• Aucun résultat trouvé

Les roses flamboyantes en France

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les roses flamboyantes en France"

Copied!
201
0
0

Texte intégral

(1)

Département d'histoire

LES ROSES FLAMBOYANTES EN FRANCE

MIREILLE GIRARD

Mémoire

présenté

pour l'obtention

du grade de maître ès arts (M.A. )

Faculté des études supérieures

UNIVERSITE LAVAL

(2)

lief

zhjïoml

(3)

ET DÉPARTEMENTS MÉTROPOLITAINS

NORD V'\ - PAS-DE-CALAIS. V-, .. PAS-DE-CALAIS) '-. .7 N0"° SOMME ' ' \

Y''-'—; / SEINE-MARITIME PICARDIE

X - ! AC* ^ : ' r-T—

7"-—NORMANDIE dise ./ / " -, •-,

CALVADOS .T -,

BASSE NORMANDIE . eure " "7... marne M0SEUf

.—i T2., T

, / / AROENNE. .

—. .. ™ /

/ pwf me ) T" y"- ,: % /

^.; gaE._^k^X "" / '

Ci < LOIRE ATLANTIOUE \ f •<■'.• \ «amc 7 cHtï-oor < FRANCHE-COMTÉ V.L—

^ - .\ ^ÀioGNE Mr »*, ./"

V... or'\_x x r, \

-"--y S.

VENOÉE : DEUX- / T "* ■■'•-.SAONE-ET-LOIRE ; *

; SEVRES f ««NE -,_ \ ,...)

. s, À...•".-K AULffl

PdlTOU-CHAREMTES C'mi

Ni ''■■y'""'.* " O.VIENNE \ CREUSE \ i 5iN ' H,i-SAV0IE

«CHARENTE-... J ./" LIMOUSIN ■■' PUY"°E"06,<E ■ SHONE MARIT*': CHARENTE -Y. uinuuou» . .. , LOIRE '

' ( AUVERGNE -, ,SFR; SAV0IE , , . C°re£Zi ■ ... ... ... RHONE-ALPES \ * " DORDOGNE HAUTH-tOIRE .

A """"" r y W L-/V " Y MOME , / ""™WSS . , AQUITAINE f""" S )-; ... ..À

- LOT-ET-GARONNE r S METRO* -., 7"" """" " - ALPES / X... TARN- ._.VAUCLUSE OE-HIWTOVENCE , yp^.

UNDES I/... "" ?et«ronne .> GARD ALPES-PROVENCE-COTE D'AZUR

/ e* x.r" 'T?" ..." v-, HTL "X : HÉRAULT /7Z BOUCHES-OU-RHONE ) - " PYRENEES- "> BARONNE - .: ../ : Z atlantiques LANGUEDOC-ROUSSILLON -• hautes- \ V V— '"-T. _ ; "■«“ j 7 ARIEBE ; AUDE .... / PYRENEES ORaus ( HAUTE-CORSE 7 CORSE Z CORSE ou ' SUD •

(4)

AVANT-PROPOS

Nous tenons à exprimer notre sincère gratitude à M.Roland Sanfaçon qui a tout d'abord approuvé notre sujet de mémoire et en a ensuite assumé la direction. Nous lui devons le crédit photographique de toutes les roses sélectionnées pour la présente étude, et les nombreuses rencontres qu'il nous a réservées ainsi que ses précieux conseils ont largement contribué à 1 ' élaboration d'un texte qui se veut le plus près possible de la vérité physique et historique.

La lecture préalable très détaillée de notre travail par M.Claude Bergeron et les suggestions qu'il a offertes à la

suite de cette étape ont aussi

beaucoup

aidé la rédaction

finale de notre sujet. Nous lui en sommes entièrement reconnaissante.

C'est aussi à notre fille Julie Angers qui, tout au long de 1'élaboration de notre recherche, a su écouter patiemment les multiples lectures et corrections que nous avons effectuées et

qui nous a constamment soutenue et

encouragée,

que vont nos

affectueux remerciements. C'est à elle que nous dédions ce mémoire.

(5)

RESUME

Avec "Les roses flamboyantes en France", nous avons voulu présenter une étude systématique d'un sujet encore neuf. Près de quatre-vingt roses, réalisées entre 1380 et 1550, ont d'abord été classifiées en quatre grands types de remplage: les souffiets-mouchettes, les rose à pétales, les multiples cercles, les divers polygones. Par ailleurs, trois périodes principales ont été distinguées : entre 1380 et 1435, entre

1435 et 1480, entre 1480 et 1550. Les derniers chapitres sont consacrés aux roses appréhendées dans leur province respective, afin de mieux souligner leurs tendances et caractères propres, comme la fusion des motifs en Picardie (Amiens, Abbeville), ou encore 1'harmonie des roses des Chambiges autour de Paris.

(6)

SOMMAIRE

AVANT-PROPOS.

1

RESUME.

2

SOMMAIRE.

3

INTRODUCTION.

4

Chapitre 1.

UNE NOUVELLE TYPOLOGIE S'IMPOSE, VARIABLE ET

21

EXPANSIBLE.

lë série de planches.

après page 53

Chapitre 2.

TROIS GRANDES ETAPES CHRONOLOGIQUES SUGGEREES 54

PAR LA TYPOLOGIE.

Chapitre

3. LES STYLES REGIONAUX DES PROVINCES DU NORD 61

PICARDIE, NORMANDIE, BRETAGNE.

2e série de planches.

après page 104

Chapitre 4.

LES AUTRES PROVINCES FRANÇAISES: LEURS ROSES

FLAMBOYANTES SONT SOUMISES A DIVERSES INFLUENCES. 105

3e série de planches.

après page 141

CONCLUSION.

142

NOTICES COMPLEMENTAIRES :

146

topographiques,historiques et descriptives.

(7)

INTRODUCTION

C'est probablement la rose qui s'impose comme la plus complète expression de l'art des bâtisseurs gothiques en France, parce qu'elle définit une image tangible où s'opposent et se retrouvent les deux grandes valeurs de l'homme médiéval qui étaient: tout d'abord, son labeur (traduit par la forme de la roue), et aussi son idéal d'accéder à la beauté (beauté sublimée ici dans la forme si pure de la fleur).

Nous avons choisi comme sujet de mémoire, la classification et 1'analyse régionale des fenêtres en forme de rose qui se retrouvent dans les façades des cathédrales et des églises flamboyantes, parce qu'aucune oeuvre historique n'a été

consacrée

à l'étude exclusive de ces dernières depuis quatre

siècles. Le corpus de notre recherche comprendra uniquement deux grands volets. Le premier, consacré à la typologie des motifs de remplage, déterminera dans un premier chapitre, que ceux-ci sont distribués à travers toute la France en quatre grandes familles de motifs pouvant les contenir tous et permettre ainsi de les classifier. Un deuxième chapitre assez court, mettra en lumière la chronologie naturelle qui s ' établit à la suite de l'étude des motifs et de leurs principales caractéristiques, nous y percevrons trois tranches chronologiques bien définies pour 1'ensemble de l'époque flamboyante.

(8)

A 1'intérieur du deuxième volet (celui-ci comportera aussi deux chapitres distincts), nous retrouverons les mêmes roses mais regroupées cette fois au sein des provinces qui les abritent (un chapitre traitera des provinces du nord et un autre incluera toutes les autres provinces). Nous essaierons alors de dégager les principaux traits ou caractères régionaux qui confèrent un tempérament particulier aux roses qui s'y trouvent. Tempérament qui fait qu'une rose flamboyante normande est bien différente d'une autre sise en Ile-de- France. Pour prouver cette assertion, nous ferons appel à de nombreux aspects visuels des roses : remplages, insertion,

implantation et relation avec le reste de la façade. Nous nous attarderons un peu aussi à la façon même de concevoir 1'oeuvre à bâtir, façon profondément différente pour chaque région de la France parce que tributaire d'un style local et d'une tradition propre à chacune des provinces concernées.

Avant de procéder à l'étude proprement dite de notre sujet, nous avons cependant opté pour une présentation globale de la rose et de ses antécédents. Nous avons aussi décidé d'attirer 1'attention du lecteur sur quelques aspects techniques qui ont jusqu'à un certain point favorisé 1'évolution des remplages1 à 1'époque flamboyante. Il nous semble également intéressant de soulever la question très controversée de la paternité des

1 Remplage: armature de pierre des vitraux d'une fenêtre, notamment gothique. (Larousse).

(9)

motifs de remplages flamboyants qui serait tantôt anglaise, tantôt française, selon les différents historiens. Nous ne trancherons pas la question, mais nous nous contenterons seulement d'apporter notre point de vue sur ce sujet.

Commençons donc par définir globalement ce que sont les roses ou fenêtres circulaires, et mentionnons brièvement leur évolution à travers les siècles. Les rosaces qui précédèrent les grandes roses rayonnantes et flamboyantes trouvent leur origine dans les premiers oculi (fenêtres rondes) des églises romanes provençales et toscanes. Ces petits cercles étaient alors constitués d'albâtre et de verre, mais lorsqu'on décida de pratiquer de bien plus vastes ouvertures circulaires à partir du Xlle siècle, l'ajout de supports internes en pierre s'avéra indispensable. La réalisation de ces derniers nécessitait cependant une rare habileté de la part des maçons et sculpteurs, et c'est pourquoi plusieurs architectes ont longtemps préféré les anciennes traditions romanes des ouvertures rectangulaires pour éclairer leurs façades. Ainsi en fut-il pour Saint-Denis (où l'on retrouve malgré tout la première véritable petite rosace en 1144); Sens et Senlis ont aussi de minuscules roses surmontant d'imposantes verrières.

Parfois, on a préféré le système des longues et étroites fenêtres accolées en triplet comme à Saint-Alpin de Châlons (refaite au XlIIe), ou à 1'église de Mortain, ou encore à la

(10)

cathédrale de Saint-Pol-de-Léon. D'autres fois, on les a réunies sous une puissante archivolte comme aux transepts des cathédrales de Lisieux, de Coutances et de Bayeux. Il est aussi souvent arrivé qu'on choisisse de juxtaposer un nombre encore plus important de ces fenêtres, comme à Vézelay. Mais à partir de la deuxième moitié du XlIIe siècle et jusqu'au début du XVI e siècle, aux lancettes juxtaposées, on a privilégié la formule des longues baies conçues dans le style des autres fenêtres du même édifice et adoptant bien sûr 1'aspect de 1'époque de conception de ces dernières. Ainsi la période rayonnante nous offre-t-elle de superbes exemples à la face ouest de la cathédrale de Coutances et de Saint-Martin de

Laon et à la façade latérale

nord

de la cathédrale de Meaux.

Pour le gothique flamboyant, des exemples somptueux de cette façon de faire sont observables dans toute la France aux façades principales de la cathédrale de Vienne et à Saint- Antoine de Viennois en Isère, ainsi qu'à la cathédrale de Tours et à la Trinité de Vendôme ou encore à Saint-Wulfran d'Abbeville. Mais, malgré le nombre considérable d'édifices percés de longues baies on peut dire que ceux-ci constituent quand même 1'exception; plusieurs de ces façades comprennent déjà une rose et généralement, en France, cette dernière va demeurer jusqu'à la fin du moyen âge, un des éléments dominants des façades monumentales.

(11)

roses pendant plus de quatre siècles, qui nous permet d'en retrouver aujourd'hui des versions tellement variées et toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Ainsi, avons-nous le plaisir d'admirer successivement celles à meneaux droits du gothique rayonnant, toutes simples dans leur sage ordonnance au rythme bien cadencé, comme aux grandes façades de Notre- Dame de Paris, de Reims ou encore de Strasbourg. Puis, nous passons par les roses étrésillonnées au dessin plus sec que nous retrouvons au "Portail de la Calende" de la cathédrale de Rouen, et à la rose septentrionale du transept de la cathédrale de Sées. Nous découvrons encore d'autres roses mettant en valeur des combinaisons de cercles, comme à Cahors et à Saint-Pierre de Caen, ou encore celles où se jouent des agencements captivants de triangles et de carrés curvilignes, comme on les retrouve à Montpezat en Quercy (pour les triangles) , et à la façade sud de la cathédrale de Bordeaux et à Saint-Nicolas de Toulouse (pour les carrés). Et finalement, la période flamboyante nous offre 1'éventail le plus varié de toutes les formes ondulantes que les remplages peuvent emprunter.

Alors que les roses traditionnelles connaissaient déjà un succès inégalé en France et que les artistes, maçons et sculpteurs, pouvaient réaliser ces chefs-d'oeuvre en se jouant de toutes les difficultés dans ce domaine (penser à Notre-Dame de Paris, Chartres, Reims, Laon et combien d'autres encore),

(12)

pourquoi alors cette recherche nouvelle de formes pour les remplages à 1'époque flamboyante eut-elle une importance si grande? C'est à cette question que nous essaierons maintenant de répondre.

Il demeure difficile de démontrer avec exactitude comment les formes des remplages ont pu subir des transformations aussi radicales dans un laps de temps si bref du XlVe au XVe siècle. Il semble possible d'expliquer ces modifications par 1'évolution des procédés de construction qui furent mis à l'essai au cours des siècles concernés, tout en n'écartant pas l'effet des influences fort diverses que subirent les artistes. Ces derniers profitaient d'une part, d'une plus grande facilité de déplacement entre régions et pays et,

d'autre part, il leur fallait bien se soumettre

aux

goûts

nouveaux, imposés par les différents monarques et dirigeants.

Nous nous arrêterons tout d'abord à 1'aspect technique de la question en mentionnant les changements dans la façon même d'installer la rose dans la paroi et, parallèlement, nous aborderons aussi les autres parties constituantes de la section centrale de la façade. Même si certains éléments comme les galeries, les gables et parfois les pignons nous apparaissent fréquemment comme des ajouts purement décoratifs, ils demeurent fondamentalement des signes distinctifs du gothique flamboyant à cause des formes nouvelles qu'ils

(13)

empruntent à cette époque. Quant au portail, il reste la pierre angulaire de tout édifice, et son importance dans 1'ensemble de la façade est primordiale.

Dès le début du XlIIe siècle, alors que les architectes commencèrent à créer des roses dont le diamètre atteignait plusieurs mètres ( Notre-Dame de Paris voit éventuellement les deux roses qui ferment les extrémités de son transept, s'étaler sur treize mètres de diamètre), ils eurent à faire face au problème d'affaiblissement que de telles ouvertures dans les parois porteuses pouvaient causer et ils réagirent d'une façon très ingénieuse. Comprenant que 1'immense pesanteur de maçonnerie qui surmontait ces gigantesques trouées risquait d'en écraser la membrure, ils prirent 1'habitude d'installer les roses assez haut dans la façade, afin que ces dernières puissent se retrouver encadrées sous une voussure contiguë à la douelle du compartiment de la voûte maîtresse de 1'édifice lui-même.

La voûte étant presque toujours fort élevée, il se trouve que le compartiment ou section centrale de façade dont la rose va occuper la partie haute, prend en général la forme d'un vaste rectangle. L'espace existant entre le haut des portails et la rose est donc plus ou moins grand (dépendant des dimensions de ces éléments), et la façon utilisée pour décorer cette section sera donc fort variable. C'est ainsi qu'on y retrouve parfois

(14)

une rangée de fenêtres, et très souvent cette même surface se voit masquée par une arcature. On y remarque aussi fréquemment une galerie surmontant l'étage des portails (on en retrouve deux, superposées à la façade principale de la cathédrale d'Amiens). Cette galerie pouvait traverser toute la façade ou n'en occuper que la partie centrale, comme à Poitiers et à Saint-Pierre de Caen, où les façades sont d'ailleurs moins typiques du premier gothique et pas encore flanquées de deux tours implantées sur les bas-côtés. Ensuite on décida d'ajourer cette galerie et de lui ajouter des vitraux (pour certains édifices) et elle devint souvent passage de communication.

En ce qui a trait à la rose elle-même, on prit assez tôt des habitudes dont certaines furent corrigées ultérieurement pour des raisons de solidité. La première que l'on allait conserver, parce qu'elle démontra assez vite sa supériorité sur la deuxième, consistait à encadrer la rose d'une puissante voussure formant saillie et tracée soit en plein-cintre soit en tiers-point, ces formes s'accordant très bien avec le cercle de la rose. Une deuxième manière s'imposa aussi assez tôt et c'était celle d'inscrire, comme au transept de Notre- Dame de Paris, la rose dans un carré dont on se mit à décorer les angles. Mais les maîtres-bâtisseurs voulant toujours alléger le poids global de la maçonnerie avaient déjà ajouré les écoinçons inférieurs de la rose à la façade nord de la

(15)

cathédrale de Chartres vers 1230. Puis ils se risquèrent à imiter la même formule aux angles supérieurs. On en retrouve de forts beaux exemples aux deux façades du transept de la cathédrale de Clermont - Ferrand et au bras sud de la cathédrale de Tours. Cette pratique s'avérant trop dangereuse et pouvant provoquer des ruptures, elle fut cependant abandonnée très rapidement.

Les gables qui surmontent les fenêtres et parfois les roses, mais le plus souvent les portails des églises, firent aussi une apparition assez hâtive à 1'époque rayonnante mais atteignirent souvent des proportions colossales et des dispositions fort inusitées durant le gothique flamboyant. Il n'y a qu'à évoquer la cathédrale de Limoges et celle de Toul pour vérifier cette assertion. Ils devinrent rapidement des cadres et supports intéressants pour toutes sortes d'objets comme des horloges ou des crucifix, et on les vit bientôt s'orner de petites rosaces ou encore de statues. Les longs côtés lisses de ces triangles ou rampants se garnirent fréquemment de crochets ou de choux frisés et ils se coiffèrent de fleurons ; souvent on essayait de jumeler la décoration du gable de la rose à celle couronnant le portail.

Le pignon qui ferme en général le grand comble se vit parfois éliminé, soit pour une question de goût, mais aussi dans certains cas, pour aider encore à alléger le poids de

(16)

maçonnerie surmontant la rose. C'est le cas au bras nord du transept d'Amiens et aux deux façades latérales de la cathédrale de Clermont. Cette suppression est beaucoup plus rare aux façades principales où le pignon est souvent épaulé par deux tours. A partir du XlIIe siècle, on a commencé à apporter beaucoup de raffinement dans la décoration de ces pignons et bien sûr cette tradition se poursuivit avec encore plus de détails à la période flamboyante. En plus de 1'habitude déjà acquise de les percer de petites roses et de les surmonter d'un fleuron, on se mit à y introduire des figures ou encore à les garnir de faux remplages ou bien de moulures prismatiques. Cette dernière façon de faire fut très en vogue jusqu'à la fin du XVIe siècle.

Après avoir surtout décrit les éléments se situant dans 1'environnement immédiat de la rose, nous nous attarderons à la partie fondamentale de toute la zone centrale de la façade, celle des portes ou du portail. La préséance revenant à la rose pour notre travail, nous nous excusons de 1'inversion dans l'ordre traditionnel de la présentation des parties. La relation entre ces deux éléments primordiaux de toute la façade (portail et rose) est assurée, comme nous l'avons mentionné plus tôt, par la surface plus ou moins importante qui les relie. Il est cependant fréquent de constater un

profond manque d'unité dans cette jonction. Cet état de

chose

(17)

des édifices conçus à 1 'époque rayonnante où il arrive parfois de retrouver un portail à connotation fort ancienne surmonté d'un gable et d'une rose flamboyants. Aussi est-il est fort heureux de constater que les constructions flamboyantes, surtout celles de la deuxième moitié du XVe siècle, offrent une plus grande homogénéité dans leurs façades, car à partir de cette période, les travaux ne furent plus interrompus par les guerres.

Nous nous attarderons maintenant uniquement sur les détails de la porte centrale et du modèle que l'école de 1'Ile-de-France a adopté dès le XlIIe siècle ; celui-ci se répandit rapidement dans toute la France et, malgré quelques changements de détails, jusqu'à la toute fin du gothique. Nous en énumérerons d'abord brièvement les caractéristiques essentielles. Tout d'abord, les portes centrales sont assez hautes et souvent fort larges pour comporter deux battants. A l'époque flamboyante, leur baie ou ouverture est amortie par un arc en anse de panier surmonté ou non d'une accolade. Le tympan généralement sculpté, qui remplit l'écart existant entre cet arc et la porte, est soutenu par un linteau horizontal, étayé à son tour par un pilier central pouvant prévenir un affaissement possible de ces différentes parties sous la masse de maçonnerie les surmontant. La coutume veut que l'on couronne les portes d'une puissante archivolte comportant plusieurs voussures en retrait les unes des autres, formant un

(18)

ébrasement plus ou moins prononcé selon leur nombre.

Il faut bien admettre que c'est 1'époque rayonnante qui fut vraiment celle des riches portails où la multitude des niches et statues ornant les grands ébrasements atteignit un luxe et un déploiement inégalés. A la période flamboyante, on retrouve des portails comptant moins de voussures et le nombre des statues garnissant les montants des portails est toujours moindre; par contre comme on se mit à décorer les contreforts faisant saillie entre les portes, l'effet général n'en parut pas moins intéressant. Il arrive que l'on retouve seulement quelques voussures comportant des figures et qui alternent avec d'autres voussures ornées de moulures et de feuillage. L'effet décoratif de 1'archivolte s'enrichit souvent d'une ligne de festons découpés à jour, à la voussure extérieure. Nous découvrons déjà cette façon de faire aux trois portes de la façade d'Amiens. Cet exemple qui est sans doute le plus ancien se répandra rapidement dès la fin du XlVe siècle et pendant tout le règne du style flamboyant, nous en retrouvons de forts beaux spécimens à la porte sud du transept de Senlis et aux cathédrales de Troyes et de Tours. Si la plupart du temps, le portail est plaqué sur la façade de manière à laisser saillir les contreforts, en Normandie, l'écho des portails fut projeté dans des porches faisant saillie vers 1 ' avant avec une audace tout à fait incroyable qui leur conféra une allure gigantesque et quasi royale. Les plus

(19)

remarquables exemples de porches ainsi créés se retrouvent à Saint-Maclou de Rouen, à la cathédrale de Rouen, à Caudebec- en-Caux, à la Trinité de Falaise et à Notre-Dame d'Alençon.

Ayant consacré une bonne partie de notre introduction à la rose elle-même et aux nombreuses parties complétant son insertion dans la façade, il va de soi que nous désirions maintenant orienter 1'attention de nos lecteurs sur les remplages des roses, leur évolution et les influences qui provoquèrent leur mutation stylistique à 1'époque flamboyante. Le sujet des remplages flamboyants et de 1'utilisation quasi arbitraire des courbes et contre-courbes à un moment de 1'histoire architecturale française où rien, ou presque, ne laissait prévoir une telle liberté expressive dans les réseaux des fenêtrages, a fait couler beaucoup d'encre et suscité de nombreuses querelles d'historiens.

Les analogies plus qu'évidentes qui existent entre les tracés sinueux du "decorated" ou "curvilinear" anglais (1250-1350) et ceux du gothique flamboyant français (1380-1550) sont à bien des points de vue fort intéressants et peuvent souvent laisser supposer que le deuxième style est originaire du premier. Nous préférons rendre hommage aux deux sortes de réseaux et rappeler qu'ils rendent tous deux justice à cette recherche nouvelle d'une expression plus sensible, d'un sens artistique plus exacerbé qui se voulait moins monumental et moins strict

(20)

et surtout plus proche de 1'homme lui-même. Dès le début du XlIIe siècle, les artistes français avaient eux aussi pris conscience de 1'accolade et des formes ondulantes, et il est indiscutable qu'à cette époque les architectes connaissaient les voûtes à liernes et tiercerons, puisque nous en retrouvons une à 1'église des Jacobins à Toulouse, qui fut consacrée en 1292, et qu'un demi-siècle plus tôt, 1'architecte français Villard de Honnecourt dessinait dans son album une voûte

conçue d'après les mêmes principes.

L'étude des remplages montre encore mieux que les dessins des voûtes, les liens qui rattachent le flamboyant au style qui l'a précédé. C'est en observant de très près les points de jonction des remplages rayonnants que l'on repère la présence de légères courbes. Ce sont en fait ces liaisons entre les parties pleines, tout autant que la présence des accolades que l'on retrouve un peu partout, mais plus particulièrement dans 1 ' architecture funéraire, qui très tôt fascinèrent l'oeil des artistes français et orientèrent leur goût vers des remplages aux réseaux contournés.

Quant à la présence des mouchettes, elles sont perceptibles à l'église de Saint-Urbain de Troyes dès 1266, où elles ajoutent une note toute nouvelle de légèreté aux fenêtrages. A la cathédrale de Narbonne, on découvre aussi à la fin du XIIle siècle deux mouchettes épaulant le grand losange curviligne

(21)

qui orne chacune des fenêtres éclairant la deuxième travée au Nord et au Sud. Il y a aussi des mouchettes dans le dessin des deux grandes fenêtres de la première travée du choeur de la cathédrale de Nevers, toujours vers la même époque. A la cathédrale d'Evreux, les murs des chapelles latérales sont décorés de fenêtrages aveugles où les contre-courbes du flamboyant sont très perceptibles et cela dès 1280. Quant aux soufflets, même si on les rencontre en moins grand nombre, la cathédrale d'Evreux en exhibe de très élégants à l'étage du triforium du transept.2

Mais c'est sans aucun doute à la cathédrale d'Amiens que la relation des remplages flamboyants avec ceux de 1'époque rayonnante est la plus éloquente et ne souffre aucun démenti. Il s ' agit bien entendu des remplages de la rose de la chapelle du cardinal de la Grange (représentés à la fig.75 au chapitre de la typologie) , réalisés vers 1375 et où se retrouve la présence des premières mouchettes comme motifs de raccord entre les figures géométriques. Ces remplages sont la preuve évidente qu' il y a bien eu une tradition et une évolution dans l'art et la façon française de penser les réseaux; ce qui permet d'éloigner la thèse d'une importation massive des motifs du "decorated" anglais dans le dessin des fenêtrages flamboyants français.

2La plupart des détails ici mentionnés, ont été recueillis par le célèbre historien Robert de Lasteyrie et annotés dans son ouvrage "L'Architecture religieuse en France à 1'époque gothique".

(22)

Nous croyons personnellement que l'art s'accomode assez bien de certains emprunts qui peuvent enrichir mutuellement la production artistique de chaque pays, et que ni la France ni 1'Angleterre n'échappèrent à ces influences et à bien d'autres venant d'ailleurs, sans aucun doute. Il est cependant un point majeur que Messieurs de Lasteyrie et Viollet-le-Duc ont souligné avec insistance au cours de leurs recherches. C'est que "des nécessités d'ordre technique" ont joué un rôle important dans la naissance des remplages flamboyants. M. de

Lasteyrie dans son ouvrage :

L'architecture religieuse en

France à l'époque gothique,

s'exprime sur le sujet dans les

termes suivants : "Pour assurer la solidité des grandes rosaces occupant le sommet des fenêtres, on fut conduit à

garnir

de

mouchettes les vides qui les séparent de

1'archivolte. C'est par une recherche de simplification très naturelle et très raisonnable qu'on fut amené à transformer les quatre-feuilles en soufflets, et c'est très probablement 1'avantage qu'ils présentent au point de vue de 1'écoulement des eaux, qui a assuré le succès de ces tracés et de ces profils qui ne permettent aux eaux pluviales de séjourner nulle part."

De son côté, M.Viollet-le-Duc, dans son

Dictionnaire

,(tome

VI,p.341) a fort judicieusement montré comment les artistes français : "ont été conduits aux ingénieuses combinaisons de contre-courbes par le souci de consolider les vastes i

(23)

en renforçant leurs points faibles par des courbes qui tendent à rendre tous leurs membres solidaires".

Malgré toutes ces considérations fort savantes et très judicieuses, il n'en demeure pas moins que même si les courbes et contre-courbes furent utilisées plus précocement en Angleterre pour les remplages, nous constatons que ces dernières y atteignent rarement à la complète émancipation qui leur fut accordée en France. Il ne faut pas oublier qu'en sol français, ces nouveaux réseaux contournés dont les formes imitant tantôt les larmes, tantôt les pétales ou les flammes, contribuèrent à créer un style nouveau de remplage qui dura plus de deux siècles. Il faut tout de suite ajouter que ces formes souples et ondulantes servirent aussi pour toutes sortes de motifs décoratifs que l'on retrouve tant à 1'extérieur qu'à 1'intérieur des édifices, comme aux galeries, balustrades, fenêtres aveugles, clôtures de jubés, stalles de choeur, tombeaux, etc. Presque partout en Europe et surtout en Italie, en Espagne et en Allemagne, surgirent non seulement des monuments religieux mais aussi des châteaux, des hôtels de ville, des donjons et toutes sortes de constructions où se lit la marque incontestée de cet art audacieux qu'est le flamboyant. On 1'adopte d'emblée parce qu'il a cette qualité essentielle d'humanisme teinté de permissif et de fantastique qui s'adapte à 1'impérieux "besoin d'imaginer" des artistes.

(24)

CHAPITRE 1

UNE NOUVELLE TYPOLOGIE S'IMPOSE,VARIABLE ET EXPANSIBLE.

Les réseaux beaucoup plus souples des fenêtrages qui commencèrent à s'imposer au XIIle siècle, à l'époque du gothique rayonnant, puis en Angleterre à la période "decorated" de 1250 à 1350, se mutèrent sur le continent, à partir de 1380, en des formes très précises que l'on se mit à qualifier de soufflets et de mouchettes; ces nouveaux agencements fluides de courbes et de contre-courbes allaient bientôt se répandre partout en France et devenir une des marques notoires de l'art flamboyant.

Mais que sont donc en fait ces soufflets-mouchettes dont nous parlerons abondamment désormais? Si nous consultons tout

d'abord le

Dictionnaire Larousse illustré 1992,

nous y

retrouvons les définitions suivantes : soufflet " 1-instrument qui sert à souffler de l'air, à produire du vent pour ranimer le feu. 2- Archit. Dans le style gothique flamboyant, élément de remplage en forme de fer de lance ou de coeur" . Le mot mouchette est pour sa part défini d'une façon bien moins évocatrice dans le même dictionnaire. En effet on y lit sous la rubrique mouchette: "soufflet aux contours en courbe et contre-courbe, l'un des éléments des remplages de fenêtres dans le style gothique flamboyant".

Pour sa

part, 1

'historien d'art Camille Enlart, dans son

ouvrage:

Manuel d'archéologie française

,tome II définit ainsi

ces deux mots : "Le soufflet est une sorte de quatre-feuilles étiré ; la mouchette est une ellipse généralement courbe avec redents intérieurs, et ces éléments semblent résulter d'une fusion entre les trèfles et quatre-feuilles du XlVe siècle et les moulures dans lesquelles ils sont sertis." Presque tous les historiens sérieux, dont Robert de Lasteyrie et Francis Bond, se rattachent à cette terminologie ou en donnent une

(25)

définition similaire. Nous nous inclinons personnellement face au lexique architectural unanimement accepté en désirant toutefois ajouter quelques remarques qui pourraient aider à une lecture plus descriptive de ces deux éléments, du moins en ce qui concerne la compréhension de notre étude.

Après une minutieuse observation, nous avons dégagé les détails suivants : le soufflet, tout comme la mouchette comporte une partie charnue à sa base. Dans le soufflet, cette partie charnue s'étire et se termine par une pointe assez aiguë en suivant un axe droit. Dans la mouchette, la même transformation s'opère, c'est-à-dire qu'il y a étirement de la partie grasse vers une extrémité pointue, mais suivant une trajectoire infléchie et, dans ce dernier cas, l'axe est donc courbe.

EXEMPLES DES DEUX ELEMENTS

SOUFFLET

MOUCHETTE

Pour faciliter l'étude des différents types de remplages de roses, nous avons axé 1 ' analyse sur le motif, ce dernier étant une fraction ou segment de 1'ensemble du dessin de remplage qui, multiplié et parfois associé à d'autres motifs de raccord, rythme et ordonne la géométrie globale de la rose.

(26)

flamboyantes qui respecte à la fois la chronologie et la diversité des motifs, nous avons été amenée à dresser un bilan qui peut "a priori" paraître arbitraire, puisque les motifs les plus anciens, comme les cercles et les polygones, seront presque toujours traités en dernier lieu. Il nous a en effet semblé plus important de démontrer toute 1'importance que prirent, vers la fin du XlVe siècle, les nouvelles lignes courbes des soufflets-mouchettes étant donné que ces motifs devinrent, plus que tout autre élément, la marque de reconnaissance du gothique flamboyant et que leur propagation fut sans pareille dans toute la France. Il y eut concurremment un goût prononcé pour les formes douces et élégantes des motifs de fleurs et une réapparition des tracés géométriques plus purs du gothique rayonnant, bien que les environs de 1500 montrent à nouveau 1'emploi de fabuleuses contre-courbes. L'ordre que nous avons choisi peut donc se justifier lui-même jusqu'à un certain point.

Cette succession une fois instituée pour 1'ordonnance des motifs de remplages, il devenait prioritaire d'établir une typlologie des roses flamboyantes que l'on pourrait peut-être mieux cerner sous le vocable de "classification" de ces dernières par rapport à leurs différents motifs. Et, cette façon de procéder nous a amenée à regrouper les roses

flamboyantes en

QUATRE GRANDES FAMILLES

comportant des motifs

simples ou composés. C'est donc ainsi que dans une progression où les nouveaux motifs à contre-courbes seront prioritaires parce que vraiment typiques du flamboyant, nous retrouverons successivement des remplages à motifs de soufflets-mouchettes dont les dispositions "suggèrent" de vastes fleurs plus ou moins complexes ; viendront ensuite ceux à motifs de pétales constituant cette fois de "véritables fleurs" qui sont à simple, double et même triple corolle ; les troisième et quatrième familles sont à base de cercles ou de formes polygonales. A la rigueur, nous aurions pu constituer une

(27)

cinquième famille avec les roses qui affichent des mélanges de types, comme la rose nord d'Evreux par exemple. Cependant, ces dernières étant fort peu nombreuses, nous nous contenterons de citer leurs liens de parenté avec les motifs des autres grandes familles lors de leur présentation. Nous aimerions aussi inclure dans cette imposante nomenclature, les roses- roues de 1'époque rayonnante que nous retrouverons fréquemment déguisées en roses-fleurs, surtout en Bretagne, à la période flamboyante.

Pour les besoins du présent chapitre, il nous est apparu préférable de réunir les roses par rapport aux similitudes des motifs, tout en respectant la chronologie de la lignée, ce qui nous amènera à revenir parfois à une même époque de départ pour un motif différent. Il peut arriver cependant que 1 ' archétype choisi ne soit pas le plus ancien mais le plus représentatif du motif d'une famille. Nous donnerons toujours une liste préalable des concentrations géographiques pour chacune des quatre familles de roses afin de mieux déterminer leur répartition à travers les régions. Il va de soi que la sélection est loin d'être exhaustive mais répond plutôt à des normes quantitatives et qualitatives imposées par le répertoire qui nous était accessible. 3

PREMIERE FAMILLE: SOUFFLETS-MOUCHETTES

Une première famille, la plus répandue et la plus typique de la période flamboyante, est constituée par des combinaisons de soufflets et de mouchettes dont 1 ' organisation, diffère par le nombre et 1 'inversion de la position des éléments précités ainsi que par le fractionnement des subdivisions internes des mêmes éléments. Les soufflets et les mouchettes lorsqu'ils

3 Les illustrations se retrouvent à la fin de chaque chapitre et se succèdent dans l'ordre de leur présentation dans le texte. Les numéros suivant les noms des édifices concernés, correspondent donc à ceux des illustrations.

(28)

sont associés, donnent des motifs composés ternaires (un soufflet entouré de deux mouchettes) qui s'enchaînent généralement en une double circonvolution déterminant la surimposition d'une première corolle (plus petite et en bordure de l'oeil, dont les pétales sont constitués par des soufflets) sur une autre corolle plus grande qui occupe le reste de la circonférence de la rose (les pétales de cette deuxième arcature sont formés par les mouchettes), les grands motifs peuvent regrouper plusieurs petits motifs. Exemple : rose ouest de Saint-Jacques de Dieppe (fig.2).

Les combinaisons soufflets-mouchettes sont nombreuses et souvent fort différentes ; nous les avons donc réunies en deux sous-groupes les plus répandus pour en faciliter l'étude: dans le premier sous-groupe, (qui est aussi le plus ancien, puisque les premières roses de ce type remontent aux environs de 1400), deux grandes mouchettes s'étirent en s'infléchissant pour se rejoindre par paires autour d'un soufflet pointu et plus délicat. Dans le deuxième sous-groupe, la disposition en

trio est toujours présente : soufflet encadré de deux

mouchettes, mais cette fois, les proportions des deux éléments sont presque identiques et les mouchettes paraissent plus rigides et moins recourbées l'une vers l'autre. Cette façon de faire s'imposera surtout à compter de 1500, mais les deux sous-groupes demeureront en faveur pendant toute la période flamboyante.

Avant de procéder plus avant dans 1 ' analyse d„es motifs de la première famille, nous donnons maintenant la répartition géographique de celles qui seront étudiées. Pour cette

famille regroupant toutes les sortes de combinaisons soufflets-mouchettes sans égard aux sous-groupes, c'est dans le nord de la France que nous en retrouvons la plus forte concentration. Tout d'abord en Normandie, où l'on retient: Rouen, Saint-Ouen et Saint-Maclou; Dieppe, Saint-Jacques ; et

(29)

Evreux, Notre-Dame (façade nord). Ensuite en Picardie avec les roses ouest et sud de la cathédrale d'Amiens et celle de la façade ouest de Saint-Wulfran d'Abbeville. Plus au centre, 1'Ile-de-France nous offre un échantillonnage varié avec à Paris : Saint-Germain-1'Auxerrois et la Sainte-Chapelle ; puis le château de Vincennes, Saint-Maclou de Pointoise, Saint- Jacques d'Illiers et l'abbaye de Lieu-Restauré, mais la région de 1'Ile-de-France a rayonné dans les provinces surtout par les créations des célèbres Chambiges:(cathédrales de Sens, Troyes, Beauvais et Senlis), et Auxerre présente au bras nord une rose analogue d'un autre architecte. La Bretagne a beaucoup moins favorisé 1'inclusion des soufflets-mouchetées dans ses roses, mais on en compte cependant deux à Saint- Brieuc. Tours est le point de mire du Val-de-Loire ; le Limousin exhibe Limoges, la Guyenne, Saint-André de Bordeaux et Rodez.

Pour l'étude du premier sous-groupe, nous prendrons comme archétype, la rose du croisillon sud de 1'ancienne abbatiale de Saint-Ouen de Rouen en Normandie, et pour celui du deuxième sous-groupe nous utiliserons la rose sud de la cathédrale de Beauvais en Ile-de-France ; puis nous ferons ressortir les ressemblances et différences de quelques roses ayant une parenté certaine avec chacun de ces deux modèles. Dans le premier sous-groupe, des liens importants avec Saint-Ouen sud se retrouvent à : Saint-Jacques de Dieppe, Saint-Gatien de Tours, Saint-Maclou de Pointoise, Notre-Dame d'Amiens (ouest et sud), Saint-Wulfran d'Abbeville et Limoges.

La rose sud de Saint-Ouen (fig.l) fut réalisée en 1418 par Alexandre de Berneval; elle innove sensiblement sur les magistrales roses de la fin du gothique rayonnant (comme celles de Notre-Dame de Paris, de la cathédrale de Sées et de Clermont-Ferrand, pour n'en nommer que quelques-unes), par 1'introduction d'une forme de pétale plus souple, là où les

(30)

autres n'en reproduisaient qu'une image symbolique. A une symétrie très ordonnancée du dessin et au rythme cadencé de la roue, succède une souplesse graphique nouvelle qui imprime un mouvement tourbillonnant à la rose.

La rose sud de Saint-Ouen est d'un diamètre assez important, elle s'inscrit dans un carré et offre un motif élégant à lecture complexe. Avec un peu d'attention, on découvre la présence de petits meneaux rectilignes dans les six lancettes géminées (soufflets) qui forment les pétales de 1'arcature interne. A partir des intervalles qui séparent les pétales, sortent des arcs géminés qui forment 1'arcature extérieure. Ils sont en mombre double des premiers. Mais leurs meneaux latéraux, au lieu d'être rectilignes, dessinent des courbes qui s'infléchissent et se rejoignent par paires au-dessus de chaque pétale, formant ainsi six groupes de deux feuilles (mouchettes). Les pointes de ces dernières sont agrémentées de motifs quadrilobés tout comme le sont celles des soufflets. La présence de ces quadrilobés ajoute cependant une touche archaïsante et nostalgique à 1'ensemble.

Cette impression s'efface complètement dès un premier coup d'oeil au dessin clair et précis de la rose de Saint-Jacques de Dieppe en Normandie (fig.2) dont la réalisation suit de très près celle de Rouen pourtant. Ici, la rose épouse les contours d'un majestueux arc en plein-cintre, dont les écoinçons de base semblent diluer leur motif dans ceux du remplage tellement ils sont complémentaires. Six soufflets comportant deux petites lancettes surmontées d'un cercle, se déploient en deux trios de pétales, formant corolle autour d'un oeil simple et uni; cette première fleur s'inscrit dans une seconde, beaucoup plus grande et composée de six paires de mouchettes souples se rejoignant au-dessus de chacun des soufflets ; entre chaque paire de pétales de cette nouvelle fleur, s'inscrit une feuille délicate qui détermine un calice

(31)

sous-jacent. La présence des cercles bien définis, depuis celui de l'oeil et jusqu'à tous ceux qui ornent les pointes des souffiets-mouchettes, apporte une allure tout à fait neuve et une légèreté étonnante à cette rose.

Lorsque la même rose est reprise non plus à 1'intérieur d'un cercle mais, cette fois, encadrée dans la forme inusitée d'un vaste losange, à la façade ouest de Saint-Gatien de Tours (fig.3), créée à partir de 1437 par Jean de Dammartin, le remplage, très proche de celui de Saint-Jacques de Dieppe, semble encore plus ondulant. En effet, les grands pétales s'inclinent davantage aux points de rencontre et leur positionnement permet 1'inclusion, aux extrémités supérieure et inférieure du pourtour losangé, d'un grand pétale supplémentaire qui confère un air de majesté à cette rose déjà fort impressionnante. Il est intéressant de souligner que toutes les extrémités des pétales sont ornées de cercles enchâssant des quadrilobes. 4

A la cathédrale Notre-Dame d'Evreux (fig.4) dans la vallée de l'Eure, la rose de la façade du portail nord date de 1'extrême fin du XVe siècle. Elle est l'image même du développement mathématique, et elle alterne quatre arcatures concentriques de soufflets-mouchettes aux formes variées qui s'emboîtent harmonieusement à partir d'une première corolle de dix pétales, qui sont en fait dix soufflets auréolant sagement un oeil circulaire. L'arcature suivante compte déjà vingt pétales

ressemblant aux premiers

dans

leurs formes et dimensions, mais

réunis cette fois par paires ; à la jonction de ces dix paires naissent vingt "quatre-feuilles" étirés, de volume double des soufflets précédents et qui constituent la troisième arcature.

4 On retrouve la première rose losangée

au

croisillon sud de

la cathédrale de Tours vers 1300 et Jean de Berry en fera dessiner une à la cathédrale de Bourges en 1400.

(32)

Vingt gros soufflets arrondis et inversés, porteurs de quadrilobes, forment la dernière arcature et déterminent le pourtour final de la circonférence de cette rose aux proportions magnifiques, et dont la sage ordonnance n'altère en rien la magnificence de toute la façade. Un gable en accolade à fleurons s'étire au-dessus de la rose jusqu'au pignon central.

Dès que nous abordons la Picardie, c'est bien entendu Amiens, la reine des cathédrales picardes, qui retient la première notre attention avec ses deux magnifiques roses flamboyantes. La rose ouest (fig.5) dont le remplage au dessin ondoyant d'une très grande finesse a été refait dans les premières années du XVIe siècle, adopte les traditionnels motifs de soufflets-mouchettes, mais dans un rendu des plus souples et nouveaux, tout en créant dans ce vaste ensemble rayonnant amiénois une diversion des plus opportunes. Aucune autre rose (parmi celles que nous avons sélectionnées) ne lui ressemble vraiment. Les divisions internes des huit grands pétales de 1'arcature externe sont principalement constituées de quatre longues et étroites mouchettes accolées qui suggèrent des flammes ; tandis que le motif qui orne la pointe de chacun de ces pétales est un véritable soufflet à trois subdivisions et de taille identique aux huit soufflets de raccord entre ces mêmes pétales. Autour d'un oeil constitué d'un cabochon armorié (semblable à celui de Saint-Wulfran d'Abbeville), se déploie une délicate corolle à huit fragiles pétales pointus dont les fines extrémités s'insèrent entre les formes arrondies des gros pétales. La souplesse ondulante des remplages de cette rose étonne, au beau milieu de 1'ordonnance stricte d'une façade où tout semble pré-établi et régi par une symétrie immuable.

La rose du transept sud (fig.6) de la même cathédrale fut implantée au tout début du XVe siècle. Elle est sans conteste

(33)

l'aïeule de celle du portail ouest de Saint-Maclou de Pontoise (fig.8) dont elle n'a cependant pas 1'étonnante souplesse, car elle conserve la rigidité tout à fait caractéristique des roses qui viennent à peine de s'affranchir des meneaux droits de 1'époque rayonnante. On en décèle d'ailleurs un peu partout dans cette rose : il y en a dans les fortes lignes obliques qui séparent les six paires de longues mouchettes encadrant les six soufflets au dessin très affirmé et statique formant la corolle dépourvue d'oeil central. Chacune des mouchettes se voit divisée à son tour en deux sections par un meneau droit, et on retrouve encore la présence de ces meneaux à 1'intérieur des soufflets qui s'insèrent entre chaque paire de mouchettes. Par ailleurs, le reste du remplage comporte une infinité de détails aux courbes très ondulantes et raffinées.

En Picardie, la rose ouest de Saint-Wulfran d'Abbeville (fig.7) commencée vers 1488 et achevée en 1530 par Jacques Cretelle de Tours est d'un dessin si habile dans la façon de réunir et d'encadrer dans un même pétale géant les deux mouchettes et le soufflet, qu'à prime abord on est tenté de n'y voir qu'une seule fleur à six larges pétales s'épanouissant autour d'un oeil proéminent ayant la forme d'un énorme cabochon. Les subdivisions internes des trois éléments sont constituées d'un lacis raffiné de soufflets-mouchettes à redents, du plus bel effet.

A Saint-Maclou de Pontoise en Ile-de-France, (fig.8) conçue dans la même décennie (1480) on réalise que les pointes effilées des mouchettes jumelées accentuent davantage celles des soufflets, et ne permettent pas une lecture aussi claire de la corolle de la fleur interne, contrairement à celle du croisillon sud d'Amiens, même si à Saint-Maclou il y a la présence d'un oeil assez important. La rondeur plus charnue des grands pétales et 1'abondance des lignes courbes confèrent une souplesse ondulante peu commune à cette rose et la

(34)

gratifie d'un caractère unique parmi ses consoeurs du premier sous-groupe.

Entre 1515 et 1530, une rose losangée de la lignée de celle de Tours sera dessinée à la cathédrale de Limoges en Haute-Vienne (fig.9) et elle retiendra malgré sa forme inusitée, plusieurs des caractéristiques des roses circulaires précédemment énumérées : double corolle, paires de grands pétales s'infléchissant au-dessus des premiers, plus petits. Dans ce dernier cas cependant, on demeure un peu saisi face à la rigueur occasionnée par le positionnement trop élevé de cette rose dans la façade et aussi par la monotonie qu'engendre le fractionnement très régulier des intérieurs des pétales. Cette rose losangée ne suscite pas l'impact de celle de Saint-Catien de Tours.

Le type de rose à souf f lets-mouchet tes dont nous venons d'établir la première nomenclature ou sous-groupe qui se compose d'une paire de pétales étirés et infléchis deux à deux autour d'un soufflet plus petit, se répandra très spontanément dans toute la France, dès le début de la période flamboyante. On le retrouvera fréquemment pendant presque cent cinquante ans avec des variantes plus ou moins notoires. Aussi nous contenterons-nous d'en énumérer ou d'en décrire brièvement encore quelques exemples pour clore cette première classification. Tout d'abord en Lorraine, soulignons la rose de la façade ouest de Notre-Dame d'Avioth (fig.10), qui date du début du XVe siècle ; puis en Bretagne, 1 ' église assez massive de Saint-Brieuc (dont le projet remonte au Xlle) qui se voit allégée par l'ajout beaucoup plus tardif (XVe) des deux roses au croisillon sud et à la façade ouest (fig.11-12). L'Ile-de-France, pour sa part, offre une version très stylisée et dépouillée du même type de motif à la façade ouest de la chapelle du château de Vincennes (fig.13), conçue à la fin du XlVe siècle par Raymond du Temple mais réalisée seulement vers

(35)

la fin du XVIe, et on y décèle déjà une influence Renaissance dans le dessin un peu mou des soufflets-mouchettes et les raccords lâches des motifs entre eux. En Guyenne, la cathédrale de Rodez exhibe une rose ouest (fig.14) très intéressante avec ses six motifs ternaires encadrés par les meneaux droits des six larges triangles qui les contiennent. Cette oeuvre, qui date de la première moitié du XVe siècle, est attribuée à Collard Rogier. Pour sa part, la rose occidentale de la cathédrale Notre-Dame de Rouen (fig.15), exécutée de 1507 à 1530 par les architectes Jacques et Rouland Le Roux sur une façade plus ancienne, est aussi conçue sur le même principe. Nous y découvrons en effet un remplage qui est une vaste mosaïque constituée de multiples soufflets- mouchettes miniatures enchâssés dans huit larges pétales aux contours peu affirmés. Vue du revers de façade, toutes ces minuscules sections colorées sont autant de facettes d'un gigantesque kaléidoscope distribuant une lumière féerique.

Avant de procéder à l'étude des roses du deuxième sous-groupe, nous aimerions présenter un cas presque unique de rose à éléments inversés. Il s'agit de celle qui se retrouve au croisillon sud de la paroissiale de Saint-Maclou de Rouen,

(fig.16) . Nous la devons au dessin de Pierre Robin, maçon, aux environs de 143 6. Malgré 1 ' originalité de sa facture elle se rattache au deuxième sous-groupe dont elle est la doyenne. Autour d'un oeil très important en forme d'étoile, se déploient, tels d'immenses médaillons, six super-motifs composés à proportions égales d'un soufflet qu'enserrent deux mouchettes dont les parties rondes prennent naissance en bordure de l'oeil. Les trois éléments du motif sont souples et déjà beaucoup plus arrondis que ceux des soufflets-mouchettes de la première période. Ici, toute idée de "paire" disparaît pour céder la place à celle de "trio" et les médaillons s'enchaînent reliés par des soufflets isolés, pour donner la lecture d'une rose saisissante très proche d'une fleur

(36)

monumentale. Il n'y a malheureusement que très peu d'autres exemples de cette manière de faire.

Au début du XVle siècle, les Chambiges, Martin et son fils Pierre, vont développer à leur tour une façon très originale de traiter les combinaisons soufflets-mouchettes. C'est à la cathédrale de Beauvais, près de Paris, entre 1500 et 1515 que Martin Chambiges dessinera les magistrales roses des croisillons nord et sud (fig.17-18) et, c'est cette dernière qui sera recopiée intégralement à la façade ouest de la cathédrale de Troyes en Champagne (1507-1538) (fig.19) puis reprise aux croisillons sud et nord de la cathédrale de Sens en Bourgogne (fig.20-21) 1510 et 1520 et encore à Notre-Dame de Senlis nord (fig.22), dans la vallée de l'Oise entre 1520- 1560. L'archétype de ce motif proviendrait toutefois de la Sainte-Chapelle de Paris (fig.23), que plusieurs auteurs datent des environs de 1485, et la rose nord d'Auxerre

(fig.24) pourrait aussi être antérieure à celle de Beauvais.

Pour notre propos actuel, nous utiliserons cependant la rose sud de Beauvais (fig.18) comme prototype. Ici, la rose affirme très discrètement son pourtour par une mince bande de pierre et semble déployer ses pétales sans aucune entrave. Autour d'un oeil dentelé, les six premiers pétales rayonnent, soufflets aux formes arrondies enchâssant d'autres soufflets- mouchettes plus petits, pour former la première arcature. Dans un grand mouvement giratoire, la deuxième arcature déploie douze mouchetées charnues formant pétales qui se subdivisent à leur tour en quatre petits soufflets-mouchettes ondoyants. L'ensemble est d'un équilibre parfait et il n'y a rien d'étonnant à ce que l'on ait recherché à reproduire une telle perfection de formes.

Chaque copie offre cependant des modifications subtiles qui ajoutent à la personnalité et confirment 1'unicité de ces

(37)

roses. A Troyes, par exemple, les petits motifs internes des pétales n'ont pas de redents comme à Beauvais et chacun des douze grands pétales est séparé de l'autre par autant de minuscules pétales arrondis. A Senlis (oeuvre terminée par Pierre Chambiges), l'oeil est entouré d'une torsade, et les soufflets de la première arcature mettent en relief trois divisions plutôt que quatre. A Sens, les différences sont encore plus accusées, puisque la rose plus tardive du croisillon nord comporte cinq pétales à triple subdivision qui sont entourés de dix grands pétales pour la deuxième arcature, tandis que la rose sud, qui lui est antérieure de dix ans, se conforme à la tradition de six contre douze; dans les deux cas cependant, il est à noter que les petits motifs ont une forme aiguë ou pointue pour la fleur sise près de l'oeil, alors que ceux de la grande fleur sont arrondis.

Cette rose, qui sera si souvent copiée, donnera quand même lieu à plusieurs adaptations intéressantes; nous avons particulièrement remarqué celle de la façade ouest de l'Abbaye de Lieu-Restauré en Ile-de-France (fig.25). L'église fut terminée en 1540 mais l'endroit est maintenant abandonné, et le remplage de pierre blanche dépourvu de son vitrail se détache dramatiquement sur un arrière-plan sombre accentuant ainsi la géométrie formelle des soufflets-mouchettes, dont les dimensions volumétriques sont parfaitement égales.

Parmi quelques roses à soufflets-mouchettes dont les formes n'offrent pas une lecture traditionnelle se rapprochant des deux sous-groupes étudiés, nous aimerions souligner celle de la façade ouest de Saint-Germain-1'Auxerrois à Paris (fig.26); cette magnifique réalisation due au talent de Jehan Goussel, fut (selon les sources accessibles) réalisée au dernier tiers du XVe. Elle enferme ses soufflets-mouchettes à côtés presque droits dans six grands super-motifs à forme de pétale cernant un oeil bagué; l'ensemble est extrêmement géométrisé et

(38)

ressemble plus à une étoile complexe et démontre un tel esprit nouveau de par sa conception même, que la date avancée de la première moitié du XVe siècle pour sa création nous paraît très douteuse. Aussi à Tilloloy en Picardie (fig.27), la chapelle du château offre une réplique miniaturisée et très stylisée de soufflets-mouchettes, mais nous ne possédons aucune notion précise quant à sa datation; il ne fait cependant pas de doute que cette rose, tout comme celle du château de Vincennes mentionnée antérieurement, est très influencée par la Renaissance.

Avant de nous aventurer à étudier la deuxième grande famille de motifs,"ceux à formes de pétales", nous nous devons de mentionner et de décrire une rose flamboyante qui nous apparaît comme un phénomène unique parmi toute la nomenclature des roses de cette période : il s'agit de la rose ouest de Saint-Ouen de Rouen (fig.28), réalisée en 1515 sous la direction du cardinal Cibo. Ce chef-d'oeuvre nous apparaît comme une sorte d'hybridation des deux premières familles. En effet, les six pétales géants qui forment 1'arcature extérieure se composent de deux mouchettes très arrondies autour d'un important soufflet, tandis que 1'arcature intérieure qui occupe une bonne superficie de 1'espace global déploie douze petits pétales réguliers autour d'un oeil circulaire constituant une fleur autonome et (s'apparentant à celles que nous retrouvons dans notre deuxième famille) qui vient se greffer à partir du centre, sur la deuxième corolle. L'effet est étonnant et précurseur d'une façon vraiment neuve de procéder, car ici, cette fleur interne ne naît pas de 1'organisation naturelle des soufflets (comme c'était le cas jusqu'à présent dans les roses précédemment analysées), mais plutôt d'une volonté de représenter une fleur à double corolle.

(39)

DEUXIEME FAMILLE : MOTIFS A FORMES DE PETALES

La deuxième famille de notre nomenclature se compose uniquement d'enchaînements de motifs à formes variées de pétales qui ne sont pas des soufflets et mouchettes et dont la grandeur et la disposition varient et déterminent une fleur unique pour toute la superficie de la rose. Cette fleur est à simple, double et même triple corolle et ses pétales sont décorés ou unis. Exemple : portail ouest Kernascléden (fig.32) .

C'est la présence toute neuve de la première rose-fleur de la façade ouest de Saint-Ouen de Rouen que nous venons tout juste de décrire, qui va maintenant nous amener à l'étude de la deuxième famille de motifs : pétales dont 1 ' enchaînement détermine une grande fleur à simple ou à double corolle occupant tout le diamètre de 1'oculus. L'idée de créer des roses-fleurs a connu des antécédents variés aux périodes gothiques antérieures, mais c'est surtout à 1'époque flamboyante que l'on retrouvera les spécimens les plus originaux et imaginatifs de ce type de roses, qui jailliront d'une manière persistante un peu partout dans les différentes régions de France (surtout en Bretagne,) pendant presque deux siècles. Nous classifierons ces roses en deux sous-groupes : 1- les fleurs à corolle simple, c'est-à-dire celles dont les pétales partent d'un point central ou d'un oeil, pour aller rejoindre le rebord extérieur de la circonférence de la rose, sans qu'aucune subdivision concentrique ne vienne suggérer 1'imposition d'une deuxième fleur; 2- les fleurs à doubles corolles et parfois, mais très rarement, à triples corolles, c'est-à-dire celles qui par des tracés concentriques ou autres, donnent nettement 1'impression que deux fleurs ou plus se superposent. Les fleurs issues des deux sous-groupes ont des pétales qui sont simples et unis en leur centre, ou à multiples subdivisions internes très ornées.

(40)

un échantillonnage de roses, tenant compte des concentrations régionales de ces motifs à forme de pétales. C'est ainsi que pour la Picardie, nous avons surtout remarqué celle de l'église de Saint-Séverin à Crécy-en-Ponthieu. En Bretagne, où il y eut beaucoup de constructions à partir de 1400, le choix était très vaste et nous avons été particulièrement conquise par les roses des chevets de Canihuel, de Pencran, de Saint- Jean-du-Doigt et de Saint-Herbot, ainsi que par les roses ouest de Kernascléden, du Folgoët, du Langonnet et de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon. La Normandie, qui en compte aussi un grand nombre, présente des roses séduisantes aux Andelys (Notre-Dame), à Evreux (crois.S.), à Fécamp, et à Notre-Dame de Verneuil-sur-Arve. En Ile-de-France, il faut voir l'admirable simplicité des roses de Crèvecoeur-le-Grand et de Saint-Martin d'Ermenonville. La Champagne impose les tracés stricts et un peu géométrisés de Chaource, de Notre- Dame de L'Epine, de Renvez, de Rethel, de Saint-Amand-sur- Fion, de Troyes (port.N.). La Lorraine se distingue surtout avec les formes imposantes et précises de Metz, d'Avioth et de Saint-Nicolas-de-Port. D'autre part, Clamecy (Saint-Martin) et la cathédrale de Lyon représentent bien la Bourgogne en une sorte de compromis entre la tradition et l'idée de faire "à la mode". En Gascogne-Guyenne, les roses de Port-Ste-Marie et de Saint-Corne d'Olt figurent aussi très bien, tout en ne s'éloignant pas trop d'un certain conservatisme, tandis que celle de la façade occidentale (1510) de la cathédrale Saint- André de Bordeaux démontre avec une virtuosité sans pareille l'alliance de la fleur et des soufflets-mouchettes.

Parmi les fleurs à corolle simple, les plus anciennes sont d'un diamètre restreint et obéissent, comme à l'époque du gothique rayonnant, au dessin d'une roue: meneaux droits plus ou moins nombreux, se déployant axialement autour d'un moyeu ou oeil central. La rose ouest de la cathédrale de Metz en Lorraine (fig.29), conçue par Pierre Perrat en 1400, est très

(41)

représentative de l'époque, avec ses huit grands pétales divisés en deux sections par des montants droits et terminés par de larges quadrilobes à connotation florale ; les pétales se trouvant reliés entre eux par des trilobés qui sont aussi

déposés

là comme d'autres fleurs délicates ; cette rose très

élégante est encore largement tributaire de la tradition rayonnante. Celle du portail ouest de Port-Ste-Marie en Gascogne (fig.30), réalisée entre la fin du XlVe et le début du XVe siècle, est aussi un bel exemple de cette façon de faire ; les rayons de la roue se regroupent deux à deux pour former un pétale à redents internes qui s'enchaîne au suivant avec un quadrilobe comme motif de raccord. L'ensemble est d'une lecture assez aride et n'annonce que timidement la présence d'une fleur. Mais la rose sud de Renvez XVe siècle, en Champagne (fig.31), bien qu'un peu rigide aussi, déploie plusieurs pétales élancés à pointes losangées autour d'un oeil important et évoque sans contredit un tournesol géant du plus bel effet; elle annonce quelque chose de neuf.

De nouveau, c'est 1'arrivée de formes de fleurs à pétales plus concrets et plus souples qui commencent à s'imposer dès le XVe siècle, et surtout en Bretagne. En effet on retrouve une fleur solitaire et ordonnée ressemblant beaucoup à une anémone, à la façade ouest de Kernascléden 1453-1464 (fig.32); et une autre, à l'ouest de l'église de La Trinité du Langonnet (fig.33), déploie en un mouvement impétueux de tourbillon, six amples mouchettes autour d'un oeil étoilé. Aux chevets de Canihuel (fig.34), de Pencran (fig.35) et du Folgoët (fig.36), des roses au dessin extrêmement raffiné et à entrelacs complexes et ondoyants, ténus comme des fils, semblent sortir des mains des orfèvres et s'épanouissent sans aucune contrainte, en surplomb de séries de longues fenêtres en lancettes. Un vent nouveau chasse les rigueurs du passé, les roues font maintenant place à de véritables fleurs que l'on veut de plus en plus réalistes.

(42)

La Lorraine va aussi contribuer à promouvoir l'idée de la rose-fleur avant la fin du XVe siècle, avec la fameuse rose ouest de Saint-Nicolas-de-Port (fig.37), réalisée en 1481 par la maître d'oeuvre "Michel". A partir d'un anneau régulier qui constitue le coeur de la fleur, huit pétales charnus prennent naissance et se déploient jusqu'au pourtour externe du cercle de la rose, lequel est encastré dans un grand arc brisé. Chaque pétale est, au départ, divisé en deux par un meneau droit qui s'assouplit et se contourne en un jeu de mouchettes dans sa partie large. Il n'est pas étonnant que ce remplage versatile ait permis la réalisation de vitraux remarquables.

La rose sud de Saint-Etienne d'Auxerre en Bourgogne (fig.38) (qui fait partie des réfections apportées à la cathédrale au XVe siècle), offre certaines similitudes avec celle de Saint- Nicolas-de-Port: son oeil est large avec un rebord interne festonné et dix pétales y prennent appui. Ces derniers sont moins arrondis et sectionnés et ils contiennent tous des trilobés à leur pointe ; une fine dentelle de pierre relie les pétales entre eux dessinant un cercle de diamètre plus petit à 1'intérieur de la circonférence globale de la fleur. Une autre rose du même type mérite ici notre attention; il s'agit de celle que l'on découvre au portail sud de l'église de Saint-Nicolas de Rethel en Champagne (fig.39). Elle est 1'oeuvre du maçon Jesson Bailly et fut réalisée à partir de 1512. Cette superbe fleur est très proche de celle de Saint- Nicolas -de -Port par la finesse de son remplage et la forme de ses dix pétales dont le décor linéaire interne reprend cependant le thème alternatif des soufflets-mouchettes. Vers 1538 et toujours en Champagne, les maçons Lapro et Bertrand réaliseront, au portail nord de Chaource (fig.40), une rose- fleur qui ressemble à s'y méprendre à une clématite.

Le XVIe siècle verra aussi naître, un peu partout en France, des fleurs très simples au charme discret, aux façades des

(43)

églises rurales. Citons entre autres : celles de Crèvecoeur-le- Grand (fig.41) et de Saint-Martin d'Ermenonville 1540 en Ile- de-France (fig.42) et celle de Saint-Côme d'Oit en Gascogne (fig.43) . Mais, vers la fin du XVI e siècle, en 1562, nous découvrons une autre façon de penser à Saint-Amand-sur-Fion en Champagne, car ici ce sont deux roses très imposantes que nous découvrons aux bras nord et sud (fig.44-45) d'un édifice lui- même assez massifla rose septentrionale compte six larges pétales autour d'un oeil quadrilobé raffiné tandis que la rose méridionale en a huit à redents, formant autant de fleurs qui rejoignent 1'immense fleur centrale contenue dans un cercle très grand et dont l'oeil est carré. Pour sa part, la rose de la grande façade de la cathédrale Saint-André de Bordeaux (fig.46) dont nous parlerons plus longuement au chapitre de la stylistique, est presque unique en son genre, car ses remplages donnent une importance égale aux pétales et aux soufflets-mouchettes.

Après avoir abondamment parlé des fleurs à simple corolle, une rose exceptionnelle et particulièrement intéressante nous servira maintenant de lien, pour passer aux fleurs plus rares comportant une double corolle. Il s'agit de la rose ouest de 1 ' église Saint-Séverin de Crécy-en-Ponthieu Picardie (fig.47) , datant du début du XVIe siècle. Cette fleur possède toutes les caractéristiques d'une fleur naturelle avec ses quatre pétales ondulants traversés d'une ligne sinueuse ressemblant à une nervure, celle-ci étant seulement le résultat de la rencontre de deux mouchettes accolées ; de plus, quatre pétales délicats s'insèrent entre les plus grands et suggèrent la présence d'un calice sous-jacent. Le tout s'inscrit dans un cercle qui se détache sobrement sur un mur nu et 1'absence d'ornementation complémentaire accentue encore la grande beauté de cette fleur solitaire.

(44)

corolle vont aussi s ' épanouir un peu partout dans la douce France des XVe et XVIe siècles. Elles fleurissent les chevets de la Bretagne: au Folgoët (XVe), à Saint-Herbot et à Saint- Jean- du -Doigt (XVe) . La cathédrale de Saint-Pol-de-Léon en déploie une très importante à son flanc sud en 1433 ; elle s'apparente beaucoup à la rose méridionale de Kernascléden datant de la même époque et qui sera analysée ultérieurement avec les roses bretonnes. La plupart des roses précitées méritent qu'on s'y attarde un moment avant de gagner d'autres régions.

L'église du Folgoët, fondée en 1409, démontre une certaine audace en affichant dès le début du XVe siècle, une fleur de très grande envergure à son côté méridional (fig.48 et revers). Une première corolle encercle huit petits pétales réguliers autour d'un oeil très simple. Huit autres pétales beaucoup plus grands se greffent au premier cercle en se superposant les uns sur les autres, créant 1'illusion qu'il y a seize pétales à cette deuxième corolle. Le tout prend l'allure d'une vaste marguerite d'une étonnante simplicité dans son dépouillement décoratif. La rose du chevet de Saint- Herbot (fig.50) d'un diamètre assez important, ne compte au départ que six très grands pétales, mais la façon très originale que ces derniers empruntent pour s'entrecroiser et se superposer donne naissance à trois anneaux de douze pétales qui vont en s'agrandissant jusqu'à 1'arcature externe de la rose. Ces nouveaux pétales ont tous des formes différentes qui s'harmonisent gracieusement.

A la rose du chevet de Saint-Jean-du-Doigt (fig.49) , on a fait preuve de plus d'audace encore : à partir d'un oeil dentelé, douze petits pétales engendrent une première corolle ; dans un deuxième temps, six triangles formant une étoile réunissent les pétales par paires, et la pointe de chaque triangle s'insinue à son tour entre deux autres grands pétales qui se

(45)

multiplient jusqu'à vingt-quatre pour former la deuxième corolle. Le résultat est vraiment étonnant par sa mathématique complexe et par 1'opposition des formes courbes aux formes rectilignes. Saint-Pol-de-Léon (fig.51) reprend sensiblement la même formule que Saint-Herbot, mais avec des tracés plus pointus et un dessin général plus sec.

Les fleurs à double corolle que nous avons le plus remarquées en Normandie répondent toutes à une mathématique simple : nombre égal de pétales pour les deux corolles. A la façade ouest de la Collégiale Notre-Dame des Andelys (fig.52) ainsi qu'au croisillon sud de Notre-Dame de Verneuil-sur-Avre (fig.53) (les deux sont du milieu du XVIe siècle) : une première fleur rassemble huit pétales à forme de soufflet autour d'un oeil bagué, et la pointe de chacun de ces pétales se voit enserrée entre deux autres pétales très ronds et de dimension double des premiers au nombre de huit aussi; ceux-ci constituent donc une deuxième corolle tout à fait différente de la première. Le contraste géométrique des deux corolles crée paradoxalement une harmonie formelle très douce et anime ces très belles roses.

Toujours en Normandie, la rose du croisillon sud de l'église Saint-Etienne de Fécamp (fig.54) exhibe une fleur à double corolle d'une rare perfection. Dix grands pétales de forme ovoïde sont retenus au cercle externe de 1'oculus par des fermoirs très décoratifs. Chacun de ces pétales contient à sa base (près de l'oeil) un autre délicat pétale; la multiplication par dix de celui-ci détermine une première corolle miniature. Le remplage de pierre d'une extrême finesse des deux corolles suggère 1'utilisation du métal et la légèreté de 1'orfèvrerie pour cette magnifique rose.

De son côté, la Bourgogne offre une version qui oppose deux traditions au portail ouest de 1'église Saint-Martin de

Références

Documents relatifs

Si l’on pousse plus loin la torsion, les éléments extérieurs d’une section droite vont glisser sur ceux qui appartiennent à la section droite diatement voisine,

Nombreuses réalisations dans l'espace public en France (Nevers, Dijon, Montceau-les-Mines, Paris, Sens, Nancy, La Rochelle, Lille) et à l'étran- ger (Suisse, Allemagne,

(6) Rappelons que le nombre de racines d’un polynôme sur un corps commutatif ne peut pas excéder le degré de ce polynôme.. Si x est une racine de ce polynôme, il en est de même

Pourquoi Ernest veut-il prendre le chemin sous le pont?. Parce que c’est

Certains sont en métal, avec des dents parfois micro-cannelées pour plus d’ef- ficacité (peignes Assy 2000, Zap…).. Plus récents, plus chers et plus bruyants, mais pas

Plus haut nous avons utilise l’expression sensiblement la même en parlant des résultats de décomposition, pour souligner que les images sont discrètes, et que la

13 La question qui se pose aujourd’hui au niveau des territoires fait écho à ce que nous observons aux niveaux national et international : dans un monde de plus

On dit qu'un nombre réel positif est OCTOGONAL s'il est la somme de nombres réels positifs dont les écritures décimales ne comportent que le chiffre 8.. Q1 Démontrer que 100