• Aucun résultat trouvé

Les facteurs de protection favorisant la non-récidive chez les adolescent(e)s ayant commis des agressions sexuelles

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les facteurs de protection favorisant la non-récidive chez les adolescent(e)s ayant commis des agressions sexuelles"

Copied!
112
0
0

Texte intégral

(1)

Les facteurs de protection favorisant la non-récidive chez les adolescent(e)s ayant commis des agressions sexuelles

Mémoire

Marie-Pier Lottinville

Maîtrise en service social Maître en service social (M. Serv. Soc.)

Québec, Canada

(2)

Les facteurs de protection favorisant la non-récidive chez les adolescent(e)s ayant commis des agressions sexuelles

Mémoire

Marie-Pier Lottinville

Sous la direction de :

(3)

iii Résumé

Cette étude qualitative exploratoire analyse les récits de vie de quatre adolescent/es ayant commis une agression sexuelle ou plus, ainsi que les récits d’expériences professionnelles de trois intervenant(e)s ayant travaillé auprès d’adolescents auteurs d’abus sexuels. Le but poursuivi est de répondre à la question de recherche suivante : quels sont les facteurs de protection favorisant la non-récidive chez les adolescent/es ayant commis une agression sexuelle ? La parole est accordée aux répondants afin d’en connaître davantage sur leur vécu et leur parcours de vie avant et à la suite de l’infraction sexuelle. Deux concepts sont au cœur de l’étude, l’environnement social et ses réactions ainsi que le sens dégagé de l’expérience des adolescents rencontrés. Le fort sentiment de honte suivant le délit ainsi que le développement de soi sont relevés comme étant des facteurs de protection ayant favorisé la non-récidive suivant le délit de nature sexuelle des jeunes rencontrés. Des recommandations sont formulées en lien avec les stratégies d’intervention et les pistes de recherche futures.

(4)

iv Abstract

This exploratory study examines the life stories of four teens who committed at least one sexual offense, and the professional experience of three service providers who have worked with juvenile sexual offenders. The aim of this research is to answer the following question: what are the protective factors promoting non-recidivism of adolescents who committed a sexual assault? The word is given to respondents to learn more about their experiences and their life paths before and after the sexual offense. Two concepts are at the heart of the study, the social environment and its reactions and the clear sense of the experience of adolescents encountered. The strong sense of shame after the crime and self-development are identified as protective factors that favored the non-recurrence of the behavior. Recommendations are made in connection with the intervention strategies and future research directions.

(5)

v

Table des matières

RÉSUMÉ……….III ABSTRACT……….IV TABLE DES MATIÈRES………...V LISTE DES TABLEAUX………...VIII REMERCIEMENTS………..IX

INTRODUCTION ... 1

1 PROBLÉMATIQUE À L’ÉTUDE ... 2

1.1 OBJET D’ÉTUDE ET PRÉVALENCE ... 2

1.1.1 Les types d’agressions sexuelles et ses définitions... 2

1.1.2 Prévalence du phénomène ... 3

1.1.3 Pertinence sociale et scientifique ... 5

1.2 DÉMARCHE DOCUMENTAIRE ... 7

1.3 LA RECENSION DES ÉCRITS : UN PORTRAIT DE LA SITUATION ... 7

1.3.1 La reconnaissance du problème ... 8

1.3.2 Les études descriptives : qui sont ces jeunes et d’où viennent-ils ? ... 8

1.3.3 Le comportement délinquant ... 10

1.4 LE MILIEU FAMILIAL ET SES TRAUMAS ... 12

1.4.1 Déficience dans les liens d’attachement ... 14

1.4.2 Les difficultés de socialisation ... 15

1.4.3 L’évaluation au profit d’une meilleure connaissance du risque de récidive ... 16

1.5 LES INTERVENTIONS ET TRAITEMENTS EFFICACES ... 20

1.6 LES FACTEURS DE PROTECTION ET LA PRÉVENTION ... 21

1.7 LIMITES DES ÉTUDES ACTUELLES ... 23

2 CADRE CONCEPTUEL ... 26

2.1 DÉFINITION DES PRINCIPAUX CONCEPTS ET JUSTIFICATION DU CADRE CONCEPTUEL ... 26

2.1.1 Les interactions sociales ... 27

2.1.2 Le sens ... 27

2.1.3 Le soi ... 28

2.2 PROPOSITIONS DE RECHERCHE ET SES CONCEPTS ... 29

2.2.1 L’environnement social et ses réactions ... 29

2.2.2 Le sens dégagé par leur expérience ... 31

2.3 INFLUENCE DE LA PERSPECTIVE IS SUR LE DÉROULEMENT DE L’ÉTUDE ... 32

(6)

vi

3.1 APPROCHE, TYPE ET LOGIQUE DE LA RECHERCHE ... 33

3.1.1 Approche de la recherche ... 33

3.1.2 Type de la recherche ... 34

3.1.3 Logique de la recherche ... 34

3.2 POPULATION À L’ÉTUDE, ÉCHANTILLON ET STRATÉGIE DE RECRUTEMENT ... 35

3.2.1 Population à l’étude ... 35

3.2.2 Échantillon ... 36

3.2.3 Stratégie de recrutement ... 37

3.3 MODE DE COLLECTE DES DONNÉES ET PROCÉDURE ... 38

3.3.1 Mode de collecte... 38

3.3.2 Procédure : étalement des opérations dans le temps ... 41

3.4 ANALYSE DES DONNÉES ... 43

3.4.1 Théorisation ancrée... 43

3.5 CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ... 44

4 PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS ... 47

4.1 PORTRAIT DES ADOLESCENTS AYANT PARTICIPÉ À L’ÉTUDE ... 47

4.1.1 Caractéristiques des répondants ... 47

4.1.2 Caractéristiques du délit et conséquences sous-jacentes ... 48

4.1.3 Historique familial ... 48

4.2 LE VÉCU DES RÉPONDANTS AVANT LE DÉVOILEMENT DE L’INFRACTION SEXUELLE 51 4.2.1 Sphère sociale des adolescents ... 51

4.3 LE VÉCU DES RÉPONDANTS SUIVANT LE DÉVOILEMENT DE L’INFRACTION SEXUELLE ... 53

4.3.1 Influence du délit sur la qualité et le maintien des liens familiaux ... 53

4.3.2 Influence du délit sur la qualité et le maintien des liens sociaux ... 54

4.3.3 Le soutien professionnel et thérapeutique ... 54

4.4 ANALYSE DES RÉSULTATS ... 56

4.4.1 Structure familiale ... 56

4.4.2 Interactions sociales avec les pairs ... 57

4.4.3 Aide professionnelle et intervention ... 59

4.4.4 Antécédents criminels ... 60

4.5 THÈMES ÉMERGEANTS DES ENTREVUES INDIVIDUELLES ... 61

4.5.1 Le développement d’un lien de confiance ... 61

4.5.2 La honte influence la perception de soi suivant le délit ... 62

4.5.3 L’absence de stigmatisation et d’étiquetage social... 63

4.5.4 Développement personnel ... 65

5 INTERPRÉTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS ... 66

(7)

vi

5.2 ENVIRONNEMENT SOCIAL ET SES RÉACTIONS ... 67

5.3 FACTEURS DE PROTECTION POTENTIELS DÉCOULANT DE L’ANALYSE DES RÉSULTATS .... 68

5.3.1 La honte suivant le délit ... 68

5.3.2 Le développement de soi ... 70

5.4 STRATÉGIES D’INTERVENTION AXÉES SUR LES FACTEURS DE PROTECTION ... 71

5.5 ANALYSE DES FORCES ET LIMITES DE L’ÉTUDE ... 72

5.5.1 Validité interne ... 72

5.5.2 Validité externe ... 74

5.5.3 Fiabilité ... 76

5.5.4 Critères primaires: authenticité, crédibilité, réflexivité et intégrité ... 76

5.6 PISTES DE RECHERCHE FUTURES ... 78

5.6.1 Développer un meilleur portrait des jeunes auteurs d’abus sexuel ... 79

5.6.2 Confirmer la validité des facteurs de protection exposés ... 79

CONCLUSION ... 81 RÉFÉRENCES ... 83 ANNEXE A ... 89 ANNEXE B ... 91 ANNEXE C ... 96 ANNEXE D ... 97 ANNEXE E ... 98 ANNEXE F ... 103

(8)

viii

Liste des tableaux

(9)

ix

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier les adolescent(e)s qui ont bien voulu participer à ma recherche et me dévoiler une partie douloureuse de leur vie. Je vous remercie pour la confiance et l’ouverture dont vous avez fait preuve. Ce mémoire n’aurait pu prendre forme sans votre précieuse collaboration. Je remercie également les intervenant(e)s ayant accepté de me rencontrer.

Je remercie également le Centre Jeunesse de Québec – Institut Universitaire pour leur soutien financier et l’aide apportée lors du recrutement des répondants.

Aux membres de ma famille qui n’ont cessé de m’encourager tout au long de ce parcours tumultueux, je vous suis extrêmement reconnaissante. À mes parents, qui m’ont toujours soutenue au cours de ces nombreuses années d’étude. À mon amoureux, qui a démontré une patience inimaginable et une compréhension que je ne saurai remercier suffisamment.

Je tiens finalement à remercier monsieur Michel Dorais, mon directeur de recherche, qui m’a épaulée et soutenue au cours de ce processus de recherche. Merci pour vos judicieux conseils et votre soutien tout au long de mon cheminement!

(10)

1

Introduction

Ce mémoire porte sur les agressions sexuelles commises par des adolescents, un sujet encore embryonnaire dans la documentation scientifique. La question de recherche examinée est la suivante : quels facteurs de protection favorisent la non-récidive chez les adolescents ayant commis des agressions sexuelles? Le but poursuivi par cette recherche est d’explorer les facteurs de protection favorisant l’arrêt d’agir. En d’autres mots, le but est de décrire les facteurs pouvant aider les adolescents à ne pas récidiver afin de diminuer le nombre de leurs victimes potentielles. Comme tout projet de recherche, l’objectif est de contribuer à l’avancement des connaissances théoriques et pratiques dans ce champ d’études. Le générique masculin sera utilisé afin d’alléger le contenu du texte.

Le présent document comporte plusieurs sections. La première fera état de la problématique, y compris de sa pertinence sociale et scientifique, de la prévalence du phénomène, ainsi que de la démarche documentaire ayant permis à l’élaboration de ce document. Une recension des écrits « incontournables » s’ajoutera à cette section, de façon à avoir une vue d’ensemble sur la problématique des adolescents ayant commis des agressions sexuelles. Cette première section permettra au lecteur de situer la problématique en regard des connaissances actuelles et de l’examiner sous un nouvel angle.

Le deuxième chapitre traite du cadre conceptuel adopté, cela étant suivi du troisième chapitre traitant de la méthodologie de la recherche. Le troisième chapitre fait une description détaillée des choix méthodologiques retenus, notamment en décrivant la procédure de collecte de données, les caractéristiques de l’échantillon, la stratégie d’analyse des données ainsi que les divers aspects éthiques observés lors de la réalisation de l’étude. Le quatrième chapitre présente ce qui se dégage des entrevues de recherche, c’est-à-dire les résultats jugés pertinents en lien avec la question de recherche et pour conclure, le cinquième chapitre fournit une interprétation des résultats afin de leur donner un sens en fonction de l’objectif de l’étude, y compris une discussion sur les forces et les limites et de la portée théorique et pratique de ces nouvelles connaissances.

(11)

2

1 Problématique à l’étude

1.1 Objet d’étude et prévalence

L’objet d’étude de ce mémoire porte sur les agressions sexuelles commises par des adolescents âgés de 14 à 17 ans. Au Québec, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) régit toute personne âgée d’au moins douze ans et n’ayant pas atteint dix-huit ans qui est soit accusée d’avoir commis une infraction durant son adolescence, soit déclarée coupable d’une infraction. Cette section présente les différents types d’agressions sexuelles ainsi que leur prévalence.

1.1.1 Les types d’agressions sexuelles et ses définitions

Selon les instances gouvernementales, les agressions sexuelles réfèrent plus précisément à :

Un geste à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne visée, ou dans certains cas, notamment dans celui des enfants, par une manipulation affective ou par du chantage. Il s’agit d’un acte visant à assujettir une autre personne à ses propres désirs par un abus de pouvoir, par l’utilisation de la force ou de la contrainte, ou sous la menace implicite ou explicite. Une agression sexuelle porte atteinte aux droits fondamentaux notamment, et à l’intégrité physique et psychologique et à la sécurité des personnes. (Plan d’action gouvernemental 2008-2013 en matière d’agression sexuelle, 2008, p. 9)

Trois niveaux d’agression sexuelle sont prévus au Code criminel, l’agression sexuelle simple, l’agression sexuelle armée et l’agression sexuelle grave. En voici les définitions :

L’agression sexuelle simple est une agression sexuelle qui ne cause pas ou presque pas de blessures corporelles à la victime. L’agression sexuelle armée est une agression sexuelle à laquelle se rattachent une ou des circonstances aggravantes, soit porter, menacer d’utiliser ou utiliser une arme ou une imitation d’arme, menacer d’infliger des lésions corporelles à une autre

(12)

3

personne que le plaignant, infliger des lésions corporelles au plaignant, participer à l’infraction avec une autre personne. Enfin, l’agression sexuelle grave est une agression sexuelle qui blesse, mutile ou défigure la victime ou met sa vie en danger. (Statistiques – Infractions sexuelles au Québec, faits saillants, 2013, p.25, ministère de la Sécurité publique).

Enfin, un dernier type d’infractions sexuelles comprend toutes autres infractions d’ordre sexuel, notamment :

Les contacts sexuels ou incitation à des contacts sexuels avec un enfant de moins de 16 ans, l’exploitation sexuelle d’un jeune de 16 ou 17 ans, inceste, relations sexuelles anales non consentantes ou entre personnes de moins de 18 ans, bestialité et, depuis 2008, corruption d’un enfant, leurre d’enfants de moins de 18 ans au moyen d’un ordinateur ainsi que voyeurisme. (Statistiques – Infractions sexuelles au Québec, faits saillants, 2013, p.25, ministère de la Sécurité publique).

Pour cette recherche, tout adolescent(e)s ayant commis l’un ou l’autre de ces types d’agressions sexuelles seront inclus comme répondant, sans distinction. Les critères de sélection des répondants seront décrits plus en détail dans le chapitre méthodologique (chapitre 3). L’expression d’agression sexuelle sera utilisée de façon interchangeable dans ce document avec les termes «infraction sexuelle», «abus sexuel» et «comportement sexuel délinquant».

1.1.2 Prévalence du phénomène

Les données recensées dans une publication gouvernementale nous informent qu’en 2013, le taux de perpétration le plus élevé par 100 000 habitants chez les hommes et chez les femmes est dans le groupe d’âge des 15 à 17 ans et des 12 à 14 ans, respectivement. Le taux d’auteurs présumés d’infractions sexuelles de sexe féminin mineures demeure tout de même en très faible proportion, soit d’environ 3% et le taux d’auteurs présumés de sexe féminin dans la population en général s’établirait autour de 2% (Statistiques – Infractions sexuelles au Québec, faits saillants, 2013, ministère de la Sécurité publique). L’existence du phénomène nous amène à ne pas l’exclure, encore moins à le nier. Sa prévalence demeure

(13)

4

toutefois difficile à évaluer en raison de sa faible prévalence et de son faible taux de déclaration (Becker, Hall, & Stinson, 2001 cité par Hunter, Becker, & Lexier, 2006).

Lors du recensement des infractions sexuelles, les données révèlent également que près du quart des auteurs présumés auraient moins de 18 ans, soit 620 des 2619 auteurs présumés en 2013 (Statistiques – Infractions sexuelles au Québec, faits saillants, 2013, p.25, Ministère de la Sécurité publique). Néanmoins, ces données ne font état que des infractions sexuelles portées à l’attention des policiers et ne comptabilisent pas les infractions sexuelles non déclarées aux autorités, lesquelles seraient les plus nombreuses selon les experts (Statistiques- Infractions sexuelles au Québec, faits saillants, 2013, ministère de la Sécurité publique).

En effet, il s’avère fastidieux de vouloir estimer le nombre précis d’infractions sexuelles pour ce groupe d’âge, notamment en raison du faible taux de déclaration de la part des victimes (ministère de la Sécurité publique, 2013). D’ailleurs, certaines études rétrospectives indiquent qu’au moins trois infractions sexuelles sur quatre ne seraient pas déclarées aux autorités (U.S. Department of Justice, 2002 cité par Moore, Franey & Geffner, 2005).

Il demeure tout de même possible de déterminer la prévalence générale des infractions sexuelles déclarées formellement aux autorités. On sait que 15 % à 30 % de l’ensemble des agressions sexuelles commises au Canada ont été perpétrées par des individus de moins de 21 ans (Auclair, Carpentier et Proulx, 2012 ; ministère de la Sécurité publique, 2010; Lafortune, Proulx, Tourigny et Metz, 2004). Par ailleurs, approximativement 20% du nombre total des auteurs présumés d’infractions sexuelles étaient mineurs (Tardif, 2012). En outre, un nombre considérable d’individus adultes auraient commis leur premier délit sexuel à l’âge mineur (Jacob, McKibben et Proulx, 1993; Groth, 1979 cité par Laforest et Paradis, 1990) et plus de la moitié auraient vu naître un intérêt sexuel pour des enfants avant l’âge de 18 ans (Abel et Rouleau, 1990 cité par Jacob, McKibben et Proulx, 1993). Une étude réalisée en milieu carcéral met en évidence que plus de la moitié des individus adultes incarcérés pour un délit sexuel avaient perpétré leurs premiers délits sexuels étant mineurs (Abel, Mittelman & Becker, 1985 cité par Sioui, 2008).

(14)

5

Les statistiques issues des États-Unis reflètent des données similaires. Environ 15% des agressions sexuelles commises et 22% des autres infractions d’ordre sexuel commises aux États-Unis le seraient par des individus de moins de 18 ans (U.S. Department of Justice, 2007 cité par Christiansen & Vincent, 2013; Federal Bureau of Investigation, 2002 cité par Barbaree & Marshall, 2006).

L’agression sexuelle entraîne inévitablement des conséquences néfastes chez les victimes, que ce soit sur le plan psychologique, physique et social (Dorais, 1997; Dorais, 2008). Il s’avère donc judicieux d’étoffer cet objet d’étude afin d’accroître les connaissances, d’orienter les pratiques et surtout, de planifier des interventions dès l’apparition d’un comportement sexuel délinquant.

1.1.3 Pertinence sociale et scientifique

La pertinence sociale d’une recherche consiste à apporter des réponses à certains problèmes rencontrés par les praticiens œuvrant dans un domaine particulier (Chevrier, 2003).

Dans un premier temps, la pertinence de réaliser ce mémoire est de contribuer à accroître les connaissances quant aux interventions à privilégier pour les intervenants œuvrant auprès des adolescents ayant commis des agressions sexuelles. Les nouvelles connaissances générées permettront de mieux comprendre les trajectoires de récidive, notamment les facteurs de risque et, inversement, les facteurs de protection favorisant la non-récidive des adolescents ayant commis des agressions sexuelles. Cela permettra non seulement aux professionnels concernés d’être mieux outillés par rapport à cette clientèle, mais aussi de favoriser une aide adaptée aux besoins des adolescents pour prévenir de nouveaux délits de nature sexuelle (Laforest et Paradis, 1990). Par le fait même, le nombre de victimes réelles ou potentielles pourra être réduit.

Dans un deuxième temps, il est justifié d’intervenir le plus tôt possible auprès des jeunes auteurs d’agressions sexuelles pour deux raisons, la première étant que les adultes ayant commis des délits sexuels ont souvent commencé à l’adolescence. Ensuite, soutenir la réadaptation chez les jeunes auteurs d’abus sexuels est nécessaire afin que les

(15)

6

comportements sexuels délinquants ne soient pas définitivement ancrés chez l’adolescent qui a commis un premier abus (Gouvernement du Québec, 2008).

Cette recherche permet de contribuer à l’avancée des connaissances « en insistant sur l’apport nouveau de la recherche aux connaissances » (Chevrier, 2003, p. 54). En ce sens, la pertinence scientifique de ce mémoire est d’accroître les connaissances en ce qui a trait aux facteurs influençant la non-récidive des adolescents ayant commis une ou plusieurs agressions sexuelles, facteurs qualifiés comme étant des facteurs de protection. Considérant la prévalence des délits d’ordre sexuel commis par des individus d’âge mineur, trop peu d’études ont été réalisées sur ce thème (McCann & Lussier, 2008).

En effet, la documentation scientifique démontre que davantage d’attention devrait être portée aux facteurs de protection du risque de récidive sexuelle chez les adolescents, notamment en raison de la nature du délit (Spice, Viljoen, Latzman, Scalora & Ullman, 2012). L’étude de Spice et al. (2012) s’est intéressé aux facteurs de risque et de protection de récidive sexuelle et non sexuelle. Les résultats révèlent que les facteurs de protection identifiés protégeaient davantage contre la violence générale et pas spécifiquement contre la récidive sexuelle. Ces chercheurs émettent donc l’hypothèse que des facteurs de protection spécifiques permettraient de réduire le risque de récidive sexuelle, ce qui justifie l’importance de poursuivre les recherches. D’ailleurs, cette recherche a un côté novateur en ce sens qu’elle adopte une approche qualitative, c’est-à-dire qu’elle est centrée sur l’expérience et le vécu des adolescents, ce qui la distingue des recherches quantitatives dominantes dans la documentation scientifique sur le sujet.

Enfin, la recherche peut avoir une portée cruciale afin d’améliorer la précision des évaluations du risque de récidive et orienter vers plus d’efficacité les interventions et les traitements (Rogers, 2000 cité par Spice & al. 2012), d’autant que certains facteurs de protection se sont révélés profitables à la non-récidive chez les individus présentant des comportements délinquants (Ward & Laws, 2010 cité par Spice & al. 2012). Ainsi, la recherche s’inscrit dans les pistes de recherche proposées par les chercheurs déjà impliqués dans le champ des agressions sexuelles.

(16)

7

1.2 Démarche documentaire

La démarche documentaire a été effectuée à l’aide des mots-clés suivants : la non-récidive, les adolescents et les agressions sexuelles. Afin d’effectuer une recherche fructueuse dans les bases de données, le Répertoire de vedettes-matières (RVM) a été consulté pour définir des synonymes aux mots-clés ainsi que d’en faire leur traduction. Ainsi, le concept de non-récidive introduit les synonymes suivants : réinsertion et

réhabilitation et en fait la traduction suivante : rehabilitation. Ensuite, le mot-clé adolescent suggère le synonyme suivant : jeunes et la traduction effectuée par le RVM

propose les résultats suivants : adolescent, teenagers, youth et juvenile. Le troisième concept d’agressions sexuelles (terme qui a d’ailleurs été rejeté par le RVM), les termes spécifiques proposés par le RVM sont : crimes sexuels, viol et abus sexuels par des

adolescents, le terme générique est délinquance et le RVM propose la traduction du

concept d’agressions sexuelles comme suit : sex crimes, sex offenses et sexual offending. Une fois établie cette banque de mots-clés, des équations de recherche ont été formulées, soit : jeunes délinquants sexuels pour la formulation francophone et les suivants pour la formulation anglophone : juvenile sex offender, adolescent sexual offender et enfin,

juvenile sex offender rehabilitation.

Les principales bases de données employées sont la Criminal Justice Abstracts with Full Text, le Social Services Abstracts et le SocIndex with full text. Plusieurs livres de référence ont également été consultés.

1.3 La recension des écrits : un portrait de la situation

Cette section permettra au lecteur de mieux connaître le champ d’études des adolescents auteurs d’agressions sexuelles. Tout d’abord, il importe de spécifier que, pour l’objet de cette recherche, le choix des termes désignant les adolescents a été fait avec minutie, de façon à ne pas leur attribuer une étiquette péjorative et à distinguer la personne derrière le comportement problématique (Durham, 2006). D’ailleurs, il faut noter que d’imposer l’étiquette de «délinquant sexuel» aux jeunes ayant commis des infractions sexuelles peut avoir des conséquences négatives sur leur devenir. Selon les études, cette

(17)

8

appellation devrait donc être évitée (Hunter & al, 2000 cité par Veneziano & Veneziano, 2002). Les termes utilisés seront donc : adolescents ayant commis des agressions sexuelles, adolescents auteurs d’abus sexuels ou encore adolescents manifestant des comportements sexuels délinquants.

1.3.1 La reconnaissance du problème

Ce n’est que vers le début des années 1980 que des recherches voient le jour examinant la question des mineurs ayant un comportement sexuel délinquant (Sioui, 2008). Pendant de nombreuses années, peu d’individus auraient pu croire qu’un adolescent pouvait commettre sciemment une agression sexuelle ou un geste à caractère sexuellement déviant. Au contraire, les adultes croyaient plutôt à une forme d’exploration ou de curiosité de la part des adolescents et n’y voyaient pas le besoin d’intervenir (Bera, 1994 cité par Sioui, 2008; Veneziano & Veneziano, 2002). Depuis la reconnaissance du phénomène en tant que problème social, les recherches se sont multipliées afin de saisir les subtilités et la complexité de ce phénomène. C’est ainsi que les chercheurs se sont intéressés à mieux connaître le profil des jeunes auteurs d’agressions sexuelles, notamment pour diminuer le risque de récidive en développant des pratiques d’intervention efficaces auprès de ces jeunes.

Trois domaines d’études ressortent de la documentation scientifique, soit les études descriptives auprès des adolescents auteurs de délits sexuels, les études s’intéressant à l’évaluation du risque de récidive et, enfin, les recherches sur les traitements ou interventions (curatives ou préventives) à préconiser auprès de ces jeunes.

1.3.2 Les études descriptives : qui sont ces jeunes et d’où viennent-ils ?

Les études descriptives prennent une place prédominante dans la documentation afin d’expliquer comment se construit le comportement délinquant sexuel à un jeune âge. Elles mettent en lumière des caractéristiques communes des adolescents ayant commis des agressions sexuelles. De plus, elles révèlent les facteurs de risque associés au développement de la délinquance sexuelle, sans compter qu’elles permettent « d’avoir une

(18)

9

meilleure connaissance du phénomène, de la clientèle et de sa diversité » (Auclair, Carpentier et Proulx, 2012, p.25).

Ces études descriptives ont également comme finalité d’expliquer le développement de la délinquance sexuelle et à cet effet, deux perspectives explicatives de l’agression sexuelle commise par les adolescents s’opposent présentement dans les écrits. Celles-ci sont l’explication de la délinquance générale (dont l’abus sexuel serait une composante) versus l’explication particulière de l’agression sexuelle (traduction libre) chez les adolescents (Seto & Lalumière, 2010). Elles exposent plusieurs facteurs personnels, sociaux, familiaux ainsi que des facteurs liés à la problématique sexuelle impliqués dans l’apparition et le développement de la délinquance sexuelle.

Brièvement, l’explication de la délinquance générale postule que la perpétration d’une infraction sexuelle est tout simplement l’une des nombreuses manifestations de tendances antisociales et que les adolescents auteurs d’abus sexuels sont comparables à des adolescents auteurs de délits généraux (Seto & Lalumière, 2010). Par conséquent, cette perspective explicative implique que les mêmes outils d’évaluation et les mêmes interventions qui ont été développés pour les adolescents ayant commis des délits généraux peuvent être utilisés avec les adolescents ayant commis des délits sexuels, puisque ceux-ci partageraient des traits similaires, soit : l’impulsivité, la recherche de sensations, des attitudes et croyances positives en faveur de comportements criminels et finalement, avoir des liens avec des pairs délinquants (Pullman & Seto, 2012; Seto & Lalumière, 2010). L’explication particulière de l’agression sexuelle, quant à elle, suggère que les adolescents auteurs d’infractions sexuelles se distinguent des adolescents ayant commis des délits non sexuels. En outre, les facteurs expliquant le comportement sexuel délinquant diffèreraient des adolescents ayant commis des délits non-sexuels. Par conséquent, cette perspective suppose que les adolescents auteurs de délits sexuels nécessitent des traitements distincts et spécialisés (Pullman & Seto, 2012). Les chercheurs adoptant cette perspective explicative prennent en considération des facteurs tels qu’une histoire d’abus sexuel, des troubles d’attachement et des difficultés interpersonnelles (Pullman & Seto, 2012; Seto & Lalumière, 2010).

(19)

10

Ainsi, aucun consensus n’a été établi sur les facteurs de causalité impliqués dans l’apparition et le développement d’une délinquance sexuelle (Seto & Lalumière, 2010). Pour certains chercheurs, l’explication de la délinquance générale semble plus appropriée, alors que d’autres chercheurs jugent que l’explication particulière de l’agression sexuelle serait davantage pertinente (Pullman & Seto, 2012). Quoi qu’il en soit, les auteurs s’entendent pour affirmer que les adolescents ayant commis des agressions sexuelles présentent des profils différents et sont, par le fait même, un groupe hétérogène (Worling & Långström, 2006). Des caractéristiques communes se dégagent des études et permettent de dresser un portrait sommaire de ces jeunes.

1.3.3 Le comportement délinquant

Dans le but de mieux connaître les jeunes auteurs d’agressions sexuelles, ceux-ci ont souvent été comparés à de jeunes auteurs d’infractions non sexuelles. De ces études est apparu que ces deux groupes d’adolescents présentaient des caractéristiques communes. Ainsi, l’explication de la délinquance générale s’avère prometteuse selon certains chercheurs, puisque les connaissances développées en criminologie permettent d’affirmer que les individus commettant des délits ne se spécialisent que rarement dans une forme de délit en particulier (Gottfredson & Hirschi, 1990 cité par Seto & Lalumière, 2010).

D’une part, il s’avère que la majorité des adolescents auteurs d’agressions sexuelles ont également commis des infractions non sexuelles par le passé (France & Hudson, 1993 cité par Seto & Lalumière, 2010). Le comportement délinquant sexuel ferait donc partie du registre des nombreux comportements délinquants que peut présenter un jeune contrevenant. La spécialisation dans ce type d’infraction sexuelle ne serait pas commune (Seto & Lalumière, 2010) et il s’avère que si une nouvelle offense est commise plus tard dans la vie de l’adolescent, celle-ci serait plutôt non sexuelle (Seto & Lalumière, 2010; Worling & Långström, 2006).

D’une autre part, les adolescents ayant manifesté un comportement sexuel délinquant présenteraient davantage de traits de personnalité antisociales et des problèmes de

(20)

11

conduites (ex : problèmes de comportement à l’école, comportement agressif, destruction de biens matériels, vols), comparativement à un groupe d’adolescents n’ayant présenté aucun comportement délinquant (Seto & Lalumière, 2006). L’étude descriptive d’Auclair, Carpentier et Proulx (2012) renforce ces observations en révélant qu’il y aurait une présence significativement plus élevée d’un comportement impulsif et de comportements violents, d’un trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité et d’un trouble de l’opposition chez les adolescents ayant commis des agressions sexuelles (Christiansen & Vincent, 2013; Auclair, Carpentier et Proulx, 2012; Barbaree & Marshall, 2006; Jacob, McKibben et Proulx, 1993).

Malgré les similitudes pouvant être établies entre un groupe d’adolescents ayant commis des délits sexuels et un groupe d’adolescents ayant commis des délits généraux, de nombreux chercheurs se sont intéressés à savoir si les adolescents ayant commis des agressions sexuelles ne devraient pas être considérés comme une sous-population distincte (Smallbone, 2006). Ceci est également renforcé par le fait que l’agression sexuelle se trouve généralement à la fin d’un continuum de conduites délinquantes de plus en plus graves (Seto & Lalumière, 2010) et n’est pas une pratique propre à tous les délinquants juvéniles.

Selon Smallbone (2006), les connaissances empiriques et théoriques sur les adolescents ayant commis des abus sexuels sont encore limitées et ne permettent pas d’affirmer avec certitude que ces adolescents forment un groupe distinct. Seto et Lalumière (2010) indiquent aussi que l’explication de la délinquance générale pour expliquer la délinquance sexuelle à l’adolescence n’est pas totalement satisfaisante. Considérant les implications de ces résultats, de nombreux auteurs se sont également intéressés à l’explication particulière de la délinquance sexuelle (traduction libre) afin de mieux saisir les facteurs impliqués dans l’apparition et le développement de la délinquance sexuelle, mentionnés ci-dessous.

(21)

12

1.4 Le milieu familial et ses traumas

De nombreuses études dégagent un portrait familial des adolescents auteurs d’abus sexuels. Les données sont prépondérantes selon lesquelles la majorité de ces jeunes sont issus d’un environnement familial dysfonctionnel. La violence physique, la négligence ou encore l’exposition à la violence au sein de la famille est généralement prédominante (Becker & Hunter, 1997 cité par Auclair, Carpentier et Proulx, 2012; Veneziano & Veneziano, 2002). Ces milieux familiaux seraient donc marqués par le rejet parental, l’absence de communication avec l’un des parents, la présence d’abus d’alcool ou de drogues dans la famille, ainsi que des antécédents criminels familiaux (Auclair, Carpentier et Proulx, 2012). D’ailleurs, un manque de soutien, de supervision ou de protection est présent dans ces familles (Veneziano & Veneziano, 2002). Enfin, les familles dont sont issues les jeunes qui présentent des comportements sexuels délinquants se caractériseraient par leur instabilité, leur incapacité à établir de forts liens affectifs entre le parent et l’enfant, l’exposition précoce à du matériel sexuel et présenterait un environnement à haut risque d’abus sexuel pour l’enfant (Barbaree & Langton, 2006).

Par conséquent, les expériences d’abus sexuels ont été une préoccupation pour de nombreux chercheurs afin de déterminer l’influence de ces traumas chez ces jeunes. Bien évidemment, les expériences d’abus sexuels n’ont pas été vécues par tous les adolescents auteurs d’infractions sexuelles (Barbaree & Langton, 2006). Toutefois, la proportion de jeunes ayant subi un abus sexuel dans une population d’adolescents auteurs d’infractions sexuelles nécessite une attention particulière. À titre d’exemple, une étude menée par Gray, Pithers, Busconi, et Houchens (1999) fait état que plus de la moitié des jeunes ayant manifesté un comportement sexuel délinquant avaient eux-mêmes été abusés sexuellement et physiquement par au moins deux individus.

Une controverse demeure malgré tout dans les écrits scientifiques quant à la relation causale entre l’abus sexuel vécu à l’enfance et la perpétration d’un délit sexuel à l’adolescence. Prenons par exemple une méta-analyse regroupant 59 recherches étudiant l’impact d’avoir vécu un abus sexuel à l’enfance sur des étudiants, réalisée par Rind, Tromovitch et Bauserman (1998). Les conclusions de leur étude supposent, entre autres,

(22)

13

que l’abus sexuel vécu au cours de l’enfance n’entraîne pas nécessairement de séquelles psychologiques pour les victimes et que ses impacts ne seraient pas aussi sévères que l’on croit. Par ailleurs, les chercheurs ajoutent que les répercussions chez les jeunes garçons victimes d’abus sexuel seraient parfois sans gravité : « these authors took the position that the effects of child sexual abuse in boys are often benign and that boys sometimes experience sexual interactions with adults as positive, even pleasurable » (Rind, 2001 cité par Barbaree & Langton, 2006, p.63). Il va de soi que le fait d’avoir vécu un traumatisme sexuel à l’enfance engendre des séquelles et les résultats de cette étude ont été grandement critiqués (Barbaree & Langton, 2006), d’autant plus que les résultats générés de l’étude de Rind, Tromovitch et Bauserman (1998) ne sont pas issus de la perception des jeunes victimes. Les données empiriques actuelles ne permettent pas d’affirmer avec certitude qu’un abus sexuel durant l’enfance amènera un jeune individu à commettre à son tour un abus sexuel (Barbaree & Langton, 2006). Selon les résultats d’une méta-analyse de Seto et Lalumière (2010), il appert que le fait d’avoir vécu un abus sexuel serait corrélé à la probabilité de commettre un premier abus, mais ne permettrait pas d’estimer quel individu en particulier serait plus susceptible de récidiver. Par ailleurs, notons qu’avoir été victime d’un abus sexuel n’implique pas que cet individu présentera à son tour un comportement sexuel délinquant.

Pour leur part, Barbaree et Langton (2006) allèguent que l’abus sexuel vécu pendant l’enfance serait corrélé, et non causal, chez les individus ayant subi ce geste. Ces chercheurs expliquent que l’abus sexuel subi à l’enfance fait souvent partie intégrante d’un environnement familial dysfonctionnel dans lequel divers événements traumatisants sont vécus, par exemple la violence physique et psychologique. Cet environnement familial dysfonctionnel altère le développement normal de ces jeunes, ces derniers ne présentant que peu de ressources pour gérer le plus efficacement possible ces événements précoces et traumatisants (Barbaree & Langton, 2006).

(23)

14

1.4.1 Déficience dans les liens d’attachement

Considérant que les milieux familiaux dont sont issus plusieurs jeunes auteurs d’agressions sexuelles sont caractérisés par l’instabilité ou le rejet parental, un manque de soutien ou de protection et de la négligence, pour ne nommer que ceux-ci, il se pourrait que ces derniers développeront certaines vulnérabilités, notamment sur les plans psychologiques, affectifs et relationnels (Auclair, Carpentier et Proulx, 2012). Ces vulnérabilités ne causent pas d’emblée l’apparition, ou encore le développement d’un comportement sexuel délinquant chez les adolescents, mais celles-ci sont pertinentes dans notre compréhension de ce phénomène (Auclair, Carpentier et Proulx, 2012).

Ainsi, les résultats de multiples études font état de la présence d’un trouble d’attachement chez un nombre non négligeable d’adolescents ayant commis des abus sexuels (Auclair, Carpentier et Proulx, 2012; Seto & Lalumière, 2010; Veneziano & Veneziano, 2002). D’ailleurs, un attachement insécurisant serait un facteur de risque associé au développement d’un comportement sexuel problématique à l’adolescence souvent identifié chez ces adolescents (Smallbone, 2005 cité par Auclair, Carpentier et Proulx, 2012). Selon Smallbone (2006), ce pattern d’attachement insécurisant comporterait une capacité d’empathie moindre, des difficultés sur le plan de la régulation des émotions et une plus grande propension à utiliser la coercition dans ses relations interpersonnelles, ce qui pourrait expliquer pourquoi certains adolescents ont plus de chances de présenter un comportement sexuel délinquant (Smallbone, 2006). Plus encore, une personne ayant développé des problèmes d’attachement serait plus susceptible de combler son besoin d’intimité par des relations inappropriées (Marshall & Marshall, 2000 cité par Seto & Lalumière, 2010).

Bien que l’on se soit grandement intéressé aux déficiences dans les liens d’attachement des adolescents auteurs d’abus sexuels, cet aspect demeure toutefois controversé. Une méta-analyse a été réalisée par Seto et Lalumière (2010), évaluant 59 études indépendantes dont le but était de comparer des adolescents auteurs de délits sexuels et des adolescents auteurs de délits non sexuels. Les auteurs ont révélé que les adolescents ayant commis des délits de nature sexuelle ne présentaient pas plus de problèmes familiaux vis-à-vis du groupe de comparaison, soit des adolescents présentant une délinquance

(24)

15

générale. Selon Seto et Lalumière (2010), davantage de recherches s’avèrent nécessaires quant au rôle des liens d’attachement dans l’explication de l’agression sexuelle commise par des adolescents.

En somme, les conséquences de grandir dans un contexte familial empreint notamment de négligence ou d’abandon parental sont à prendre en considération afin de faciliter notre compréhension du parcours de ces jeunes.

1.4.2 Les difficultés de socialisation

De nombreux déficits en qui a trait aux compétences sociales des jeunes auteurs d’agressions sexuelles ont été rapportés (Knight & Prentky, 1993 cité par Righthand & Welch, 2005). Parmi les difficultés recensées, on retrouve notamment des habiletés sociales inadéquates, de pauvres relations interpersonnelles et un isolement social marqué (Fehrenbach & al., 1986 cité par Righthand & Welch, 2005). Par ailleurs, Miner et Crimmins (1995) ont révélé que les jeunes ayant présenté un comportement sexuel délinquant avaient un attachement moindre à leurs pairs ainsi qu’un faible attachement à leur milieu scolaire comparativement aux délinquants juvéniles non sexuels (Miner & Crimmins, 1995 cité par Righthand & Welch, 2005). Enfin, un consensus émerge de la documentation scientifique en ce qui a trait à l’isolement social marqué vécu par les adolescents auteurs d’agressions sexuelles (Seto & Lalumière, 2010; Righthand & Welch, 2005).

Pour terminer cette section, bien que les adolescents répondants à ces études aient commis des délits à caractère sexuel, leurs caractéristiques communes révèlent une réalité complexe à laquelle il faut s’attarder. Une perturbation développementale, des carences d’ordre affectif, l’isolement social et des difficultés relationnelles sont manifestes et peuvent expliquer le passage à l’acte (Auclair, Carpentier et Proulx, 2012). Quoi qu’il en soit, les recherches actuelles concernant les agressions sexuelles commises par une population juvénile doivent être poursuivies. Nos connaissances n’en sont qu’à leurs balbutiements. En ce sens, les études révèlent des résultats contradictoires quant aux

(25)

16

facteurs impliqués dans l’apparition et le développement d’un comportement délinquant sexuel. D’une part, l’on assiste à une diversité de profils de jeunes auteurs d’abus sexuels devant être considérés comme un groupe distinct (Seto & Lalumière, 2010) et d’autre part, plusieurs similitudes peuvent être établies entre les adolescents ayant commis des délits sexuels et des délits généraux (Van Wijk & al., 2005 cité par Rasmussen, 2013).

1.4.3 L’évaluation au profit d’une meilleure connaissance du risque de récidive

L’évaluation clinique des adolescents auteurs d’agressions sexuelles prend une place prépondérante dans l’étude du phénomène. Le rôle de celle-ci est d’évaluer dans quelle mesure l’adolescent comprend la gravité de ses gestes et quels sont ses besoins spécifiques en vue d’une réadaptation (Tardif, Quenneville, Jacob et Auclair, 2012). De ce fait, une évaluation rigoureuse aura comme objectif de déterminer le traitement approprié ainsi que d’identifier le niveau de risque de récidive sexuelle chez les jeunes ayant commis des infractions sexuelles. En dépit de ce que l’on pourrait croire ou craindre, le risque de récidive sexuelle serait tout de même moindre, le risque de récidive d’un délit général étant davantage prévalent (Christiansen & Vincent, 2013; Spice, Viljoen, Latzman, Scalora & Ullman, 2012; Auclair et Carpentier, 2011; Pullman & Seto, 2012).

L’évaluation clinique de la récidive se compose généralement de divers éléments, entre autres le jugement clinique du professionnel, des questionnaires structurés constitués de facteurs associés à un risque plus élevé de récidive et basés sur la documentation scientifique (Tardif, Quenneville, Jacob et Auclair, 2012), ainsi que des outils d’évaluation du risque standardisés (Worling & Långström, 2006). La recherche scientifique admet d’une part qu’il demeure profitable d’utiliser des outils d’évaluation standardisés pour le processus d’évaluation, puisque le jugement clinique du professionnel demeure subjectif et peut être imprécis (Hanson, 2002 cité par Worling & Långström, 2006). D’autre part, les questionnaires structurés ont été développés selon des avis d’experts cliniciens, mais ne sont pas nécessairement soutenus ou validés empiriquement par des recherches évaluatives (Worling & Långström, 2006).

(26)

17

La section suivante présente brièvement deux questionnaires structurés visant à évaluer le risque de récidive des adolescents. Ils reprennent un certain nombre de facteurs associés à un risque de récidive élevé selon la documentation scientifique. La documentation scientifique fait état de deux questionnaires structurés visant à évaluer le risque de récidive sexuelle sur lesquels se baser lors de l’évaluation des adolescents auteurs de délits sexuels (Rich, 2011 cité par Tardif, Quenneville, Jacob et Auclair, 2012). Ceux-ci sont le Juvenile

Sex Offender Protocole II (JSOAP-II) par Prentky et Righthand (2003) et le Estimate of Risk of Adolescent Sexual Offense Recidivsm (ERASOR) par Worling et Curwen (2001).

Ces échelles d’évaluation permettent ainsi aux professionnels d’évaluer les deux dimensions du risque de récidive qui seront abordées subséquemment, soit l’orientation antisociale générale et la déviance sexuelle.

Le premier outil d’évaluation Juvenile Sex Offender Protocole II aborde des éléments au sujet des intérêts sexuels, du comportement impulsif et antisocial, de la stabilité et de l’ajustement dans la communauté et enfin, des éléments en lien avec l’intervention, par exemple la reconnaissance de sa responsabilité quant au délit sexuel (Pullman & Seto, 2012; Worling & Långström, 2006). Pour sa part, le deuxième outil d’évaluation Estimate

of Risk of Adolescent Sexual Offense Recidivsm s’intéresse aux intérêts, attitudes et

comportements sexuels, aux délits sexuels antérieurs, au fonctionnement psychosocial, familial et environnemental ainsi qu’au traitement reçu (Pullman & Seto, 2012; Worling & Långström, 2006). Par ailleurs, l’aspect intéressant de ces deux instruments de mesure est qu’ils prédisent à la fois le risque de récidive sexuelle et non sexuelle (Rajilic & Gretton, 2010 cité par Pullman & Seto, 2012).

La recension des écrits scientifiques démontre que les intérêts sexuels déviants sont fréquemment un objet d’évaluation chez les adolescents ayant commis des abus sexuels. Worling et Långström (2006) définissent un intérêt sexuel déviant comme étant un intérêt sexuel pour des enfants pré-pubères et un penchant à la coercition et la violence lors des relations sexuelles. Les chercheurs expliquent qu’un moyen d’évaluation est d’aborder directement le sujet avec l’adolescent en entrevue (Pullman & Seto, 2012) ou encore, d’utiliser les questionnaires Sexual Fantasy Questionnaire et le Sexual History Form for

(27)

18

effet. Brièvement, le Sexual History Form for adolescents est un questionnaire auto-rapporté permettant d’évaluer à quelle fréquence l’adolescent a eu des relations sexuelles au cours de sa vie et particulièrement la nature de celles-ci (par exemple : embrasser, pénétration, humilier ou blesser son partenaire), ainsi que de connaître si ses relations sexuelles étaient avec des partenaires consentants ou non (Daleiden, Kaufman, Hilliker & O’Neil, 1998). Pour sa part, le Sexual Fantasy Questionnaire est également un questionnaire auto-rapporté traitant des « fantasmes » des adolescents et en évalue leur fréquence. Ceux-ci sont divisés en deux catégories, les « fantasmes déviants », incluant des fantasmes tels que fouetter, frapper ou torturer autrui et les « fantasmes non déviants » (Daleiden, Kaufman, Hilliker & O’Neil, 1998).

Bien que certains chercheurs justifient l’importance d’évaluer les intérêts sexuels des jeunes adolescents auteurs d’agressions sexuelles afin de mieux connaître leur degré de risque de récidive, d’autres chercheurs ont pour leur part émis quelques réserves à cette pratique, dont entre autres Barbaree et Marshall (2006). Selon ces derniers, s’intéresser aux intérêts sexuels des mineurs en général devrait être fait avec prudence, d’autant plus qu’il demeure ardu de distinguer la déviance de la norme, considérant que l’adolescent se situe dans une période de changements développementaux continus et, plus encore, considérant que la déviance est qualifiée en fonction de tout comportement défiant les lois en vigueur et les normes établies par la société (Barbaree & Marshall, 2006; Becker, 1985).

Ainsi, l’évaluation clinique des jeunes auteurs d’abus sexuels permet de mieux orienter les interventions ainsi que de cibler les facteurs de risque susceptibles d’entraver leur cheminement vers la non-récidive. À la lumière des études actuelles, il est possible d’identifier certains facteurs impliqués dans le risque de récidive sexuelle. Tout comme les deux perspectives explicatives de l’agression sexuelle abordées antérieurement, à savoir l’explication de la délinquance générale et l’explication particulière de l’agression sexuelle, les facteurs de risque de récidive peuvent être catégorisés de la même façon : 1) les facteurs de risque issus d’une orientation antisociale générale ainsi que 2) les facteurs de risque associés à une déviance sexuelle (Pullman & Seto, 2012).

C’est ainsi que la première catégorie, soit l’orientation antisociale générale, comprend des facteurs de risque tels que l’histoire criminelle, une personnalité antisociale, des

(28)

19

attitudes et des croyances antisociales, etc. (Pullman & Seto, 2012). La deuxième catégorie de facteurs de risque expose, quant à elle, des caractéristiques telles que des intérêts sexuels déviants, c’est-à-dire une excitation sexuelle envers des enfants ou encore un attrait pour des relations sexuelles coercitives (Pullman & Seto, 2012). Il va de soi que plus le nombre de facteurs de risque est élevé chez un adolescent, plus grand est le risque de récidive sexuelle. Ce risque serait encore plus élevé si des facteurs liés à l’orientation antisociale générale et des intérêts sexuels déviants se retrouvent chez un même adolescent (Seto, Harris, Rice & Barbaree, 2004 cité par Pullman & Seto, 2012).

Dans le même ordre d’idées, Worling et Långström (2006) ont enrichi nos connaissances actuelles en réalisant une revue de la documentation scientifique afin d’identifier les facteurs de risque déterminants en ce qui concerne la récidive sexuelle. Pour ce faire, les auteurs ont classé les facteurs de risque de récidive identifiés dans la documentation scientifique en quatre catégories, soit les facteurs de risque selon qu’ils sont appuyés empiriquement par la recherche, prometteurs, possibles et peu probables. Dans le cas présent, les facteurs de risque pertinents à souligner ici sont les facteurs de risque appuyés empiriquement par la recherche, soit : un intérêt sexuel déviant, des condamnations criminelles antérieures pour agression sexuelle, des agressions sexuelles sur plus d’une victime, une victime inconnue de l’individu ayant manifesté le comportement sexuel délinquant, l’isolement social et un traitement non complété pour agression sexuelle (Worling & Långström, 2006). D’autres auteurs abondent en ce sens, plus précisément que l’histoire criminelle antérieure et les caractéristiques de la victime, par exemple son âge et son genre, sont des prédicteurs éloquents en ce qui a trait à la récidive sexuelle (McCann & Lussier, 2008).

En somme, il serait crucial d’examiner deux grandes catégories à l’évaluation, soit les tendances antisociales générales de l’adolescent ainsi que ses intérêts sexuels, tous deux importants dans la prédiction de la récidive (McCann & Lussier, 2008). Les écrits scientifiques démontrent néanmoins un besoin d’approfondir les recherches, considérant que les facteurs de risque de récidive s’avèrent nombreux et diffèrent d’une étude à l’autre. D’ailleurs, en tenant compte des faibles taux de récidive sexuelle chez les adolescents, il apparaît difficile de prévoir, tout au plus, ce phénomène (McCann & Lussier, 2008 cité par

(29)

20

Carpentier & Proulx, 2011). Les interventions et les traitements dédiés spécifiquement à cette clientèle n’en sont pas moins essentiels et les constats de l’évaluation clinique auront une portée majeure pour l’adolescent, sa famille et la communauté, d’où l’importance de s’assurer de sa rigueur et de sa pertinence.

1.5 Les interventions et traitements efficaces

Une fois l’évaluation du risque de récidive réalisée, des interventions auprès des jeunes et parfois même auprès de leurs proches doivent être envisagées et dépendront du niveau de risque de récidive évalué chez l’adolescent. De toute évidence, les interventions destinées aux jeunes auteurs d’abus sexuels ont grandement évolué au cours des dernières années. Les lacunes empiriques concernant les modèles de traitement efficaces auprès des jeunes ont amené les professionnels à utiliser les mêmes types de traitements que ceux dédiés aux adultes ayant commis des délits sexuels (Rasmussen, 2013). La première forme d’intervention imposée aux jeunes auteurs d’abus sexuels fut principalement la thérapie cognitive-comportementale (Rasmussen, 2013). Le foisonnement des connaissances dans les années 1990 a toutefois amené les professionnels à se questionner par rapport à l’efficacité de ce type de thérapie. À l’heure actuelle, les chercheurs et les professionnels s’entendent pour affirmer que les interventions doivent être sensibles au stade développemental des adolescents ayant commis des abus sexuels et, par le fait même, se baser sur des données probantes afin de déterminer quelles sont les pratiques efficaces auprès de cette jeune clientèle (Rasmussen, 2013).

C’est ainsi que l’avancée des connaissances a permis d’entrevoir de nouvelles façons d’intervenir auprès de ces jeunes. Plusieurs auteurs ont souligné l’importance de développer des pratiques novatrices en ce qui a trait au traitement des adolescents auteurs d’abus sexuels, stipulant que ces modèles doivent être holistiques, c’est-à-dire considérer tous les aspects du jeune, ainsi que de se centrer sur leurs forces (Longo & Prescott, 2006 cité par Rasmussen, 2013).

À cet effet, une approche ayant démontré empiriquement son efficacité relativement à la diminution de la récidive est la thérapie dite multi-systémique (Letourneau & al., 2009).

(30)

21

Celle-ci est une forme de thérapie qui tient compte de la famille dans le traitement et intervient dans divers domaines, entre autres le fonctionnement familial, les compétences sociales, la résolution de problèmes, les relations avec les pairs ainsi que les réussites scolaires (Pullman & Seto, 2012). Par conséquent, cette forme de thérapie ne focalise pas uniquement sur le comportement sexuel problématique, ce qui représente un avantage pour les adolescents ayant perpétré un délit sexuel et démontrant un comportement de délinquance générale. D’autres problèmes de leur vie quotidienne sont donc pris en considération. Pullman et Seto (2012) renforcent l’utilisation de cette forme de thérapie en précisant qu’un élément essentiel est la sélection des cibles de traitement ou d’intervention. Dépendamment du vécu de chacun des adolescents, certains événements de vie doivent être abordés au cours de l’intervention, voire même devenir des cibles d’intervention en soi. Ainsi, en plus du comportement sexuel problématique manifesté par le jeune, des problèmes associés à une victimisation au cours de l’enfance constituent également des objectifs de traitement inévitables (Pullman & Seto, 2012). Quant à eux, les adolescents manifestant davantage d’intérêts sexuels déviants à l’évaluation nécessitent une prise en charge différente. Quelques auteurs suggèrent que la thérapie cognitive-comportementale leur serait davantage bénéfique, puisqu’elle mettrait l’accent sur la gestion de l’excitation sexuelle (Pullman & Seto, 2012).

En résumé, un consensus de plus en plus grandissant suppose que les interventions axées sur la famille, ciblant plusieurs sphères de vie de l’adolescent, sont parmi les plus efficaces auprès des adolescents ayant perpétré un délit sexuel (Letourneau & al., 2009).

1.6 Les facteurs de protection et la prévention

L’intérêt porté aux facteurs favorisant le succès d’un traitement, plus particulièrement les facteurs de protection, est en plein essor. Les écrits scientifiques sont encore peu nombreux à s’intéresser aux facteurs favorisant la non-récidive sexuelle, voire même absents de la documentation (Spice & al., 2012). La communauté scientifique s’entend pour affirmer qu’il y a un besoin urgent d’investiguer davantage cette avenue (Farrington, 2007 cité par Spice & al., 2012). À la lumière de la documentation scientifique, un nombre limité

(31)

22

d’études auraient abordé les facteurs favorisant l’arrêt d’agir des comportements délinquants sexuels, celles-ci étant l’étude de Spice et al. (2012) et de Franey, Viglione, Wayson, Clipson, et Brager (2005). Malgré son échantillon restreint, l’étude de Franey et

al. (2005) révèlent que le soutien familial et thérapeutique ainsi que l’opportunité de

s’exprimer lors du traitement seraient des facteurs ayant favorisé la non-récidive sexuelle chez ces adolescents.

De leur côté, les résultats de l’étude de Spice et al. (2012) démontrent que la relation entre la récidive sexuelle et les facteurs de protection étudiés, à savoir le soutien social, familial et thérapeutique, l’engagement social et scolaire, un attachement sécurisant, une attitude positive au cours de l’intervention ainsi que d’avoir une personnalité résiliente, ne serait pas statistiquement significative (Spice & al., 2012).

De surcroît, la prévention des délits sexuels chez les individus mineurs est évidemment souhaitée, mais ce domaine n’est qu’en émergence. La méta-analyse de Seto et Lalumière (2010) dévoile que certains facteurs de risque peuvent être ciblés avant même qu’un délit sexuel ait lieu (Pullman & Seto, 2012), permettant d’élargir progressivement ce champ de recherche. Les orientations gouvernementales favorisent également la prévention et le dépistage en matière d’agression sexuelle, lesquels sont justifiés comme étant des conditions de réussite à la non-récidive auprès des auteurs d’abus sexuels.

En conclusion, la documentation scientifique disponible sur le thème des adolescents auteurs d’agressions sexuelles est en développement. De ces écrits se dégagent différentes perspectives contribuant à expliquer l’apparition, le développement et le maintien d’un comportement sexuel délinquant chez les adolescents. Bien que leurs trajectoires de vie diffèrent d’un adolescent à l’autre, l’essentiel est de favoriser notre compréhension de leur dynamique afin d’améliorer nos pratiques et ainsi les aider le plus adéquatement possible, eux et leurs proches. Bien modestement, cette recherche pourra bonifier les connaissances actuelles dans le domaine des agressions sexuelles juvéniles. En plus de connaître les facteurs de risque sur lesquels les praticiens doivent intervenir afin d’aider les adolescents, il n’en demeure pas moins que ceux-ci possèdent des forces pouvant être utilisées comme levier d’intervention par les praticiens. À cet effet, le modèle axé sur les forces est une

(32)

23

approche de référence à laquelle bon nombre d’intervenants adhèrent en pratique. Selon Dorais (2015) :

Les concepteurs du modèle axé sur les forces insistent sur le fait que tout individu possède la faculté d’apprendre, de changer et d’apprendre sur sa propre vie. Pour ce faire, il doit puiser dans ses propres ressources et dans celles de son entourage. (Dorais, 2015, p.104-105)

Travailler à réduire les facteurs de risque, tout en travaillant à renforcer les facteurs de protection avec l’adolescent, s’avère une dyade prometteuse et représente bien la tangente de ce projet de recherche.

1.7 Limites des études actuelles

Bien qu’étant plus exploré dans les dernières décennies, le thème des adolescents ayant commis des abus sexuels est encore naissant comparativement à d’autres objets d’étude. Plusieurs limites peuvent donc être évoquées.

En premier lieu, des limites nuisant à la généralisation des résultats sont observées. Les populations d’adolescents auteurs d’abus sexuels étudiées sont souvent limitées et hétérogènes (Christiansen & Vincent, 2013; Langton & Barbaree, 2006). À titre d’exemple, un grand nombre de recherches ne différencient pas les caractéristiques de la victime quant à son âge ou son genre, ou encore le nombre de délits sexuels antérieurs commis (Langton & Barbaree, 2006).

De plus, les adolescents ayant commis des agressions sexuelles étant reconnus comme étant un groupe hétérogène, plusieurs chercheurs ont tenté d’établir des typologies afin de les distinguer. Néanmoins, ces typologies sont jusqu’à présent basées sur le jugement clinique de ceux qui les développent et ne sont pas validés empiriquement (Veneziano & Veneziano, 2002). Celles-ci sont établies différemment d’un chercheur à l’autre, certains s’appuyant sur les caractéristiques du délit alors que d’autres s’appuient davantage sur les caractéristiques psychologiques de l’auteur de l’infraction sexuelle (Veneziano &

(33)

24

Veneziano, 2002), créant des typologies différentes d’un chercheur à l’autre et nuisant à la validité externe (Moore, Franey & Geffner, 2005).

Les petites tailles d’échantillon utilisées pour mener les recherches sont une limite supplémentaire constamment évoquée dans les écrits scientifiques, impliquant une difficulté à généraliser les résultats de ces études (Christiansen & Vincent, 2013; Franey & al. 2005; Righthand & Welch, 2005).

Dans un autre ordre d’idées, plusieurs auteurs s’entendent pour affirmer que le langage utilisé dans la documentation scientifique afin de définir les adolescents ayant commis des délits sexuels (« juvenile sex offender ») est péjoratif et a un effet stigmatisant (Moore, Franey & Geffner, 2005; Langton & Barbaree, 2006). Langton et Barbaree (2006) estime que d’étiqueter les jeunes auteurs d’abus sexuels comme étant des délinquants sexuels peut les priver du soutien et des services nécessaires dans leur réhabilitation.

Une dernière limite est que bon nombre de chercheurs se sont intéressés à la prédiction de la récidive, mais peu d’entre eux ont examiné de plus près les adolescents n’ayant pas commis de récidive, ou encore, ce que deviennent les jeunes auteurs d’abus sexuels une fois que leur thérapie est terminée (Franey & al., 2005). Néanmoins, prédire la récidive s’avère pratiquement impossible. À ce propos, Dorais (2015) écrit :

on peut tenter de jauger les chances de succès d’une intervention et les risques encourus, mais on ne peut jamais préjuger de l’avenir. Une évaluation clinique ou un diagnostic ne sont pas des prophéties. Ce sont uniquement des hypothèses. Seuls les faits montreront si elles étaient justes ou pas. (Dorais, 2015, p.211).

Devant l’impossibilité de prédire un comportement, il n’en demeure pas moins que l’étude des facteurs de protection et des forces des jeunes se révèle comme étant une alternative à explorer en opposition à l’étude des facteurs de risque de récidive. À ce propos, Franey et al. (2005) formulent: « It would seem that studying what we have done right and what has helped these offenders might allow us to evaluate and to enhance treatment models» (Franey & al., 2005, p. 296).

(34)

25

Cette citation renforce le fait que pour améliorer nos connaissances et la pratique, non seulement il demeure nécessaire de connaître et diminuer les facteurs en lien avec le risque de récidive, mais également d’adopter une approche plus positive, en misant entre autres sur l’espoir, l’augmentation de l’estime de soi et en travaillant en collaboration avec les auteurs d’abus sexuels (Marshall & al., 2005).

(35)

26

2 Cadre conceptuel

La perspective théorique de l’interactionnisme symbolique servira d’angle d’approche à la recherche. L’émergence de ce cadre théorique provient à la fois d’un désir de se distancer des paradigmes déterministes dominants à l’époque et s’intègre également au courant de pensée sociologique américain de l’école de Chicago développé au début des années 1900 (Le Breton, 2008).

Englobant ce cadre conceptuel, le paradigme constructiviste s’intéresse particulièrement aux processus d’interactions entre les individus, ainsi qu’aux contextes spécifiques dans lesquels les individus évoluent, afin de comprendre les interprétations que font les individus de leur monde (Creswell, 2009). Ce cadre théorique postule que les humains développent un sens subjectif à leurs expériences et en font des interprétations multiples et variées. C’est ainsi dire que la réalité sociale est construite à partir du sens qu’en donne chaque individu et est toujours sujet à interprétation.

Le paradigme constructiviste orientera la recherche, puisque celle-ci s’intéresse à l’expérience et à la réalité des acteurs concernés afin d’explorer et de mieux comprendre la perception de leur monde et de leur vécu et ainsi, répondre à la question de recherche, à savoir l’exploration de facteurs de protection favorisant la non-récidive. La section suivante définit les principaux concepts de l’interactionnisme symbolique, expose les propositions de recherche ainsi que les concepts essentiels à la réalisation de l’étude.

2.1 Définition des principaux concepts et justification du cadre conceptuel Pour l’interactionnisme, l’individu est un acteur interagissant avec les éléments sociaux et non un agent passif subissant de plein fouet les structures sociales à cause de son habitus ou de la ‘force’ du système ou de sa culture d’appartenance. (Le Breton, 2008, p.46).

La théorie de l’interactionnisme symbolique a subi plusieurs remaniements au cours des années. En quelques mots, cette théorie permet d’étudier les phénomènes sociaux en accordant une attention particulière aux interactions sociales et à leurs significations individuelles et collectives. En outre, l’interactionnisme symbolique cherche à comprendre

Figure

Tableau 1. Opérationnalisation des concepts à l’étude

Références

Documents relatifs

Avec l'allongement de la durée du jeûne, le pourcentage de tentatives de sondages (toutes espèces confondues) augmente chez les deux sexes. Selon les espèces, le

Mair W, Sgro` CM, Johnson AP, Chapman T, Partridge L: Lifespan extension by dietary restriction in female Drosophila melanogaster is not caused by a reduction in vitellogenesis

Contradictory to our expectations, we found that B7RP-1, through interaction with its ligand ICOS on T cells, also provides an inhibitory signal for T-cell activation in the setting

21250, USA, 69 Interfaculty Institute for Genetics and Functional Genomics, University of Greifswald, Greifswald, Germany, 70 Department of Medicine and 71 IFB Adiposity

ﺎﻴﻨﺎﺜ : ﺔﻴﺍﻭﺭﻟﺍ ﻲﻓ ﻑﻨﻌﻟﺍ ﺕﺍﺭﻬﻅﻤﺘ 1 - ﺔﻐﻠﻟﺍ ﻑﻨﻋ : ﹸﺘ ﺩﻌ ﻭﺃ ﺏﺘﺎﻜﻟﺍ ﻡﺎﻤﺘﻫﺍ ﺀﺎﺠ ﺎﻨﻫ ﻥﻤ ﺎﺼﻭﺼﺨ ﺔﻴﺍﻭﺭﻟﺍﻭ ﺎﻤﻭﻤﻋ ﺏﺩﻷﺍ ﺓﺩﺎﻤ ﺔﻐﻠﻟﺍ ﻡﺴﺭ ﻲﻓ ﺩﺭﺎﺴﻟﺍ

[r]

la notion de prévention en matière criminelle. Si le rôle premier du droit criminel est de sanctionner des infractions qui ont déjà été commises, la prévention du crime ne lui

entre le vendeur et le trésorier;le cours retenu est donc à la fols celui de la prise de décision - et donc de l’entrée en position ; le cours à terme du jour de la commande, et