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Quelle gouvernance climatique en droit belge, au lendemain de l'échec d'une proposition de loi spéciale sur le climat ?

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Academic year: 2021

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Quelle gouvernance climatique en droit belge, au lendemain de l'échec d'une proposition de loi spéciale sur le climat ?

Auteur : Lietard, Tom

Promoteur(s) : Durviaux, Ann-Lawrence

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en droit, à finalité spécialisée en droit public et administratif (aspects belges,

européens et internationaux)

Année académique : 2019-2020

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/9288

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Département de Droit

Quelle gouvernance climatique en droit belge,

au lendemain de l’échec d’une proposition de loi spéciale

sur le climat ?

Tom LIETARD

Travail de fin d’études

Master en droit à finalité spécialisée en droit public et administratif

Année académique 2019-2020

Recherche menée sous la direction de : Madame Ann Lawrence DURVIAUX Professeur ordinaire

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RÉSUMÉ

L’objet de ce travail de fin d’études est de mettre en lumière les différentes difficultés que connait la gouvernance climatique de la Belgique, de les analyser, de développer ensuite les solutions qui ont fait l’objet d’une proposition de loi spéciale sur le climat. Enfin, compte tenu de l’échec de cette proposition, de proposer des solutions alternatives susceptibles d’améliorer la gestion belge de l’urgence climatique.

La première partie de notre étude aborde les divers enjeux climatiques au travers des obligations européennes et internationales de la Belgique. Cette première partie porte ensuite sur les problèmes que rencontre la Belgique à adopter une véritable politique climatique nationale. Ces difficultés portent notamment sur la répartition de compétences et les principes du fédéralisme qui y sont relatifs, mais également sur l’échec constaté de la coopération institutionnelle.

La deuxième partie de notre contribution est relative aux pistes de solutions apportées par la proposition d’une loi spéciale sur le climat, pour résoudre cette inefficacité institutionnelle. Pour les comprendre, ont été examinées les différentes contributions des auteurs à l’initiative de cette proposition. Ensuite, nous avons mis en lumière les raisons juridiques notamment soulevées par le Conseil d’État, ainsi que les raisons politiques ayant mené à l’échec de cette proposition.

Dans la troisième partie, nous terminons ce travail en envisageant diverses solutions qui sont catégorisées d’une part, en des solutions symboliques et d’autre part, en des solutions plus pragmatiques et techniques. Parmi les solutions davantage symboliques, ont ainsi été examinées le fait de modifier les dispositions déjà existantes, c’est-à-dire, les articles 7bis et 23 de notre Constitution ou de les interpréter de manière différente.

Quant aux solutions pragmatiques, nous avons examiné, premièrement, l’apport en matière environnementale des droits de l’homme, deuxièmement, la mise en cause de la responsabilité des états dans le contentieux climatique par les biais des exemples de deux « affaires-climats ». Enfin, nous avons envisagé deux solutions politiques internationales et européennes en projet, d’une part, le projet d’un Pacte mondial sur l’environnement et d’autre part, le projet du Pacte vert pour l’Europe.

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Remerciements

La réalisation de ce travail de fin d’études a été possible grâce au concours de plusieurs personnes à qui je voudrais témoigner toute ma reconnaissance.

Tout d’abord, je voudrais adresser ma gratitude au promoteur de ce travail, Madame le Professeur Ann Lawrence DURVIAUX, qui me conseilla et me guida sur l'orientation de ce travail, tout en me donnant une certaine liberté.

Aussi, je tiens à remercier Madame Caroline LIBERT ainsi que Monsieur Jean-Paul BERTRAND, pour leur aide précieuse dans la relecture et la correction de mon travail de fin d’études.

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Table des matières

INTRODUCTION ... 9

I.- ÉTAT DES LIEUX DE LA GOUVERNANCE CLIMATIQUE BELGE ... 10

A.- L’ENJEU CLIMATIQUE AU TRAVERS DES OBLIGATIONS DU DROIT INTERNATIONAL ET DE L’UNION EUROPEENNE ... 10

1) Engagements internationaux ... 10

2) Obligations européennes ... 12

3) Respect par la Belgique de ses obligations ... 13

B.- LA REPARTITION DES COMPETENCES EN MATIERE CLIMATIQUE ... 15

1) L’éclatement des compétences entre les entités politiques ... 15

2) Les principes du fédéralisme belge ... 17

a) L’exclusivité des compétences ... 18

b) L’autonomie des entités ... 19

c) Les conséquences ... 19

C.- LA COOPERATION INSTITUTIONNELLE ... 20

1) La coopération en matière climatique ... 20

2) Les acteurs de la coopération climatique ... 22

3) Le bilan de la coopération ... 23

D.- L’APPORT DE LA SIXIEME REFORME DE L’ETAT ... 24

1) Le mécanisme de substitution ... 24

2) Le mécanisme de responsabilisation-climat ... 25

3) Le rapport d’information du Sénat ... 26

II.- LA PROPOSITION DE « LOI-CLIMAT » DU 6 FEVRIER 2019 ... 27

A.- LE CONTEXTE ... 27

B.- LE CONTENU DE LA PROPOSITION ... 28

1) Une loi spéciale sur le climat ? ... 28

2) Le contenu ... 29

a) La mise en œuvre des articles 7bis et 23 de la Constitution ... 29

b) Les objectifs climatiques globaux... 31

c) Les institutions de la politique climatique ... 31

d) Le Plan intégré Energie-Climat (PNEC)... 32

C.- LES RAISONS DE SON ECHEC ... 33

1) L’avis du Conseil d’État du 4 mars 2019 ... 33

2) Les raisons politiques ... 34

III.- LES SOLUTIONS A ENVISAGER ... 35

A.- LA SOLUTION SYMBOLIQUE :CONSTITUTIONNALISER LE CLIMAT ... 35

1) Comparaison internationale ... 35

2) Par quel biais ? ... 36

a) Modifier des dispositions existantes ? ... 36

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B.- LES SOLUTIONS PRAGMATIQUES ... 38

1) Apports des droits de l’homme en matière environnementale ... 38

2) Rôle accru des juridictions, l’exemple des « affaires climats » ... 40

a) L’affaire Urgenda ... 41

b) L’affaire Klimaatzaak ... 42

3) Le projet de Pacte mondial pour l’environnement ... 43

4) Le projet d’un Pacte vert pour l’Europe ... 44

CONCLUSION ... 46

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I

NTRODUCTION

Depuis plusieurs années, face à l’urgence climatique, la gouvernance belge fait l’objet de vives critiques tant en Belgique que sur la scène internationale. En effet, compte tenu du caractère transversal de l’enjeu climatique et de son éclatement entre les compétences des différentes entités du pays, l’adoption d’une position commune et d’une gouvernance efficace est difficile. Comme dans beaucoup d’autres matières, notre structure institutionnelle entraine lenteur, compromis manquant d’ambition et de vision à long terme, voire même à l’inaction, à défaut de coopération. Ces symptômes sont ceux d’un modèle qui a peut-être atteint ses limites. Pour répondre au défi du changement climatique, à l’appel de la rue ainsi qu’à ce défi sur le plan institutionnel, un groupe d’académiques, par le biais de la proposition de loi spéciale, a proposé une série de solutions. Néanmoins, certains clivages politiques, voire communautaires ont eu raison de cette jeune dynamique citoyenne.

Face à l’opposition d’une partie du monde politique de l’époque aux pistes de solutions proposées, la question de l’avenir de la gouvernance climatique belge persiste. Effectivement, à l’heure où des résultats découlant des engagements internationaux pris par la Belgique sont attendus, une solution devra, de quelques manières que ce soit, être trouvée.

À l’issue de ce travail, nous tenterons de présenter différentes réponses qui seront, à l’avenir, susceptibles d’améliorer la gouvernance quant à cet enjeu.

À cette fin, nous commencerons, dans la première partie, par dresser un état des lieux de la gouvernance climatique belge, au travers, premièrement, de ses engagements internationaux et européens en faveur du climat. Deuxièmement, nous étudierons le système de répartition des compétences, les principes qui s’y rattachent, ainsi que son impact sur l’efficience relative de notre système. Nous examinerons, ensuite, le fonctionnement de la coopération institutionnelle, nous présenterons ses acteurs et commenterons son bilan mitigé, pour enfin présenter les premières solutions qui ont été apportées aux maux de notre gouvernance.

Dans notre deuxième partie, nous analyserons ce qui aurait pu constituer un remède aux imperfections de notre gouvernance, à savoir la proposition d’une loi spéciale sur le climat. Nous examinerons son contenu ainsi que les raisons juridiques et politiques qui ont conduit à l’échec de cette opportunité.

Enfin, la troisième partie consistera à proposer différentes pistes de solutions qui permettraient ou qui contraindraient la Belgique à revoir et renforcer sa gouvernance climatique. D’une part, une solution symbolique qui consisterait à renforcer la cause climatique dans la Constitution. D’autre part, des solutions davantage concrètes en passant par le rôle accru des droits fondamentaux et des actions en justice, ou encore par le caractère contraignant des nouveaux instruments internationaux.

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I.- É

TAT DES LIEUX DE LA GOUVERNANCE CLIMATIQUE

BELGE

Dans le cadre de cette première partie, nous tâcherons dans un premier temps de mettre en lumière les principales obligations internationales de la Belgique en matière climatique. Ensuite nous dresserons le constat des différentes caractéristiques du système institutionnel belge et expliquerons en quoi certaines constituent un frein à la gouvernance.

A.- L’

ENJEU CLIMATIQUE AU TRAVERS DES OBLIGATIONS DU DROIT

INTERNATIONAL ET DE L

’U

NION EUROPÉENNE

1) Engagements internationaux

À partir des années nonante, la communauté internationale prit réellement conscience de la problématique du changement climatique. C’est en effet en 1994 que fut adoptée la Convention-Cadre des Nations Unies sur le changement climatique1 (CCNUCC).

Ce premier accord international majeur, liant 196 pays ainsi que l’Union européenne2, eut pour objectif de limiter la hausse des températures globales moyennes à 1,5°C, en comparaison aux températures de la période préindustrielle c.-à-d. à empêcher le réchauffement climatique dit dangereux. Sur le plan procédural, cette convention constitua une avancée majeure, puisqu’elle aboutit à la réunion annuelle des parties au sein des « Conference of parties », les COP3. En 1994, la Belgique s’engagea à agir en vue d’atteindre l’objectif visé par la CCNUCC. Outre une obligation d’initiative, elle s’attela, à établir périodiquement des programmes nationaux et le cas échéant, régionaux afin de mettre en place une politique nationale4 visant à diminuer ses émissions de gaz à effet de serre5.

Le deuxième instrument majeur est le Protocole de Kyoto6 adopté en annexe de la CCNUCC, lors de la 3e COP, en 1997. Son but, compte tenu du caractère peu exigeant de la CCNUCC, fut d’imposer de manière chiffrée et contraignante des objectifs de réduction des GES.

1 Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, signée à New York le 9 mai 1992,

approuvée par la loi du 11 mai 1995, M.B., 11 mai 1995 ; Ci-après « CCNUCC ».

2 Ci-après « UE ».

3 CABINET EQUAL-PARTNERS, Conclusions principales dans l’affaire Asbl Klimaatzaak, disponible sur www.affaire-climat.be, 28 juin 2019, p. 118.

4 Art. 4 de la CCNUCC. 5 Ci-après « GES ».

6 Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, fait à Kyoto le

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C’est à cette fin que fut conclu l’accord de coopération du 14 novembre 20027 entre l’autorité

fédérale et les régions du pays, qui permit la création d’un Plan national climat (PNC) pour la période de 2009-2012.

Son rôle consista à suivre et évaluer les politiques pour veiller au respect du Protocole de Kyoto, mais également à la mise en place d’une stratégie à long terme. Il fut critiqué, car il ne constituait pas une véritable stratégie contraignante, mais seulement un état des lieux des diverses mesures déjà en vigueur dans le pays.

En principe, un plan national climat aurait également dû être adopté en Belgique, pour la période 2013-2020. Cela ne se fit pas en raison du retard dans les négociations intra-belge du

« burden sharing » (les négociations visant au partage de la charge climatique entre les entités).

Le Comité national climat (CNC), prit la décision, le 1er février 2017, de ne pas produire de plan, étant donné les quatre années de retard déjà écoulées8.

Le troisième grand engagement international que nous choisissons de présenter est l’Accord de Paris9, adopté en 2015 lors de la 21e conférence des parties, instituée par la CCNUCC. Cet accord a été signé par 195 états dont la Belgique, mais également par l’UE. Contrairement au Protocole de Kyoto, il ne prévoit pas un pourcentage de réduction des émissions de GES10. Effectivement, bien que s’agissant d’un traité et donc d’un point de vue formel, d’un acte juridique contraignant, l’Accord de Paris ne prescrit en son article 211 que des objectifs

communs, par conséquent, d’une portée peu prescriptive.

Ces objectifs portent notamment sur la limitation de l’augmentation de la température mondiale, sur le renforcement des capacités d’adaptation aux effets néfastes du changement climatique ainsi que sur la réorientation des financements afin de permettre un développement à basse émission de GES12.

Dans ce cadre, les parties se sont engagées 13à déterminer individuellement les mesures à mettre en place afin d’y parvenir. Ces mesures portent le nom de « contributions déterminées au niveau

national », les « CDN ». Pour que les CDN soient respectées, l’Accord de Paris prévoit un cycle

d’évaluation quinquennal, impliquant pour chaque partie, et ce dès 2018, de communiquer un rapport périodique faisant part du respect ou non des engagements pris et d’adapter ses

7 Accord de coopération du 14 novembre 2002 entre l’État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la

Région de Bruxelles-Capitale concernant l’établissement, l’exécution et le suivi d’un Plan national climat, ainsi que l’établissement de rapports, dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et le Protocole de Kyoto, M.B., 15 juillet 2003, approuvé par loi du 11 avril 2003, M.B., 15 juillet 2003, l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 22 mai 2003, M.B., 27 juin 2003, le décret de la Région flamande du 10 juillet 2003, M.B., 19 août 2003, le décret de la Région wallonne du 13 novembre 2003, M.B., 15 décembre 2003.

8 F. VANRYKEL, « La politique belge en matière de climat, entre autonomie et coopération. Quelle place pour

une vision commune à l'échelle nationale ? », R.B.D.C., 2017/3, p. 237 et 238.

9 Accord de Paris sur le climat, fait à Paris le 12 décembre 2015, approuvé par la loi du 25 décembre 2016, M.B.,

26 avril 2017.

10 CABINET EQUAL-PARTNERS, op.cit., p. 126.

11 Accord de Paris sur le climat précité, 12 décembre 2015, art. 2.

12 D. MISONNE et E. HANNON, Synthèse de la conférence du 24 avril 2017, « Gouvernance Energie-Climat :

où va la Belgique ? », Université Libre de Bruxelles, p. 1 ; C. DEHULLU, « Klimaatverandering op de internationale agenda » Goed vaderschap, Gent, Larcier, 2017, p. 48 et 49 ; CABINET EQUAL-PARTNERS,

op.cit., p. 127.

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contributions tous les cinq ans en fonction du respect des objectifs visant à limiter l’augmentation de la température14.

Depuis la COP21 et l’Accord de Paris, quatre autres15 COP se sont tenues. La visée des trois

premières a été de mettre en œuvre l’Accord de Paris, notamment en clarifiant les règles et en transposant les objectifs politiques en un manuel technique permettant une application concrète. La COP25 fut particulièrement marquée par un manque d’ambition et par un échec des négociations16.

2) Obligations européennes

Comme évoqué précédemment, l’UE est également partie à la CCNUCC ainsi qu’au Protocole de Kyoto, par conséquent, la Belgique est doublement tenue à ses engagements internationaux. Afin de respecter les buts qu’elle s’est fixés, l’UE a réellement développé une politique climatique, à partir de 2007. En effet, sur une proposition de la Commission, le Parlement européen a adopté, le « paquet énergie/climat 2013-2020 ». Ce paquet, qui détermine toujours aujourd’hui la politique climatique européenne, prévoit, d’une part, une réduction de 20% de la consommation d’énergie par rapport à celle prévue pour 2020 à politique inchangée, d’autre part, une augmentation de l’emploi des ressources renouvelables de 20%, ainsi qu’une diminution de 20% des émissions de GES en 2020 par rapport à celles enregistrées en 199017. En octobre 2014, le Conseil européen adopta le « Cadre climat-énergie 2030 ». Dans le cadre de ce nouveau paquet, à l’échelle de l’Union, il est principalement prévu, premièrement, une réduction d'au moins 40% des émissions de GES par rapport à celles enregistrées en 1990, deuxièmement, une augmentation de la part des énergies renouvelables en 203018.

Faisant suite aux objectifs pris pour l’horizon 2030, la première législation européenne majeure qu’il convient de citer est le Règlement (UE) 2018/84219. Ce règlement prévoit, de manière

contraignante, une réduction annuelle des émissions de GES afin d’atteindre l’objectif de 40% d’émission en moins20.

14 CABINET EQUAL-PARTNERS, op.cit., p. 127 à 128 ; CLIMAT.BE, « L’Accord de Paris », Belgium.be,

disponible sur www.climat.be, s.d., consulté le 16 février 2020.

15 La COP22 s'est tenue du 7 au 18 novembre 2016 à Marrakech ; La COP23 s'est déroulée du 6 au 17 novembre

2017 à Bonn ; La COP24 s’est tenue du 2 au 15 décembre 2018, à Katowice ; La COP25 qui s’est tenue du 2 au 13 décembre 2019, à Madrid.

16 CLIMAT.BE, « Conférences climatiques », Belgium.be, disponible sur www.climat.be, s.d., consulté le 16

février 2020.

17 CLIMAT.BE, « Le paquet climat - énergie européen 2013-2020 », Belgium.be, disponible sur www.climat.be,

s.d., consulté le 16 février 2020 ; CABINET EQUAL-PARTNERS, op.cit., p. 137 et 138.

18 D. MISONNE et E. HANNON, op. cit., p. 2 à 3.

19 Règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles

contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) n° 525/2013, J.O.U.E., L 156/26, 19 juin 2018.

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L’autre grande réglementation issue du « Cadre climat-énergie 2030 » et qui nous intéresse plus particulièrement dans le contexte de ce travail, est le règlement Gouvernance 2018/1999, entré en vigueur le 24 décembre 201821. Ce règlement est central, car il prévoit que les états membres doivent adopter, par le biais du dépôt d’un plan, une gouvernance climatique cohérente et réactive afin de leur permettre de réaliser leurs objectifs pour 2030. Les premiers plans couvrant la période 2021-2030 ont dû être déposés pour le 1er janvier 2019. Le règlement prévoit également des mises à jour des plans tous les 5 ans, et un suivi de la Commission par le dépôt de rapports22.

3) Respect par la Belgique de ses obligations

Le respect des obligations, tant internationales, qu’européennes, auxquelles la Belgique s’est engagée à répondre suppose l’existence d’une politique climatique nationale intégrée et cohérente. Dans le cas de la Belgique, le problème qui se pose n’est pas d’ordre économique ou technique, mais bien institutionnel, c’est ce qui sera démontré dans la suite de ce travail23.

Ces difficultés de politique interne ont conduit, et conduisent toujours, à ce que la Belgique ne soit pas en mesure de tenir ses engagements, mais également à lui faire perdre sa crédibilité sur le plan international.

Le premier exemple illustrant au mieux ces dysfonctionnements est, comme déjà évoqué précédemment, la longueur dans les négociations du « burden sharing »24.

Rappelons-nous que le retard accumulé durant les sept années de négociation quant à cet accord25 aboutirent à ce que la Belgique ne dépose pas de Plan national climat pour la période

2013-202026.

21 Règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de

l'union de l'énergie et de l'action pour le climat, modifiant les règlements (CE) n° 663/2009 et (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) n° 525/2013 du Parlement européen et du Conseil,J.O.U.E., L 328/1,

21 décembre 2018.

22 D. MISONNE et E. HANNON, op. cit., p. 2 et 3.

23 D. MISONNE et al., « Exposé des motifs de la Proposition de loi spéciale fixant les objectifs généraux de la

politique climatique de la Belgique et portant coordination de la politique climatique de l’autorité fédérale, des Communautés et des Régions », disponible sur https://cedre.hypotheses.org/date/2019/01, s.d., consulté le 18 février 2020, p. 2.

24 Les négociations de l’accord de coopération visant au partage de la charge climatique entre les entités du pays,

conformément à la fois au Protocole de Kyoto et au « paquet énergie-climat 2013-2020 » de l’Union européenne.

25 Accord de coopération du 12 février 2018 entre l’État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la

Région de Bruxelles-Capitale relatif au partage des objectifs belges climat et énergie pour la période 2013-2020,

M.B., 12 juillet 2018, approuvé par la loi du 15 juin 2018, M.B., 12 juillet 2018, le décret de la Communauté

flamande du 8 juin 2018, M.B., 12 juillet 2018, le décret de la Région Wallonne du 26 avril 2018, M.B., 17 mai 2018 et l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 24 mai 2018, M.B., 12 juillet 2018.

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Avec pour conséquence qu’en réalité, lorsque l’UE demandait la transposition de différents instruments entrant dans le cadre des objectifs ambitieux pour 2020, la politique climatique de la Belgique était toujours basée sur celle définie par le « Plan national climat » établit pour assurer la mise en œuvre du Protocole de Kyoto. Ce plan n’étant qu’un accord politique, il ne fut en rien juridiquement contraignant, de plus, il ne visait à réaliser une réduction de GES pour la période de 2009 à 2012, autant dire que ces objectifs non contraignants étaient dépassés en 201527.

Le deuxième évènement qui mit en lumière les difficultés de la Belgique sur la scène internationale est l’inexistence d’une politique commune pour les différentes entités du pays lors de la COP21. Lors de celle-ci, les entités du pays ont éprouvé des difficultés pour adopter une telle politique vis-à-vis des objectifs de l’accord et de la transposition des instruments issus de la politique européenne pour 2013-2020. Si bien qu’au moment où le Premier ministre de l’époque prononçait son discours d’ouverture, les ministres régionaux et fédéraux étaient toujours en négociations, négociations qui finirent en définitive par aboutir, mais tardivement. Cet épisode vaudra à la Belgique, de recevoir, comme la Nouvelle-Zélande, le prix du fossile attribué par l’association « Climate Action network », pour désigner le plus mauvais élève de la politique climatique mondiale28.

Récemment, la Commission européenne a interpellé la Belgique quant au non-respect de ses objectifs de réduction de GES. Dans un premier rapport29 datant d’octobre 2018, la Commission estime que les mesures prises par la Belgique ne permettront de remplir ni les objectifs de 2020 ni ceux de 2030. Un deuxième rapport 30constate que la Belgique est susceptible de pas ne pouvoir tenir ses engagements européens pour ces mêmes années. Ce constat se base notamment sur l’écart de 21% entre la situation actuelle et l’objectif de réduction de 35% d’ici 203031.

Dans les points développés par la suite, nous tenterons de mettre en lumière les faiblesses du système institutionnel belge, qui ont conduit aux différents manquements qui viennent d’être évoqués.

27 D. MISONNE et al., « Exposé des motifs … », ibidem, p. 2. ; M. DEKLEERMAKER., « Une histoire belge :

La coopération en matière environnementale et climatique et la COP21», Fédéralisme Régionalisme, Volume 18 : 2018, Le fédéralisme coopératif comme terrain de jeu du droit, Articuler les équilibres fédéraux et les enjeux globaux : un jeu d’adresse, disponible sur https://popups.uliege.be:443/1374-3864/index.php?id=1792, p. 11 à 12.

28 M. DEKLEERMAKER, ibidem, p. 13 et 14.

29 COMMISSION EUROPEENNE, Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil. L’UE et

l’Accord d Paris sur le climat : bilan des progrès réalisés à la COP de Katowice, Bruxelles, COM (2018) 716 final, 26 octobre 2018, 10.

30 COMMISSION EUROPEENNE, Document de travail des services de la Commission. Rapport 2019 pour la

Belgique, Bruxelles, SWD (2019) 1000 final, 27 février 2019, 66.

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B.- L

A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES EN MATIÈRE CLIMATIQUE

1) L’éclatement des compétences entre les entités politiques

La structure fédérale de la Belgique est caractérisée par un morcellement des compétences entre l’autorité fédérale et les entités fédérées. Ces compétences sont elles-mêmes réparties de manière autonome à l’intérieur de chacune des entités. Concernant le climat, il n’existe pas dans la Constitution ou dans une loi spéciale, une compétence propre à la lutte contre le changement climatique.

Bien que la compétence de l’environnement soit principalement une compétence qui relève des régions32, la politique du climat n’est pas exclusivement régionale en ce qu’elle n’est composée qu’en partie de la compétence relative à la protection de l’environnement (matière qui comprend notamment, la protection du sol, de l’eau, de l’air ainsi que la politique des déchets). La Cour constitutionnelle a affirmé33, que la protection de l’environnement comprend la

protection du climat, sous réserve des autres compétences relatives au climat, telle que par exemple la compétence fédérale relative à l’énergie nucléaire34.

La lutte contre le changement climatique constitue effectivement un objectif devant être poursuivi de manière transversale, il n’est pas possible de parler d’une compétence climat unique, mais bien de plusieurs compétences dans des domaines très variés, tendant in fine vers le même objectif, celui de permettre à la Belgique de respecter ses engagements internationaux. Cependant, comme nous allons l’exposer à présent, ces nombreuses compétences relatives de près ou de loin au climat, ainsi que le nombre de ministres ayant autorité, rendent plus difficile l’adoption d’une politique climatique nationale cohérente et à long terme, nécessitant dès lors, un système de concertation plus grand35.

Avant de présenter la répartition des compétences matérielles entre les différentes entités du pays, il convient, au sein de celles-ci, de faire la distinction selon les mesures adoptées entre deux objectifs. Ainsi, les mesures prises peuvent soit viser à diminuer les émissions de gaz à effet de serre, ce sont les mesures d’atténuation ou de mitigation, soit tenter de réduire les impacts du changement climatique, ce sont alors des mesures d’adaptation36.

Qu’il s’agisse de mesures d’atténuation ou d’adaptation, elles peuvent consister en des instruments normatifs, fiscaux ou non fiscaux, susceptibles d’inciter ou décourager certains comportements. Ces politiques peuvent, de plus, toucher énormément de domaines.

Dans le cas de la politique d’atténuation, visant à diminuer les émissions de GES, sont touchés des domaines aussi variés que ceux du transport, de l’agriculture, de la production d’électricité,

32 Loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 aout 1980, M.B, 15 août 1980, art. 6, §1er, II, al. 1er, 1°. 33 C.C., 9 juillet 2013, n° 98/2013, B. 19.

34 D. MISONNE et al., Rapport du premier séminaire académique du 23 avril 2018, Climat, Constitution et

répartition des compétences, Université Saint-Louis Bruxelles, disponible sur https://cedre.hypotheses.org/324, p. 9 ; F. VANRYKEL, op. cit., p. 224.

35 F. VANRYKEL, ibidem, p. 224 et 225.

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du chauffage, etc. Quant à la politique d’incitation, elle peut notamment toucher la fiscalité qu’elle soit incitative ou dissuasive, le droit pénal, la recherche scientifique ou encore l’éducation. Par conséquent, cet éclatement des domaines concernés par la politique climatique correspond, compte tenu du fédéralisme belge, en un éclatement des compétences entre entités37.

Concernant la répartition à proprement parler, l’article 6 §1er de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 aout 1980 (LSRI)38 prévoit que les compétences matérielles soient réparties de la manière suivante39.

En substance, les régions détiennent un grand nombre de compétences liées au climat, comme déjà évoquées en partie, elles possèdent les compétences relatives à la protection de l’environnement (en ce qu’elle comprend la protection du sol, de l’air ainsi que la politique des déchets), à la conservation de la nature, à la politique de l’eau, à l’aménagement du territoire, au logement, à l’agriculture, aux travaux et transports publics, mais également aux nouvelles sources d’énergie et à la consommation d’énergie40.

L’État fédéral détient lui aussi des compétences non négligeables entrant dans le champ d’une politique climatique. En effet, il demeure compétent pour les normes de produits, l’énergie nucléaire et les grandes installations de stockage d’énergie. Du fait de ses pouvoirs résiduaires, il est également compétent pour la Mer du Nord et donc pour la production éolienne d’énergie en Mer du Nord. Enfin, il est aussi compétent pour la SNCB et la coopération au développement41.De manière générale, les politiques relatives à l’énergie et à l’économie, l’agriculture ainsi que l’environnement sont partagés entre les régions et l’État fédéral.

De manière moins directe, mais tout aussi essentielle, les communautés possèdent des compétences pouvant contribuer à la lutte contre le changement climatique. Selon un avis du Conseil d’État42, les communautés du pays étaient également tenues de ratifier l’Accord de

Paris, en ce qu’elles sont compétentes pour la recherche scientifique et l’éducation. Outre la compétence de l’éducation, fondamentale pour la sensibilisation, les communautés ont également un grand rôle à jouer notamment au niveau des réductions d’énergie dans les nombreuses infrastructures culturelles, de santé et d’éducation, qu’elles gèrent43.

Sur le plan des compétences fiscales, la répartition ne correspond pas à celle des compétences matérielles. Les régions sont compétentes pour la taxation des véhicules et certains avantages

37 M. EL BERHOUMI et C. NENNEN, « Le changement climatique à l'épreuve du fédéralisme », Amén. 2018,

liv. 4, p. 62.

38 Loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 aout 1980, M.B, 15 août 1980, art. 6, §1er. 39 CABINET EQUAL-PARTNERS, op.cit., p. 152 à 153 ; F. VANRYKEL, op. cit., p. 225

40 Dans l’ordre : Art. 6, §1er, II ; Art. 6, §1er, III ; Art. 6, §1er , I ; Art. 6, §1er , IV; Art. 6, §1er , V; Art. 6, §1er , X ;

Art. 6, §1er , VII, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 aout 1980, M.B, 15 août 1980.

41 Pour les normes de produit : Art. 6, §1er, III, al. 2, 1° la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 aout 1980

précité ; Pour l’énergie nucléaire : Art. 6, §1er, VII, al. 2, f)de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8

aout 1980 précité ; Pour la Mer du Nord : Const., art. 35.

42 Projet d’arrêté du Gouvernement de la Communauté française ‘définissant la liste des compétences particulières

pris en exécution de l’article 35 du décret du 11 avril 2014 réglementant les titres et les fonctions dans l’enseignement fondamental et secondaire organisé et subventionné par la Communauté française, avis du Conseil d’État n° 59.630, Doc., Parl. wall., sess. 2016-2017, n° 666/1, p. 11.

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à l’IPP, tandis que l’autorité fédérale l’est pour les accises sur le carburant et les énergies, mais également pour l’ISOC, la TVA ainsi que l’IPP44.

Compte tenu des principes du fédéralisme belge, ci-après développés, chaque entité peut en principe déterminer de manière autonome la politique à mener dans les compétences qui leur ont été attribuées. L’actuel éclatement des compétences entraine deux difficultés45.

D’une part, les différences entre les politiques menées rendant difficile l’adoption d’une politique climatique cohérente à l’échelle nationale. Notons aussi la manière dont certaines compétences, pourtant en relation directe, sont réparties entre plusieurs niveaux de pouvoir différents. Alors qu’elles nécessitent une politique coordonnée, tel est le cas de l’énergie nucléaire, compétence fédérale, et de la compétence régionale relative aux énergies renouvelables.

D’autre part, en ce qu’une politique climatique implique de nombreux domaines, un nombre certain de ministres doivent intervenir et tenter de mettre sur pied une politique cohérente, d’autant plus qu’une répartition des portefeuilles ne se révèle pas toujours efficiente au sein d’une même entité.

En effet, en plus des trois ministres régionaux et du ministre fédéral de l’environnement46, rien qu’en Région wallonne47, quatre autres ministres ont des compétences liées à la politique

climatique, sachant que les compétences de l’environnement, de la mobilité, de l’énergie, du logement, de l’aménagement du territoire, de l’agriculture et de l’économie constituent des portefeuilles ministériels distincts.

2) Les principes du fédéralisme belge

Comme nous venons de le développer, la Belgique est un état fédéral, spécialement caractérisé par l’éclatement entre ses entités des compétences relatives à la lutte climatique. Néanmoins, il ne doit pas en être déduit que la structure fédérale d’un état n’est pas compatible avec la mise sur pied d’une politique climatique. Comme aux USA où ce sont les différents états qui ont pris, à la place de l’État central, le leadership dans la lutte climatique.

Toutefois, en Belgique, malgré qu’un cadre géographique régional permette une gestion climatique plus adéquate, compte tenu de l’inflexibilité des principes qui encadrent la répartition des compétences, tels que les principes de l’exclusivité et de l’autonomie, la marge de manœuvre de ces entités s’en trouve profondément limitée48.

44 F. VANRYKEL, op. cit., p. 227. 45 F. VANRYKEL, ibidem, p. 227 et 228.

46 COVOLO, J., « Trois Régions et un État fédéral: qui fait quoi en matière de climat en Belgique? ». RTBF,

disponible sur www.rtbf.be, 1 février 2019.

47 GOUVERNEMENT WALLON, « Les compétences du Gouvernement wallon » Gouvernement.wallonie.be,

disponible sur www.gouvernement.wallonie.be, s.d, consulté le 24 février 2020.

(20)

a) L’exclusivité des compétences

Depuis 1970 et la naissance du système fédéral belge, le principe de la répartition des compétences entres les entités fédérées et l’État fédéral est celui de l’exclusivité des compétences. Ce principe suppose que lorsqu’une compétence a été attribuée à une entité, les autres entités deviennent incompétentes vis-à-vis de celle-ci49.

Selon la Cour constitutionnelle, l’exclusivité des compétences « implique que toute situation

juridique soit en principe réglée par un seul législateur »50. Par conséquent, chaque norme

adoptée dans le champ d’une compétence attribuée matériellement aux régions ou aux communautés doit être rattachable aux territoires de ces entités et ne peut s’appliquer que sur ceux-ci. En plus du pouvoir de légiférer, l’autorité qui s’est vue attribuer la compétence l’est également pour la financer et l’exécuter51.

L’État fédéral dispose, en vertu de l’article 35 de la Constitution, d’un pouvoir résiduaire sur les compétences qui n’ont pas fait l’objet d’une attribution aux régions ou aux communautés, tel est le cas notamment de la gestion de la Mer du Nord52.

Bien qu’il en existe, notamment en matière fiscale, l’exclusivité des compétences permet, en principe, d’éviter la survenue de compétences concurrentes, pour lesquelles une hiérarchie devrait être créée, dans le cas où des normes fédérales et celles adoptées par les entités fédérées se chevaucheraient53.

Néanmoins, la rigidité du principe de l’exclusivité des compétences connait principalement un tempérament, à savoir celui des compétences implicites.

L’article 10 de la LSRI54, dispose que les communautés et régions peuvent adopter des normes

dans des domaines pour lesquels elles ne sont pas compétentes. Toutefois, les pouvoirs implicites ne peuvent être exercés qu’à la triple condition suivante55 : d’une part que l’incidence sur les compétences des dispositions adoptées ne soit que marginale, d’autre part que la matière se prête à un régime différencié et enfin que ces dispositions soient nécessaires56.

49 C. ROMAINVILLE et M. VERDUSSEN, « Système de répartition des compétences », Dictionnaire de la

Sixième Réforme de l'État, M. Uyttendaele et M. Verdussen (dir.), Bruxelles, Larcier, 2015, p. 836.

50 C.C., 21 juin 2000, n° 76/2000, B.4.1.

51 M. EL BERHOUMI et C. NENNEN, op. cit., p. 63. 52 C. ROMAINVILLE et M. VERDUSSEN, op. cit., p. 836. 53 M. EL BERHOUMI et C. NENNEN, op. cit., p. 63.

54 Loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 aout 1980, M.B, 15 août 1980, art. 10. 55 C.C., 23 janvier 2014, n° 9/2014.

56 D. MISONNE et al., « Rapport du premier séminaire académique … », op. cit., p. 10 ; C. ROMAINVILLE et

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b) L’autonomie des entités

L’un des autres principes du fédéralisme belge est celui de l’autonomie constitutive des entités fédérées. Ce principe prévoit, de manière positive, que les entités fédérées ont le pouvoir, sauf exception, d’adopter toute disposition dans le cadre des compétences qui leur ont été attribuées. Ce principe signifie, par conséquent, que l’autorité fédérale ne dispose pas d’un pouvoir de tutelle sur les entités fédérées57.

c) Les conséquences

L’addition de ces deux principes caractérisant le fédéralisme belge et l’éclatement des compétences aboutissent à la création de conflits entre entités. En effet, ce système institutionnel crée des situations où deux entités sont susceptibles de répondre à une même problématique, c.-à-d. des « conflits positifs ». Ce système engendre principalement, s’agissant du climat, des « conflits négatifs », en ce que les entités ne sont en réalité jamais pleinement compétentes pour régler intégralement une problématique.

Cette situation, se caractérisant en définitive par un certain immobilisme, rend la coopération entre les entités du pays indispensable d’autant plus, que l’hypothèse d’une réfédéralisation est à écarter puisque cela reviendrait à revenir à un état unitaire, tellement le nombre de compétences qui seraient transférées serait important 58.

57 M. EL BERHOUMI, C. NENNEN, op. cit., p. 63 ; Q. PEIFFER, « Autonomie constitutive », Dictionnaire de

la Sixième Réforme de l'État, M. Uyttendaele et M. Verdussen (dir.), Bruxelles, Larcier, 2015, p. 74.

(22)

C.- L

A COOPÉRATION INSTITUTIONNELLE

Au vu de ce qui vient d’être développé concernant les difficultés propres au système institutionnel belge en matière climatique, une coopération efficace entre les entités du pays est primordiale. Néanmoins, dans les faits, comme nous allons le démontrer dans la présente section, la coopération en matière climatique connait également de nombreuses imperfections, rendant, elle aussi, difficile l’adoption d’une politique nationale cohérente.

1) La coopération en matière climatique

Concernant les divers engagements internationaux et européens, la Belgique est tenue d’atteindre certains objectifs, pour ce faire, l’existence d’une politique coordonnée entre les différentes entités du pays est indispensable. Effectivement, l’autorité fédérale,59 ainsi que

chacune des régions60 ayant adopté sa propre politique climatique, doivent être coordonnées afin de rendre possible la mise en place d’une politique climatique nationale cohérente.

La coopération institutionnelle, notamment en matière climatique, a son siège à l’article 92bis de la LSRI, lequel prévoit la conclusion d’accords de coopération, soit de manière obligatoire, soit de manière facultative.

Cette coopération est plus précisément réglée par la loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles61. Les différents accords de coopération conclus dans ce cadre sont, contrairement à de simples accords politiques tels que les plans nationaux, des instruments juridiquement contraignants62.

L’article 92bis de la LSRI prévoit que la conclusion d’accords de coopération peut avoir lieu de deux manières63.

La première consiste, pour le législateur spécial, à imposer explicitement la conclusion d’un accord de coopération dans certaines hypothèses, reprises aux §2 à 4undicies. Dans les domaines qui sont susceptibles de participer à la préservation du climat, devant faire l’objet obligatoirement d’un accord entre entités compétentes, sont notamment visés la politique de l’énergie, les domaines ayant un impact sur la politique agricole, ainsi que la matière des normes de produits.

59 CLIMAT.BE, « Politique climatique fédérale » Belgium.be, disponible sur www.climat.be, s.d.,. consulté le 15

mars 2020.

60 Pour la Région flamande, le Vlaams Klimaatbeleidsplan 2013-2020, disponible sur : https://omgeving.vlaanderen.be/vlaams-klimaatbeleidsplan-2013-2020 ; Pour la Région wallonne, les Plans PACE, disponible sur : http://www.awac.be/index.php/thematiques/politiques-actions/plan-pace ; Pour la Région de Bruxelles-Capitale, Plan régional Air-Climat-Energie, disponible sur :

https://environnement.brussels/thematiques/air-climat/laction-de-la-region/air-climat-et-energie-vision-integree.

61 Loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles, M.B., 15 août 1980. 62 M. DEKLEERMAKER, op. cit., p. 5.

63 P. MINSIER et M. UYTTENDAELE., « Accords de coopération », Dictionnaire de la Sixième Réforme de

(23)

Outre ces domaines désignés précisément par le législateur spécial, il est interpellant de constater qu’aucune obligation de coopération n’existe entre les entités fédérées, ni entre celles-ci et l’autorité fédérale, en ce qui concerne directement la lutte climatique. D’autant plus que l’obligation de coopérer a comme justification64 de tendre à limiter l’impact négatif lié à

l’éclatement des compétences, et de permettre une gestion efficiente de celles-ci, ce qui est particulièrement problématique vis-à-vis des compétences liées au climat65.

Par conséquent, l’article 92bis66 n’impose pas la conclusion d’un accord de coopération

concernant cet enjeu majeur, enjeu qui ne semble pas avoir fait l’objet de discussions au cours des modifications qu’a connues cette loi spéciale.

La deuxième manière selon laquelle sont conclus des accords de coopération résulte du §1er de l’article 92bis de la LSRI, le législateur y prévoit la possibilité et donc encourage la conclusion d’accords entre les entités étatiques, et ce dans toutes matières pour lesquelles elles sont compétentes. Ces accords de coopération fondés sur le principe du consensualisme sont toutefois restreints par le Conseil d’État67, en ce qu’ils ne peuvent aboutir à une refonte de la répartition des compétences telle qu’elle est prévue par la Constitution68.

Dans l’optique de lutter contre le changement climatique, la coopération institutionnelle a principalement été construite sur base volontaire, donc facultative, sur le fondement du §1er de l’article 92bis. Néanmoins, bien que le législateur spécial n’ait pas prévu de manière directe une obligation de coopération en matière climatique, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle a considéré que des situations, même autres que liées au climat, appelaient à la mise en place d’une coopération obligatoire69.

En effet, la Cour constitutionnelle a reconnu que des accords de coopération devaient être conclus en raison « du caractère trop imbriqué » de certaines compétences réparties entre les entités du pays, et ce également dans certains domaines contribuant à une politique climatique70. La Cour l’a notamment fait dans l’important arrêt n°76/201271, en ce qu’elle a imposé la

conclusion d’un accord de coopération entre les régions et l’État fédéral. En raison du caractère trop imbriqué des compétences, il était impossible de designer l’autorité à laquelle rattacher les exploitants d’aéronefs, au sujet d’émission de GES72.

Enfin, les §5 et 6 de l’article 92bis prévoient que les contestations (liées à l’exécution et l’interprétation des accords de coopération tant obligatoires que facultatifs) soient traitées par des juridictions de coopération. Ces juridictions non permanentes sont en principe instituées au

64 Doc. parl., Ch., sess. extr. 1988, n°516/1, p. 2 et 3. 65 P. MINSIER et M. UYTTENDAELE, op. cit., p. 23. 66 M. DEKLEERMAKER, op. cit., p. 6.

67 Doc. parl., Ch. Repr., sess. extr. 1988, n°516/1, p. 52. 68 P. MINSIER et M. UYTTENDAELE, op. cit., p. 21. 69 F. VANRYKEL, op. cit., p. 231.

70 Y. LEJEUNE, «Titre 3 – Les relations mutuelles de l’Autorité fédérale et des institutions fédérées»,

Droit constitutionnel belge, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 876.

71 C.C., 14 juin 2012, n° 76/2012, B.11.2 ; C.C., 23 juin 2011, n°33/2011. 72 F. VANRYKEL, op. cit., p. 232.

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sein de chaque accord de coopération, néanmoins dans les faits, beaucoup d’accords ne font pas mention d’une telle juridiction73.

2) Les acteurs de la coopération climatique

La loi ordinaire du 9 août 1980, précitée, prévoit la création d’une série d’organes ayant pour objectif de permettre le dialogue entre les différentes entités du pays.

Le premier organe, prévu par la loi en son article 3174, est le « Comité de concertation ».

Cet organe majeur du système institutionnel belge a comme mission de prévenir et de solutionner les conflits d’intérêts, mais également de permettre une coordination des politiques, notamment en ce que le Comité est composé de représentants de chacune des entités composant l’État. Le Comité de concertation peut aussi75 créer des conférences interministérielles afin de

favoriser la coopération de manière plus précise76.

Dans ce cadre, le deuxième organe majeur à citer, et qui lui vise directement la politique climatique, est la « Conférence interministérielle de l’environnement » (CIE). Cet organe est composé des différents ministres chargés de matières en lien avec l’environnement. Ce qui rend cet organe d’autant plus important est que lorsque la Conférence est appelée à étudier la politique climatique, celle-ci se compose en plus d’autres ministres, tels que les ministres de l’Énergie, des Transports, des ministres régionaux de l’Économie, ainsi que du Premier ministre et des différents Ministres-présidents. Notons également qu’il existe un Comité de coordination de la politique internationale de l’environnement77.

Le troisième organe majeur que nous citerons est la « Commission Nationale Climat » (CNC), mise en place par l’accord de coopération du 14 novembre 200278. Cet organe, qui est directement chargé de permettre l’adoption d’une politique contre le changement climatique à l’échelle nationale, a, dans ce cadre, notamment comme tâche avec le CIE lorsque celui-ci est élargi, de rédiger un Plan national climat, c.-à-d. d’élaborer la vision stratégique climatique de la Belgique. La Commission est aussi chargée d’évaluer la coopération et de remettre des rapports sur l’état de celle-ci aux COP ainsi qu’à la Commission européenne. Elle est présidée en pratique par un ministre de l’Environnement, dans une rotation annuelle entre les entités compétentes, entités qui désignent également les 32 personnes siégeant eu sein de la Commission79.

73 P. MINSIER et M. UYTTENDAELE, op. cit., p. 25.

74 Loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles, M.B., 15 août 1980, art. 31. 75 Loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles, M.B., 15 août 1980, art. 32bis. 76 Y. LEJEUNE, op. cit., p. 852.

77 M. DEKLEERMAKER, op. cit., p. 6.

78 Accord de coopération du 14 novembre 2002 entre l’État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la

Région de Bruxelles-Capitale concernant l’établissement, l’exécution et le suivi d’un Plan national climat, ainsi que l’établissement de rapports, dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et le Protocole de Kyoto, M.B., 15 juillet 2003 précité.

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3) Le bilan de la coopération

En substance, les mauvais résultats de la coopération en matière climatique s’expliquent par deux raisons.

Premièrement par son caractère facultatif, son non-respect et le manque de contrôle en pratique de la coopération, malgré que celle-ci soit rendue suggérée par l’article 92bis de la LSRI et parfois rendue obligatoire par la jurisprudence80.

Deuxièmement, s’additionne à l’absence générale de volonté politique, la possibilité pour chacune des entités du pays, lorsque la coopération fait l’objet d’un accord juridique, de faire valoir son droit de véto, en ce qu’un accord de coopération se fonde sur la règle du consensus et du principe du consensualisme. En vertu de l’article 69 de la LSRI, un tel droit de veto appartient également dans le chef de chaque ministre au nom du principe de consensus, ce qui, outre l’échec parfois total de la coopération, a pour conséquence de rendre les négociations souvent longues81.

Concernant la Commission Nationale Climat, l’organe central de la coopération en matière climatique, celui-ci fait particulièrement l’objet de critique. Ces critiques portent notamment sur son système de rotation annuelle de présidence.

Ce changement fréquent comporte le risque qu’à chaque rotation, le travail réalisé précédemment soit ignoré. De plus, les réunions de la Commission dépendent de l’agenda fixé par la présidence82.

De manière générale, comme nous l’avons développé dans le point consacré au respect par la Belgique de ses engagements internationaux, la coopération et le travail de la CNC se sont parfois soldés par des échecs, tels le manque de caractère contraignant du PNC 2009-2012 ou l’absence totale de PNC pour la période 2013-202083.

80 C.C., 14 juin 2012, n°76/2012, B.11.2.

81 M. EL BERHOUMI et C. NENNEN, op. cit., p. 64. 82 F. VANRYKEL, op. cit., p. 235.

(26)

D.- L’

APPORT DE LA SIXIÈME RÉFORME DE L

ÉTAT

Face à la complexité du système institutionnel belge et à l’échec de la coopération entre les entités du pays vis-à-vis de la question climatique, le législateur spécial, dans le cadre de la Sixième Réforme de l’État, a choisi, non pas de revoir la répartition des compétences et de l’harmoniser, mais bien d’utiliser des mécanismes permettant tout de même de tendre au respect des obligations internationales.

1) Le mécanisme de substitution

À l’issue de la Sixième Réforme de l’État, l’article 16 de la LSRI s’est vu complété d’un §484,

afin d’étendre le mécanisme de substitution institué par l’article 169 de la Constitution85 aux

engagements internationaux relatifs à la lutte contre les changements climatiques. En effet, l’article 169 de la Constitution permet à l’autorité fédérale de faire entorse au principe de l’exclusivité des compétences, en se substituant temporairement aux entités fédérées afin d’exécuter la condamnation lorsqu’elles ne respectent pas leurs obligations internationales dans les matières pour lesquelles elles sont exclusivement compétentes86.

Avant la Sixième Réforme de l’État, l’article 16 §3 de la LSRI réglait déjà les conditions d’application de ce mécanisme de substitution. Néanmoins il ne s’agissait que d’une substitution à postériori, puisqu’il était notamment requis que l’État belge soit condamné pour non-respect d’un engagement international par une juridiction internationale ou supranationale87.

À l’issue de la Sixième Réforme de l’État, afin de prévenir l’engagement de la responsabilité de l’État et l’image que cela renvoie, le législateur s’est favorablement prononcé sur un mécanisme de substitution à priori et donc préventif, mais exclusivement porté sur les engagements en matière climatique. En effet, par l’insertion du §4 à l’article 16 de la LSRI, il a assoupli les conditions d’application de la substitution en ce qu’elle peut désormais s’exercer anticipativement au prononcé d’une condamnation, mais cela seulement dans deux hypothèses. Ces hypothèses sont, d’une part, celle du non-respect de la CCNUCC ou d’un de ses protocoles, tel celui de Kyoto, et d’autre part, du droit européen relatif à la réduction des émissions de GES et seulement à partir de l’envoi par la Commission européenne d’un avis motivé88.

Quant à la mise en œuvre du mécanisme de substitution relatif au climat, plusieurs remarques ont été émises. Premièrement, il faut constater que depuis sa création en 1993, le mécanisme

84 Loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 aout 1980, M.B, 15 août 1980, art. 16, §4, inséré par l’article 39

de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l’État, M.B, 31 janvier 2014.

85 Const., art. 169.

86 B. HEYMANS., « Climat » Dictionnaire de la Sixième Réforme de l'État, M. Uyttendaele et M. Verdussen

(dir.), Bruxelles, Larcier, 2015, p. 167 et 168.

87 A.-S. RENSON., « La politique de l’environnement et le droit de substitution fédéral », D’urbanisme et

d’environnement, C-H. Born, F. Jongen (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 774 et 775.

(27)

de substitution n’a jamais été appliqué, et ce en dépit des condamnations de l’État. En effet, politiquement, il est compliqué pour le Conseil des ministres paritairement composé de s’immiscer dans les compétences des entités fédérées. Deuxièmement, les autres conditions prévues pour la mise en œuvre entrainent une procédure assez longue89.

2) Le mécanisme de responsabilisation-climat

Le deuxième apport de la Sixième Réforme de l’État à la cause climatique a consisté en l’insertion dans la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989 d’un article 65quater90,

organisant, à destination des régions, un mécanisme de responsabilisation. Selon les travaux parlementaires, ce mécanisme vise à « stimuler les régions à respecter les objectifs assignés en

matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les bâtiments des secteurs résidentiels et tertiaires » 91.

En substance, la responsabilisation s’opère autour d’une trajectoire pluriannuelle de réduction d’émission de GES propre à chaque région. Cette trajectoire est, en principe, adoptée par arrêté royal, à partir d’une proposition de CNC et après accord des Gouvernements régionaux et délibération du Conseil des ministres. À partir des objectifs fixés par cette trajectoire, les régions qui vont au-delà de ceux-ci recevront un bonus financier, tandis que les régions n’y parvenant pas seront tenues de payer un malus92.

Ce deuxième mécanisme fut lui aussi sujet à plusieurs critiques. Premièrement, il lui est reproché d’être basé sur des objectifs qui manquent d’ambition. Deuxièmement, que l’impact financier, qu’il soit bon ou mauvais, soit trop faible pour inciter réellement. Enfin, qu’il ne soit pas raisonnable de donner mission à la CNC de formuler des propositions de trajectoire, au vu de la faiblesse de son organisation93.

89 M. EL BERHOUMI, C. NENNEN, op. cit., p. 68.

90 Loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions, M.B., 17 janvier

1989, art. 65quater mit en œuvre par la loi du 6 janvier 2014 relative au mécanisme de responsabilisation climat.

91 Doc. parl., Ch., 2012-2013, n°2965/001, p. 3. 92 M. EL BERHOUMI et C. NENNEN, op. cit., p. 68.

(28)

3) Le rapport d’information du Sénat

Compte tenu du caractère plus symbolique des mécanismes adoptés au cours de la Sixième Réforme de l’État, ainsi que des faiblesses de la gouvernance climatique belge, le Sénat, élabora, au cours de l’année 2016, un rapport d’information94, dans lequel ne figurent pas moins

de 26 recommandations visant à corriger et à améliorer la gouvernance en matière climatique. Les recommandations qui vont être développées ici ont notamment eu écho dans la proposition de loi spéciale sur le climat qui sera l’objet de la troisième partie de ce travail95.

La première d’entre elles est le renforcement du principe politique de mutualité, en lui donnant un caractère constitutionnel. Il y est recommandé que l’autorité fédérale ainsi que les régions

« vérifient systématiquement l’impact éventuel d’une mesure sur la politique climatique d’une autre entité et essaient d’agir de manière à renforcer l’efficacité des mesures de tous les autres niveaux de pouvoir96». Ce principe va plus loin que le principe de loyauté fédérale97, qui prévoit

que les législateurs, dans le cadre de leurs compétences, ne doivent pas rendre plus difficile ou impossible l’exercice des compétences des autres législateurs98. En effet, le principe de

mutualité nécessite, en plus, une démarche les appelant à mutuellement renforcer activement les effets des mesures adoptées.

La deuxième recommandation majeure du Sénat consiste en un appel au renforcement de la CNC. Il y est notamment recommandé99 d’en faire véritablement un lieu d’échange avec la

société civile, et de prévoir qu’en cas de non-respect de l’accord de coopération du 14 novembre 2002, la CNC puisse le sanctionner. Enfin, que son rôle dans l’élaboration des rapports et des plans requis sur le plan international soit amélioré.

La dernière recommandation100 que nous choisissons de mettre en lumière préconise la création

d’un organe de concertation interparlementaire. Il serait question d’organiser, au sein des assemblées législatives du pays, des réunions, plusieurs fois par an, afin de débattre de la politique climatique à adopter. Il y est recommandé également que les rapports annuels de la CNC y soient présentés en débattu101.

94 Rapport d’information sur le processus décisionnel intrabelge en matière de répartition de l’effort climatique au

regard des objectifs climatiques, Doc., Sén., 2016-2017, 23 janvier 2017, n°6-253.

95 M. EL BERHOUMI et C. NENNEN, op. cit., p. 70. 96 Recommandation n°3 du Rapport d’information. 97 Const. art. 143.

98 C.A., 30 juin 2004, n°119/2004, B.3.2.

99 Recommandations n°13à 22du Rapport d’information. 100 Recommandations n°23 à 26 du Rapport d’information. 101 M. EL BERHOUMI et C. NENNEN, op. cit., p. 74.

(29)

II.- L

A PROPOSITION DE

«

LOI

-

CLIMAT

»

DU

6

FÉVRIER

2019

A.- L

E CONTEXTE

Dans un contexte mondial caractérisé par une soudaine prise de conscience de la nécessité d’agir davantage pour sauver notre climat et face à l’évidence que la gouvernance climatique belge n’est pas en mesure de répondre adéquatement à cet enjeu, l’adoption d’une « loi-climat » s’est révélée nécessaire.

En effet, une réflexion a, dans un premier temps, été entamée par le Sénat dans son rapport d’information déjà présenté. Puis, un cycle de réflexion académique102 relatif à la gouvernance

climatique belge a débuté, dans le courant de l’année 2018. À l’issue de quatre séminaires pluridisciplinaires103, plusieurs questions et pistes de solutions ont été étudiées afin de rendre possible l’adoption d’une véritable politique climatique nationale104. L’adoption d’une « loi

climat » fut l’une des pistes étudiées105.

À côté des sollicitations du monde académique, une action forte a été également sollicitée au niveau européen, étant donnée, comme nous l’avons vu, que la Belgique a été interpelée à plusieurs reprises par la Commission européenne quant au probable non-respect des objectifs européens de réduction de GES. En Europe, des normes législatives de qualités diverses ayant comme objet de lutter contre le changement climatique ont été adoptées106.

Enfin, l’élaboration d’une « loi-climat » en Belgique a très certainement été accélérée par l’appel populaire en faveur du climat, pour lequel notamment des milliers de jeunes ont défilé dans les rues du pays chaque jeudi des mois de janvier et février 2019.

C’est dans ce contexte, particulièrement favorable à la cause climatique, mais aussi caractérisé par une grande demande d’action concrète, qu’un bon nombre d’académiques, ayant participé au cycle de séminaire sur la gouvernance climatique, présentèrent, le 1er février 2019, une proposition de « loi-climat »107 prête à être proposée et débattue au Parlement.

102 Organisé par l’Université Saint-Louis-Bruxelles avec le soutien du Service Changements climatiques du SPF

Santé publique et environnement

103 CLIMAT.BE, « Dialogue sur la gouvernance climatique en Belgique », Belgium.be, disponible

sur www.climat.be, s.d., consulté le 16 mars 2020.

104 Proposition de loi spécial coordonnant la politique de l’autorité fédérale, des Communautés et des Régions en

matière de changement climatiques et fixant des objectifs généraux à long terme, Doc., Ch., 2018-2019, 6 février 2019, n°54-3517/001, p. 7.

105 D. MISONNE, Rapport de synthèse du 22 novembre 2018, Université Saint-Louis Bruxelles, disponible

sur https://cedre.hypotheses.org/324 , p. 22.

106 Proposition de loi spécial coordonnant la politique de l’autorité fédérale, des Communautés et des Régions en

matière de changement climatiques et fixant des objectifs généraux à long terme, Doc., Ch., 2018-2019, 6 février 2019, n°54-3517/001, p. 8.

107 D. MISONNE et al, « Proposition de loi spéciale portant coordination de la politique de l’autorité fédérale, des

communautés et des régions à l’égard du changement climatique et fixant ses objectifs globaux à long terme », disponible sur https://cedre.hypotheses.org/1568, 31 janvier 2019.

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