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Genre identitaire et revenu relatif au sein des ménages : étude du cas Canadien

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Academic year: 2021

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Genre identitaire et revenu relatif au sein des ménages -

Étude du cas Canadien

Mémoire

Maéva Zeïnab Doumbia

Maîtrise en économique - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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Genre identitaire et revenu relatif au sein des

ménages

Étude du cas Canadien

Mémoire

Maéva Zeïnab Doumbia

Sous la direction de:

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Résumé

L'objectif de ce mémoire est d'analyser l'impact du genre identitaire sur les inégalités du revenu au sein des couples canadiens. Une analyse graphique réalisée à partir des données de l'Enquête sur la Dynamique du Travail et du Revenu (EDTR) nous a permis de constater une discontinuité dans la distribution de la part du revenu obtenu par la femme au sein des ménages au seuil de 50% ; seuil à partir duquel la femme a un revenu supérieur à celui de son époux. Cette recherche s'inspire des travaux deBertrand et al.(2015) qui trouvent au même seuil, une discontinuité dans la part du revenu détenu par la femme au sein des ménages américains. Les auteurs expliquent cette observation par l'impact des normes associées au genre identitaire qui induisent entre autres, une aversion à une situation où la femme a un revenu supérieur à celui de son époux. Cette aversion serait à l'origine d'un certain nombre d'observations sociales et économiques telles que la baisse du taux de formation de ménages, la faible participation de la femme au marché du travail, les disparités salariales entre les hommes et les femmes, la hausse des taux de divorce et la division de la production domestique.

Partant de cette hypothèse, et compte tenu de la discontinuité que nous observons, nous cherchons à déterminer l'inuence du genre identitaire sur la formation des mariages, la par-ticipation de la femme au marché du travail, et son revenu potentiel. Nous obtenons à l'aide d'outils économétriques, des résultats qui convergent vers ceux obtenus par Bertrand et al.

(2015). Nous trouvons que le taux de mariage décline lorsque la probabilité qu'une femme obtienne un revenu supérieur à celui d'un homme est élevée. Au sein des couples déjà formés dans l'EDTR, et dans lesquels la probabilité que la femme ait un revenu excédant celui de son époux est élevée, l'épouse est peu ou pas présente sur le marché du travail. Cependant, à la diérence de l'étude de Bertrand et al. (2015), lorsque la femme mariée est active sur le marché du travail, nous trouvons que le genre identitaire n'a pas d'eet négatif sur l'écart entre le revenu qu'elle réalise et son revenu potentiel. Nous comparons la province du Québec et le reste du Canada et trouvons que l'importance des eets négatifs varie en fonction de la région étudiée.

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Table des matières

Résumé iii

Table des matières iv

Liste des tableaux v

Liste des gures vi

Épigraphe vii

Remerciements ix

Introduction 1

1 Revue de littérature 5

1.1 Marché du mariage . . . 5

1.2 Concept d'identité en économie . . . 7

1.3 Genre identitaire et impacts socio-économiques . . . 8

2 Données et statistiques descriptives 12

2.1 Enquête sur la Dynamique du Travail et du Revenu. . . 12

2.2 World Values Survey . . . 14

3 Analyses graphiques 18

3.1 Revenu relatif au sein des ménages . . . 18

3.2 Test de discontinuité des diérentes distributions . . . 21

4 Estimations et résultats 24

4.1 Estimation des taux de mariage . . . 24

4.2 Participation de la femme au marché du travail . . . 27

4.3 Écart entre le revenu réalisé et le revenu potentiel de la femme . . . 30

Conclusion 35

Annexes 37

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Liste des tableaux

2.1 Statistiques descriptives des hommes de l'EDTR . . . 14

2.2 Statistiques descriptives des femmes de l'EDTR . . . 15

2.3 Lorsque les emplois sont rares, la priorité doit être accordée aux hommes. . . . 16

2.4 Être une femme au foyer est tout aussi valorisant qu'un emploi rémunéré. . . . 17

3.1 Tests McCrary de discontinuité autour du point seuil . . . 23

4.1 Revenu relatif et taux de formation des mariages . . . 28

4.2 Revenu relatif et participation de la femme au marché du travail . . . 31

4.3 Revenu relatif et revenu potentiel de la femme. . . 34

A1 Pourcentage des femmes se mariant à des hommes faisant partie du même groupe d'âge ou du même niveau d'éducation . . . 37

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Liste des gures

3.1 Distribution du revenu relatif pour l'ensemble des cohortes . . . 19

3.2 Distribution du revenu relatif par cohorte . . . 20

3.3 Test McCrary de l'ensemble des cohortes . . . 21

3.4 Tests McCrary des diérentes distributions par cohorte. . . 22

A1 Distribution du revenu relatif de l'ensemble des cohortes au Québec au seuil de 50% . . . 38

A2 Distribution du revenu relatif par cohorte au Québec au seuil de 50% . . . 39

A3 Test McCrary de l'ensemble des cohortes au Québec au seuil de 50% . . . 40

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Sois à l'écoute, disait-on dans la vieille Afrique, tout parle, tout est parole, tout cherche à nous communiquer une connaissance. Amadou Hampâté Ba, Amkoullel,

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Remerciements

Je voudrais commencer par adresser mes sincères remerciements à ma directrice de recherche, Madame Marion Goussé. Je peux véritablement m'estimer chanceuse de vous avoir eue pour directrice. Votre suivi et encadrement exemplaire m'ont permis de vivre cette aventure extra-ordinaire autour d'un thème que je trouve passionnant. Votre disponibilité, votre implication, votre passion pour la recherche, votre sens du détail et de la rigueur scientique n'ont pas seulement facilité la réalisation de ce mémoire ; ils m'ont aussi inspirée à la poursuite d'autres challenges.

Je voudrais aussi remercier mes  frères , mes super-héros. Lacina, Ko, Ibrahima, Awa et Blanchard. Votre aide, votre soutien, votre disponibilité, vos conseils, m'ont été d'un secours que je ne saurais décrire ici. Tout ceci aurait été impossible sans vous. Merci pour votre amitié. Vous êtes une véritable source d'inspiration pour moi ; et je vous souhaite la meilleure des réussites pour la suite de votre parcours.

Merci à ma s÷ur et ma meilleure amie, Noura. Les fous-rires avec toi, tes conseils et encoura-gements m'ont apporté plus que tu ne pourras jamais l'imaginer. Merci à ma très chère tante Nawoa. Ton courage face à l'adversité me laisse béate d'admiration et me pousse à donner le meilleur de moi-même. À mes jeunes frères Abdul-Hakim et Mohamed ; n'en doutez jamais : vos prières, vos petites voix d'encouragement au téléphone, à plus de 9000 km de moi ont été un véritable moteur de motivation.

A mon très cher oncle Lamine. Ton accueil, ton soutien, tes conseils, tes prières m'ont renforcée comme jamais tu ne pourras l'imaginer. Merci inniment.

J'ai épluché des dictionnaires à la recherche d'un mot plus grand que  Merci . Mais jamais je n'ai trouvé de mot qui puisse me permettre d'exprimer toute la gratitude que j'ai à votre égard Maman et Papa. C'est avec le c÷ur débordant d'amour et les yeux pleins de larmes que je pense à tous les sacrices auxquels vous avez consentis pour moi. Votre satisfaction est la plus belle des réussites. Que Dieu vous garde longtemps auprès de nous. Je vous aime.

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Introduction

L'OCDE1 dénit l'écart salarial entre hommes et femmes comme la diérence entre le salaire

médian des hommes et le salaire médian des femmes. On observe au Canada un déclin marqué des disparités salariales entre hommes et femmes en particulier depuis l'an 2000. Cependant en 2013, l'écart salarial entre les genres au Canada était estimé à 19% contre une moyenne de 15% dans l'OCDE (OECD,2015).

Sur le plan de la participation féminine au marché du travail, l'OCDE estime que le Canada fait bonne gure par rapport à l'ensemble des pays membres de l'organisation. Des disparités existent toutefois au sein même des provinces du pays. En eet en 2009, selon les données de l'Enquête sur la Population Active (EPA), des dix provinces que compte le pays, l'Alberta est la province qui détenait la plus forte participation de la femme au marché de l'emploi ; soit 64,1% de femmes contre 74,5% d'hommes (Ferrao, 2010). Le Québec enregistrait 56,7% de femmes occupées par un emploi et 62,9% d'hommes ; contre 47,8% de femmes et 52,5% d'hommes occupant un emploi à Terre-Neuve-et-Labrador (Ferrao,2010).

De nombreuses raisons sont avancées dans la littérature an d'expliquer les disparités salariales observées entre hommes et femmes.O'Neill(2003) explique la présence de ces disparités par le manque d'expérience réelle des femmes sur le marché du travail. L'expérience réelle est acquise par une présence continue sur le marché du travail. Elle constitue l'expérience acquise sur le marché du travail mesurée en termes d'années. Les hommes et les femmes auraient au départ le même potentiel d'expérience, qui constitue le nombre d'années depuis la n des études. Cependant, au l des ans, les femmes alloueraient de plus en plus de temps à des activités en dehors du marché du travail, et accumuleraient ainsi moins d'expérience réelle. L'écart entre l'expérience réelle et l'expérience potentielle chez les hommes resterait très faible, tandis qu'il serait plus important chez les femmes. Ainsi, pour Drolet (2001), la prise en compte de la mesure de l'expérience de travail réelle au lieu de l'expérience potentielle dans l'analyse de l'écart salarial entre les hommes et les femmes permet d'expliquer une plus grande part de la diérence de salaires entre les genres. Les disparités salariales pourraient s'expliquer par le fait que le revenu est proportionnel à l'expérience réelle. Le revenu sera d'autant plus important que l'expérience réelle est élevée.

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La présence d'enfants ou l'anticipation à en avoir favorise entre autres le choix de carrières moins contraignantes et l'interruption de travail chez les femmes (O'Neill,2003;Altonji and Blank, 1999). Cette situation contribue à accentuer davantage l'écart des expériences réelles de travail entre les genres, et inue négativement sur les disparités salariales entre hommes et femmes. Manning and Swaeld(2008) suggèrent que l'intermittence dans la participation des femmes au marché du travail joue un rôle déterminant dans l'accumulation du capital humain qui inuence directement le salaire. Ils expliquent l'écart salarial entre les genres par l'accumulation du capital humain. Les auteurs trouvent qu'en début de carrière, pour des emplois et niveaux d'éducation similaires, les hommes et les femmes obtiennent le même salaire. Cependant, un écart se creuse entre les salaires au l des ans. Le salaire des femmes se maintient à environ 8% derrière celui des hommes dix ans après avoir accédé à l'emploi, bien que ces femmes travaillent à plein temps et n'aient aucun enfant. La diérence entre les expériences réelle et potentielle est une piste souvent explorée dans l'explication de l'écart salarial entre les genres. Elle ne permet cependant pas d'expliquer à elle seule, la persistance des disparités salariales entre les hommes et les femmes.

Le choix des majeures ou des programmes d'études est également utilisé an d'expliquer l'écart salarial entre les genres. On note au Canada une prépondérance féminine dans les programmes d'études et professions généralement liés aux domaines de la santé, de l'éducation, du commerce, de l'administration, des sciences sociales et de l'art (McMullen et al.,2010). La moyenne salariale dans la plupart de ces domaines est plus faible que celle retrouvée dans des domaines tels que le génie, l'architecture, les mathématiques et les sciences de l'informatique qui sont des domaines qui enregistrent généralement une forte présence masculine. Les choix de ces programmes sont dits traditionnels et sont encore d'actualité. On observe cependant une nette évolution des choix des femmes vers des secteurs dits masculins au cours des dernières décennies. Le choix du programme d'étude peut avoir une inuence sur le salaire. Drolet

(2001) trouve en eet que le rendement des diplômes dans les secteurs traditionnellement masculins est plus élevé ; ce qui permet d'expliquer environ 15% de l'écart salarial observé entre hommes et femmes. Parallèlement au choix des majeures, on note aussi que les jeunes hommes ont tendance à eectuer plus de stages et de formations liés à leurs études que les femmes (Manning and Swaeld,2008). Ce comportement renforce le capital humain et sert aussi d'explication à l'écart salarial existant entre les genres.

La piste de l'aversion au risque est aussi étudiée pour expliquer les disparités salariales entre les genres. Les femmes, étant plus averses au risque que les hommes (Di Mauro and Musumeci,

2011), ont tendance à être moins actives sur le marché du travail. Les auteurs trouvent aussi que les individus peu averses au risque ont des niveaux de revenu élevés. Ainsi, les femmes étant averses au risque, ont des salaires de réserve inférieurs à ceux des hommes. Elles ont tendance - à qualications égales - à s'engager vers des carrières plus stables, moins versatiles, et à accumuler moins de capital humain. Ainsi, les femmes les plus averses au risque perçoivent

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des salaires plus faibles que ceux des hommes, et la distribution de leurs salaires est dominée par celle des hommes (Di Mauro and Musumeci,2011).

Manning and Swaeld (2008) concluent alors que l'écart salarial entre les hommes et les femmes peut s'expliquer par de nombreux facteurs non-discriminatoires. Pour eux, même en l'absence de discrimination sur le marché du travail, il reste peu probable que les taux salariaux des hommes et des femmes s'égalisent.

Bien qu'elles aient chuté au cours des dernières décennies, les disparités salariales entre les hommes et femmes persistent. Les nombreuses hypothèses et études sur le sujet n'ont pas su à totalement expliquer cette tendance (Altonji and Blank,1999;Manning and Swaeld,2008;

Drolet,2001).

Dans une étude innovante, Bertrand et al.(2015) étudient à l'aide de données de panel amé-ricaines, des questions telles que l'écart salarial et la participation de la femme au marché du travail sous un nouvel angle. Les auteurs établissent la distribution de la part du revenu gagné par la femme au sein des ménages américains, et font une découverte saisissante : au seuil de 50%, une chute est observée dans la distribution. Ils attribuent cette discontinuité au genre identitaire ; une approche peu explorée par les marchés de mariage classiques. Des per-ceptions sociales liées au genre identitaire induisent une aversion à une situation dans laquelle la femme aurait un revenu supérieur à celui de son époux. Cette aversion naît d'une certaine  norme  sociale qui voudrait que l'homme, soutien nancier principal de la famille, ait un revenu supérieur à celui de son épouse, à laquelle la société attribue le rôle de responsable du ménage. Ainsi, an de préserver la structure traditionnelle du ménage, Bertrand et al.(2015) argumentent que des femmes quittent le marché du travail, ou réduisent leurs heures de travail s'il s'avère que leurs revenus représentent une menace à la stabilité de celui-ci. Ceci explique-rait entre autres, la faible participation de la femme au marché du travail et un creusement des écarts salariaux.

Aux États-Unis, au Québec, ainsi que dans le reste du Canada, on observe une tendance à la baisse dans les taux de formation de mariages (Milan,2013;Charbonneau,2016). C'est aussi un aspect qu'étudient Bertrand et al. (2015). Les auteurs analysent les tendances en termes de mariage et de divorce en lien avec les normes associées au genre identitaire. Ils trouvent qu'aux États-Unis, l'aversion à une situation où la femme a un revenu supérieur à celui de son époux explique 29% de la chute des taux de mariage constatés ces trente dernières années. Plus encore, si de tels couples se forment, la qualité de leur vie commune et la satisfaction dans le ménage semblent être négativement aectées et la probabilité d'un divorce augmente. Dans le cadre de ce mémoire, nous nous inspirons des travaux de Bertrand et al. (2015) et analysons les causes et conséquences du revenu relatif au sein des ménages canadiens. L'objectif est d'étudier l'impact du genre identitaire sur les décisions économiques et sociales prises par les ménages. Nous étudions plus particulièrement cet impact sur la participation de la femme au marché du travail, sur l'écart entre le revenu qu'elle gagne et celui qu'elle pourrait réaliser

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sans le poids du genre identitaire (revenu potentiel). Nous étudions aussi l'impact du genre identitaire sur un phénomène social important : celui de la formation des mariages.

La structure de ce mémoire s'agence ainsi : le chapitre 1 sera consacré à la revue de littéra-ture qui présente les études liant le genre identitaire aux observations économiques et sociales mentionnées plus haut. Nous présentons aussi dans cette revue de littérature, la théorie du mariage et le concept d'identité en économie qui forment les piliers de cette étude. Le chapitre 2 sera consacré à la description des données que nous utilisons pour nos analyses. Nous pré-sentons dans le chapitre 3 les analyses graphiques obtenues à l'aide des données de l'EDTR. Comme Bertrand et al.(2015) aux États-Unis, nous trouvons au Canada et au Québec, une discontinuité au seuil de 50% dans la distribution de la part du revenu des femmes au sein des ménages. Le chapitre 4 présente nos analyses économétriques qui sont constituées de trois régressions utilisant un modèle de probabilité linéaire. Chaque estimation fait l'objet d'une section diérente. Nous estimons dans la première section, comment la part d'individus mariés évolue avec la distribution des revenus potentiels des hommes et des femmes. Nous trouvons que lorsque la probabilité qu'une femme ait un revenu supérieur à celui d'un homme est élevée, le taux de mariage décline de 24% au Canada et de 6, 3% au Québec. Notre deuxième esti-mation consiste en l'analyse de la participation de la femme au marché du travail. Parmi les couples observés dans nos échantillons, 35, 8% de femmes mariées dans l'ensemble du Canada ont un revenu excédant celui de leur conjoint. Les résultats de nos estimations montrent que les femmes sont moins actives sur le marché du travail lorsque la probabilité qu'elles perçoivent un revenu supérieur à celui de leurs époux est élevée. Enn, dans notre dernière estimation, nous analysons l'écart entre le revenu réalisé par les femmes et leur revenu potentiel compte tenu de leurs caractéristiques démographiques. Nous observons pour cette estimation qu'après l'ajout de nos variables de contrôle, la probabilité qu'une femme ait un revenu plus élevé que celui de son époux n'a pas d'inuence sur l'écart entre le revenu qu'elle réalise et son revenu potentiel. Pour le canada comme pour le Québec, cette probabilité ne semble pas avoir d'im-pact négatif sur la possibilité d'obtention d'un revenu plus élevé par la femme. Nous clôturons cette étude par une brève conclusion.

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Chapitre 1

Revue de littérature

Nous présentons dans ce chapitre la revue de littérature descriptive. Elle présente le cadre conceptuel en lien avec notre étude et les résultats des recherches qui ont porté sur l'impact du genre identitaire sur diérentes retombées socio-économiques.

1.1 Marché du mariage

Les analyses économiques des dernières décennies ont connu un développement important et se sont étendues à l'étude de comportements liés à l'éducation, à la politique, à l'environnement ou même à la fertilité. L'engouement derrière cet intérêt pour ces diérents domaines s'explique par le rôle important des facteurs économiques sur ces sujets de société.

Bien qu'il ait d'importantes implications dans les questions d'inégalités salariales, d'ore de travail ou encore d'allocations de ressources, le mariage est un domaine qui a longtemps été ignoré des analyses des économistes.

Becker (1973,1974) propose l'existence d'un marché du mariage et une formalisation mathé-matique de celui-ci. Pour l'auteur, les individus qui s'engagent à contracter un mariage, le font pour augmenter leur utilité au-dessus de celle qu'ils auraient en étant célibataires. L'uti-lité telle qu'il l'explique dans ce cas, ne dépend pas directement des biens et services achetés sur le marché. Elle dépend plutôt des biens produits par chaque ménage. Ces biens ne sont ni échangeables ni transférables entre diérents ménages1. Les individus décident donc de se

marier si la part des biens qu'ils produisent en couple est supérieure à celle qu'ils produisent en étant célibataires (Becker,1973;Alm and Whittington,1995).

Les recherches eectuées dans le marché du mariage permettent de faire ressortir certaines caractéristiques qui s'y avèrent attractives. Les individus considèrent en particulier les carac-téristiques productives telles que le niveau d'éducation et le prol économique (emploi, revenu)

1. Les biens qu'évoqueBecker(1973) comprennent entre autres la qualité des repas, la quantité et l'éduca-tion des enfants, le prestige, l'amour, etc.

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permettant d'assurer une certaine sécurité et stabilité nancière (Smock et al.,2005;Alm and Whittington,1995).

De nombreuses recherches mettent en avant le caractère incitatif du revenu dans la décision de contracter un mariage. Aussi, pour des couples déjà mariés, l'importance de leurs revenus semble être un facteur déterminant de la stabilité de leur ménage. C'est d'ailleurs ce que trouventHeckert et al.(1998). Les auteurs démontrent que la dépendance économique inuence la dépendance relationnelle : dans les couples où l'un des conjoints repose nancièrement sur l'autre an de recevoir ou de maintenir un certain niveau de vie, les mariages perdurent et les probabilités de divorce sont plus faibles2. À travers une régression logistique, Heckert et al.

(1998) montrent que la dépendance nancière d'un partenaire par rapport à l'autre est un déterminant important de la dislocation des ménages. Ceci se vérie particulièrement lorsque les hommes sont économiquement dépendants de leurs conjointes. En eet, les couples dans lesquels les femmes gagnent entre 50 et 75% du revenu du ménage ont une forte probabilité de se séparer ou de divorcer. Les couples dans lesquels les femmes ont une part de revenu encore plus élevée du ménage - 75 à 100 % - présentent une probabilité bien plus élevée de divorcer. Cette question est également étudiée par Atkinson et al. (2005) qui trouvent que les hommes veulent être les soutiens nanciers du ménage, en particulier relativement à leurs épouses. Pour ces auteurs, le mariage est souvent un contexte culturel qui permet de mettre en évidence les identités des individus en tant qu'homme ou femme. Autrement dit, le mariage est un environnement qui permet d'acher l'évidence des idéologies liées au genre (Atkinson et al.,2005).

Aussi, sans pour autant l'approfondir, Heckert et al. (1998) suspectent que la dénition de l'épouse comme responsable du ménage et la situation nancière de l'époux expliquent la sta-bilité des ménages. En eet, de nombreux travaux (Becker,1973;Greenstein,2000; Lachance-Grzela and Bouchard, 2010) attestent du fait qu'en dépit de leur présence beaucoup plus marquée ces dernières années sur le marché du travail, ainsi que de la hausse relative de leurs revenus au sein de leurs ménages, les femmes demeurent les premières responsables des charges domestiques. Des auteurs comme Salway et al. (2005) expliquent que c'est la dé-nition de l'identité associée aux genres qui explique l'attribution de ces tâches aux femmes. Plus encore, ces normes induites par la seule appartenance à un genre ont des conséquences sur la vie socio-économique. Au Bangladesh, Salway et al. (2005) trouvent que les fractures des ménages et le nombre limité de femmes actives sur le marché de l'emploi trouvent une explication dans ce queAkerlof and Kranton (2000) identient par le genre identitaire. Ce point est central pour notre étude car il nous permet d'introduire le concept d'identité et

2. Les femmes sembleraient être plus dépendantes nancièrement de leurs maris an de maintenir un certain standard de vie.Browning et al.(2013) trouvent que les femmes célibataires auraient besoin de 83% de revenu en plus an d'avoir un niveau de vie similaire qu'elles auraient en étant mariées, tandis que les hommes célibataires n'auraient besoin que de 66% de revenu en plus pour un niveau de vie similaire à celui des hommes mariés.

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ses conséquences en économie.

1.2 Concept d'identité en économie

À partir de la sociologie et de la psychologie,Akerlof and Kranton(2000) importent le concept de l'identité dans l'économie. L'identité est dénie comme l'image qu'une personne a d'elle-même, et elle aecte selon les auteurs, des décisions et comportements économiques. La prise en compte de l'identité dans les analyses économiques permet de mieux comprendre des pro-blèmes tels que les conits ethniques et raciaux, la discrimination, les conits de travail et les politiques séparatistes (Akerlof and Kranton,2000). Ils proposent une analyse économique qui introduit l'identité dans un modèle général de comportement, et démontrent comment elle impacte des réalités économiques. L'étude met particulièrement l'accent sur la discrimination entre les genres dans le marché du travail, la division du travail domestique, et l'économie de l'exclusion sociale et de la pauvreté. Leur modèle du comportement lié à l'identité s'établit à partir des diérences sociales ; et le genre, un aspect universellement familier de l'identité l'illustre bien. L' homme  et la  femme  sont deux catégories sociales abstraites et sont associées à diérents attributs physiques et comportementaux. À chaque individu dans la po-pulation, on attribue un genre le décrivant comme un homme ou une femme. Se conformer aux préceptes comportementaux qui dénissent le genre auquel on appartient permet d'af-rmer sa personnalité ou d'exprimer son identité en tant qu'homme ou femme (Akerlof and Kranton,2000). Déroger à ces préceptes qui sont alors censés dénir une norme, suscite une sorte d'anxiété et de mal-être à l'égard de soi-même mais aussi à l'égard des autres. L'identité décrit alors autant l'image qu'une personne a d'elle-même que celle qu'elle a de son groupe catégoriel.

Greenstein (2000) trouve cependant qu'il peut exister une nuance entre le genre identitaire et l'idéologie du genre. L'auteur argumente que le genre identitaire déni comme la perception profonde de soi peut simplement être considéré comme le fait de se dénir comme une femme ou un homme. L'idéologie du genre ferait par contre plus référence aux éléments qui exacerbent cette dénition. Ainsi, des individus pourraient physiquement se dénir comme des hommes - on parlerait donc ici de genre identitaire - mais pourraient avoir diérentes conceptions de ce qu'être un homme implique comme responsabilités - ce qui serait leur idéologie du genre. L'idéologie d'un homme pourrait contenir des croyances telles que les tâches ménagères ou les charges domestiques de façon globale sont du domaine exclusif des femmes, tandis qu'un autre homme pourrait avoir une conception contraire (Greenstein, 2000). Nous conservons dans notre étude, le terme  genre identitaire  qui englobe à la fois le trait sexuel et l'idéologie qui y est associée comme déni parAkerlof and Kranton (2000).

Dans leur étude du genre dans le milieu du travail, ces derniers concluent qu'une femme exerçant dans un milieu considéré masculin (marine, avocat plaidant,...) peut sourir d'une perte d'utilité. Cette dernière peut être en eet sujette à des intimidations de la part d'hommes

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qui sentent leur propre identité menacée. D'un autre côté, sa participation au marché du travail peut être inuencée par les perceptions de la société sur le rôle qui est censé être le sien. L'une des normes sociales induites par le genre identitaire et qui se veut être un élément important de l'équilibre dans les catégories sociales que constituent les hommes et les femmes est le précepte traditionnel selon lequel  un homme devrait avoir un revenu supérieur à celui de son épouse  (Akerlof and Kranton,2000). C'est cet aspect qui est pris en compte dans l'étude deBertrand et al. (2015) pour l'analyse de la part du revenu de la femme au sein du ménage.

1.3 Genre identitaire et impacts socio-économiques

Quelques études commencent à analyser l'impact du genre identitaire sur diérents éléments économiques et sociaux. Le précepte traditionnel qui veut que  un homme devrait avoir un revenu supérieur à celui de son épouse  prend en eet une relative importance si l'on prête attention aux résultats du World Values Survey de 1995. L'une des questions posées aux répondants était la suivante :  Si une femme a un revenu supérieur à celui de son époux, il en résultera nécessairement des problèmes . 37,3% de répondants Américains ont positivement répondu à la question, contre 30,9% de répondants Suédois et 43,4% d'Allemands. Nous avons déjà mentionné que Bertrand et al. (2015) trouvent une discontinuité au seuil de 50% dans la part du revenu de la femme au sein du ménage aux États-Unis. Wieber and Holst (2015) utilisent les données du German Socio-economic Panel Study (SOEP) et trouvent également une discontinuité au seuil de 50% dans la part du revenu de la femme au sein du ménage. Ces auteurs eectuent une comparaison entre l'Est et l'Ouest de l'Allemagne, et trouvent que la distribution en l'Allemagne de l'Est est plus symétrique que celle de l'Allemagne de l'Ouest. Aussi, l'ampleur de la chute dans la distribution du revenu relatif en Allemagne de l'Est est le tiers de ce qu'on trouve à l'Ouest. Ceci correspondrait à une plus forte incidence des normes traditionnelles liées au genre en Allemagne de l'Ouest (Wieber and Holst,2015). Dans l'étude qu'ils mènent en Suède,Hederos Eriksson and Stenberg(2015) ne trouvent pas de discontinuité autour du seuil de 50%. Les auteurs concluent que leurs résultats vont à l'encontre de l'hypothèse selon laquelle le genre identitaire inuence les décisions économiques prises par les femmes au sein de leurs ménages.

Bertrand et al. (2015) montrent que l'aversion au fait qu'une femme ait un revenu supérieur à celui de son époux inuence négativement sa participation au marché du travail. Les femmes seraient plus susceptibles de se retirer du marché du travail an de se conformer aux rôles traditionnels induits par le genre identitaire. En utilisant un modèle de probabilité linéaire, les auteurs trouvent qu'aux États-Unis, la probabilité que la femme participe au marché du travail baisse de 1,4 points de pourcentage lorsque la probabilité qu'elle obtienne un revenu supérieur à celui de son époux augmente de 10 points de pourcentage.

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Fortin (2005) analyse la participation des femmes au marché du travail dans les pays de l'OCDE et trouve également que l'impact du genre identitaire y est signicatif. Son étude uti-lise les données du World Values Survey et suggère que les pays qui enregistrent les plus fortes proportions d'individus approuvant l'assertion  Lorsque les emplois sont rares, les hommes doivent avoir la priorité sur les femmes dans l'octroi du travail  enregistrent également un taux d'emploi faible chez les femmes ; et l'écart salarial entre les hommes et les femmes y est plus élevé. Cette observation montre que les attitudes discriminatoires à l'endroit des femmes continuent de jouer un rôle important dans le ralentissement de l'accès à l'égalité entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. Aussi, la perception des femmes comme  mé-nagères ou femmes au foyer  est mesurée dans l'étude de Fortin(2005) par l'énoncé issu des données du World Values Survey,  Être une femme au foyer est aussi valorisant qu'un emploi rémunéré . Le taux élevé d'approbation à cet énoncé relevé dans les pays où l'auteur mène son étude est associé à une moindre participation des femmes au marché du travail.

Quitter le marché du travail ou opter pour une revue à la baisse des ambitions professionnelles impliquent nécessairement des coûts nanciers autant pour les femmes que pour leurs ménages.

Bertrand et al.(2015) trouvent dans leur étude qu'an d'alléger la perte que pourrait engendrer leur retrait du marché du travail, les femmes optent pour une réduction de leur revenu en eectuant moins d'heures de travail ou s'orientent vers des emplois moins exigeants et moins bien rémunérés. Aux États-Unis, cette tendance des femmes de distordre leur ore de travail est d'autant plus forte lorsque les couples ont un niveau d'éducation faible. Cet état des choses rend la situation nancière des femmes plus précaire en ce sens qu'elle conduit à une baisse de leurs revenus. Il en résulte que l'écart entre le revenu réalisé par les femmes et leur revenu potentiel (celui qu'elles pourraient réaliser au regard de leurs caractéristiques démographiques) devient plus important. Les auteurs trouvent en eet qu'une hausse de 10 points de pourcentage dans la probabilité que la femme ait un revenu plus élevé que celui de son mari augmente l'écart entre le revenu qu'elle réalise et son revenu potentiel d'environ un point de pourcentage.

Bertrand et al. (2015) poussent ensuite leur analyse à l'impact que pourrait avoir la violation des normes induites par le genre identitaire sur la division de la production domestique. Les activités sur le marché du travail ou les tâches ménagères sont historiquement des activités allouées selon le sexe, d'où l'expression de  division sexuée du travail  (Lachance-Grzela and Bouchard, 2010). Ainsi, les hommes seraient traditionnellement les soutiens nanciers de la famille de par leur forte présence sur le marché du travail. Les femmes quant à elles, occu-peraient plus de responsabilités dans les charges domestiques malgré leur présence de plus en plus marquée sur le marché du travail et la hausse relative de leurs revenus. L'étude de

Bertrand et al. (2015) révèle que les femmes performantes sur le marché du travail allouent davantage de temps à l'accomplissement des tâches domestiques an de se conformer aux pré-ceptes résultant du genre identitaire. Les auteurs trouvent que toutes choses étant égales par ailleurs, les femmes qui ont un revenu supérieur à celui de leurs maris allouent en moyenne

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36 heures par semaine à l'exécution des travaux domestiques. Dans cette étude, les femmes qui obtiennent un revenu supérieur à celui de leurs époux  compensent  ce surplus en ef-fectuant davantage de tâches ménagères ; le but recherché étant d'atténuer la perte d'utilité de l'homme dont le statut de soutien nancier principal de la famille est menacé. Ce résultat est en contradiction avec le modèle Beckerien du mariage qui estime que la femme ayant plus de responsabilités sur le marché du travail accorde moins d'heures aux charges domestiques. L'étude de Greenstein (2000) elle, aboutit à la conclusion que la part du travail domestique de la femme décroît lorsqu'elle devient plus indépendante nancièrement, son revenu restant toutefois inférieur à celui de son époux. Lorsqu'elle gagne plus que lui cependant, sa part de travail dans les charges domestiques croît de nouveau. PourBertrand et al.(2015), il se trouve que la double charge de travail assumée par la femme (à son travail, et à son domicile) nit par devenir une surcharge. Cette exténuation et les conséquences négatives qui s'ensuivent aectent négativement la stabilité du ménage et augmentent ultimement la probabilité du divorce (Bertrand et al.,2015;Cooke,2006).

Dans leur réplique de l'étude de Bertrand et al. (2015) en Allemagne, Wieber and Holst

(2015) trouvent que les femmes ne se retirent pas du marché du travail lorsqu'elles ont un revenu supérieur à celui de leur époux. En ce qui concerne l'écart entre le revenu qu'elles réalisent et leur revenu potentiel, les auteurs trouvent des eets diérents selon la région étudiée et le statut d'emploi3considéré. Ils considèrent d'abord l'ensemble des femmes actives

sans distinction de leur statut d'emploi. Leurs résultats révèlent alors que les femmes qui ont une forte probabilité d'obtenir un revenu supérieur à celui de leur conjoint réalisent un revenu inférieur à leur potentiel. Ce résultat est vérié en Allemagne de l'Est mais ne l'est pas à l'Ouest. Toutefois, en ne considérant que les femmes qui travaillent à temps plein, les auteurs trouvent que l'eet négatif du genre identitaire sur le salaire réalisé par les femmes en Allemagne de l'ouest est vérié, tandis qu'il ne l'est plus en Allemagne de l'est. Ainsi, les femmes actives qui ont un revenu supérieur à celui de leurs maris en Allemagne de l'ouest sont systématiquement moins performantes sur le marché du travail et réalisent un revenu inférieur à leur potentiel. Dans cette partie de l'Allemagne, une augmentation de 10 points de pourcentage dans la probabilité qu'elles gagnent plus que leurs maris accroît l'écart entre leurs revenus réalisés et potentiels de 0,99 pourcentage de points. Les auteurs concluent que l'inuence du genre identitaire est beaucoup plus prononcée en Allemagne occidentale qu'en Allemagne de l'est. Ils poursuivent leur analyse en étudiant aussi l'eet du genre identitaire sur la division de la production domestique. Leurs résultats montrent que les femmes qui ont un revenu excédant celui de leurs conjoints consacrent en moyenne 4,6 heures de moins par semaine aux tâches ménagères. Ici, autant en Allemagne de l'est que de l'ouest, les résultats de leurs estimations vont à l'encontre de l'hypothèse formulée par Bertrand et al.(2015).

Lepinteur et al. (2016) proposent une autre approche dans l'étude des inégalités de genre

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observées dans la participation au marché du travail et dans l'importance des salaires. Ils montrent que la décision des femmes de se retirer du marché du travail trouve une explication dans leur perception de ce qui serait une juste répartition des heures relatives de travail au sein du ménage. Les femmes trouveraient injuste de travailler plus d'heures que les hommes pour n'obtenir au nal qu'un salaire égal au leur. Quitte à obtenir le même revenu que leurs maris pour le même temps de travail, les femmes préfèrent avoir moins d'heures de travail que ceux-ci. Aussi, lorsqu'elles travaillent plus d'heures que leurs conjoints, les résultats montrent que leur niveau de satisfaction dans le couple est faible ; comparativement aux femmes qui ont moins d'heures de travail. Les auteurs trouvent alors qu'une femme dont le revenu excède celui de son époux choisit de réduire sa participation au marché du travail ou de s'occuper davantage des tâches domestiques non pas de crainte de déroger aux normes prescrites par le genre identitaire, mais plutôt par souci d'équité. L'hypothèse de Lepinteur et al.(2016) dière donc de celle de Bertrand et al. (2015) en ce sens qu'ils considèrent que ces sont les heures de travail relatives qui expliquent non seulement la faible participation des femmes au marché du travail, mais aussi la diminution de la satisfaction des femmes dans leurs ménages ; et qui forment au nal un bon prédicteur de la dissolution des mariages.

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Chapitre 2

Données et statistiques descriptives

Ce chapitre décrit les données utilisées pour la réalisation de ce mémoire. Nous utilisons deux bases de données. La première, l'Enquête sur la Dynamique du Travail et du Revenu (EDTR) nous permet de suivre l'évolution de familles sur plusieurs années. Nous utilisons les données des années 1996, 2001, 2006 et 2011.

La deuxième est le World Values Survey, utilisée an de recueillir les données sur les croyances et valeurs humaines. Nous focalisons notre attention pour ce mémoire, sur les croyances et valeurs rattachées à l'égalité entre les genres. Nous utilisons la vague 5 correspondant aux enquêtes réalisées dans la période 2005-2009.

2.1 Enquête sur la Dynamique du Travail et du Revenu

L'Enquête sur la Dynamique du Travail et du Revenu1 a été la première enquête-ménage

fournissant des données nationales sur la stabilité du revenu d'une famille ou d'une personne type pendant une période de temps donnée. Elle est la source primaire au Canada pour les données sur le revenu et elle fournit de l'information supplémentaire aux données recueillies par l'Enquête sur la Population Active (EPA).

L'échantillon de l'EDTR est composé de deux panels. Chacun d'eux comprend deux groupes de renouvellement de l'EPA et couvre près de 17 000 ménages. Les membres d'un panel sont suivis pour une période de six années consécutives et un nouveau panel est introduit tous les trois ans. Par conséquent, deux panels se chevauchent en tout temps. Chaque ménage échantillonné dans le cadre de l'EDTR est interrogé sur une période de six ans.

L'échantillon contient toutes les personnes au Canada, à l'exclusion des résidents du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, des pensionnaires d'un établissement institu-tionnel et des personnes vivant dans des réserves indiennes. Dans l'ensemble, ces exclusions

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représentent moins de 3% de la population.

Tous les ans entre janvier et mars, les enquêteurs recueillent les informations sur le revenu et les expériences des répondants sur le marché du travail durant l'année civile précédente. Des renseignements sur les relations familiales et les activités éducatives sont recueillies par la même occasion. Les renseignements sur les relations familiales nous seront fort utiles dans l'es-timation du taux de formation des ménages. Les caractéristiques démographiques des membres des familles et des ménages représentent un instantané de la population à la n de chaque année civile. La participation à l'enquête est volontaire et les réponses sont directement obte-nues auprès des répondants. Ceux-ci peuvent toutefois choisir de se faire représenter par un autre membre du ménage pour fournir les réponses aux interrogations des enquêteurs, car les réponses par personne interposée sont acceptées dans le cadre de l'EDTR. Nous utilisons le chier Personne qui contient des identicateurs nous permettant de regrouper les personnes en ménage et en famille de recensement. Nous disposons dans ce chier de renseignements démographiques, de renseignements sur le revenu et sur les caractéristiques liées aux activités sur le marché du travail nécessaires à nos estimations.

Nous n'utilisons pas la dimension panel dans cette étude. Nous utilisons plutôt les données par cohorte des années 1996, 2001, 2006, et 2011 que nous avons regroupé en une seule base de donnée. Les données présentées dans les tableaux 2.1et2.2sont donc issues de cette base regroupée. Celle-ci contient 51,83% de femmes et 48,17% d'hommes. Nous avons modié les données de façon à ne garder que les individus ayant entre 18 et 65 ans. Nous eectuons une comparaison avec le Québec et il est intéressant de constater les diérences dans les données observées.

Dans l'ensemble du Canada, la proportion d'individus mariés, autant chez les hommes que chez les femmes, est largement supérieure à celle du Québec ; tandis que la proportion de couples vivant en union de fait au Québec représente environ 2,5 fois celle observée au Canada. Pour la variable statut d'activité annuel, on note en comparant les deux tableaux, que les hommes sont beaucoup plus présents sur le marché du travail que les femmes. Ces dernières sont également beaucoup plus inactives toute l'année. Nous dénissons par statut instable, l'ensemble des variables qui attestent d'une présence sporadique de l'individu sur le marché du travail. Les individus regroupés dans cette catégorie arment travailler une partie de l'année et être ou au chômage, ou inactif le reste de l'année. Chez les hommes, leur proportion est légèrement plus élevée au Québec que dans le reste du Canada, et l'inverse est observé au sein de la population féminine. Enn, la diérence dans le revenu de travail annuel est remarquable dans le sens où chez les hommes tout comme chez les femmes, le revenu moyen est beaucoup plus élevé dans le reste du Canada qu'au Québec. L'observation la plus marquante est la diérence entre le salaire moyen des hommes et celui des femmes. Au Québec, l'écart entre le revenu moyen des hommes et des femmes est de 40,57% et au Canada, il est de 42,70%. L'observation de ces diérences selon le genre est importante pour nous, car selon l'hypothèse de Bertrand et al.

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Table 2.1  Statistiques descriptives des hommes de l'EDTR Canada Québec Groupes d'âge 18 - 31 ans 29,63 28,57 32 - 43 ans 27,16 27,5 44 - 65 ans 43,21 43,94 Statut matrimonial Marié 53,33 38,89 En union de fait 9,38 22,73 Séparé 3,27 3,94 Divorcé 4,15 5 Veuf 0,59 0,7

Célibataire jamais marié 28,58 28,72

Niveau d'éducation

Primaire ou moins 20,23 24,37

Secondaire et post-secondaire non-universitaire 56,69 57,22

Universitaire 23,08 18,41

Statut d'activité annuel

Occupé toute l'année 66,86 64,47

En chômage toute l'année 1,69 2,54

Inactif toute l'année 10,42 11,76

Statut instable 21,03 21,23

Moyenne du revenu annuel de travail (en $) 35597,43 30823,98

Observations 86697 16540

Source : Enquête sur la Dynamique du Travail et du Revenu

(2015), les diérences observées dans la participation de la femme au marché du travail et dans l'écart salarial peuvent être liées à l'inuence du genre identitaire. La section suivante nous indique le lien entre certaines valeurs et croyances en rapport avec le genre.

2.2 World Values Survey

Le World Values Survey est une enquête réalisée par un réseau de professionnels et univer-sitaires en sciences sociales, analysant l'impact des changements des valeurs et croyances sur la vie politique, économique et sociale des sociétés. Elle est la plus importante enquête non commerciale, transnationale et chronologique sur les croyances et valeurs humaines jamais exé-cutée. Elle comprend actuellement des entrevues dans toutes les plus grandes zones culturelles du monde, avec près de 400 000 répondants, des pays les plus pauvres aux plus riches. Elle

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Table 2.2  Statistiques descriptives des femmes de l'EDTR Canada Québec Groupes d'âge 18 - 31 ans 28,8 28,24 32 - 43 ans 27,49 27,28 44 - 65 ans 43,71 44,48 Statut matrimonial Mariée 53,22 40,02 En union de fait 9,76 22,27 Séparée 4,07 4,5 Divorcée 6,21 7,72 Veuve 2,76 2,97

Célibataire jamais mariée 22,81 23,11

Niveau d'éducation

Primaire ou moins 16,64 21,51

Secondaire et post-secondaire non-universitaire 58,46 58,13

Universitaire 24,9 20,37

Statut d'activité annuel

Occupé toute l'année 58,02 54,7

En chômage toute l'année 1,49 1,86

Inactif toute l'année 20,54 24,12

Statut instable 19,96 19,33

Moyenne du revenu annuel de travail (en $) 20397,28 18317,88

Observations 90432 17116

Source : Enquête sur la Dynamique du Travail et du Revenu

regroupe un ensemble d'enquêtes représentatives menées dans près de 100 pays2.

Pour notre recherche, nous utilisons les résultats de la vague 5 comprenant les résultats d'en-quêtes menées entre les années 2005 à 2009, qui est la vague la plus récente comportant les données du Canada. Nous nous intéressons particulièrement à deux assertions :

1.  Lorsque les emplois sont rares, la priorité doit être accordée aux hommes dans l'octroi du travail.  Cette question nous permettra de mesurer la perception des répondants à l'égalité de l'accès à l'emploi entre les genres.

2.  Être une femme au foyer est tout aussi valorisant que de travailler pour un salaire . Cette deuxième question nous permettra de mesurer la conception canadienne de la femme comme responsable des charges domestiques.

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An de mesurer la conception des Canadiens et des Canadiennes sur l'importance de la par-ticipation de la femme aux charges nancières du ménage, nous aurions voulu utiliser les réponses à l'assertion :  Autant l'homme que la femme doivent contribuer au revenu du mé-nage  ; mais surtout les réponses à cet énoncé :  Si une femme a un revenu supérieur à celui de son époux, il en résultera nécessairement des problèmes . Ceux-ci ne gurent cependant pas dans le questionnaire du Canada.

Les tables 2.3et2.4présentent en pourcentage les réactions obtenues face aux armations 1

et2 au Canada et au Québec.

Table 2.3  Lorsque les emplois sont rares, la priorité doit être accordée aux hommes

Canada Québec

Âge Approuve Désapprouve Indécis Approuve Désapprouve Indécis 18 - 33 ans 6.92 86.37 6.71 10.57 79.67 9.76 34 - 45 ans 10.91 82.94 6.15 20.34 72.88 6.78 46 - 65 ans 11.86 79.04 9.1 19.66 62.92 17.42 Éducation Inférieur au secondaire 27.11 59.32 13.57 55.56 38.88 5.56 Secondaire 11.74 80.38 7.88 19.5 68.44 12.06 Universitaire 5.08 88.7 6.22 5.89 80.67 13.44 Observations 1706 419 Total 10.2 82.24 7.56 (100) 17.18 70.64 12.18 (100)

Source : World Values Survey

Note. Trois groupes d'âge ont été constitués an d'observer la variation des réponses par génération. Pour la variable Éducation, trois groupes ont également été constitués : le groupe  Inférieur au secondaire  comprend les individus dont la scolarité est inférieure au cycle secondaire qu'ils soient titulaires de diplômes

ou pas. Le groupes  Secondaire  et  Universitaire  comprennent les individus qui ont atteint ces cycles, indépendamment du fait qu'ils aient obtenu ou pas un diplôme. La mention Indécis comprend les individus n'ayant donné  aucune réponse  , ceux ayant déclaré  ne pas savoir  , et ceux s'étant déclaré  indécis  .

Dans la table2.3, on observe 10, 2% de taux d'approbation à l'armation  Lorsque les emplois sont rares, les hommes doivent avoir la priorité sur les femmes dans l'octroi du travail  au Canada contre 17, 18% au Québec. De même que Fortin (2005) et Bertrand et al. (2015) l'ont observé respectivement pour les cas de l'OCDE et des États-Unis, les réponses à ces questions ont tendance à varier selon groupes d'âge et les niveaux d'éducation. Au Canada, avec 11, 86% d'approbation, les personnes âgées de 46 à 65 ans sont les plus nombreuses à répondre favorablement à cette assertion. Ce taux baisse fortement avec les plus jeunes cohortes (18 - 33 ans) dont le taux d'approbation à cette armation est de 6, 92% au Canada et de 10, 57%au Québec. De façon similaire, on observe que les individus dont le niveau d'éducation est plus élevé ont tendance à davantage désapprouver cette déclaration. Au Canada, 5, 08% des individus qui ont atteint le niveau universitaire l'approuvent ; contre 27, 11% pour les personnes dont le niveau scolaire est inférieur au cycle secondaire. Au Québec cependant, jusqu'à 55, 56% de répondants ayant un niveau d'éducation inférieur approuvent cet énoncé. On observe plus ou moins les mêmes tendances dans la table2.4pour les réactions à

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l'arma-tion :  Être une femme au foyer est tout aussi valorisant qu'un emploi rémunéré . Dans le questionnaire du World Values Survey, cette question est posée selon l'échelle de Likert3, et

est répartie selon cinq paliers de réponses. Dans le but de faciliter la lecture des résultats, nous regroupons les réponses en trois grands groupes. 76, 1% des individus âgés entre 18 et 33 ans approuvent cette assertion. La tendance est similaire pour les groupes d'âge plus avancés. Au Québec, le taux d'approbation à cet énoncé chez les 46 - 65 ans est légèrement plus élevé que celui relevé au Canada. Comme dans le tableau précédent, on observe aussi que les individus qui ont un niveau inférieur au cycle secondaire sont les plus enclins à approuver le fait qu'être une femme au foyer est tout aussi valorisant que de travailler pour un salaire. Ici encore, le taux d'approbation relevé au Québec (94, 44%) est plus élevé que celui relevé au Canada (83, 05%). Dans les deux régions, quels que soient la tranche d'âge et le niveau d'éducation, le taux d'approbation à cette assertion est extraordinairement élevé.

Au regard de ces résultats, il s'avère que le poids de certaines normes traditionnelles est encore relativement important. Ceci est particulièrement vrai au Québec où les taux d'approbation à ces deux énoncés sont plus élevés. On soupçonne alors selon l'hypothèse de Bertrand et al.

(2015) que l'inuence du genre identitaire pourrait y être plus forte.

Table 2.4  Être une femme au foyer est tout aussi valorisant qu'un emploi rémunéré

Canada Québec

Âge Approuve Désapprouve Indécis Approuve Désapprouve Indécis 18 - 33 ans 76,1 19,5 4,4 75,61 21,14 3,25 34 - 45 ans 74,8 21,23 3,97 72,89 22,03 5,08 46 - 65 ans 79,17 16,97 3,86 81,46 16,85 1,69 Éducation Inférieur au secondaire 83,05 13,56 3,39 94,44 5,56 0 Secondaire 78,85 18,1 3,05 78,37 18,79 2,84 Universitaire 72,5 21,29 6,21 72,27 23,53 4,2 Observations 1706 419 Total 77,03 18,93 4,04 (100) 77,33 19,57 3,1 (100)

Source : World Values Survey

Note. Trois groupes d'âge ont été constitués an d'observer la variation des réponses par génération. Pour la variable Éducation, trois groupes ont également été constitués : le groupe  Inférieur au secondaire  comprend les individus dont la scolarité est inférieure au cycle secondaire qu'ils soient titulaires de diplômes

ou pas. Le groupes  Secondaire  et  Universitaire  comprennent les individus qui ont atteint ces cycles, indépendamment du fait qu'ils aient obtenu ou pas un diplôme. La mention Indécis comprend les individus n'ayant donné  aucune réponse  , ceux ayant déclaré  ne pas savoir  , et ceux s'étant déclaré  indécis  .

3. L'échelle de Likert comprend pour chaque énoncé ou armation une graduation comprenant le plus souvent cinq ou sept choix de réponse permettant de nuancer le degré d'accord.

(27)

Chapitre 3

Analyses graphiques

Ce chapitre présente les analyses graphiques obtenues à partir des données de l'EDTR. Nous établissons d'abord les distributions des parts de revenu gagnées par les femmes au sein des couples canadiens et québécois. Nous cherchons ensuite à vérier la présence de discontinuité au seuil de 50% dans ces distributions.

3.1 Revenu relatif au sein des ménages

Les gures suivantes illustrent les distributions des parts de revenu des femmes dans les mé-nages canadiens1. Les distributions sont observées pour les années 1996, 2001, 2006 et 2011.

Nous dénissons le revenu relatif comme suit : relativeIncomei=

wif eIncomei

wif eIncomei+ husbIncomei

où i dénit un couple et, wifeIncomei et husbIncomei représentent respectivement les re-venus annuels du travail des femmes et des hommes ayant entre 18 et 65 ans. Les rere-venus annuels considérés sont positifs et incluent autant les gains salariaux que les revenus du tra-vail autonome, le cas échéant.

Ces gures représentent la distribution fréquentielle du revenu relatif, relativeIncomeirépartie par vingt classes de 0, 05. Nous utilisons une fonction lowess2, et estimons la distribution à

gauche et à droite de relativeIncomei = 12. Les points bleus sur les densités représentent la fraction de couples dans chaque classe de 0, 05 de revenu relatif.

La gure 3.1représente la distribution agrégée de la part du revenu des femmes au sein des ménages canadiens pour l'ensemble des années que nous étudions.

1. L'annexe présente ces distributions pour les ménages québécois.

2. La fonction LOWESS (Locally Weighted Scatterplot Smoothing) est un outil de lissage non-paramétrique qui permet de créer une courbe lissée à travers un graphique ou un nuage de points an d'observer la relation entre des variables et de prévoir des tendances (Cleveland,1979). Cette méthode est plus intéressante à utiliser dans notre cas qu'un outil paramétrique dans la mesure où nous ne présupposons pas le type de distribution.

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Figure 3.1  Distribution du revenu relatif pour l'ensemble des cohortes

Nous observons un saut brusque dans la fonction de distribution au seuil de 50%, à partir du moment où la femme commence à avoir un revenu supérieur à celui de son conjoint. À partir de ce seuil, la fraction de couples au sein desquels les femmes ont une part du revenu importante est en constante décroissance. Bertrand et al. (2015) argumentent que cette discontinuité pourrait s'expliquer par le fait que les couples évitent de se marier en raison de la hausse relative du revenu de la femme et de l'impact négatif qu'elle pourrait avoir sur la stabilité du ménage.

Nous observons par la suite cette distribution chaque 5 ans à partir de l'année 1996 jusqu'à l'année 2011. Ces distributions sont présentées ci-dessous dans la gure3.2. De façon similaire à la distribution agrégée présentée dans la gure 3.1, on observe pour les distributions quin-quennales des revenus relatifs présentées dans la gure 3.2une discontinuité au seuil de 50%. Cette observation renvoie à celle de Bertrand et al. (2015) et Wieber and Holst (2015) qui observent les mêmes tendances respectivement aux États-Unis et en Allemagne. Nous suivons l'hypothèse de Bertrand et al. (2015) et attribuons la chute dans la distribution du revenu relatif des femmes dans leurs ménages à l'inuence du genre identitaire. Les femmes qui ont un revenu supérieur à celui de leurs conjoints pourraient avoir tendance, comme dans l'étude de Bertrand et al. (2015), à prendre des décisions économiques an de préserver l'équilibre et la structure du ménage traditionnel. Toutefois, an de vérier la présence et la signicativité de discontinuités au sein de ces distributions, nous eectuons dans la section suivante le test de discontinuité de McCrary(2008).

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Figure 3.2  Distribution du revenu relatif par cohorte

(a) Distribution en 1996 (b) Distribution en 2001

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3.2 Test de discontinuité des diérentes distributions

Les gures suivantes présentent les tests graphiques deMcCrary(2008) permettant de s'assurer de la présence de discontinuité dans la distribution de la part de revenu détenu par les femmes au sein de leurs ménages. McCrary (2008) propose un test permettant de déceler la présence de discontinuité autour d'un seuil dans les variables d'intérêt. Le test qu'il propose est basé sur un estimateur de discontinuité à un seuil dans une fonction de densité comprenant la variable d'intérêt. Le test est implémenté comme un test de Wald en prenant pour hypothèse nulle qu'il n'y a pas de discontinuité. L'estimateur est une extension d'un estimateur de densité localement linéaire et son implémentation se décline en deux étapes. La première consiste en la réalisation d'un histogramme sous-lissé dont les intervalles sont choisis de façon à ce que soient exclus les points qui sont à gauche et à droite d'un seuil c autour duquel la discontinuité est suspectée. La deuxième étape consiste en un lissage localement linéaire. À cette étape, l'histogramme est lissé à travers l'estimation d'une régression pondérée en utilisant les points médians des intervalles, et en accordant plus de poids aux intervalles les plus proches du point seuil considéré. Ainsi, an de mieux apprécier la présence d'une éventuelle discontinuité dans la densité, le lissage localement linéaire est eectué séparément pour les intervalles à gauche et à droite du point seuil où il pourrait possiblement avoir une discontinuité. Sommairement, le coecient du test est θ = lnf+− lnf; où f+ et findiquent la densité juste à gauche et à droite du seuil c. La présence d'une chute dans la densité se traduit donc par un signe négatif de θ.

Figure 3.3  Test McCrary de l'ensemble des cohortes

Nous observons bien une discontinuité au seuil de 50% estimée à θ = −29, 4%(p < 0.01) dans la fonction de distribution canadienne. Au Québec, tel que présenté dans l'annexe, il y a aussi une discontinuité observée au seuil de 50% estimée à θ = −25, 8%(p < 0.01).

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Nous vérions ensuite la présence et la signicativité de discontinuités dans les densités ob-servées chaque 5 ans. La taille de la chute se réduit à travers les années. Bien qu'elle reste

Figure 3.4  Tests McCrary des diérentes distributions par cohorte

(a) 1996 (b) 2001

(c) 2006 (d) 2011

signicative (p < 0.01) dans toutes les cohortes, on observe qu'entre 1996 et 2011, la taille de la chute entre les diérentes densités s'est progressivement réduite. Au Canada en 1996, le saut était estimé à θ = −31, 92% tandis qu'il était estimé à −16, 28% en 2011. L'évolution est beaucoup plus rapide au Québec où θ était estimé à −34, 64% en 1996, mais atteignait déjà −9, 5% en 2011. Cette réduction dans la taille de la chute observée dans les distributions du revenu relatif des femmes dans leurs ménages s'expliquerait notamment par la présence de cohortes plus jeunes dans les bases de données. Les nouvelles générations ont tendance à expri-mer une vision moins conservatrice de certains aspects de la structure du ménage traditionnel (Fortin,2005;Bertrand et al.,2015).

Nous observons au Canada et au Québec une discontinuité au seuil de 50% dans la distribution de la part du revenu des femmes au sein de leurs ménages dans les cohortes étudiées. Le test de McCrary (2008) nous permet ainsi de conrmer l'existence de la discontinuité au seuil

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Table 3.1  Tests McCrary de discontinuité autour du point seuil

Seuil c Canada Québec

0,49 -0,246*** (0,0918) -0,242***(0,0830) 0,5 -0,294*** (0,085) -0,258***(0,15) 0,51 -0,187** (0,0948) -0,174**(0,0859) Standard errors in parentheses *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1

considéré. En nous basant sur l'hypothèse de Bertrand et al. (2015), nous suspectons que la discontinuité mise ici en évidence, peut venir de trois impacts du genre identitaire. Le premier impact est celui sur la formation des couples. Les couples ne se formeraient pas lorsque les femmes ont des revenus plus élevés que ceux des hommes. Le second impact est celui sur la participation extensive au marché du travail. Les femmes qui peuvent potentiellement gagner un revenu supérieur à celui de leur conjoint se retireraient du marché du travail. Pour ce qui est du troisième impact, nous considérons la participation intensive. Ici, les femmes qui peuvent potentiellement gagner un revenu supérieur à celui de leur conjoint réduiraient leur ore de travail ou opteraient pour des carrières moins bien rémunérées dans le but d'obtenir un salaire plus bas. Nous testons successivement ces trois eets à l'aide de régressions réalisées dans le chapitre suivant.

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Chapitre 4

Estimations et résultats

Nous cherchons dans ce chapitre à estimer trois impacts pouvant expliquer la discontinuité observée au seuil de 50% dans les distributions de revenus relatifs au chapitre précédent. Les trois sections suivantes estiment respectivement l'évolution des taux de mariage, la participa-tion de la femme au marché du travail, et l'écart entre le revenu réalisé et le revenu potentiel de la femme ; le tout, selon la probabilité qu'une femme ait un revenu supérieur à celui de son conjoint.

4.1 Estimation des taux de mariage

Nous analysons dans cette première section, comment la proportion d'individus mariés varie avec la distribution des revenus potentiels des hommes et des femmes. Charbonneau(2016) et

Milan(2013) montrent que les taux de mariage ont connu une baisse importante ces dernières décennies au Canada et au Québec. L'observation de la distribution du revenu relatif des femmes au sein des ménages au chapitre 2 a permis de constater que la proportion de couples dans lesquels la femme a un revenu supérieur à celui de son époux est très faible dans l'ensemble des cohortes étudiées. Tel qu'avancé parBertrand et al.(2015), cette observation pourrait être due au fait que les couples essaieraient d'éviter une situation dans laquelle la femme a un revenu excédant celui de son conjoint.

En nous basant sur la théorie du mariage de Becker (1973), nous regroupons les individus dans des marchés de mariage sous le critère de l'homogamie. Les individus auraient tendance à choisir des partenaires ayant des caractéristiques similaires aux leurs (Becker, 1973) telles que l'éducation, l'âge ou la race (Bertrand et al., 2015). Nous regroupons sur cette base les individus dans nos échantillons selon des groupes d'âge, des niveaux d'éducation, et selon leurs provinces de résidence. Nous dénissons pour cela, trois groupes d'âge : 18-33 ans, 34-45 ans et 46-65 ans pour les hommes ; 18-31 ans, 32-43 ans et 44-65 ans pour les femmes1.

1. Les individus ont tendance à se marier dans leurs groupes d'âge. On note toutefois qu'en général, les hommes ont tendance à épouser des femmes plus jeunes ; et la diérence d'âge est estimée en moyenne à deux

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Trois niveaux d'éducation similaires pour les hommes et les femmes : le niveau primaire et celui en deçà (aucune scolarité), le niveau secondaire et post-secondaire non universitaire, et le niveau universitaire. Nous considérons les dix provinces du Canada2. Des données de

l'EDTR, il ressort que les couples se forment entre des individus ayant généralement les mêmes caractéristiques démographiques. Comme présenté dans la table A1de l'annexe de façon plus détaillée, 56, 95% des hommes dans nos échantillons forment des couples avec des femmes ayant un niveau d'éducation similaire. On observe par exemple que seuls 1, 8% d'hommes dont le niveau d'éducation est inférieur ou égal au niveau primaire ont pour conjointes des femmes ayant atteint le niveau universitaire. Aussi, on observe que 73, 81% des couples se forment entre les individus appartenant à la même tranche d'âge. Seulement 3, 94% d'hommes âgés de 18 à 33 ans sont en couple avec des femmes dont l'âge se situe entre 32-43 ans par exemple. Nous allons ensuite regarder comment la probabilité qu'une femme ait un revenu plus élevé que son conjoint aecte le taux de mariage dans chaque marché. Pour chaque année t, nous construisons M marchés de mariage d'après les variables  âge ,  éducation , et  province de résidence . Nous obtenons pour le Québec 36 marchés de mariage, et en y associant les 10 provinces considérées, 360 marchés pour le Canada. Dans chaque marché de mariage, nous dupliquons chaque individu 10 fois, puis nous tirons aléatoirement des couples ctifs3.

Ces couples ctifs sont donc formés sur la base de ces marchés, indépendamment du statut matrimonial des individus dans les bases de données initiales. La formation de ces couples ctifs nous permet d'évaluer, dans un marché de mariage quelconque, la décision des individus de contracter un mariage selon la probabilité qu'une femme gagne un revenu supérieur à celui d'un homme.

Ensuite, pour chaque marché m et chaque année t, nous calculons la probabilité lorsqu'une femme rencontre un homme, elle ait un revenu qui soit supérieur au sien. En considérant la variable des revenus de travail annuels, nous attribuons 0 comme revenu de travail aux individus (hommes et femmes) qui ne participent pas de façon régulière au marché du travail. Puis, après avoir assigné à chaque individu le marché qui lui correspond, nous dénissons par WomanEarnsMore la variable dichotomique qui prend 1 si une femme a un revenu supérieur à celui d'un homme dans chaque couple ctif. La moyenne de cette variable est donnée par P rW omanEarnsM oremt qui constitue la probabilité qu'une femme en couple ait un revenu supérieur à celui de son conjoint dans chaque marché m pour une année t donnée. Pour la base de donnée agrégée, cette probabilité était de 35, 76% au Canada et de 36, 79% au Québec. Lorsqu'on considère les cohortes individuellement, on note tant au Canada qu'au Québec, une légère augmentation de la probabilité de la femme d'avoir un revenu supérieur à celui de son

ou trois ans (Hajnal,1953).

2. Toutes les provinces sont considérées à l'exception des résidents du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, des pensionnaires d'un établissement institutionnel et des personnes vivant dans des réserves indiennes.

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conjoint. L'augmentation de cette probabilité à travers les années est relativement stable. En 2011 au Canada, cette probabilité était de 37, 92% tandis que quinze ans auparavant elle était de 34, 3%. La tendance est similaire pour le cas du Québec où en 2011 la probabilité qu'une femme ait un revenu supérieur à celui de son conjoint était de 39, 3% alors qu'elle était de 35, 97% en 1996. Nous calculons ensuite la part d'hommes mariés dans chaque marché que nous régressons sur la variable P rW omanEarnsMoremt. Il est possible que les marchés où il est probable que la femme gagne un revenu plus élevé qu'un homme soient des marchés dans lesquels les femmes sont plus carriéristes et soient moins intéressées par le mariage. Nous ajoutons donc des contrôles pour les logarithmes des revenus moyens des hommes et des femmes. Pour les quatre spécications que nous avons, nous incluons les eets xes par groupe d'âge, niveau d'éducation, province de résidence et année t donnée. Nous appliquons à nos régressions un cluster pour la variable représentant les provinces de résidence.

Les résultats des diérentes spécications se trouvent dans la table 4.1.Le nombre d'observa-tions représente le nombre de marchés de mariage (360 pour le Canada et 36 pour le Québec). La colonne (1) contient les résultats de la spécication de base. Dans celle-ci, l'eet de la pro-babilité qu'une femme ait un revenu supérieur dans le couple (P rW omanEarnsMoremt) sur la probabilité de mariage est de -19.6 points de pourcentage. Bien qu'il soit négatif, l'impact de cette probabilité sur la part d'hommes mariés n'est pas signicatif. Dans la colonne (2), nous ajoutons la part du revenu relatif moyen de la femme ; qui est le revenu moyen de la femme dans chaque marché de mariage divisé par la somme du revenu moyen de l'ensemble des hommes et des femmes dans les diérents marchés. L'ajout de cette variable de contrôle fait légèrement baisser l'eet estimé à −16, 8%. Cependant, comme dans l'étude deBertrand et al. (2015), l'impact demeure non-signicatif. Dans la colonne (3) ; les niveaux d'éducation des hommes et des femmes, et le nombre d'hommes et de femmes dans les divers marchés sont ajoutés comme variables de contrôle. À l'ajout de ces variables, l'eet estimé demeure faible et n'est toujours pas signicatif. Enn dans la colonne (4), nous ajoutons le sex-ratio. Il s'agit de la proportion d'hommes dans l'ensemble des couples formés dans les marchés de mariage. L'eet estimé de P rW omanEarnsMoremt sur la probabilité de mariage est alors de −24% et devient signicatif au seuil de 5%.

Les mêmes spécications sont eectuées pour la province québécoise. Au Québec, déjà à la première spécication présentée dans la colonne (5), l'impact de la probabilité P rW omanEarnsM oremt sur la probabilité de mariage est plus fort que celui observé au Canada. L'impact est en eet estimé à −59, 5% et est signicatif (p < 0.01). À l'ajout du revenu relatif moyen de la femme dans la colonne (6), l'impact devient moins fort (−35, 9%) et demeure toujours aussi signicatif. À l'ajout des dernières variables de contrôle (niveaux d'éducation des hommes et des femmes, le nombre d'hommes et de femmes dans les divers marchés), l'estimation bien que négative (−6, 44%), faiblit et devient inférieure à celle observée au Canada. Finalement, à l'ajout du sex-ratio dans la colonne (8), l'impact de la probabilité

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