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L'image touristique des activités de montagne au Québec : analyse de contenu internet

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L’image touristique des activités de montagne au

Québec : Analyse de contenu internet

Mémoire

Olivier Tremblay-Pecek

Maitrise en sciences géographiques

Maitre en sciences géographiques (M. Sc. Géogr.)

Québec, Canada

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Résumé

Ce mémoire vise à comprendre l’image promotionnelle des activités de montagne au Québec. L’objectif principal de cette recherche est d’identifier les attributs les plus fréquemment utilisés dans la promotion de la montagne québécoise. Une analyse des contenus photographique et textuel a été réalisée. Pour chacun des contenus, l’importance accordée aux attributs fonctionnels et psychologiques a été étudiée. Il en ressort que la place accordée aux attributs psychologiques est plus importante dans le contenu photographique, tandis que les attributs fonctionnels caractérisent le texte. La présence d’attributs associés à la wilderness a également été analysée. L’étude révèle que la majorité des montagnes étudiées ne présentent pas leur destination comme un espace de la

wilderness. Ce dernier élément permet d’appréhender le rapport entretenu avec

l’environnement naturel dans le cadre de la montagne de ski. En somme, cette étude est révélatrice du type de tourisme que constitue le ski alpin au Québec.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des illustrations ... ix

Remerciements ... xi

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématisation du sujet de recherche ... 3

1.1 Mise en contexte ... 3

1.1.1 Démographie et changement des habitudes de tourisme ... 3

1.1.2 Réchauffement planétaire ... 4

1.2 Problématique ... 6

1.2.1 Utilisation croissante de l’Internet ... 6

1.2.2 Absence de données sur l’image de la montagne québécoise ... 6

Chapitre 2 : Cadre théorique et principaux concepts ... 9

2.1 Relation au territoire et appréciation paysagère ... 9

2.1.1 Définition du concept de paysage ... 10

2.1.2 Articulation et accroissement de l’intérêt paysager en Occident ... 11

2.1.3 Transformation du rapport à la montagne ... 13

2.1.4 Peinture et découverte de la montagne ... 14

2.1.5 Définition du romantisme ... 19

2.1.6 Naissance de l’alpinisme et du thermalisme ... 21

2.1.7 Folklorisation des espaces montagnards ... 22

2.2 Tourisme alpin et sports d’hiver ... 25

2.2.1 Les débuts du tourisme de montagne en Europe ... 25

2.2.2 Démocratisation des loisirs et du tourisme ... 28

2.3 La montagne nord-américaine : un espace associé à la wilderness ... 30

2.4 Définition du concept de montagne ... 34

2.5 Le concept d’image ... 35

2.5.1 Image projetée ... 35

2.5.2 Perception et représentation ... 36

2.6 L’image touristique ... 37

2.6.1 Définition des attributs fonctionnels et psychologiques ... 37

2.6.2 Utilisation de photographies dans l’étude de l’image touristique ... 38

2.6.3 Accroissement de l’importance attachée à l’image ... 40

2.7 Caractéristiques contemporaines de l’image de la montagne ... 43

2.7.1 L’image de la station de ski ... 43

2.7.2 L’utilisation de l’icône montagne en publicité ... 46

2.7.3 Création d’une image de montagne : le modèle Intrawest ... 47

2.8 Objectifs de recherche ... 50

Chapitre 3 : Méthodologie ... 51

3.1 Recension des méthodes employées en étude de l’image touristique ... 51

3.1.1 Étude de l’image projetée et perçue ... 51

3.1.2 Entrevues et enquêtes ... 52

3.1.3 Analyse de contenu photographique ... 56

3.1.4 Approches mixtes ... 57

3.2 Méthode employée dans le cadre de cette recherche ... 58

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3.2.2 Collecte de données ... 59

3.2.3 Codification du contenu photographique ... 62

3.2.4 Analyse du contenu textuel ... 64

3.2.5 Catégorisation des destinations ... 65

Chapitre 4 : Résultats ... 69

4.1 Résultats des contenus photographique et textuel combinés ... 69

4.2 Résultats du contenu visuel ... 74

4.3 Résultats de l’analyse du contenu textuel ... 75

Chapitre 5 : Discussion ... 79

5.1 Enneigement et ensoleillement ... 79

5.2 Équipements liés à la pratique du ski ... 81

5.3 Présence de touristes dans l’image ... 81

5.4 Parcs à neige... 83

5.5 Activités sportives hors-ski alpin ... 85

5.6 Temporalité de la montagne ... 86

5.7 Wilderness et romantisme... 87

5.8 Services ... 89

5.9 Retour sur les objectifs de recherche ... 90

5.10 Retombées de l’étude ... 91

5.11 Limites de l’étude... 92

Conclusion ... 95

Références ... 97

Annexe 1 : Classification des attributs fonctionnels et psychologiques selon Echtner et Ritchie (2003) ... 105

Annexe 2 : Caractéristiques associées à l’image touristique de la montagne ... 106

Annexe 3 : Description détaillée des attributs ... 107

Annexe 4 : Exemples de codification de photographies ... 109

Annexe 5 : Mots repères ... 110

Annexe 6 : Types de pistes ... 111

Annexe 7 : Activités sportives hors-ski alpin ... 112

Annexe 8 : Photographies de l’enneigement et de l’ensoleillement ... 113

Annexe 9 : Photographies de touristes, de famille et de glisse ... 114

Annexe 10 : Photographies de parcs à neige ... 115

Annexe 11 : Photographies d’activités sportives hors ski alpin ... 1116

Annexe 12 : Photographies à caractère romantique ... 117

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Liste des tableaux

Tableau 1.1: Revenus, dépenses et marges bénéficiaires des stations de ski canadiennes

pour les années 2009 à 2011 (en million de dollars) ... 5

Tableau 2.1: Critères fonctionnels et psychologiques dans l’étude de l’image touristique .. 39

Tableau 3.1: Méthodolologies en étude de l’image touristique ... 54

Tableau 3.2: Grille d’analyse ... 64

Tableau 3.3: Attributs spécifiques à l’analyse du contenu textuel ... 65

Tableau 3.4: Composition de la grille d’analyse pour le contenu textuel ... 66

Tableau 3.5: Caractéristiques géographiques de l’ensemble des destinations composant l’échantillon ... 67

Tableau 3.6: Répartition des destinations selon les caractéristiques géographiques ... 67

Tableau 4.1: Fréquence d’occurrence et moyenne par destination des attributs dans le contenu textuel et photographique (1) ... 70

Tableau 4.2: Fréquence d’occurrence et moyenne par destinations des attributs dans le contenu textuel et photographique (2) ... 72

Tableau 4.3: Fréquence d’occurrence et moyenne par destinations des attributs dans le contenu textuel et photographique (3) ... 73

Tableau 4.4: Paysages naturels et paysages naturels antrhopisés dans le contenu photographique ... 74

Tableau 4.5: Rang des attributs dans le contenu photographique ... 76

Tableau 4.6: Fréquence d’occurrence et position des attributs dans le contenu textuel ... 77

Tableau 4.7: Fréquence d’occurrence et position des attributs spécifiques au contenu textuel ... 78

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Liste des illustrations

Illustration 2.1: Jan Van Eyck, La Vierge du Chancelier Rolin ... 16

Illustration 2.2: Konrad Witz, La pêche miraculeuse ... 16

Illustration 2.3: Benzzo Gozzoli, Le cortège des rois mages ... 17

Illustration 2.4: Albrecht Dürer, La visitation ... 17

Illustration 2.5: Léonard de Vinci, La Vierge aux rochers ... 18

Illustration 2.6: Marc-Théodore Bourrit, Vue de la mer de glace au montanvert ... 27

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Remerciements

Mes remerciements vont en premier lieu à mon directeur de maitrise, le professeur Laurent Bourdeau. Monsieur Bourdeau a su me supporter et m’encadrer au cours de ce processus. Les conseils et les nombreuses heures qu’il a su me consacrer tout au long de ma maitrise ont été d’une grande aide. Je tiens également à exprimer ma reconnaissance aux professeurs Guy Mercier et Matthew Hattvany qui m’ont tous les deux orienté dans ma recension des écrits. Leurs commentaires éclairants m’ont permis de recadrer et réorienter mon travail.

Je tiens également à souligner ma gratitude envers ma famille qui m’a épaulé tout au long de cette entreprise.

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Introduction

Le tourisme québécois connait actuellement une période de changements importants. Les tendances démographiques liées au vieillissement de la population et les nouvelles formes de tourismes sont les principaux facteurs à la source de ce remodelage. De plus, la demande pour l’accès aux paysages et à la beauté des sites est croissante. Le secteur du tourisme de montagne ne fait pas exception à ces tendances lourdes. Cette industrie est touchée par un autre phénomène majeur : les réchauffements climatiques. Ce problème environnemental a une incidence majeure sur la rentabilité des montagnes de ski.

Dans ce contexte particulier, il semble pertinent de s’intéresser à la promotion des activités de montagne ainsi qu’à la photographie des paysages réalisée par les opérateurs. Sans avoir pour but de vérifier si les stratégies marketing des montagnes québécoises sont adaptées aux nouvelles tendances du marché touristique, ce mémoire cherche à comprendre l’image promotionnelle de la montagne. Cette recherche, qui s’appuie sur une analyse de contenu internet, permet de comprendre quelles sont les caractéristiques de l’image promotionnelle des activités et des paysages de montagne au Québec.

Une recension des écrits portant sur l’appréhension de la montagne en Europe et en Amérique du Nord permet d’abord de comprendre le rapport culturel à la montagne est aux espaces de nature. Ensuite, le contenu d’une cinquantaine de sites internet a été analysé de manière à faire ressortir les principaux attributs employés dans la promotion de la montagne québécoise. Les contenus photographique et textuel ont été analysés dans le but d’observer la présence d’attributs fonctionnels et psychologiques. Cette recherche permet ainsi de voir laquelle de ces deux catégories d’attributs est prépondérante dans chacun des contenus. Une dernière visée de cette recherche est d’analyser s’il y a présence de caractéristiques typiques du mythe nord-américain de la wilderness dans les photographies mettant en scène des paysages québécois de montagne.

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Chapitre 1 : Problématisation du sujet de recherche

1.1 Mise en contexte

1.1.1 Démographie et changement des habitudes de tourisme

Le vieillissement de la population québécoise se fera sentir sur une période d’un demi-siècle encore. Si les personnes de 65 ans et plus forment actuellement 14 % de la population québécoise, en 2051 on prévoit que cette proportion atteindra 30 % (ministère du Tourisme, 2008).

Les baby-boomers1 qui atteindront l’âge de la retraite seront en meilleure santé que leurs aînés et seront également plus aisés financièrement. De plus, au cours de leur vie active, ils ont voyagé plus que les générations précédentes et maintiendront fort probablement cette habitude aussi longtemps que leur état de santé le permettra. L’arrivée de cette nouvelle clientèle touristique aura pour effet d’accroître le nombre de touristes québécois pour un certain temps (ministère du Tourisme, 2008). Ce groupe aura besoin de services adaptés à sa condition et à ses intérêts. Quant aux générations X et Y2, elles sont intéressées au tourisme, mais elles sont moins importantes numériquement. Ces deux cohortes ne pourront compenser l’éventuelle réduction des activités touristiques des baby-boomers, lorsque ces derniers ne seront plus en âge de voyager. La génération Y s’intéresse surtout aux sensations de dépaysement et d’exotisme que procurent les destinations lointaines (ministère du Tourisme, 2008). Pour cette raison, ce segment de la population québécoise cherchera probablement à voyager à l’extérieur du Québec lorsqu’elle vieillira.

Une nouvelle forme de tourisme gagnera fort probablement en popularité : le tourisme intergénérationnel. Disposant de ressources financières suffisantes, les baby-boomers voudront certainement voyager avec leurs enfants et leurs petits-enfants. Le tourisme intergénérationnel influencera le choix des destinations et des activités pratiquées. L’industrie touristique devra alors se positionner de manière à satisfaire les besoins de trois

1 Nés entre 1945 et 1966, ils sont âgés d’environ 45 à 70 ans

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générations simultanément, en offrant une variété de services pouvant combler les goûts de tous les membres de la famille.

Ainsi, le marché touristique québécois tend à se fragmenter et à se réorienter. Les pratiques touristiques des différentes générations seront de plus en plus distinctes. Si bien que, d’ici 2020, il se pourrait que l’industrie québécoise du ski subisse une diminution de 30 % du nombre de touristes reçus annuellement, passant de 6,9 à 4,8 millions de visiteurs par année (Conseil canadien du ski, 2004 dans Scott et coll., 2007). Pour cette raison, il est primordial pour les destinations touristiques de bien définir leurs produits et leur image promotionnelle afin de se positionner stratégiquement au sein de l’industrie québécoise du tourisme. Loin d’être épargnée par cette tendance nationale, l’industrie du ski et du tourisme de montagne devra également s’adapter à la fragmentation des clientèles.

1.1.2 Réchauffement planétaire

De manière générale, les retombées économiques liées à la pratique du ski alpin tendent à diminuer au Québec. Cette diminution des revenus est attribuable, entre autres facteurs, à la diminution de l’enneigement engendré par le réchauffement climatique. Le réchauffement planétaire a pour effet d’écourter les saisons de ski. Pour allonger la saison de ski et augmenter l’enneigement des pistes, les destinations de ski alpin doivent se procurer des équipements supplémentaires pour l’enneigement artificiel. Ainsi, la hausse des températures induit une double diminution des profits; elle écourte la saison et donc les revenus, en plus d’obliger les stations de ski à investir de grosses sommes dans des équipements d’enneigement artificiel (Scott et coll., 2007).

Les chiffres de la saison 2011 illustrent bien cette tendance et les effets qu’elle peut avoir. Une hausse de 8,2 % des revenus a été observée pour l’ensemble de l’industrie du ski alpin au Canada pour l’année 2011. Les revenus sont passés de 894,2 millions de dollars en 2010 à 967,1 millions de dollars en 2011. En revanche, les dépenses ont augmenté parallèlement (839,1 millions en 2010, contre 921,6 millions en 2011). La marge bénéficiaire a donc baissé, passant de 6,2 % à 4,7 % (Satistique Canada, 2011).

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L’augmentation des profits dans l’industrie du ski en 2011 est attribuable à l’hiver de 2011, qui a été particulièrement long et propice à la pratique du ski alpin. Quant à la baisse de la marge bénéficiaire, elle est due à l’augmentation des dépenses (voir tableau 1.1, p.5).

Tableau 1.1 : Revenus, dépenses et marges bénéficiaires des stations de ski canadiennes

pour les années 2009 à 2011 (en million de dollars)

Source : Statistique Canada, 2011

Si cette tendance se maintient, il se pourrait bien que les dépenses liées à l’enneigement artificiel augmentent de 6 à 8 % d’ici 2050 (Scott et coll., 2007). Suivant ce scénario, la quantité d’eau requise doublerait. Cette nécessité entrainerait des coûts liés à la construction de nouveaux bassins et de nouveaux réservoirs, ainsi que des frais nécessaires à la réalisation d’études d’impact environnemental. Cette augmentation des dépenses d’exploitation pourrait induire une diminution importante de la marge bénéficiaire d’exploitation. À cette augmentation des dépenses d’exploitation s’ajoute la diminution des revenus qui résulte du raccourcissement des saisons. D’ici 2050, il se peut que les revenus chutent de 12 % pour la région de Ste-Agathe-des-Monts et de 13 % dans la région de Québec. Cette diminution pourrait atteindre 20 % dans la région de Sherbrooke (Scott et

coll., 2007). Année Revenus d’exploitation Dépenses d’exploitation Salaires, traitements et avantages sociaux Marge bénéficiaire d’exploitation (%) 2011 967,1 921,6 345,2 4,7 2010 894,2 839,1 319,8 6,2 2009 934,7 876,8 338,6 6,2

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1.2 Problématique

1.2.1 Utilisation croissante de l’Internet

Le choix d’une destination touristique repose en grande partie sur l’image qu’elle projette. L’Internet est de plus en plus un véhicule important de l’image pour l’industrie touristique (Krizman Pavlović et Belullo, 2007). En 2013, 34,3 % de la population mondiale a accès à l’Internet (de Argaez et Thorne, 2013). Au Québec, on remarque que les générations X et Y utilisent principalement l’Internet pour choisir leurs destinations de voyage (ministère du Tourisme, 2008). Bien que l’Internet ait profondément changé le processus de distribution et de marketing des produits touristiques (Buhalis, 2000), les recherches basées sur ce médium sont encore à leurs balbutiements (Choi et coll., 2007; Krizman Pavlović et Belullo, 2007). Considérant la croissance annuelle du taux de pénétration de l’Internet, ainsi que son importance dans le choix d’une destination touristique, l’étude de l’image touristique à partir de ce médium apparait incontournable (Choi et coll., 2007; Buhalis, 2000; Govers et Go, 2005).

1.2.2 Absence de données sur l’image de la montagne québécoise

Si plusieurs auteurs s’intéressent à l’image montagnarde en tourisme (Bauer, 1999; Carmichael, 1992; Frochot et Kreziak, 2008; Guérin et coll., 1977; Guérin et Gumuchian, 1977; Williams et coll., 2004), le sujet n’a pas encore été étudié au Québec. Les travaux importants réalisés dans ce champ d’études portent principalement sur les Alpes et la Cordillère de l’Ouest américain. De plus, les principales études francophones sur le sujet datent des décennies 1970 à 1990, alors que l’utilisation de l’Internet était encore peu répandue.

La recension des écrits révèle qu’aucune documentation exhaustive portant sur l’image touristique de la montagne québécoise n’a été produite. Considérant que les changements démographiques et les habitudes de tourisme pourraient induire une diminution importante du nombre de touristes en montagne, une compréhension approfondie des produits

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touristiques semble cruciale. À ce virage important s’ajoutent les défis liés au réchauffement planétaire qui s’accentueront dans les années à venir et qui diminue la marge bénéficiaire. En tenant compte de ces phénomènes, il appert qu’une compréhension approfondie de la promotion touristique de la montagne s’impose. Dans un contexte où l’engouement pour le paysage est notable et où l’Internet est toujours plus consulté par les touristes, il semble pertinent d’aborder cette étude sur l’image touristique de la montagne par le biais de ce médium.

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Chapitre 2 : Cadre théorique et principaux concepts

2.1 Relation au territoire et appréciation paysagère

La relation au territoire et au lieu est au cœur des préoccupations géographiques. Comprendre ces relations entretenues par l’être humain est fort complexe, puisque le regard porté sur l’environnement implique plusieurs perspectives. Le territoire est appréhendé à l’aide des sens, mais aussi à partir de schèmes cognitifs et de valeurs (Bédard et coll., 2012). La relation aux paysages est structurée par un imaginaire collectif constamment réinventé qui se transforme au gré des changements sociaux. Ce caractère changeant s’explique à l’aide du concept de « mouvance » (Berque, 1999). Le rapport à l’environnement ainsi que l’appréciation paysagère sont continuellement mouvants. Ils ne sont pas mouvants en raison des multiples changements physiques qui se produisent continuellement, mais bien parce que le perceptuel n’est pas un objet statique existant en soi. L’appréciation paysagère est issue d’une dynamique dans laquelle le percevant et le perçu3 sont constamment en déplacement (Berque, 1999).

La manière de percevoir un lieu n’est pas anodine, puisqu’elle influence l’aménagement : « Les sociétés interprètent leur environnement en fonction de l’aménagement qu’elles en font, et, réciproquement, elles l’aménagent en fonction de l’interprétation qu’elles en font » (Berque et coll., 1994 : 17).

Les images produites par les promoteurs influencent les représentations culturelles, qui à leur tour influencent l’aménagement (Bédard, 2012). Les destinations touristiques et leurs opérateurs prennent part à cette dynamique. Afin d’être plus concurrentielles et ainsi attirer investisseurs, résidents et touristes, les destinations touristiques s’efforcent de produire une image attrayante (Bédard, 2012). Image et aménagement sont ainsi étroitement liés. Puisqu’elle influence l’aménagement, la mise en image du territoire doit être pensée.

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Les images que l’on produit ont ceci de particulier qu’elles interpellent simultanément le rapport à l’environnement, à la société et à la culture. L’étude de l’image touristique permet d’interroger ce rapport au lieu. L’étude de l’image touristique de la montagne est ainsi révélatrice de la demande paysagère et de l’utilisation territoriale.

2.1.1 Définition du concept de paysage

Au fil du temps, le vocable paysage a désigné différents concepts. Pour la première fois au XVe siècle, le terme apparait comme néologisme pour désigner « un tableau représentant un pays, et nullement ce pays lui-même » (Le Couédic, 2002). Puisque ce sont les Néerlandais les premiers à s’intéresser à la peinture des paysages, le terme serait alors traduit du néerlandais : landschap. Aujourd’hui, dans sa première définition, telle qu’elle apparait dans le dictionnaire de langue française Robert, le paysage désigne la « partie d’un pays que la nature présente à un observateur » (Petit Robert, 2007). Cette définition met en relation trois éléments : le pays, la nature et l’observateur. Le pays désigne un espace géographique plus ou moins nettement limité et compris surtout pour son aspect physique. La nature peut être comprise comme étant indépendante de l’humain, ou comme étant directement liée à ses actions (Cronon, 1995). La conception de ce qu’est un environnement naturel varie selon la culture (Berque, 1996). Le regard de l’observateur, quant à lui, est formé selon les valeurs et l’idéologie dominante du groupe social. L’interaction de ces trois éléments-clés, eux-mêmes souples, rend la compréhension paysagère fort complexe.

Le paysage, qu’il soit jugé beau ou laid, est le cadre de l’existence quotidienne (Leveau, 2013). Sa lecture ne résulte pas d’un processus conscient et objectif : « tout paysage est anticipé avant d’être perçu, pour ne pas dire construit, en vertu de codes d’accessibilité et d’intelligibilité qui nous le rendent accessible et compréhensible (Bédard, 2012 : 46). » Les influences qui structurent l’appréciation paysagère sont multiples. Elles sont d’ordre social, économique, et découlent des rapports particuliers que les êtres humains entretiennent avec leur société et l’espace qui les entoure. Le paysage et ses aménagements constituent ainsi un moyen d’expression culturelle (Villeneuve, 1999).

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2.1.2 Articulation et accroissement de l’intérêt paysager en Occident

C’est au cours de la Renaissance que l’intérêt paysager apparait en Europe. L’évolution technique et plus particulièrement le développement de la géométrie euclidienne permet d’intégrer la perspective linéaire en peinture (Cosgrove, 1985). De plus, les Grandes Découvertes permettent aux Européens de jeter un nouveau regard sur leur propre territoire. Au moment où ils dépassent leurs frontières pour explorer de nouveaux horizons, ils modifient les perceptions entretenues à l’endroit de leur milieu de vie (Lazzarotti, 2002). Les Grandes Découvertes permettent aux élites de découvrir une nouvelle facette de leur pays : la beauté des paysages.

Pour une toute première fois en Occident, une appréciation du bucolique fait son apparition. On apprécie alors les reproductions picturales mettant en scène l’harmonie et l’équilibre calculé de la campagne agricole. L’observateur se plait à contempler l’alignement des arbres fruitiers et des cultures céréalières. L’orchestration de la campagne témoigne d’un contrôle des forces de la nature et d’un travail bien exécuté par les paysans. Les élites urbaines, qui possèdent de somptueuses villas perchées sur les collines de campagnes, apprécient les reproductions picturales des champs qu’elles surplombent (Le Couédic, 2002).

Plus tard, au XIXe siècle, le tourisme a un effet positif sur la valorisation des paysages. La mobilité accrue permet à un plus grand nombre de découvrir de nouveaux espaces. Ces découvertes ont pour effet de transformer le regard de ceux qui découvrent de nouvelles contrées. Ce contact avec les touristes permet également aux autochtones de porter un nouveau regard sur leur lieu de vie. Les hôtes prennent conscience d’une richesse ignorée jusque-là : les paysages (Lazzarotti, 2002).

Contrairement à l’appréciation paysagère orientale4, la vision occidentale est incompatible avec la modernité. En se dissociant de son environnement et en reproduisant le paysage de

4En Orient, le paysage est d’abord apprécié pour son caractère spirituel. En Chine, par exemple, la

représentation picturale des paysages se fait par des traits qui recréent l’émotion ressentie à la vue du paysage. On cherche à transmettre par la peinture le sentiment qu’induit le paysage chez celui qui l’observe. En ce

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façon explicite, le peintre européen fige l’espace dans le temps. Il peint un lieu sans tenir compte de la relation que les êtres vivants entretiennent avec ce dernier. Apparait alors une vision nostalgique d’un temps révolu lorsque les campagnes européennes s’industrialisent tout au long du XIXe siècle. Le développement industriel est perçu comme une menace réelle contre laquelle il faut se prémunir afin de défendre son environnement.

Lorsque les installations industrielles modernes apparaissent çà et là, il y a dissociation du lieu de production et du lieu de consommation. En France, par exemple, on tisse la soie dans la région lyonnaise et en Isère pour ensuite l’acheminer vers d’autres régions françaises. Dès lors s’instaure une admiration pour les espaces ruraux qui ne sont pas touchés par l’industrialisation. On apprécie les paysages qui reflètent l’autosuffisance économique et agricole d’une région. Les œuvres pittoresques louangent un temps révolu, celui où toutes les activités de production étaient en harmonie avec leur socle spatial. Une crainte de la disparition des paysages surgit (Lazzarotti, 2002).

Aujourd’hui, on craint toujours la disparition des paysages. Le risque provient de l’usage actuel du territoire. L’utilisation du territoire et des ressources, servant à procurer le confort moderne, menace l’intégrité des paysages puisqu’il est synonyme d’infrastructures : stations-service, stationnements, mines, oléoducs, usines, etc. (Mercier, 2012). Dès lors, il faut concevoir des moyens pour préserver le paysage tout en conciliant les différents usages du territoire (Mercier, 2012).

La demande paysagère - interne et externe5 - est toujours plus forte. Les revendications ayant pour but la défense d’un lieu pour la préservation de sa beauté sont de plus en plus nombreuses (Le Couédic, 2002). Cette demande accrue pour les paysages découle de la peur de voir de beaux sites disparaitre, comme explicitée ci-haut, mais elle pallie aussi une perte de repères traditionnels. La perte des repères traditionnels est induite par le nombre croissant de flux (monétaires, humains, culturels, etc.) que l’ère de la globalisation produit.

sens, le paysage en Chine n’a jamais été une simple reproduction de la réalité matérielle. Le paysage à la chinoise associe étroitement l’être humain à la nature, et c’est par cette relation qu’est compris le paysage (Berque, 1996).

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La croissance des flux et des échanges entraine une dilution de l’identité traditionnelle liée au terroir (Cuillerai et Abélès, 2002). S’ensuivent un déracinement et une perte de la localité à laquelle étaient rattachés des symboles et des rites partagés au quotidien. La globalisation marquerait ainsi la disparition d’une civilisation où la transmission et la tradition jouent un rôle prépondérant. L’individu qui se définissait auparavant comme le produit d’un territoire, d’une région, doit désormais trouver de nouveaux points de repères identitaires (Cuillerai et Abélès, 2002).

2.1.3 Transformation du rapport à la montagne

Tout comme la mer et ses rivages, la montagne a longtemps été perçue comme un espace mythique réservé aux divinités. Les Européens craignent les hautes cimes, et les montagnards eux-mêmes entretiennent une multitude de légendes sur la haute montagne (Joutard, 1986).

Encore au début du XIXe siècle, l’esthétique alpestre ne fait pas l’unanimité chez les intellectuels. Au sujet de la montagne, Châteaubriand écrit en 1806 :

Mais, pour venir enfin à mon sentiment particulier sur les montagnes, je dirai que, comme il n’y a pas de beaux paysages sans un horizon de montagnes, il n’y a point aussi de lieux agréables à habiter ni de satisfaisants pour les yeux et pour le cœur là où on manque d’air et d’espace; or, c’est ce qui arrive dans l’intérieur des monts. Ces

lourdes masses ne sont point en harmonie avec les facultés de l’homme et la faiblesse de ses organes (Châteaubriand, 1859 :130-131).

Les peintres paysagistes, le développement de la science ainsi que le mouvement romantique modifient grandement le rapport aux territoires de montagne au cours des XVIIIe et XIXe siècles (Joutard, 1986; Pawson et Brooking, 2002; Corbin, 1995). Du statut de lieu hanté et dangereux, les Alpes deviennent rapidement un territoire féerique et sublime aux yeux des Romantiques européens. Cette modification dans la représentation culturelle provoque une affluence de voyageurs qui va favoriser le développement d’infrastructures et de produits touristiques.

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2.1.4 Peinture et découverte de la montagne

Généralement, on associe au XVIIIe siècle la découverte de la montagne comme objet pictural. La parution de Julie, ou la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau, en 1761, est souvent utilisée comme repère chronologique pour situer le début de l’appréciation de la montagne (Joutard, 1986). Dans cette œuvre d’importance majeure, l’amour et le bonheur sont innocemment trouvés au sein de la nature (Lebrun, 2004). Pourtant, l’intérêt pour la montagne est antérieur au début du XVIIIe siècle, puisque dès la Renaissance, les artistes et les savants européens démontrent un intérêt pour la haute montagne.

En fait, la montagne n’a jamais été absente de l’imaginaire européen. Par contre, elle est longtemps perçue comme un espace sacré auquel l’accès est interdit à l’être humain ordinaire (Joutard, 1986 ; Lazzaroti, 2002). Les montagnes sont alors perçues comme le lieu de résidence des divinités, bonnes ou maléfiques. Les montagnards eux-mêmes ont cette vision mystique des hauts sommets. Les Chamoniards considèrent pendant longtemps la mer de glace - et les glaciers de manière générale - comme une punition divine où les âmes sont forcées de faire leur purgatoire (Joutard, 1986).

Pourtant, à cette époque au cours de laquelle on considère la montagne interdite, une minorité de lettrés y voit une source de beauté. Au XIVe siècle, en 1336, Pétrarque atteint le sommet du mont Ventoux. En peu plus d’un siècle plus tard, soit en 1492, Antoine de Ville gravit le mont Aiguille dans le Dauphiné. Cette expédition fut commandée par le roi Charles VIII. Ces événements marquent les tout débuts de l’alpinisme (Joutard, 1986).

C’est également au cours du XVe siècle que les premières reproductions picturales de la montagne sont réalisées. Sur ces premières œuvres mettant en scène la montagne, les sommets apparaissent en arrière-plan, symbolisant une présence surnaturelle. La Vierge du

Chancelier Rolin (illustration 2.1, p.15), œuvre du peintre flamand Jan Van Eyck, réalisée

entre 1434 et1435, est connue pour être la toute première représentation paysagère de l’Occident (Lazzaroti, 2002). Sur ce tableau, la ligne d’horizon que l’on aperçoit à travers le portique est une chaîne de montagnes. Une dizaine d’années plus tard, en 1444, le peintre allemand Konrad Witz peint la première reproduction connue du mont Blanc par (Vaisse,

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2013). Sur son tableau La pêche miraculeuse (illustration 2.2, p.15), une scène biblique est illustrée au premier plan. Au second plan, la montagne et son caractère céleste servent à raffermir le caractère divin du tableau. Une autre œuvre célèbre, la fresque le Cortège des

Rois mages (illustration 2.3, p.16), de Benozzo Gozzoli, est achevée en 1459 au Palais

Médicis à Florence. Sur cette fresque biblique, l’action se déroule dans un panorama montagneux et féerique, évoquant les jardins du Paradis (de La Coste-Messelière, 2013). Les tableaux alpestres du XVe siècle démontrent qu’une réflexion sur la montagne est amorcée chez les peintres.

Au cours des siècles suivants, la présence de la montagne dans la peinture et le dessin s’accentuent. Le rayonnement artistique de l’Italie à la Renaissance incite de nombreux artistes européens à voyager vers les villes italiennes. Au cours de leur voyage, ces artistes traversent le massif alpin pour atteindre l’Italie. Beaucoup y trouvent une grande source d’inspiration. C’est le cas notamment d’Albrecht Dürer qui se rend à Venise en 1494 et qui est impressionné par les reliefs et les contrastes alpins. Il dessine des paysages de la vallée d’Innsbruck et d’autres régions alpines. Un de ses tableaux les plus célèbres, la Visitation (illustration 2.4, p.16), représente l’accueil de Marie par Élisabeth. La scène se déroule dans un décor de haute montagne. En arrière-plan apparaissent une forêt, des rochers dénudés et de hauts sommets couverts de glaciers (Joutard, 1986). Désormais, la montagne est un objet d’intérêt pour les peintres paysagistes de la Renaissance.

En 1482, Léonard de Vinci s’établit à Milan. De sa nouvelle ville, de Vinci peut observer les Alpes au quotidien. Ce contact avec les montagnes influence dès lors sa peinture. Il fait de nombreuses excursions dans le massif alpin, où il puise son inspiration pour ses tableaux alpestres. Pendant cette période, de Vinci prend des notes sur la manière de peindre la montagne. Il publiera ces notes plus tard dans son traité sur la peinture. La peinture alpestre de de Vinci s’arrête à la moyenne montagne. Bien qu’il ait exploré la haute montagne, les glaciers et la neige ne font pas partie de l’univers pictural du peintre.

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Illustration 2.1 : Jan Van Eyck, La Vierge du Chancelier Rolin, (1434-1435)

Source : Van Eyck, Jan, Musée du Louvre en ligne

Illustration 2.2 : Konrad Witz, La pêche miraculeuse, (1444)

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Illustration 2.3 : Benzzo Gozzoli, Le cortège des rois mages, (1459-1462)

Source : Gozzoli, Benozzo, Encyclopédie Larousse

Illustration 2.4 : Albrecht Dürer, La visitation, (1503)

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Léonard de Vinci pressent la violence de cet environnement et saisit la beauté de ce milieu pour son caractère chaotique. Cette dualité entre le magnifique et le danger est illustrée dans La Vierge aux rochers (illustration 2.5, p.17). Il est ainsi le premier grand artiste à avoir compris et vanté la beauté que recèlent les paysages de montagne. Le mouvement et le dynamisme, deux thèmes majeurs dans la peinture de l’époque, caractérisent certaines peintures montagnardes réalisées par de Vinci. (Joutard, 1986).

Illustration 2.5 : Léonard de Vinci, La Vierge aux rochers, (1483-1508)

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2.1.5 Définition du romantisme

Les œuvres présentées ci-dessus sont parmi les premières à mettre en valeur la montagne. Ces réalisations picturales s’inscrivent dans les débuts d’un courant social et artistique qui gagnera en importance au cours des siècles suivants : le romantisme. Pour éviter d’employer le terme « romantisme » de manière maladroite, une définition du concept s’impose.

Le terme romantisme est polysémique. Il est difficile, voire impossible, de concevoir le romantisme comme un courant artistique qui aurait influencé tous les pans culturels simultanément. Vouloir définir un seul et unique romantisme qui aurait orienté la philosophie, l’histoire, les mouvements sociaux et les productions littéraires et artistiques serait une entreprise périlleuse. Tous ces phénomènes méritent un regard plus fin qui tienne compte des différents contextes sociaux, politiques et des événements particuliers.

S’il est vrai que les divers romantismes sont marqués par une hétérogénéité, ce sont les caractéristiques communes qui sont intéressantes (Peyre et Zerner, 2013). Dans le cas précis de ce travail de recherche, c’est la modification dans le rapport à la nature qui est pertinente.

Vers la fin du XVIIIe siècle, l’Europe connait une remise en question profonde. Les autorités et les structures sociales sont remises en cause. La Révolution française est l’événement le plus notoire de ce mouvement contestataire. Au cours de cette période, les valeurs culturelles et sociétales sont revisitées. Le romantisme désigne les nouvelles valeurs issues de ce mouvement contestataire de libération (Peyre et Zerner, 2013). Désormais, les tenants du mouvement romantique soutiennent qu’une production artistique issue d’un esprit non cultivé peut être aussi intéressante, voire surpasser l’œuvre d’un auteur éduqué (Brians, 2004). Les artistes instruits avaient auparavant monopolisé l’attention de la haute société. En somme, le romantisme est un climat social, une sorte de mouvement des idées qui a influencé les artistes, les écrivains et les penseurs. Pour cette raison, mieux vaut parler de « peinture du romantique » plutôt que de « peinture romantique » (Peyre et Zerner, 2013).

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Le mouvement de pensée romantique est d’abord caractérisé par une grande sensibilité. L’Être se trouve au centre des préoccupations. Les excès de rationalisme attribués aux Lumières sont rejetés (Lebrun, 2006). Il s’agit d’un réel ébranlement des sociétés européennes. Les Romantiques puisent dans les valeurs romanesques du Moyen Âge. Ils réhabilitent les ruines, ont un goût marqué pour l’exotisme et les valeurs locales à la fois et sont passionnés de nature (Peyre et Zerner, 2013). Le terme est d’ailleurs employé pour désigner le pittoresque dans un paysage au milieu du XVIIIe siècle.

Dès lors, les préceptes de l’ordre tels que l’harmonie, l’équilibre et le calme sont rejetés. Les peintres du romantique se préoccupent de l’infini et du rapport entre l’individu et la nature. Les contrastes paysagers qui caractérisent les environnements accidentés sont préférés à l’harmonie et à la douceur. On cherche à peindre des objets qui attirent l’œil agressivement (Peyre et Zerner, 2013). L’art pictural du romantisme est caractérisé par les paysages grandioses. Sur les toiles, on met en scène les grands spectacles que la nature offre. Les contrastes d’éclairage et les couleurs fortes font l’objet d’un intérêt nouveau chez les peintres. Les couchers de soleil flamboyants, les contre-jours, les nuages foncés, ou encore les levers de lune fascinent les artistes (Peyre et Zerner, 2013).

La découverte de la nature à l’état sauvage découle du courant romantique, mais aussi de l’industrialisation et l’urbanisation qui croissent au même moment. La vie dans ce nouvel environnement urbain induit une prise de conscience de la part des citadins. N’étant plus contraints aux aléas de la nature et au travail ardu de la terre, les urbains peuvent jeter un nouveau regard sur les espaces qui encerclent la ville. Dès lors, on tend à idéaliser les environnements ruraux et leurs habitants. Le bouleversement engendré par l’afflux des populations vers les villes doit donc être pris en compte dans ce changement de regard à l’endroit de la nature. Cette appréhension de la nature est toute nouvelle en Occident, et son influence sera majeure (Brians, 2004).

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2.1.6 Naissance de l’alpinisme et du thermalisme

Dans la première moitié du XVIe siècle, en Suisse allemande, se forme un regroupement de passionnés de montagne. L’ascension n’est pas seulement pour eux un délassement ou une activité physique, mais une prière et une forme de sagesse. La montagne leur apparait comme un paradis terrestre, y compris dans ses parties les plus élevées. Déjà au XVIe siècle, la montagne se pose comme remède à la ville. Ce thème deviendra plus fort au cours des siècles suivants.

La première ascension du mont Blanc est accomplie le 8 août 1786. Le docteur Michel Gabriel Paccard et son guide Jacques Balmat sont les premiers à marcher sur le sommet de la plus haute montagne des Alpes (Joutard, 1986). Cet événement majeur marque le début de l’histoire de l’alpinisme moderne et fait entrer la haute montagne dans l’imaginaire collectif. Désormais, les Alpes se transforment graduellement en « terrain de jeu » pour les Européens (Joutard, 1986).

Avec l’apparition de l’alpinisme nait aussi le rêve de grandes « premières ». Désormais, on cherche à atteindre les sommets en premier. Pendant cette période marquée par le romantisme, l’exploit devient une grande motivation pour l’alpiniste qui cherche à s’enrichir personnellement d’une nouvelle expérience forte. Les conquérants de sommets veulent se dépasser dans un cadre inhabituel. Ils cherchent à se confronter à des environnements hostiles où les paysages sont ceux du chaos, en plus de vouloir contribuer à l’avancement scientifique. Les ascensions permettent de découvrir des matières, des plantes jusque-là inconnues. Le goût pour les découvertes scientifiques relatives à l’herboristerie6 et la géologie attise l’envie de découverte. De plus, le romantisme artistique s’ajoute aux motivations à conquérir les sommets, puisque de plus en plus les citadins contemplent des tableaux mettant en scène des paysages alpins.

Au XVIIIe siècle est créée la première station thermale à Bath en Angleterre (Rauch, 1995). Au départ, les bains sont utilisés aux fins de guérisons. Bientôt, les bains ne seront

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plus seulement utilisés à des fins thérapeutiques. La noblesse britannique ne tarde pas à transformer cette pratique en villégiature. Cette pratique fait boule de neige sur le continent européen, et on découvre sans tarder le potentiel alpin pour le thermalisme. Vichy et Aix-les-Bains sont fréquentés pour leurs bains à partir de la fin du XVIIIe siècle.

Tout comme l’eau, l’air montagnard intéresse énormément les hygiénistes de l’époque. Ceux-ci prescrivent des séjours à la montagne au cours desquels les malades se soignent en se baignant dans les eaux pures de thermes et en respirant un air subtil et léger. Ce besoin d’un air pur pour la bonne santé découle d’une conception des harmonies naturelles : « le contact prolongé et immédiat avec les éléments se présente comme le pôle positif de ces nuisances que sont devenus dans les esprits la fétidité des espaces citadins et les miasmes des quartiers où l’air stagne » (Rauch, 1995 : 103).

La haute société qui pratique le thermalisme est grandement influencée par le courant romantique. Pour ces contemporains, le séjour à la montagne et le thermalisme représentent un retour au paradis perdu, un moyen privilégié de nourrir les rêves. La nature et son esthétique divine se prêtent parfaitement à la rêverie. Le panorama alpin donne accès à l’éternité, au sublime. C’est ainsi une manière privilégiée d’avoir accès à l’éternité du monde dans un paysage indifférent au temps humain (Rauch, 1995).

2.1.7 Folklorisation des espaces montagnards

La rencontre entre montagnards et urbains ne crée pas d’affrontements. Bien au contraire, les touristes apprécient l’authenticité de ces peuples originaux. Les montagnards s’inscrivent comme élément central d’un gracieux décor romanesque. Ils sont en quelque sorte l’essence de ce pays et donnent un caractère pittoresque à cet espace demeuré en marge de la société industrielle et de ses revendications. Aux yeux de la haute société qui fréquente la montagne, le peuple montagnard, à l’écart de la révolution industrielle, joue le rôle du « bon peuple » (Rauch, 1995). Cette rassurante population, et le temps long auquel elle réfère, confortent le touriste qui cherche à se distancer de la ville et du temps accéléré par le travail moderne. Ce peuple semble vivre en harmonie avec la nature qui l’entoure, ce

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qui le rend lui-même naturel et authentique. L’art de vivre montagnard devient le symbole d’une société ni passée ni présente, mais intemporelle, qui se fond avec la nature (Rauch, 1995). Le stéréotype du montagnard pauvre, honnête et vertueux s’oppose à l’image du citadin aux mœurs corrompues (Joutard, 1986). Les montagnards et leurs infrastructures vivrières s’inscrivent ainsi dans le mythique paysage alpin.

Le paysage montagnard est célébré pour son caractère intouché. C’est le symbole le plus fort de l’âge d’or de la ruralité qui disparait au fur et à mesure que progresse l’industrialisation. Les icônes que sont l’agriculture et le pastoralisme représentent une société vivant de façon autonome (Lazzarotti, 2002). Pour les Romantiques, il va sans dire que l’alpage, le berger et son troupeau sont des emblèmes de ce mode de vie autarcique qui tend à disparaitre.

Au-delà de sa capacité à évoquer un temps révolu, le tourisme alpin est apprécié puisqu’il permet de pénétrer des lieux que l’on estime divins. Le touriste a la chance de se confronter à des étendues imposantes et effrayantes comme la Mer de Glace à Chamonix. On recherche l’enchantement que créent ces sites grandioses. Des légendes faisant appel au surnaturel sont racontées pour expliquer la formation de ces mystérieux espaces (Joutard, 1986). Les touristes sont confrontés à une temporalité nouvelle, ils constatent la relativité de leur époque devant l’immensité du temps universel. Au rythme effréné de la ville où les événements se succèdent rapidement, on trouve un temps plus près de l’infini à la montagne; un temps long (Rauch, 1995 : 95). La transhumance qui marque les changements de saison depuis des siècles semble être intemporelle.

Au XIXe siècle, un phénomène similaire de folklorisation a lieu au Québec dans Charlevoix. Comme pour les paysages alpins, Charlevoix se voit transformé par le regard externe. Si la région est d’abord convoitée pour la beauté de ses paysages, bientôt les Britanniques vont également rechercher l’authenticité de ses habitants (Dubé, 1986; Des Gagniers, 1994).

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En 1830, un premier bateau vapeur relie Québec à La Malbaie. Au cours de cette décennie, La Malbaie devient un centre d’attraction touristique pour les citadins aisés qui s’initient de plus en plus à la villégiature (Dubé, 1986). Cette classe sociale, composée de marchands et de hauts-fonctionnaires inspirés par la mode romantique, commence à voyager pour le plaisir et pour la découverte d’espaces naturels grandioses :

I have stood in the presence of Niagara, and there regarded the voice of man as sacrilegeous impertinence ; but never have I felt the insignifiance of human utterance and human effort as when standing still in the presence of those silent preachers of omnipotence, capes Trinity and Eternity, with the broad heavens above filled with the light and the unstable waters below deep and black, where darkness eternelly broods. It was a lesson of humility long to remembered (Anonyme, 1859 : 158).

Cette revalorisation des lieux satisfait les besoins des citadins britanniques en quête de divertissement et de pittoresque. À l’instar de leurs homologues européens, ils apprécient la beauté des lieux et la courtoisie d’un peuple qu’ils perçoivent comme étant authentique :

Here the land is cultivated and inhabited for an extent of six miles, in a rich an romantic valley, through woch a river, abounding in salmon and trout, winds its course into the bay. The soil wich consists of a black mould upon sand, is fertile: and the inhabitants, whose communication with other settled parts of the country is not frequent, posses, within their own limits, an abundance of necessaries of life (Heriot, 1813 : 62).

Dans ce passage écrit par George Heriot, un artiste topographe britannique, l’auteur évoque la beauté grandiose des paysages, l’isolement des habitants, ainsi que leur production vivrière autarcique. Les principales valeurs de la vision romantique de l’époque sont attribuées au territoire montagneux de Charlevoix. Un contemporain de Heriot, le lexicographe Joseph Emerson Worcester, vante également la politesse et les bonnes mœurs des Canadiens français qu’il rencontre : « Their address to strangers is more polite and unambarassed than any peasantry in the world. They have a winning gentleness and suavity, and a zealous forwardness to oblige and serve ; wich are very pleasing to strangers » (Worcester, 1823 : 41).

Cette interprétation des lieux et de la culture contribue à l’élaboration d’un discours identitaire québécois qui s’articule autour de la conservation des caractéristiques du peuple

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de la Nouvelle-France. Le catholicisme, qui s’inscrit dans un mode de vie reposant essentiellement sur la pratique de l’agriculture vivrière, devient un élément emblématique de la ruralité québécoise (Villeneuve, 1999).

Comme sur le continent européen, les valeurs et l’idéologie véhiculées sont celles du groupe social dominant. Les nouvelles images accolées au territoire de Charlevoix représentent les intérêts des touristes. Dans ce cas, le mythe est celui du peuple fondateur Canadien français (Villeneuve, 1999). Graduellement, ce mythe fondateur est entériné par l’imaginaire collectif. Il sera récupéré ensuite lors de la conception des stations de ski dans les Laurentides (Morisset, 2012). Ainsi, la conception de la ruralité québécoise entretenue par un groupe oriente l’aménagement des espaces de montagne québécois.

2.2 Tourisme alpin et sports d’hiver

2.2.1 Les débuts du tourisme de montagne en Europe

Si les arts et les sciences permettent de redorer la conception européenne de la montagne, c’est l’avènement du tourisme qui la rendra accessible au plus grand nombre.

Tout au long du XVIIIe siècle, le nombre de voyageurs se multiplie dans les Alpes. De la décennie 1740 à 1750, le nombre de voyageurs double. On améliore considérablement le chemin pour se rendre au village de Chamonix en 1775. Dans les années qui suivent, l’équipement hôtelier de Chamonix connait un essor notable (Joutard, 1986).

L’accès routier facilité ainsi que l’hôtellerie mise en place sont favorables au développement touristique de Chamonix. Un autre facteur influence positivement l’essor touristique; la publicité par l’image. L’abondante iconographie créée à cette époque favorise le rayonnement du village. Le premier grand dessinateur de la vallée de Chamonix est Marc-Théodore Bourrit (illustration 2.6, p.26). C’est lui qui fournit aux touristes les premières reproductions de la vallée et de ses glaciers. L’œuvre de Bourrit peut être considérée comme une des toutes premières formes d’image publicitaire servant à faire la

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promotion d’un espace touristique montagnard.

Plus que le texte, les images créées par les peintres et les dessinateurs sont susceptibles de transmettre l’émotion générée par les glaciers et la haute montagne (Joutard, 1986). Le romantisme de l’époque transparait ainsi dans l’iconographie. L’état d’esprit dans lequel on appréhende alors le paysage est traduit par la peinture.

Les paysages alpins font écho à la nostalgie d’une époque révolue; la féodalité. Le lieu de voyage est choisi selon sa capacité à créer un détachement vis-à-vis de la société urbaine et en fonction de sa capacité à plonger le touriste dans la rêverie. L’exotisme et l’ambiance alpestre apparaissent comme une contre-valeur à la civilisation industrielle. Ironiquement, c’est le niveau de vie acquis par cette nouvelle société qui permet précisément de jouir de ce dépaysement (Rauch, 1995 : 94). L’intérêt et la valeur d’un site touristique sont déterminés par son ancienneté. La préservation des lieux est doublée d’une valorisation des vestiges.

La seconde moitié du XIXe siècle est marquée par la création de nombreux clubs alpins. Le Alpine Club est fondé en 1857 en Angleterre. La Nouvelle-Zélande se dote également d’un club similaire, le New-Zealand Alpine Club, en 1891 (Pawson, 2002). En France, c’est en 1874 qu’est créé le Club Alpin français (CAF). L’objectif premier est de démocratiser et de faciliter l’accès à la montagne. Pour ce faire, le CAF favorise la formation de guides professionnels de montagne. De plus en plus, la randonnée en montagne est pratiquée par une population petite-bourgeoise et urbaine. Afin de faciliter l’accès à la montagne, le CAF entreprend de grands travaux d’aménagement. En plus de baliser des sentiers, on construit des belvédères et des refuges. Des cartes topographiques détaillées sont également créées à l’intention des randonneurs. Ces réalisations techniques permettent aux randonneurs de rester plus longtemps en montagne pour ainsi mieux s’imprégner du style de vie montagnard et demeurer plus longuement à l’écart de la société industrialisée (Rauch, 1995).

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Illustration 2.6 : Marc-Théodore Bourrit, Vue de la mer de glace au montanvert, (1781)

Source : Bourrit, Marc-Théodore, The British Museum

Aussi, le CAF fait la promotion d’activités alpines jusque-là inédites : les sports d’hiver. C’est à ce moment que les premières stations de ski voient le jour en France. En 1864 est inaugurée la première piste de luge ainsi que le premier jeu de curling à Saint-Moritz (Rauch, 1995). Vingt ans plus tard, Saint-Moritz inaugure les premières pistes de ski alpin. Puis, en 1924 ont lieu les premiers jeux Olympiques d’hiver à Chamonix.

Ces aménagements réalisés par le CAF modifient la temporalité dans le rapport à la montagne. Les premiers explorateurs et alpinistes cherchaient à découvrir et surprendre la montagne sauvage. L’exploration s’inscrivait dans un temps long, puisqu’il était alors difficile de circonscrire le début et la fin de l’aventure. Les aménagements et la planification territoriale réalisés par le CAF introduisent de nouveaux temps. Les itinéraires proposés dans les guides et sur les cartes sont d’une durée déterminée. Qui plus est, avec le développement des sports d’hiver, on prescrit à chaque saison son activité (Rauch, 1995).

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Dans la première moitié du XIXe siècle sont écrits les premiers guides touristiques. Ces derniers fixent et classent les sites selon l’intérêt qu’ils représentent. Les manuels écrits à l’intention des voyageurs modifient en profondeur la manière de découvrir et de pratiquer le tourisme. Selon les normes du bon goût de l’époque, ils dirigent l’intérêt des voyageurs en pointant ce qui mérite d’être vu (Rauch, 1995 : 98). En effet, on y inscrit les « points de vue » et les panoramas dignes d’intérêt. Dès lors, le regard est pressenti par une sorte de propédeutique paysagère.

Malgré la popularité croissante de la villégiature chez les élites françaises, ce n’est qu’une minorité qui y a accès au début du XIXe siècle. Dans les années 1870, le mot « villégiature » est toujours considéré comme un néologisme (Rauch, 1995). C’est aussi à cette époque que l’on commence à parler de « touristes ». À l’origine, le terme vient d’une coutume qui consiste à faire un Tour ou un Grand Tour chez les jeunes aristocrates britanniques. Accompagné de son précepteur, le jeune aristocrate part découvrir l’Europe continentale. Le Tour , qui inspire le mot « tourisme » au cours du XIXe siècle, réfère à une

circularité qui ramène son auteur au point de départ. C’est là une démarcation importante avec le « voyage », qui étymologiquement réfère au chemin qu’il faut parcourir (Rauch, 1995).

2.2.2 Démocratisation des loisirs et du tourisme

Un remaniement majeur des temps sociaux s’opère tout au long des années 1800, permettant ainsi à plus de gens d’avoir accès aux loisirs et à la villégiature.

À l’aube du XIXe siècle, avant l’arrivée de l’industrialisation, le temps des paysans était poreux, souple et meublé d’activités imprévues et spontanées (Corbin, 1995). Avec l’arrivée de l’industrialisation, le temps est remodelé. Peu à peu, le temps est découpé, calculé, prévu et maximisé de manière à rendre efficace la journée de travail. Parallèlement à l’horaire de travail bien cadré apparait le temps libre. Il s’agit d’un temps pour soi, voué à la détente, au divertissement et à la pratique de nouvelles activités telles que la pêche à la

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ligne et les sports de mise en forme. Au milieu du XIXe siècle s’élabore une industrie du divertissement populaire urbain. C’est alors qu’est dessiné le Bois de Boulogne à Paris ainsi que Central Park à New York. En 1852, Charles Morton ouvre le premier music-hall londonien (Corbin, 1995). Aux États-Unis plus qu’ailleurs, on considère les loisirs comme une forme de progrès sociétal. Il s’agit d’un moyen de s’épanouir et de se développer sur le plan personnel.

Après la mutation temporelle qui s’opère au XIXe siècle, une révolution des transports vient modifier le rapport à l’espace et aux déplacements. Au début du XXe siècle, les progrès techniques dans le domaine des transports accélèrent les voyages. En plus de permettre à un plus grand nombre d’accéder à la montagne, cet accès simplifié a pour effet de créer une vénération pour les lieux éloignés (Rauch, 1995). De plus en plus, on cherche l’isolement. Les guides touristiques sont dès lors munis de cartes routières, permettant ainsi de faciliter l’accès aux espaces de découverte tout en maximisant son temps le plus possible. Les étendues séparant les sites touristiques deviennent des espaces sans intérêt particulier que l’on ne fait que traverser (Rauch, 1995).

Avec l’industrialisation et la mise sur pied de la société urbaine apparaissent les vacances. Désormais, ce ne sont plus seulement les classes supérieures qui ont accès à ce temps privilégié que sont les vacances. Au tournant du XXe siècle, un plus grand nombre de travailleurs européens ont des vacances. C’est à ce moment aussi que l’on crée les premières colonies de vacances. L’objectif est de gérer le temps des enfants en congé pour les empêcher d’errer. Au lieu de flâner, on propose aux enfants de s’inscrire en colonie de vacances, leur permettant ainsi de développer des aptitudes personnelles telles que la curiosité et la découverte des activités de nature. Les forêts et la montagne deviennent la scène de rencontres et de moments forts de socialisation. On veut former la jeunesse et lui inculquer la sensibilité et le goût de la nature (Rauch, 1995).

À cette époque sont également créés les premiers villages de vacances. Le rythme accéléré de la ville et du travail imposent une période de repos. On consacre alors des lieux aux vacances, c’est-à-dire à la relaxation, à la rêverie ainsi qu’à la pratique d’activités sportives.

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Si le naturisme, ou le culte de la nature se présente comme étant un soin physique, c’est d’abord une cure morale (Rauch, 1995).

Cette modification de la durée du séjour joue sur la temporalité associée à la montagne. De l’exploration et de la découverte des premiers voyageurs qui s’inscrivait dans un temps plus long, la montagne se transforme graduellement un lieu de tourisme qui se consomme rapidement. Les colonies et les villages de vacances sont des structures qui permettent de séjourner à la montagne pour une durée plus courte.

2.3 La montagne nord-américaine : un espace associé à la wilderness

Aux États-Unis et au Canada, la montagne est souvent associée aux espaces sauvages, à la découverte de lieux inhabités. Dans l’imaginaire collectif, elle est liée à l’idée de nature, d’espaces sauvages ainsi qu’à la pratique d’activités de loisir sportifs et touristiques. Le concept de montagne renvoie également à la quête de liberté individuelle, à l’appropriation collective du territoire ainsi qu’à la tradition (Debarbieux, 2003; Cronon, 1995).

C’est là toute la charge référentielle associée au concept de la wilderness. Typiquement nord-américain, ce terme réfère à l’absence de toute trace humaine dans la nature (Mosley, 1992). Si le terme est parfois traduit en français par « sauvagerie », « nature sauvage », « naturalité » ou encore « désert », aucun de ces termes ne tient compte de la complexité et des multiples sens de la wilderness (Arnould et Glon, 2006). C’est donc le terme wilderness qui est utilisé dans ce mémoire.

Aux yeux des Nord-Américains, la wilderness est constituée des derniers espaces à l’écart de la civilisation. Ce sont en quelque sorte des lieux purs, loin des grands centres urbains où tout existerait sans aucune influence humaine (Cronon, 1995). Ces îlots de nature vierge, séparés les uns des autres, constituent des havres de paix où les urbains peuvent se ressourcer et vider leur esprit du trop-plein d’humanité qu’il porte.

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Toutefois, il faut bien voir que ces espaces sont un produit humain. Ils sont le produit d’une époque et d’une culture bien précise. Lorsque l’on admire les paysages sauvages, on contemple plutôt une réflexion de nos désirs et de nos aspirations inavouées les plus profondes. Ainsi, il est fallacieux de penser que ce type d’environnement puisse constituer une solution en terme d’aménagement et d’habiter. Tel qu’expliqué précédemment, cette vision de la nature est récente dans l’histoire de l’humanité. Auparavant, les espaces dominés par la nature étaient perçus négativement. C’est à la fin du XIXe siècle que les perceptions des espaces sauvages ont changé du tout au tout (Cronon, 1995). En Amérique du Nord, des sites naturels ont dès lors été réinterprétés pour leur caractère naturel grandiose. Les chutes Niagara furent le premier site à être réhabilité de la sorte. Suivirent de près les Adirondacks, Yosemite, le premier parc naturel (1864), puis Yellowstone (1872), le premier parc national états-unien. Plusieurs autres espaces reçurent des statuts similaires dans les décennies qui suivirent. C’est aussi à ce moment qu’apparaissent les premiers mouvements de contestation pour défendre les espaces sauvages (Cronon, 1995).

Cet engouement nouveau visant à préserver les espaces sauvages s’explique par deux principaux concepts : le sublime et la frontière (Cronon, 1995). Le premier concept, le sublime, est le plus ancien des deux. Il s’agit d’une réinterprétation nord-américaine du romantisme, cet engouement social et artistique venant de l’Europe. Le second concept, celui de la frontière, est propre au contexte nord-américain. Pour devenir aussi chère aux yeux des contemporains, la wilderness devait être idéalisée et présentée comme sacrée (Cronon, 1995). Le mythe de la frontière a joué ce rôle de sacralisation. L’Amérique du Nord a été colonisée puis conquise par les nouveaux arrivants en défrichant et en construisant de toutes pièces de nouvelles villes, bref, en repoussant constamment les frontières. Cette constante exploration et cette manière d’aménager un nouveau continent sont entrées dans l’imaginaire collectif comme un caractère central de l’identité nord-américaine : celle du conquérant, du coureur des bois, le woodsman explorateur habile de ses mains. Lorsque les derniers espaces vierges furent presque conquis, beaucoup ont eu peur de voir disparaitre un élément constituant de l’identité nord-américaine, c’est-à-dire les espaces de la wilderness. Leur disparition aurait signifié la perte d’un élément identitaire

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central. Dès lors, il est apparu nécessaire d’adopter des mesures afin de préserver ces endroits.

Il faut bien voir que dans de nombreux cas, la création d’espaces protégés ne s’est pas faite sans heurts. La mise sur pied d’espaces sauvages protégés s’est souvent faite en expropriant les humains qui habitaient ces lieux. C’est le cas notamment des Indiens Blackfeet qui ont été évincés de leur lieu de vie pour la création du Glacier National Park. Ce groupe a ainsi perdu son droit d’habiter le territoire nouvellement considéré wild. De plus, ce groupe a perdu tout droit relatif à l’exploitation traditionnelle qu’il en tirait. Par exemple, la chasse sur ce territoire est désormais interdite et fortement réprimée (Cronon, 1995).

Au Québec, des situations similaires se sont produites. C’est le cas des îles Mingan où le gouvernement fédéral a exproprié les insulaires dans le but d’aménager un parc national (Salmon et Baillargeon, 2009). Ce geste a pour but de préserver la faune et la flore, au détriment des insulaires qui y habitaient. On aménage des sentiers, des escaliers et des belvédères pour diriger les touristes et transformer les îles en exploitation touristique. Il en a été de même pour la mise sur pied du parc Forillon, en Gaspésie, où plus de 200 personnes ont été expropriées (Salmon et Baillargeon, 2009). Ces espaces que l’on présente comme des vitrines de la wilderness sont en fait des espaces anciennement habités. Cette manière de conquérir des espaces habités, pour les transformer en parcs nationaux, illustre que la wilderness est un construit social.

Outre les répercussions sur des groupes d’individus, la vision dualistique véhiculée par le mythe de la wilderness pose un paradoxe majeur. Selon cette perspective, l’être humain est complètement externe à la nature, sa simple présence entraine la destruction de la

wilderness. Là où il y a présence humaine, le sauvage n’est pas. Les gens qui chérissent ces

espaces sont pour la plupart des urbains plutôt déconnectés de la nature. Ils ignorent la provenance des aliments qu’ils cuisinent, tout comme celle du bois ayant servi à bâtir leur maison. Cette vision ne peut être véhiculée que par un groupe n’ayant pas à vivre de la terre. Puisqu’il n’y a pas de place pour l’être humain dans ces paysages sauvages, cette idéologie est porteuse de sa propre destruction. L’être humain ne peut s’établir et aménager

Figure

Tableau 1.1 : Revenus, dépenses et marges bénéficiaires des stations de ski canadiennes  pour les années 2009 à 2011 (en million de dollars)
Illustration 2.1 : Jan Van Eyck, La Vierge du Chancelier Rolin, (1434-1435)
Illustration 2.4 : Albrecht Dürer, La visitation, (1503)
Illustration 2.5 : Léonard de Vinci, La Vierge aux rochers, (1483-1508)
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