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L'occitan en guerre

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Academic year: 2021

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Guy Barral. L’occitan en guerre : Louis Bonfils - Lettres à Pierre Azema (août 1914-décembre 1916). Presses universitaires de la Méditerranée, 184 p., 2015, Estudis occitans, Gérard Gouiran, 978-2-36781-141-3. �hal-03188658�

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L’occitan en guerre

Lettres à Pierre Azéma

(août 1914-décembre 1916)

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Collection « Estudis occitans »

Directeur de collection Gérard Gouiran

Les études occitanes à Montpellier ont une longue histoire, plus que centenaire, dont témoigne aujourd’hui encore la Revue des Langues Romanes, créée en 1870. Et l’histoire continue...

Le champ des recherches en domaine occitan est vaste, comme l’est, à son échelle qui dé-passe la seule région Languedoc-Roussillon, l’aire linguistique d’oc. Ce champ inclut aussi bien la linguistique, diachronique et synchronique, que la sociolinguistique, notamment à travers la revue Lengas, qui existe depuis 1977; la littérature, depuis le temps des Trouba-dours jusqu’à la littérature d’aujourd’hui, en passant par le baroque; l’histoire et la civilisa-tion de l’espace occitan. Dans notre catalogue voisinent donc aussi bien des réédicivilisa-tions ou éditions de textes introuvables ou inédits que des anthologies, des ouvrages collectifs fai-sant le point sur une période ou un problème particuliers, ou encore des outils destinés aux étudiants comme à un public plus large, dans les régions d’oc ou d’ailleurs, qui a envie d’en savoir plus sur une culture millénaire.

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Collection « Estudis occitans »

L’occitan en guerre

Lettres à Pierre Azéma

(août 1914-décembre 1916)

Louis Bonfils

Éditées et traduites par

Guy Barral

Préface de Philippe Saurel

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Illustration de couverture : Un coin de la salle de rédaction de l’Écho [du Bouqueteau]. Collection CIRDÒC — Archives du Collège d’Occitanie — Fonds Valère Bernard (CQ102/1).

Mots-clés : correspondance, Félibrige, guerre 1914-1918, Montpellier, occitan, soldats méridionaux.

Tous droits réservés, PULM, 2015. ISBN 978-2-36781-141-3

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Sommaire

Préface 9

Introduction 11

Lettres de Louis Bonfils (en occitan) 31

Épilogue 93

Lettres de Louis Bonfils (version française) 107

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Préface

Cher lecteur,

Les lettres que vous allez lire aujourd’hui ont été retrouvées après cent ans d’oubli. Elles ont été écrites, entre 1914 et 1916, par Louis Bonfils, dit « Filhou », à Pierre Azéma, tous deux jeunes intellectuels de Montpellier. Cette correspondance est la seule connue qui soit intégralement rédigée en occitan.

Filhou est né dans la maison mitoyenne de celle où je suis né, au faubourg Bou-tonnet, ce quartier de Montpellier qui a su garder son caractère si populaire.

Sa courte existence se termine dans le Nord, où à l’âge de 24 ans, devenu capitaine, il est tué dans cette guerre où la France croyait défendre son existence alors que l’Europe se suicidait. Il est parti en espérant délivrer l’Alsace et la Lorraine, mais sur place, il fait face à une réalité plus complexe et voit des Alsaciens hésiter entre la France et l’Allemagne.

Il découvre aussi que si le combat unit souvent ses camarades dans le même amour du pays, les origines, les différences sociales peuvent parfois les opposer : riches et pauvres, ouvriers et paysans, gens du Nord et Méridionaux s’affrontent quelquefois rudement.

Surtout, il ressent le mépris violent des soldats du Nord envers ceux de Midi, in-justement accusés d’être lâches... Les marques de bravoure des soldats du Sud ne manquent pas pourtant, pour preuve. Filhou, courageux, ouvre un second front pour l’honneur bafoué du paure Mièjorn. Il y remportera quelques belles batailles.

Les Poilus du Midi avaient honte de leur langue. Pour mettre des mots nécessaires sur l’apocalypse vécu, seul le français leur venait à la plume, et difficilement... Filhou, lui, rédige tout en occitan : aussi bien ses lettres que ses articles pour Lou Gal, le jour-nal qu’il a fondé à Montpellier avec Pierre Azéma, son alter ego et correspondant.

C’est aussi en lengo nostro qu’il mène ses troupes à l’assaut, qu’il prend des tran-chées, qu’il chante à tue-tête. Et c’est pour l’avoir violemment défendue qu’il est alors déféré, sur le front, devant un Conseil de guerre. Seul et isolé, la condam-nation paraît inéluctable mais au moment où tout semble perdu, le Conseil le

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blanchit, et le félicite même d’avoir défendu l’honneur des siens que tant de gradés, les méridionaux Foch ou Joffre en tête, foulent aux pieds dans un bain de sang.

Cet honneur du Midi, nous l’avons retrouvé et vivifié. L’année même où ces lettres sont publiées, des classes bilingues français-occitan sont ouvertes pour la première fois dans les écoles élémentaires publiques de Montpellier. Désormais, de jeunes écoliers qui n’ont pas reçu cette langue en héritage, peuvent la choisir pour s’ouvrir au monde et renouer avec notre histoire.

Et à l’occasion du centenaire de cette guerre inutile et terrible, les noms de tous nos morts qui jusqu’alors étaient relégués dans la crypte du monument aux morts de Montpellier sont désormais exposés en pleine lumière, sur les murs de ce monu-ment. Pour ceux qui auront lu ce livre, le nom de Louis Bonfils brillera un petit peu plus.

Car, cent ans après, citoyens du xxiesiècle, nous pouvons toujours nous

recon-naître dans la liberté d’esprit de Filhou : c’est que son indéfectible fidélité aux idées, comme chez Jaurès, va de pair avec son refus des routines inefficaces et du carcan des organisations sclérosées.

Il est temps, cher lecteur, de vous laisser découvrir cette correspondance unique et passionnante où l’enthousiasme mêlé à la tragédie, laisse entrevoir une des figures les plus attachantes de l’histoire montpelliéraine.

Philippe Saurel Maire de Montpellier

Président de Montpellier Méditerranée Métropole

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Introduction

Ayant dépouillé 6 583 lettres et cartes postales de poilus, les auteurs de La plume au fusil : les poilus du Midi à travers leur correspondance1constatent : « Nos

Mé-ridionaux — Languedociens, Catalans et Provençaux — s’expriment en français et non pas dans leur langue maternelle. Et nous n’avons trouvé que trois cartes entière-ment rédigées en occitan... Ainsi, si l’on fait abstraction des apartés et post-scriptum, on constate que l’occitan et le catalan ne sont pratiquement pas utilisés dans la correspon-dance, alors même que les poilus du Midi, du biffin de base au général, parlent entre eux “en patois”. »

La correspondance qu’adresse Louis Bonfils à son ami Pierre Azéma est une brillante exception à cette règle. C’est que nous n’avons pas affaire à n’importe qui. Tous deux sont félibres, tous deux sont jeunes : nés en 1891 à Montpellier (le 12 dé-cembre, 7 rue des Sourds-muets, actuelle rue Abbé-de-l’Épée, pour Bonfils, d’un père tailleur de pierre et d’une mère sans profession), ils ont 23 ans à la déclaration de guerre. Jeunes et félibres! Déjà, en 1914, l’année de la mort de Mistral, ces mots sont presque un oxymore, tant le félibrige, créé en 1854, a déjà tendance à somnoler dans les rêveries de doux notables, ruraux ou urbains. Mais nos jeunes ont mangé le lion de Tartarin, et entendent bien secouer le cocotier. Ils sont des fidèles parmi les fidèles de Pierre Dévoluy, le « Capoulié de l’action » qui a été remplacé en 1909 à la tête du félibrige. En 1911, ils ont écrit, publié et joué ensemble Jout un balcoun2,

pièce cent fois reprise dans les fêtes et théâtres languedociens. Plus tard, Azéma sera félibre majoral, ce qui ne l’empêchera pas de critiquer vertement, mais de l’intérieur, dans sa revue Calendau3ou ailleurs l’inertie du félibrige. Par ailleurs, tous deux ont

1. Gérard Baconnier, André Minet, Louis Soler, La Plume au fusil, les poilus du Midi à travers leur correspondance, Toulouse, Privat, 1985.

2. Parue d’abord anonymement : Jout un balcoun, farcéjada en un acte, Montpellier, Firmin, Mon-tane et Sicardi, 1911, la pièce est rééditée en 1918 (Mount-Peliè, L’Abelha) sous le pseudonyme collectif de Louvis-Filibert. Le manuscrit, lui, était cosigné par P. Triaire, qui, prévu pour jouer le personnage de Timboul, a été remplacé avant la première représentation du 17 décembre 1911 par Bonfils lui-même. 3. Calendau, revisto felibrenco mesadiero, paraît à Montpellier du no1, febrié 1933 au no101, jun 1945.

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été militants au Sillon de Marc Sangnier, qui prône un catholicisme républicain, so-cial, voire de gauche. Pierre Azéma sera, d’ailleurs, élu en 1919 conseiller municipal de Montpellier, puis à nouveau en 1935 sur la liste de gauche de Paul Boulet, en tant que représentant de La Jeune République, mouvement de la gauche catholique créé après la condamnation par le pape du Sillon en 1910.

Bref, les deux comparses sont jeunes, félibres et militants. Commençant la guerre avec le grade de sergent, Louis Bonfils est capitaine lorsqu’il est tué le 11 juin 1918. Azéma sera, lui, blessé et trépané en 1915, réformé en janvier 1916. Il sera dès 1916 pré-sident fondateur de l’association des Mutilés de guerre. La même année, il prendra la direction effective du journal occitan montpelliérain Lou Gal1destiné à soutenir

le moral des soldats du Midi. C’est dire s’ils s’engagent dans le conflit avec ardeur! Leur correspondance sera la suite de cet engagement militant occitan, sur un autre terrain, celui de la guerre.

Elle a d’emblée un petit air de clandestinité. Son existence même est un exploit. Nous avons vu que les poilus, qui parlaient occitan dans les tranchées, ne l’écrivaient pas. Une des raisons de ce silence, c’est que la censure ne connaît pas cette crypto-langue, et donc interdit son emploi. La première lettre du front de Bonfils est im-pitoyablement déchirée : « Se timbre aquesta letra es pèr pas que me fagoun couma ièr que me destripèroun ma letra au burèu dau coulounèl, amor qu’èra pas escricha en francès e que n’en disiè trop » (22 août 1914). Du coup, Louis Bonfils va renoncer aux services de la poste militaire et utiliser ceux de la poste civile, payante, mais moins contrôlée. Cette infraction au règlement permet l’incroyable liberté de ton de sa correspondance.

Nous nous intéresserons bien peu, dans cette édition, aux détails des actions mili-taires. Une seule fois, nous mettrons en parallèle le récit de Bonfils et l’histoire offi-cielle de son régiment. Les légères variantes nous feront réfléchir sur la subjectivité des témoignages humains.

L’intérêt majeur de ces lettres n’est pas là, mais dans la défense et illustra-tion constante des valeurs méridionales, et des usages méridionaux. Affirmaillustra-tion consciente et obstinée. Guerre dans la guerre. Les ennemis du Midi ne passeront pas!

La guerre de 1914 est la première où la mobilisation générale est appliquée en France. Pour la première fois, une large classe d’âge va vivre ensemble, concentrée loin de ses lieux d’origine. Certes, les corps d’armée conservent encore tous leurs ca-ractères régionaux : le XVeet le XVIecorps viennent de Provence et du Languedoc.

Mais la présence de plusieurs millions d’hommes sur le front conduit à un

bras-1. Lou Gal, publié en occitan pèr los soldats dau Miègjorn paraît à Montpellier dès le 1erjanvier 1915. Mensuel en 1915, puis bimensuel (1916-1919) enfin hebdomadaire (1920) il a été fondé par Jean Bardin (1893-1966) et Pierre Causse (dit Caussou de l’Oulivié, 1883-1951), rapidement rejoints par Louis Bonfils (1891-1918), Georges Maillet et surtout Pierre Azéma (1891-1967).

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sage de population sans précédent. Il y a à la fois fusion et confrontation entre ces soldats, en grande majorité des ruraux, venus de « pays », de « petites patries » qui jusqu’alors s’ignoraient. Bonfils et Azéma participent eux aussi à cette dialec-tique fusion/confrontation. Convaincus que la « Grande France » est en danger, et qu’il est de leur devoir de la défendre, ils se battent aussi, et avec la même virulence (certains passages des lettres témoignent que ce combat est souvent féroce), sur un autre front : celui de la réputation et de l’image du Midi, mises à mal par l’ostracisme septentrional.

Il est donc évident pour tous les deux que leur correspondance sera en occitan (Azéma est un des félibres que ce mot n’effarouche pas). Auteurs eux-mêmes et lec-teurs de la littérature en langue d’oc, leur culture et leur militantisme, peut-être leur éducation urbaine, les séparent de ces poilus étudiés dans La Plume au fusil qui, en très grande majorité ruraux et scolarisés en français, pensent que, si le patois peut se parler, il est inconvenant de l’écrire.

L’originalité radicale de cette écriture militante occitane vient de ce choix conscient et assumé de « profiter » de la guerre, qui se déroule en dehors des terres occitanes, pour propager (ou au moins défendre) une image favorable du Midi et des Méridionaux, mise à mal entre autres par les tartarinades de Daudet.

Ce qui ne doit pourtant pas faire oublier d’autres aspects, bien attachants, de ces lettres, ceux qui concernent la vie quotidienne, la vida vidante.

Nous ne pouvons que regretter que Pierre Azéma, dans la transcription qu’il nous en a transmise, ait volontairement coupé les passages trop intimes ou simplement personnels, ainsi que les formules de fin et de début de lettres, où se dévoile sou-vent la sociabilité de l’auteur. La vie du front est cependant bien présente dans la correspondance.

Par exemple, nous savons, nous, que Louis Bonfils, dit Filhou, sera tué le 11 juin 1918 à Mélicoq dans l’Oise. Et lui, le sait-il? Une étude du pressentiment chez les poilus serait sans doute passionnante. Il est émouvant de suivre la sinuosité du sen-timent de sa mort dans l’esprit de Bonfils. La première lettre évoque les risques de la guerre avec bonhomie : « me fau pas de michant sang pèr tant pauc. Mès... i a talament de mau-adrechs en Alemagna qu’una bala perduda poudriè ben m’empou-gnà » (14 août 1914). En avril 1915, prêt à monter à l’assaut, il repousse toute idée de pressentiment : « T’imagines pas pèr aqui qu’age une michanta pressentida, au coun-tràri » (3 avril 1915). Un peu plus tard, le 2 juin, la résignation et la lassitude d’une guerre qui n’est qu’une boucherie lui sapent le moral : « Es bèstie de mouri couma acò... e dire qu’es ce que pot m’arribà d’una segounda à l’autra, couma acò’s arribat a trop de mous omes que fossa fossa an trincat. Es nèsci de mouri tant jouine pèr pas res, sans pourre faire pagà car una pèl qu’avèn sauvada jusquas à ioi. Parlen pas pus d’acò, qu’es trop c... E pioi, sabèn be que la mort es pèr nautres. Ioi à ièu, deman à tus. »

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Très vite, pourtant, Bonfils se reprend, mais c’est au prix d’un effort de volonté : « Es pèr acò, moun ome, que duvèn nous ’n tirà » (18 juin 1915). Même tonalité le 7 août : « Sèn de la raça que s’en tira. Poudèn pas mouri jouines ». À cette époque, la survie est posée comme un devoir, une exigence morale. Il faut survivre.

Mais, le 8 février 1916, dans la lettre la plus noire de toutes, le pressentiment de la mort emporte tout : « Ai toujour moun idèia que duve pas m’en tirà. S’acò m’arriba, saupràs qu’hou avièi pressentit, mès pos creire que m’en fau pas pèr acò. »

Ces hauts et bas sont bien sûr tributaires du déroulement de la guerre, lui-même tributaire de l’action des état-majors. Est-ce parce que la censure ne lit pas l’occitan? La correspondance est particulièrement riche en commentaires acerbes sur la façon de faire la guerre, ce qui est inhabituel. La liberté de ton est remarquable, surtout venant de quelqu’un qui ne met pas en cause le bien-fondé de la guerre. Les critiques touchent surtout et très tôt le commandement : le 22 août 1914, le régiment recon-quiert « un beù caire de terren mès que coustet car (subretout pèr de fautas ourriblas qu’un elèva-capoural auriè pas fachas mès que de 3, 4 ou 5 galouns faguèroun) »... Nul doute que les critiques sur l’incompétence de l’état-major et le service médical ne soient le reflet exact des conversations de tranchées : « Dimenche seguet una jour-nada de mort. Es pas permès quand on a de galouns plen las manchas de faire parièiras causas. Mès que foutoun general lou prumiè escoubilhaire vengut! » (3 oct. 1914).

« Avèn un tiers de blassats que mourissoun fauta de souèns ou pèr la crapulariè de majors incapables ou brutals » (4 nov. 1914).

C’est que cet état-major est loin du front, loin des réalités : « Un cop de mai, avèn fach la trista esperiença dau manca d’ouficiès d’estat-major en prumièira ligna e Diéu sap s’aurièn servit » (26 juil. 1914).

C’est d’ailleurs une des choses qui vont contribuer un temps à la démoralisation de Bonfils. Nommé officier, submergé par les rapports, la paperasse et le téléphone, il regrette amèrement l’action de terrain : « N’ai un tibou, soui las, acò me fica ’n caire de faire una guerra à cops de papiès ou à cops de telefona » (8 fév. 1914).

Deux guerres semblent s’opposer. L’une, celle des état-majors, technocratique et paperassière, démoralisatrice. L’autre, celle des hommes réels, est certes bien dure, mais elle conserve l’écho des batailles chevaleresques d’antan. Pierre Azéma, dont un des pseudonymes est : Lou Chivalié, ne pouvait qu’être sensible à cet esprit. Lorsque, en septembre 1919, il écrit son petit brûlot Lo bèu retour1qui hurle la déception des

anciens combattants de retour chez eux, il doit se souvenir de la phrase de Bonfils : « La manifica vida vidante que menaven! E couma èra vrai de dire : Lou qu’aurà viscut longtems aquela lucha, qu’aurà counougut aquela vida, pourrà pas dire qu’es nascut pèr pas res » (7 août 1915).

1. Lou Chivaliè, Lou bèu retour. Bois grabats de Marcel Bernard, Mount-Peliè, Lou Gal, 1919 (ach. impr. du 30 septembre). 8 p. Tiré à 50 exemplaires numérotés.

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Pourtant, l’idée que cette guerre-là puisse être jolie est assez rare dans les correspondances de guerre.

La Fête d’Apollinaire (« Feu d’artifice en acier, qu’il est charmant, cet éclairage ! ») vient tout de suite à l’esprit quand on lit sous la plume de Bonfils : « Noël entre lous rachs d’aiga celesta, lous ilhaus das trons e lous das canous, las fusadas esclairantas e las fusadas-signals passavoun, e fasièn lusi lous degouts de ploja. Era terriblament bèu » (26 déc. 1915).

Dans ces charmes de la guerre, il ne faudrait pas oublier la page truculente de couleurs où Bonfils exprime sa nostalgie de l’accoutrement pittoresque des poilus au début de la guerre, remplacé par l’uniforme... et l’uniformité : « Lous prougrès, las liçous de la guerra, nous an tout moudernisat... Venguès pas me dire, lou rèsta aviè mai de charme qu’aiço » (12 déc. 1915).

Il est vrai qu’en général, Bonfils réserve ses enthousiasmes esthétiques aux pay-sages apaisés qu’il traverse. La pratique de la guerre répond assez mal, souvent hor-riblement mal, à un idéal humaniste : « la guerra que fasèn e qu’es pas la guerra. Es una seguida d’assassinats, una bouchariè ourrible, que nous baila rarament l’aucasioun de proubà dequé soun capables lous souldats » (2 juin 1915).

Pendant toute sa guerre, Bonfils va être hanté par son premier « vrai » combat, à Lombaertzyde, en Belgique, où les occupants d’une tranchée qui se rendaient ont été, dans le feu de l’action, furieusement massacrés : « Quand me remembre de-qu’avèn fach a Lombaertzyde e que vese la bouchariè qu’es estat, i a dequé èstre ver-gougnous d’avudre sannat aqueles omes trop vièls ou aqueles jouvents trop jouines. Pa-mens, poudèn pas avudre de remords, macarèl! » (8 fév. 1915). Cette sorte de pêché originel a une résonnance profonde dans sa conscience par le choix impossible : « Dequ’es lou pus malurous : tugà ou se faire tugà? » (8 fév. 1915). Cette alternative se retrouve, toujours aussi impossible à décider, tout au long du texte : « Es estat la segounda bella journada pèr nautres e ounte agère mai lou bonur ou lou malur de n’en davalà quauques-uns » (15 sept. 1914). L’ambigüité du souvenir, remord ou regret de la mort est flagrante : « E pioi, desempioi Lombaertzyde ai pas belèu tugat 4 ou 5 Bòchous. Ah! ounte soun las brouchetas de las Vosjas !... Acò, oi, èra la guerra! Pos remarcà qui soui d’un pacifisme...! » (3 avr. 1915).

« Pertout de morts; aici un bras pencha, aici una camba sourtis, alai marches sus una tèsta. Acò’s triste, acò’s terriblament triste » (24 avr. 1915).

D’autant plus triste que la scène se répète inlassablement : « D’unes soun encara sans e fan mina de se rendre. L’esaltacioun das omes es trop forta; dins la trencada es encara lou chaple que countinua. Tout regoula de sang; las baïonnetas cremesinas lusissoun pas pus au sourel » (25 déc. 1914).

Cette tension entre deux idéaux, ni Bonfils, ni sans doute aucun de ses cama-rades ne peut la résoudre, et des soupirs répétés : « Quante tibou! Soui las! Acò me fica un caire » (3 oct. 1914 et 8 fév. 1916) ponctuent tout le texte. Sera-t-elle un jour

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dépassée? Nous n’avons de Bonfils qu’une correspondance tronquée, puisque le re-levé de Pierre Azéma se termine fin 1916, dix-huit mois avant la mort du capitaine. Mais il est difficile de ne pas voir dans la dernière phrase de ce recueil une conclusion désabusée de ce dilemme : « Cau prene la guerra couma vèn, lou tems e lou païsage couma soun » (11 déc. 1916, dernière lettre).

L’écriture elle-même est affectée par ces déchirements. Alors que toute la corres-pondance est explicitement rédigée pour être publiée, pour servir de témoignage, les pires moments de la guerre sont d’emblée vécus comme indicibles : « Car las journadas de chaple s’escriéuran pas ou lous que lous escriéran las auran pas viscudas e faran de frasas faussas, fantasièirousas e belèu messourguièiras » (23 mai 1915). On re-trouve ici spontanément face à ces expériences limites le discours de l’indicible cher aux mystiques : le vécu traumatisant outrepasse les possibilités de la parole qui en deviendrait fausse, fantasmatique ou trompeuse.

Le récit sera donc réservé aux moments les plus apaisés : « Es soulament la des-cricioun de pichots tablèus dins aquel biais que seran la vida vidanta, l’istòria justa de la guerra atuala, es soulament ce que s’en pourrà escrièure... » (23 mai 1915). C’est à ce niveau que les lettres fourniront sur la guerre « d’idéias manificas ou tout au mens de braves flocs de rouman » (11 janv. 1915).

Pèr moun comte, te farai chaca cop ma crouniqueta ou moun raconte, emé lou mème estile, emé sustout la mèma lenga. Dequé vos? Lou traval de la terra pot pas se cantà qu’emé la lenga de la terra. Tout ce que t’escrive es bè, sièga-n-en soulide, moun cahiè de notas, ounte vendren refrescà nosta mementa se voulèn escrièure, ou discutà emé quauques cigàrrous de journalista. (7 juin 1915)

Il y a chez Bonfils cette hantise de témoigner, bien plus que de la guerre elle-même, de la vida vidante das souldats, et, dans ce sens, il accumule les notations prises au plus près et au plus ras du réel. Pour lui, même les journaux édités sur le front par les soldats sont « fabriqués » :

Sabèn ounte e couma se fan aqueles journals. En arriès, dins las ambulanças ou dins lous estat-majors. Soustènoun à toutes e à noutas vouès que soun sus lou front e que fan pas partida de l’arriès. Ebé, nautres, sèn pas sus lou front : sèn sus la ligna, sèn as endrechs ounte on a pas lou tems nimai l’idèia de faire de journals e de lous estampà mèmes à la poulicoupia ; e pèr faire una letra de 4 pages, nous i metèn à 10 represas diferentas, car avèn counsciença de noste traval e aquel traval lou fasèn de

noste milhou. (7 juin 1915)

Ce qui ne l’empêche pas d’envoyer des textes au Gal ou à La Revue méridionale des idées. Certains de ces textes, mais pas tous, sont il est vrai écrits en permission.

Ce souci du témoignage vécu le plus direct possible va l’amener à mettre l’ac-cent sur ce qui pour lui est la composante essentielle de sa personnalité : sa nature méridionale et son choix existentiel d’être félibre.

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Et, puisque ça touche à ce qui est pour lui au cœur de son être, Bonfils nous em-mène sur des terrains qu’aucune correspondance de poilu n’a exploré comme lui : la complexité des rapports Nord/Sud.

Complexité car les rapports vont de la collaboration (l’idée félibréenne de la Grande France) à l’affrontement, en passant par l’affirmation des différences, qu’elles relèvent d’ethnotypes ou du choc de cultures.

Passons rapidement sur la nostalgie du Midi, et sur le bonheur qu’il y a à retrouver des Méridionaux sur le front ou à reconstituer tant bien que mal des modes de vie languedociens dans le milieu hostile des tranchées nordiques. Le lecteur se réjouira à la lecture de tous ces chants provençaux, de ces conversations « en langue » qui réchauffent le cœur des poilus, de ces masets transplantés dans les Ardennes, ton-nelles et sans doute belote comprises, de tout cet aïssablige clapassié. C’est de bonne guerre pour ces déracinés, et pour survivre, sans doute faut-il d’abord se soucier de bien vivre.

Passons rapidement aussi sur l’opposition Latins/Germains, autrement dit Fran-çais/Allemands, qui est loin de monopoliser l’attention de Bonfils. Bien sûr appa-raît, mais une seule fois, la grande idée : « Fai pas mai ! La raça latina es aqui e la raça germana s’en poudriè rendre comte! » (27 mai 1915). Mais Bonfils tempère très souvent cette vision manichéenne. À propos de soldats français enterrés par des Al-lemands : « Cau creire que pertout i a de brave mounde » (15 sept. 1914). Ailleurs, il s’oppose à Barrès qui décrivait les barbaries allemandes dans une infirmerie du front : « majors e infirmiès franceses e tudescs rivalisavoun d’ardou et de zèla pèr sou-gnà tout lou mounde » (4 nov. 1914).

Pour lui, la guerre est la guerre, certes, et, pour la gagner, il faut battre, et tuer — nous l’avons vu — les Allemands. Mais l’affrontement est plus ressenti comme un rapport de force que comme un choc idéologique : « se manja au jour de ioi d’alamand couma à-m-une epoca se manjava de capelan » (4 nov. 1914). Bonfils le catholique tendait avant-guerre la main aux républicains, Bonfils le soldat français refuse de bouffer du boche par principe.

Paradoxalement, le vécu le plus douloureux de la guerre n’est pas la confrontation avec les Allemands, mais avec ou contre les Français du Nord. Ce que Bonfils dé-couvre sur le front, ce ne sont pas les Allemands qui sont de l’autre côté des barbelés, ce sont « les gens du Nord » et le regard qu’ils portent sur lui, le Méridional. En re-tour, ses remarques les plus acerbes seront pour eux. Il y a une guerre à la grenade contre les Allemands. Il y en a une autre, à coups d’ethnotypes, contre les Français d’oil.

Tout commence par ce simple constat : les soldats du Sud ne sont pas chez eux dans le Nord, ils y sont mal à l’aise, et la conduite de la guerre se fait dans un esprit qui n’est pas le leur : « i a longtems que fasèn la guerra couma d’amatous, e acò’s pas fach pèr nostes caratèras miejournaus, viéus, empourtats e vioulents » (3 avr. 1915). Et

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ceci, alors même que Bonfils souligne que Joffre, Foch, Sarrail ou Castelnau sont des méridionaux.

Ce n’est d’ailleurs pas seulement l’action militaire qui est contraire à l’esprit du Sud, les temps de repos le sont tout autant : « vida vidante dau pialut dins sa trencada, vida abrutissanta pèr lous estrambourdats dau miejour couma sèn toutes » (5 juil. 1915).

Bref cette guerre ne convient pas à des méridionaux. Cette guerre? On se de-mande si ce ne sont pas toutes les guerres qui seraient par nature, nordiques. Les paysages eux-mêmes, ces terres tristes et ces cieux à la Vlaminck, vont si bien à la guerre!

Car vese pas ben una batalha en mitan de las flous, la vese pulèu dins un païs triste e gris couma aqueste. Cau bailà à chaca causa l’abilhage que ié counvèn, e una batalha dins un jardi flourit e perfumat salliriè lou jardi sans s’embelli ela-mèma. E lou soul sourel que cau pèr una batalha es aquel qu’avèn dins noste cor de Miejournau e que fai bouli lou sang latin que raja dins nostas venas. (28 nov. 1915)

La mentalité des gens du Nord ressemble tellement à leurs paysages, à leur climat. Bonfils, qui envoie sa lettre de permissionnaire du 10 septembre 1915 de « Mount-Peliè, jouta lou cièl sempre blu dau bèu païs nostre », désigne sans doute plus par ce cliché « lou sourel qu’avèn dins noste cor de Miejournau » qu’un état du ciel.

Comme l’olivier, l’esprit du Sud ne saurait s’acclimater dans ces terres picardes. Un jour, rentrant joyeux d’une visite à des amis méridionaux, Bonfils fait la triste expérience de ce « trou noir » où s’engloutissent sa joie et ses chansons :

Mès quand seguère tout soul sus la routa..., en m’alandant en cansous, e tout ce que pouguère me rapelà de moun ancian repertori felibrenc i passèt.... E quante coun-traste, aqueles verses miejournaus emé la terra picarda. Ni las obras de Mistral, ni las de Caussou troubavoun pas soun ressoun. La terra èra endourmida jouta lou cièl gris e ourajous, las espigas de blad ou de civada baissavoun sa cima granada, noun pas que, soui segu que la tèsta das espiguets ou lous gabèls de nostas soucas se serièn relevats quand aurièn entendut parlà en lenga nostra. (2 juin 1916)

Il y a véritablement incompatibilité d’humeur entre ce plat pays et ces espigas et ga-bèls qui, dans le Midi, se dressent, comme dans une épopée, aux accents de Mistral ou de Causse de l’Olivier.

Sous la plume de Bonfils, les ethnotypes pleuvent, comme celui-ci qui concerne les travaux des champs :

Ai vist, aici, aquel traval. Es pas desagradiéu, mès iè manca quicon, es aquela joia, aquel estrambord miejournal, aqueles refrins cantats en cor pèr lous travalhaires, aquelas galejadas dichas pèr lou pus galoi de la banda, tout en un mot ce que fai lou

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Son changement de régiment l’amenant à commander des soldats normands lui fournit matière à un long développement théorique, le seul de ce type dans la correspondance :

I a ’na granda diferencia entre lous souldats qu’ai ioi jouta mous ordres emé lous qu’avièi ièr. Aqueles an mai l’esprit de la disciplina que ce qu’avièn lous autres. Se coumandes quicon, siès oubeït sans roundinà, sans regardà se lou que coumanda es capoural ou coulounèl. E veses d’ausida quanta força! Pèr contra, as pas lou gros avantage qu’aviès emé lous miejournaus, que fasièn quicon pèr te faire plesi ou que, prevenguent tous ordres, fasièn lou traval avans que seguèsse coumandat.

Aici bailes un ordre, es esecutat. Aval, lou fan mès pas sans roundinà, mès se siès crane em’eles lou soun encara mai emé tus. Aquela diferença es ben caraterisada e ben carateristica. Quante n’en soun lous moutifs? Vese pas ben, senoun aqueste que te vau dire.

Pèr el-mèma, lou miejournau jouïs d’una prou granda libertat, pèr la bona ra-sou qu’es en granda partida ra-soun mèstre. Dins noste païs ra-soun noumbrouses lous qu’an soun floc de vigna que lous fai viéure, eles emé lous siéunes. Soun encara noumbrouses lous qu’an un atalhè de pati-pata-parés ounte l’ome gagna prou pèr faire bouli lou toupi de toutes. Aquel noumbre es toujour pus grand que lou das emplegats ou de las oubriès d’usina.

Au countrari, dins lou Nord, l’endustria fai flòri. Cau que lou carbou fague lou tra-val dau sourel e lous emplegats soun de fossa mai noumbrouses que lous patrouns. Lous pichots atalhès esistoun pas, podoun pas esistà procha de las grandas usinasses e un soul ome coumanda à mila, dous mila, dèch mila emplegats. Ce ques de l’en-dustria dau Nord l’es tamben de las campagnas de Nourmandia ounte un soul prou-prietàri es riche pèr tout un vilage. Aiçò pausat, dequ’es qu’arriba? la causa la pus naturala : lou miejournau travalha pèr soun plesi, ausarièi dire, l’ome dau Nord tra-valha pèr força. Abituat à sa libertat, lou miejournau vòu èstre toujour libre; abi-tuat au coumandament, l’ome dau Nord se troba pas tant despaïsat davans la dis-ciplina militària. Vejaqui, dins las grandas lignas, moun avejaire, que s’apuga sus de

counstataciouns. (3 déc. 1915)

Pour la première fois, Bonfils analyse longuement les différences de comportement entre gens du Nord et du Sud. Et, alors que lors de notations brèves, réflexes, il n’est question que de soleil (interne ou externe) et de paysages, c’est un argumentaire sur les conditions socio-économiques qui est, ici, développé par Bonfils.

Ainsi donc, ce ne serait ni la « race », ni la terre, ni le climat, pas même vrai-ment la culture qui seraient cause des différences entre homme du Sud et homme du Nord, mais les conditions de travail et un partage différent de la propriété. L’op-position serait entre petits propriétaires, artisans, commerçants ou paysans du Midi d’une part et ouvriers de l’industrie et de l’agriculture du Nord d’autre part. Liberté et individualisme de petits propriétaires contre dépendance et soumission collective de prolétaires.

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De là, sans doute l’immense malentendu entre ces deux communautés qui, pour la première fois, se mélangent vraiment. Car c’est à se demander : Si la guerre convient si peu à l’esprit méridional, pourquoi les méridionaux la font-ils, ou plutôt, puis-qu’ils n’avaient pas vraiment le choix entre la faire et ne pas la faire, pourquoi « ceux du Midi » sont-ils, tout comme les autres, partis fleur au fusil?

Sans aucun doute, comme l’écrit Bonfils dès le début : « per poutouneja la cara mignota de quauca poulida Alsaciana, sorre de nostas Arlatencas » (14 août 1914, 1relettre). Car, bien sûr, d’Arles à Strasbourg (comme en d’autres temps de

Dun-kerque à Tamanrasset) la Grande France est une, indivisible et souriante. Alsa-ciennes et Arlésiennes sont sœurs. C’est là une idée bien connue du félibrige mis-tralien qui, dès sa fondation en 1854, se défend bec et ongles contre les accusations de séparatisme. Précision que donne, dans un clin d’œil qui fait allusion au poème de La Comtesse de Mistral, Bonfils lui-même : « En França (m’entendes ben, quand dise en França, es tout : la sorre e la sourrastro) » (2 juin 1916). L’idée fera fortune dans les formules si répandues de « grande » et « petite patrie ».

Le Midi, d’autant plus soucieux d’affirmer sa solidarité avec la nation française qu’on le soupçonne de vouloir jouer au petit jeu de l’indépendance, s’engage à corps perdu dans la bataille de reconquête des provinces françaises perdues.

Cette idée, cet idéal, n’est jamais remis en cause dans la correspondance de Bonfils. Et ce, malgré la réalité qui va très vite le faire déchanter, les couleuvres à avaler étant au moins aussi grosses que celles de Montpellier.

Car il n’est pas évident que les peuples qu’il va libérer au péril de sa vie (et ce n’est pas une façon de parler) veuillent être libérés : « E dire que dous jours après nosta arribada, lous Raouneses [de Raon-l’Étape, Vosges] implouravoun à cor e à crids lous Prussians. Belèu perdequè pagaven tout ce que nous voulièn vendre ou que prenièn pas las filhas de força... » (4 nov. 1914).

Le sergent Caubet fait le même constat dès les premières phrases de ses Mémoires de guerre et de captivité : « Je ne m’étendrai pas sur les divers cantonnements que nous fîmes dans certains villages [aux environs de Verdun], tous ont la même ba-nalité : en général nous étions reçus comme des visiteurs importuns, c’est-à-dire mal. Nous étions à la fin de janvier 1916..., nous souffrions et certains [poilus de ce régiment méridional] maugréaient : “Que diable allions-nous faire dans cette galère1?” »

Quelle amertume de subir « l’aculida reservada pèr lous gens de l’Uba ou dau Nord au souldats dau Miejour : Il vaudrait mieux avoir affaire à des Prussiens! Nautres que sèn toumbats sans pòu pèr pas que sous oustaus siègoun brullats e sas filhas desounouradas... » (5 déc. 1914).

1. Georges Caubet, Instituteur et sergent, mémoires de guerre et de captivité, présentés par Claude Rivals, Carcassonne, Fédération audoise des œuvres laïques, 1991, p. 13.

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Pire. Non seulement ces libérés se méfient grandement de leurs libérateurs, mais on en vient à douter de leur nationalité. Ces provinces « françaises » réservent dé-cidément bien des surprises quand on gratte les couleurs des belles images d’Épinal. La France est-elle une illusion, ou ces rebuffades sont-elles l’œuvre de l’anti-France? « Es pas possible de dire couma aqueles païses de l’Est de la França soun germani-sats. Seriè-ti une preparacioun calculada pèr la cour de Guilhaume avans la guerra? » (4 nov. 1914). Les provinces devenues allemandes ont été, de 1870 à 1914 le ferment principal et la justification du nationalisme français. Mais Bonfils découvre qu’elles se considèrent bien peu françaises. Face à ça, il a d’ailleurs le réflexe d’accuser les Allemands de bourrage de crâne sur les pauvres habitants. Se rend-il compte que c’est un peu (le problème est quand même bien moins aigu) ce que les « Parisiens » disent de la propagande félibréenne? C’est aussi en invoquant l’attachement sup-posé de ces provinces (perdues « malgré elles ») à la patrie française qu’on interdi-sait moralement à toute autre région la moindre idée de séparatisme.

Il doit être fort inconfortable de se battre à mort pour des idées aussi fragiles! D’autant que, dans le Midi lui-même, le ver est dans le fruit. Certains méridio-naux ont tendance à faire « profil-bas », à culpabiliser face aux terribles évène-ments du front. À un ami qui lui écrit : « Nous, les méridionaux, sommes vraiment favorisés », Bonfils répond :

i ai dich : Hou crese pas. S’aven pas noste terraire trepilhat, nostes oustaus engru-nats e nostas gens en païs counquistat, cau pas dessoublidà que lou miejour a pagat mai que sa part e qu’a ressachut prou de camouflets à la Gervais. I ai fach la coum-parasou entre lous miejournaus ressachent lous refugiats e lous tipes de l’Est ou dau Nord ressachent de souldats dau miejour. Enfin, i ai renouvelat que noste sòu es estat chaplat — à-m-una epoca — e que malurousament digus ausava pas pus n’en parlà e pas gaire s’en souveni. (4 nov. 1914)

Certes, le Midi n’est pas concerné par les opérations militaires de cette guerre, mais les Méridionaux le sont! Et ceci sans aucune reconnaissance, voire au prix d’humiliations cuisantes.

C’est dans ce registre que le journal de Bonfils prend toute son importance. Fé-libre engagé, il l’est, répétons-le, sur deux fronts. Français, il fait la guerre aux Alle-mands. Félibre languedocien, il se bât contre ce qu’il faut bien appeler un racisme anti-méridional au quotidien.

Ce deuxième combat le mènera jusqu’en conseil de guerre.

Tout commence par la décision (mais pour Bonfils et Azéma, c’est une évi-dence), d’écrire leur correspondance en occitan. On a vu qu’une des premières lettres est détruite par la censure, dépitée de ne pouvoir lire le texte. Plus tard, Bonfils ayant monté en grade, parler patois sera perçu selon les interlocuteurs comme une douce manie, une provocation ou de la démagogie. Par exemple, lorsqu’un soldat

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originaire de Paulhan (Hérault) est victime de quolibets anti-méridionaux, Bonfils lui parle « en lenga et tout lou mounde seguèt estoumaca de m’ausi. Lou patois pèr aquel mounde, acò’s quicon de talament ourdinàri, vulgaire — couma disiè l’autra pè-pia — qu’on auriè jamais cresegut qu’un lioctenent ausèsse lou parlà. Mès ièu ausère, e acò me varguèt de prene la desfensa d’aquel paure bougre qu’èra sujèt à toutes lous camouflets de la part de sous coulègas. Penses, d’un autre coustat, se moun Paulhanés èra countent! » (24 nov. 1914).

Ce cas-là est bénin, mais annonce l’escalade qui va conduire Bonfils en conseil de guerre. Il est, après une pneumonie qui l’éloigne un moment du front, nommé lieutenant dans un régiment normand. Il est donc linguistiquement isolé. La ten-sion monte assez vite. Après l’épisode concernant la défense du soldat de Paulhan, Bonfils croise la route de soldats marseillais que la honte d’appartenir au XVecorps a

conduit à demander leur changement dans une unité septentrionale. Ce XVecorps,

originaire de Provence, a été dénoncé comme la cause des défaites de l’automne 1914 par le sénateur Gervais. Cette accusation officielle (démentie mal et trop tard par le gouvernement) est à l’origine d’un état d’esprit anti-méridional qui se généralise dans l’armée et à l’arrière. La honte de leurs origines (l’auto-odi) de ces soldats mar-seillais est du pain béni pour le capitaine qui s’en sert pour harceler Bonfils. Celui-ci est donc pris entre deux feux. D’un côté, un capitaine « français » acharné à déni-grer les méridionaux. De l’autre, de très jeunes provençaux qui, face à la propagande hostile aux méridionaux, ont craqué jusqu’à renier leur origine. Remarquons que la scène se passe en mai 1916, soit presque deux ans après les accusations contre le XVecorps. Aucun démenti officiel n’a pu cicatriser la plaie.

Lou capitàni, emé sa vouès de sarralha rouvilhada, se fasié un plasi de parlà mau das miejournaus; toutes lous cors dau Miejour ié passavoun, e ajustèt mèma : J’ai dans ma compagnie une quinzaine de volontaires venus du 141ede Marseille, exprès pour

ne plus appartenir au XVecorps. Te dise pas se l’ai remès à sa plaça couma se dèu. Mès

ce que i es estat pus grèu es quand vegère sous bluets de la classa 16 e que ié diguère, en lenga d’oc ben entendut : Se ce que m’an dich es vrai, qu’avès vergougna d’éstre miejournaus, sès pas que de bastards, e acò vous pourtarà pas chança. Ié diguère acò e quicon mai, couma penses, ié citère de numerots de regiments das 1ee 3ecors

qu’avien foutut lou camp ou que s’èroun renduts, etc.

Aqueles souldatets, pecaire! sabièn pas pus dequé dire e vegère sus la gauta de mai d’un una espressioun malurousa e trista, quand en lous quitant ié diguère : Serès toujour de malurouses; sès toumbats dins un regiment ounte noste bèu païs es mau vist, ounte vous defendran de parlà vosta lenga, e es pas en francimand que pourrès vous rapelà das bords dau Rose ou das serres de las Cevenas. (3 mai 1916)

À ce niveau, nous avons une engueulade avec un supérieur obtus, et un sermon mus-clé à de jeunes recrues qui ont cédé sous la pression d’un harcèlement ethnique. Mais le 28 juin 1916, l’affaire s’envenime.

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Nous sèn engulats ièr, couma de peis pourrit, avèn mancat nous foutre sus lou mourre, H... (moun coumandant de coumpaniè) e ièu, à perpaus dau famous afaire dau XVmaCors qu’el generalisava pèr tout lou miejour, toutes lous miejournaus sans

ececioun, mèma Joffre, Castelnau e lous autres, e ièu pèr-dessus tout. Couma acò s’es passat davans tout lou mounde, l’afaire fai un brave escandale. (28 juin 1916)

Il y a à coup sûr querelle personnelle entre deux individus. Mais l’affaire du XVecorps, est des plus sensibles. Pas moins de quinze chroniques de Pierre Azema

pour le journal Lou Gal, publiées en recueil en 19301lui sont consacrées, et une

dizaine d’autres y font directement allusion. C’est dire que le capitaine chatouille Bonfils là où ça le démange.

L’ethnotype devient flagrant quand, de la (supposée) défection d’un corps d’ar-mée, on passe à la mise en accusation de l’ensemble des Méridionaux, y compris des personnalités alors aussi indiscutables que Joffre ou Castelnau, impliqués dans l’affaire par leur seul lieu de naissance.

Deux jours après, c’est le conseil de guerre. Certes, nous ne sommes pas en 1917, quand la repression des mutineries entrainera des verdicts d’une extrême sévérité. N’empêche : « Lou moutif de moun acusacioun èra : Injures envers un supérieur et menaces. Coumprenes qu’em aqueles 6 mots, i aviè lou pes » (11 juil. 1916).

Le jugement du tribunal militaire est exemplaire. Bonfils a beau souligner le fait que plusieurs juges étaient eux-mêmes méridionaux, il est probable qu’une vision politique plus générale a motivé l’acquittement : « aquitat emé felicitaciouns pèr avudre aparat la reputacioun d’un païs que s’hou ameritava à mai d’un titre, 30 jours d’arrèsts simples pèr H. pèr michantas paraulas sus de souldats franceses » (11 juil. 1916).

Les termes du jugement sont significatifs. Peu importe que les termes rapportés par Bonfils soient les termes exacts ou non, ce que nous ignorons. Mais le fait qu’il les rapporte ainsi est révélateur. Lui-même est acquitté pour avoir défendu un « pays », alors que son adversaire est condamné pour avoir calomnié des « soldats français ». D’un côté, donc, un pays, que l’on se garde bien de trop définir. Mais même si le mot pays n’est pas du tout synonyme d’État, il faut bien comprendre qu’on parle là d’un territoire, avec ses habitants, sa société, sa culture, peut-être même sa langue. C’est tout cela qu’a défendu Bonfils. De ce territoire sont venus à la guerre des hommes, qui doivent désormais être confondus avec tous les autres, et c’est pour avoir, parmi tous ces soldats français, établi une discrimination dangereuse que le capitaine est condamné. Le conseil de guerre semble vouloir anticiper sur la chanson de Maurice Chevalier : « Et tout ça, ça fait, d’excellents Français, d’excellents soldats... » Les guerres aiment l’union sacrée.

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On comprend que, quelques jours plus tard, lors d’un fait d’armes, les cicatrices soient mal refermées :

Tout aquel traval fach pèr un pougnat d’omes coumandats pèr Roussel e ièu. Lecoq s’oucupava das presouniès — e H. nous aplaudissiè... genre lous Italbòchous : Bravo! Signor Tiniente, bravo! bravo! e zou! lou nas dins lou bouièu. Ah! lous an vistes, lous Miejournaus. E el que m’aviè dich 6 jours avans : Je te surveillerai, et tu

marcheras droit! (11 juil. 1916)

Même si Italbòches ne désigne que les Italiens, il n’est pas douteux que l’emploi du mot blessant met dans le même sac tous les sudistes de l’Europe.

Dans ce contexte doublement hostile, en lutte contre les soldats allemands, et en butte aux Français du Nord, civils ou militaires, Bonfils va s’attacher à mettre en œuvre une batterie d’images positives du méridional. C’est la mission presqu’impossible qu’il s’impose.

Son premier moyen est d’acclimater au front un mode de vie qu’il pense sans doute supérieur, au moins plus agréable. C’est d’ailleurs le réflexe général de tous les Méridionaux. Les descriptions de tonnelles et de masets dans les tranchées sont légion :

Mès, lou maset es pas soulament la barraca jout-terrana, es tamben e sustout la tou-nella, car moun brave amic avèn una tounella facha de nostas mans. Poudèn i anà una dechena sans nous geinà. I a ’n banc que tèn tout lou founs de la tounella e dous pichounets plaçats à drecha e à gaucha de la porta; en mitan, una taula. La tounella e la barraca portoun d’escrich pèr titoul : Lou maset e pèr divisa : Aici biscan pas. Poudriès pas creire ce que s’es begut e cantat jouta aquela tounella. L’Espounga es

de fu-fu à coustat. (31 mars 1915)

Ou encore :

Dins nosta trencada, me regalave de matis de veire un souldat escriéure sus la plancha que tèn la terra de soun abric : Li sian pas qu’un. A soun coustat pos legi : Lou cabanoun, La Prouvènço flourido, Vila de la Crau, La Cetoria, e n’i a couma acò, e

n’i a! (2 juin 1915)

D’ailleurs, chaque fois que c’est possible, des félibrées1spontanées sont organisées.

Celles avec le capitaine-félibre niçard Cagnoli ponctuent l’année 1916. Et à Noël, « quauques Prouvençaus an cantat “Prouvençau e catouli”. Lou menaire d’aqueles cantaires es lou serjant-major de la 5ma, lou felibre Arné qu’es de Marselha e membre

de L’Escolo de la mar... » (22 fév. 1916).

Bref, malgré les évènements, la félibrée continue. Et continuera après guerre, quoi qu’il arrive :

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Oi, trobe l’idèia de roumavage pedèstre à Las Santas mai qu’urouse. E pos creire qu’es de grand cor que m’escrive. Oh! lou viage poueticament religious. Oh! emé quante amour e quanta devoucioun pregarian nostas santas de Mirèio! Mès proumeten-nous una causa : es que lous que demouraran (poudèn pas toutes parti, vejan!) lou faran, lou roumavage, en souveni de lou ou de lous qu’auran pagat de sa pèl la lucha contra lous Barbares. E serièi d’avejaire de coumençà de relevà ’na lista de noums : lista courta e amistousa, d’aquela amistat que se counfound emé la frairetat. Roumavage frairenal e felibrenc... (12 mars 1915)

Il y a là sans doute une grande part de nostalgie du Midi abandonné, il y a surtout le désir de maintenir le moral, le sien et celui de ses troupes.

Et un des meilleurs moyen de maintenir le moral des troupes, c’est sans doute de « faire corps ». L’idéal serait un régiment homogène : « Vese espeli chaca jour, aici, un Clapassiè nouvèl que se recoumanda à ièu... Poudrièn mountà une coumpaniè res que de Clapassiès » (7 juil. 1915). La langue est bien sûr le fait le plus visible de cette communion, le plus solide sans doute car le plus immédiat, celui qui touche directement l’affectif de ces hommes déracinés :

M’aimoun fossa, soui fièr de te lou dire. An troubat en ièu un amic e pas un chef, un aparaire e pas un coumandaire. Se metoun en quatre pèr me faire plesi, car saboun que lous anarai veire à quanta ouro que siègue et quante tems que fague, e saboun sustout que ié parlarai en lenga d’oc. — Aco’s bèu, moun ome, de pourre parlà la lenga de la terra nostra. N’i a pas un que me parle en francimand.

(30 avr. 1915)

On ne parle pas français, ou bien peu, car il y a toujours, dans le lot, quelques en-fants perdus, assez dénaturés pour renier leur patois. Nous avons déjà croisés les transfuges du XVecorps, à l’origine de l’altercation de Bonfils avec son capitaine. En

voici d’autres : « Un m’a mèma dich : Je ne comprends pas le patois. I ai respoundut : Lèva-te d’aqui, me fas veni lou bòmi! » (7 juil. 1915). Pendant toute la première par-tie de sa guerre, tant qu’il apparpar-tient au XVIecorps, celui des languedociens, Bonfils

peut croire que l’objectif qu’il s’assignait dès le départ est possible : « mountà in as-saut emé ma secioun en cantant “Lou maset” e travessà las carrièiras de quauca vila germana en bramant : “Enfants de Mount-Peliè” ou “Aquelas mountagnas” (14 août 1914). C’est en bona lenga d’oc qu’il conduit sa troupe au combat de Lombaertzyde : « Zou! enfants, aqueste cop cau gagnà ou crebà » (Noël 1914).

Et c’est encore en tant que félibre que ces soldats savent payer de leur personne, pour l’exemple, pour montrer de quoi ces Méridionaux sont capables. Après sa ci-tation dont le journal montpelliérain L’Éclair s’est fait l’écho, Filhou, faussement agacé par son ami Belloc (avec qui il a créé sa pièce Jout un balcoun) écrit :

Jusqu’à-m-aquel bougre de Belloc à Paris, que s’amusa a carrejà pertout e à faire legi à toutes lou retal de L’Éclair que i an mandat. Fisàs-vous as amics, pioi! Soui un pauc

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fièr d’èstre estat un jour l’ome dau jour, sustout pèr la proupaganda felibrenca que ma letra a pougut faire. (1erfév. 1915)

« Ad majorem gloria Felibrorum », pourrait-on dire en parodiant la devise des Jésuites. Et la mort du félibre Émile Arné arrache à Bonfils cette épitaphe : « Lous felibres, de fes, saboun se faire tugà » (7 juil. 1915).

Le dernier moyen, le plus puissant, le talisman souverain, c’est l’obra felibrenca, même si celle-ci doit être adaptée aux circonstances. Affecté, déplacé pourrait-on dire, après sa maladie dans un régiment exclusivement francophone, Bonfils va de-voir inventer le félibrige sans la langue, retrouvant le concept controversé des Ciga-liers parisiens, mais c’est un cas de force majeure. L’étonnant, comme souvent dans ce journal, c’est que sa réflexion précède lucidement son action :

Coumandant una coumpaniè de miejournaus, farièi una obra felibrenca : la que penses. Coumandant una coumpaniè de nourmands, farai mous esfors lous pus grands pèr i aprene ce que sèn e ce que valèn. E me demande, se reüssisse a ié baila das miejournaus una autra oupinioun que la qu’a bailat lou gus de Gervais, s’aquela obra serà pas de felibrige, mèma se sèn oublijats de faire de felibrige sans la lenga. M’es d’avejaire qu’es acò ma toca nouvella dins moun nouvèl regiment.

(3 déc. 1915)

Un peu plus tard, il sera à même d’écrire une sorte de « rapport d’étape » :

Moun obra felibrenca marcha ben. Estent revengut ce qu’ère, lou pialut d’autres cops emé quauques avantages de mai, pode milhou que ce qu’aurièi cresegut oubrà pèr noste miejour...

E mous souldats m’hou disoun : aurièn pas cresegut qu’anesse dins lous endrechs reputats dangeirouses, que lou bruch dau canou ou de la mitralha me faguèsse tant pauc d’efet, talament èroun segus que lous miejournaus avièn la peta.

(26 déc. 1915)

Même son commandant en voit ses convictions retournées : « Bonfils, nous étions deux amis, je te regretterai beaucoup,... tu m’as donné sur le Midi une impression toute autre que celle que j’avais » (2 juin 1916).

Finalement, c’est tout le monde qui est contraint de « pensà das miejournaus qui-con mai que ce que nous supausoun èstre » (26 déc. 1915). Tout est bien qui finit bien : Un Filhou dans chaque régiment, et la France entière serait félibre...

Il y a de quoi être fier! C’est le premier réflexe de Bonfils. Qu’il se reproche aussi-tôt. Mais par effet de boomerang, cet orgueil du travail accompli, qu’il rejette loin de sa propre personne, revient encore une fois, plus fort, et encore une fois Bonfils l’accepte puisque c’est le félibre qui le reçoit : « Pioi, me reprenguent, soui estat en-cara pus fièr d’èstre ièu pèr dequ’ère felibre, e perdequé ère segu que soul lou felibrige poudiè nous bailà aquela força, aquel caratèra » (26 déc. 1915). « Ad majorem gloria

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Felibrorum », bis ; ou comment, un an après la mort du Maître, la « Compagnie de Mistral » reste en ordre de bataille.

Chaque Méridional est un ambassadeur porteur de l’image du « pays » : « As vist e coumprès que ce que nous aviè fach marchà èra la reputacioun de noste bèu Miejour dins un regiment de Nourmands » (26 juil. 1916).

Ayant affirmé l’éminente dignité des occitans si décriés, et ayant prouvé sabre au clair la valeur des Méridionaux, Bonfils trouve un certain plaisir à cette nouvelle forme d’action :

Es una obra nouvella pèr ièu, qu’aquel felibrige sans la lenga. Dirai pas qu’a lou charme de l’autre, mès mentirièi s’ausave afourti que n’a pas ges; e pioi, dins nosta counditioun avèn pas lou drech de demandà l’impoussible. (26 déc. 1915)

Le félibrige, avec ou sans la langue, est devenu le grand’œuvre qui permet à Bonfils de réussir son action : transformer l’image négative des méridionaux. C’est un peu la terre où il va, comme Antée, poser ses épaules pour reprendre force. Face aux Français ou aux Allemands qui l’ignorent ou le méprisent, c’est un défi sur lequel il s’arc-boute et qui va bander ses forces.

On ne s’étonne pas que ce soit en occitan que, survolté, il attaque un jour, tout seul, une tranchée, au bluff. Il triomphe grâce à la langue qui lui donne, à lui, toute son assurance et dont l’étrangeté déstabilise l’officier allemand qui annonce, en français, sa reddition :

Emé ma vouès de cascarineta cridère as Bòchous dau vilage « Rendez-vous! » Pioi couma digus se fasiè pas veire ié gulère : « Ebé! Quand voudrès! N’avèn un sa-doul, zou! Kamerad, rendès-vous! » Quicon de sublime se passèt : l’ouficiè que coumandave agitèt un drapèu blanc, sourtiguèt de soun fourtin e diguèt : « Nous nous rendons. » Nosta lenga encara un cop veniè de triounflà! (1 juil. 1916)

In hoc lingua vinces : par cette langue, tu vaincras.

Épilogue : le 13 septembre 1919, lors de l’hommage rendu par la ville de Mont-pellier au XVIecorps d’armée, Pierre Azéma étant présent à la tribune officielle, le

général Deville, son commandant en chef, martèlera par deux fois, mots pour mots, dans la même journée, mais dans deux discours différents, une phrase qui efface le sens profond du journal de Bonfils : « [Rendons hommage] au lien qui a toujours relié le front et l’arrière, le Nord et le Midi. »

Cette litanie répétée comme une application de la méthode Coué est un onguent destiné à effacer les cicatrices, voire à nier leur existence même.

La guerre, puis la victoire n’ont de sens que si elles ressoudent l’unité de la grande France. La publication du journal de Bonfils, préparée par Azéma et qui a fait l’ob-jet d’une souscription réussie dès le mois d’août 1918, n’est plus d’actualité dès 1919.

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L’heure est à l’unité, tout le monde a fait « son devoir » et il serait malséant de faire ressortir (trop tôt) les clivages qui déchirent cette correspondance.

Le 5 mars 1920, la Légion d’honneur est attribuée à titre posthume à Louis Bonfils, et le 13 juin de la même année, les félibres de Paris, conduits par Joseph Loubet et Joseph Belloc, effectuent un pèlerinage à Bienville (Oise), sur la tombe de Filhou.

Note sur le manuscrit et son édition

Les lettres de Louis Bonfils publiées ici le sont d’après une copie manuscrite de Pierre Azéma. Celui-ci, à une date inconnue mais très proche (juste avant ou juste après) de la fin de la guerre, a retranscrit la correspondance sur des feuilles volantes 21 × 27 cm quadrillées. Les feuillets sont numérotés de 1 à 90. La page 37 est perdue. Certaines de ces feuilles sont découpées au ciseau pour éliminer, après réflexion, certains passages.

Les 76 premières pages sont écrites à l’encre noire, les suivantes à l’encre bleu tur-quoise. Cette encre bleue sert à corriger ou reprendre quelques mots de la première partie, ou à biffer quelques lignes.

La dernière feuille, recopiant une lettre du 11 décembre 1916, peut-être la dernière lettre cette année-là, ne comprend que deux lignes en haut de page, ce qui laisse supposer que nous possédons l’intégralité de ce qu’Azéma a retranscrit.

Mais Pierre Azéma n’a pas tout retranscrit. D’abord, aucune lettre n’a d’intro-duction, ni de formule de politesse. Par ailleurs, quelques lignes, d’abord recopiées, ont été à la réflexion biffées jusqu’à être illisibles. Enfin, le découpage au ciseau qui affecte cinq feuillets correspond à l’évidence à des coupures de texte.

Surtout, certains passages de la correspondance manquent à coup sûr, sans que leur absence ne laisse de trace visible. Certes, cette correspondance est, d’emblée, destinée à servir de mémoires de guerre, et à être publiée. Mais comment imaginer qu’aucune phrase ne concerne Pierre Azéma lui-même, ou ne s’adresse directement et personnellement à lui ? Par exemple, lorsqu’il est blessé et trépané en 1915. Il n’en est jamais question dans les lettres, pas une seule fois Bonfils ne s’informe de la santé de son correspondant. Pas plus qu’avant sa blessure et sa réforme, il ne s’informait de ses faits de guerre. Bref, Azéma n’existe pas dans ces lettres. Traduisons : Azéma a supprimé tout ce qui le concernait personnellement, s’est littéralement effacé.

Nous savons par ailleurs que Bonfils est très proche au début de la guerre d’une certaine Rose Lacombe, de Figuerolles. Nous savons aussi que, le 1erjanvier 1918,

il avait annoncé ses fiançailles avec Hortense Forestier, de Frontignan. De cela, pas plus que de sa famille ou de ses amis montpelliérains, rien ne subsiste dans la correspondance.

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Bref, toutes les notes personnelles sont effacées.

Effacées aussi les mentions du journal Lou Gal que dirige Pierre Azéma dès la fin de 1915 et que Louis Bonfils codirige du front.

On se demande alors, aussi et surtout, si les coupures n’ont pas touché aux opi-nions mêmes émises par Bonfils. Certaines lignes de points sont inquiétantes. Les unes semblent correspondre à des coupures de passages personnels. Par exemple, le 8 février 1916, des points séparent l’annonce de l’aménagement futur de la tran-chée par l’adjonction d’une tonnelle de la réception du récit de la journée d’Azéma à Montpellier. Nous ne sommes pas dans une zone de tension du texte et ce qui manque doit relever davantage de l’intime que du subversif.

Mais, le 7 juillet 1915, une ligne de points suit immédiatement des récriminations : « emm... lous que soun en dessus de ièu... Acò t’esplica prou perdequ’ai pas ges de crous de guerra. » Le ton montait-il encore, montait-il trop haut? Décrivait-il de façon trop crue la façon qu’avait Bonfils d’emm..., c’est à dire de contester ses supérieurs? De même, le 7 juin, la ligne de points suit la dénonciation de ceux « qu’an agut una autò à oufri à un general, à coundicioun de ié la menà pour la durée de la guerre ». Ils devaient en prendre pour leur grade!

Enfin, et là, c’est un regret, la correspondance s’arrête fin 1916, soit dix-huit mois avant la mort de Bonfils, nous laissant tout ignorer des pensées et des actes, des vic-toires ou des défaites idéologiques de celui qui, quand même, sera nommé capitaine. La chemise contenant le texte a été conservée dans la famille de Pierre Azéma jusqu’au début des années 2000. Elle entrera après publication dans les collections de la médiathèque de l’Agglomération de Montpellier. Mais que sont devenues les lettres originales de Louis Bonfils?

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Lettres de Louis Bonfils (en occitan)

14 d’agoust1

... Nostra partença es fissada, pareis, à deman au vèspre. Se parla d’un arrèst à Mar-selha ou à Lioun, d’una partença dirèta pèr Lunevila, Langres ou en quicon mai. Fai que de tout acò, t’affourtisse pas res; t’hou dirai quand ié serai ou quand n’en revendrai... se n’en revène.

Oh! T’esfrayes pas ; car se, maugrat ma galoia imou, moun enveja baucha d’anà travessà las pinèdas de las Vosjas, me fau una perfèta idèia das risquas qu’anan courri, me fau pas de michant sang pèr tant pauc. Mès... i a talament de mau-adrechs en Alemagna qu’una bala perduda poudriè ben m’empougnà.

Acò’s lou triste coustat de l’afaire, mès d’un autre coustat n’en vese lou poulit, e chaca jour trobe una coulou nouvella au tableù que vole pintrà pèr lou metre dins la galariè de ma memòria. Couma, presemple, de mountà in assaut emé ma secioun en cantant Lou maset e travessà las carrièiras de quauca vila germana en bramant : Enfants de Mount-Peliè ou Aquelas mountagnas2. Me vese encara poutounejant la

cara mignota de quauca poulida Alsaciana, sorre de nostas Arlatencas3.

Dounc en un mot, partisse em’un bon espèr d’un milhou retour. R

Sant Roc 1914 [16 d’agoust]

Partissèn à 17 ouras, direcioun Dôle, em’arrèst en Avignoun deman dilus et à Dijoun dimècres. Pioi...

1. À la déclaration de guerre, Louis Bonfils fait son service militaire en Corse.

2. Alors que les chants bellicistes français étaient nombreux, les chants occitans qui doivent gui-der Filhou ne sont pas belliqueux. Lou maset de Mèste Roumiéu, écrit par Louis Roumieux, est un hymne aux masets. Enfants de Mount-Peliè (en fait : Bèu Clapas!) paroles de L’Escoutaïre (François Dezeuze), musique de Justamand, a pour refrain : « Enfants de Mount-Peliè / E dau même quartiè, / Nous souvendren toujour / D’aquel bèu nis d’amour. » Aquelas montanhas serait plus « occitaniste », bien que sa connotation nationale soit sans doute plus récente.

3. Nous verrons plus tard les réticences de ces Alsaciennes nostalgiques de l’occupation allemande entre 1870 et 1914.

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Soui lou soul sarjant qu’age dins soun sac las 8 cartas d’estat-major pèr la guerre. Acò me vai pas qu’a mistat; aquela marca de fisança s’endevèn pas prou ben emé moun caratèra.

R Lou 18 d’agoust, 18 ouras

Après 40 ouras de cami de ferre e 5 ouras de marcha, me vejaici dins un païs perdut de la frountièira... Sèn ara à quauques kiloumèstres de l’Alsaça e à 25 km d’ounte se mitralhoun. Deman ou après-deman à noste tour serèn sus lou prat-batalhè.

Veses que poudièi pas dire tant courta e tant crusa aquela trista veritat as miéunes. Aurièn agut encara mas de làguis que de courage, e es lou countrari que cau ioi.

R Trobach-lou-Naut1, 22 d’agoust

Lou 19 d’agoust, lendeman de nostra arribada, partiguèren à 2 ouras dau mati pèr anà renfourçà la bregada que se batiè un pauc davans Mulhouse. A 9 ouras èren renduts a Tagolsheim, après avudre travessat las planas fertilas de l’Alsaça e saludat lou paures morts toumbats aqui quauque jours davans ou lous que iè dourmissoun desempioi 44 ans.

Lou païs es manific, à perta de vista de planas de tuferas, blad, luzerna, bleda-ravas, etc. Ailas ! i a pas un floc de terra que noun siègue estat trepilhat pèr de sou-dards en batalha, un valat qu’age pas carrejat de sang, un recantou que siègue pas un cementèri! Es à creire que se las recoltas soun bonas, hou devoun au sang voujat2,

qu’a trempat e retrempat aquel sòu.

Lou canoun roundinava desempioi quaucas ouras quand arribèren. Lous Prussians èroun à 4 km d’aqui, en presas emé lous 157ma, 253mae 97ma.

1. Trobach-le-Haut : nom d’un village du Haut-Rhin, occupé dès le premier jour de la guerre, et qui reste français pendant toute la durée du conflit.

2. On pourrait dire que Bonfils fait ici allusion à La Butte Rouge (de Montéhus et Krier) écrite à propos de la « Butte Bapaume » si la chanson ne datait pas de 1922 : « La Butt’ rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin / Où tous ceux qui montaient roulaient dans le ravin. / Aujourd’hui y’a des vignes, il y pousse du raisin. / Qui boira ce vin là, boira l’sang des copains. »

Dès son premier numéro de janvier 1915, le journal Lou Gal publiait un sonnet de Louis Bonfils : Ier... Ioi... Deman... de même inspiration : « Lou blad era madu e roussel couma d’or / Lou paisan garrut, tout agusant sa dalha / Vesiè lou gran croumpat, soun graniè ple de palha / E sa joia valié lou pus riche tresor. / Sans comte avié bailat la susou de soun cors / Per ’segurà lou pan de touta sa marmalha / Lou camp es tremudat en un prat de batalha / Ount de poples vesis se basseloun à mort. / Lous valats sount rasiès d’un sang ple de jouinessa / Lou dalhaire veirà quand tournarà deman / De brouquetas en crous as cantous de soun camp / Placadas sus de cros per quaucas mans amigas / Qu’an relevat de morts couchats sus las espigas. »

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Lou 38mad’artilhariè e lou 6macoumencèroun à mountà sas pèças e à chaplà lous

càscous pounchuts1. Nautres dintrèren dins lou fioc à noste tour. Mès noste

batal-houn sourtiguèt lèu d’aqui pèr anà aparà una autra mountagneta ounte seguèren tranquilles jusqua dors 3 ouras dau tantost.

A-m-aquel moument, moutèren carrament à l’endrech que lous Alemands tenièn desempioi lou mati.

Ah! quante triste escalage ! De morts, de blassats, de jouvents que plouravoun, de balas que siblavoun, d’oubusses qu’esclatavoun.

Dins lou camp de blad, qu’esperava pas parièira meissoun e pariès meissouniès, lous càscous pounchuts ravalavoun, mès d’aire, pas pus digus.

En courriguent, travessan la plana, e à 6 ouras coumençan de dintrà dins un bos espès e negre, d’un negre que la nioch toumbanta aumentara encara. Lasses de mar-chà e de pas res troubà, nous revirèren, mès das 1500 omes que i èroun dintrats, quau se perdèt à drecha, quau à gaucha, e à pena una cinquantena sourtiguèroun dors 10 ouras dau vèspre.

Pèr moun groupe, cerquèren lou cami dau retour sans lou troubà ; decidèren dounc de nous jaire aqui e d’esperà lou jour. Te parle pas de noste estat d’esperit a-m-aquel moument, de la previsioun de noste revèl e de noste sort.

Una mièja-oura après — poudiè èstre mièja-nioch — ausiguèren una fusilhada. Te pintre pas, senoun noste esfrai, au mens nosta suspresa. Tout comte fach èra 4 ou 5 paurucs nostres qu’avièn agut pòu e qu’avièn tirat.

Lou jour enfin venguèt, après aquelas quaucas ouras passadas sus de fiolhas ba-gnadas en se quichant à 3 ou 4 pèr pas trop senti lou frech que maugrat tout nous glaçava. Cau pas te dire que desempioi lou mati avièn pas res ou quasi pas res manjat, e begut soulament quauques degouts d’aiga limpousa presa au prumiè rec vengut.

Emè lou jour troubèren enfin lou cami e gagnèren noste batalhoun en plena pagalha après avudre à Illfurt2begut quauques iòus e un pauc de lach.

Desempioi aquela journada que s’en parlarà longtems, ounte gagnèren un beù caire de terren mès que coustet car (subretout pèr de fautas ourriblas qu’un elèva-capoural auriè pas fachas mès que de 3, 4 ou 5 galouns faguèroun) pas rès de ben nòu. Quaucas pousiciouns d’avans-poste e pas mai.

La reserva essent arribada pèr oucupà lou terraire gagnat, nautres faguèren mièch-tour, e direcioun Belfort. Cresièn ben nous embarcà ioi; es pas que deman que quitaren l’Alsaça pèr la França3e Belfort pèr St-Dié.

1. Casque à pointe désigne par métonymie le soldat allemand. Les Allemands avaient été équipés dès le début de casques à pointe confectionnés en cuir bouilli n’offrant aucune protection réelle. Le casque Adrian français n’est entré en service qu’en 1915.

2. Illfurth, actuellement dans l’aire urbaine de Mulhouse.

3. En 1871, le territoire de Belfort était resté français. Notons au passage que, en 1914, l’Alsace est encore, mentalement, hors de France pour Bonfils.

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