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Modularisation de la formation versus nouvelles formes de représentations des connaissances : l'exemple des e-portfolio

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Academic year: 2021

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Modularisation de la formation versus nouvelles formes de

représentations des connaissances : l’exemple des e-portfolio.

Monique COMMANDRE,

Maître de Conférences en SIC, Université de Perpignan Laboratoire VECT, Université de Perpignan Via Domitia.

monique.commandre@univ-perp.fr

Université de Perpignan Via Domitia, Antenne de Mende, Avenue Foch F-48000 Mende

Introduction

Notre proposition s’intéresse à la question de l’évolution des systèmes de formation considérée dans une approche dispositive [JACQUINOT, CHOPLIN, 2002]. La démarche dispositive, définie comme un des traits caractéristiques de la recherche-innovation, offre un cadrage large propice à la mise en relation de phénomènes qui à différents niveaux interviennent dans des expériences d’innovation pédagogique. Dans cette perspective, notre contribution vise à rendre compte des rapports étroits entre, d’une part, la structuration didactique des contenus d’enseignement et/ou de formation, et d’autre part, les modes de représentations des apprentissages. Nous considérerons les dispositifs pédagogiques dans leurs relations complexes entre les niveaux macro, méso et micro [JACQUINOT, MONNEYER, 1999].

Ces fondements théorique et scientifique orientent nos travaux de recherche sur les dispositifs médiatés de formation. Sur cette base, notre questionnement aujourd’hui intègre une double interrogation : Quels sont les effets structurants de la médiatisation des contenus d’enseignement et/ou de formation ? Quelles sont les conséquences en termes de représentation des connaissances et de traduction des apprentissages ? Nous pouvons donc nous risquer à formuler la problématique suivante : comment les dispositifs numériques de formation participent-ils d’une modularisation des savoirs favorisant l’émergence de nouvelles formes de représentations des connaissances ?

Nous nous appuierons dans un premier temps sur une étude diachronique pour rendre compte des évolutions en faveur d’une plus grande flexibilité des dispositifs de formation et d’apprentissage. Nous verrons ensuite comment ces phénomènes se traduisent dans la structuration des contenus de formation en favorisant une modularisation des savoirs. Cette modularisation des savoirs induit de nouveaux modes de représentations des connaissances et

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des apprentissages, comme nous le verrons, en troisième partie, avec l’exemple des e-portfolio.

1 / Etude diachronique : toujours plus de flexibilité.

C’est dans la lignée du principe énoncé par Condorcet en faveur de « l’école tout au long de la vie » que la France a fait évoluer le cadre légal de la formation professionnelle. A chaque époque les pouvoirs politiques et législatifs français ont apporté des réponses conjoncturelles. De manière contemporaine, nous retiendrons la loi de 1971 sur la «Formation professionnelle tout au long de la vie et le dialogue social ». Dans la mouvance des revendications de 1968, les exigences sociales de l’époque portaient sur l’égalité des chances, la promotion sociale ou encore la différenciation pédagogique. Les réponses étaient alors apportées dans une logique de formation permanente [SCHWARTZ, 1973]. Longtemps cette loi a fait référence et, malgré quelques aménagements, l’ambition de la formation permanente a subsisté.

Près de trente plus tard et dans un contexte socio-économique tout autre, les autorités françaises adoptent une nouvelle loi sur la formation professionnelle. Cette loi définit notamment le Droit Individuel à la Formation : « Il permet au salarié en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein de bénéficier d'actions de formation d'une durée minimale de 20 heures par an, cumulables éventuellement sur 6 ans »1. Ainsi, le législateur inscrit la formation comme un droit en faveur, notons le bien, des salariés ayant un contrat de travail durable. Cette proposition apparaît être une réponse aux nouvelles exigences d’évolutions permanentes (au sens de quotidiennes) des pratiques professionnelles (du fait notamment de la haute technicisation). Elle situe irrévocablement les objectifs de la formation dans une recherche de performance professionnelle.

Ainsi, la loi de 2004 inscrit définitivement le Droit Individuel de Formation. Néanmoins, ce droit est limité à un volume horaire extrêmement restrictif. Cette restriction a 20 heures par an, cumulables sur 6 ans, induit forcément la structuration des offres de formation. En effet, de manière concomitante à la mise en place du DIF, on assiste à une offre de formation de plus en plus modulaire et flexible. Ces enjeux d’adaptabilité s’inscrivent dans la continuité des politiques éducatives initiées dans les années 1990 et mettant l’accent sur « la formation sur mesure » ou « la formation à la carte ». Nous pouvons retrouver les marques de ce projet dans les orientations données par la Délégation à la Formation

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Professionnelle qui dés 1992 définit la Formation Ouverte : « ce qui caractérise les formations ouvertes doit être d’abord une plus grande accessibilité et donc la souplesse de leur mode d’organisation pédagogique. Cette souplesse peut se manifester sous différents aspects : dans la localisation des séquences pédagogiques, dans l’articulation entre temps de formation, temps de travail et temps de loisirs, dans la capacité offerte à chacun d’avoir la maîtrise de son propre parcours de formation » [Délégation à la Formation Professionnelle, 1992].

Profitant du potentiel qu’offrent les technologies numériques, les dispositifs de formation répondent à ces exigences d’adaptabilité (notamment en termes de « volume horaire » et d’efficience des offres de formation) se structurent autour du critère de flexibilité. Le e-learning en est un exemple et aujourd’hui on assiste à l’émergence du « rapid e-learning » proposant des contenus courts (format de 20 minutes) et des environnements d’apprentissage rassemblés en une application multimédia.

La flexibilité des dispositifs médiatés sembleraient pouvoir raviver les idéaux d’individualisation des connaissances, de formation sur mesure, d’enseignement à la carte et de différenciation pédagogique. Nous interrogerons l’adéquation des dispositifs flexibles et les ambitions d’une individualisation de la formation. Le « sur mesure » est-il vraiment l’apanage d’une formation flexible [COMMANDRE, 2004] ? Nous tenterons d’apporter aujourd’hui des éléments de réponse en présentant, en troisième partie, un outil de représentation des connaissances. Auparavant, nous allons considérer les conséquences d’une plus grande flexibilité sur la structuration des contenus.

2/ La structuration modulaire des savoirs.

Les sciences cognitives, les sciences de l’éducation et les recherches en didactique ont toujours eu comme préoccupation de trouver « le format » qui permettrait de construire des contenus après avoir jaugé aux mieux les savoirs constitutifs. Les travaux en didactique sont d’une grande richesse quant à l’étude des corrélations entre disciplines / savoirs / mode de transmission. Aujourd’hui, les études en didactiques ne sont pas épargnées par les exigences de flexibilité que nous avons évoquées en première partie.

Profitant du potentiel « des écritures hypermédias », les contenus se structurent de manière toujours plus fragmentaire. En effet, chaque concept fondamental peut être défini, précisé, décliné, illustré en un seul ou plusieurs clics. Les contenus sont dans un premier temps découpés à la manière du scénariste pédagogique qui séquentialise les contenus dans une logique de « templates » et de modules/ sous modules. La métaphore de « briques de connaissances » est utilisée, dés la fin des années 1960, par le CNAM pour rendre compte du

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système « d’unités capitalisables ». Plus tard, sous l’influence des démarches ISO, le contenu a été découpé « en plus petite unité de sens » (exemple du modèle SCORM). Après la brique, les standards et autres modèles de normalisation qui font leur apparition à la fin du 20ème

siècle, convoquent le concept « de grains » pour traduire le niveau de fragmentation des savoirs. Ces « spécifications normatives » [BEN HENDA, 2008] induisent les cadres de développement des contenus et les modes de diffusion des savoirs. Les contenus sont structurés selon des critères d’efficacité et les savoirs constitutifs se retrouvent convoqués de manière partielle et partiale au rang des illustrations. Par exemple, au sein d’un module de cours en philosophie, la définition des concepts est renvoyée à une sous-rubrique, à un lien hypermédia qui viendra approfondir le contenu organisé sur une page principale. La déliniéarsiation des contenus affecte la logique de mise en relation des savoirs. Ces derniers ne sont pas convoqués dans un schème de pensée prédéterminé mais sont mis à disposition. Nous sommes passés des savoirs aux « ressources », ou encore, et des fondamentaux aux disponibles.

Or, nous savons que la fragmentation et son corollaire la modularisation tendent à nuire aux processus d’intégration [GILLE, 2007] . Les usages observables au quotidien rendent effectivement compte d’une modularisation des contenus et d’une fragmentation des savoirs. Les modules de formation sont scénarisés de manière à mettre en scène des parties de savoirs plus ou moins reliées entre elles. A charge ensuite à l’apprenant de rétablir des relations entre les savoirs glanés dans des applications le plus souvent inscrites dans un environnement ouvert (on-line) et quasi infini.

Pour pallier à une éventuelle autonomisation des savoirs, le développement de l’indexation apparaît être une piste pour remettre des relations en conceptualisant des ontologies. La mise en relation des concepts ou des savoirs rendue possible par des langages descriptifs (type XML) permettrait de rétablir les liens entre les unités de sens. Le lien est le plus souvent modélisé a priori dans une logique de combinaison par « filiation, attributs ». Si le procédé permet l’interopérabilité il ne facilite pas pour autant une véritable liberté dans les choix de recomposition des connaissances. Nous sommes ici très loin de la pensée constructiviste telle que Jean PIAGET a pu l’élaborer. Cette pensée est pourtant aujourd’hui largement convoquée comme argument d’autorité légitimant une autonomisation des savoirs.

3/ La représentation des connaissances et des apprentissages : l’exemple du e-portfolio

Dans ce contexte de nouveaux outils de représentations des connaissances apparaissent. Le glissement que nous opérons entre les notions de « savoirs » et de

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« connaissances » s’appuient sur les recherches en sciences cognitives. Dans le champ des sciences de l'éducation comme dans le knowledge management, la connaissance est lisible, visible, mobilisable et se distingue des savoirs "savants" de types encyclopédiques. La connaissance relève d'un processus d'intégration-organisation de savoirs à des représentations déjà existantes chez le sujet. De ce processus, résulte une connaissance dynamique traduisant la mobilisation de ces savoirs, à titre déclaratif ou procédural. Ainsi, la connaissance a un caractère dynamique qui nous situe dés lors en rupture avec la tradition mentaliste des connaissances et de l'activité cognitive subséquente à leur acquisition-mobilisation. Dans l'approche constructiviste et notamment dans la pensée piagétienne, l'apprentissage se définit comme un processus de construction des connaissances et l'enseignement est vu comme une activité de soutien et non de transmission. Autrement dit, dans une conception constructiviste, l'apprenant est actif et non passif, il construit ses connaissances en fonction de sa propre expérience et en interaction avec son environnement.

Dans cette acceptation de l'apprentissage, ce qui importe c'est donc la construction de significations. L'enseignant est alors en charge de mettre au défi les significations de l'apprenant, de le guider non pas vers des objectifs d'enseignement prédéfinis, mais de l'orienter vers l'élaboration de significations personnelles des connaissances. Ainsi, la connaissance se construit à partir des représentations du sujet et dans un même temps, elle met en forme la logique interne de l'individu et régule ses intentions. La pensée constructiviste renvoie fondamentalement à une conception dynamique et active de la connaissance. Elle est un processus en construction, qui va pouvoir bénéficier de toutes les circonstances pour s'élaborer. Il est alors indéniable que le contexte social joue un rôle fondamental dans ce processus. D'où l'importance d'une intégration collective des connaissances à travers par exemple des espaces collaboratifs. Cette perspective s'inscrit dans ce que l'on pourrait appeler l'approche socio-constructiviste développée notamment par Vygotsky dans un cadre historico-culturel. La thèse de ce théoricien de l'apprentissage par le groupe est que les activités cognitives émergent dans et par l'interaction sociale. Pour lui l'activité cognitive est assurée par une médiation sociale. Le fait par exemple d'extérioriser un savoir sauve l'activité cognitive de l'implicite en la rendant davantage publique, négociable et solidaire.

Parallèlement à la fragmentation des savoirs on assiste à l’avènement de nouveaux outils permettant de formaliser les connaissances construites en les traduisant sous forme de compétences. En effet, aujourd’hui le vocable tend à revaloriser les connaissances, dans leur acceptation procédurales ou déclaratives, et les compétences. Parmi les outils disponibles pour

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traduire les connaissances ou compétences les portfolios électroniques ont retenu notre attention.

Historiquement, le portfolio est associé aux disciplines artistiques (photographie, arts plastiques, architecture) et a été adapté très tôt au monde de l’éducation en Amérique du Nord. Peu à peu, cet outil s’est répandu mais son utilisation reste néanmoins assez faible en Europe. Le portfolio est défini comme un outil d’évaluation des apprentissages qui permet de recueillir et de conserver des échantillons des réalisations des élèves. Il s’inscrit dans une démarche d’évaluation formative et consiste en une collection de productions permettant de suivre la progression de l’apprenant. D’après les institutions, le portfolio est « une collection finalisée et raisonnée de documents témoignant de la qualité et de la progression du travail d’un étudiant au travers certaines de ses réalisations. Le portfolio fait foi des compétences de l’apprenant »2 . La dimension de suivi dynamique du cheminement de l’apprenant ainsi que la notion de réflexivité de celui-ci sur son apprentissage sont deux composantes essentielles du concept de portfolio. « Les aspects génétiques, montrer l’évolution au cours du temps, et réflexifs, montrer la capacité à avoir un regard critique sur ce qui a été fait, jouent un rôle majeur » [BARON, 2003]. L’e-portfolio n’est pas uniquement une collection d’archives. Il représente à la fois un produit, un processus et une méthodologie qui permet d’examiner et d’utiliser des savoirs en vue d’un projet. Autrement dit, il rend lisibles et mobilisables les savoirs en connaissances.

Dans les usages, le e-portfolio va rendre compte du parcours d’apprentissage. Il peut même apparaître comme une trace du parcours de navigation par lequel un apprenant serait passé. "L'e-portfolio se veut un processus de capitalisation, de valorisation et de

développement des connaissances et des compétences d'une personne. C'est un outil personnel, que l'on aura appris à utiliser, que chacun contrôlera et qui va permettre de planifier son apprentissage, de gérer sa carrière, de faire valider ses acquis, de trouver un emploi..."[ e-portfolio, 2006]. Il va encourager une mise en relation dynamique des savoirs

tels qu’ils ont été mobilisés par l’individu. Le e-portfolio encourage en ce sens une réintégration des savoirs dans la conception d’une « carte mentale » des connaissances. Enfin, le e-portfolio intègre les dimensions socio-constructvistes en favorisant une publication, au sens de publier dans l’espace public. C’est un document de présentation de soi (son rapport aux savoirs, son parcours et ses transformations en connaissances) mis à disposition d’un réseau social.

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Conclusion

La flexibilité des dispositifs de formation trouve ses fondements dans les prescriptions qui à travers les temps tendent à faire de la formation un critère de performance. La flexibilité apparaît être comme un élément déterminant dans la structuration des savoirs. Les modes de structuration, répondant aux critères de flexibilité, tendent à une fragmentation des contenus et à une modularisation des savoirs. Face à ces éléments déterminants, de nouveaux outils d’agencement des connaissances apparaissent pour faciliter les représentations des connaissances, leur mises en relations et la construction de parcours d’apprentissage. L’avènement de ces nouveaux outils ou méthodes de représentation des connaissances apparaît être une réponse bien réelle à la virtualisation des savoirs et contenus pédagogiques.

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Références bibliographiques :

- BARON GL., BRUILLARD E., 2003, Les technologies de l'information et de la

communication en éducation aux USA : éléments d'analyse sur la diffusion d'innovations technologiques. Revue Française de Pédagogie, n° 145, p. 37-49.

- BEN HENDA M., HUDRISIER H., 2008, “Actions francophones autour des normes e-learning à l’ISO”, Distances et savoirs, Hors Série, Editions Lavoisier, CNED

- COMMANDRE M., COTREAUX S., JACQUES E., 2004, « Connaissances distribuées et environnement technologique adaptatif ». Actes du colloque Intelligence collective : partage et redistribution des savoirs, Presse de l’Ecole des Mines.

- Délégation à la formation professionnelle, 1992, L’offre de formations ouvertes à distance, La documentation française.

- E-portfolio, 2006. Conférence internationale sur le e-portfolio, Oxford (http://www.eife-l.org/portfolio/)

- GILLE L., 2007, « Vers de nouveaux modèles d’affaires et de chaînes de valeurs », Actes du Colloque GET, La société de la connaissance à l’ère de la vie numérique, pp. 16-27, Groupe des Ecoles en Télécommunications.

- JACQUINOT G., CHOPLIN H., 2002, « La démarche dispositive au risque de l’innovation », Education permanente, n° 152, p. 185-198.

- JACQUINOT G., MONNEYER L., 1999, Le dispositif : entre usage et concept, Revue Hermès, CNRS Editions.

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