pas être traitées correctement. A l’inverse, des manifestations motrices ou un changement de vigilance peuvent être interprétés à tort comme crise épileptique. Ces manifestations épileptiques mettent l’entourage du sujet dans une situation émotionnellement complexe, source de stress, pouvant entrainer des réactions plus ou moins adaptées. Il est alors nécessaire de guider la famille. Dans l’institution qui m’accueille en stage, tous les résidents ont un potentiel comitial. Cette question de l’épilepsie est alors au cœur du quotidien et de la réflexion autour des prises en soins.

 L’insuffisance respiratoire

Souvent, celle-ci est provoquée par un encombrement pulmonaire qui entraine une surinfection. A l’origine de cet encombrement, on retrouve les fréquentes fausses routes alimentaires, et une hypoventilation alvéolaire d’origine centrale (décrite par ESTOURNET-MATHIAUD en 1996). La position allongée pendant le sommeil a une importance dans cette hypoventilation : la langue chute vers l’arrière gorge, et c’est la cause principale des arythmies nocturnes. Cette insuffisance respiratoire peut aussi être en lien avec la faiblesse

des muscles respiratoires, avec les déformations thoraciques.

Les séances de kinésithérapie respiratoire sont, pour de nombreuses personnes polyhandicapées, nécessaires de façon quotidienne.

 Les troubles alimentaires

Les sujets polyhandicapés sont confrontés à des difficultés d’ingestion, de

déglutition, avec des fausses routes qui peuvent avoir des conséquences dramatiques. Elles

sont la conséquence d’une apraxie buccolinguofaciale associée à une paralysie du larynx, ou encore à un asynchronisme pharyngo-œsophagien. De plus, les troubles de la déglutition sont souvent la cause de ces fausses routes, et ils favorisent également les vomissements. Ces fausses routes constituent un risque majeur de décès, d’où l’importance d’y être attentif et d’être sensibilisé à la manœuvre de Heimlich en tant qu’intervenant auprès de sujets polyhandicapés. L’hydratation peut elle aussi être source de difficultés. Et nous retrouvons

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14 également de nombreux troubles dentaires, en partie dus à une difficulté de réalisation des soins dentaires.

Sur mon lieu de stage, les troubles de la déglutition étant extrêmement fréquents, une forme adaptée des aliments est mise en place au cas par cas : normale ; hachée ; ou mixée. Sous une forme mixée, il peut être plus complexe de préserver du goût ainsi qu’une apparence correcte des aliments, néanmoins, c’est important que le repas puisse rester source de plaisir au quotidien. De même, pour l’hydratation de certains résidents, l’épaississement de l’eau est nécessaire afin d’éviter les fausses routes. Il faut donc être vigilent à tout cela, afin que les personnes soient suffisamment alimentées et hydratées. En effet, une déshydratation trop importante entraîne de multiples complications telles que des douleurs musculaires, des fièvres, une constipation, des encombrements respiratoires, des variations de poids…

De façon générale, s’alimenter est un processus qui demande une coordination entre la vue, les afférences proprioceptives (la position de la tête particulièrement), le mouvement de la main qui se dirige vers la bouche, et la synergie entre les différents organes acteurs (bouche, pharynx…). Hors les personnes polyhandicapées ne s’alimentant souvent pas seules, les organes n’ont pas le temps de se coordonner, l’anticipation n’est pas suffisamment précoce car le geste moteur est réalisé par autrui. Il est donc nécessaire pour l’accompagnant d’être attentif tout au long du repas, afin de lutter contre les risques de fausse route (positionnement de la tête, rythme adapté …).

 Les troubles digestifs

Parmi eux, nous pouvons retrouver fréquemment les reflux gastro-œsophagiens qui sont source de douleur, souvent en lien avec des œsophagites. Également très douloureux, les ulcères, provoquent aussi des modifications comportementales (colère, replis sur soi…). Ils sont retrouvés auprès de cette population. Ou encore, ils peuvent présenter des retards dans l’évacuation gastrique, donc des difficultés de digestion.

Ces troubles digestifs sont à prendre en compte dans l’accompagnement. En effet les douleurs et inconforts qu’ils engendrent peuvent parfois expliquer certains comportements.

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 Les troubles de l’élimination

Nous l’avons vu précédemment, la constipation peut être provoquée par une déshydratation. Mais une faiblesse de la ceinture abdominale, un manque d’exercice, certains médicaments, ou encore l’alimentation peuvent aussi être des facteurs influents. C’est un problème majeur dans le quotidien des patients, car ce trouble est très fréquent.

Des diarrhées sont aussi possibles. Il faut veiller, par exemple, à ce que le régime alimentaire ne soit pas trop riche en fibres.

Au niveau de l’élimination de l’urine, des difficultés sont susceptibles d’apparaître : une spasticité de la vessie ou une infection urinaire peuvent en être la cause.

Nathan est un patient lourdement handicapé au niveau moteur et sensoriel. Son alimentation se fait par gastrostomie car il n’a pas les moyens de déglutir. Pour l’élimination des urines, les professionnelles doivent lui procurer un massage du ventre afin de provoquer la miction. Nous avons là un exemple de toucher très technique que les personnes atteintes de polyhandicap peuvent rencontrer.

 Les problèmes orthopédiques

Parmi eux, nous pouvons retrouver par exemple des rétractations musculaires (notamment dues à l’immobilité), des luxations de hanches, ou encore des déviations de la colonne vertébrale… Ces déformations orthopédiques sont courantes dans le milieu du polyhandicap, sources de souffrances et nécessitent des appareillages, et parfois des interventions chirurgicales compliquées à gérer en post-opératoire.

Les dispositifs orthopédiques peuvent être eux-mêmes source de douleur. Il est nécessaire d’accompagner les patients dans l’acceptation et la compréhension.

Hélène souffre d’une déviation importante de la colonne vertébrale. De ce fait, le port du corset pour immobiliser son rachis est vital.

Elle se plaint fréquemment que ce dernier la fait souffrir. Lors d’une séance de psychomotricité au sol, nous lui proposons d’enlever son corset le temps de la rencontre (soit environ 45 minutes) afin de lui proposer des stimulations sensorielles au niveau du buste. Au moment de remettre le corset, elle nous explique avoir apprécié l’enlever mais avoir hâte de le remettre car elle commençait à souffrir du dos.

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16 Suite à cette séance, Hélène semble mieux comprendre l’utilité de son corset, grâce à son vécu corporel.

 La fragilité cutanée

De par l’immobilité, les sujets peuvent avoir des points d’appui (sur leur fauteuil), ceux-ci pouvant être à l’origine d’escarres plus ou moins profonds. Il faut donc être particulièrement attentif à la position des personnes dans leur fauteuil, et aux débuts de rougeurs qui apparaissent.

De plus très souvent, ces sujets présentent une salivation abondante, responsable parfois de réactions allergiques de la peau.

Il faut être attentif à tous les signes et agir dès que possible, afin d’éviter les complications, les surhandicaps, car les résidents eux-mêmes ne l’exprimeront pas forcément.

Les personnes polyhandicapées seront plus à risque de développer divers troubles

somatiques du fait de leur sédentarité et de leur fragilité. Les troubles dont souffrent les

patients sont donc très nombreux et variés. Ceux-ci invalident les sujets sur différents plans dans leur quotidien.

3. Retentissements sur la vie quotidienne

3.1 La douleur

Par toutes les manifestations dites secondaires énumérées précédemment de façon non exhaustive, nous voyons que le sujet polyhandicapé est très largement exposé à la douleur quotidiennement. C’est une donnée à prendre en compte dans leur prise en soins quotidienne. En effet, ces douleurs peuvent parfois expliquer des comportements, des réactions spécifiques ou encore modifier le rapport que le patient aura avec notre toucher.

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17 La douleur reste une expérience subjective, qui n’est pas réduite aux seules causes lésionnelles. Elle est donc variable d’un individu à l’autre. Cependant, la communication étant entravée chez la personne polyhandicapée, évaluer la douleur est délicat, c’est pourquoi il existe des échelles d’évaluation.

Au quotidien et dans la prise en soins, il est nécessaire de connaître la personne, ses comportements « normaux », d’être attentif aux manifestations corporelles, pour déceler ce qu’elle peut vivre de désagréable voire douloureux dans ce que nous lui proposons, notamment dans notre toucher.

3.2 La dépendance

Il s’agit d’une autre conséquence à prendre en compte au quotidien pour ces patients.

a) Définition

La dépendance se définit comme « l'impossibilité partielle ou totale pour une personne d'effectuer sans aide les activités de la vie, qu'elles soient physiques, psychiques ou sociales, et de s'adapter à son environnement » (Selon le Collège national des enseignants de gériatrie, 2000).

b) A chaque instant

Du fait de tous ces troubles, la vie des personnes polyhandicapées est très affectée, nécessitant une présence et un accompagnement à tout instant dans le quotidien. C’est en grande partie pour cette raison qu’elles doivent être institutionnalisées. Sur ces lieux de vie, la MAS dans le cas de mon stage, des professionnels sont présents jours et nuits afin de subvenir aux besoins des résidents. Pour la plupart d’entre eux, toutes les étapes de la journée nécessitent de l’aide, voire que les professionnels réalisent complètement les actes pour eux. Ces actes de soins sont vitaux, et par eux s’établit en grande partie la relation entre les résidents et les soignants.

On retrouve les différents transferts (lit-fauteuil ; fauteuil-lit douche…). Ceux-ci peuvent se faire de façon mécanique ou bien avec l’aide des professionnels si le résident est capable de se tenir debout. Les transferts peuvent être source d’angoisse, ils sont à accompagner de façon rassurante et sécurisée pour être réalisés en toute confiance.

Tous les soins d’hygiène (dentaire, corporelle, change…) nécessitent également l’aide de l’accompagnant. Ceux-ci touchent à l’intimité de l’individu, et sont donc à réaliser

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18 avec précaution et respect. Suivant les conditions, ces moments peuvent être vécus comme privilégiés, agréables, mais peuvent à l’opposé être difficiles et intrusifs, pour la personne polyhandicapée.

Les repas sont eux aussi accompagnés. Bien que certains mangent seuls, une présence et une surveillance restent nécessaires.

Bien que l’on soit dans une recherche d’autonomie, la plupart des activités quotidiennes restent, pour ces personnes en situation de polyhandicap, impossibles à réaliser sans aide. Les résidents voient donc défiler autour d’eux différentes personnes qu’ils connaissent plus ou moins bien. Ces personnes sont amenées à les manipuler, les toucher, et ils ne peuvent pas forcément communiquer verbalement leurs ressentis face à ça.

3.3 La communication

Enfin, nous allons aborder la question de la communication, qui est elle aussi rendue complexe par les troubles du sujet.

a) Eclairage

Elle est définie par la Haute Autorité de Santé (HAS) comme « un élément clé dans la construction de la relation soignant-soigné ».

Nous allons commencer par éclaircir le terme « communication » en apportant différentes définitions, afin de comprendre de quelle manière cette dernière est affectée pour un sujet polyhandicapé.

La communication, d’après le dictionnaire Larousse, se définit comme :

- Action, fait de communiquer, de transmettre quelque chose

- Action de communiquer avec quelqu'un, d'être en rapport avec autrui, en général par

le langage ; échange verbal entre un locuteur et un interlocuteur dont il sollicite une réponse

La communication verbale sert à évoquer une réalité. Elle utilise le langage, sur commande volontaire, au travers de la parole. Elle nécessite une élaboration au niveau cérébral, ainsi qu’une production orale. Cette forme de communication est très altérée chez la plupart des patients polyhandicapés, c’est pourquoi elle n’est souvent pas la plus pertinente.

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19 Bien que la communication verbale soit difficile voire impossible, les personnes polyhandicapées ont, comme chacun d’entre nous, besoin de communiquer. Pour ce faire, la

communication non-verbale est à mettre au premier plan. Selon J. CORRAZE (1980, p. 152),

elle correspond à « des gestes, à des postures, à des orientations du corps, à des singularités

somatiques, naturelles ou artificielles, voire à des organisations d’objets, des rapports de distance entre les individus, grâce auxquels une information est émise». Elle manifeste nos

émotions, nos processus cognitifs, par le biais de gestes, attitudes faciales, regards, mais aussi notre toucher, notre dialogue tonique (que nous développerons par la suite)....

Le langage non-verbal, langage du corps, est inné et omniprésent chez chacun d’entre nous. Il a une part consciente et une part inconsciente. Cette part inconsciente fait d’elle un révélateur beaucoup plus fiable de l’état du sujet, que la communication verbale.

Enfin, pour faciliter la communication au quotidien avec les personnes n’ayant pas accès à un langage verbal, certaines techniques peuvent être mises en place : synthèse vocale, cahier de communication avec pictogrammes… Ces adaptations limitent la frustration des résidents qui n’arrivent pas à exprimer leurs choix, leurs idées de façon verbale, et permettent aux équipes de mieux comprendre les demandes des patients.

Elise est très déficiente sur le plan moteur. Le langage verbal est pour elle inaccessible. Cependant, ses capacités de compréhension sont opérantes et elle manifeste une grande envie de communiquer.

Une synthèse vocale a été mise en place : un contacteur est placé à côté de sa joue, lui permettant de commander sa tablette par une très légère inclinaison de la tête.

b) Communication entravée et consentement

Conformément à la Déclaration des droits des personnes handicapées votée en 1975 et à la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées adoptée fin 2006, les professionnels entourant les personnes polyhandicapées se doivent de tenir compte au maximum des points de vue des personnes en situation de handicap.

Hors, comme nous venons de le voir, dans le cas des personnes polyhandicapées, la communication verbale est souvent extrêmement entravée. Il est donc important de prendre le temps d’essayer de comprendre ce que la personne, principale intéressée, pense de tout ce qu’on lui propose. Nous retrouvons cela notamment avec la question du toucher,

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20 qui peut plaire ou déplaire : il faut donc être attentif à ce que la personne nous renvoie, corporellement, pour adapter nos réponses.

Le fonctionnement d’une personne souffrant de polyhandicap est donc largement entravé par la multiplicité des troubles. Toutes ces difficultés, leur vulnérabilité et donc leur dépendance au quotidien justifient l’institutionnalisation, et donc la prise en soin de chaque instant. Les soins nécessaires à leur bien-être mettent forcément en jeu le toucher. Mais qu’elles sont les caractéristiques de ce sens si particulier qu’est le toucher ? Quelle est son rôle dans le développement normal de l’enfant, adulte en devenir ?

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21

II) Le toucher

1. L’organe du toucher : la peau

1.1 Présentation physiologique

La peau, plus grand organe du corps humain, Selon MISERY (2000), recouvre presque la totalité de notre organisme et représente le quart de notre poids pour une surface d’environ deux mètres carrés. Elle est riche en terminaisons nerveuses très sensibles. Ces dernières permettent de ressentir les caractéristiques du toucher.

On retrouve trois couches différentes, ayant chacune leurs fonctions propres :

- l’épiderme, couche la plus superficielle, étant donc directement en contact avec le milieu extérieur ;

- le derme, très solide, permet l’enracinement de l’épiderme. Il a une fonction principalement métabolique et immunitaire ;

- l’hypoderme, réserve graisseuse permettant une protection thermique et un amortissement.

Ces trois épaisseurs correspondent aux trois feuillets primaires constitutifs de l’embryon, qui sont l’ectoderme, le mésoderme et l’endoderme. C’est à partir de ces trois feuillets que le corps humain va se constituer. L’ectoderme, précurseur de l’épiderme, permet également le développement du système nerveux. Nous avons là la preuve d’un lien concret entre la peau et le système nerveux, développé dès l’embryogénèse et suivant l’individu tout au long de sa vie. Le mésoderme et l’endoderme sont eux à l’origine des organes.

Maintenant que nous avons défini la peau d’un point de vue physiologie, venons-en à ses fonctions

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22 1.2 Différentes fonctions

La peau est une enveloppe protectrice, qui sépare le corps du monde extérieur en étant le seul organe à recouvrir l’intégralité du corps. Cette enveloppe protège le corps des agressions extérieures mais n’est pas étanche : elle filtre et permet alors des échanges du dedans vers le dehors et inversement ; et met le sujet au contact de l’environnement.

Ses nombreux récepteurs cutanés, répartis plus ou moins densément suivant les zones du corps, permettent un échange avec l’environnement en transmettant les informations extérieures au cerveau.

Elle a également un rôle dans le maintien des fonctions physiologiques. En effet, elle régule les échanges avec l’environnement, en particulier des échanges de température avec le milieu ambiant, ce qui lui donne une fonction de thermorégulateur, afin de :

- maintenir la température interne du sujet dans les limites normales ;

- protéger contre la déshydratation ;

- réguler le métabolisme en sel et en eau.

A cela s’ajoute sa fonction immunitaire puisqu’elle bloque l’entrée de microorganismes.

La fonction sensorielle de la peau permet au sujet de percevoir différentes sensations : chaleur, vibrations, fourmillements, pressions, douleurs…

Enfin, elle a un rôle dans l’image de soi et l’identité. Elle contribue à notre apparence, notre image. Elle peut également refléter notre état émotionnel (pâleur, rougeurs, transpiration…). Elle constitue donc un véritable indicateur dans la communication non verbale.

Selon LARSEN (2003), « les couches de l’épiderme ne commencent à se former que vers le cinquième mois de grossesse ». Quant au derme, il « acquiert sa constitution définitive au cours des second et troisième trimestres de la grossesse. Il reste mince à la naissance et ne s’épaissit qu’au cours de la première enfance et de l’enfance ». La peau des jeunes enfants

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23 est donc immature au début du développement, et ne peut pas assurer pleinement sa fonction de frontière, limite physique entre l’intérieur et l’extérieur du corps.

Nous le développerons plus loin, mais la construction de la peau psychique dépendant de celle de la peau physique, cette immaturité se retrouve d’un point de vue psychique chez l’enfant.

1.3 Le flux sensoriel tactile

Selon BULLINGER (2007, p. 82), « les flux sensoriels sont un ensemble de signaux continus et orientés qui sollicitent les systèmes archaïques ». Il explique que toute la surface du corps est sensible au flux tactile. Le flux tactile correspond à une « sensibilité qui concerne toute l’enveloppe corporelle » (HATWELL cité par RONDAL, 1999, p. 204).

Ce dernier peut venir d’un « contact avec une surface solide », ou encore d’un fluide ou d’un gaz en mouvement. C’est notamment grâce aux courants d’air ressentis sur le corps et le visage que nous pouvons situer notre corps dans l’espace, et connaître les positions relatives des segments de notre corps.

Toujours d’après BULLINGER, l’aspect qualitatif des stimulations tactiles est traité par les structures archaïques : les voies spinothalamiques ou extra-lemniscales. Quant à l’aspect quantitatif, il est traité par les voies lemniscales, qui s’élaborent via les interactions avec le milieu.

Ce développement est permis par la maturation du système nerveux, et par les possibilités d’interactions du sujet avec l’environnement.

Nous venons de voir que les caractéristiques de la peau, organe du toucher, sont nombreuses. Quelles sont les particularités de ce sens dans les premiers temps de la vie ?

2. Sens du toucher

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24 Selon le dictionnaire Larousse, toucher peut être :

- mettre sa main, ses doigts au contact de quelque chose, de quelqu’un pour apprécier, par les sensations tactiles, son état, sa consistance, sa chaleur

- contacter quelqu’un, entrer en rapport avec lui - être en contact physique avec quelque chose…

Ces définitions me semblent intéressantes car elles amènent l’idée d’un contact physique dans le but de rendre compte de l’état de la personne, l’état tonique et donc l’état émotionnel. Elles évoquent aussi la dimension relationnelle : entrer en contact avec…

Le toucher est omniprésent dans le quotidien de chacun, dans toutes les activités humaines. Par exemple, la main : toucher la main d’autrui est un acte quotidien, on la serre pour saluer, on la tient…

Il peut paraître agréable ou désagréable, être conscient ou inconscient, mais le toucher est toujours chargé d’une grande part émotionnelle et affective. De plus, le toucher a cette particularité d’être un sens impliquant la réciprocité : quand je touche, je suis obligatoirement touché en retour. L’expérience tactile ne permet pas une mise à distance, et cela fait du toucher le plus intime des sens. De la même façon que les autres sens, il a besoin d’être stimulé suffisamment pour conserver sa sensibilité. Plus la peau est stimulée, plus elle devient sensible et réceptive au toucher.

La peau permet la discrimination de différentes sensations : douleur, chaleur, pression, contact… L’enveloppe qu’elle forme a la particularité de relier les autres sens entre eux. Cette peau est donc « la toile de fond de l’ensemble des perceptions et expériences du sujet », selon P. PRAYEZ et J. SAVATOFSKY dans l’ouvrage « Le toucher apprivoisé ».

2.2 Premier sens à apparaître

Le toucher est un des cinq sens. Comme chacun d’entre eux, il a un rôle important dans le développement du sujet. Alors, quelles en sont les particularités ?

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25

a) Présent in utéro

Le toucher est le premier sens à apparaître chez le fœtus. Les récepteurs de la peau sont présents très tôt, en particulier dès le troisième mois de grossesse, sur la zone péribuccale. Environ un mois plus tard, ce sont sur les paumes des mains, les plantes de pieds et le visage que des récepteurs cutanés apparaissent. On considère qu’autour du 5ème mois, tout le corps est doté de récepteurs cutanés, le parent peut d’ores et déjà communiquer avec le fœtus en apposant une main sur la paroi abdominale, et recevoir une réponse motrice de ce dernier. Cependant, selon C. GRANIER-DEFERRE, chercheuse et spécialiste de l’éveil sensoriel du fœtus, « ces récepteurs ne sont pas encore connectés au cerveau, il n’y a donc aucune sensation proprement dite ». Ce n’est qu’à partir de 7 mois que les voies nerveuses qui relient la peau au cerveau et à la moelle épinière deviennent fonctionnelles.

C’est grâce à cela que le fœtus peut commencer à réagir aux différentes sensations auxquelles il est soumis in utéro (contact avec la paroi, contractions utérines, pressions exercées sur le ventre de la maman…). Et à l’inverse, la mère ressent les mouvements de son bébé. Donc déjà in utéro, un premier dialogue corporel mère-bébé s’installe.

PIREYRE, dans « La clinique de l’image du corps » (2001, p.78) mentionne que DELASSUS, a tenté une exploration des sensations du fœtus in utéro. Il explique que contrairement à la vie aérienne où « le toucher est distinctif et permet le contact avec autre chose, le toucher fœtal ne permet pas la confrontation à la différence. Le toucher fœtal ne se joue pas à la limite du corps. » Il n’est donc pas question de limitation intérieur / extérieur, de différence de température, ou encore de douleur. Il en déduit que « ressentir, pour le fœtus, est en quelque sorte, ne pas distinguer mais, au contraire, éprouver la même substance que soi, une même chose diluée et enveloppante. ». Il n’y a pas de frontière avec échange de sensations, mais sensation d’absence de frontière, sans limitation de soi.

DELASSUS ajoute à cela une description de la peau fœtale. A l’échographie, on ne la voit pas, nous pouvons l’imaginer extrêmement fine, « la peau prénatale n’est même pas une peau », selon lui. Il démontre ainsi que in utéro, l’enfant « n’avait pas à se protéger, qu’il était ouvert à tout ce qui était son monde, que sa peau servait à épouser ce premier monde ». Cette peau, qui, comme nous le verrons, a pour fonction psychique de contenir le Moi, est d’abord in utéro « l’organe de contact et de fusion avec le monde ».

(30)

26 Déjà in utéro, le toucher est donc central pour le fœtus. Qu’en est-il pour le bébé arrivant au monde ?

b) Après la naissance…

La naissance est vue comme le « premier massage », le bébé passe d’une vie in utéro avec continuité des sensations (contact permanent du liquide amniotique enveloppant), à une existence individuelle, avec beaucoup moins d’informations tactiles : le corps n’est plus soutenu en permanence, les sensations ne sont pas continues, mais de nouvelles s’offrent à lui.

Une fois né, le nourrisson possède près de 250 terminaisons nerveuses au cm2, avec une sensibilité double au niveau de la pulpe des doigts. Le nouveau-né est très réactif aux stimulations tactiles, notamment avec le « grasping reflex », ou reflex d’agrippement. Ce réflexe archaïque montre que le bébé a un réel besoin de contact de façon innée, bien que les mouvements ne soient pas encore volontaires. Dans les premiers temps, les mains ne sont pas très investies, c’est la bouche, très sensible au toucher, qui permet de réunir les informations.

Les gestes du bébé deviennent plus précis au fur et à mesure, lui permettant une

exploration plus large. Grâce au toucher, l’enfant va découvrir son environnement, par les

informations tactiles qu’il va recevoir en explorant. Progressivement, il pourra alors enregistrer les sensations des différents objets et les reconnaître.

Par les stimulations tactiles provenant d’autrui ou de lui-même, le bébé découvre son

corps, pour plus tard en prendre réellement conscience de façon individualisée et unifiée.

Ce toucher a un rôle relationnel, il permet la communication, favorise les liens interpersonnels, vitaux pour le bébé.

c) Investissement du corps…

L’enfant passe par différents stades d’évolution dans la représentation et le vécu qu’il a de son corps. Dans ces différents stades, les sensations, dont le toucher, jouent un rôle crucial.

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27 L’enfant n’a pas encore de motricité volontaire, ses mouvements sont réflexes. Par la suite, le système nerveux se développe (par myélinisation) et l’environnement apporte à l’enfant les stimulations nécessaires. Ainsi, les mouvements de l’enfant deviennent de plus en plus volontaires, la motricité évolue suivant les lois de maturité céphalo-caudale et proximo-distale.

Par son toucher, l’enfant explore donc son environnement et son propre corps. La relation de l’enfant à sa mère (dont nous parlerons plus ensuite), si elle est de qualité suffisante, aide l’enfant à réguler son tonus entre ce que AJURIAGUERRA appelle hypertonie d’appel, pour exprimer ses besoins ou son mal être, et l’hypotonie de détente que WALLON présente comme l'expression de la satisfaction des besoins.

Corps vécu : 3 mois à 3 ans

La motricité de base se développe, permettant l’évolution de la locomotion et de la manipulation d’objets. Toutes ces actions permettent à l’enfant d’explorer de nouvelles sensations kinesthésiques, menant plus tard aux habiletés motrices complexes.

L’enfant continue de découvrir son corps, les objets, autrui, l’espace et le temps. Toutes les sensations que l’enfant perçoit sont fondamentales. Son exploration de l’environnement et sa capacité communicative passent par les différents sens. L’adulte est alors là pour, comme depuis la naissance, mettre du sens sur les sensations éprouvées par l’enfant, lui apporter le vocabulaire correspondant.

Corps perçu : 3 à 7 ans

Selon LE BOULCH (1990, p. 80) « L’éducation psychomotrice à cet âge sera le support privilégié pour passer d’une appréhension globale du monde, incorrecte, sans distinction entre l’accessoire et l’essentiel (syncrétisme), à une organisation des informations qui suppose analyse et synthèse des données sensorielles ».

L’environnement de l’enfant doit l’aider à prendre conscience de ses sensations. Ainsi, sa perception de son corps évolue, permettant la construction de la connaissance de ce dernier, mais de façon encore globale. Les apprentissages fondamentaux ont lieu, amenant ensuite à la réalisation du geste graphique, le calcul, la lecture... L’enfant sort de

(32)

28

son égocentrisme, se décentre pour s’ouvrir au monde, sa perception du temps et de l’espace se développe.

Corps connu / représenté : 7 à 12 ans

La perception et la représentation qu’il a de son corps s’affinent. De ce fait, ses mouvements deviennent plus adaptés à l’environnement, il développe des stratégies, est capable d’anticiper… Il acquiert une certaine maîtrise de lui-même, de son corps, car les fonctions psychomotrices sont coordonnées et opérationnelles, ses gestes répondent à sa volonté.

Il est donc clair que le toucher a une grande importance dans la vie de tout sujet, en particulier chez le jeune enfant. Mais en quoi participe-t-il à l’élaboration des fonctions psychiques de l’enfant ?

3. Le toucher dans le développement psychique de l’enfant

Dans cette partie, j’emploierai les termes « la mère », pour la facilité du récit. Cependant, j’entends par là la personne qui prend soin, la figure d’attachement. Cette personne peut donc être la mère tout comme le père, ou un substitut.

La stimulation des organes sensoriels serait, selon des recherches (sur l’analyse des effets de sursimulation ou de privation de stimulation sensorielle), indispensable au bon fonctionnement et au développement des structures neurosensorielles.

3.1 Le toucher dans la relation parent-enfant

a) Processus d’attachement

L’attachement est lié à des processus multisensoriels, cognitifs, et à des réponses motrices complexes. Il correspond à un lien puissant et durable, visant à une recherche de sécurité.

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29 Dès les premiers instants de vie, le bébé est déposé sur le corps de sa mère. Les études d’ANDERSON et MOORE (2007) montrent que ce peau à peau précoce favorise les comportements d’affection, de liens et d’attachement de la mère. Cependant, selon G. BINEL, « ce processus d’attachement ne démarre pas à la naissance mais bien avant, il explique que l’attachement est un processus lent et continu, qui débute au moment où naît le désir d’enfant, se développe pendant la grossesse, et se poursuit au moment de la naissance et dans les mois qui suivent ».

A sa naissance, l’enfant est immature, sa survie dépend de son entourage. Face à cette situation, il est nécessaire que des conduites d’attachement entre le bébé et la mère se mettent en place.

J. BOWBLY, en 1958 présente pour la première fois sa théorie de l’attachement. Selon lui, l’attachement du bébé dépend d’un ensemble de « réponses instinctives ». Il a identifié 5 réponses : sucer, attraper, suivre (quand le développement moteur commence à le permettre), pleurer, et sourire. La présence de ces comportements signifie que le bébé a déjà, malgré son immaturité, des compétences cognitives et motrices bien présentes. Selon H. MONTAGNER, le bébé guide ses parents, pour les amener à une certaine adaptation face à lui.

AINSWORTH et AL (1978), ont mené une étude afin de déterminer les comportements maternels en lien avec un attachement sécure. Il en est ressorti que les comportements en faveur sont le contact physique fréquent et soutenu entre les deux partenaires, la capacité de la mère à calmer son bébé en le prenant dans ses bras ; sa sensibilité aux signaux du bébé ; une ambiance contrôlée et prévisible (permet au bébé d’inférer ses propres actions) ; et un plaisir des deux partenaires à vivre tout cela.

Le rôle de l’hormone ocytocine a été prouvé dans les liens et les comportements d’attachement. Selon GEORGES et SALOMON (2008), on nomme caregving les comportements d’action génétiquement programmés, ayant pour but, pour le parent, de répondre aux besoins de l’enfant. L’ocytocine est donc la base biologique de tous ces comportements, favorisant ainsi leur émergence, en passant en partie par le toucher du parent vers son bébé.

BOWBLY, AINSWORTH, BLEHAR, WATERS, et WALL (1983, p.7) ont parlé de la figure d’attachement, comme source de sécurité, de protection et de réconfort pour l’enfant, tout en lui offrant une base sécure à l’exploration.

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30 AINSWORTH explique que ce n’est pas quantitatif mais qualitatif : c’est la qualité de la relation d’attachement qui est importante, et pas seulement sa présence ou son intensité.

Toujours selon cette théorie, chaque sujet, tout au long de sa vie, a besoin de contact humain, de réconfort face aux évènements et dommages de la vie. Ce contact humain sécure est d’autant plus important au début de la vie du sujet, quand celui-ci est dépendant de cet attachement pour son bien-être psychique et émotionnel.

De plus, ce lien d’attachement parent-enfant amène non seulement le plaisir de

communiquer chez l’enfant, et une sécurité corporelle, mais il est aussi une base

primordiale au développement d’une bonne estime de soi.

b) Vulnérabilité du nouveau-né

En fin de grossesse, le bébé, s’étant développé, occupe toute la place de l’utérus et est alors complètement en contact avec les parois. Il se retrouve alors contenu dans cette enveloppe. A la naissance, le nouveau-né perd toute cette contenance et se retrouve confronté à l’apesanteur. Il arrive alors dans un monde nouveau pour lui : le monde aérien.

Tous ses repères changent, il est soumis à de nombreuses stimulations (auditives, visuelles, vestibulaires…). Le toucher prodigué par le parent sera alors très important, et le bébé y sera très réceptif. En effet, ce toucher aura une capacité protectrice, rassurante, car il rappellera au bébé le contact avec la paroi utérine. L’enfant est donc entièrement vulnérable et dépendant de son entourage, pour tous les soins du quotidien. Selon BOWBLY, l’attitude maternelle joue donc un rôle crucial dans le développement de l’attachement. Tous les comportements de la mère, les soins prodigués à l’enfant, sont nécessaires d’un point de vue physiologique, compte tenu de sa grande dépendance, mais participent également à ce lien d’attachement. Toujours d’après BOWBLY, le bébé de son côté, a aussi des comportements favorisant l’attachement. Le fait que son entourage réponde de façon adaptée et stable à ses comportements permet à l’enfant de développer un sentiment de sécurité et de confiance, ainsi il affrontera mieux les étapes ultérieures telles que les séparations. BOWBLY explique qu’en plus de cela, cette proximité mère/enfant, cette disponibilité de la figure d’attachement, sont responsables de meilleures acquisitions, un développement cognitif plus riche, et par conséquent un développement des interactions sociales ultérieures.

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31 Le toucher joue donc un rôle essentiel dans l’instauration du lien entre les parents et le nourrisson autour de la naissance. Et ce même lien permet un développement psychique harmonieux de l’enfant.

3.2 Toucher et portage : des interactions corporelles à l’origine de fonctions fondamentales

On l’a vu, l’enfant naît dans un état total de dépendance à son entourage. La mère, normalement, répond de façon adaptée aux besoins de son enfant, elle est en résonnance avec lui : c’est la préoccupation maternelle primaire. Le contact peau à peau des parents avec leur bébé permet un développement de la peau psychique du nourrisson, décrite par BICK et reprit par CICCONE (2001). C’est à cette même période que vont naître de nombreuses interactions corporelles essentielles au bon développement psychique de l’enfant. Il s’agit d’un processus bidirectionnel, dans lequel les parents influencent le nourrisson, mais ce dernier est aussi acteur du « dialogue ». Le Manuel d’enseignement de

psychomotricité (tome 1, 2015), présente ces interactions parents-enfant.

a) Holding

Le holding, selon WINNICOTT (p. 328), correspond à l’adaptation posturale de la mère à son bébé : sa façon de le porter, le maintenir, le contenir… Elle lui apporte les soins nécessaires, assure sa protection, le rassure, le berce… Ainsi elle lui permet de ne pas être envahi par des montées d’excitation qu’il n’est pas encore capable de gérer seul, elle contient ses angoisses et lui renvoie de façon acceptable : c’est la fonction de pare-excitation présentée par BION.

La mère apporte par le biais de ce portage adapté, ce sentiment de sécurité intérieure, mais aussi participe au sentiment de continuité d’être et de différenciation du bébé. WINNICOTT (1969) est le premier psychanalyste à parler de continuité d’existence. Il explique que le Moi se structure sur « un sentiment continu d’exister suffisant ».

De plus, cette fonction contenante de pare-excitation, couplée aux expériences sensori-motrices, est fondamentale dans l’intégration du Moi.

Comme l’a dit Winnicott, « l’intégration du Moi chez le nourrisson dépend essentiellement de la manière, dans le temps et l’espace, dont sa mère le porte ». Il y a donc

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