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Imagerie optique de la plasticité synaptique

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Academic year: 2021

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Imagerie optique de la plasticité synaptique

Mémoire

Gabriel Nadeau

Maîtrise en biophotonique

Maître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

© Gabriel Nadeau, 2016

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Imagerie optique de la plasticité synaptique

Mémoire

Gabriel Nadeau

Sous la direction de :

Paul De Koninck, directeur de recherche

Mario Méthot, codirecteur de recherche

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III

Résumé

Les mesures de plasticité synaptique ont historiquement impliqué l’utilisation de méthodes d’électrophysiologie qui, en intégrant les nombreux influx synaptiques, offrent une très grande sensibilité de détection de changements de forces synaptiques. Cette grande sensibilité se fait cependant aux dépens d’une information spatiale quant à la localisation des synapses subissant une plasticité. Sachant que la plasticité synaptique est un phénomène qui peut être indépendant d’une synapse à l’autre, il devient important d’avoir la possibilité de mesurer, à l’échelle synaptique, les changements moléculaires associés à cette plasticité. De nouveaux outils fluorescents développés dans les dernières décennies permettent maintenant de visualiser directement l’activité synaptique, la signalisation et le remodelage à l’échelle synaptique. Durant ma maîtrise en biophotonique, j’ai mesuré optiquement l’activité calcique résultant d’une libération spontanée de neurotransmetteurs à l’aide d’un nouveau senseur de calcium (Ca2+) génétiquement encodé, GCaMP6f. Pour ce faire, j’ai imagé par vidéo-microscopie des neurones d’hippocampes de rats en culture perfusés avec une solution sans Mg2+ contenant de la Tetrodotoxine (0Mg/TTX). J’ai observé, dans des compartiments dendritiques et dans des épines, des oscillations transitoires et localisées du Ca2+ intracellulaire, nommées influx synaptiques miniatures de Ca2+ (MSCTs). Afin de tester la possibilité de potentialiser les MSCTs, je les ai enregistrés avant et après un protocole de stimulation de 5 minutes reconnu pour induire une plasticité synaptique dans les neurones en culture (0Mg2+/Glycine/Bicuculline, cLTP). J’ai observé qu’une augmentation de la fréquence et de l’amplitude des MSCTs, pouvant persister parfois jusqu’à une heure, est induite par le protocole de stimulation. J’ai donc tenté d’identifier les mécanismes moléculaires de cette plasticité. Les MSCTs sont principalement générés par l’ouverture des récepteurs NMDA, car ils sont presque totalement bloqués par l’addition d’AP5, un antagoniste sélectif au récepteur. De plus, l’ajout d’AP5 durant le protocole de stimulation bloque la plasticité. Il semble donc que les MSCTs et leur plasticité sont dépendants des récepteurs NMDA. Fait intéressant, ni les MSCTs ni leur plasticité ne sont bloqués par le NBQX, un antagoniste des récepteurs AMPA, ce qui laisse supposer que la plasticité résulte possiblement de changements dans la quantité et la composition des récepteurs NMDA, en plus des modifications dans la signalisation du Ca2+ et dans la régulation de la libération de neurotransmetteurs. Également, alors que nous avons observé que l’activité enzymatique de la CaMKII n’est pas essentielle pour l’induction et l’expression de la plasticité, certains résultats préliminaires démontrent un possible rôle de la PKA. Afin de tester mes diverses hypothèses, j’ai également combiné l’imagerie de Ca2+ avec

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IV

l’imagerie d’autres composants pré et postsynaptiques, afin d’identifier les mécanismes moléculaires responsables de la plasticité des MSCTs. Dans l’ensemble, cette nouvelle mesure de la plasticité synaptique présente le potentiel de fournir de nouvelles connaissances sur la diversité des processus moléculaires qui régissent la potentialisation synaptique.

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V

Abstract

Classical measurements of synaptic plasticity have involved electrophysiological methods which provide high sensitivity for detecting small changes in synaptic strength. However, this approach does not provide much information about the location of the synapses that undergo plastic changes. Because synaptic plasticity can be synapse-specific, having the ability to monitor changes in synaptic strength at individual synapses is important in order to enable simultaneously monitoring of local molecular mechanisms associated with the plasticity. New fluorescent tools developed in the last decades allow to directly visualize synaptic activity, signaling, and remodeling at individual synapses. During my Master studies, I used optical imaging of a genetically-encoded calcium (Ca2+) sensor, GCaMP6f, to record miniature synaptic Ca2+ transients (MSCTs) in cultured rat hippocampal neurons. For these experiments, I performed video-microscopy on neurons perfused with external solution lacking Mg2+ and containing Tetrodotoxin (0Mg2+/TTX). I have observed highly localized and transient increases of intracellular Ca2+ in dendritic compartments and spines. To test whether these MSCTs can be potentiated, I have measured them before and after a 5 min stimulation known to induce plasticity in cultured neurons (0Mg2+/Glycine/Bicuculline, cLTP). A lasting increase in the frequency and amplitude of MSCTs, for at least an hour, arose from this stimulation protocol. I have thus investigated the molecular mechanisms of this plasticity. The MSCTs are mostly mediated by NMDA receptors, since they are almost totally blocked by the selective antagonist to the receptor, AP5. Moreover, addition of AP5 only during the cLTP stimulation blocks the MSCT plasticity. It thus appears that both the MSCTs and their plasticity are NMDA receptor-dependent. Interestingly, the MSCTs and their plasticity are not blocked by the AMPA receptor antagonists NBQX, pointing to possible changes in NMDA receptor content, postsynaptic Ca2+ signaling, or presynaptic neurotransmitter release. Also, while we found that CaMKII signaling is non-essential for the induction of the plasticity, preliminary data are showing a plausible PKA-dependency of the plasticity. To test these hypotheses, I have also tried to combine Ca2+ imaging with imaging of other pre and postsynaptic components, to identify the molecular mechanisms responsible for the MSCT plasticity. Overall, this new approach presented in this thesis might provide new knowledge on the diversity of molecular processes that support synaptic potentiation.

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Table des matières

Résumé ... III  Abstract ... V  Table des matières... VI  Liste des figures ... VIII  Liste des abréviations ... IX  Remerciements ... XI  Chapitre 1 ‐ Introduction ... 1  1.1  Cerveau, mémoire et neurones ... 1  1.2  La synapse et l’épine ... 3  1.3  La neurotransmission ... 6  1.3.1  La neurotransmission évoquée ... 6  1.3.2  La neurotransmission spontanée ... 7  1.4  La composition moléculaire de la synapse excitatrice ... 10  1.4.1  Les récepteurs AMPA ... 11  1.4.2  Les récepteurs NMDA... 11  1.5  La potentialisation à long terme ... 14  1.5.1  L’induction de la LTP ... 15  1.5.2  L’expression de la LTP ... 16  1.5.2.1  La CaMKII ... 17  1.5.2.2  La PKA ... 20  1.6  Problématique de recherche... 20  1.7  La fluorescence comme solution... 22  1.8  Objectif et hypothèses ... 27  Chapitre 2 ‐ Méthodologie ... 28  2.1  Culture cellulaire ... 28  2.2  Transfection... 28  2.3  Solutions d’imagerie ... 30  2.4  Protocole d’imagerie ... 30  2.5  Mesure structurale de l’épine postsynaptique ... 31  2.6  Mesure de relâchement de glutamate ... 31 

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VII 2.7  Analyse d’image ... 32  2.7.1  Analyse morphologique ... 32  2.7.2  Analyse automatisée des influx miniatures de Ca2+ ... 33  2.8  Statistiques ... 37  Chapitre 3 ‐  Résultats ... 39  3.1  Observation de l’activité calcique des neurones ... 39  3.2  Caractérisation des influx miniatures de calcium ... 43  3.2.1  Les influx miniatures de calcium sont générés aux sites postsynaptiques ... 43  3.2.2  Pharmacologie des influx miniatures de calcium ... 45  3.2.3  Cinétique des MSCTs ... 48  3.3  Plasticité des MSCTs ... 49  3.3.1  Induction par glycine ... 49  3.3.2  Autres mécanismes d’induction ... 50  3.4  Mécanismes et propriétés de la plasticité des MSCTs ... 52  3.4.1  Effet de l’âge ... 52  3.4.2  Effet de la concentration de calcium ... 54  3.4.3  Récepteurs au glutamate ... 56  3.4.4  Actions des kinases ... 61  3.5  Corrélation de la plasticité des MSCTs avec d’autres mécanismes ... 66  3.5.1  Volume des épines postsynaptiques ... 66  3.5.2  Relâchement de glutamate ... 68  Chapitre 4 ‐ Discussion ... 71  Chapitre 5 ‐ Conclusion ... 89  Bibliographie ... 90 

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VIII

Liste des figures

Chapitre 1 : Introduction

Figure 1.1 : Schéma simplifié de l’hippocampe ... 1

Figure 1.2 : Organisation spatiale des neurones de l’hippocampe ... 3

Figure 1.3 : L’épine dendritique ... 5

Figure 1.4 : Théorie quantique de la libération de neurotransmetteurs ... 8

Figure 1.5 : Divergences dans la machinerie de fusion évoquée et spontanée ... 10

Figure 1.6 : Structure et propriétés électrophysiologiques du récepteur NMDA ... 13

Figure 1.7 : Principes de base de la fluorescence ... 23

Figure 1.8 : GCaMP, un indicateur fluorescent de Ca2+ génétiquement encodé ... 24

Figure 1.9 : Les filtres optiques ... 26

Chapitre 2 : Méthodologie Figure 2.1 : Analyse morphologique des épines ... 33

Figure 2.2 : Minifinder, un outil de détection automatique de pics de fluorescence ... 38

Chapitre 3 : Résultats Figure 3.1 : GCaMP permet l’observation de l’entrée globale ou locale de calcium dans des neurones dissociés ... 41

Figure 3.2 : Les influx MSCTs présentent des morphologies, fréquences et amplitudes hétérogènes ... 42

Figure 3.3 : Les influx calciques miniatures sont générés à la synapse ... 44

Figure 3.4 : Les MSCTs sont générés par les récepteurs NMDA et sont influencés la concentration extracellulaire de Ca2+ ... 47

Figure 3.5 : Cinétique des MSCTs ... 48

Figure 3.6 : Les MSCTs peuvent être potentialisés par induction chimique de la LTP ... 51

Figure 3.7 : L’âge des neurones n’affecte pas la plasticité des MSCTs ... 53

Figure 3.8 : La concentration extracellulaire de calcium affecte la potentialisation des MSCTs ... 55

Figure 3.9 : L’entrée de Ca2+ par les récepteurs NMDA joue un rôle dans la plasticité des MSCTs . 57 Figure 3.10 : Les récepteurs AMPA ne sont pas nécessaires à l’induction de la plasticité des MSCTs ... 59

Figure 3.11 : Les récepteurs AMPA ne sont pas nécessaires à l’expression de la plasticité des MSCTs ... 60

Figure 3.12 : La plasticité des MSCTs est indépendante de la fonction enzymatique de la CaMKII ... 62

Figure 3.13: La PKA affecte la stabilité de l’expression de la plasticité des MSCTs ... 63

Figure 3.14 : L’activation de la PKA dans un milieu sans Mg2+ est suffisante pour induire la plasticité des MSCTs ... 65

Figure 3.15 : Le protocole de stimulation chimique induit une réorganisation spatiale à la synapse ... 67

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IX

Liste des abréviations

A : Alanine

ACSF : Fluide cérébro-spinale artificiel (artificial cerebrospinal fluid) AMPA : α-amino-3-hydroxy-5-methyl-4-isoxazolepropionate AMPc : Adénosine monophosphate cyclique

APV : Acide 2-amino-5-phosphonovalérique

bAP : Potentiel d’action rétrograde (Backpropagating action potential) Bic : Bicuculline

CA : Corne d’Ammon CaM : Calmoduline

CaMKII : Ca2+/CaM-dépendante protéine kinase 2

cLTP : Potentialisation à long terme chimique (Chemical long-term potentiation) CM-MK801 : Cell-masked MK-801

dsRed : Protéine fluorescente rouge provenant de la Discosoma

EC50 : Concentration efficace moyenne (half maximal effective concentration)

EMCCD : Electron multiplying charge couples device FingR : Fibronectin intrabody generated by mRNA Display Fsk : Forskoline

GFP : Protéine fluorescente verte (Green fluorescent protein) Gly : Glycine

LTP : Potentialisation à long terme (Long-term potentiation)

MSCT : Influx calcique synaptique miniature (Miniature synaptic calcium transient) NBQX : 2,3-Dioxo-6-nitro-1,2,3,4-tetrahydrobenzo[f]quinoxaline-7-sulfonamide NMDA : N-methyl-D-aspartate

PKA : Protéine kinase A PKC : Protéine kinase C

PLE : Estérase du foie porcin (Porcine liver esterase) PPSE : Potentiels postsynaptiques excitateurs PSD : Densité postsynaptique (Postsynaptic density)

PTP : Potentialisation post-tétanique (Posttetanic potentiation) ROS : Dérivés réactifs de l’oxygène (Reactive oxygen species)

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X

S : Sérine

SEM : Erreur standard de la moyenne (Standard error of the mean) STP : Potentialisation à court terme (Short-term potentiation)

rAMPA : Récepteur -amino-3-hydroxy-5-methyl-4-isoxazolepropionate rNMDA : Récepteur N-methyl-D-aspartate

Roli : Rolipram

SEP : pHluorine superécliptique (Super-ecliptic pHluorin) TBOA : Acide DL-threo-β-Benzyloxyaspartique

TIRF : Microscopie de fluorescence par réflexion totale interne (Total internal reflection fluorescent

microscopy)

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XI

Remerciements

Une bonne maîtrise commence avec un étudiant motivé et un directeur de recherche passionné. Merci à Paul De Koninck de m’avoir fait confiance depuis le début et de m’avoir supporté dans les dernières années tout en me laissant l’autonomie nécessaire à mon développement scientifique. Malgré ton horaire de professeur-chercheur bien chargé, j’ai toujours senti que lorsque je requérais ton aide, tu as su me consacrer du temps de qualité, avec la réelle motivation de m’aider. Ce fut très apprécié et motivant. Merci de m’avoir permis de vivre des expériences inoubliables à l’étranger, tout cela n’aurait pas été possible sans ton aide.

Une bonne maîtrise nécessite également un bon support. Merci à Mado Lemieux, ma coach, pour tout ce que tu m’as apporté. Bien plus qu’une aide technique, tu m’as appris comment agir et penser en bon scientifique. Ta méthode d’enseignement et ton leadership sont exceptionnels. Je n’aurais pu espérer mieux comme collègue de travail.

Un énorme merci à tous les membres de mon laboratoire. Merci à Francine Nault, Charleen Salesse et Laurence Émond pour les meilleures cellules sur Aclar au monde. Votre rigueur de travail est très impressionnante. Merci Theresa Wiesner, ma collègue de projet, pour ton aide et tes conseils. J’ai bien hâte que tu démystifies les mécanismes derrière notre plasticité. Merci à Simon Labrecque et Christian Tardif, qui m’ont permis d’élargir mes connaissances sur des sujets autres que la biologie. Et aussi parce que vous torchez à Matlab. Merci Benoit, Kapil, Tush, Flavie et Valérie, échanger avec vous et vous côtoyer était un réel plaisir.

Merci à mes parents, ma sœur, ma famille et ma belle-famille pour votre éternel support. Merci spécial à mon père Michel et ma mère Johanne qui m’ont acheté mon premier microscope lorsque j’avais 7-8 ans. Fallait bien que ça commence quelque part cette passion pour les petites choses! Mon merci final va à la plus belle, Alex Albert. Merci mon amour d’avoir vécu les hauts et les bas de la recherche médicale à mes côtés. Ta compréhension scientifique et ta logique m’étonneront toujours. Ton support m’est essentiel, merci pour ton écoute et tes (très) bons conseils. Je t’aime.

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Chapitre 1

Introduction

1.1 Cerveau, mémoire et neurones

La capacité du cerveau d’emmagasiner de l’information basée sur des expériences sensorielles est fascinante. Cette faculté incroyable, la mémoire, permet non seulement d’encoder de nouvelles informations, mais également de se les rappeler par après. À la base de la vie en société, la mémoire reste encore aujourd’hui un phénomène très mal compris. Les connaissances que nous détenons sur sa biologie sont très limitées. Ce n’est que dans la deuxième moitié du dernier siècle que des travaux, menés entre autres par Brenda Milner, nous ont permis d’identifier certaines régions temporales du cerveau où la mémoire est emmagasinée (Scoville & Milner, 1957). De toutes ces régions, l’hippocampe est probablement la mieux caractérisée. Partie intégrante du système limbique, principale région de la régulation des émotions et du comportement, l’hippocampe est principalement connu pour son rôle dans l’encodage de la mémoire déclarative, c’est-à-dire l’encodage de l’information qui peut être verbalisée, et dans la navigation spatiale (O'Keefe & Dostrovsky, 1971; Squire, 1992).

Une des caractéristiques de l’hippocampe est sa structure unique, très bien organisée et définie, qui a d’ailleurs facilité son étude dans les dernières décennies (Fig.1.1). L’hippocampe peut être disséqué en plusieurs sous-régions, définies selon leur localisation anatomique, le type de cellules les formant et les connexions établies : les cornes d’Ammon 1, 2 et 3 (CA1, CA2 et CA3), qui réfèrent aux courbures de l’hippocampe, et le gyrus dentelé, juxtaposé à ces régions. De plus, le cortex

entorhinal et le subiculum sont deux régions Figure 1.1. Schéma simplifié de l’hippocampe. Représentation

partielle du circuit neuronal formé par les diverses régions de l’hippocampe. Adaptée de Purves et al.2004

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périphériques essentielles à l’hippocampe, car, avec les structures de celui-ci, elles forment un circuit neuronal en boucle. En effet, l’ensemble des neurones formant ces régions forme un circuit neuronal quasi unidirectionnel relativement simple. L’entrée de l’information se fait principalement par le courant propagé par les axones du cortex entorhinal, qui communique avec les cellules granulaires du gyrus dentelé. À leur tour, ces dernières propagent l’information en établissant contact avec les dendrites des cellules pyramidales situées dans le CA3. Ces cellules pyramidales vont ensuite propager le signal vers d’autres cellules pyramidales, dans la région CA1, par les voies collatérales de Schaffer. Finalement, les cellules du CA1 vont propager le signal au subiculum, qui elle-même projette massivement sur le cortex entorhinal, pour former une boucle de communication. Le cortex entorhinal, ainsi positionné dans la boucle, est donc à la fois la principale porte d’entrée et de sortie de l’information circulant dans l’hippocampe. Il communique lui-même avec différentes aires associatives du néocortex. À noter que cette simplification de la circuiterie de l’hippocampe néglige plusieurs autres types de connexion entre les diverses régions qui le composent.

La boucle neuronale de l’hippocampe est formée de plusieurs types de neurones. Les principaux sont les neurones pyramidaux, dont le nom provient de la morphologie de leur corps cellulaire. Les neurones pyramidaux sont présents principalement dans la région CA1 et CA3 de l’hippocampe, ainsi que dans d’autres structures du cerveau, incluant le cortex cérébral. C’est Ramon y Cajal qui, à la fin du XIXe siècle, a observé et décrit pour la première fois ces neurones. Ils possèdent une arborisation dendritique très développée, qui leur permet d’intégrer le signal d’une grande quantité d’afférences. Ils possèdent également un long axone, originaire du corps cellulaire, pouvant communiquer dans des régions beaucoup plus éloignées. Dans le CA1 et le CA3, les corps cellulaires des neurones pyramidaux sont densément alignés en une strate bien ordonnée, le stratum pyramidale, et leurs projections dendritiques et axonales sont également strictement organisées (Fig.1.2).

La mémoire ne peut pas être encodée, ni restituée, à l’intérieur d’un neurone. C’est plutôt dans un réseau de plusieurs neurones que cette information est « retrouvée », à savoir que c’est dans l’activation de ce réseau qu’un souvenir encodé peut être retransmis. Il est maintenant bien connu que dans un contexte d’apprentissage et de mémorisation, les neurones de l’hippocampe formant la boucle neuronale subissent des changements structurels et biochimiques qui auront pour

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conséquence de modifier l’efficacité dans la transmission de signal d’un neurone à l’autre. La compréhension de ces changements est donc essentielle à l’éventuelle compréhension de la biologie de la mémoire et de l’apprentissage. C’est pourquoi une bonne description de la physiologie de la communication neuronale dans l’hippocampe est ici nécessaire.

Figure 1.2. Organisation spatiale des neurones de l’hippocampe. (A) Structure typique d’un neurone pyramidal de la

région du CA1. (B) Hippocampe dont les neurones expriment aléatoirement une protéine fluorescente. Les corps cellulaires des neurones pyramidaux du CA1 sont alignés en une strate bien définie (flèche blanche). On remarque également la directionnalité de leur arborescence dendritique. Une organisation très semblable est observée chez les cellules granulaires du gyrus dentelé. (A) Adaptée de Spruston, 2008. (B) Connectome, page web.

1.2 La synapse et l’épine

Avant les travaux de Cajal, il était généralement accepté que le cerveau était formé par un réseau continu de neurones, tous physiquement reliés et formant un ensemble. Ce n’est qu’avec la démonstration, par le marquage individuel de neurones par la méthode de Golgi, que Cajal a proposé à la communauté que le cerveau était en fait formé de cellules discrètes interconnectées par ce qui a été par la suite nommé la synapse. La synapse est une zone de rapprochement entre deux neurones, où l’information provenant d’un neurone est transmise à l’autre, généralement de manière unidirectionnelle. La synapse est donc composée d’un côté présynaptique, l’afférence, et d’un côté

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postsynaptique, qui reçoit le signal. Les synapses peuvent être catégorisées en deux familles, soit la synapse électrique et la synapse chimique. La synapse électrique est une jonction très rapprochée entre deux cellules (2-4 nm), où l’information se propage directement d’une cellule à l’autre, sans aucun intermédiaire, par des jonctions communicantes (gap junctions). Ce type de synapse est très peu présent dans l’hippocampe, et ainsi il ne sera pas décrit plus en détail. La synapse chimique, elle, est la principale synapse du système nerveux central mature, et est la principale voie de transmission de l’information dans l’hippocampe. La synapse chimique utilise un médium pour transmettre l’information d’un neurone à l’autre, le neurotransmetteur. Ainsi, de façon simplifiée, lorsqu’un courant électrique se propage dans un axone et atteint une terminaison présynaptique, un relâchement de neurotransmetteurs dans la fente synaptique (20-40nm) sera généré, et ceux-ci, en se liant à certains récepteurs postsynaptiques tels que les récepteurs NMDA et les récepteurs AMPA, vont induire l’entrée et la sortie de certains ions, ayant comme effet la génération d’un courant post-synaptique. C’est cette forme de communication interneuronale qui est à la base de nos fonctions cognitives, et l’apprentissage et la mémorisation ne font pas exception. Dans l’hippocampe, la boucle neuronale partant du cortex entorhinal jusqu’au subiculum s’effectue par la propagation du signal d’un neurone à l’autre par synapse chimique. Comme ce réseau est essentiel à l’encodage de certains types de mémoire, il est primordial de bien comprendre comment fonctionnent ces synapses, et quels changements s’y produisent dans un contexte de mémorisation.

Une particularité des neurones pyramidaux est que leurs dendrites sont recouvertes d’épines, qui constituent le site postsynaptique de la plupart (~95%) des synapses excitatrices (Araya, 2014; Spruston, 2008). L’épine dendritique est une structure très plastique, à la morphologie très hétérogène et présente par milliers sur les neurones pyramidaux. Elle est composée d’une tête (~1µm large), où se situe la synapse, et d’un cou (~0.2µm), qui forme une étroite jonction entre le cytoplasme de la tête de l’épine et de la dendrite (Araya, 2014). C’est au bout des têtes d’épines que l’on retrouve la densité postsynaptique (PSD), une région possédant une forte densité de récepteurs à neurotransmetteur, mais également de protéines de signalisation importantes à la fonction synaptique. Bien que ses fonctions précises ne soient pas encore élucidées, l’épine permet le regroupement et l’isolation spatiale des composants moléculaires et ioniques de la synapse excitatrice, en plus de moduler la propagation du potentiel membranaire originant de la synapse. En effet, la morphologie générale de l’épine la rend comparable à un circuit électrique passif (Fig.1.3a).

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Le cou, possédant un très petit volume, agit comme une résistance à la propagation du changement de voltage provoqué par l’entrée d’ions à la synapse, et ainsi des changements dans la longueur ou la largeur du cou pourraient fortement affecter l’efficacité de la transmission synaptique. Les épines ont classiquement été étiquetées selon leur morphologie, dont on retrouve 3 grandes familles : les épines minces (filopodes), sans grandes distinctions entre la tête et le cou, souvent considérées comme des épines immatures, excessivement mobiles et plastiques, les épines en forme de champignons, plus matures, avec une grande tête, et les épines trapues, qui sont des renflements dendritiques sans cou (Fig.1.3b) (Araya, 2014; Bourne & Harris, 2008). Ces trois types d’épines coexistent sur les dendrites. L’épine dendritique et la synapse qui y est associée sont considérées comme le site préférentiel des changements plastiques associés à la mémoire et l’apprentissage, de par leur capacité à modifier leur structure et leur composition moléculaire et ionique (Araya, Vogels, & Yuste, 2014; Spruston, 2008).

Figure 1.3. L’épine dendritique. (A) Diagramme électrique simplifié d’une épine dendritique. RN signifie la résistance du cou de l’épine, qui est proportionnelle à sa longueur. (B) Reconstruction 3D d’une dendrite par microscopie électronique, avec les densités postsynaptiques (PSD) colorées en rouge. Les principales familles morphologiques y sont agrandies : Épine mince (rouge), épine en forme de champignon (bleu), épine trapue (vert) et épine ramifiée (jaune). (A) Adaptée de Araya, 2014. (B) Adaptée de Bourne et Harris, 2008.

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1.3 La neurotransmission

L’épine dendritique, sur laquelle repose la synapse excitatrice, est le lieu privilégié de la transmission du signal. Comme il a été expliqué, la synapse chimique transmet ce signal d’un neurone à l’autre par l’intermédiaire de neurotransmetteurs. L’efficacité de cette transmission régule la connectivité interneuronale, et ce sont des changements de cette connectivité qui sont associés au processus de formation de la mémoire. Le neurotransmetteur de choix à la synapse excitatrice de l’hippocampe est le glutamate. La neurotransmission se fait en plusieurs étapes, s'amorçant du côté présynaptique, d’où le neurotransmetteur est synthétisé et relâché, pour finir du côté postsynaptique, où le neurotransmetteur agit. On dénote deux modes de relâchement présynaptique de neurotransmetteurs, l’évoqué et le spontané. Ainsi, avant de décrire les mécanismes spécifiques à l’action postsynaptique du glutamate, il est important, dans le cadre de mon projet, de bien décrire les mécanismes généraux régulant le mode de relâchement de neurotransmetteurs présynaptiques.

1.3.1 La neurotransmission évoquée

Classiquement, la neurotransmission évoquée est le processus de transmission synaptique le plus commun et le plus étudié. Comme son nom le dit, cette transmission est évoquée par l’arrivée, au site présynaptique présent sur l’axone, d’un courant électrique (Kaeser & Regehr, 2014). Plus précisément, lorsqu’un potentiel d’action arrive au terminal présynaptique, le changement de potentiel de la membrane provoque l’ouverture de canaux membranaires perméables au calcium (Ca2+), les canaux calciques dépendants du voltage. L’ouverture de ces canaux cause une entrée rapide et massive de Ca2+ dans le terminal présynaptique. Cette augmentation soudaine de la concentration intracellulaire de Ca2+ est détectée par des protéines senseurs de Ca2+, qui régulent l’exocytose de vésicules remplies de neurotransmetteurs. S’ensuit la formation d’un complexe à la membrane, le complexe SNARE, qui permet la fusion de la membrane des vésicules à neurotransmetteurs et de la membrane cellulaire. La neurotransmission évoquée est très rapide, de l’ordre des centaines de microsecondes, et peut provoquer le relâchement de plusieurs vésicules à la fois, selon la fréquence du potentiel d’action l’activant (Kaeser & Regehr, 2014). Dans le cas des synapses excitatrices, il peut en résulter le relâchement de plusieurs millimoles de glutamate dans la fente synaptique, qui, aléatoirement, va soit se lier à un récepteur à glutamate

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postsynaptique, soit être recapturé par le côté présynaptique ou par un astrocyte, afin d’être dégradé ou réutilisé (Bak, Schousboe, & Waagepetersen, 2006). Lorsque le glutamate se lie à un récepteur membranaire postsynaptique, il se produit des changements à court terme tels qu’une rapide dépolarisation membranaire en raison de l’ouverture de canaux ioniques qui laisseront entrer une quantité importante d’ions sodium ainsi qu’une petite quantité d’ions calcium, et des changements à plus long terme, par l’activation de cascade de signalisation (Purves et al., 2004), selon le type de récepteur auquel il se lie (voir section 1.4). Les dépolarisations membranaires postsynaptiques causées par l’action du glutamate se propagent par combinaison de mécanismes électriques passifs et actifs le long de l’arborescence dendritique, jusqu’au corps cellulaire, où les diverses dépolarisations s’intègrent (London & Hausser, 2005). Si la somme des divers potentiels postsynaptiques excitateurs (PPSE) est assez importante et dépasse un certain seuil de voltage, un potentiel d’action sera déclenché dans le cône axonique, et se propagera dans l’axone pour être transmis à d’autres neurones (Purves et al., 2004).

1.3.2 La neurotransmission spontanée

Lors de leurs travaux pionniers sur les propriétés de la transmission neuronale, Bernard Katz et Paul Fatt ont remarqué, en mesurant les fluctuations de voltage membranaire à la jonction neuromusculaire à la suite d’un stimulus électrique, qu’ils détectaient également de faibles fluctuations spontanées et à fréquences aléatoires, indépendantes de stimuli (Fatt & Katz, 1952). Ces fluctuations avaient la particularité d’avoir une amplitude relativement stable, autour de 0.4mV, soit environ 100 fois plus petite que les potentiels évoqués par stimuli (Fig.1.4b). Ils ont alors suggéré que ces petites fluctuations correspondraient à la libération spontanée d’une quantité minimale d’acétylcholine, le neurotransmetteur en jeu à la jonction neuromusculaire, sous forme de paquet, et qu’un potentiel évoqué de 40mV serait formé par la sommation de 100 paquets de neurotransmetteurs. Pour prouver leur hypothèse, ils ont encore une fois enregistré des fluctuations de potentiels membranaires à la jonction neuromusculaire évoquées par des stimuli, mais cette fois dans un milieu contenant beaucoup moins de Ca2+. Cette baisse de la concentration de Ca2+ avait pour conséquence la réduction de la force des courants évoqués, due à la plus faible entrée de Ca2+ présynaptique par les canaux calciques dépendants au voltage. En plus d’observer encore

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une fois des fluctuations spontanées non corrélées à l’application de stimuli, Fatt et Katz ont observé que les courants évoqués présentaient une distribution d’amplitude très segmentée de façon périodique, avec la plus faible amplitude à 0.4mV et les suivantes à 0.8mV, 1.2mV, 1.6mV, et ainsi de suite (Fig.1.4c) (Fatt & Katz, 1952; Hammond, 2001). Ils ont donc émis l’hypothèse que les courants évoqués ou spontanés ayant une amplitude d’environ 0.4mV étaient générés par la libération d’un seul paquet de neurotransmetteurs, qu’ils ont nommé « quantum », et que les courants plus forts étaient générés par la libération d’un nombre proportionnel de quanta. Cette découverte majeure a donc non seulement permis de comprendre que les neurotransmetteurs étaient relâchés par quanta, un quantum correspondant à une vésicule, mais également qu’il y avait

de la libération spontanée de neurotransmetteur, indépendant de tout stimulus.

Le glutamate, selon le même principe que l’acétylcholine, peut être relâché spontanément, indépendamment de potentiels d’action. Pendant longtemps, cette libération spontanée de neurotransmetteurs fut considéré comme un artéfact, une imperfection de la machinerie Figure 1.4. Théorie quantique de la libération de

neurotransmetteurs. (A) Hétérogénéité de l’amplitude des

fluctuations de voltage évoquées et spontanées dans une solution à faible concentration de Ca2+. (B) Distribution de l’amplitude des fluctuations spontanées de voltage. (C) Distribution de l’amplitude des fluctuations de voltage évoquées par un stimulus présynaptique. Figure tirée de Hammond, 2001.

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cellulaire qui relâchait parfois des neurotransmetteurs dans la clé synaptique. On sait maintenant que ce n’est pas vrai, et qu’en plus d’être régulée par des mécanismes indépendants de la libération évoquée, elle aurait certains rôles très importants dans la physiologie synaptique. Les différences dans les mécanismes moléculaires régulant la libération évoquée et spontanée sont de plusieurs niveaux : l’origine des vésicules, la machinerie de libération et l’action postsynaptique.

Sujet très controversé, la question à savoir si les réserves de vésicules participant aux deux types de libération de neurotransmetteurs sont distinctes ou non a généré plusieurs articles contradictoires (Atasoy et al., 2008; Fredj & Burrone, 2009; Hua, Sinha, Martineau, Kahms, & Klingauf, 2010). Par contre, dans les dernières années, la plupart des études ont convergé vers l’hypothèse que les vésicules participant à la libération spontanée et évoquée émanent de deux réserves distinctes, et ce dès les premiers moments du développement (Andreae, Fredj, & Burrone, 2012). Cela constitue une première évidence que la libération spontanée n’est pas une simple fuite de neurotransmetteurs. Plusieurs études ont également démontré que les vésicules relâchées spontanément le font par l’entremise d’un complexe SNARE alternatif (Fig.1.5) (Bal et al., 2013; Kavalali, 2015; Ramirez & Kavalali, 2012). Par exemple, l’inhibition de Synaptobrevin-2 (également connue comme VAMP-2), abolissant la libération évoquée, n’affecte que partiellement la libération spontanée (Schoch et al., 2001). Le même phénomène est observé avec SNAP-25 (Bronk et al., 2007). À la place, d’autres protéines, telles que VAMP-7 et VTI1A, viendraient jouer un rôle important dans la régulation de la libération spontanée (Kavalali, 2015). Également, l’action de la protéine Doc2, un senseur de Ca2+, serait essentielle à la libération spontanée, en complémentarité avec la Synaptotagmin, commune aux deux types de libération (Groffen et al., 2010). Finalement, en plus de provenir de différentes populations de vésicules, les neurotransmetteurs relâchés de façon spontanée ou évoquée n’agiraient pas sur les mêmes récepteurs postsynaptiques. En effet, il a déjà été démontré qu’en bloquant irréversiblement des récepteurs à glutamate activés par la libération spontanée, l’activité évoquée subséquemment générée n’était pas affectée (Atasoy et al., 2008). Combinées, ces évidences démontrent de façon convaincante l’indépendance de l’activité spontanée vis-à-vis l’activité évoquée, mais également la pertinence de son étude.

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Figure 1.5. Divergences dans la machinerie de fusion évoquée et spontanée. Le complexe SNARE est

un ensemble de protéine nécessaire à la fusion des vésicules à la membrane. Principalement étudié dans l’activité évoquée, le complexe SNARE canonique comprend, entre autres, la Synaptrobrevin-2, qui, insérée sur la membrane des vésicules, va se lier à SNAP-25 et Syntaxin-1, pour former un ancrage pour la vésicule. L’entrée subséquente de Ca2+ sera détectée par Synaptotagmin-1 qui, en se liant au complexe SNARE préalablement formé, provoquera un changement conformationnel qui entraînera la fusion des deux membranes, et la libération de neurotransmetteurs. Dans la libération spontanée, en plus des protéines canoniques, l’on retrouve d’autres protéines régulatrices, telles que VTI1A, VAMP7 et Doc2. Adaptée de Kavalali, 2015.

1.4 La composition moléculaire de la synapse excitatrice

Le glutamate, une fois relâché dans la fente synaptique, peut se lier à plusieurs types de récepteurs spécifiques au glutamate. Il existe deux familles de récepteurs glutamatergiques, les récepteurs ionotropiques et métabotropiques. Les récepteurs ionotropiques agissent à la fois comme récepteurs et comme canaux, où les ions vont se déplacer selon leur gradient électrochimique, alors que les récepteurs métabotropiques, n’ayant pas de pores à ions, sont plutôt couplés à des protéines G régulant certaines cascades biochimiques. Ces deux types de récepteurs sont eux-mêmes séparés en plusieurs sous-catégories, selon leur composition biochimique. Je décrirai ici deux récepteurs

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particulièrement importants à la bonne compréhension de mon projet de recherche, les récepteurs AMPA et les récepteurs NMDA.

1.4.1 Les récepteurs AMPA

Les récepteurs α-amino-3-hydroxy-5-methylisoxazole-4-proprionate (rAMPA) sont les récepteurs ionotropiques les plus abondants de la densité postsynaptique. Ce sont les principaux générateurs de courants excitateurs à la synapse excitatrice (Henley & Wilkinson, 2013). Ils sont composés de quatre sous-unités, GluA1 à GluA4, qui se combinent selon différentes stœchiométries, pour former un récepteur contenant un pore fortement perméable au sodium (Na+) et au potassium (K+). Chaque sous-unité se distingue principalement par la composition de sa queue c-terminale intracellulaire. Dans l’hippocampe mature, les rAMPA sont principalement formés en hétérotétramères composés des sous-unités GluA1/GluA2 ou des sous-unités GluA2/GluA3, et plus rarement de la sous-unité GluA4 (Hell & Ehlers, 2008; Huupponen, Atanasova, Taira, & Lauri, 2016; Wenthold, Petralia, Blahos, & Niedzielski, 1996). Le glutamate, une fois dans la fente synaptique, peut se lier à une des 4 sous-unités des rAMPA, permettant à ce dernier de s’ouvrir pour laisser entrer le Na+ et sortir le K+ et ainsi générer une dépolarisation membranaire. Ils sont donc la principale source des PPSE miniatures enregistrés par électrophysiologie. Les rAMPA ont également la particularité d’être parfois perméables au Ca2+, s’ils sont formés sans la sous-unité GluA2, telles les homomères GluA1 (Henley & Wilkinson, 2013). Les rAMPA sont reconnus pour être extrêmement mobiles, et plusieurs voies de signalisation sont impliquées dans la régulation du nombre et de la composition des rAMPA à la synapse. Par exemple, une augmentation de la quantité de rAMPA à la synapse aura potentiellement pour effet la génération de plus grand PPSE lors de la libération de glutamate. Ces changements, qui seront décrits à la section 1.5, influencent fortement la connectivité des synapses, processus en jeu dans un contexte de mémoire et d’apprentissage.

1.4.2 Les récepteurs NMDA

Moins abondants que les rAMPA, les récepteurs N-methyl-D-aspartate (rNMDA) possèdent des propriétés et des fonctions uniques les rendant essentiels à la fonction synaptique.

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Contrairement aux rAMPA, qui nécessitent la seule liaison de glutamate pour s’ouvrir, les rNMDA sont ce qu’on appelle des détecteurs de coïncidences. Ainsi, en plus de nécessiter la liaison de l’agoniste glutamate et du co-agoniste glycine, les rNMDA requièrent, pour devenir perméables aux ions monovalents (Na+, K+) et au Ca2+, une dépolarisation membranaire suffisante pour expulser l’ion Mg2+ normalement présent au centre du pore. Ainsi, lorsque localisé à la membrane postsynaptique, le récepteur détecte à la fois la libération de glutamate et la dépolarisation membranaire initiée par l’ouverture des rAMPA. De plus, les rNMDA possèdent une forte perméabilité aux ions Ca2+, faisant d’eux la principale source d’influx postsynaptiques de Ca2+ lorsque la synapse est activée (Bloodgood & Sabatini, 2009; Hell & Ehlers, 2008; Purves et al., 2004). À noter, lorsque complètement ouverts, les rNMDA génèrent un courant beaucoup plus lent que les courants générés par les rAMPA.

Les rNMDA sont, tout comme les rAMPA, des assemblages tétramériques, formés généralement d’une combinaison de 2 sous-unités obligatoires GluN1 et de deux sous-unités GluN2 (Fig.1.6a). Des sous-unités GluN3 peuvent également remplacer des sous-unités GluN2 pour faire partie du tétramère. Ces sous-unités possèdent une topologie semblable : un domaine n-terminal extracellulaire, un domaine de liaison à l’agoniste, trois domaines transmembranaires, une région de formation du pore, et une queue c-terminale intracellulaire (Hell & Ehlers, 2008). Cette topologie, similaire aux autres récepteurs glutamatergiques, permet l’assemblage de quatre sous-unités afin de former un récepteur contenant un pore non perméable aux ions en dehors des moments de liaison avec son agoniste, son co-agoniste, et de la dépolarisation membranaire induite par les rAMPA. Outre leurs similitudes, les différentes sous-unités des rNMDA ont la particularité de ne pas se lier aux mêmes molécules. En effet, les sous-unités GluN1 possèdent un site de liaison à la glycine (ou D-sérine) alors que la sous-unité GluN2 possède un site de liaison au glutamate.

Alors qu’il existe une seule famille de sous-unité GluN1 (elle-même décomposable en 7 variantes d’épissage), il existe 4 différentes sous-unités GluN2 (GluN2A-D). Ces sous-unités possèdent des distributions spatiales distinctes selon le stade de développement des neurones, et possèdent des propriétés biophysiques distinctes. Premièrement, les rNMDA possédant différentes sous-unités GluN2 possèdent des affinités différentes pour le

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glutamate. Par exemple, la sous-unité GluN2D possède la plus forte affinité (EC50 de 0,5µM), suivie, à égalité, des sous-unités GluN2B et GluN2C, puis de GluN2A (EC50 de 5µM) (Bloodgood & Sabatini, 2009). Cette affinité est inversement proportionnelle à leur temps de dissociation, et donc à la durée du courant engendré par l’ouverture du récepteur, passant d’un temps d’extinction d’environ 50 msec pour les récepteurs contenant GluN2A comparativement à ~1sec pour ceux contenant GluN2D (Fig.1.6b). Ces propriétés, combinées avec le fait que la conductance ionique est affectée par la composition en sous-unités, ont pour finalité que les tétramères GluN1/GluN2A causeront de forts courants très rapides, les tétramères GluN1/GluN2B des courants relativement forts, mais plus lents, et les tétramères GluN1/GluN2C et GluN1/GluN2D des plus faibles courants, mais sur une longue période (Bloodgood & Sabatini, 2009; Hell & Ehlers, 2008; Vicini et al., 1998). Également, les récepteurs formés des différentes sous-unités n’ont pas tous la même affinité au Mg2+, ce qui a pour conséquence que les récepteurs contenant la sous-unité GluN2A ou GluN2B sont plus susceptibles d’être bloqués par le Mg2+ que leurs deux autres homologues (Kuner & Schoepfer, 1996). Finalement, chaque sous-unité répond différemment à divers agents pharmacologiques. Ainsi, il est possible par exemple de bloquer sélectivement les rNMDA contenant la unité GluN2B avec l’ifenprodil, ou bien de bloquer ceux contenant la sous-unité GluN2A avec du Zinc (Zn2+). Ce précieux avantage permet leur inhibition ciblée et facilite leur étude.

Figure 1.6. Structure et propriétés électrophysiologiques du récepteur NMDA. (A) Structure schématisée

d’un dimère GluN1/GluN2. (B) Enregistrements électrophysiologiques des réponses des divers types de tétramères. (A) Adapteé de Neurological Disorders, Nature Reviews Drug Discover3. S38–S40 (B) Adaptée de Vicini et al. 1998.

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Dans l’hippocampe mature, les rNMDA les plus communs sont composés de deux dimères GluN1/GluN2A. Ils sont précédés par une forte proportion de rNMDA GluN1/GluN2B dans les deux premières semaines dans l’hippocampe murin qui, sans totalement disparaître, sont progressivement remplacés par les GluN1/GluN2A (Bloodgood & Sabatini, 2009). Les rNMDA ont la particularité, comme il a été dit, d’être très perméable au Ca2+. Cette propriété n’est pas sans conséquence, car le Ca2+ est probablement le second messager le plus important des neurones. C’est par l’entrée de Ca2+ par les rNMDA que la plupart des voies de signalisation des neurones, résultant en des modifications qui vont affecter l’efficacité de la transmission synaptique, seront induites. Généralement parlant, comme GluN2B s’associe plus longtemps au glutamate, il est considéré qu’il génère une plus grande augmentation de Ca2+ intracellulaire. C’est pourquoi, sans pour autant exclure la contribution des GluN2A, qu’il est considéré que l’activation des rNMDA contenant la sous-unité GluN2B dans la cellule immature contribue fortement à la signalisation calcique et aux voies de signalisation activées par celle-ci.

1.5 La potentialisation à long terme

Le changement de force synaptique est associé à l’encodage de la mémoire. La plasticité synaptique est le nom donné aux changements pré et postsynaptiques qui affectent l’efficacité de transmission de signal d’un neurone à l’autre (Collingridge, Isaac, & Wang, 2004). Classiquement, la forme de plasticité synaptique la plus étudiée, et la plus globalement acceptée comme processus d’encodage de la mémoire dans l’hippocampe, se nomme la potentialisation à long terme (Long-term potentiation, LTP). La LTP est un processus de renforcement synaptique persistant, défini par une augmentation de la réponse postsynaptique à la suite d’une forte activation présynaptique (Purves et al., 2004). Cette potentialisation peut être inversée par d’autres protocoles de stimulation, dits de dépression. Ainsi, les changements dans l’efficacité de la connexion synaptique sont bidirectionnels. Le principe de base de la LTP, tel qu’il a été défini par les premières études portant sur le sujet dans l’hippocampe, consiste à stimuler des afférences axonales à très haute fréquence pendant un court laps de temps (i.e. 100Hz) (Bliss & Lomo, 1973). Il se produit alors, spécifiquement aux synapses activées, une hausse de la réponse postsynaptique aux stimuli présynaptiques.

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1.5.1 L’induction de la LTP

La LTP a été très extensivement étudiée dans l’hippocampe. Il est bien établi que les différentes connexions formant le circuit de l’hippocampe présentent différents types de LTP, régulés par des mécanismes distincts (Granger & Nicoll, 2014). La LTP formée aux collatérales de Schaffer (CA3 vers CA1) est souvent perçue comme la forme de LTP classique. Ce type de LTP possède deux caractéristiques importantes, à savoir premièrement qu’elle est spécifique aux synapses stimulées, et deuxièmement qu’elle est associative, c’est-à-dire qu’elle peut être induite uniquement par l’activité d’une association de plusieurs afférences axonales. En d’autres mots, en plus de nécessiter l’activation présynaptique, il doit y avoir une dépolarisation postsynaptique suffisante, qui ne peut être initiée que par l’activité synchronisée de plusieurs afférences (Hell & Ehlers, 2008). Cette double exigence correspond à la règle de Hebb, qui a postulé la célèbre condition selon laquelle « cells that fire together, wire together » (Hebb, 1949). Dans le contexte de la LTP, ce postulat signifie que pour que potentialisation il y ait, l’activité présynaptique et la dépolarisation postsynaptique doivent être temporellement étroitement couplées. Le rNMDA, s’ouvrant uniquement lors de la libération de glutamate simultanée à une dépolarisation membranaire postsynaptique, répond parfaitement aux critères postulés par la règle de Hebb (Granger & Nicoll, 2014; Hell & Ehlers, 2008; Purves et al., 2004).

Le raisonnement derrière la LTP des collatérales de Schaffer consiste donc en une stimulation à haute fréquence qui génère une forte dépolarisation postsynaptique, initiée entre autres par l’ouverture des rAMPA, et qui entraîne l’ouverture des rNMDA et par le fait même une forte entrée de Ca2+ dans l’épine dendritique (Purves et al., 2004). Comme il vient d’être dit, le Ca2+ est un second messager d’importance pour les neurones, et l’augmentation de sa concentration postsynaptique entraîne l’activation d’un grand nombre de voies de signalisation. L’entrée de Ca2+ par les rNMDA permet ainsi de traduire le signal électrique en un signal biochimique. Le simple fait de bloquer les rNMDA durant un protocole d’induction de la LTP est d’ailleurs suffisant pour bloquer cette dernière (Harris, Ganong, & Cotman, 1984). Lorsque le Ca2+ entre dans l’épine, sa concentration augmentera drastiquement pour une très courte durée. Durant cette courte durée, plusieurs événements se produiront. Alors

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qu’une certaine quantité sera activement transportée vers le milieu extracellulaire ou vers des réserves internes dans le réticulum endoplasmique, une importante proportion se liera à des protéines possédant de fortes affinités spécifiquement au Ca2+. Le fait d’ajouter un chélateur à Ca2+ de plus forte affinité que les protéines endogènes sensibles au Ca2+ est d’ailleurs suffisant pour bloquer l’induction de la LTP (Lynch, Larson, Kelso, Barrionuevo, & Schottler, 1983). Une des principales protéines endogènes sensibles au Ca2+ est la Calmoduline (CaM). La CaM est un senseur de Ca2+ à l’origine de plusieurs voies métaboliques, dont celles de la protéine kinase Calcium/Calmoduline-dépendante (CaMKII) et de l’Adénylate Cyclase. L’activation de ces deux enzymes par l’effet direct de la CaM est essentielle à l’expression de certains mécanismes de la LTP (Lisman, Yasuda, & Raghavachari, 2012; Otmakhov et al., 2004; Skeberdis et al., 2006).

1.5.2 L’expression de la LTP

La potentialisation de la synapse à la suite d’un protocole de LTP pourrait s’expliquer par des changements entraînant une plus grande libération de neurotransmetteurs ou une plus grande réponse postsynaptique à la suite de cette libéraiton. Comme la hausse transitoire de Ca2+ générée par le protocole de LTP agit du côté postsynaptique, on pourrait supposer que les changements sont majoritairement postsynaptiques. Cependant, beaucoup d’évidences démontrent qu’il peut effectivement se produire des changements présynaptiques résultant en une augmentation de la libération de glutamate. Ce phénomène requiert donc l’existence de messagers rétrogrades, intermédiaires moléculaires qui « informent » le côté présynaptique du niveau d’activation postsynaptique. Il est expérimentalement très difficile d’identifier lequel des deux côtés de la synapse subit des modifications essentielles à la LTP, surtout sachant que les mécanismes sont dépendants du type et de la maturité des synapses. Ces difficultés expérimentales sont à la base d’un des débats les plus intenses dans le domaine des neurosciences, à savoir si la LTP est un mécanisme pré ou postsynaptique (MacDougall & Fine, 2014).

Parmi les évidences suggérant une action présynaptique, une des premières étudiées a été le fait que la LTP est associée à une augmentation de la probabilité de la libération de glutamate (Probability of release, pr), basée sur le fait que les synapses échouaient moins

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souvent à libérer du glutamate à la suite d’une induction de la LTP (Lisman & Hell, 2008). Bien que cette suggestion semble à première vue être cohérente avec un changement de la machinerie de la libération de neurotransmetteur, la découverte que certaines synapses sont initialement silencieuses (silent synapses) a rendu ambigüe l’interprétation de ces données. Les synapses silencieuses, associées à un faible niveau de maturité, sont des synapses sans rAMPA, mais avec des rNMDA. S’il y a libération de glutamate à ces sites, aucun courant ne sera généré, car les rNMDA n’auront pas eu la dépolarisation nécessaire à leur ouverture (Isaac, Nicoll, & Malenka, 1995). À la suite de l’induction de la LTP, il est reconnu que les rAMPA sont translocalisés à certaines synapses, ce qui a pour effet « d’activer » la synapse (voir détail ici-bas). Ainsi, la diminution des « échecs » synaptiques pourrait totalement être expliquée par un phénomène postsynaptique (Liao, Hessler, & Malinow, 1995). De plus convaincantes démonstrations de la contribution présynaptique ont été faites en observant directement la hausse, après l’induction de la LTP, du taux d’exocytose de vésicules à neurotransmetteurs à l’aide de colorants organiques (Bayazitov, Richardson, Fricke, & Zakharenko, 2007; Zakharenko, Zablow, & Siegelbaum, 2001). Cette évidence supporte que des mécanismes présynaptiques sont en jeu dans l’expression de la LTP. Plusieurs potentiels messagers rétrogrades ont été suggérés pour accomplir ce phénomène, tels que l’oxyde nitrique, le facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF) et les endocannabinoïdes (Gomez-Gonzalo et al., 2015; Hardingham & Fox, 2006; Meis, Endres, & Lessmann, 2012).

Les évidences de la contribution postsynaptique dans la LTP sont beaucoup plus nombreuses (Granger & Nicoll, 2014; Lisman & Hell, 2008). Les divers mécanismes postsynaptiques qui régulent la force de la synapse sont majoritairement dépendants de l’activation initiale de kinases, particulièrement la CaMKII et la PKA. Une courte description de ces voies de signalisation sera faite.

1.5.2.1 La CaMKII

La CaMKII est la protéine la plus abondante du cerveau et de l’épine dendritique (Lisman et al., 2012). C’est une kinase à sérine/thréonine impliquée dans une multitude de fonctions synaptiques et cellulaires. Elle détecte l’augmentation de la concentration du Ca2+ lors de

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l’ouverture des rNMDA, et est en mesure de décoder la fréquence des oscillations calciques (De Koninck & Schulman, 1998). La CaMKII a une structure dodécamérique unique, où chaque sous-unité contient un domaine d’association, un domaine de régulation et un domaine catalytique (Lisman et al., 2012). Lors de la liaison du complexe Ca2+/Calmoduline à une sous-unité de la CaMKII, il se produit un changement de conformation de la sous-unité en question, où le domaine auto-inhibiteur se libère du domaine catalytique normalement inhibé. Cette ouverture de la sous-unité expose la thréonine 286 (T286) du domaine auto-inhibiteur, qui peut être phosphorylée par une sous-unité activée adjacente. Cela a comme conséquence de rendre l’activité enzymatique de la CaMKII indépendante de la présence subséquente de complexe Ca2+/Calmoduline. Cette autophosphorylation, suivie de l’activité prolongée de la CaMKII, est soupçonnée d’être à la base d’une « mémoire » biochimique, permettant à la synapse de se souvenir d’une activation passée, en restant active même après que le Ca2+ intracellulaire soit redescendu au niveau basal (Lisman et al., 2012; Pi, Otmakhov, Lemelin, De Koninck, & Lisman, 2010). Le rôle clé de cette autophosphorylation dans la LTP est bien démontré dans une étude où la T286 a été remplacée par une Alanine, et où aucune LTP n’a pu être induite (Giese, Fedorov, Filipkowski, & Silva, 1998).

Lorsqu’activée par une forte stimulation synaptique, la CaMKII se déplace du cytoplasme vers la PSD, où elle se lie à certaines protéines, particulièrement les rNMDA. Les deux formes actives et inactives de la CaMKII possèdent des sites de liaison à la queue c-terminale des rNMDA, particulièrement ceux contenant la sous-unité GluN2B (Lemieux et al., 2012; Lisman et al., 2012). Cette association avec les rNMDA donne à la CaMKII une position de choix pour détecter les influx calciques provenant des rNMDA, en plus d’être à proximité de potentielles cibles de phosphorylation. Cette association est d’ailleurs essentielle à la LTP; une mutation dans un site clé de la queue de la sous-unité GluN2B est suffisante pour bloquer son induction (Barria & Malinow, 2005). À noter que les rNMDA ne sont pas les seuls partenaires de la CaMKII; d’autres protéines de la PSD peuvent également liées la CaMKII, telles que l’α-actinine et la densine-180 (Lisman et al., 2012). De toutes les actions que la CaMKII active peut effectuer, la régulation de la fonction des rAMPA est probablement la mieux décrite. Les rAMPA sont les principaux générateurs de

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courants excitateurs à la synapse. La régulation de leurs fonctions a donc un impact direct sur l’efficacité de la transmission synaptique. La potentialisation de la fonction des rAMPA découle de deux mécanismes distincts : l’augmentation de leur conductivité et l’augmentation de leur nombre à la PSD (Lisman et al., 2012). La queue c-terminale de la sous-unité GluA1 possède plusieurs sites de phosphorylation. L’augmentation de la conductivité des rAMPA est due à la phosphorylation du résidu S831 de la queue de la sous-unité GluA1, qui est une cible pour la CaMKII, mais également la protéine kinase C (PKC). La phosphorylation de ce site n’est cependant pas suffisante en soi ; l’interaction avec un partenaire majeur des rAMPA, Stargazine, est essentielle à l’augmentation de leur conductivité (Kristensen et al., 2011). De plus, la mutation de la S831 vers une alanine bloque l’induction de la LTP seulement si elle est combinée à la mutation S845A, un site phosphorylé par la PKA (H. K. Lee, Takamiya, He, Song, & Huganir, 2010).

En plus de directement phosphoryler les rAMPA pour augmenter leur conductivité, la CaMKII induit une augmentation de la quantité de rAMPA synaptiques en phosphorylant la queue c-terminale de la Stargazine. Cette phosphorylation permet à la Stargazine de se lier à la PSD95, ayant pour effet l’immobilisation du complexe Stargazine/rAMPA à la PSD (L. Chen et al., 2000; Kim, Saneyoshi, Hosokawa, Okamoto, & Hayashi, 2016; Opazo et al., 2010). Il en résulte un « piégeage » des rAMPA en provenance de domaines extrasynaptiques diffusant librement à la membrane.

Outre son action sur les rAMPA, la CaMKII est impliquée dans d’autres mécanismes sous-jacents à la LTP, tels que les changements structuraux de l’épine et la régulation de la transcription. Ainsi, il est maintenant bien reconnu que la taille de l’épine corrèle avec la force de la synapse, et la CaMKII serait un des joueurs actifs aux changements de ces volumes à la suite d’un protocole d’induction de la LTP (Pi, Otmakhov, El Gaamouch, et al., 2010). Finalement, des évidences du rôle de la CaMKII dans l’activation de facteurs de transcription, entre autres par l’entremise de la phosphorylation de ERK1/2 et également de l’activation de la voie CREB, démontrent le rôle putatif de la kinase dans la régulation de la transcription, un phénomène associé à la maintenance à long terme de la plasticité (El Gaamouch et al., 2012; Wheeler et al., 2012).

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1.5.2.2 La PKA

La protéine kinase dépendant de l’AMP cyclique (PKA) est une autre kinase ubiquitaire des neurones, phosphorylant les résidus sérine et thréonines d’une grande variété de protéines. La PKA inactive est un hétérotétramère formé de 2 sous-unités régulatrices et 2 sous-unités catalytiques. Lors d’une élévation de la concentration de l’AMPc, deux de ces dernières peuvent lier chaque unité régulatrice de la PKA, engendrant leur dissociation des sous-unités catalytiques, qui sont alors libres de phosphoryler leurs cibles (Purves et al., 2004). Tout comme la CaMKII, la PKA peut phosphoryler les rAMPA et réguler sa fonction (Banke et al., 2000). Également, la PKA peut directement phosphoryler la protéine CREB, un facteur de transcription impliqué dans la LTP (Nguyen & Woo, 2003). En fait, la PKA est souvent décrite comme une régulatrice de l’expression et la maintenance à long terme de la plasticité. Cependant, en plus de ces fonctions communes à ceux de la CaMKII, il a plus récemment été découvert que la PKA avait la capacité de phosphoryler les sous-unités GluN2B et GluN1 (Lau et al., 2009; J. A. Murphy et al., 2014). La phosphorylation de la queue c-terminale de la sous-unité GluN2B au résidu S1166 provoque une augmentation de la perméabilité des rNMDA au Ca2+ (J. A. Murphy et al., 2014; Skeberdis et al., 2006). De plus, l’activation indirecte de la PKA par l’activation pharmacologique de l’adénylate cyclase, l’enzyme responsable de la production d’AMPc, entraîne l’induction de la LTP (Otmakhov et al., 2004; Skeberdis et al., 2006). Bref, la PKA est, tout comme la CaMKII et plusieurs autres kinases non décrites dans ce mémoire, essentielle à l’induction et l’expression de la LTP.

1.6 Problématique de recherche

La bonne compréhension des mécanismes moléculaires impliqués dans la potentialisation à long terme et la plasticité synaptique plus généralement est essentielle à l’éventuelle démystification de la biologie de la mémoire et de l’apprentissage. Malgré la bonne base expérimentale que la communauté scientifique a développée pour étudier le phénomène, et les nombreuses percées faites dans les dernières décennies, il semble que tout reste à faire avant de pouvoir réellement comprendre comment la mémoire fonctionne. Depuis la découverte de la potentialisation à long

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terme, une majorité d’études portant sur celle-ci ont fait usage de méthodes d’enregistrements électrophysiologiques. Ces méthodes d’enregistrements consistent à mesurer les courants internes des neurones, créés par le déplacement d’ions de part et d’autre de la membrane plasmique, à l’aide d’une microélectrode posée sur la membrane du corps cellulaire. Les traces obtenues de ces enregistrements présentent l’intégration, au corps cellulaire, de toutes les activations synaptiques qui se sont produites le long de l’arborescence dendritique. Temporellement très précises et très sensibles, les enregistrements électrophysiologiques ont été utilisés entre autres pour mesurer la modulation des diverses propriétés des courants électriques à la suite d’un protocole de potentialisation ou de dépression. Ces propriétés incluent la fréquence, l’amplitude, mais également la cinétique des courants, de même que la facilité à laquelle ils sont générés.

La très bonne résolution temporelle de l’électrophysiologie et son incroyable sensibilité vient cependant avec un défaut important, soit son absence de résolution spatiale. En effet, comme il vient d’être dit, le signal obtenu par électrophysiologie correspond à l’ensemble des courants générés dans les diverses synapses du neurone. Considérant la complexité structurelle des neurones, le fait de n’obtenir que l’intégration des divers courants générés est limitant en termes d’information spatiale. Il n’est pas possible de retracer l’origine de chaque courant mesuré. De plus, techniquement parlant, la microélectrode de mesure fait quelques microns de diamètre, empêchant toute mesure directe à la synapse, qui fait rarement plus d’un micron.

Le manque d’information spatiale en électrophysiologie est particulièrement crucial dans un contexte de potentialisation à long terme. En effet, bien qu’il soit possible de mesurer des changements par exemple dans la fréquence ou l’amplitude des courants, le signal obtenu représente un changement global au neurone. Or, il est connu que la plasticité synaptique est un phénomène spécifique à chaque synapse, et que donc la potentialisation d’une synapse n’est pas nécessairement accompagnée de la potentialisation des synapses environnantes. Ainsi, les enregistrements électrophysiologiques ne permettent pas d’identifier les synapses qui ont subi une plasticité, mais plutôt de détecter des changements globaux. Si les synapses potentialisées sont accompagnées d’autres synapses ayant subi une dépression, l’effet global sera difficile à détecter. De plus, l’impossibilité de connaître la localisation des synapses potentialisées complique l’identification des mécanismes moléculaires en jeu, directement à la synapse, dans la plasticité. L’utilisation d’agents

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pharmacologiques permet l’identification de certaines cibles, mais l’approche reste limitée par l’efficacité et la spécificité de ces drogues. Globalement, la combinaison de ces deux conséquences, soit l’impossibilité d’identifier les synapses potentialisées et la difficulté d’identifier les mécanismes moléculaires, rend la compréhension des mécanismes de la plasticité synaptique observée très complexe.

Pour contourner ce problème, beaucoup se sont tournés vers une technique alternative pour mesurer dans changements dans les neurones, l’imagerie optique. La simple utilisation de lumière blanche permet la visualisation de cellule, mais n’offre aucun contraste quant aux molécules y résidant. Cependant, en exploitant certaines propriétés de la lumière, il est en effet possible de visualiser le cerveau de différentes manières, à différentes échelles spatiales et temporelles, et selon des degrés d’invasion variables. À l’échelle cellulaire, la méthode de choix en imagerie optique est l’imagerie par fluorescence, qui permettra de visualiser avec un fort contraste la localisation de molécules ou d’ions d’intérêts. L’importance de cette technique en justifie sa description détaillée.

1.7 La fluorescence comme solution

La fluorescence est l’émission de photons induite par la relaxation d’un électron d’un niveau excité vers un état énergétique fondamental (Lakowicz, 2006; Lleres, Swift, & Lamond, 2007). L’électron est initialement excité d’un niveau énergétique de base vers un niveau énergétique plus élevé par l’absorption d’un photon ayant une fréquence correspondant à l’écart énergétique entre deux orbitales d’une molécule. Immédiatement après que l’électron ait été excité à un niveau quantique supérieur, celui-ci aura, en relâchant de l’énergie, à revenir au niveau énergétique de base (Fig.1.7a). Cette libération d’énergie peut se faire par un transfert de chaleur (libération non-radiative), mais également par une émission spontanée d’un photon d’énergie égale à l’écart énergétique entre le niveau excité de l’électron et son niveau fondamental. Comme la majorité du temps une certaine quantité d’énergie est perdue par de la relaxation vibrationnelle, l’énergie du photon émis est généralement un peu plus faible que le photon incident (Fig.1.7b).

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Figure 1.7. Principes de base de la fluorescence. (A) Tableau de Jablonski montrant les différents états énergétiques

d’une molécule, et le parcours électronique lorsque celle-ci absorbe de l’énergie sous forme de photon et émet à son tour un photon. (B) Spectres d’absorption et d’émission de l’Alexa 555, une molécule organique fluorescente. Le déplacement de Stokes, correspondant à la différence de longueur d’onde entre le pic d’excitation et le pic d’émission, y est présenté. (A) Tirée de Lleres et al. 2007. (B) Zeiss-Campus, page Web.

La fluorescence est un phénomène physique très commode à la biologie, car elle permet des mesures très peu invasives, relativement sensibles et ne nécessite pas une instrumentation très complexe. Dans un contexte cellulaire, l’idée est de pouvoir visualiser des protéines ou des ions d’intérêts en les ciblant avec des molécules fluorescentes, permettant ainsi de connaître leur localisation dans le neurone, leur dynamique, mais également de les quantifier. Pendant longtemps, pour ce faire, il fallait cibler les molécules d’intérêts par des anticorps couplés à des molécules organiques fluorescentes. Cette technique, l’immunocytochimie, nécessite cependant la fixation préalable des cellules et la perméabilisation de leur membrane, et donc leur mort, ce qui empêchait la visualisation de tous les phénomènes dynamiques. La découverte et l’optimisation de la protéine fluorescente verte (Green fluorescent protein, GFP), exprimée chez la méduse Aequorea victoria, a cependant révolutionné l’imagerie optique en biologie (Tsien, 1998). La GFP est une protéine de 27 kDa ayant une structure en tonneau bêta formé de 11 feuillets bêta, et contenant une hélice alpha en son centre. Sa forme optimisée possède un pic d’absorption à 488nm et un pic d’émission à 509nm, lui conférant sa couleur verte lorsqu’excitée par une lumière bleue. Depuis sa découverte, la GFP et son homologue rouge, la dsRed, ont été dérivées en plusieurs autres protéines fluorescentes de diverses couleurs (Zhang, Campbell, Ting, & Tsien, 2002). L’avantage de ces protéines fluorescentes est qu’il est possible de les surexprimer dans les cellules vivantes, et d’ainsi éviter leur mort par la fixation et la perméabilisation nécessaires à l’introduction des anticorps fluorescents. En ciblant

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