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Le maintien des camps de réfugiés à long terme : érosion de la protection internationale des réfugiés

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Le maintien des camps de réfugiés à long terme :

Érosion de la protection internationale des réfugiés

Mémoire

Marylie Roger

Maîtrise en Études internationales

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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iii

Résumé

Plus des deux-tiers des réfugiés mondiaux sont présentement en situation prolongée, c’est-à-dire en exil depuis au moins cinq ans sans perspective à court et moyen terme d’accéder à une solution durable. Environ une trentaine de situations de réfugiés prolongées sont répertoriées dans le monde, en vaste majorité dans les pays en voie de développement. La plupart des pays de refuge exigent que les réfugiés résident dans des camps, où ils sont assistés par la communauté internationale. Or, le passage du temps dans les camps engendre d’importants problèmes de protection pour les réfugiés. Cette recherche vise donc à démontrer que le maintien des camps à long terme n’est pas conforme aux engagements internationaux des États envers les réfugiés, engendre des violations des droits des réfugiés et affaiblit la protection des réfugiés.

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Table des matières

Résumé

...

iii

Table des matières

...

v

Liste des acronymes

...

ix

1. Introduction ...

1

1.1 Contexte de la recherche ... 1

1.1.1 Déplacements forcés de population ... 1

1.1.2 La protection internationale des réfugiés ... 3

1.1.3 L’utilisation des camps de réfugiés ... 3

1.1.4 Le problème des situations de réfugiés prolongées ... 4

1.2 Problématique ... 5 1.3 Délimitation de la recherche ... 6 1.4 Méthodologie ... 7 1.5 Limites de la recherche ... 9 1.6 Objectifs de la recherche ... 10

PARTIE I

LA PROTECTION INTERNATIONALE DES RÉFUGIÉS

2. La protection des réfugiés en droit international ...

11

2.1 Droit international des réfugiés ... 12

2.1.1 Émergence du concept de réfugié et du régime de protection internationale des réfugiés ... 12

2.1.2 Le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés ... 14

2.1.3 Codification du droit international des réfugiés ... 16

2.2 Droit international des droits de la personne ... 25

(6)

vi

3. L’assistance internationale aux réfugiés ...

28

3.1 L’assistance comme un aspect essentiel de la protection ... 28

3.2 Entre intégration et ségrégation ... 29

3.2.1 L’installation spontanée dans le pays d’accueil ... 30

3.2.2 Le camp de réfugiés ... 32

PARTIE II

LE PASSAGE DU TEMPS DANS LES CAMPS DE RÉFUGIÉS

4. Le camp comme une 4

e

solution de facto ...

40

4.1 Non-accès à une solution durable ... 40

4.1.1 Le rapatriement dans le pays d’origine irréalisable ... 41

4.1.2 L’intégration locale inaccessible ... 45

4.1.3 La réinstallation en pays tiers marginale ... 46

4.2 La pérennisation des camps de réfugiés ... 50

5. Problèmes de protection dans les camps à long terme ...

53

5.1 Sécurité physique précaire dans les camps à long terme ... 54

5.1.1 La sécurité physique comme un élément fondamental de la protection .... 54

5.1.2 Caractère civil et humanitaire des camps menacé ... 55

5.1.3 Abus de la part de l’État hôte ... 60

5.1.4 Problèmes de protection spécifiques aux populations vulnérables ... 60

5.2 Violations des droits des réfugiés dans les camps à long terme ... 65

5.2.1 Défaut et précarité du statut de réfugié ... 66

5.2.2 Confinement forcé et liberté de mouvement limitée ... 69

5.2.3 Droit au travail limité ... 72

5.2.4 Insécurité alimentaire et malnutrition ... 75

5.2.5 Accès aux soins de santé limité ... 78

(7)

vii

5.2.7 Accès limité aux cours de justice ... 84

5.3 Un environnement générateur d’insécurité ... 87

5.3.1 Tensions sociales à l’intérieur du camp ... 87

5.3.2 Stratégies négatives d’adaptation ... 91

5.3.3 Tensions avec la population locale ... 93

6. Le camp : une entité dysfonctionnelle à long terme ...

96

6.1 Un espace plus ou moins permanent de ségrégation et de contrôle ... 96

6.2 Nature temporaire et logique d’assistance ... 97

PARTIE III

LE MAINTIEN DES CAMPS OU L'ÉROSION DE LA

PROTECTION INTERNATIONALE DES RÉFUGIÉS

7. La responsabilité de protection des pays de premier asile non

respectée ...

98

7.1 Une forme d’asile très conditionnelle ... 99

7.2 La difficile gestion du passage du temps ... 100

7.2.1 L’utilisation des camps lors de la phase d’urgence et l’arrivée des réfugiés ... 101

7.2.2 Le problème du maintien des restrictions sur les mouvements à long terme ... 102

7.2.3 La stagnation des standards de protection au fil du temps ... 106

7.2.4 Gestion ad hoc des situations de réfugiés ... 108

7.3 Le nécessaire partage des responsabilités ... 109

8. Le partage de la responsabilité de la protection des réfugiés

insuffisant ...

111

8.1 Un principe de droit international non contraignant ... 111

8.2 La pratique des États en matière de partage des responsabilités ... 113

8.2.1 La réinstallation des réfugiés marginale ... 114

(8)

viii

8.3 Implications pour la protection des réfugiés ... 116

9. L’érosion de la protection internationale des réfugiés ...

117

10. Conclusion ...

119

10.1 Synthèse de la recherche ... 119

10.2 Pistes de recherche et de réflexion ... 121

Bibliographie...

123

Livres et chapitres de livres ... 123

Articles de périodiques ... 124

Autres sources ... 132

Documents officiels ... 134

(9)

ix

Liste des acronymes

AALCO Asian-African Legal Consultative Organization

AI Amnesty International

DAFI Albert Einstein German Academic Refugee Initiative DUDH Déclaration Universelle des Droits de l’Homme HCR Haut-Commissariat pour les réfugiés

HRW Human Rights Watch

IRO International Refugee Organization OMS Organisation mondiale de la santé

ONG Organisation non-gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies OUA Organisation de l’Union Africaine

PAM Programme alimentaire mondial

PHR Physicians for Human Rights

PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques

PIDESC Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels PVD Pays en voie de développement

RI Refugees International

STC Save the Children

UNHCR United Nations High Commissioner for Refugees UNRRA United Nations Relief and Rehabilitation Agency

UNRWA Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient

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1

Le maintien des camps de réfugiés à long terme : Érosion de la protection

internationale des réfugiés

1. Introduction

1.1 Contexte de la recherche

1.1.1 Déplacements forcés de population

Depuis aussi longtemps que les guerres et les catastrophes naturelles existent, des personnes sont forcées d’effectuer le choix difficile de quitter leur domicile et parfois même leur pays d’origine pour chercher refuge ailleurs. Les réfugiés sont d’abord et avant tout les conséquences malheureuses de la violence et de la persécution (Devenport, Moore et Poe, 2003; Moore et Shellman, 2004).

Le 20e siècle a connu d’importants conflits, bouleversements et guerres, particulièrement lors des deux guerres mondiales et au cours des années 1980 et 1990. Ces crises ont entrainé le déplacement forcé de millions de personnes à travers le monde, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières de leurs pays d’origine. À la suite de la Première Guerre mondiale, on estimait à environ 2 millions le nombre de réfugiés sur le continent européen (Hathaway, 2005 :83). La Deuxième Guerre mondiale a elle aussi forcé des millions de personnes à fuir leurs lieux de résidence habituelle, et engendré une situation de réfugiés qui a perduré jusqu’aux années 1960. Les conflits liés à la rivalité idéologique de la guerre froide ainsi qu’à la décolonisation ont ensuite, dès les années 1960, déplacé des millions de personnes à travers le monde. Alors que la plupart des crises de réfugiés de cette époque se sont résolues au lendemain de la chute du communisme (en Amérique centrale par exemple) avec le retour des réfugiés dans leurs pays d’origine, la période post-guerre froide a vu émerger de nouveaux conflits intra-étatiques qui ont généré des flots massifs de réfugiés, principalement sur les continents asiatique et africain. Par ailleurs, il semble que la croissance de la population mondiale, les crises économiques, les changements climatiques,

(12)

2

la hausse des prix alimentaires ainsi que les conflits au sujet des ressources rares vont continuer à forcer des personnes à quitter leurs pays dans les prochaines décennies.

En 2011, et pour la cinquième année consécutive, le nombre de personnes déplacées à travers le monde excède 42 millions, un résultat élevé qui s’explique par la persistance de conflits anciens et l’apparition de nouveaux conflits (UNHCR, 2012a :3). Sur ce nombre, 15,2 millions de personnes ont traversé une frontière internationale, dont 4,8 millions d’origine palestinienne, et plus de 26,4 millions sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays (UNHCR, 2012a :3). Seulement au cours de la dernière année 2011, le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) estime à 4,3 millions le nombre de personnes nouvellement déplacées, dont plus de 800 000 auraient traversé une frontière (UNHCR, 2012a :2).

Si les déplacements forcés de populations sont globaux, certaines régions sont davantage affectées que d’autres. Ainsi, la vaste majorité des réfugiés provient des États les plus fragiles du Sud et est hébergée dans les pays voisins, la plupart des pays en voie de développement (PVD). Les 48 pays les moins développés ont accordé l’asile à 2,3 millions de réfugiés, soit 22% du nombre global (UNHCR, 2012a :2). Environ 35% des réfugiés mondiaux résident donc dans la région asiatique (principalement en provenance d’Afghanistan et du Myanmar), 25% dans la région subsaharienne (principalement en provenance de la Somalie, du Soudan et de la République Démocratique du Congo), et 17% au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (principalement en provenance d’Irak) [Palestiniens non compris] (UNHCR, 2012a :11). En revanche, une minorité d’entre eux seulement trouve refuge dans les pays industrialisés du Nord.

Ces statistiques ne demeurent cependant que des approximations, puisque la collecte de données quantitatives précises sur les déplacements forcés se révèle problématique (Crisp, 1999). En effet, plusieurs ne souhaitent pas se déclarer en tant que réfugié et vivent clandestinement dans leur pays d’asile, alors que d’autres sont mobiles et changent de lieu de résidence. Les pays d’asile gonflent parfois délibérément le nombre de réfugiés pour

(13)

3 notamment recevoir davantage d’assistance internationale, alors que les pays d’origine le diminuent pour ne pas reconnaître la gravité du problème.

1.1.2 La protection internationale des réfugiés

Ces personnes qui ne bénéficient plus de la protection de leur pays d’origine ou dont leur pays est incapable de fournir cette protection, bénéficient d’un mécanisme important et particulier du droit international, qui leur permet de demander la protection d’un autre État. Le régime de protection internationale des réfugiés est en effet conçu pour offrir une protection aux réfugiés qui ne peuvent plus compter sur la protection de leur pays d’origine. C’est alors la communauté internationale qui devient responsable de protéger ces personnes. Le régime de protection crée des obligations pour les États envers ceux qui satisfont à la définition du réfugié, particulièrement pour les États parties de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951. Ces obligations visent notamment à ce que les réfugiés soient admis dans un pays d’asile, protégés du refoulement vers leur pays d’origine et qu’ils soient traités dans le pays d’asile selon certaines normes et standards, dont évidemment le respect des droits de la personne les plus fondamentaux.

La protection internationale accordée aux réfugiés n’est cependant pas une fin en soi, puisque l’objectif ultime est de mener à une solution durable où le statut de réfugié prend fin, soit par le rapatriement dans le pays d’origine, par l’intégration dans le pays de premier asile, ou par la réinstallation en pays tiers. Il s’agit ainsi d’une forme de protection essentiellement temporaire et transitoire, entre le moment où le lien entre le citoyen et son État se rompt, et le moment où cette personne acquiert la protection complète d’un autre État ou réacquiert la protection de son État d’origine.

1.1.3 L’utilisation des camps de réfugiés

Les personnes qui entreprennent le périlleux voyage de leurs pays d’origine vers un lieu de refuge arrivent le plus souvent complètement démunies et incapables de subvenir immédiatement à leurs propres besoins. Depuis les années 1980, les camps de réfugiés

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4

constituent la principale réponse des pays hôtes et agences internationales à l’arrivée de réfugiés. Les camps facilitent en effet la distribution de l’aide humanitaire et permettent aux États hôtes de maintenir un certain contrôle sur cette population nouvellement arrivée sur leurs territoires. Il s’agit donc d’une réponse essentiellement temporaire à un problème temporaire.

Les camps sont largement utilisés à travers le monde pour loger les populations de réfugiés, et la plupart des pays hôtes exigent cette forme de résidence aux réfugiés. Selon les estimations du HCR en 2011, environ 34% des réfugiés mondiaux résidaient dans des camps, les autres s’en seraient retirés et vivraient clandestinement dans leurs pays d’asile (UNHCR, 2012a :35). En 2011, on retrouvait les camps presque exclusivement dans la région de l’Afrique subsaharienne (60%) et sur le continent asiatique (35%) (UNHCR, 2012a :35).

1.1.4 Le problème des situations de réfugiés prolongées

Alors que la protection des réfugiés se veut essentiellement temporaire, la majorité des réfugiés mondiaux est actuellement en situation prolongée. Plus des trois quarts de la population réfugiée mondiale, soit 7,1 millions de personnes, étaient en situation prolongée en 2011, en vaste majorité en Afrique et en Asie (UNHCR, 2012a :2). Il s’agit d’une situation de réfugiés qui a dépassé la phase d’urgence et pour laquelle aucune solution durable n’est possible. En effet, les conflits ayant forcé les réfugiés à fuir sont particulièrement complexes et difficiles à résoudre, ce qui retarde le retour dans les pays d’origine. De plus, la tendance mondiale est aux politiques d’asile restrictives, donc les réfugiés n’ont que très rarement accès à la réinstallation dans un pays tiers industrialisé et la plupart des pays hôtes refuse de les intégrer.

Selon le HCR, une situation de réfugiés prolongée compte une population de plus de 25 000 réfugiés en exil depuis cinq ans ou plus dans un pays en voie de développement, sans perspective immédiate d’une solution durable (UNHCR, 2004:2). La limite quantitative de 25 000 personnes a toutefois été éliminée en 2009, puisque qu’elle empêchait la communauté internationale de considérer plusieurs situations en deçà de cette

(15)

5 limite (UNHCR, Comité exécutif, 2009). La définition du HCR exclut aussi les millions de réfugiés palestiniens, sous le mandat de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Selon la mesure du HCR, il y aurait plus d’une trentaine de situations de réfugiés prolongées dans le monde (Loescher et Milner, 2008 :22).

Cependant, l’exil dépasse bien souvent les cinq années consécutives, et la moyenne du temps d’exil est passée de 9 ans en 1993 à 17 ans en 2003 (Loescher et Milner, 2008 :26). Par conséquent, des milliers de réfugiés demeurent encore dans des camps après des années et parfois même des décennies d’exil. Les plus vieux camps sont, entre autres, les camps palestiniens au Liban, érythréens en Éthiopie et au Soudan, angolais en Zambie, sahraouis en Algérie, afghans en Iran et au Pakistan, qui sont en existence depuis plus de 30 ans. Il y a également les camps soudanais en Uganda et au Kenya, birmans en Thaïlande, éthiopiens au Soudan, qui eux ont plus de 20 ans. Les camps de réfugiés libériens au Ghana, bhoutanais au Népal, birmans au Bengladesh, somaliens au Kenya, en Éthiopie et au Yémen, burundais en Tanzanie sont quant à eux en existence depuis plus de 10 ans. Enfin, les camps soudanais au Tchad ont été mis en place il y a déjà plus de 5 ans (US Commitee for Refugees and Immigrants, 2009). Ainsi, dans l’attente d’accéder à l’une des trois solutions durables, des millions de réfugiés se retrouvent donc à vivre indéfiniment dans des camps, ce qui ébranle la nature temporaire de cette réponse. Il s’agit évidemment d’un défi de plus en plus important pour la communauté internationale et le régime de protection internationale des réfugiés.

1.2 Problématique

Malgré l’immense défi que représentent les situations de réfugiés actuelles, la communauté scientifique et les praticiens ne commencent qu’à s’intéresser sérieusement à ces questions, et elles demeurent encore peu étudiées. Plusieurs études ont été menées dans les années 1990 et 2000 sur les conditions de vie dans les camps, mais peu s’intéressent encore à l’exil prolongé et à la pérennisation des camps, ainsi qu’aux conséquences entrainées pour les réfugiés et la protection internationale. De plus, la question et le défi à savoir comment

(16)

6

protéger et assister les réfugiés dans le pays d’accueil demeurent toujours aussi importants, dans le contexte où le temps d’exil peut parfois dépasser 30 ans. Il reste donc encore beaucoup à apprendre sur les situations de réfugiés prolongées et l’établissement de camps à long terme pour mieux les comprendre et ainsi apporter des pistes de solution à ces problèmes. Par ailleurs, comme le soulignent Durieux et McAdam, l’ampleur de ces problèmes et la souffrance humaine engendrée quotidiennement par le maintien des camps à long terme devraient inciter la communauté internationale à accorder immédiatement la priorité à ces problèmes (Durieux et McAdam, 2004 :9).

Compte tenu que de nombreuses situations de réfugiés se prolongent, il semble pertinent de se questionner dans le cadre de cette recherche sur les conséquences engendrées par le maintien des camps à long terme sur la protection des réfugiés. La question centrale de cette recherche est donc est-ce que le maintien des camps de réfugiés à long terme est

conforme aux engagements internationaux des États envers les réfugiés? En effet, le temps

d’exil passé dans des camps, qui dépasse parfois plus de 30 ans, apparait par lui-même problématique. La vie dans des camps et l’état de réfugié ne devraient être que des mesures transitoires avant l’accès à une solution durable, et non pas se pérenniser au-delà de décennies. Il semble donc inévitable que le maintien des camps à long terme engendre des conséquences néfastes à la protection des réfugiés. L’hypothèse de cette recherche est donc que le maintien des réfugiés dans des camps à long terme n‘est pas conforme aux

engagements internationaux des États envers les réfugiés, engendre des violations des droits des réfugiés et affaiblit la protection des réfugiés.

1.3 Délimitation de la recherche

S’il est reconnu que les pays d’origine ont une part de responsabilité importante dans le sort des réfugiés, c’est sur la responsabilité des États chargés d’assurer la protection de ces personnes au statut particulier que se questionne cette recherche. Elle s’articule donc autour d’un seul aspect de l’expérience du réfugié, soit le moment entre l’arrivée dans un pays d’asile et l’accès à une solution durable, qui équivaut souvent à la vie dans des camps.

(17)

7 De plus, le focus de la recherche est global, c’est-à-dire qu’elle ne s’intéresse pas seulement à un cas en particulier, mais à la diversité des situations de réfugiés prolongées mondiales. Les situations de réfugiés étudiées sont donc celles qui sont en exil depuis au moins cinq ans dans un pays en voie de développement, sans perspective immédiate d’une solution durable. Puisque la quasi-totalité des camps se trouvent actuellement en Afrique et en Asie, c’est sur ces deux régions que se concentre la recherche. Les situations étudiées sont également celles qui perdurent encore aujourd’hui, dont certaines situations de réfugiés datant de l’époque de la guerre froide qui demeurent prolongées, ainsi que certaines situations apparues au cours des dernières décennies.

Deux groupes sont exclus de cette recherche, soit les déplacés internes et les Palestiniens, puisqu’ils ne sont pas placés sous le régime de protection internationale des réfugiés. Les déplacés internes se distinguent en effet des réfugiés par le fait qu’ils n’ont pas traversé une frontière internationale. Dans sa définition du réfugié, la Convention sur le statut des réfugiés de 1951 stipule, à l’article 1(2) qu’il «se trouve hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle», à la suite des évènements qui l’auraient forcé à fuir. Les Palestiniens constituent quant à eux un groupe à part, placés à l’extérieur du régime de protection, et sous le mandat de l’UNRWA (Goodwin-Gill et McAdam, 2007 :151). L’article 1(D) de la Convention de 1951 indique que «cette Convention ne sera pas applicable aux personnes qui bénéficient actuellement d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés».

Enfin, la perspective de cette recherche est pluridisciplinaire, c’est-à-dire qu’elle intègre la science politique ainsi que le droit international.

1.4 Méthodologie

C’est par une analyse de contenu à partir de la littérature existante que cette recherche tentera de répondre à la question et confirmer l’hypothèse. Plusieurs types de sources documentaires ont été utilisés et analysés à l’aide d’une grille d’analyse.

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8

Quelques ouvrages de référence ont été consultés, particulièrement celui de Hathaway (2005), qui est un spécialiste reconnu du droit international des réfugiés, mais aussi l’ouvrage de Goodwin-Gill et McAdam (2007) qui représente une source d’information importante sur le droit international des réfugiés.

La littérature secondaire a aussi été utilisée. En effet, plusieurs chercheurs se sont intéressés aux camps à long terme et ont effectué des études, souvent sur le terrain, de leurs dynamiques particulières. Ces études sont publiées dans divers périodiques scientifiques et leur fiabilité est donc très élevée. Quelques périodiques sont spécialisés sur les questions relatives aux réfugiés et aux déplacements forcés de population, notamment le Journal of

Refugee Studies, Forced Migration Review, International Journal of Refugee Law et Refugee Survey Quarterly. D’autres périodiques traitent de questions internationales qui

seront pertinentes pour les fins de cette recherche, par exemple, International Review of the

Red Cross, Human Rights Law Review et International Security.

Les documents publiés par le HCR ont également été utilisés. Plusieurs types de documents sont régulièrement publiés en ligne par le HCR dans la section «Ressources». Parmi ces documents, ceux du service de développement des politiques et d’évaluation semblent les plus pertinents. Il s’agit de travaux de recherche et de rapports d’évaluation effectués par des spécialistes sur de nombreux thèmes, notamment les camps à long terme et la protection des réfugiés dans ces situations. De plus, l’Agence publie le période New Issues

in Refugee Research, dans lequel des experts analysent plusieurs questions et

problématiques relatives aux réfugiés. Ces sources de données seront donc aussi privilégiées en raison de leur fiabilité.

Les documents publiés par des organisations non-gouvernementales (ONG) ont enfin été utilisés. De nombreuses ONG publient des rapports où elles documentent les conditions de vie dans les camps. Ces rapports sont particulièrement intéressants, car il s’agit d’études de terrain réalisées dans différents pays hôtes, et incorporent souvent les témoignages des réfugiés qui vivent dans ces camps. Plusieurs ONG internationalement reconnues publient en ligne ce type de documents, notamment Human Rights Watch (HRW), Amnesty

International (AI), Refugees International (RI) et Women‘s Commission for Refugee Women and Children (WCRWC).

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9 Par ailleurs, plusieurs faits, exemples et témoignages ont été utilisés à partir de ces diverses sources documentaires. Ces exemples sont particulièrement importants dans le cadre de cette recherche, car ils illustrent les conditions de vie et les problèmes de protection dans les camps. Une attention a été accordée afin d’inclure des exemples les plus récents possibles ainsi que de différentes parties du monde et concernant diverses situations de réfugiés prolongées.

1.5 Limites de la recherche

Certaines limites de cette recherche méritent d’être soulignées. D’abord, puisque la recherche comporte un focus global, il n’est pas possible d’effectuer une étude approfondie sur les circonstances particulières de situations de réfugiés prolongées. L’utilisation des exemples comporte donc ses limites, puisqu’ils ne peuvent qu’illustrer une idée ou une tendance.

De plus, les situations de réfugiés prolongées ne sont pas homogènes, et chacune d’entre elles a sa propre histoire, ses dynamiques et caractéristiques particulières. Bien que les médias aient tendance à présenter les réfugiés comme «a miserable sea of humanity» en quête d’un refuge, cette perception, selon Malkii, tend à «dehistoricisize refugees», ce qui en fait une catégorie générique, universelle et muette (Malkii, 1996 :377). Or, chaque situation de réfugiés est unique et le produit de circonstances particulières. Il faut donc se méfier de faire des généralisations à leur sujet. Comme le souligne Crisp, bien que l’étude des réfugiés soit «context-specific», il est cependant possible d’identifier certaines caractéristiques communes aux situations de réfugiés prolongées (Crisp, 2003a :6). Par ailleurs, que ce soit en Afrique ou en Asie, la mise en camps de façon prolongée tend à engendrer des violations similaires des droits (Sytnik, 2012 :1).

(20)

10

1.6 Objectifs de la recherche

Enfin, l’objectif principal de cette recherche est de démontrer que non seulement le maintien des camps à long terme n’est pas conforme aux engagements des États envers les réfugiés, mais qu’il affaiblit également la protection internationale des réfugiés.

Il s’agira d’abord dans la première partie de cerner la notion de protection internationale des réfugiés. Le deuxième chapitre vise à dresser un état du droit international en ce qui concerne la protection des réfugiés, afin de comprendre la nature des obligations des États envers ces personnes particulières. Le troisième chapitre vise quant à lui à déterminer comment les réfugiés sont assistés dans les pays d’accueil, et plus particulièrement pourquoi les camps représentent la principale réponse aux déplacements forcés de populations dans les pays du Sud.

Il s’agira ensuite dans la deuxième partie d’expliquer les effets du passage du temps sur les camps de réfugiés. Le quatrième chapitre vise ainsi à comprendre comment les camps sont devenus au fil du temps une sorte de 4e solution de facto et se sont pérennisés. Le cinquième chapitre expose quant à lui les problèmes de protection qui résultent de la vie dans les camps sur une période prolongée, documente les violations des droits des réfugiés et démontre que les camps engendrent par eux-mêmes l’insécurité. Le sixième chapitre démontre que le camp, lorsqu’il est maintenu de façon prolongée, perd sa fonction fondamentale de protection.

Dans la dernière partie, il s’agira enfin d’analyser comment le maintien des camps à long terme viole les engagements des États envers les réfugiés et affaiblit la protection internationale des réfugiés. Le septième chapitre entend démontrer que les pays de premier asile ne respectent que l’obligation minimale du non-refoulement, gèrent difficilement le passage du temps ainsi que l’augmentation des standards de protection qui en résultent, et maintiennent une politique de mise en camps qui à long terme est injustifiée. Le huitième chapitre vise quant à lui à démontrer que le partage de la responsabilité de la protection des réfugiés, actuellement insuffisant, est essentiel pour permettre aux pays hôtes de respecter leurs obligations. Enfin, le neuvième chapitre vise à établir que le non-respect des

(21)

11 engagements envers les réfugiés, de la part des pays du Sud comme du Nord, contribue à l’érosion de la protection internationale des réfugiés.

PARTIE I

LA PROTECTION INTERNATIONALE DES RÉFUGIÉS

2. La protection des réfugiés en droit international

Puisque le réfugié a perdu la protection de son État d’origine, le droit international lui garantit une protection substitutive (Goodwin-Gill et McAdam, 2007 :421). Il existe donc un cadre important de droit international, comprenant le droit international des réfugiés, le droit international des droits de la personne et le droit international humanitaire, qui visent tous fondamentalement à protéger l’être humain. Ces trois domaines du droit international offrent différentes protections complémentaires et vitales aux réfugiés.

Le droit international des réfugiés s’adresse directement aux réfugiés et garantit plusieurs protections qui touchent aux aspects les plus essentiels de l’expérience du réfugié, soit le besoin de fuir, d’être accepté dans un autre État et d’y être protégé (Hathaway, 2005 :94). Il s’applique dès qu’une personne traverse une frontière pour demander la protection internationale. Le droit international des droits de la personne s’applique à tous, avec quelques exceptions, des deux côtés de la frontière. Le droit international humanitaire s’applique quant à lui à certaines catégories spécifiques de personnes protégées dans les pays en proie à la guerre (Edwards, 2008 :445). Ce sont les États qui sont les premiers responsables de la protection des réfugiés, et la manière dont ils traitent les réfugiés est ainsi sujette au droit international (Durieux et McAdam, 2004 :4).

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12

2.1 Droit international des réfugiés

Ce n’est qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale qu’est apparu le régime contemporain de protection internationale des réfugiés. La Convention relative au statut des réfugiés, qui représente aujourd’hui le pilier de la protection, a ensuite été adoptée en 1951, après quoi plusieurs autres instruments régionaux sont venus élargir la définition originelle du réfugié. Le droit international des réfugiés vise ainsi à accorder une forme de protection palliative, pour les personnes qui auraient perdu la protection de leur propre État.

2.1.1 Émergence du concept de réfugié et du régime de protection internationale des réfugiés

Les idées de sanctuaires et d’obligation morale de protéger les personnes victimes de persécution font partie de toutes les grandes traditions religieuses et textes sacrés. En Europe et au Moyen-Orient par exemple, les lieux de culte ont longtemps été reconnus comme des sanctuaires et des lieux de protection pour ceux qui fuyaient les guerres et la persécution (Loescher, Betts et Milner, 2008 :6).

Cependant, alors que les mouvements de population ont toujours existé, la conscience d’une responsabilité internationale en faveur des réfugiés et le régime de protection internationale contemporain n’ont émergé qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale. Hathaway distingue trois phases dans l’élaboration du statut contemporain de réfugié et du régime de protection internationale, entre 1920 et 1950. Pour chaque période, soit durant les années 1920, les années 1930 et l’après Deuxième Guerre mondiale, l’approche était déterminée par la nature du dilemme auquel étaient confrontés les États européens (Hathaway, 1984:379-380).

La première phase se situe au lendemain de la Première Guerre mondiale, alors que les États européens doivent gérer d’immenses flots de réfugiés sur le continent. La transformation des empires en États-nations, la guerre civile et la famine en Russie provoquent un des plus vastes déplacements de population des temps modernes en Europe. Entre 1917 et 1926, on compte environ 2 millions de réfugiés principalement Russes, mais

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13 aussi Arméniens et d’autres groupes forcés de fuir leurs pays d’origine et devenus «sans État» (Hathaway, 2005 :83). Ces personnes déplacées ne bénéficient de la protection d’aucun État, et vivent sans statut légal dans plusieurs pays européens. Apeurés par ces vastes flots de populations, les États européens mettent en place des barrières protectrices, ferment les frontières et expulsent massivement (Loescher, Betts et Milner, 2008 :8). Le problème des réfugiés devient ainsi une source de tensions entre les États qu’ils ne peuvent résoudre seuls (Loescher, 2001:24). C’est dans ce contexte qu’est créé en 1921 le premier mécanisme multilatéral de coordination des réfugiés, soit l’Office of High Commissioner

for Refugees. Il s’agissait au départ de réguler ces vastes populations sans papiers, et c’est

donc pour corriger cette «anomalie» juridique que les États européens ont tenté de fournir un statut légal à certains de ces groupes, dont principalement les réfugiés russes (Hathaway, 1984 :379).

La deuxième phase se situe dans les années 1930, en réaction à l’exode de réfugiés fuyant le fascisme en Allemagne, Italie, Portugal et Espagne. Les États reconnaissent que certains autres groupes peuvent perdre la protection de leur État même en demeurant des citoyens de cet État (Hathaway, 1984 :361). Cependant, malgré quelques accords internationaux (notamment la Convention relating to the International Status of Refugees de 1933), la Grande Dépression limite considérablement les droits des étrangers et des réfugiés dans leurs pays hôtes, et les États mettent en place de nouvelles barrières protectrices et politiques restrictives (Loescher, Betts et Milner, 2008 :8-9).

La troisième phase se situe dans le contexte de l’après Deuxième Guerre mondiale, au moment où se dessinent les divergences idéologiques de la guerre froide. Le statut de réfugié évolue d’une approche de groupe à une approche plus individualisée, basée sur la persécution ou la peur de persécution d’un individu en particulier (Hathaway, 1984 : 379-380).

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, des dizaines de millions de personnes sont déplacées en Europe et dans le monde. L’United Nations Relief and Rehabilitation Agency (UNRRA) est donc créée en 1943 afin de fournir une assistance d’urgence temporaire à ces déplacés. Son but était de rapatrier aussitôt que possible ces personnes dans leurs pays d’origine (Loescher, 2001 :35). Toutefois, de nombreux réfugiés d’Europe de l’Est refusent

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de retourner et résistent au rapatriement forcé, affirmant qu’ils seront persécutés au retour par les régimes communistes en place. La question du rapatriement devient donc un problème politique majeur au sein des Nations Unies, puisqu’elle touche aux conflits idéologiques fondamentaux qui divisent l’Ouest et l’Est et aux droits de ceux qui décident de fuir la persécution (Loescher, 2001 :37). L’UNRRA n’était donc plus en mesure de gérer la question de ces populations déplacées ni de poursuivre son mandat.

Comme les États-Unis étaient particulièrement critiques envers l’UNRRA et sa politique de rapatriement, ils décident de créer en 1947 une nouvelle organisation, l’International

Refugee Organization (IRO). La principale fonction de celle-ci n’est plus le rapatriement,

mais la réinstallation des réfugiés déplacés par la Deuxième Guerre mondiale, principalement aux États-Unis, en Australie, en Israël, au Canada et en Amérique latine, où ces pays connaissaient alors une forte croissance économique et un besoin important de main d’œuvre. (Loescher, 2001 :38). Le mandat de l’IRO consistait à offrir une protection pour les individus qui auraient des objections valables à être rapatriés, basées sur la persécution ou la peur raisonnable de la persécution, en raison de la race, la religion, la nationalité ou les opinions politiques (Loescher, 2001 :38).

Malgré que l’IRO ait réussit à réinstaller une large part des réfugiés de la Deuxième Guerre mondiale1, de nouveaux mouvements de populations se dessinent de l’Est vers l’Ouest de l’Europe et ailleurs dans le monde, et la question des réfugiés devient un problème permanent. C’est pourquoi l’IRO est abolie et une nouvelle organisation internationale est créée en 1950, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

2.1.2 Le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés

Le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR) est ainsi créé en 1950, dans le contexte de l’après Deuxième Guerre mondiale pour adresser la question des réfugiés européens déplacés par ce conflit. À sa création, son statut lui confère deux fonctions principales. La première est d’assurer la protection des réfugiés, en travaillant

1 Entre 1947 et 1951, l’IRO réinstalle plus de 1 million de réfugiés européens dans les Amériques, en Israël,

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15 avec les États afin qu’ils garantissent à ceux ayant une crainte raisonnable d’être persécutés l’accès à la protection internationale et à certains droits. La deuxième fonction est la recherche de solutions durables pour les réfugiés, que ce soit par le rapatriement dans le pays d’origine ou l’intégration permanente dans un nouveau pays (pays de premier asile ou pays tiers). Le mandat de l’Agence stipule également la possibilité d’étendre ses opérations à la demande de l’Assemblée générale. Les opérations du HCR doivent aussi être non-politiques et entièrement de nature humanitaire. Par ailleurs, étant donnée la conception temporaire du problème des réfugiés, le HCR était originellement établi pour une période de trois ans jusqu’au 31 décembre 1953. Il demeure encore un organisme à perspective temporaire, et son mandat doit être renouvelé par l’Assemblée générale à tous les cinq ans. Parallèlement à ce mandat, le HCR est considéré le gardien du régime de protection internationale des réfugiés, comprenant les normes, règles, et principes – dont la pierre angulaire est la Convention de 1951 – qui régulent le comportement des États et définissent ses obligations envers les réfugiés (Loescher, Betts et Milner, 2008 :2)

En réaction aux changements importants de la nature des déplacements forcés dans le monde après la Deuxième Guerre mondiale, le mandat du HCR est graduellement étendu, par des résolutions de l’Assemblée générale, à d’autres activités et régions du monde. Le focus géographique se déplace du continent européen vers les pays du Tiers-monde, où les luttes anticoloniales, les guerres d’indépendance et les conflits postindépendance entraînent le déplacement forcé de millions de personnes, qui ne relevaient traditionnellement pas du mandat du HCR (Loescher, Betts et Milner, 2008 :25). L’Agence s’implique donc davantage dans la protection des réfugiés dans les pays en voie de développement dans les années 1960-70; assume un rôle croissant dans l’assistance matérielle des camps dans les années 1980; assume un rôle aussi plus important dans la distribution de l’aide humanitaire et mène des opérations de rapatriement dans les années 1990; et s’implique dans la protection des déplacés internes dès la fin des années 1990 et le début des années 2000 (Loescher, Betts et Milner, 2008).

En 2011, c’était 25,9 millions de personnes déplacées, dont 10,4 millions de réfugiés, qui ont reçu la protection ou l’assistance du HCR à travers le monde (UNHCR, 2012a :3). Seuls les réfugiés Palestiniens ne sont pas sous la protection du HCR, puisque son Statut

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stipule que sa compétence ne s’applique pas à ceux qui reçoivent la protection et l’assistance d’un autre organe de l’ONU.

Évidemment, le HCR se trouve dans une position particulièrement difficile et ambiguë dès sa création. Il doit d’une part représenter les intérêts des États et de ses donateurs, et d’autre part persuader ces mêmes États de remplir leurs obligations envers les réfugiés. Trouver un équilibre entre ces deux positions représente encore aujourd’hui un défi considérable et perpétuel pour l’Agence, dans un environnement parfois hostile à la cause des réfugiés (Loescher, Betts et Milner, 2008 :2).

2.1.3 Codification du droit international des réfugiés

2.1.3.1 Convention relative au statut des réfugiés de 1951

La Convention est aujourd’hui le principal instrument international de protection des réfugiés, ratifiée par 145 États. Pour Feller, cette Convention a une portée légale, politique et éthique fondamentale. Légale, car elle fournit des standards de base à l’action; politique, car elle fournit un cadre universel dans lequel les États peuvent coopérer et partager la responsabilité des réfugiés; et éthique, car il s’agit d’une déclaration unique d’un engagement à défendre et protéger les droits de certaines des personnes les plus vulnérables et défavorisées du monde (Feller, 2001:582).

Par ailleurs, la codification du droit des réfugiés est étroitement liée à l’émergence des droits de la personne et à l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) à la fin de la Deuxième Guerre mondiale (Hathaway, 2005:75). L’article 14(1) de la Déclaration, qui précisait déjà que «devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays», introduit clairement le droit international des réfugiés au sein du droit international des droits de la personne (Edwards, 2005 :297).

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Le réfugié comme sujet de droits

Le premier article de la Convention définit le réfugié comme une personne qui «…craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas la nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner» (art. 1).

Quatre caractéristiques distinguent les réfugiés, selon la Convention : ils se trouvent à l’extérieur de leurs pays d’origine; ils ne peuvent ou ne veulent pas recevoir la protection de leurs pays d’origine; cette incapacité ou réticence est attribuable à une crainte raisonnable d’être persécutés; et cette crainte de persécution est basée du fait de la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe social ou des opinions politiques (Goodwin-Gill et McAdam, 2007 :37). Un individu devient réfugié dès lors que ces quatre caractéristiques sont remplies, par conséquent la détermination du statut de réfugié est essentiellement déclarative, plutôt que constitutive2. L’obligation de protéger ces individus particuliers et de leur accorder les droits applicables se pose donc immédiatement, que le statut de réfugié soit formellement reconnu ou non par l’État (Hathaway, 2005 :11). Le statut peut également être révoqué, par les clauses d’exclusion aux articles 1(d), 1(e) et 1(f), notamment s’il y a des raisons de croire que l’individu a commis un crime de guerre ou un crime contre l’humanité.

Un principe fondamental du régime de protection internationale est son caractère substitutif, c’est-à-dire qu’un État ou organisation internationale intervient pour fournir une protection que l’État d’origine de l’individu ne peut ou n’a pas l’intention de fournir. (Goodwin-Gil et McAdam, 2007 :10)

2 Selon le HCR, «A person is a refugee within the meaning of the 1951 Convention as soon as he fulfills the

criteria contained in the definition. This would necessarily occur prior to the time at which his refugee status is formally determined. Recognition of his refugee status does not therefore make him a refugee, but declares him to be one. He does not become a refugee because of recognition, but is recognized because he is a refugee» (UNHCR, 1992:para. 28).

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L’objectif spécifique du droit des réfugiés est d’assurer que ceux dont les droits fondamentaux ne sont pas protégés dans leurs pays (pour une raison de la Convention), puissent invoquer des droits et demander la protection d’un État partie de la Convention (Hathaway, 2005 :5). Hathaway souligne que ces droits ne sont pas des «récompenses ni des bonus», mais qu’ils sont plutôt des moyens que la communauté internationale a acceptés pour redonner à ces personnes la capacité de fonctionner dans une nouvelle société (Hathaway, 2005 :107). Le droit des réfugiés fournit par conséquent une protection substitutive et palliative des droits fondamentaux (Hathaway, 2005 :4).

Degrés d‘attachement et amélioration graduelle des standards de protection

Dès qu’une personne satisfait à la définition de la Convention, elle devient réfugiée et par conséquent «détentrice de droits». Cependant, la Convention n’accorde pas immédiatement tous les droits aux réfugiés. En effet, son architecture se caractérise par la stratification des droits et l’amélioration graduelle des standards de traitement au fil du temps (Durieux et McAdam, 2004 :14). Si tous les réfugiés bénéficient de certains droits fondamentaux (par exemple le non-refoulement), des droits additionnels sont accordés en fonction de la nature et de la durée de l’attachement du réfugié envers l’État hôte. La Convention offre donc aux États une certaine latitude pour accorder les droits aux réfugiés qui entrent leurs territoires, particulièrement pour les droits sociaux-économiques qui nécessitent un engagement social et financier de l’État.

La Convention accorde des droits aux réfugiés selon leur degré d’attachement envers le pays d’accueil, soit pour les réfugiés physiquement présents dans un pays hôte, légalement présents et ceux qui y résident de façon régulière (Hathaway, 2005). Ces catégories sont toutefois arbitraires, puisque la Convention ne délimite pas textuellement ces différents statuts, et ce ne sont donc pas des statuts légaux formels.

D’abord, plusieurs droits de base sont accordés à ceux qui se réfugient, pour une des raisons de la Convention, et sont physiquement présents dans un État partie. Le principe de non-refoulement – le droit d’un individu à ne pas être retourné dans un pays où il risque la persécution – constitue la pierre angulaire du régime de protection internationale des

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19 réfugiés, et une norme coutumière de droit international, qui lie même les États non parties de la Convention (Allain, 2001). Les autres droits accordés sur la base de la présence physique sont: la non-discrimination (art. 3); la liberté de pratiquer sa religion (art. 4); le libre et facile accès devant les tribunaux (art. 16(1)); le droit à l’éducation (art. 22); le droit à la documentation personnelle (art. 27); et le droit à ne pas être pénalisé pour être entré illégalement (art. 31(1)).

Ensuite, trois autres droits sont ajoutés dès qu’un réfugié est légalement présent, c’est-à-dire soit lorsque son admission est autorisée, soit pendant la période où sa demande d’asile est examinée, ou soit lorsque l’État n’a pas de procédures de détermination du statut de réfugié3 (particulièrement dans les États en voie de développement), et donc la présence légale est assimilée à la présence physique (Hathaway, 2005 :657-658). Clark ajoute que la présence des réfugiés doit aussi être présumée légale lorsqu’un État a négocié une entente avec le HCR pour assister les réfugiés sur son territoire, et ainsi accepté la légalité de leur présence au moins pour recevoir l’assistance du HCR (Clark, 2004 :597). La Convention ajoute de nouveaux droits: le droit de s’engager dans une profession non salariée (art. 18); la liberté de circulation et de choisir son lieu de résidence (art 26); et la protection contre l’expulsion (art. 32).

Enfin, d’autres droits sont accordés aux réfugiés qui résident régulièrement dans un État partie et y ont leur résidence habituelle, c’est-à-dire lorsque la présence continue d’un réfugié est officiellement sanctionnée, sans nécessairement l’obtention d’un statut formel de réfugié ou de la résidence permanente (Hathaway, 2005 :729). Selon Hathaway, ce sont donc les circonstances de facto du réfugié – sa présence continue sur une durée plus ou moins longue – qui font en sorte qu’il réside régulièrement, plutôt qu’un statut légal (Hathaway, 2005 :187). Ainsi, une personne dont la présence continue est connue et tolérée des autorités doit être présumée comme résidant régulièrement dans le pays (Clark, 2004 :598). Pour Goodwin-Gill et McAdam cependant, elle doit démontrer plus qu’une simple présence légale pour être reconnue résidant régulièrement, par exemple l’émission d’un document de voyage ou d’un visa de réentrée (Goodwin-Gill et McAdam, 2007

3 Ces procédures peuvent aussi être suspendues dans le cadre d’un régime de protection temporaire, comme ce

fut le cas dans plusieurs pays européens lors de l’arrivée en masse de réfugiés bosniaques au début des années 1990. Dans ces circonstances, les réfugiés sont légalement présents.

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526). Ces droits sont: le droit à la propriété intellectuelle (art. 14); le droit d’association (art. 15); le droit à l’assistance judiciaire (art. 16(2)); le droit d’exercer une profession salariée (art. 17); le droit d’exercer une profession libérale (art. 19); le droit au logement (art. 21); l’accès aux services sociaux et sécurité sociale (art. 23 et 24); et l’accès à des titres de voyage (art. 28).

En somme, les standards de traitements augmentent à mesure que s’approfondit le degré d’attachement du réfugié envers l’État hôte, soit de la seule présence physique à la présence légale, et enfin à la résidence habituelle dans le pays hôte.

En accédant à ces droits, les réfugiés ont aussi des devoirs envers l’État d’accueil, et doivent se conformer à ses lois, règlements et mesures prises pour maintenir l’ordre public (art. 2).

Restrictions sur les droits des réfugiés

Il faut aussi mentionner que les États n’ont qu’une discrétion limitée pour imposer des restrictions sur les droits des réfugiés, dans le cadre des articles 9 et 31(2). Les rédacteurs de la Convention ont voulu que les droits des réfugiés ne soient suspendus que pour des motifs exceptionnels, qui requièrent davantage que des préoccupations d’ordre public, d’intérêts de sécurité nationale, ou même de difficultés économiques (Hathaway, 2005 :262-263).

L’article 9 accorde aux États parties la discrétion de suspendre provisoirement les droits «en temps de guerre ou dans d'autres circonstances graves et exceptionnelles» d’un individu physiquement présent dont le statut de réfugié n’est pas encore déterminé. Advenant de telles circonstances exceptionnelles, l’État doit seulement prendre «à l'égard d'une personne déterminée, les mesures que cet État estime indispensables à la sécurité nationale» (art. 9). Selon Hathaway, un individu pose un risque à la sécurité de l’État hôte si sa présence ou ses actions entrainent une possibilité réelle, objective et raisonnable d’infliger directement ou indirectement un tort substantiel aux intérêts fondamentaux de l’État, par exemple le risque d’une attaque armée sur son territoire (Hathaway, 2005 :266). Les mesures provisoires doivent également être prises de bonne foi et viser à résoudre la

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21 menace sécuritaire que pose cet individu. Surtout, l’article 9 autorise seulement la continuation des mesures provisoires, et non pas l’établissement de restrictions illimitées. (Hathaway, 2005: 269). L’article 9 autorise donc seulement les restrictions que dans des circonstances exceptionnelles et que de façon provisoire, pour permettre à l’État d’enquêter sur les risques que poserait un individu en particulier.

L’article 31(2) autorise les États à appliquer des restrictions sur les déplacements des réfugiés en situation irrégulière, «seulement en attendant que le statut de ces réfugiés dans le pays d’accueil ait été régularisé». Ces restrictions, à l’instar de l’article 9, doivent être nécessaires et provisoires jusqu’à ce que la présence légale du réfugié ait été établie (Beyani, 2000 :112).

Nature temporaire du statut de réfugié et fin du statut de réfugié

Puisque la protection offerte aux réfugiés par la Convention est essentiellement palliative, elle ne constitue pas une fin en soi. Les droits garantis par la Convention offrent donc la possibilité de poursuivre une vie normale dans le pays d’asile, en attendant d’accéder à une solution durable où le statut de réfugié prend fin. Selon un ancien représentant du HCR, «protection should be seen as a temporary holding arrangement between the departure and

return to the original community, or as a bridge between one community and another. Legal protection is the formal structure of that temporary holding arrangement or bridge»

(G. Arnaout, cité dans Hathaway, 2005: 915). Il s’agit d’un statut transitoire entre la rupture du lien d’un citoyen envers son État, et la restauration ou la création d’un nouveau lien entre cette personne et un autre État. Le but ultime du régime de protection des réfugiés est par conséquent de conduire à une solution durable et mettre un terme au statut de réfugié (Durieux, 2009b :75). Il semble donc que les rédacteurs de la Convention n’aient jamais envisagé le statut de réfugié comme un phénomène persistant et durable (Deardorff, 2009 : 5).

La Convention prévoit à l’article 1C des clauses de cessation du statut de réfugié dans les cas où un individu ne requiert plus la protection internationale, soit lorsque les circonstances dans son pays d’origine changent ou s’il est naturalisé dans un autre État. Ainsi, lorsque «les circonstances à la suite desquelles [la personne] a été reconnue comme

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réfugiée ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité» (art. 1C(5)). Cette personne peut donc retourner dans son pays d’origine et n’est plus considérée comme un réfugié au sens de la Convention. De plus, le statut de réfugié cesse d’être applicable lorsque la personne «a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité» (art. 1C(3)).

2.1.3.2 Le protocole relatif au statut des réfugiés de 1967

Puisque la Convention est limitée aux réfugiés européens des évènements survenus avant le 1er janvier 1951, le Protocole de 1967 incorpore la Convention par référence à l’article 1, et étend sa juridiction à tous les réfugiés en éliminant les limites temporelles et géographiques. 146 États ont maintenant ratifié le Protocole.

2.1.3.3 Conclusions du Comité exécutif du HCR

Hathaway souligne également l’influence des Conclusions sur la protection internationale des réfugiés des États membres du Comité exécutif du HCR, qui guident les États sur certains aspects de la protection. Au lieu de codifier de nouveaux droits pour les réfugiés, les États membres ont plutôt élaboré certains aspects du droit par des résolutions non contraignantes (Hathaway, 2005:112). Ces résolutions traitent des questions comme le non-refoulement, les conditions de détention, les problèmes de protection spécifiques des femmes, et exercent une influence politique importante pour les États membres (Hathaway, 2005:113).

2.1.3.4 Instruments régionaux

Malgré que les limites temporelles et géographiques aient été levées par le Protocole de 1967, de nombreux États en voie de développement persistaient à croire que la Convention n’était pas assez adaptée à la nature spécifique des déplacements forcés de leur région (Arboleda, 1991 :188). En Afrique, en Amérique latine et en Asie, des millions de

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23 personnes ont été déplacées en raison de la guerre, de l’instabilité politique, des conflits internes ou des désastres naturels, et ne qualifient pas, selon les termes restreints de la Convention, au statut de réfugié. C’est ce qui a entrainé plusieurs États à adopter un instrument régional additionnel pour compléter la Convention. L’existence de ces instruments régionaux ne limite cependant pas l’autorité de la Convention et de son protocole, qui demeurent les piliers légaux du régime de protection internationale des réfugiés (Loescher, Betts et Milner, 2008 :100).

Convention de l‘OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique

Dès les années 1960, le continent africain est confronté aux mouvements de décolonisation et guerres de libération nationale, qui engendrent de vastes déplacements forcés de population. On estime que le nombre de réfugiés a augmenté d’environ 850 000 en 1965 à près d’un million à la fin de cette décennie (Edwards, 2006 :209), et que la quasi-totalité des nouveaux pays indépendants ont reçu des vagues de réfugiés (Rutinwa, 1999 :5). Il faisait alors consensus que la définition de la Convention n’était pas suffisamment large pour inclure toutes les situations de réfugiés de l’époque. L’article 1(2) de la Convention de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA) élargit par conséquent la définition du réfugié à : «every person who, owing to external aggression, occupation, foreign domination or

events seriously disturbing public order in either part or the whole of his country of origin or nationality».Cette définition ne considère que les conditions objectives prévalant dans le pays d’origine de l’individu, sans que celui-ci doivent justifier sa peur de persécution (Arboleda, 1991: 194). Une personne qui se trouve donc dans une des situations énumérées à l’article 1(2) acquerrait, par le fait même, le statut de réfugié. Cette Convention de l’OUA est contraignante pour les États parties et impose donc des normes régionales sur le continent. Il s’agit d’un complément à la Convention de 1951, et donc une personne reconnue réfugiée sous la Convention de l’OUA bénéficie non seulement des droits de cette Convention, mais également des droits de celle de 1951 (Durieux et McAdam, 2004 :11).

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Déclaration de Carthagène sur les réfugiés

L’Amérique latine est elle aussi confrontée à de larges mouvements de population forcés, qui ont atteint leur paroxysme dans les années 1980. Des centaines de milliers de personnes étaient déplacées, fuyant les conflits qui déchiraient notamment le Salvador et le Guatemala (Arboleda, 1991 :200). À l’instar de l’Afrique, les standards légaux existant dans la région n’étaient pas adéquats pour gérer ce type de situation. La définition du réfugié adoptée par les États d’Amérique latine est encore plus large que celle de la Convention de 1951 et même de l’OUA, car elle reconnait également les «persons who have fled their country

because their lives, safety or freedom have been threatened by generalized violence, foreign aggression, internal conflicts, massive violation of human rights or other circumstances which have seriously disturbed public order». Quoique la Déclaration de

Carthagène ne soit pas contraignante pour les États, elle représente tout de même une volonté de définir des standards de protection et d’assistance régionaux (Arboleda, 1991 :185).

Les Principes de Bangkok sur le statut et le traitement des réfugiés

La région asiatique n’a pas non plus été épargnée par les mouvements de populations forcés, où presque tous les pays ont produit ou reçu des réfugiés (Abrar, 2001 :21). Contrairement à l’Afrique et l’Amérique latine, l’Asie n’a toutefois pas de cadre légal régional pour la protection des réfugiés. Oberoi souligne tout de même la contribution de l’Asian-African Legal Consultative Organization (AALCO) au développement de standards de protection régionaux (Oberoi, 1999). L’AALCO a adopté en 2001 les Principes de Bangkok sur le statut et le traitement des réfugiés, où la définition du réfugié est encore une fois plus large que celle de la Convention de 1951. Elle ajoute le genre comme cause de persécution (art. 1), et inclut ceux qui fuient une agression externe, l’occupation, la domination étrangère, ou des évènements qui perturbent sérieusement l’ordre public dans une partie ou la totalité du pays d’origine (art. 2). Ces principes demeurent cependant déclaratoires et non-contraignants pour les États parties. Sans structure formelle pour gérer les déplacements forcés en Asie, la protection des réfugiés dans la région est donc plutôt

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25 arbitraire et ad hoc, et les réfugiés sont souvent considérés comme de simples étrangers illégaux (Oberoi, 1999 :193; Abrar, 2001 :21).

2.2 Droit international des droits de la personne

Bien que le droit international des droits de la personne ne s’adresse pas spécifiquement aux réfugiés, il demeure fondamental pour assurer la protection des réfugiés dans leurs pays d’asile (Edwards, 2005: 294). En effet, si la Convention demeure encore aujourd’hui le pilier de la protection internationale des réfugiés, elle n’est pas la seule source de droits pour les réfugiés et demandeurs d’asile. Le droit international des droits de la personne offre une gamme beaucoup plus large de droits que la Convention. Celle-ci est d’ailleurs relativement limitée, par rapport au développement ultérieur des autres instruments du droit international des droits de la personne (Edwards, 2005 :303). En 1951, la Convention n’était que le deuxième traité de droit international des droits de la personne, après la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, et contient des droits qui ont été développés par la suite, notamment par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). L’application des standards de protection spécifiques aux réfugiés doit donc être considérée à la lumière des développements ultérieurs des droits de la personne en droit international (Beyani, 2000 :111). Le droit international des droits de la personne raffine ainsi les standards de protection envers les réfugiés.

Selon Goodwin-Gill, on a souvent recouru au droit international des droits de la personne afin de pourvoir aux «zones grises» du droit international des réfugiés, notamment pour assurer la protection de ceux qui ne satisfont pas à la définition du réfugié de la Convention, mais qui nécessitent tout de même la protection contre le refoulement (Goodwin-Gill, 2001: 8). Le droit international des droits de la personne agit donc comme une «protection complémentaire» à l’application restreinte du droit international des réfugiés (Mandal, 2005). Hathaway (2005) et Edwards (2005) soutiennent quant à eux que le statut de réfugié entraine non seulement les droits garantis par la Convention, mais

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également les droits de la personne. En effet, la Conclusion No. 81 du Comité exécutif du HCR souligne que le devoir de protection va au-delà du seul respect des normes du droit international des réfugiés, et inclut l’obligation «de prendre toutes les mesures requises pour veiller à ce que les réfugiés soient protégés de façon efficace, y compris par le biais de la législation nationale et dans le respect des obligations conventionnelles des États, en vertu des instruments des droits de l'homme et du droit humanitaire international portant directement sur la protection des réfugiés» (UNHCR, Comité exécutif, 1997 : para. e). Selon Edwards, le principe de non-discrimination à la base du droit international des droits de la personne confirme que les droits sont applicables à tous les individus sur le territoire de l’État et sujets à sa juridiction, sans égard à la nationalité (Edwards, 2005 :305). La DUDH stipule que «tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits» (art. 1) et que «chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation» (art. 2(1)). Ce principe est repris par la plupart des instruments ultérieurs à la Déclaration, qui ne distinguent généralement pas entre les nationaux et non-nationaux4.

Plusieurs de ces instruments sont particulièrement importants à la protection des réfugiés, puisqu’ils raffinent certains standards de protection et adressent les «zones grises» de la Convention. Les deux Pactes internationaux sont notamment une source fondamentale de droits pour les réfugiés, mais également, entre plusieurs autres, la Convention relative aux droits des enfants et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

4 On retrouve notamment le principe de non-discrimination aux articles 2(1) du PIDCP, 2(2) du PIDESC, et 2(1) de la Convention relative aux droits de l’enfant.

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