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Indépendance judiciaire en Haïti : les règles juridiques comme facteur explicatif du malfonctionnement judiciaire

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Indépendance judiciaire en Haïti: les règles

juridiques comme facteur explicatif du

malfonctionnement judiciaire

Mémoire

Errilus Marc

Maîtrise en droit

Maître en droit (LL.M)

Québec, Canada

© Errilus Marc, 2016

(2)

Indépendance judiciaire en Haïti: les règles

juridiques comme facteur explicatif du

malfonctionnement judiciaire

Mémoire

Errilus Marc

Sous la direction de:

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Résumé

Ce mémoire s’est réclamé d’une étude des règles juridiques sous-tendant la fonction des juges haïtiens. Ce sujet de recherche se rapporte au problème de l’indépendance judiciaire constaté sur le terrain. Quant à l’hypothèse, elle consiste en cette idée que les lacunes des règles juridiques qui garantissent l’indépendance judiciaire en Haïti pourraient être un facteur explicatif du malfonctionnement judiciaire. On a conclu que les règles juridiques portant la fonction judicaire ne garantissent pas l’indépendance judiciaire parce que les conditions liées à l’indépendance individuelle et institutionnelle prévue dans le droit international ne sont pas garanties. En termes d’inamovibilité, les juges sont soumis à l’influence du gouvernement pouvant les révoquer arbitrairement. S’agissant de la sécurité financière, le budget du pouvoir judiciaire est contrôlé par le gouvernement loin de tout plan de carrière pour les juges au point que la fonction judiciaire est précaire. L’organe administratif du pouvoir judiciaire, s’agissant de l’indépendance administrative, est supplanté par le Ministère de la Justice contrôlant les affaires judiciaires. En ce sens, il nécessite de repenser les règles juridiques en profondeur pour dynamiser véritablement le système judiciaire haïtien.

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Table des matières

RÉSUMÉ……….III TABLE DES MATIERES………..IV DÉDICACE………...VII ÉPIGRAPHE………...VIII REMERCIEMENTS………..IX INTRODUCTION ... 1 LA MISE EN CONTEXTE ... 1 LA PROBLÉMATIQUE ... 1 LA PERTINENCE DU SUJET ... 7

LA QUESTION SPÉCIFIQUE ET L’HYPOTHÈSE DE RECHERCHE ... 8

LA MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ... 9

CHAPITRE 1: LE CADRE INTERNATIONAL DE L’INDÉPENDANCE JUDICIAIRE: LES BALISES SUSCEPTIBLES DE RENDRE LA LÉGALITÉ (RULE OF LAW) ET LA SÉPARATION DES POUVOIRS EFFECTIVES DANS LES DIFFÉRENTES INSTITUTIONS JUDICIAIRES INTERNATIONALES ... 12

1.1 LES BALISES INTERNATIONALES DE L’INDÉPENDANCE JUDICIAIRE PORTANT LE RESPECT DE LA LÉGALITÉ ET DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS ... 13

1.1.1 Les balises internationales portant le respect de la légalité : les garanties relatives à la conformité des décisions judiciaires aux normes supérieures ... 14

1.1.2 Les balises internationales de l’indépendance judiciaire portant le respect de la séparation des pouvoirs: les garanties relatives à l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges et tribunaux ... 21

1.1.2.1 Les principes convergeant dans le sens de l’indépendance institutionnelle: les modalités de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance administrative ... 21

1.1.2.2 Les principes convergeant dans le sens de l’indépendance individuelle: des modalités complémentaires visant au renforcement de l’indépendance autonome ... 32

1.2LES RÉGIMES JURIDIQUES FRANÇAIS ET CANADIEN: LES SYSTÈMES JUDICIAIRES ET LES EXIGENCES D’INDÉPENDANCE DES JUGES ET TRIBUNAUX ... 36

1.2.1 Les systèmes judiciaires français et canadien: l’organisation, la compétence et le fonctionnement des cours et tribunaux ... 37

1.2.1.1 Le système judiciaire français: l’organisation, la compétence et le fonctionnement des cours et tribunaux ... 37

1.2.1.2 Le système judiciaire canadien: l’organisation, la compétence et le fonctionnement des cours et tribunaux ... 44

1.2.1.3 Le système judiciaire haïtien: l’organisation, la compétence et le fonctionnement des cours et tribunaux ... 51

(5)

1.2.2 L’indépendance judiciaire dans les droits français et canadien: les garanties constitutionnelles et statutaires relatives à l’indépendance institutionnelle et individuelle ... 58 1.2.2.1 L’indépendance judiciaire dans le droit français : les garanties constitutionnelles et statutaires de l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges et tribunaux ... 58 1.2.2.1.1 Les balises constitutionnelles liées à l’indépendance institutionnelle et individuelle: les modalités de l’inamovibilité et de l’indépendance administrative ... 59 1.2.2.1.2 Les principes statutaires liés à l’indépendance institutionnelle et individuelle: les modalités de l’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance administrative ... 61 1.2.2.1.3 Les conditions essentielles de l’indépendance judiciaire reconnues par le juge constitutionnel français: les exigences d’indépendance de l’inamovibilité, de la primauté du droit et de la séparation des pouvoirs... 64 1.2.2.1.4 Les garanties constitutionnelles et statutaires liées à l’indépendance du juge constitutionnel: des modalités souples de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance administrative ... 66 1.2.2.2 L’indépendance judiciaire dans le droit canadien: les garanties constitutionnelles et statutaires de l’indépendance institutionnelle et individuelle ... 69 1.2.2.2.1 Les garanties constitutionnelles et statutaires de l’indépendance institutionnelle et individuelle dans le droit canadien : les modalités de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance administrative ... 70 1.2.2.2.2 Les critères essentiels de l’indépendance judiciaire préconisés par la Cour suprême canadienne : les principes de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance administrative ... 75 1.2.2.2.2.1 La perception de la Cour suprême de l’inamovibilité des juges et tribunaux ... 76 1.2.2.2.2.2 La perception de la Cour suprême de la sécurité financière des juges et tribunaux ... 77 1.2.2.2.2.3 La perception de la Cour suprême de l’indépendance administrative des juges et tribunaux ... 79

CHAPITRE 2 : LA PROBLÉMATIQUE DU DYSFONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS JUDICIAIRES HAÏTIENNES: LA RÉALITÉ SOCIOPOLITIQUE ET JURIDIQUE ET LA QUESTION DE L’INDÉPENDANCE JUDICIAIRE ... 83

2.1 LES CARACTÉRISTIQUES DU RÉGIME JURIDIQUE HAÏTIEN, DU MODE DE FONCTIONNEMENT DE SES INSTITUTIONS JUDICIAIRES ET LE CONTEXTE SOCIOPOLITIQUE ACTUEL ... 84 2.1.2 La configuration du régime juridique haïtien: un droit national opérant par le pluralisme juridique ... 85 2.1.3 Le mode de fonctionnement des institutions judiciaires haïtiennes: les lacunes susceptibles de nuire au processus décisionnel ... 86 2.1.4 Le contexte sociopolitique actuel: une crise politique défavorable à l’État de droit ... 90

(6)

2.2L’INDÉPENDANCE JUDICIAIRE EN HAÏTI: L’INSUFFISANCE DES SOURCES JURIDIQUES ET

LE CADRE DE LA DYNAMISATION VÉRITABLE DU POUVOIR JUDICIAIRE ... 94

2.2.1 Les régles juridiques liées à la fonction judiciaire en Haïti: les limites des garanties constitutionnelles et statutaires de l’indépendance institutionnelle et individuelle……… ………94

2.2.1.1 Les limites des garanties constitutionnelles et statutaires liées à l’inamovibilité des juges et tribunaux haïtiens ... 95

2.2.1.2 Les limites des garanties statutaires relatives à la sécurité financière des juges et tribunaux haïtiens ... 102

2.2.1.3 Les limites des garanties statutaires relatives à l’indépendance institutionnelle des juges et tribunaux haïtiens ... 108

2.2.2 Vers un pouvoir judiciaire dynamique en Haïti ... 121

CONCLUSION ... 129

(7)

Dédicace

En l’honneur de ma Protectrice, Marie Conceptia Charles, pour son investissement dans ma vie d’études…

(8)

Épigraphe

« Je ne sais si j’ai besoin de dire que chez un peuple libre […] tous les citoyens ont le droit d’accuser les fonctionnaires publics devant les juges ordinaires, et

que tous les juges ont le droit de condamner les fonctionnaires publics […]. »1

Alexis de Tocqueville, Philosophe.

1Alexis de TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique I, 1835, première partie du tomeI, p.93, par le Sociologue Jean

TREMBLAY, 2008, en ligne à : «http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexis/democratie_1/democratie_tome1.html»(Site consulté le 29 septembre 2013).

(9)

xi

Remerciements

Je remercie d’abord la Faculté de Droit de l’Université Laval et celle de l’Université d’État d’Haïti, tous ceux qui les composent et les gouvernements haïtien et canadien, pour m’avoir permis de faire ces études.

Je suis particulièrement reconnaissant à mon Directeur de recherche, le Professeur Louis-Philippe Lampron, pour le professionnalisme dont il a fait preuve au cours de la rédaction de ce mémoire. En ce qu’il n’a pas fait marchander sa disponibilité, ses suggestions et ses commentaires. Merci d’avoir été très patient cher Directeur de recherche.

Merci à Gélin I.Collot, l’ex-Doyen de la Faculté de Droit de Port-au-Prince, qui m’a accompagné au cours des démarches liées à l’obtention de la Bourse d’études. Comptant sur mon dynamisme, vous avez tout donné cher Professeur.

Je remercie le Directeur de l’École Nationale de la Magistrature, Michel Kesner Thermezi, qui a mis la bibliothèque de ladite École à ma disposition dans le but de réaliser d’importantes recherches liées à la rédaction de ce mémoire.

Je m’en voudrais de ne pas remercier Jean-Guerby Dorimain dont la contribution est énorme. Merci, mon cher, de m’avoir donné de ton temps.

Merci à mes amis (es) adventistes du « Groupe de Croissance», notamment Guinko Ferdinand, Hichem Kadachi, Johnson Prédin, Léon Germain et Victor Choute qui m’ont tant soutenu. Dieu en tiendra compte mes chers amis!

Merci enfin à ma famille, notamment ma fille, Béa-Naissama Marc et Nadia Moreau Marc, pour les sacrifices consentis dans le cadre de la réalisation de mon projet d’études.

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INTRODUCTION La mise en contexte

Selon le juge Jean-Etienne-Marie Portalis, il relève de la responsabilité du souverain qui incarne l’État de garantir, sur son territoire, une administration saine et équitable de la

justice aux fins de la sécurité juridique de la personne2. Cette perception qu’a le juge de la

justice est inextricablement liée au principe de l’indépendance judiciaire. L’indépendance judiciaire est une condition sine qua non pour un véritable État de droit parce qu’elle est, dans toute société libre et démocratique, une garantie pour que les droits et libertés des

citoyens puissent être respectés3. En ce sens, comme le démontre le professeur Guy

Carcassonne, il est du devoir de l’État de définir explicitement les garanties statutaires, garanties juridiques et matérielles relatives à la fonction judiciaire pour sauvegarder le principe de l’indépendance judiciaire. Et il importe que ces garanties découlent de la

Constitution et des balises internationales4. De même, les tribunaux implantés par l’État,

pour reprendre le professeur Jacques Chevallier, doivent être dignes de confiance, accessibles aux citoyens. Enfin, ils doivent pouvoir juger équitablement de la conformité des actes gouvernementaux avec les lois applicables en toute indépendance des pouvoirs publics. Et ce, partant des moyens de pressions jusqu’aux garanties juridiques en passant

par l’habeas corpus5.

La problématique

L’indépendance judiciaire occupe une place fondamentale dans le droit moderne6 si bien

que l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme porte que la personne

2Jean-Étienne- Marie-PORTALIS, Discours préliminaire du premier projet de Code civil (1746-1807), 1801,par Claude Otcharenko, Bordeaux, Courriel : :c.ovt@wanadoo.f, Éditions Confluentes, 2004, 78pp., collection :Voix de la Cité,p.84,enligne

à :http://classiques.uqac.ca/collection_documents/portalis/discours_1er_code_civil/discours_1er_code_civil.pdf(Site consulté le 29 novembre 2013).

3CONSEIL DE L’EUROPE, Recommandation CM/Rec (2010) 12 du Comité des Ministres aux États membres sur les juges :

indépendance, efficacité et responsabilité ( adopté par le Comité des Ministres le 17 novembre 2010, lors 1098e réunion des Délégués des Ministres), art.5, en ligne à : https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=&Site=CM (Site consulté le 09 octobre 2013).

4ASSOCIATION DES HAUTES JURIDICTIONS DE CASSATION AYANT EN PARTAGE L’USAGE DU FRANÇAIS (AHJUCAF, ci-après Titre choisi), L’indépendance de la justice.Rapport introductif, Actes du deuxième congrès, Dakar, 2007, p.33, en ligne à: ««http://www.ahjucaf.org/IMG/pdf/Independancejustice.pdf » (Site consulté le 15 novembre 2012).

5Jacques CHEVALIER, Problèmes politiques et sociaux, L’État de droit, France, Paris, 2004, p.76.

6Beverley .MACLACHLIN, Les rôles des juges dans la société moderne, The Fourth Worldwide Common Law Conference Vancouver, Colombie-Britannique, 5 mai 2001.

(11)

humaine a droit à un tribunal indépendant et impartial7. Et que différents États travaillent, conformément aux principes internationaux, à en assurer le respect dans leur régime

juridique8. En Haïti, la Constitution consacre le principe de l’indépendance judiciaire à

l’article 60 qui prévoit que :« Chaque pouvoir est indépendant des deux autres dans ses attributions qu’il exerce séparément»9. Selon la constitutionnaliste Mirlande Manigat, cela signifie que le pouvoir de juger relève exclusivement de la compétence du pouvoir judiciaire. Pour formuler autrement, le processus décisionnel des juges ne peut être

soumis à l’ingérence des pouvoirs publics10.

Pourtant, les études faites sur le terrain convergent généralement vers une même idée, soit que l’indépendance judiciaire n’est pas adéquatement protégée en Haïti. En effet, Michel Forst, l’expert indépendant des Nations Unies, a constaté que, lors de sa visite dans le pays en 2012, l’indépendance judiciaire est loin d’être assurée. D’où sa déclaration:« Je ne peux que redire ma profonde déception […], comme si l’indépendance de la magistrature ne représentait pas l’un des enjeux pour la mise en œuvre de l’État de droit.»11 L’opinion du juge Anel Alexis Joseph, Président de la Cour de cassation haïtienne, n’est pas divergente. En effet, un article publié dans l’Alter Presse, un journal très réputé en Haïti, a rapporté que, au cours de son installation, à titre de Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, il a déclaré que :« [...] une réforme judiciaire est mise en œuvre en Haïti, mais les résultats demeurent bien maigres. […]ce système de justice n’arrive pas à gagner la confiance du public »12. Cette déclaration du juge nous a conduit, dans le cadre de cette

recherche, à travailler sur le concept d’indépendance judiciaire.

L’indépendance judiciaire, telle qu’elle est présentée dans le droit international, n’est pas explicitement définie. Toutefois, les instruments portant ledit principe sur le plan universel convergent vers un même sens, c’est-à-dire l’indépendance judiciaire consiste

7 Déclaration universelle des droits de l’homme, art.10, en ligne à : «http://www.un.org/fr/documents/udhr/». 8B, MACLACHLIN, préc., Note 6.

9 Constitution de la République d’Haïti du 29 mars 1987, art.160,en ligne à :

«http://pdba.georgetown.edu/Constitutions/Haiti/constitution_francais.pdf.(Site consulté le 11novembre2012) 10Mirlande MANIGAT, Manuel de droit constitutionnel, Uniq, Port-au-Prince, Haïti, ch-3.

11 Michel FORST, expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti, Point de presse de l’expert indépendant des

NationsUnies sur la situation des droits de l’homme en Haïti, MISSION DES Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTHA),

décembre 2012, publié dans la catégorie : Points de presse. Quoi de neuf? En ligne à : «http://minustah.org/?p=38988 » (Site consulté le 17 janvier 2012).

12Alter Presse, « Haiti-Justice : un pas historique franchi avec l’installation du CSPJ, applaudissent Joseph et Martelly », Alter Presse,

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en la garantie du processus décisionnel des juges contre les ingérences des pouvoirs publics. En effet, le juge, au regard de la Déclaration Universelle sur l’indépendance de la magistrature13, rapport ayant vocation de proposer une norme juridique (ci-après : la

Déclaration) et des Trente deux articles de Syracuse14 (ci-après : Trente-deux articles) doit jouir de deux types d’indépendance, soit l’indépendance personnelle et

l’indépendance substantielle15. La première signifie que les termes et conditions de la

fonction judiciaire garantissent que le processus décisionnel n’est pas soumis au contrôle

du gouvernement16. La seconde signifie que le juge est libre d’exercer son processus

décisionnel en fonction de la loi et selon la dictée de sa conscience17.

Cette définition de l’indépendance judiciaire tient dans la doctrine juridique internationale que, selon le juriste Shimon Shetreet, elle tend à garantir, sur le plan universel, l’effectivité de la fonction judiciaire en prévenant l’arbitraire dont la personne humaine a

été victime dans le passé18.

Force est de noter que s’impose dans le monde juridique international la conception selon laquelle l’indépendance judiciaire vise à assurer que la fonction judiciaire ne servira pas de simple paravent pour légitimer des décisions arbitraires des pouvoirs publics ou que des puissances publiques ne respectent pas le « Rule of Law ». Delà les règles juridiques, posées pour protéger ledit principe, n’importent que si elles sont susceptibles de prévenir suffisamment l’arbitraire. En effet, cette conception de l’indépendance judiciaire, telle qu’elle se présente, sous-tend l’opérationnalisation de trois (3) principes sacramentels

13La Déclaration universelle sur l’indépendance de la magistrature, adoptée à la Conférence mondiale sur l’indépendance de la justice,

Montréal en juin 1983, (UNDOC.E/CN.4 /Subs.2/1985/18/Add.6.,Annexe 6), dans Shimon SHETREET,. and Deschênes, J., Judiciail

Indendence, Martinus Nijhoff Publishers, Dordrecht/Boston/Lancaster, 1985, p. 462, en ligne à : « books.google.ca/books?isbn=9024731828« . (Site consulté le 06 décembre 2013).

14 Syracuse Draft on the Principles of the Judiciary Independence, Un Sub-Commission on the Protection of Minorities in the Prevention of Discrimination, ( UNDoc.E/CN.4/Sub2/481/Add/), voir p.1, en ligne à: (http://cristidanilet.ro/docs/Siracusa%20Principles.pdf). (Site

consulté le 06 décembre 2013. 15 Id. p.1.

16Trente-deux articles, préc., Note 14. 17Déclaration, préc., Note 13.

18S.SHETREET, Judges and trial. A study of the appointment and accountability of the English judiciairy, GodonJ. Borrie,

(13)

considérés comme des garanties suffisantes contre l’arbitraire. Il s’agit de la légalité, de la

primauté du droit et la séparation des pouvoirs19.

Concernant le principe de la légalité, le Doyen Georges Vedel en a dégagé une

conception, à la fin du 20e siècle, non moins imposante20. Selon lui, ce principe est lié à la

hiérarchie des normes postulant l’application de la loi lato sensu, c’est-à-dire les actes des décideurs ne valent que s’ils cadrent avec les règles supérieures, soit les règles découlées

de la Constitution et des balises internationales21. Une telle approche est étroitement liée à

la fameuse vision du juriste Hans Kelsen du droit selon laquelle toute norme juridique reçoit sa validité de sa conformité à une norme supérieure, formant un ordre hiérarchisé

contrôlé par un juge indépendant22.

Ensuite, selon le professeur Albert V. Dicey, la primauté du droit postule la soumission de tout individu à la loi tel que les détenteurs du pouvoir politique sont, eux-mêmes, passibles des tribunaux et ne peuvent recourir à des prérogatives discrétionnaires pour y

échapper23. D’où l’une de ses idées non moins percutantes:

« [...]le règne de la loi » exclut de toute exemption des fonctionnaires […]de l’obligation d’obéissance à la loi qui régit les autres citoyens ou de la juridiction des tribunaux ordinaires. »24

La séparation des pouvoirs se veut contraignante s’agissant de confier « l’exercice du pouvoir non à un organe unique, mais à plusieurs organes, chargés chacun d’une fonction différente […]»25. Il s’agit en effet d’un principe prôné par John Locke au

17esiècle; et que Montesquieu a approfondi au 18e siècle26. En d’autres termes, Locke,

19Shérif BASSIOUNI (dir), La démocratie : Principes et réalisation, Publications élaborées par l’Union Interparlementaire, B.P.438, 1211, Genève, 1998, voir p.2-15, en ligne à : «www.ipu.org/PDF/publications/DEMOCRACY_PR_f.pdf».(Site consulté le 20 décembre 2014).

20Georges VEDEL, Manuel, p.118, cité dans Louis FAVOREU, Légalité et constitutionnalité, cahiers du Conseil constitutionnel No3-novembre 1997, en ligne à : «http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-3/legalite-et-constitutionnalite.52858.html » (Site consulté le 26 décembre 2014).

21 Id.

22 Hans KELSEN, Théorie pure du droit, Coll : la pensée juridique, L.G.D.J, en ligne à : «http://fr.wikipedia.org/wiki/Hans_Kelsen» (Site consulté le 06 mars 2015).

23 Albert Venn DICEY, Introduction à l’étude du droit constitutionnel, traduction française de André BATUT et Gaston JÉZE, Paris :V.Giard &E. Brière, 1902.-Ed. française/ complétée par l’auteur, en ligne à : http://www.numalire.com/devisables/735673-

introduction-etude-droit-constitutionnel-dicey-albert-venn-ribot-alexandre-batut-andre-jeze-gaston-71290c4b90748221e4ed13bb042f598f.html(Site consulté le 03 novembre 2013). 24 Id., p.209-210.

25 Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 13e édition, Dalloz, Paris, 2001,p.507.

26 CONSEIL DE LA MAGISTRATURE DU QUÉBEC, L’indépendance judiciaire :contrainte ou gage de liberté, Bibliothèque Nationale du Québec, 2003,. p.19.

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dans le « Traité du Gouvernement Civil »27, montre la nécessité d’organiser le pouvoir

politique pour limiter l’arbitraire. Il trouve, dans ce sens, trois grandes fonctions dans le pouvoir politique, soit la législative, l’exécutive et la fédérative.

La fonction législative, selon Locke, consiste à adopter des lois dont l’exécutif est chargé

d’assurer l’application28 et la fonction fédérative consiste en l’établissement de la sécurité

publique. Il s’agit surtout, à comprendre l’auteur, d’éviter la concentration du pouvoir susceptible de générer l’arbitraire. En effet, il a déclaré:

« La tentation de porter atteinte sur le pouvoir serait trop grande si les mêmes personnes qui ont le pouvoir de faire les lois avaient aussi entre les mains le pouvoir de les faire exécuter, car elles pourraient se dispenser de les faire exécuter. »29

Quant à Montesquieu, il prône, dans l’Esprit des lois30, un équilibre entre les trois

pouvoirs: « Le pouvoir doit arrêter le pouvoir.»31, a-t-il soutenu. Ce qui sous-tend que la

Constitution, la norme fondamentale, doit définir explicitement le champ de compétence

des trois pouvoirs de l’État tel qu’ils ne peuvent abuser de leur fonction32. D’où l’une de

ses formules lapidaires:

« Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et exécutive. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire : car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutive, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur. »33

Notons en effet que la légalité, la primauté du droit et la séparation des pouvoirs, comme l’explique le juriste Thomas Amico, sont d’autant plus significatifs qu’ils tiennent des textes fondateurs de l’État de droit : soit la Magna Carta, la loi d’Habeas Corpus, le Bill of Rights et l’Act of Settlement34. La Magna Carta réfère d’abord au document dans lequel les barons anglais ont obligé Jean Sans Terre à négocier une charte des libertés, dite

27 John LOCKE, Traité du gouvernement (1690), Éditions de Londres, 1728, par David Mazel, 1795, en ligne à : «http://classiques.uqac.ca/.../locke_john/traite_du_gouvernement/tr...»(Site consulté le 28 janvier 2013).

28Id., p.98. 29 Id., p.97.

30Charles-Louis de SECONDATMONTESQUIEU, De l’esprit des lois, TomeI, présentation, 1758, par Laurent VERSINI,

Paris,Gallimard,1995,en ligne à :

«http://classiques.uqac.ca/classiques/montesquieu/de_esprit_des_lois/de_esprit_des_lois_presentation.html ». (Site consulté le 06 janvier 2013).

31Id., Tome II, p.46. 32 Id.

33 Id., p.47.

34Thomas AMICO « La Magna Carta », p.6, en ligne à : http://www.tomamico.com/wp-content/uploads/2006/08/magnacarta.pdf, (Site consulté le 27 juin 2013).

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Magna Carta ou Grande Charte qui énonce un ensemble de mesures pratiques. Celles-ci importent au point qu’elles sont essentiellement liées au droit de tout citoyen à un

jugement impartial et équitable35. D’où l’un de ses principes :«Aucun homme libre ne sera

arrêté ou emprisonné, […] ou déclaré hors la loi, […] sans un jugement loyal de ses pairs conformément à la loi. » 36 La Magna Carta a certes conscientisé les décideurs quant à la nécessité de lutter contre l’arbitraire, mais elle n’a pas eu immédiatement l’effet escompté

du fait que ses principes ont été trop implicites37. C’est d’autant vrai que le Parlement

allait adopter les trois autres textes susmentionnés qui vont désormais transformer la pratique judiciaire.

En effet, l’Habeas Corpus s’impose si ses garanties peuvent se résumer en:1) l’implantation des cours et tribunaux seuls compétents pour statuer sur tout acte d’accusation; 2) l’obligation de présenter tout prisonnier, dans un délai raisonnable, à son

juge38. En ce sens, ledit texte prévoit clairement: «Toute personne arrêtée […]a le droit

de passer par devant un juge dans les trois jours pour que celui-ci statue sur la légalité de son arrestation et décider éventuellement de sa remise en liberté.»39

Puis, le Bill of Rights est le texte par lequel le Parlement a limité considérablement la

monarchie en postulant la soumission du Roi à la loi40 . En effet, il préconise que« La loi

est au-dessus du roi »41. Ce qui signifie précisément qu’il ne peut abuser de ses prérogatives pour attenter à la dignité de la personne humaine.

35The British Library Board, Registre de la mémoire du monde, Magna Carta, promulguée en 1215, 96 Euston Road, Londres, NW12DB,

Réf. No2008-29, p.1, en ligne

à :«http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CI/CI/pdf/mow/nomination_forms/magna_carta_fr.pdf»(Site consulté le 26 janvier 2013).

36Id.

37Magna Carta., préc.,Note35.

38 Joseph Dale ROBERTSON, “ Habeas Corpus, the most extraordinary writ”, (2002) Center for the preservation of Habeas Copus, p.1, en ligne à:” http://www.habeascorpus.net/hcwrit.html»(Site consulté le27 janvier 2012).

39Id.

40 Déclaration des droits, English Bill of Rights1689, Royaume-Uni, (2002-2008), en ligne à :

«http://mjp.univ-perp.fr/constit/uk1689.htm» (Site consulté le 27 janvier 2013).

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Enfin, l’Act of settlement importe surtout du fait d’avoir prévu l’indépendance judiciaire tout en prévoyant le droit des juges à des salaires fixes et l’interdiction de procéder à leur

révocation sans motif42.

Soulignons que cet ensemble de principes importent au point qu’ils constituent, selon le juriste Thomas Amico, le véritable fondement de l’indépendance judiciaire. Autrement dit, à comprendre l’auteur, ils ont inspiré la communauté juridique internationale

s’agissant de la définition des véritables paramètres dudit principe43 susceptibles

d’orienter les décideurs pour poser les conditions liées à sa garantie sur le plan interne44.

S’agissant en effet de garantir le respect de l’indépendance judiciaire, l’État haïtien a défini les règles juridiques liées à la fonction judiciaire. En ce sens, l’inamovibilité se pose à l’article 177 de la Constitution comme la condition essentielle de la fonction

judiciaire45. Cependant, l’interprétation judiciaire de ces normes, pour reprendre l’expert

des Nations Unies Michel Forst, va à l’encontre des principes qui y sont postulés46. C’est

pourquoi, notre objectif dans le cadre de ce travail de recherche, consiste spécifiquement en l’étude, au regard des principes universels, des règles juridiques qui sous-tendent la fonction des juges en Haïti.

La pertinence du sujet

Il est légitime d’étudier les règles juridiques relatives à la fonction des juges haïtiens. Car le sujet intègre divers aspects du problème relatif au modèle de développement socio-juridique et politique intéressant toute la collectivité. Il tient premièrement des lacunes de ces règles. Il exprime ensuite les limites des différentes mesures prises par les décideurs pour réformer le système judiciaire. Il permet enfin de s’interroger plus largement sur les défis auxquels sont confrontés l’État et la communauté internationale quant à la construction véritable de l’État de droit en Haïti.

42The Acte of Settlement (1701) 12 &13 Will III, c.2, en ligne à: « http://web2.uvcs.uvic.ca/courses/lawdemo/DOCS/AS1701.htm « (Site consulté le 03 octobre 2013).

43T.AMICO, préc., Note34.

44HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS-UNIES AUX DROITS DE L’HOMME (HCNH, ci-après Titre choisi), Principes

fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature, approuvés par l’Assemblée générale dans sesrésolutions 40\32 du 29

novembre 1985 et 40/146 du 13 décembre 1985, en ligne à : « www2.ohchr.org/french/law/magistrature.htm ». 45Constitution.,préc., Note 9, art.177.

(17)

En fait, suite à la chute de Duvalier, le peuple haïtien a voté la Constitution de 1987

réaffirmant notamment l’indépendance du pouvoir judiciaire47, mais malgré toutes les

mesures prises par l’État, l’arbitraire est tel que l’impunité tend à devenir un phénomène

social dans le pays48.

En effet, il existe, à la lecture attentive de la littérature juridique haïtienne, de nombreuses recherches portant sur la problématique du dysfonctionnement du système judiciaire. Ces études de cas s’intéressent avant tout aux causes de cette problématique sans avoir approché, par rapport aux principes universels, les sources juridiques qui sous-tendent la

fonction judiciaire. Par exemple, le juriste Patrick Pierre-Louis49 pense que la

problématique du dysfonctionnement du système judiciaire est liée au contexte d’émergence de l’État. Il s’agit, selon lui, d’un pouvoir judiciaire établi par les pères fondateurs pour assurer la défense nationale qui soumet les juges à l’exécutif. L’approche de la Commission Préparatoire sur la Réforme du Droit et de la Justice (ci-après : Commission Préparatoire) n’est pas différente si bien qu’elle postule que l’organisation dudit pouvoir a été, dès la fondation de l’État, telle qu’elle allait reproduire les inégalités

sociales criantes du système esclavagiste50.

La question spécifique et l’hypothèse de recherche

Force est de préciser que nous voulons, dans le cadre de cette recherche, répondre à la question suivante : est-ce que les règles juridiques liées à la fonction des juges haïtiens sont susceptibles d’assurer, tel qu’elle est prévue dans le droit international, la garantie de l’indépendance judiciaire?

Et l’hypothèse de recherche consiste en cette idée que les lacunes des règles juridiques qui garantissent l’indépendance judiciaire pourraient être un facteur explicatif de la problématique du dysfonctionnement du système judiciaire haïtien en facilitant les

47Id., art.60.

48 MISSION CIVILE INTERNATIONALE EN HAITI (ci-après :MICIVH), La lutte contre l’impunité et pour la réparation en Haïti, un

rapport de la MICIVIH en Haïti, Port-au-Prince Haïti, 2000, p.125.

49Patrick PIERRE-LOUIS, « La réforme de la justice en Haïti: les affres d’un défi », p.4, en ligne à : « http://sistemasjudiciales.org/content/jud/archivos/notaarchivo/661.pdf ».(consulté le 18 janvier 2013).

50 COMMISSION PRÉPARATOIRE SUR LA RÉFORME DU DROIT ET DE LA JUSTICE, Document de politique générale (2e version), Ministère de la Justice et de la sécurité publique, p.32, en ligne à : «protectioncitoyenhaiti.org/index.php?option=com...id..»(Site consulté le 30 avril 2015).

(18)

ingérences des pouvoirs publics dans le processus décisionnel. Cette hypothèse est liée au fait qu’il est de principe que, sur le plan international, la garantie de l’indépendance judiciaire doit passer nécessairement par la définition, au niveau des lois et normes pertinentes, des conditions de la fonction judiciaire. En effet, l’attitude des décideurs haïtiens et celle de la communauté internationale, au cours de la réforme judiciaire initiée en 2007, a fortement illustré cette idée. Soit que le législateur a voté trois lois relatives au pouvoir judiciaire dont la première porte le statut de la magistrature et les deux autres sont respectivement liées à la création de l’organe administratif et à l’organisation de l’École

de la Magistrature51. Encore plus, ces lois, à comprendre l’expert des Nations Unies Forst,

sont encore plus importantes qu’elles sont susceptibles de garantir l’indépendance

judiciaire pour aboutir à la construction véritable d’un État de droit dans le pays52.

La méthodologie de recherche

Notre travail s’articule entre l’analyse exégétique traditionnelle53 et la proposition de

réforme du droit. Dans ce sens, nous analysons, d’une part, les données collectées et agencées au cours de la recherche sur le terrain pour vérifier l’hypothèse. Il s’agit précisément des règles de droit et des informations juridiques relatives à l’indépendance judiciaire. D’autre part, nous essaierons de proposer des pistes de solution au problème juridique constaté sur le terrain. Ce qui servira à orienter les décideurs dans le cadre des jalons à poser pour dynamiser le système judiciaire.

L’indépendance judiciaire, selon le juriste Daniel C. Préfontaine, est en fait assurée par

plusieurs principes de portée universelle54. L’Assemblée générale de l’ONU, pour

reprendre le juriste Shimon Shetreet, a entériné ces principes par l’adoption des Principes

51Loi du 13 novembre 2007 organisant le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (ci-après :Loi du 13novembre), Loi du 27 novembre

2007 sur le statut de la Magistrature(ci-après :Loi du 27 novembre, ci-après), Loi du 15 novembre 2007 organisant l’École de la Magistrature, Port-au-Prince, Haïti, Moniteur No 112 du 20 décembre 2007.

52M., FORST, préc., Note 11.

53L’analyse exégétique est une : « recherche visant à recueillir et agencer des données juridiques, à interpréter le droit positif, et à faire

l’analyse ou l’exégèse des sources juridiques fiables », voir Pierre TRUDEL, La recherche sur les rationalités de la règle de droit et les techniques de règlementation-Éléments d’un modèle, Centre de recherche en droit public, Faculté de droit, Université Laval, Québec,

p.7, en ligne à : www.chairelrwilson.ca/cours/drt6929a/Rationalites-techregl (Site consulté le 14 mai 2013); La proposition de réforme du droit est une : « recherche visant à apporter des modifications au droit, soit pour corriger certaines anomalies, rehausser son

efficacité ou assurer un changement d’orientation », P.TRUDEL, Id.

54Daniel C. PRÉFONTAINE et Q.C Joane LEE, The rule of law in the judicial independence, Paper prepared for World Conference on

the Universal Declaration of Human Rightls , Montréal, December 7,8et1998, The International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy, 1822, East Mall,Vancouver, B.C Canada ,tel:(604)822-9875Fax:(604)822-9317P.4.

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fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature en 198555(ci-après :

Principes). Aussi, à comprendre encore Préfontaine, les Principes importe amplement en ce qu’il a mis beaucoup plus d’importance sur les conditions liées à la fonction

judiciaire56. Dans ce cadre, notre recherche est liée aux énoncés de deux types de textes,

soit 1)le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques57(ci-après: Pacte), dont

les principes sont entérinés respectivement58 par les articles 659.et 860des Conventions

européennes (ci-après: Convention européenne)et américaine des droits de l’homme(ci-après: Conventions américaine); 2) la Déclaration61, les Trente-deux articles62, les

Quarante normes de l’International Bar Association Code of Minimum Standards of Judiciairy Independence63(ci-après: Quarante normes et les Principes64.

Comme le perçoit aussi Saâd Moummi, Président de la chambre à la Cour suprême du Maroc, les divers systèmes judiciaires, tels qu’ils se présentent sur le plan international, se distinguent quant à leurs cultures et leurs traditions juridiques. En ce sens, il se révèle vraiment difficile de transposer l’expérience faite par un régime juridique déterminé dans un autre. Toutefois, il est un fait que, pour reprendre le juriste, s’agissant de trouver des solutions liées aux garanties de l’indépendance judiciaire, les divers régimes juridiques nationaux dialoguent au point que chaque régime juridique est attentif aux réussites de son

voisin65. De ce point de vue, nous utiliserons deux illustrations nationales des principes

internationaux (les régimes juridiques français et canadien) visant à assurer la garantie de l’indépendance judiciaire pour répondre à la question de recherche.

55S.SHETREET and J.DESHÊNES, Judicial independence: The contempory Debate, Martinus Nihjoff Publishers, 1985, P.O. Box 163, 3300 AD Dordrecht, The Netherlands, p.8, en ligne à: “« books.google.ca/books?isbn=9024731828 « . (Site consulté le 06 décembre 2013).

56D.C. PRÉFONTAINE., préc., Note 54.

57Pacte International relatif aux droits civils et politiques, adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution 2200 A XXI du 16 décembre 1996, entrée en vigueur le 23 mars 1976, conformément aux dispositions de l’article 49, en ligne à : «http://www2.ohchr.org/french/law/ccpr.htm»(Site consulté le 28 janvier 2013).

58 P.LEUPRECHT, « Conférence d’ouverture », dans CMQ, préc., Note 26,p.20.

59CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME, Conseil de l’Europe,F-65075, Strasbourg, Cédex, art.5.4, en ligne à : ««www.echr.coe.int » (Site consulté le 28 janvier 2013).

60Convention américaine relative aux droits de l’homme, Commission interaméricaine des droits de l’homme, Secrétariat Général de l’O.E.A, série sur les traités, no36, 22 novembre 1969,enregistrée à l’O.N.U 27 août 1979, no.17955,art.8, en ligne :

«www.cidh.oas.org/Basicos/French/d.convention.rat.htm »(Site consulté le 23 octobre 2012).

61Déclaration.,préc.,Note13.

62Trente-deux articles,préc., Note 14, p.1.

63INTERNATIONAL BAR ASSOCIATION, Code of Minimum Standards Judicial Independence, International Bar Association, par.44, en ligne à:www.ibanet.org/Document/Default/.aspx?...52b1(Site consulté le 14 octobre 2011).

64H.C.N.H., préc., Note 44.

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Notons que l’utilisation des régimes juridiques français et canadien s’impose en ce que ces deux droits ont pris certaines mesures non moins pertinentes liées au respect de l’indépendance judiciaire sur le plan interne. En effet, concernant le régime juridique français, le Parlement a reconnu que, dans son avis sur l’indépendance judiciaire en juillet 2013, les dispositions constitutionnelles cohabitent avec plusieurs instruments

internationaux adoptés par l’ONU, notamment le Pacte66.

De même, selon le juge Dickson67 et l’auteur Peter Leuprecht68, le droit canadien travaille

au respect de l’indépendance judiciaire si bien que les juges et tribunaux s’inspirent des énoncés des documents comme les Principes, le Pacte, les Conventions européennes et américaines, la Déclaration, les Trente-deux articles et les Quarante normes.

Le travail comprend deux grands chapitres divisés chacun en deux sections. Le premier chapitre est consacré au cadre international du principe de l’indépendance judiciaire et aux incarnations de ces principes au sein de deux régimes juridiques nationaux, soit les régimes juridiques français et canadien. Pour dire autrement, nous présentons, d’une part, les balises susceptibles de rendre la légalité (Rule of Law) et la séparation des pouvoirs effectives dans les différentes institutions judiciaires internationales. Et, d’autre part, les mesures posées dans les régimes juridiques français et canadien pour mettre en œuvre ces principes. Deuxièmement, nous abordons, dans le dernier chapitre, la problématique du dysfonctionnement des institutions judiciaires haïtiennes. Ce faisant, nous décrivons, premièrement, les caractéristiques du régime juridique haïtien, son mode de fonctionnement et le contexte sociopolitique actuel. Deuxièmement, nous ferons une critique des règles juridique relatives à la fonction des juges avant d’essayer de proposer, le cas échéant, des pistes de solution susceptibles de dynamiser le système judiciaire.

66 FRANCE, ASSEMBLÉE GÉNÉRALE PLÉNIÈRE, Avis sur l’indépendance de la justice, « introduction », JORF n°017627, juillet

2013, page NOR:CDHX1320084V, en ligne à :

« http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027778844&dateTexte=&categorieLien=id»(Site consulté le 29 octobre 2013).

67 Beauregard c.Canada [1986]2RC.S.no56, par.33. 68Peter LEUPRECHT, préc., Note 58, p.20.

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CHAPITRE 1

Le cadre international de l’indépendance judiciaire : les balises susceptibles de rendre la légalité (Rule of Law) et la séparation des pouvoirs effectives dans les différentes institutions judiciaires internationales

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La problématique du principe de l’indépendance judiciaire a été, à la fin du 20e siècle, si préoccupante que la communauté juridique internationale, dans le but de faciliter le respect dudit principe, a adopté plusieurs déclarations de principes de portée universelle dans diverses conférences internationales. Citons, entre autres, la Déclaration, les Trente-deux articles et les Quarante normes, trois documents que l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (l’ONU) a confirmés par l’adoption des Principes en

198569. Ces déclarations tiennent en ce qu’elles renferment vraisemblablement les

paramètres de l’indépendance judiciaire susceptibles de protéger le processus décisionnel des juges contre les ingérences des pouvoirs publics, et ce, par la garantie de l’effectivité des principes sacramentels de la légalité et de la séparation des pouvoirs. De même, plusieurs régimes juridiques (par exemple, ceux des États français et canadien) s’en inspirent dans le cadre de la définition des mesures liées à la garantie de la fonction judiciaire sur le plan interne. D’où le contexte dans lequel nous abordons le premier chapitre de notre travail de recherche, et il se divise précisément en deux grandes sections si nous nous évertuons à présenter, d’une part, les balises susceptibles de rendre les principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs effectifs dans les grandes institutions judiciaires internationales (1.1). Et, d’autre part, les mesures prises dans les régimes juridiques français et canadien pour assurer la mise en œuvre des balises internationales de l’indépendance judiciaire sur le plan interne (1.2).

1.1 Les balises internationales de l’indépendance judiciaire portant le respect de la légalité et de la séparation des pouvoirs

Selon le Philosophe Jûrgen Habermas, l’accès à la justice relève, dans un État de droit, des

intérêts premiers des citoyens70 en ce qu’il est du devoir de l’État d’assurer conformément

à la loi l’accès de tous les citoyens aux recours judiciaires. Encore plus, les décisions

judiciaires doivent faire autorité au point qu’elles s’imposent envers et contre tous71. Dans

ce sens, les institutions judiciaires doivent être établies en vertu de la loi et ils doivent être compétentes pour exercer librement le processus décisionnel et inspirent confiance aux

69 Martin Lawrence FRIEDLAND, Une place à parti: l’indépendance et la responsabilité, Ottawa, Conseil de la Magistrature, 1995. 70Jurgen HARBERMAS, Droit et démocratie, Paris, Gallimard, 1997, p.151 et 152.

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justiciables72. D’où les garanties de la légalité et de la séparation des pouvoirs formulées dans les instruments internationaux. Nous présenterons, dans cette section divisée en deux sous-sections, d’une part, des balises liées au respect de la légalité (1.1.1) et, d’autre part, des balises liées au respect de la séparation du pouvoir judiciaire des pouvoirs publics (1.1.2).

1.1.1 Les balises internationales portant le respect de la légalité: les garanties relatives à la conformité des décisions judiciaires aux normes supérieures

Comme le démontre aussi le philosophe Alexis de Tocqueville, les Agents de la puissance publique, dans une société libre et démocratique, doivent être soumis à la loi en fonction de laquelle les juges et tribunaux tranchent les litiges et ne doivent pas pouvoir recourir à

des prérogatives discrétionnaires pour échapper à la justice73. En ce sens, les garanties de

la conformité des décisions judiciaires aux normes supérieures (soit les principes constitutionnels), pour reprendre le Professeur David Beetham, doivent être posées. Elles doivent cadrer avec les balises internationales au point qu’elles sont susceptibles de permettre aux juges et tribunaux d’exercer le processus décisionnel sans être soumis aux

influences des pouvoirs publics74. Ce qui signifie explicitement qu’elles doivent assurer

que l’interprétation de la règle de droit interne tient des garanties juridiques prévues dans les instruments tels que le Pacte et les Conventions américaine et européenne précitées. Précisons que plusieurs Cours ont interprété ces garanties pendant qu’ils posent un ensemble de principes susceptibles de faciliter leur application dans les différents régimes juridiques internes. Qui plus est, nombreux sont les commentaires doctrinaux y afférents.

72 Id.,p.6.

73 A. de TOCQUEVILLE, préc., Note1.Notons que Saâd Moummi ajoute aussi que « l’indépendance du judiciaire […]se situe au fondement de l’État de droit et garantit non seulement une justice égale pour tous, mais la suprématie du droit sur le pouvoir », préc., Note 64, p.130.

74 C.BASSIOUNI (dir.), préc., Note19, p.27. Concernant le contrôle de la légalité, Nicole Duplé pense que, dès qu’il est exercé en toute indépendance par rapport au pouvoir exécutif, n’importe quels tribunaux peuvent être compétents. Voir Nicole DUPLE, l’indépendance et l’impartialité de la justice, dans AHJUCAF, préc., Note 4, p.85.

(24)

Concernant en effet ces garanties, il est de principe que, à la lecture de l’article 14.1du Pacte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue, dans un délai raisonnable, par

un juge ou un tribunal indépendant75. Ledit article porte clairement que:

« […]Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil.»76

D’abord, interprétant cette garantie dans Golder c.Royaume-Uni, la Cour européenne perçoit qu’elle met l’État devant sa véritable responsabilité sur le plan interne en termes de respect de l’indépendance judiciaire. Parce que ce dernier doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’effectivité du principe de la prééminence du droit s’agissant de créer les conditions pour permettre aux juges et tribunaux de donner l’apparence

d’indépendance et d’impartialité77. Ce principe importe que la Cour le renforce dans

Hornsby c.Grèce et elle postule que:« […]la protection effective du justiciable et le rétablissement de la légalité impliquent l’obligation […]de se plier à un jugement ou arrêt prononcé[…] »78. De même, cette obligation, selon ladite Cour, nécessite une exécution

rapide et effective de ce jugement ou arrêt79.

Et, au regard de la Cour constitutionnelle de la Suisse dans l’ABSL Union Professionnelle de la Magistrature et autres c. l’État belge, le statut des magistrats, appelés à se prononcer sur le litige, doit être pertinent en étant en mesure de priver le justiciable de tout doute lié à l’exerce des fonctions de juger. Ce qui signifie que les garanties de la fonction judiciaire doivent être telles que les pouvoirs publics ne sauraient utiliser les privilèges dont ils disposent pour intervenir dans les activités judiciaires, nuisant à l’effectivité de la légalité80.

Le juriste P.Nihoul pense que l’apparence d’indépendance et d’impartialité requise ne peut être possible que si les garanties de la fonction judiciaire sont posées tel que les pouvoirs

75Pacte., préc., Note 57. 76 Id., art.14.1.

77Golder c.Royaume-Uni, série A no18, CEDDH1975, par.34-36.

78Hornsby c.Grèce, no18357/91, CEDH1997-II.Voir aussi Recueil Dalloz 1998, par.42. 79 Id., p.74.

(25)

publics ne peuvent faire des pressions sur les juges et tribunaux pour les empêcher

d’exercer le processus décisionnel selon la loi81. Notons cette idée du juriste Nihoul:

[…]les pressions du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif et des pouvoirs de fait ne peuvent affecter l’indépendance personnelle du magistrat. Il faut également y ajouter les pressions provenant de l’intérieur de la magistrature. Cette indépendance n’est pas un privilège mais se justifie par la nécessité de permettre aux juges de remplir leur mission de gardien des droits, des libertés et de l’État de droit82.

Pour Alexis de Tocqueville, les pouvoirs publics sont dans l’obligation d’assurer le respect de l’indépendance des juges et tribunaux étant donné que leur rôle de gardien des droits et des libertés fondamentales comporte des implications importantes telle que : « […] tous les citoyens ont le droit d’accuser les fonctionnaires publics devant les juges ordinaires, et que tous les juges ont le droit de condamner les fonctionnaires publics, tant la chose est naturelle »83. Ce droit de juger les agents de l’exécutif en cas de la violation de la loi tient encore plus, au vu de l’auteur, qu’il se rapporte exclusivement à un droit qui lui en est

imposé par la nature que personne ne peut lui enlever84.

Gàbor Szeplaki-Nagy, Conseiller référendaire à la Cour suprême de Hongrie, juge que l’État doit implanter les tribunaux si bien qu’ils sont en mesure d’exercer le processus décisionnel en fonction de la loi découlée des textes généraux abstraits qu’il a déjà mis à

leur disposition85.Ce qui fait dire à l’auteur que: « un juge indépendant n’est pas libre de

faire ce qui lui plaît, ou même ce qui lui semble utile au bien de l’État ou de ses concitoyens »86.

Et Ivan Verougstraete, Président de la Cour de cassation de la Belgique, postule que la soumission des pouvoirs publics à la loi, au même titre que les citoyens, requiert que les garanties constitutionnelles ou statutaires de l’indépendance judiciaire soient posées sur le plan interne au point qu’elles sont susceptibles de mettre en œuvre les balises internationales. Et les garanties juridiques liées au respect de la légalité doivent empêcher

81 P. NIHOUL, «L’indépendance et l’impartialité du juge», ADL [Vol.71] 2011, p.217, 254 et 255, dans L’ABL, Union Professionnelle

de la Magistrature et autres c.L’État belge, C.Const., préc., Note 77.

82 Id.

83 A.de TOCQUEVILLE, préc., Note 1, p.93. 84Id., p.94.

85Gàbor SZEPLAPLAKI-NAGY, Les protections de l’indépendance. Sous-thème1 :Les protections statutaires et matérielles, dans AHJUCAF, préc., Note 4, p.116.

(26)

ces pouvoirs d’échapper à la justice administrée par des juges et tribunaux dont les

décisions font autorité envers et contre tous87. D’où la fameuse déclaration de l’auteur:

« Ce pouvoir du juge n’a pas toujours été admis facilement […], la situation a évolué et la responsabilité des pouvoirs publics peut être dorénavant mise en cause.»88

Puis, l’article 14.5 dudit Pacte dispose que : « Toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi»89.

Intervenant sur cette garantie, la CEDH dans X c. France, perçoit qu’il est de principe que le gouvernement pose les garanties juridiques susceptibles d’assurer le justiciable que le recours exercé sera réellement effectif. Soit qu’il ne sera pas confronté à des entraves excessives au point que son droit d’accès à un tribunal indépendant ou à un procès

équitable va être bafoué90.

Ensuite, au regard de l’article 8 de la Convention américaine, il est du devoir de tout juge ou tribunal de déterminer les droits et obligations du justiciable dans les différents

domaines du droit91 .

Cette garantie implique que, au regard de la CADH dans Affaire du Tribunal Constitutionnel c. Pérou, le juge ou le tribunal compétent pour trancher une affaire d’être

d’abord indépendant92 et la Cour précise en effet:

« […]toute personne soumise à un jugement de quelque nature que ce soit devant un organe de l’État devra disposer de la garantie que cet organe agisse selon les termes de la procédure légalement prévue pour l’examen et la résolution de l’affaire qui lui est soumise.»93

Aussi, la mise en œuvre dudit principe, au regard de la CADH, nécessite que « l’État fournisse un recours effectif qui respecte strictement ses garanties judiciaires»94.

87 Ivan VEROUGSTRAETE, Rapport de synthèse, dans AHJUCAF, préc., Note 4, p.161. 88 Id., p.165.

89Id., art.14.(5).

90X c. France, no5722/04, CEDH2003. 91Convention américaine, préc., Note 60, art.8.

92Affaire du Tribunal Constitutionnel c.Pérou Fond, Réparation et Frais. Arrêt du 15 septembre 2015. Série C.No134, par.59. 93Id.

(27)

Du point de vue doctrinal, le juriste Ivan Verougstraete pense que: « la tâche du juge est […] de s’assurer, dans sa sphère de compétences que les intérêts du citoyen et des collectivités soient adéquatement pris en compte »95. Et selon le Professeur François Martineau, il s’agit pour le juge d’être cohérent en tranchant les litiges et il doit pouvoir sélectionner la règle de droit applicable aux faits qui lui sont soumis par les parties. Et il importe que la sélection de cette règle soit faite en fonction des demandes de justice

portées à sa connaissance, notamment les faits de l’espèce96.

Aussi, l’article 5.4 de la Convention européenne porte que la personne privée de sa liberté doit pouvoir exercer un recours devant le juge ou tribunal compétent. Celui-ci doit statuer sans délai sur la légalité de son arrestation ou de sa détention. Il doit ordonner sa remise

en liberté si l’arrestation ou la détention est jugée illégale97.

En principe, la CEDH, dans l’arrêt Schiesser c.Suisse, pose que le juge ou tribunal en question doit fournir au justiciable des garanties appropriées à la fonction judiciaire. Dans ce sens, le justiciable doit être assurée que ledit juge ou tribunal remplit véritablement les conditions requises pour exercer les fonctions de juger, notamment son indépendance par

rapport aux pouvoirs publics98.De même, au regard de ladite Cour, le recours que doit

exercer la personne doit être d’autant plus effectif qu’il est « apte à donner des résultats ou des réponses aux violations des droits garantis par la Convention»99. En ce sens, la

sécurité juridique des citoyens doit être assurée pour permettre aux juges et tribunaux établis d’être réellement compétents pour décider des litiges en toute indépendance du

gouvernement100. En effet, la Cour précise: «Toute personne soumise à un jugement,

[…]devant un organe de l’État devra disposer de la garantie que cet organe […]agisse

94 Id., par.173.

95I. VEROUGSTRAETE, préc., Note 87, p.160.

96François MARTINEAU, Critères et standards rhétoriques de la bonne décision de justice, dans Pascal. MBONGO et coll., La qualité

des décisions de justice, Éditions du Conseil de l’Europe, p.96, en ligne à : «www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=DRS_083_0155 ».(Site consulté le 16 mars 2015).

97Convention européenne, préc., Note 59, art.5.4, 98Schiesser c .Suisse, req no7710/76, CEDDH1979, par.10.

99Yvon Neptune c. Haïti, arrêt du 6 mai 2008 (Fonds, Réparation et Frais), par.77. 100 Id., par.78.

(28)

selon les termes de la procédure légalement prévue pour l’examen et la résolution de l’affaire […]. »101

Le Philosophe Alexis de Tocqueville conçoit que la fonction judiciaire se caractérise essentiellement par la capacité des juges et tribunaux d’agir véritablement en fonction de la loi dès qu’ils sont saisis des litiges102. Et la loi dont il s’agit se rapporte aux normes supérieures, notamment la Constitution en ce que les juges et tribunaux ne sont pas appelés à appliquer des lois qui sont contraires aux principes constitutionnels qui

délimitent le cadre de fonctionnement de l’État103. Notons en effet cette idée du

Philosophe de Tocqueville:

« Il est donc juste que les tribunaux obéissent à la Constitution, préférablement à toutes les lois. Ceci tient à l’essence même du pouvoir judiciaire : choisir entre les dispositions légales celles qui l’enchaînent le plus étroitement, est en quelque sorte le droit naturel du magistrat. »104

L’auteur soutient encore que les juges et tribunaux sont dans l’obligation d’appliquer la loi pour garder leur crédibilité à l’égard des citoyens et dès qu’ils refusent de le faire, ils perdent leur puissance. En ce que:« Ceux qu’ils ont lésés sont alors avertis qu’il existe un moyen de se soustraire à l’obligation de leur obéir [..:]»105.

De même, selon le professeur Pascal Mbongo, l’existence d’une autorité chargée du

contrôle de la qualité de la justice est nécessaire au respect de la légalité106. Et cette

autorité, pour des raisons de compétence et d’indépendance, ne saurait être ni un organe

juridictionnel ni un service du gouvernement107.

Le respect de la légalité s’impose, pour tout dire d’un mot, dans les différentes institutions judiciaires internationales si bien que le cadre de la garantie de son effectivité véritable est délimité dans les instruments internationaux. En fait, il importe que, comme il est prévu

101Ivcher Bronstein c. Pérou. Compétence. Arrêt du 24 septembre 1999. Serie C No. 54, § 32. Voir aussi Tribunal Constitutionnel c.

Pérou. Compétence. Arrêt du 24 septembre 1999. Série C No. 55, § 31, et Nogueira de Carvalho et autres c. Brésil. Exceptions Préliminaires et Fond. Arrêt du 28 novembre 2006. Serie C No. 161, § 43, et Almonacid Arellano et autres c. Chili. Exceptions Préliminaires, Fond, Réparations et Frais. Arrêt du 26 septembre 2006. Série C No. 154, § 45.

102 A.de TOCQUEVILLE, préc., Note1, p.91. 103 Id.

104 Id., p.92. 105 Id.

106P.MBONGO.,préc., Note 96. 107 Id., p.28.

(29)

dans ces textes, les différents régimes juridiques définissent les garanties juridiques liées à la conformité des décisions judiciaires aux principes constitutionnels et aux balises

internationales108. D’où le principe de la primauté du droit selon lequel« nul n’est au-dessus

de la loi et tous les citoyens sont égaux devant la loi »109. Pourtant, à défaut des garanties explicites de la fonction judiciaire, il est fort possible que la légalité et la primauté du droit soient inopérantes. En ce que les pouvoirs publics, loin de la séparation effective des pouvoirs, sont susceptibles d’abuser des prérogatives discrétionnaires qui leur sont éventuellement préconisées pour nuire au processus décisionnel. En ce sens, les balises internationales de l’indépendance judiciaire s’imposent en ce qu’elles portent aussi les garanties de la séparation du pouvoir judiciaire des pouvoirs publics. Nous allons d’emblée les mettre en évidence.

108 C.BASSIOUNI., préc., Note 71. 109 Id., p.5.

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1.1.2 Les balises internationales de l’indépendance judiciaire portant la séparation des pouvoirs: les garanties de l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges et tribunaux

Les balises internationales visent à assurer la garantie de l’indépendance judiciaire qu’elles réfèrent aux conditions susceptibles de rendre la séparation des pouvoirs effective dans les différentes institutions judiciaires internationales. Ces conditions, comme le démontre l’AHJUCAF, se rapportent à l’indépendance institutionnelle et individuelle des juges et

tribunaux reconnue aux juges au niveau international110. Force est de souligner que les

garanties liées à ces deux aspects de l’indépendance judiciaire, telles qu’elles se présentent, réfèrent aux énoncés de la Déclaration (ayant vocation de norme juridique), des Trente deux articles, des Quarante normes et des Principes. Aussi, pour reprendre Shetreet, ces textes relèvent des déclarations de principes de portée universelle adoptées, dans les

diverses conférences organisées, à la fin du 20e siècle, par la communauté juridique

internationale. Ces déclarations sont encore plus pertinentes que l’Assemblée générale de

l’ONU les a confirmées en adoptant, en 1985, les Principes111. En effet, deux

catégories d’énoncés figurent vraisemblablement dans ces documents en ce que certains convergent dans le sens de l’indépendance institutionnelle des juges et tribunaux (1.1.2.1), et d’autres dans le sens de leur indépendance individuelle (1.1.2.2). Présentons-les, dans ce contexte, dans la section subséquente.

1.1.2.1 Les principes convergeant dans le sens de l’indépendance institutionnelle: les modalités de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance administrative

L’indépendance institutionnelle des juges et tribunaux est de rigueur dans le droit international et les principes convergeant dans le sens de cette indépendance sont relatifs aux principes de l’inamovibilité, de la sécurité financière et de l’indépendance administrative. Concernant premièrement l’inamovibilité, l’article 10 de la Déclaration reconnait que « la procédure de sélection des postulants magistrats doit être définie

110AHJUCAF.,préc., Note 4, p.86.

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