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Nouvelles approches pour la prise en charge de l’anomie dans l’aphasie post-accident vasculaire cérébral et dans l'aphasie primaire progressive

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Texte intégral

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Nouvelles approches pour la prise en charge de

l’anomie dans l’aphasie post-accident vasculaire

cérébral et dans l’aphasie primaire progressive

Thèse

Sonia Routhier

Doctorat en médecine expérimentale

Philosophiæ doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Sonia Routhier, 2014

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iii

Résumé

INTRODUCTION : L’aphasie est un trouble acquis du langage qui peut survenir à la suite d’un accident

vasculaire cérébral (AVC) ou dans le cadre d’une démence. Les individus souffrant d’aphasie présentent presque tous de l'anomie, soit des difficultés à trouver les mots pour nommer les objets, les actions, les personnes. Le pronostic de l’aphasie dépend de plusieurs facteurs dont l’efficacité de l’intervention orthophonique. Classiquement, l’intervention pour l’anomie consiste à fournir des indices phonologiques, sémantiques ou orthographiques pour favoriser le réapprentissage des mots. Récemment, de nouvelles interventions qui reposent sur l’observation d’actions ou l’utilisation des technologies (ex., tablettes électroniques) émergent dans les écrits scientifiques. Des études sont nécessaires pour en documenter l’efficacité.

OBJECTIFS : L’objectif général du projet doctoral est d’évaluer l’efficacité de nouvelles approches

orthophoniques pour le traitement de l’anomie. Plus spécifiquement, l’étude 1 compare une approche sémantique-phonologique et une approche par observation d’actions pour la rééducation de l’anomie des verbes en aphasie post-AVC. L’étude 2 mesure l’efficacité d’une intervention auto-administrée via tablette électronique pour l’anomie des verbes en aphasie post-AVC. L’étude 3 mesure l’efficacité d’une intervention compensatoire via téléphone intelligent pour l’anomie dans le cadre d’une démence (variante sémantique de l’aphasie primaire progressive (vsAPP)).

MÉTHODE : Des études de cas unique ont été réalisées auprès de patients présentant une anomie post-AVC

ou dégénérative (vsAPP). Quatre phases ont été complétées: (1) Évaluation cognitive, (2) Mesures des performances pré-traitement, (3) Traitement, (4) Mesures des performances post-traitement.

RÉSULTATS : La rééducation de l’anomie des verbes via l’observation d’action (étude 1) n’a pas permis

l’amélioration de la dénomination des verbes. L’utilisation d’indices sémantiques et phonologiques a toutefois permis d’améliorer la dénomination des verbes, autant lors de l’intervention en présence du thérapeute (étude 1) que lors d’une intervention auto-administrée via une tablette électronique (étude 2). La prise en charge de l’anomie via un téléphone intelligent a été efficace pour compenser les déficits du patient de l’étude 3.

CONCLUSION : Une prise en charge efficace de l’anomie est possible et primordiale afin de favoriser une

communication optimale et fonctionnelle des individus qui en souffrent. Les présents résultats s’ajoutent au peu d’études actuellement disponibles concernant la mise en place de ces nouveaux traitements pour l’anomie.

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Table des matières

Résumé ... iii 

Table des matières ... v 

Liste des tableaux ... vii 

Liste des figures ... ix 

Liste des abréviations ... xi 

Remerciements ... xv 

Avant-propos ... xvii 

Chapitre 1. Introduction générale ... 1 

1.1 Problématique ... 1 

1.2 Objectifs ... 3 

Chapitre 2. Recension des écrits : anomie et interventions associées ... 5 

2.1 L’anomie ... 5 

2.1.1 Définition... 5 

2.1.2 Modèle cognitif général de la production du mot ... 6 

2.1.3 Manifestations de l’anomie ... 7 

2.1.3 Approches d’intervention pour la prise en charge de l’anomie ... 8 

2.2 L’anomie dans le cadre de l’aphasie post-AVC ... 11 

2.2.1 Présentation de l’aphasie post-AVC : Causes et tableaux cliniques ... 11 

2.2.2 L’anomie des verbes ... 13 

2.2.3 Prise en charge de l’anomie des verbes en aphasie post-AVC ... 14 

2.2.3.1 Interventions sémantiques ou phonologiques ... 15 

2.2.3.2 Interventions sensorimotrices ... 17 

2.2.3.3 Interventions via ordinateur ... 20 

2.3 L’anomie associée à la vsAPP ... 24 

2.3.1 Mise en contexte de la vsAPP à l’intérieur des profils de démence ... 24 

2.3.2 Présentation de la vsAPP : Tableau clinique ... 24 

2.3.3 Prise en charge de l’anomie en vsAPP ... 27 

Résumé et limites des études ... 31 

Chapitre 3. Méthode et résultats : rééducation de l’anomie des verbes en aphasie post-AVC ... 35 

Étude 1. The contrast between cueing and/or observation in therapy for verb retrieval in post-stroke aphasia: Two case studies ... 35 

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Étude 2. Smart tablet for smart self-administered treatment of verb anomia: a case-series study in aphasia

... 58 

Chapitre 4. Méthode et résultats : approche de compensation écologique pour l’anomie en vsAPP ... 85 

Étude 3. From smartphone to external semantic memory device: the use of new technologies to compensate for semantic deficits ... 85 

Chapitre 5. Discussion générale ... 111 

5.1 Synthèse des résultats ... 111 

5.2 Forces et limites ... 115  5.3 Retombées ... 117  5.4 Perspectives futures ... 120  5.5 Conclusion ... 121  Bibliographie ... 123  Annexe ... 139 

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vii

Liste des tableaux

Tableau 1. Participants’ general sociodemographic data and verb naming score ... 41 

Tableau 2. Background assessment ... 43 

Tableau 3. Background assessment for P1 and P2 ... 64 

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ix

Liste des figures

Figure 1. Modèle cognitif général de la dénomination orale d'une image ... 6

Figure 2. P1 and P2 verb naming performance for each of the three lists in each phase ... 47

Figure 3. P2 performance on verb comprehension before and after verb naming therapy ... 49

Figure 4. Cueing hierarchy and screen display for the cued list ... 68

Figure 5. Progression of verb naming scores for P1 and P2 ... 72

Figure 6. ARCUS home page ... 94

Figure 7. Proportion of time a compensatory strategy was used when needed ... 97

Figure 8. Contrasted use of paper notebook and ARCUS ... 98

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Liste des abréviations

ADL activities of daily living APP aphasie primaire progressive AVC accident vasculaire cérébral

BECLA Batterie d’Évaluation Cognitive du Langage chez l’Adulte bFTD behavioral variant of frontotemporal dementia

BL baseline measures

BORB Birmingham Object Recognition Battery

CARP-2 Spanish computer-assisted rehabilitation program

C-U cut-off score

DKEF Delis-Kaplan Executive Function System

DLFT démence due à une dégénérescence lobaire frontotemporale DMS48 Delayed Matching-to-Sample Test

DS démence sémantique

DVL-38 Test de dénomination de verbes lexicaux FTD frontotemporal dementia

M maintenance measures

MEC Protocole Montréal d’Évaluation de la Communication

MT-86 Protocole Montréal-Toulouse d'examen linguistique de l'aphasie PENO Protocole d’Évaluation Neuropsychologique

PPA primary progressive aphasia PPTT Pyramids and Palm Trees Test

SD standard deviation

SD semantic dementia (article 3 de la thèse) SFA Semantic Feature Analysis

TDQ-60 Test de Dénomination d’images de Québec

TMT Trail making test

VNeST Verb Network Strengthening Treatment

vsAPP variante sémantique de l’aphasie primaire progressive

W weekly measures

WAB Western Aphasia Battery WMS-III Wechsler Memory Scale-III WNR within normal range

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xiii

À mes filleuls Alec et Naomie; petit et grand

soleils.

À Marcel, pour une belle leçon de vie.

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Remerciements

Ce projet doctoral n’aurait tout simplement pas pu se concrétiser sans la présence de plusieurs personnes extraordinaires que je tiens à remercier.

D’abord, je ne pourrai jamais assez remercier Joël qui a été un directeur de thèse tout simplement merveilleux. Merci Joël pour ta disponibilité impressionnante, pour ton écoute, ton humour, ton réalisme. Merci aussi de m’avoir donné de belles opportunités tout au long de mon parcours doctoral. Ton expertise scientifique et ton expertise « humaine » auront été des atouts majeurs. Tu comprends l’essence des études doctorales et tu sais diriger tes étudiants là où ils se doivent d’aller, en toute simplicité. Je te décerne, sans aucune retenue, le prix du meilleur directeur de thèse !

Je ne pourrai aussi jamais assez remercier ma co-directrice Nathalie. Merci Nathalie pour ta patience, tes encouragements spontanés et bien placés et pour ta disponibilité toute aussi impressionnante que celle de Joël! Tu auras été, tout au long de mon parcours, une grande force tranquille, présente et efficace au bon moment. Au risque de me répéter, Joël et Nathalie, vous avez été une équipe exemplaire tout au long de mon parcours. MERCI. Vous avez su me guider et m’aider à cheminer, autant dans les moments de grandes fiertés que dans les moments de grands doutes. Par-dessus tout, votre humanisme et votre instinct de mentor auront été des éléments clés pour la réalisation de ce grand défi. Quelle chance j’ai eue de vous avoir !

Mon parcours n’aurait pu être aussi agréable qu’en la présence de mes collègues de « labo ». Vincent, Noémie, Christina, Anne, vous avez été tout simplement indispensables à ma route doctorale ! Nos discussions improvisées sur la vie, sur les stats, sur l' « après-doc » n’ont été, en fait, que l’actualisation d’une nouvelle amitié. Que nos routes respectives continuent de se croiser aussi souvent et réalistement que possible. Vous êtes formidables. MERCI d’avoir été là !

Un merci tout spécial aux assistantes et stagiaires de recherche qui m’auront aidé à la confection des stimuli, à la collecte des données et à la cotation des résultats. Sans vous, j’en serais encore à filmer le verbe « pelleter » ! Monica, Marie-Ève, Marie-Josée, Marie-Christine, Daphnée et Arianne, merci beaucoup pour votre aide ! Vous êtes des perles sur 2 pattes.

Aux IRSC et au programme de Bourse Vanier, MERCI pour le soutien financier. Le chemin universitaire, du baccalauréat jusqu’à la fin du doctorat, est un long marathon budgétaire. Le stress des factures en moins allège la route.

Je dois aussi dédier un merci IMMENSE à mes amis de tous les horizons. Merci à ceux des 17 dernières années, rencontrés lors de mon passage au secondaire et avec qui les liens ne se sont que peaufinés au fil

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des ans. Vous êtes mes frères et sœurs de cœur, mon port d’attache. Je vous aime tant! Merci à mes amies du baccalauréat avec qui le chemin universitaire a débuté et avec lesquelles il m’a été maintes fois possible de discuter de nos cheminements respectifs, question de remettre les choses en perspective! Merci aussi à mes amies et « membresses » de la maîtrise pour les encouragements ponctuels et les rencontres inter-ville ! À vous tous, chère deuxième famille, MERCI.

Merci aussi à ma famille que j’aime sans borne. Vous êtes PAR-FAITS. Marcel et Micheline, mes parents « pré-fab », vous avez été d’une douceur et d’une grande indulgence envers moi, votre fille pré-fab, qui prend beaucoup de place dans la vie de vos conjoints. Merci BEAUCOUP pour votre aide et votre appui, comme si j’étais votre propre fille. Steph, Marcel L., Nounou, Jérôme, Ben, Guy, Max, Étienne, Guylaine, Jacques, Marie Lee (« B-S »), Jason et David : je suis choyée d’avoir autour de moi des gens généreux et compréhensifs comme vous.

Un merci si important à mon Sam, cet être doux et empathique comme 10. Ce grand être, solide, ancré et réaliste sur qui je peux m’appuyer pour douter un peu et avec lequel je peux aussi célébrer mes joies. Tu auras été mon motivateur, mon cuisinier, mon confident, mon humoriste. Tu es un cadeau mis sur ma route. Ta persévérance aura déteint sur moi. Merci d’avoir été (et d’être toujours) mon repère tranquille. xxx

Finalement, Mom, Dad, vous êtes des parents tout simplement exemplaires. Sans vous, JAMAIS JAMAIS JAMAIS vous ne liriez ces remerciements. Vous avez été mes plus fervents supporteurs, autant pour mes projets personnels qu’académiques. Je ne peux m’imaginer ce qu’aurait été mon parcours sans votre continuelle présence, écoute, aide de toute sorte, générosité et amour inconditionnel. Une maman aussi à l’écoute et aussi généreuse de son temps, un papa aussi fier et aussi encourageant, ça ne peut faire autrement que de donner cette dose d’énergie nécessaire à la réalisation de projets, même aussi fous soient-ils. MERCI. Merci. Je vous décerne, sans aucune retenue, le prix des meilleurs parents du monde! xxx

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Avant-propos

Les résultats de la présente thèse sont constitués de 3 articles expérimentaux :

1) Routhier, S., Bier, N., & Macoir, J. (soumis à Journal of Communication Disorders). The contrast between cueing and/or observation therapy for verb retrieval in post-stroke aphasia : Two case studies.

2) Routhier, S., Bier, N., & Macoir, J. (en révision pour Aphasiology). Smart tablet for smart self-administered treatment of verb anomia: a case-series study in aphasia.

3) Routhier, S., Macoir, J., Jacques, S., Imbeault, H., Pigot, H. Giroux, S., Cau, A. & Bier, N. (2012). From smartphone to external semantic memory device: the use of new technologies to compensate for semantic deficits. Non-pharmacological Therapies in Dementia, 2 (2), 81-99.

Le premier article est inséré au chapitre 3 de cette thèse. L’article est présenté tel que soumis à la revue Journal of Communication Disorders. L’article a été rédigé dans son intégralité par Sonia Routhier. Les co-auteurs Nathalie Bier et Joël Macoir, co-directrice et directeur de ce projet de thèse, ont révisé, corrigé et bonifié les différentes versions du manuscrit. Ils ont aussi participé activement à l’élaboration et au déroulement de cette étude.

Le deuxième article est aussi inséré au chapitre 3 de cette thèse. L’article est introduit tel que soumis initialement à la revue Aphasiology. Les demandes de corrections de la part de l’éditeur et des réviseurs ont été reçues et la révision est actuellement en cours. L’article a été écrit dans son entièreté par Sonia Routhier. Les co-auteurs Nathalie Bier et Joël Macoir, co-directrice et directeur de ce projet de thèse, ont révisé, corrigé et bonifié les différentes versions du manuscrit. Ils ont aussi participé activement à l’élaboration de cette étude ainsi qu’au déroulement du projet.

Le troisième article est inséré au chapitre 4 de la présente thèse. Il est inséré tel que publié, en 2012, dans le journal Non-pharmacological Therapies in Dementia. L’article a été rédigé par Sonia Routhier. Nathalie Bier et Joël Macoir, co-directrice et directeur de cette thèse, ont révisé, corrigé et bonifié les différentes versions du manuscrit. Ils ont aussi été très impliqués dans l’élaboration du projet de recherche. Séverine Jacques, stagiaire de recherche, a aussi été grandement impliquée lors de l’élaboration du projet et lors de la mise en place de l’intervention auprès du patient de cette étude. Hélène Pigot et Sylvain Giroux, professeurs en informatique à l’Université de Sherbrooke et chercheurs au laboratoire DOMUS de même que Albert Cau du Laboratoire DOMUS ont participé activement à l’élaboration et au déploiement de l’outil technologique utilisé dans l’étude. Hélène Imbeault, neuropsychologue et professeure associée à l’Université de Sherbrooke a

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aussi participé à l’élaboration du projet de recherche, particulièrement pour l'élaboration du protocole d’apprentissage.

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Chapitre 1. Introduction générale

1.1 Problématique

L’aphasie est un trouble acquis du langage qui survient généralement à la suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ou dans le cadre d’une aphasie dégénérative (aphasie primaire progressive, APP) (Goodglass, 1993). Malgré l’hétérogénéité des manifestations langagières rencontrées chez les personnes présentant une aphasie, l’anomie se manifeste chez presque tous les individus aphasiques et ce, peu importe son étiologie. L’anomie est donc le symptôme le plus fréquemment observé en aphasie et se définit comme une incapacité à trouver les mots pour nommer les objets, les personnes, les actions (Alexander & Hillis, 2008; Mesulam, 2009). Elle peut principalement résulter de deux atteintes cognitives fonctionnelles, soit une difficulté à récupérer le sens du mot cible (atteinte sémantique sous-jacente à l’anomie) ou une difficulté à récupérer la forme sonore du mot cible (atteinte phonologique-lexicale sous-jacente à l’anomie).

De par l’omniprésence de l’anomie en aphasie, l’intervention orthophonique auprès de personnes aphasiques comporte très souvent un objectif thérapeutique visant la réduction de l’anomie. La présente thèse porte sur l’évaluation de l’efficacité de nouvelles approches d’intervention pour la prise en charge de l’anomie. D’un point de vue clinique, une prise en charge efficace de l’anomie permettra une meilleure communication entre la personne aphasique et ses différents partenaires de communication personnels, sociaux et professionnels. Cette prise en charge est essentielle afin d’améliorer, ultimement, leur qualité de vie. D’un point de vue scientifique, de nouvelles approches d’intervention pour l’anomie font leur apparition dans la pratique et dans la documentation scientifique. Il est donc nécessaire d'évaluer de manière rigoureuse et scientifique leur efficacité afin de mieux comprendre la réponse au traitement.

En aphasie post-AVC, les données relatives à l’anomie et à ses traitements portent en très grande majorité sur les troubles de la dénomination des noms communs (Nickels & Best, 1996a, 1996b; Nickels, 2002) alors que les troubles de la dénomination des verbes sont moins considérés (Conroy, Sage, & Lambon Ralph, 2006). Ceci est étonnant compte tenu du rôle central que tient le verbe sur le plan lexical ainsi que dans la construction des phrases et du discours. Dans les études portant sur la prise en charge de l’anomie en aphasie post-AVC, l’approche de rééducation privilégiée vise à réapprendre les verbes au moyen de différentes stratégies thérapeutiques basées sur les atteintes fonctionnelles phonologiques ou sémantiques sous-jacentes à l’anomie. Quelques études portent aussi sur l’efficacité d’interventions qui intègrent un aspect sensorimoteur, tel que la réalisation ou l’observation de gestes d’actions pour l’amélioration de la dénomination des verbes (ex., Raymer et al., 2006; Rose & Douglas, 2008). Dernièrement, quelques études (Bonifazi et al., 2013; Marangolo et al., 2010; Marangolo, Cipollari, Fiori, Razzano, & Caltagirone, 2012) suggèrent même que la simple observation d’actions pourrait mener à l’amélioration de la dénomination des

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verbes. Ces interventions reposent sur le postulat que le sens d'un verbe serait à la fois encodé dans le système linguistique et dans le système sensori-moteur via la représentation motrice du mouvement. Cette affirmation est en lien avec les théories de la cognition située (Barsalou, 1999; 2008) selon lesquelles le sens d’un mot serait ancré dans les expériences sensorielles. Par exemple, le réseau sensorimoteur impliqué dans la réalisation de l’action « scier » serait aussi impliqué dans le traitement (« processing ») du concept « scier » (Aziz-Zadeh & Damasio, 2008; Aziz-Zadeh, Wilson, Rizzolatti, & Iacoboni, 2006). Ainsi, observer ou exécuter une action pourrait faciliter la récupération du mot qui lui est associé. Davantage d’études sont cependant nécessaires pour déterminer l’efficacité de ces thérapies sensori-motrices. L’étude 1 de la présente thèse porte donc sur l’évaluation d’une intervention pour l’anomie des verbes via l’observation d’actions et sur la comparaison de cette intervention à une stratégie plus classique, combinant indiçage sémantique et phonologique.

De plus, les milieux cliniques et la documentation scientifique s’intéressent de plus en plus à l’utilisation des nouvelles technologies comme outil de thérapie pour la prise en charge de l’anomie. En effet, des études portant sur l’utilisation de l’ordinateur pour l’amélioration de la dénomination rapportent des résultats intéressants en aphasie post-AVC (ex., Fink, Brecher, Sobel, & Schwartz, 2005; Pedersen, Vinter, & Olsen, 2001). Quelques rares et récentes études portent aussi sur l’utilisation de tablettes électroniques pour la prise en charge des difficultés langagières (Hoover & Carney, 2014; Kiran, Roches, Balachandran, & Ascenso, 2014; Kurland, Wilkins, & Stokes, 2014; Lavoie, Routhier, Légaré, & Macoir, soumis). Toutefois, aucune de ces études ne porte sur la dénomination orale des verbes et peu d’études sont réalisées suivant un protocole de thérapie totalement auto-administrée par le patient. Pourtant, dans un contexte de pénurie des ressources humaines thérapeutiques, l’utilisation autonome de ces outils technologiques pour la réalisation de séances de thérapie permettrait d’augmenter l’intensité des traitements sans poser davantage de pression sur les ressources humaines en place dans les milieux de la réadaptation. Une évaluation de l’efficacité de thérapies auto-administrées via ces nouveaux outils technologiques est aussi nécessaire et fait l'objet de l’étude 2 de cette thèse.

L’anomie est également une manifestation clinique de certaines formes de démences, telle que la variante sémantique de l’aphasie primaire progressive (vsAPP). En effet, la vsAPP est une forme de démence caractérisée par un déclin progressif des habiletés langagières, affectant principalement la compréhension des mots isolés et la production orale des mots (anomie) (Gorno-Tempini et al., 2011; Mesulam, 2001; Neary et al., 1998). La documentation scientifique portant sur la prise en charge de l’anomie en vsAPP est toutefois très limitée (Carthery-Goulart et al., 2013; Gravel-Laflamme, Routhier, & Macoir, 2012; Jokel, Graham, Rochon, & Leonard, 2014). Au Québec, en pratique, les individus présentant une vsAPP sont aussi très rarement dirigés vers des services orthophoniques et la prise en charge des difficultés langagières est quasi inexistante pour

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3 ces patients. Une meilleure prise en charge des symptômes langagiers – tels que l’anomie- pourrait certainement améliorer la qualité de vie de ces individus. Dans les rares études portant sur la prise en charge de l’anomie associée à la vsAPP, l’approche de rééducation la plus étudiée consiste, tout comme pour l’anomie post-AVC, à réapprendre les mots problématiques. Or, la nature dégénérative de la maladie ainsi que les résultats obtenus dans les quelques études actuellement disponibles soulèvent des questionnements relatifs à la meilleure approche à utiliser pour aider réellement ces patients à maintenir une communication efficace le plus longtemps possible. Outre le réapprentissage des mots, une approche visant plutôt la compensation des difficultés pourrait être envisagée auprès des patients présentant une aphasie dégénérative. Les études portant sur l’efficacité d’une approche de compensation pour l’anomie associée à la vsAPP sont cependant pratiquement absentes. Afin de parvenir à une compensation efficace, l’utilisation des nouvelles technologies, telles que les tablettes et les téléphones intelligents, est une avenue à explorer compte tenu des avantages qu’elles offrent : portables, non stigmatisantes pour le patient, rapides, adaptables. L’étude 3 de cette thèse a pour objectif l’évaluation d’une approche de compensation pour l’anomie en vsAPP via l’utilisation d’un téléphone intelligent.

1.2 Objectifs

L’objectif général de cette thèse est d’évaluer l’efficacité de nouvelles interventions orthophoniques pour la prise en charge de l’anomie post-AVC et de l’anomie associée à la vsAPP. Trois objectifs spécifiques sont inclus et se présentent en trois études distinctes.

Le premier objectif (étude 1) vise à mesurer l’efficacité d’une intervention par observation d’actions pour l’anomie des verbes en aphasie post-AVC et à la comparer à une intervention combinant des indices sémantiques et phonologiques. Plus spécifiquement, cette étude vise à :

- mesurer l’efficacité d’une intervention par la seule observation d’actions;

- mesurer l’efficacité d’une intervention incluant un indiçage hiérarchique phonologique et sémantique;

- comparer l’efficacité de ces deux types d’interventions;

- mesurer la généralisation de ces interventions à des verbes non traités et à une tâche non traitée;

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Le deuxième objectif (étude 2) vise à mesurer l’efficacité d’une nouvelle intervention auto-administrée via une tablette électronique pour l’anomie des verbes. Plus spécifiquement, l'étude vise à:

- mesurer l’efficacité d’une intervention auto-administrée via une tablette électronique incluant un indiçage hiérarchique phonologique, sémantique et orthographique;

- mesurer la généralisation de ces interventions à des verbes non traités et à une tâche non traitée;

- mesurer le maintien des acquis jusqu’à 2 mois post-intervention;

- mesurer la satisfaction des individus aphasiques face à ce mode de thérapie.

La troisième étude porte sur l’anomie en vsAPP et l’objectif général est de mesurer l’efficacité d’une intervention de compensation de l’anomie via téléphone intelligent. Plus spécifiquement, les objectifs de cette étude sont de :

- quantifier l’utilisation du téléphone intelligent comme moyen compensatoire; - mesurer l’efficacité de la compensation effectuée via le téléphone intelligent; - mesurer la facilité à utiliser l’outil technologique.

Dans le prochain chapitre (chapitre 2), une recension des écrits concernant les aphasies, l’anomie et les interventions associées sera présentée. Le chapitre 3 est consacré à la méthodologie et aux résultats des deux premières études portant sur l’anomie des verbes en aphasie post-AVC. Le chapitre 4 est consacré à la méthodologie et aux résultats de la troisième étude portant sur l’intervention compensatoire pour l’anomie dans le cadre de la vsAPP. Le chapitre 5 présente la discussion générale et la conclusion de cette thèse.

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Chapitre 2. Recension des écrits : anomie et

interventions associées

Le terme « aphasie » réfère à un ensemble de troubles cliniques qui affectent les capacités de communication orales ou écrites des individus dans le cadre de lésions cérébrales diverses (Goodglass, 1993). Les lésions cérébrales à l’origine de l'aphasie peuvent survenir, entre autres, suivant un AVC ou dans le cadre d’une maladie neurodégénérative telle qu’une démence (Benson & Ardila, 1996; Kirshner, 2012; Mesulam, 2009; Verstichel & Cambier, 2005). L’aphasie causée par un AVC se manifeste subitement et les difficultés langagières sont à leur apogée immédiatement suivant le diagnostic. L’aphasie causée par une démence s’installe progressivement et les difficultés langagières croissent avec le temps (Mesulam, 2009). Les manifestations de l’aphasie sont multiples et peuvent toucher plusieurs sphères du langage, telles que l’expression et la compréhension, autant orales qu’écrites (Basso, Forbes, & Boller, 2013; Verstichel & Cambier, 2005; Whitworth, Webster, & Howard, 2005). Une de ces manifestations est l’anomie, soit une difficulté à trouver les mots dans le discours ou lors de la dénomination simple d’objets, d’actions, de personnes (Goodglass & Wingfield, 1997). L’anomie est la manifestation la plus souvent rapportée en aphasie (Berndt, Burton, Haendiges, & Mitchum, 2002; Nickels, 2002).

Le présent chapitre présentera d’abord plus en détails l’anomie ainsi qu’un modèle de fonctionnement cognitif général permettant de mieux comprendre cette manifestation aphasique. Les différentes approches générales d’intervention pouvant être envisagées pour la prise en charge de l’anomie seront ensuite présentées. La deuxième portion de ce chapitre sera consacrée à l’anomie des verbes dans le cadre d’une aphasie post-AVC et aux interventions proposées pour sa prise en charge. Finalement, la dernière portion du chapitre portera sur l’anomie associée à la vsAPP et sur l’efficacité de sa prise en charge.

2.1 L’anomie

2.1.1 Définition

L’anomie se définit par une incapacité ou des difficultés à récupérer en mémoire à long terme les mots nécessaires à désigner des concepts (Goodglass & Wingfield, 1997; Goodglass, 1993). Ces troubles peuvent se manifester autant dans le discours spontané que lors de tâches plus structurées de dénomination d’objets, d’actions, de lieux, de personnes. L’anomie peut aussi se manifester à différents degrés, allant d’une légère difficulté à récupérer les mots à une incapacité totale à nommer les concepts (Goodglass & Wingfield, 1997). L’anomie est quasi universelle à l’aphasie, ce qui en fait, parmi toutes les manifestations possibles de l’aphasie, le symptôme le plus souvent rapporté (Alexander & Hillis, 2008; Goodglass & Wingfield, 1997; Goodglass, 1993; Kambanaros, 2008; Mesulam, 2009).

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2.1.2 Modèle cognitif général de la production du mot

Parmi les différentes habiletés langagières nécessaires à la communication, la capacité de production orale des mots en est une des plus importantes. La présence d’une anomie vient donc entraver les capacités communicationnelles de l’individu aphasique. Classiquement, les habiletés de dénomination sont évaluées via des tâches structurées de dénomination orale d'objets réels ou d’images d’objets (Spezzano & Radanovic, 2010).

La compréhension des causes et des mécanismes sous-jacents à l’anomie est possible via l'identification de l'origine des troubles. La neuropsychologie cognitive vise à décrire le fonctionnement de la cognition par la modélisation des différents processus impliqués lors de la réalisation d’actes cognitifs tels que la dénomination orale d’une image. Selon cette perspective, chaque acte langagier (ex., nommer une image, comprendre un mot) peut s’expliquer par un modèle de fonctionnement qui comporte différents modules de traitement ou de stockage d’informations. Chacun de ces modules correspond à une étape permettant de progresser vers l’atteinte du but cognitif. La neuropsychologie cognitive permet donc de décomposer chaque acte langagier en une succession d’étapes interconnectées (Basso et al., 2013). Cette approche préconise donc l’analyse des performances des individus aphasiques en relation à un modèle de fonctionnement normal (Kay, Lesser, & Coltheart, 1996; Turgeon & Macoir, 2008; Whitworth et al., 2005).

Plusieurs modèles cognitifs différents ont été développés afin d’expliquer les étapes nécessaires à la dénomination (ex., Caramazza, 1997; Dell, Schwartz, Martin, Saffran, & Gagnon, 1997; Levelt, Roelofs, & Meyer, 1999; Morton, 1984). Bien que le nombre de modules spécifiques, la nomenclature de ceux-ci et la présence ou l’absence d’interactivité entre ces derniers soient propres à chacun des modèles développés, un modèle cognitif général à trois composantes peut être extrait et permet de représenter les étapes principales de la dénomination orale (Ferrand, 1997). La figure 1 illustre les différents modules du modèle général (ex., Goodglass & Wingfield, 1997; Goodglass, 1993; Hillis, 2008; Kay, Lesser, & Coltheart, 1996). Le premier de ces modules consiste à reconnaître visuellement l’image présentée via l’extraction des caractéristiques perceptuelles. Il s'agit donc d'une étape purement gnosique. La deuxième étape consiste à accéder au sens du concept représenté via l’activation des différents traits sémantiques emmagasinés dans le système sémantique. Le système sémantique peut être considéré comme la

Figure 1. Modèle cognitif général de la dénomination orale d'une image

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7 mémoire des caractéristiques associés à chacun des concepts (mémoire sémantique; Tulving, 1972). Par exemple, les traits « outil », « sert à clouer » et « forme allongée » pourraient être associés au concept « marteau »1. Finalement, la dernière étape consiste à récupérer la forme sonore du mot via l’accès au lexique

phonologique de sortie. Certains postulats théoriques plus spécifiques précisent que la récupération du mot à l’intérieur du lexique est réalisée en deux sous-étapes distinctes (ex., Butterworth, 1992; Dell et al., 1997; Kempen & Huijbers, 1983; Levelt et al., 1999). La première sous-étape correspondrait à l’activation d’une unité lexicale abstraite non phonologique. Cette étape permettrait de faire le lien entre la conceptualisation du stimulus en mémoire sémantique et l’activation subséquente de sa forme phonologique précise. Tous les modèles n’utilisant pas la même terminologie, cette étape sera ici abordée comme étant l’activation du lemme. Le lemme serait associé à des informations syntaxiques et grammaticales telles que le genre, le nombre, la classe grammaticale du concept à nommer. Selon les théories, les caractéristiques sémantiques pourraient aussi y être associées. La deuxième étape correspondrait à l’activation des phonèmes (des sons) nécessaires à l’encodage phonologique du mot ainsi que de leur ordre et de leur organisation syllabique. Tous les modèles n’utilisant pas la même terminologie, cette étape sera ici abordée comme étant l’activation du lexème. À la suite de la récupération de la forme sonore du mot via le lexique phonologique de sortie, la planification et l’exécution motrice de la parole permettent l’articulation du mot et sa dénomination à voix haute.

Suivant une analyse neuropsychologique cognitive, la présence d’une anomie chez le sujet aphasique peut donc s’expliquer par l’atteinte d’un de ces modules ou d’une combinaison de modules. Lorsque les troubles de la dénomination relèvent principalement d’une atteinte du système de reconnaissance visuelle et donc d’une difficulté à reconnaître les stimuli présentés, la présence d’une agnosie visuelle sera alors postulée. Une anomie conséquente à une agnosie n’est donc pas un trouble langagier en soit, mais plutôt le résultat d’une atteinte à une fonction cognitive connexe et périphérique. L’anomie peut aussi relever d’une atteinte plus spécifiquement langagière au(x) module(s) sémantique ou lexical-phonologique. L’accès aux différents modules peut aussi être altéré (cf. flèches dans la figure 1).

2.1.3 Manifestations de l’anomie

Selon la localisation fonctionnelle de l’atteinte sous-jacente à l’anomie (ex., module sémantique, module lexical, combinaison de ces modules), différentes manifestations seront observables (Goodglass & Wingfield, 1997; Goodglass, 1993; Whitworth et al., 2005).

1 L’organisation des informations stockées en mémoire sémantique, le format de ces informations et l’accès à ces

informations sont source de débats et de propositions différentes dans les écrits scientifiques (pour une revue voir Kiefer & Pulvermüller, 2012). C’est une vision générale de la mémoire sémantique qui est ici adoptée, sans distinction quant au format des caractéristiques sémantiques, à leur organisation et leur accès.

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Il est tout d’abord possible que la personne ne puisse trouver un mot pour désigner le concept ou qu’elle y parvienne, mais suivant un délai plus ou moins important. Un néologisme peut aussi être produit. Le néologisme correspond à la production d’un mot qui ne figure pas dans le vocabulaire de la langue et qui ne ressemble pas à un mot connu (par exemple, produire « tachari » au lieu de « marteau »). La personne aphasique peut aussi générer une circonlocution, soit une description plus ou moins précise du concept à nommer (par exemple, produire « paf paf pour mettre le clou » au lieu de « marteau »).

L’individu aphasique peut aussi faire erreur et produire un mot qui soit inexact. Le terme « paraphasie »2 est alors employé afin de désigner les différents types d’erreurs produites. Les paraphasies

peuvent être verbales, c’est-à-dire que l’individu utilise un mot connu de la langue, mais inadéquat pour désigner le concept représenté. Les paraphasies verbales peuvent être non reliées au mot cible (paraphasie verbale non reliée; par exemple, utiliser « marteau » au lieu de « chemin »), être reliées à la cible par le sens (paraphasie verbale sémantique; par exemple, utiliser « marteau » au lieu de « scie ») ou par la forme sonore (paraphasie verbale formelle; par exemple, utiliser « marteau » au lieu de « manteau »). Les paraphasies peuvent aussi être de nature phonémique, c’est-à-dire que l’individu produit un mot qui contient des erreurs sur la forme sonore du mot, mais qui ne constitue pas un mot connu. L’individu peut alors ajouter des sons, en omettre, en déplacer ou en substituer (paraphasie phonémique; par exemple, produire « marpateau » ou «mateau » ou « matreau » ou « marpeau » au lieu de « marteau »). En résumé, selon l’atteinte fonctionnelle sous-jacente à l’anomie, les paraphasies peuvent être de nature sémantique ou phonologique et correspondre ou non à un mot connu de la langue (Goodglass & Wingfield, 1997; Goodglass, 1993; Whitworth et al., 2005).

2.1.3 Approches d’intervention pour la prise en charge de l’anomie

L’objectif de base de toute intervention pour le traitement de l’anomie - et pour de la prise en charge générale de l’aphasie - est d’optimiser la communication des individus aphasiques. Afin d’atteindre cet objectif, plusieurs approches d’intervention sont envisageables. Bien que plusieurs classifications soient présentées dans les écrits, ces méthodes peuvent globalement être regroupées sous trois grandes approches d’intervention: approche de rétablissement, approche de réorganisation, approche de compensation (Seron, 1982).

L’approche de rétablissement est certainement l’approche la plus utilisée (de Partz, 1998). L’objectif d’une intervention réalisée suivant cette approche est de restaurer la fonction cognitive altérée afin de lui redonner son mode de fonctionnement pré-lésionnel (de Partz, 1998; Seron, 1982). Il s’agira donc de réapprendre les informations perdues ou de ré-entraîner les composantes cognitives altérées sous-jacentes

2 « Paraphasie » est le terme utilisé pour désigner les erreurs commises lorsque l’individu tente de nommer, à l’oral, un

concept. Le même type d’erreur peut aussi se produire lorsque l’individu tente de nommer, à l’écrit, un concept. On parlera alors de « paragraphie ».

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9 au trouble. Lorsque les informations à réapprendre ne sont pas complètement perdues et que l’atteinte relève plutôt de l’accès à cette information, il sera davantage approprié de parler d’une approche de facilitation. L’objectif général de la facilitation demeure le rétablissement, mais plus spécifiquement le rétablissement de l’accès à l’information plutôt que le rétablissement de l’information elle-même. La plupart des interventions évaluées pour la prise en charge de l’anomie en aphasie repose sur une approche de rétablissement/facilitation (Pour une revue des interventions en aphasie post-AVC, voir Nickels, 2002. Pour des revues concernant les interventions en aphasie primaire progressive, voir Carthery-Goulart et al., 2013; Gravel-Laflamme, Routhier, & Macoir, 2012; Jokel, Graham, Rochon, & Leonard, 2014; Routhier et al., 2013). À titre illustratif, et pour ne donner qu’un exemple, certaines études ont mesuré l’efficacité du réentraînement de la composante sémantique via la Semantic Feature Analysis (analyse des traits sémantiques; Boyle & Coelho, 1995; Ylvisaker & Szekeres, 1985), une thérapie dans laquelle l’individu aphasique est appelé à générer des attributs sémantiques associés au concept à nommer. En améliorant l’activation des représentations sémantiques et en renforçant le réseau sémantique associé au concept, la dénomination est facilitée (Coelho, McHugh, & Boyle, 2000; Wambaugh & Ferguson, 2007).

Contrairement à l’approche de rétablissement, l’approche de réorganisation n’a pas pour objectif de restaurer la fonction altérée, mais plutôt d’utiliser les capacités préservées afin d’arriver à un résultat final fonctionnel quasi équivalent (de Partz, 1998; Seron, Linden, & Partz, 1991; Seron, 1982). L’intervention permettra donc de réorganiser, chez l’individu aphasique, l’utilisation des différentes composantes cognitives pour mettre à profit celles qui sont intactes et limiter l’utilisation de celles qui sont atteintes. Par exemple, un individu présentant une anomie secondaire à une atteinte de la composante de reconnaissance visuelle (agnosie visuelle) pourrait être entraîné à utiliser une autre modalité d’entrée afin de réaliser la dénomination. En effet, l’individu pourrait être entraîné à utiliser la modalité tactile et ainsi prendre les objets dans ses mains afin de les reconnaître tactilement et pouvoir les nommer. La composante de reconnaissance visuelle sera alors contournée via une reconnaissance tactile, mais le résultat final (i.e. la dénomination de l’objet) sera le même.

Finalement, l’approche de compensation aura comme objectif de diminuer l’impact de l’atteinte cognitive via l’utilisation d’aides externes ou via l’adaptation de l’environnement physique ou des partenaires de communication de l’individu aphasique. L’objectif ultime ne sera donc pas de retrouver les fonctions altérées, mais de pallier les difficultés langagières (de Partz, 1998). Par exemple, certaines études ont porté sur l’efficacité du dessin pour compenser l’anomie (ex., Beeson & Ramage, 2000; Farias, Davis, & Harrington, 2006; Lyon, 1995). Dans ces études, lorsque les individus ne parviennent pas à dire un mot, ils sont invités à dessiner le concept correspondant afin de le faire comprendre à leur interlocuteur. Le résultat attendu de ce type de traitement n'est donc pas la dénomination du concept, mais la compensation de l'anomie en vue de

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permettre à l’individu de se faire comprendre et donc de pallier ses difficultés. Simmons-Mackie & Damico (1997) précisent toutefois que l’utilisation de stratégies compensatoires est parfois difficile à mettre en place à l’extérieur du cadre thérapeutique et que les individus aphasiques peuvent être réticents, voire résistants, à utiliser les moyens compensatoires entraînés en contexte réel de communication. Il est donc primordial d’adapter la compensation au profil cognitif des individus, de mettre en place un programme d’apprentissage spécifique et de s’assurer que le moyen compensatoire choisi soit adapté aux contextes de communication et d’interactions dans lesquels la personne évolue (de Partz, 1998; Seron, 1982; Simmons-Mackie & Damico, 1997).

La diversité de ces approches reflète bien l’hétérogénéité des symptômes, de leur sévérité et de l’impact que le trouble langagier a sur les capacités communicationnelles au quotidien (Whitworth et al., 2005). Les résultats d’une récente recension des écrits Cochrane (Kelly, Brady, & Enderby, 2010) indiquent que l’intervention en aphasie est efficace, mais que les preuves sont cependant trop peu nombreuses pour comparer légitimement l’efficacité de différentes interventions entre elles. Il est d’ailleurs important de préciser que les différentes approches d’intervention ne sont pas exclusives les unes aux autres et qu’une prise en charge optimale peut combiner des thérapies issues d’approches différentes lorsque nécessaire (Springer, 2008; Worrall, Papathanasiou, & Sherratt, 2013).

Il est aussi essentiel de mentionner que le tableau aphasique n’est pas complet sans l’évaluation et la prise en compte des autres fonctions cognitives potentiellement perturbées et ayant une influence sur les habiletés de communication (Berthier, Dávila, García-Casares, & Moreno-Torres, 2014; Turgeon & Macoir, 2008). En effet, des déficits de mémoire (telles que mémoire à court terme, de travail, épisodique, etc.), des fonctions exécutives (telles que attention, planification, inhibition, flexibilité, etc.) et autres fonctions cognitives (telles que gnosies visuelles, auditives, etc.) auront des répercussions sur les habiletés de communication des individus. L'identification et le traitement des troubles acquis du langage ne peuvent donc pas être abordés indépendamment de l’influence des autres habiletés cognitives (Berthier et al., 2014; Lambon Ralph, Snell, Fillingham, Conroy, & Sage, 2010; Seniów, Litwin, & Leśniak, 2009; Turgeon & Macoir, 2008; Vallila-Rohter & Kiran, 2013; Yeung & Law, 2010).

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2.2 L’anomie dans le cadre de l’aphasie post-AVC

2.2.1 Présentation de l’aphasie post-AVC : Causes et tableaux cliniques

Bien qu’il soit maintenant accepté que les capacités langagières sont sous-tendues par un large réseau neuronal distribué à l’ensemble du cerveau, incluant des régions sous-corticales ainsi que l’hémisphère droit, le langage est classiquement considéré comme une fonction majoritairement contrôlée par l’hémisphère gauche (Whitaker, 2007). Selon les résultats de différentes études, l’hémisphère gauche est l’hémisphère dominant du langage pour la presque totalité des droitiers et pour environ 75% des gauchers (Knecht et al., 2000, 2002). L’aphasie est donc généralement associée à des lésions cérébrales plus ou moins précises de l’hémisphère gauche et la cause la plus fréquente de l’aphasie est l’accident vasculaire cérébral (AVC) (Hallowell & Chapey, 2008). L’AVC se caractérise par une perte soudaine des capacités cérébrales causée par à une dysfonction de la circulation sanguine cérébrale et donc de l’apport en oxygène au cerveau. L’AVC peut être de nature ischémique ou hémorragique (Potagas, Kasselimis, & Evdokimidis, 2013). L’AVC ischémique se traduit par une interruption de l’apport en sang au cerveau due à une obstruction d’un vaisseau sanguin et représente 80% des AVC (Potagas et al., 2013). L’AVC hémorragique se traduit par un saignement à l’intérieur ou autour du cerveau causé par la rupture ou le bris d’un vaisseau sanguin. Environ 20% des AVC sont de nature hémorragique (Potagas et al., 2013). L’ischémie ou l’hémorragie cérébrale provoquera la mort de neurones et, en fonction de la région cérébrale touchée par l’AVC, occasionnera des manifestions diverses telles que des troubles du langage, de la motricité ou des difficultés cognitives autres (ex., gnosies, mémoire, attention, etc.) (Potagas et al., 2013).

Environ le tiers des personnes ayant subi un AVC présente une aphasie (Dickey et al., 2010; Pedersen, Jørgensen, Nakayama, Raaschou, & Olsen, 1995) et chaque personne aphasique présente des difficultés langagières différentes en combinaison et en intensité (Kelly et al., 2010). Ces manifestations peuvent évoluer suivant le temps et suivant l’efficacité de la rééducation, modifiant ainsi le tableau aphasique du patient (Basso et al., 2013). Bien qu’il n’existe que rarement des tableaux cliniques parfaitement typiques et malgré les différences interindividuelles pouvant être observées entre chaque individu aphasique, une classification de différents types d’aphasie est communément acceptée. Les composantes langagières généralement évaluées et permettant de classifier les aphasies sont la production orale spontanée et structurée (ex., conversation, narration d’une histoire, description d’image, dénomination d’image, répétition de mots) ainsi que la compréhension orale spontanée et structurée (ex., compréhension en contexte de conversation, lors d’une entrevue semi-structurée, désignation d’images sous consignes). Les capacités de production et de compréhension du langage écrit permettent aussi de distinguer les différentes aphasies et sont évaluées via des tâches d’écriture et de lecture. La classification traditionnelle repose donc sur les capacités de production et de compréhension du langage oral et écrit ainsi que sur la localisation des lésions

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neuroanatomiques sous-tendant l’aphasie (Benson & Ardila, 1996; Geschwind, 1967). C’est de cette classification que ressortent, entre autres, les classiques aphasies de Broca et de Wernicke. Il est aussi commun de répartir les aphasies en deux groupes généraux, soit les aphasies fluentes et les aphasies non fluentes (Verstichel & Cambier, 2005). Les aphasies fluentes sont caractérisées par un discours spontané normalement ou anormalement abondant et produit sans effort. Les aphasies non fluentes se caractérisent par un discours hésitant et quantitativement réduit (Goodglass, 1993; Hallowell & Chapey, 2008; Verstichel & Cambier, 2005).

Parmi les aphasies fluentes se retrouve l’aphasie de Wernicke. Les individus présentant cette forme d’aphasie parlent spontanément et parfois surabondamment. Le discours spontané est dyssyntaxique et atteint qualitativement, donnant lieu à un contenu plus ou moins vide de sens et pouvant même ressembler à un jargon aphasique dans les cas les plus sévères. La compréhension est atteinte, parfois même dans sa forme la plus simple, c’est-à-dire au niveau de la compréhension des mots isolés. L’aphasie de conduction est aussi caractérisée par un discours fluent. La compréhension est préservée alors que la répétition est sévèrement atteinte. L’anomie est une caractéristique centrale du trouble et se manifeste principalement par la production de paraphasies phonémiques. L’aphasie anomique est une autre aphasie fluente. La compréhension et la répétition sont préservées. Le discours est fluide, bien articulé et syntaxiquement adéquat, mais marqué par un manque du mot important. L’anomie est donc aussi centrale au tableau clinique. L’aphasie transcorticale sensorielle est aussi caractérisée par un discours fluent et bien articulé, mais marqué par de nombreuses paraphasies verbales et néologismes. La répétition est préservée alors que la compréhension orale est atteinte.

Parmi les aphasies non fluentes se retrouve l’aphasie de Broca, caractérisée par une réduction de la production orale, la présence d’agrammatisme et des difficultés de répétition. L’anomie est une caractéristique prédominante du trouble. Un maintien relatif de la compréhension orale est observé pour les mots isolés, mais une difficulté de compréhension de phrases plus complexes syntaxiquement peut être objectivée. Des difficultés au niveau de la planification et de la production motrice de la parole sont aussi souvent présentes. L’aphasie transcorticale motrice est aussi de nature non fluente et se caractérise principalement par une diminution de l’initiative verbale (inhibition du discours spontané). Les individus répondent aux questions avec des mots isolés et parfois de manière écholalique. L’anomie dans le cadre de l’aphasie transcorticale motrice est majoritairement attribuable au manque d’initiative verbale. La formulation de phrases et l’organisation d’une réponse sont ardues, voire impossibles, mais la répétition de phrases est exempte d’atteinte. La compréhension est relativement préservée.

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13 Finalement, l’aphasie peut aussi être mixte, impliquant alors des manifestations diverses, ne pouvant être regroupées sous un tableau unique. Lorsque l’aphasie touche la production et la compréhension du langage à un degré sévère, on parlera alors d’aphasie globale.

2.2.2 L’anomie des verbes

Certains patients vivant avec une aphasie à la suite d’un AVC peuvent demeurer, au terme de leur processus de guérison et de rééducation, avec une anomie persistante comme seul symptôme résiduel (Goodglass & Wingfield, 1997). Les manifestations et le degré d’atteinte sont toutefois différents d’un individu à l’autre, d’une aphasie à l’autre. De plus, l’anomie peut toucher toutes les classes grammaticales de mots : noms communs, noms propres, verbes, adverbes, adjectifs, mots fonction, etc. Toutefois, la documentation relative à l’anomie est majoritairement axée sur l’anomie des noms communs et la dénomination des objets alors que l’anomie des verbes et la dénomination des actions a été moins étudiée. Cette observation est toutefois surprenante compte tenu du fait que les verbes jouent un rôle pivot dans la construction des phrases (Conroy et al., 2006).

Les verbes et les noms peuvent être affectés différemment et une double dissociation est observée en aphasie; certains individus aphasiques présentent significativement plus de difficulté avec les verbes (ex., Bastiaanse & Jonkers, 1998; Berndt et al., 2002; Breedin, Saffran, & Schwartz, 1998; De Bleser & Kauschke, 2003; Jonkers & Bastiaanse, 1998; Kambanaros, 2008; Kohn, Lorch, & Pearson, 1989; Shapiro & Caramazza, 2003a, 2003b) alors que d’autres présentent significativement plus de difficulté avec les noms (ex., Berndt, Haendiges, & Wozniak, 1997; Miceli, Silveri, Villa, & Caramazza, 1984; Miceli, Silveri, Nocentini, & Caramazza, 1988; Zingeser & Berndt, 1990). Dans une revue des écrits portant sur cette dissociation noms-verbes, Mätzig, Druks, Masterson, & Vigliocco (2009) ont analysé 38 études et rapportent que 11% des 280 individus inclus dans les études présentent une plus grande difficulté pour les noms alors que 75% présentent une plus grande difficulté pour les verbes. Ces données démontrent qu’une anomie plus importante pour les verbes que pour les noms semble plus fréquente que le patron inverse. Quatorze pourcent (14%) des individus ne présentaient pas de dissociation. Afin de mieux caractériser cette dissociation, les auteurs ont aussi analysé plus en détails les performances des individus présentant une forte dissociation entre verbes et noms (individus présentant au moins 30% de différence entre la performance en dénomination de verbes et la performance en dénomination de noms). Parmi les 31 individus présentant une nette anomie pour les verbes, 12 obtenaient un score en dénomination de noms de 90% ou plus et 18 obtenaient entre 80% et 90% (donc 30/31 obtiennent au moins 80% en dénomination de noms). Toutefois, les 11 individus présentant une nette anomie pour les noms obtenaient des scores en dénomination des verbes allant de 59% à 88% (moyenne de 70%). Les auteurs concluent donc que la dénomination des noms peut être relativement bien préservée en présence d’une anomie des verbes importante alors que l’inverse est moins probable (Mätzig et al., 2009).

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Une possible relation entre le type d’aphasie rencontré et l’anomie pour les noms versus les verbes a aussi été analysée. Les individus présentant une anomie plus sévère pour les noms présentaient quasi tous une aphasie fluente et majoritairement de type anomique. Toutefois, pour les individus présentant une anomie plus sévère pour les verbes, les types d’aphasie associés étaient plus hétérogènes (aphasie de Broca, aphasies fluentes et aphasie mixte), quoi que le patron le plus commun soit la présence d’une aphasie non fluente (Luzzatti, Raggi, Zonca, & Pistarini, 2001; Mätzig et al., 2009). Le lien entre la classe grammaticale la plus atteinte et le type d’aphasie n’est toutefois pas absolu et il est important de considérer qu’une variabilité interindividuelle est présente (Berndt et al., 1997, 2002).

Plusieurs hypothèses ont été émises afin de tenter d’expliquer la dissociation entre les capacités de production des noms et des verbes. Par exemple, les verbes et les noms présentent des différences au plan phonologique, sémantique et syntaxique (pour des revues détaillées, voir Black & Chiat, 2003; Conroy et al., 2006; Druks, 2002; Marshall, 2003; Vigliocco, Vinson, Druks, Barber, & Cappa, 2011). Toutefois, il est important de spécifier qu’il demeure difficile de comprendre, sans équivoque, pourquoi l’anomie des verbes et l’anomie des noms peuvent se présenter différemment (Conroy et al., 2006). Tel que le mentionnent Black et Chiat (2003), la distinction entre les noms et les verbes ne doit pas être considérée comme étant binaire. Ce qui peut paraître une distinction dichotomique entre deux classes grammaticales devrait davantage être interprété comme un continuum entre des mots se différenciant sur diverses propriétés phonologiques, syntaxiques et sémantiques. Bien qu’une performance meilleure avec les noms soit rapportée dans certains cas, un déficit plus sévère pour la dénomination de verbes est plus fréquent en aphasie post-AVC et la corrélation de ces déficits avec un type précis d’aphasie n’est pas univoque (Mätzig et al., 2009).

2.2.3 Prise en charge de l’anomie des verbes en aphasie post-AVC

Malgré son importante présence en aphasie et sa persistance, les écrits relatifs à l’anomie et à ses traitements portent en très grande majorité sur les troubles de la dénomination des noms communs alors que les troubles de la dénomination de verbes ont reçu moins d’attention (Conroy et al., 2006; Webster & Whitworth, 2012). Quelques études ont toutefois porté sur l’efficacité des traitements pour la prise en charge de l’anomie des verbes en aphasie post-AVC. La majorité des études de traitement reposent sur des stratégies qui intègrent un aspect thérapeutique sémantique ou phonologique. Quelques auteurs proposent aussi une intervention davantage sensori-motrice pour le réapprentissage des verbes. En effet, selon certaines théories, le traitement (« processing ») des verbes pourrait être facilité par l’implication de la représentation motrice de ces derniers. La présente section porte sur les études dans lesquelles les auteurs ont mesuré l’efficacité de traitements de l’anomie des verbes en aphasie post-AVC, suivant une approche de réapprentissage via une intervention sémantique ou phonologique ou sensorimotrice.

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2.2.3.1 Interventions sémantiques ou phonologiques

Une des interventions évaluées dans les écrits scientifiques consiste à utiliser une thérapie sémantique afin d’améliorer la dénomination de verbes dans l'aphasie post-AVC (ex., Edmonds & Babb, 2011; Edmonds, Mammino, & Ojeda, 2014; Edmonds, Nadeau, & Kiran, 2009; Faroqi-Shah & Graham, 2011; Wambaugh & Ferguson, 2007; Webster, Morris, & Franklin, 2005). L’ensemble des interventions de ce type vise à renforcer le réseau sémantique des verbes travaillés, ce qui facilite ensuite l’activation de la forme sonore du mot et contribue à une amélioration de la dénomination. Par exemple, Webster, Morris et Franklin (2005) proposent différentes tâches telles que jugement de synonymie entre deux verbes, identification de l’intrus parmi une série de verbes reliés sémantiquement, association entre des noms et un verbe (ex., « fermier » et « jardinier » peuvent être associés au verbe « creuser », mais pas « ballerine »). Dans certaines autres études, l’intervention est réalisée via une adaptation de la thérapie par l’analyse des attributs sémantiques (« semantic feature analysis », SFA ; Boyle & Coelho, 1995) dans laquelle les participants doivent générer des caractéristiques associées aux verbes, telles que le but de l’action, les outils ou les parties du corps utilisées pour faire l’action, l’agent de l’action, etc. (Faroqi-Shah & Graham, 2011; Wambaugh & Ferguson, 2007). Un autre type de thérapie sémantique, la Verb Network Strengthening Treatment (VNeST), est aussi réalisée dans trois études de l’équipe de Edmonds et collègues (Edmonds & Babb, 2011; Edmonds et al., 2009, 2014). Dans cette thérapie, les participants doivent analyser les verbes traités en les associant à des noms pouvant jouer le rôle d’agent du verbe (i.e. celui qui initie, exécute l’action décrite par le verbe) et de patient du verbe (i.e. celui qui subit l’action décrite par le verbe). Par exemple, pour le verbe « mesurer », la personne aphasique pourrait produire les mots « menuisier » comme agent et « planche » comme patient. Les résultats de ces différentes études démontrent une amélioration de la récupération des verbes traités pour presque tous les participants. Seul un participant de l’étude de Faroqi-Shah & Graham (2011) ne voit pas sa dénomination s’améliorer suivant l’intervention sémantique. Selon les auteurs, cette absence d’amélioration pourrait être expliquée par le fait que le participant présente une anomie conséquente à une dégradation de la forme sonore du mot (vs une difficulté d’accès à la forme sonore encore intacte). Une autre explication avancée est le faible niveau de scolarité du participant. Parmi les participants ayant vu leur récupération lexicale des verbes traités s’améliorer, la majorité des individus n’a pas obtenu de généralisation aux verbes non traités, autant pour des verbes sémantiquement éloignés que sémantiquement proches de ceux travaillés (Edmonds & Babb, 2011; Faroqi-Shah & Graham, 2011; Wambaugh & Ferguson, 2007; Webster et al., 2005). Edmonds et collègues (Edmonds & Babb, 2011; Edmonds et al., 2009, 2014) rapportent toutefois une généralisation à des verbes non travaillés, mais sémantiquement proches des cibles du traitement pour presque tous leurs participants. Certaines de ces interventions sémantiques conduisent aussi à une généralisation pour des tâches plus générales de dénomination, de production de phrases ou à des

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mesures d’efficacité de la communication (Edmonds & Babb, 2011; Edmonds et al., 2009, 2014; Faroqi-Shah & Graham, 2011), alors que d’autres auteurs n’obtiennent pas de tels résultats (Webster et al., 2005).

D'autres études combinent plutôt des aspects sémantiques et des aspects phonologiques à la thérapie (Carragher, Sage, & Conroy, 2013; Conroy, Sage, & Lambon Ralph, 2009b, 2009c; Edwards & Tucker, 2006; McCann & Doleman, 2011; Raymer et al., 2007). Ainsi, en plus de fournir des indices sur le sens du verbe, ces interventions vont aussi inclure des indications sur sa forme sonore. Par exemple, des questions sur les phonèmes du verbe (ex., Est-ce que le verbe « clouer » commence par le son « k » ? Est-ce que « couper » rime avec « frapper » ? ) ou des indices sur la forme sonore (ex., Le verbe que vous cherchez commence par le son « k ») ou la répétition du verbe sont inclus dans ces études. Les résultats suggèrent une amélioration de la dénomination des verbes chez presque tous les participants (Carragher et al., 2013; Conroy et al., 2009b, 2009c; Edwards & Tucker, 2006; McCann & Doleman, 2011; Raymer et al., 2007). Trois participants de l’étude de Raymer et collègues (2007) et un participant de l’étude de Carragher, Sage et Conroy (2013) ne répondent toutefois pas à l’intervention phonologique-sémantique et ceci pourrait être attribuable, selon les auteurs, à la présence d’une atteinte sémantique sous-jacente à l’anomie qui soit trop sévère. Ces participants ont donc le double défi de se réapproprier le sens du verbe en plus de l’associer à sa forme sonore. De plus, pour la majorité des participants, aucune généralisation à des verbes non traités n’est observée (Carragher et al., 2013; Conroy et al., 2009a, 2009b; Raymer et al., 2007). Les cinq participants (sur 9) de l’étude de Carragher, Sage et Conroy (2013) ayant un degré de sévérité pour l’anomie moins important en début de protocole voient toutefois leur dénomination de verbes non traités s’améliorer. Quelques-uns des participants de ces études portant sur une intervention phonologique-sémantique obtiennent aussi une généralisation pour des tâches de production de phrases structurées ou spontanées, ou pour des mesures d’efficacité de la communication (Carragher et al., 2013; Edwards & Tucker, 2006; McCann & Doleman, 2011; Raymer et al., 2007). Cette généralisation n’est toutefois pas observée dans toutes les études, ni pour tous les participants. Afin de mieux comprendre l’influence de l’indiçage phonologique-sémantique combiné, Conroy et collaborateurs (2009a et 2009b) contrastent l’efficacité d’interventions qui se différencient au niveau de l’apport des indices pendant la thérapie. Dans une première étude, la présentation progressive des indices phonologiques et sémantiques, donnés un à un aux participants selon leurs besoins (« increasing cue therapy »), est comparée à une présentation immédiate de tous ces indices, suivie de leur estompage graduel (« decreasing cue therapy ») (Conroy et al., 2009b). Dans une deuxième étude, les auteurs comparent une thérapie dans laquelle les participants sont invités à nommer les concepts avant d’avoir accès à la bonne réponse (les participants peuvent donc commettre des erreurs au cours de la thérapie; « errorful therapy ») à une thérapie dans laquelle la bonne réponse est fournie avant que l’erreur ne survienne, limitant ainsi le nombre d'erreurs (« errorless therapy ») (Conroy et al., 2009a). Dans les deux études, tous les types de thérapie, combinés à des indices phonologiques et sémantiques ont permis l’amélioration de la dénomination

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17 de verbes chez les 16 participants. Aucune différence significative n’est observée entre les types de traitement, que les indices soient fournis d’emblée ou de manière progressive et que la production d'erreurs soit limitée ou non.

Les indices sémantiques et phonologiques ont également été contrastés plutôt que combinés dans certaines études, afin d’évaluer leur efficacité respective pour le réapprentissage des verbes (Raymer & Ellsworth, 2002; Wambaugh, Cameron, Kalinyak-Fliszar, Nessler & Wright, 2004). Dans ces études, l’indiçage sémantique et l’indiçage phonologique permettent une amélioration de la dénomination des verbes et aucune différence significative n’est observée entre l’efficacité des deux types d’indiçage. Seul un participant de l’étude de Wambaugh et al. (2004) ne répond à aucune des deux formes d’indices, un résultat attribué par les auteurs à l'origine sémantique de son anomie. Dans les deux études, aucune généralisation à la dénomination de verbes non traités n’est observée, mais Raymer et Ellsworth (2002) notent une généralisation à la production de phrases sémantiquement et grammaticalement adéquates incluant des verbes travaillés.

2.2.3.2 Interventions sensorimotrices

Quelques études ont porté sur des façons différentes de favoriser l’anomie des verbes, soit par la production ou l’observation d’actions plutôt que par une approche plus traditionnelle d’indiçage phonologique/sémantique. Ces études postulent que le geste lui-même (ex., le geste associé au verbe « couper ») peut faciliter la récupération du verbe. Deux grandes hypothèses sur le lien entre système moteur et langage peuvent être émises. Selon la première de ces hypothèses, le système moteur et le langage sont deux systèmes indépendants, mais les gestes offrent un support supplémentaire pour la récupération des verbes (ex., Hadar, Wenkert-Olenik, Krauss, & Soroker, 1998; Hadar & Yadlin-Gedassy, 1994; Hadar, 1989). Selon la deuxième hypothèse, le système moteur et le langage sont fortement liés et la représentation sémantique du verbe pourrait être composée des caractéristiques sémantiques qui le définissent, mais aussi de la représentation motrice du mouvement lui-même (ex., Barsalou, Kyle Simmons, Barbey, & Wilson, 2003; Barsalou, 2008). Le sens des mots pourrait donc être encodé de manière propositionnelle (i.e. verbale), mais aussi de manière non propositionnelle (i.e. non verbale, de manière sensori-motrice). Par exemple, pour « clouer », le sens du mot encoderait l'information que « clouer » signifie « enfoncer un clou à l’aide d’un marteau » et serait aussi composé de la représentation motrice même du geste « clouer ».

En s’appuyant sur cette possible influence du système moteur, des études ont porté sur l’efficacité d’interventions pour l’anomie des verbes qui incluent la production de gestes. Dans ces études, des interventions combinant indiçage sémantique-phonologique et exécution du geste associé au verbe sont réalisées, et parfois comparées à une intervention avec indiçage, sans production de gestes (Boo & Rose, 2011; Pashek, 1998; Raymer, Singletary, et al., 2006; Rodriguez, Raymer, & Gonzalez Rothi, 2006; Rose &

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