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Caractéristiques parentales associées aux comportements maternels atypiques : l'influence du fonctionnement réflexif parental et de l'orientation mentale maternelle

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Academic year: 2021

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Caractéristiques parentales associées aux

comportements maternels atypiques : l’influence du

fonctionnement réflexif parental et de l’orientation

mentale maternelle

Thèse

Julie Roy

Doctorat en psychologie – recherche et intervention-orientation clinique

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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Caractéristiques parentales associées aux

comportements maternels atypiques : l’influence du

fonctionnement réflexif parental et de l’orientation

mentale maternelle

Thèse

Julie Roy

Sous la direction de :

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Résumé

Bien que les comportements maternels atypiques (CMA) soient liés à d’importants impacts sur l’enfant, notamment en ce qui a trait à la désorganisation de l’attachement, les caractéristiques maternelles susceptibles d’influencer la manifestation des CMA demeurent méconnues. Peu de données sont disponibles quant aux processus psychologiques pouvant être impliqués dans la manifestation de CMA dans l’interaction mère-enfant. En ce sens, cette thèse vise à mieux comprendre l’influence de la mentalisation maternelle sur la manifestation de CMA via les construits de fonctionnement réflexif parental (FRP), de fonctionnement réflexif (FR) et d’orientation mentale maternelle (OMM). À cette fin, 91 mères issues de la communauté ont pris part à l’Entrevue d’attachement adulte (AAI) pendant leur troisième trimestre de grossesse, à une version adaptée de l’Entrevue de développement parental (PDI adapté) et à des situations d’interaction mère-enfant lorsque leur bébé était âgé de 6 mois ainsi qu’à la Protocole de la Situation Étrange (PSE) lorsque l’enfant était âgé de 14 mois. Les mères ont également complété des mesures auto-rapportées évaluant notamment la dépression, la dissociation et l’alexithymie.

Dans un premier temps, la mesure adaptée du FRP (PDI adapté) a été validée en examinant 1) la stabilité intercontextuelle du fonctionnement réflexif dans différentes relations d’attachement, soit celle avec son enfant (FRP (PDI adapté)) et celle avec ses propres parents (FR (AAI)); 2) la spécificité de l’aspect parental du FRP en explorant les liens entre le FRP, le FR, les CMA et des variables maternelles non spécifiques à la parentalité (i.e. dépression, dissociation et alexithymie) ainsi que 3) la spécificité du construit de fonctionnement réflexif en examinant les lien entre le FRP, le FR et d’autres processus mentaux, soit la dissociation et l’alexithymie. Les résultats des analyses corrélationnelles indiquent que, dans notre échantillon, le FR (AAI) prénatal permet de prédire le FRP (PDI adapté) six mois après la naissance, suggérant que les capacités réflexives sont relativement stables dans différentes relations d’attachement. En outre, le FRP (PDI adapté) est lié à davantage de types de CMA que le FR (AAI). Le FR n’est pas plus lié que le FRP aux variables maternelles non spécifiques à la parentalité (i.e. dépression, dissociation et alexithymie). Ainsi, nos résultats suggèrent que le FRP serait plus proximal aux comportements maternels en interaction avec l’enfant, mettant en valeur la spécificité parentale de la mesure adaptée du FRP. Enfin, le FR et le FRP ne sont pas liés à la dissociation

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et à l’alexithymie, suggérant que la version adaptée du PDI permet de mesurer spécifiquement le fonctionnement réflexif et non d’autres types de processus mentaux. Ainsi, cette thèse présente la validation d’une mesure plus efficiente du FRP tout en fournissant un des premiers appuis empiriques à la stabilité intercontextuelle du FR.

Afin d’étudier le rôle de la mentalisation maternelle dans la manifestation des CMA, une analyse de régression logistique binaire a été réalisée. Nos résultats indiquent que le FRP et l’OMM expliquent un pourcentage significatif de variance des CMA insensibles. Les mères présentant de plus faibles capacités de FRP et faisant davantage d’erreurs dans la verbalisation des états mentaux de leur enfant sont plus susceptibles de manifester des CMA insensibles. Ces résultats soulignent l’influence de la mentalisation maternelle sur les comportements parentaux dans l’interaction mère-enfant. À cet égard, cette thèse offre une perspective enrichissante quant aux processus mentaux maternels liés aux CMA tout en présentant un intérêt clinique quant à l’intervention auprès des dyades mère-enfant.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des abréviations ... ix

Remerciements ... x

Chapitre I : Introduction ... 1

Comportements maternels atypiques ... 1

Définition et historique du concept ... 1

Mesure des comportements maternels atypiques ... 3

Impacts des CMA ... 7

CMA et caractéristiques maternelles ... 9

Orientation mentale maternelle ... 12

OMM et CMA ... 14

Fonctionnement réflexif parental... 14

Définition du construit ... 14

Développement du fonctionnement réflexif... 16

Mesure du fonctionnement réflexif ... 18

Stabilité intercontextuelle du fonctionnement réflexif ... 20

FRP et CMA ... 22

Objectifs et hypothèses ... 29

Objectif 1 : Validation d’une mesure adaptée du FRP ... 29

Objectif 2 : Caractéristiques maternelles associées aux CMA ... 30

Chapitre 2 : Méthode ... 32

Participants ... 32

Procédure ... 34

Mesures ... 35

Plan d’analyses statistiques ... 42

Validation d’une mesure adaptée du FRP ... 43

Caractéristiques maternelles associées aux CMA ... 43

Chapitre 3 : Résultats ... 45

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Caractéristiques maternelles associées aux CMA ... 48

Chapitre 4 : Discussion ... 54

Validation d’une mesure adaptée du fonctionnement réflexif parental ... 54

Stabilité intercontextuelle du fonctionnement réflexif ... 54

Spécificité de l’aspect parental du construit de FRP ... 55

Spécificité du construit de fonctionnement réflexif ... 56

Caractéristiques maternelles associées aux CMA insensibles ... 58

Fonctionnement réflexif parental ... 58

Verbalisation des états mentaux non-concordantes ... 60

Caractéristiques maternelles associées aux CMA déconnectés ... 61

Caractéristiques maternelles associées à la mesure globale des CMA ... 62

Spécificité de la mesure des CMA ... 63

Résultats inattendus ... 65

Considérations méthodologiques ... 66

Contexte d'évaluation des CMA ... 66

Dépression maternelle ... 69

Forces, limites, réplication des résultats et pistes de recherche futures ... 71

Validation d’une mesure adaptée du FRP ... 71

Comportements maternels atypiques ... 73

Intérêt clinique ... 76 Conclusion ... 79 Références bibliographiques... 81 Annexe A ... 94 Annexe B ... 96 Annexe C ... 99 Annexe D ... 101 Annexe E ... 102

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Liste des tableaux

Tableau 1. Mesures utilisées pour chaque objectif de recherche ... 33

Tableau 2. Moyennes, écarts-types et corrélations des scores continus de FRP, de FR, de CMA, de dépression, de dissociation, d’alexithymie, de VEM et de la scolarité

... 46 Tableau 3. Pourcentage (%) de mères présentant un seuil problématique de CMA lorsque

l'enfant est âgé de 6 et 14 mois ... 47 Tableau 4. Statistiques corrélationnelles du FRP et du FR catégoriels, des VEM

non-concordantes, des CMA catégoriels et des variables de contrôle lorsque l’enfant est âgé de 6 mois ... 50 Tableau 5. Résultats de l'analyse de régression logistique binaire du FRP catégoriel et des

VEM non-concordantes comme variables prédictrices des CMA insensibles (à 6 mois), en contrôlant pour le niveau de scolarité et le vécu d'abus ... 53 Tableau 6. Différence de scores de CMA et de dissociation (à 6 mois) en fonction du vécu

traumatique des mères ... 101 Tableau 7. État civil, primiparité et sexe de l’enfant selon le type de CMA (à 6 mois) .... 102

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Liste des figures

Figure 1. Distribution des scores de CMA insensibles (6 mois). ... 51 Figure 2. Distribution des scores de CMA déconnectés (6 mois). ... 51

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Liste des abréviations

AAI ... Entrevue d’attachement adulte CMA ... Comportement maternel atypique DIP ... Instrument d'évaluation du parentage déconnecté et extrêmement insensible FR ... Fonctionnement réflexif FRP ...Fonctionnement réflexif parental OMM ... Orientation mentale maternelle PDI ... Entrevue du développement parental PSE ... Protocole de la Situation Étrange VEM ... Verbalisation des états mentaux

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Remerciements

Je tiens d’abord à remercier Madame Claud Bisaillon et Monsieur Réjean Tessier pour leur contribution à l’évaluation finale de ma thèse. Vos questions et commentaires m’ont permis de peaufiner ma thèse et de stimuler ma réflexion sur ses applications cliniques et de recherche.

Merci à Monsieur Stéphane Sabourin, membre de mon comité de thèse ainsi que du jury : vos remarques et suggestions m’ont toujours aidé à y voir plus clair et à mieux structurer mes travaux.

Merci à Madame Lina Normandin, membre du comité de thèse. Vos interventions m’ont permis de mieux saisir la complexité et la subtilité de la recherche auprès des mères.

Merci à Madame Karin Ensink, directrice de thèse. Ce fut un parcours long et ardu, parsemé de détours et au bout duquel nous sommes enfin parvenues. Cette expérience de thèse m’aura fait grandir tant au plan professionnel que personnel et votre présence aura été déterminante.

Merci aux étudiants du labo qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de cette thèse, notamment Marie-Ève Rousseau et Eva Bérubé-Beaulieu. Merci à Julie Maheux la collaboration sur la thèse et pour le soutien au cours de ce cheminement : j’apprécie toujours nos échanges.

Merci à l’équipe de périnatalité de l’IUSMQ de m’avoir instillé la passion du travail clinique auprès des mères. Un merci tout spécial à Pascale Tremblay, Laurence Viau-Guay et Geneviève Sauvageau, superviseures cliniques, m’ayant permis de déployer mes ailes dans la pratique de la psychothérapie. C’est ce travail qui donne son sens à mes études doctorales.

De nombreux amis et connaissances m’ont soutenue à travers les années par de bons mots et de belles attentions. Je tiens à remercier spécialement les sacoches (Klax, Val, Marie, Mel, Aida et Brad), Anaïs et Julien.

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Aux amies du doc : Emma, Clau, Caro Desro et Émy. Merci pour tous les bons moments, le rire, la déesse de l’amour, le réconfort, le vin, la normalisation et le soutien. Ce doctorat n’aurait pas été le même sans vous.

Merci à Caro, Doomi et Julie. Merci de croire en moi, d’être là quand ça va bien, quand ça va mal et quand ça va ben ordinaire. Vous avez été de fidèles ‘pitcheuses d’eau’ pendant mon long marathon de thèse. Un mot particulier pour Julie, ma grande amie et cheerleader de toujours. Merci de ta présence indéfectible et de m’accueillir ainsi dans ta vie. Toi et ta petite famille qui m’a aussi adoptée : Gréco, Coralie et bientôt Mélodie. Ton amitié m’est très précieuse.

Merci à ma belle-famille, particulièrement à Angèle et Michel. Je suis privilégiée d’avoir une belle-famille aussi supportante de moi et de mes projets. Vos mots et gestes d’encouragement m’ont beaucoup touchée.

Merci à toute ma grande famille pour votre amour et votre soutien : Grammie, Grampa, les ‘mononcles’, ‘matantes’, cousins et cousines. Merci Soeur d’être là. Mom et Dad : Merci de toujours m’appuyer et de veiller à ce que je ne me retrouve pas ‘mal organisée’. Vous êtes là même quand vous ne comprenez pas trop ce que je fais ou pourquoi je le fais. Ça rend votre soutien encore plus spécial. I love you all very much.

À Chéri. Ces dernières années ont été particulièrement difficiles et ton soutien a été inestimable. Merci de croire en moi quand je n’y arrive pas. Merci de ta présence, de ta patience, de ton amour. Je t’aime, toi et la petite famille que nous sommes.

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Chapitre I : Introduction

Comportements maternels atypiques Définition et historique du concept

Depuis le début des années ’90, un intérêt grandissant a été manifesté envers les comportements maternels atypiques (CMA), un type spécifique de comportement parental négatif. Les CMA incluent des comportements relevant d’une extrême insensibilité et d’autres dits déconnectés, i.e. effrayants, effrayés, dissociés, sexualisés et désorientés (Lyons-Ruth, Bronfman, & Parsons, 1999). L’étude des CMA découle de l’identification du style d’attachement désorganisé par Mary Main et ses collègues au début des années ’90. Ce style d’attachement est décrit comme une incapacité de l’enfant à trouver une solution pour diminuer sa détresse lorsque son système d’attachement est activé. L’évaluation du style d’attachement de l’enfant se fait via l’observation d’une suite de séparations et de réunions d’avec sa mère, connue sous le nom de la Protocole de la Situation Étrange (PSE : Ainsworth, Blehart, Waters, & Wall, 1978). La désorganisation de l’attachement se manifeste par des comportements contradictoires, qu’ils soient simultanés ou séquentiels ; des mouvements incomplets, interrompus ou stéréotypés ; des postures anormales ou encore par une crainte face à la mère (Main & Solomon, 1990).

En raison des impacts majeurs du style d’attachement désorganisé, la compréhension des facteurs menant à la désorganisation de l’attachement est devenu un sujet d’étude des plus prometteur (Fonagy & Target, 2003 ; Madigan, Bakermans-Kranenburg et al., 2006). En effet, de tous les styles d’attachement, l’attachement désorganisé dans la petite enfance aurait la plus grande valeur prédictive de difficultés psychologiques futures pendant l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte (Carlson, 1998 ; Lyons-Ruth, 1996 ; Lyons-Ruth, Alpern, & Repacholi, 1993 ; Ogawa, Sroufe, Weinfield, Carlson, & Egeland 1997). Les bambins ayant un attachement désorganisé sont plus susceptibles de présenter de la détresse à 18 mois (Lyons-Ruth et al., 1999), des comportements agressifs (ou externalisés) chez les enfants d’âge préscolaire et scolaire (Lyons-Ruth, 1996 ; Lyons-Ruth & Jacobvitz, 1999 ; van IJzendoorn, Schuengel, & Bakermans-Kranenburg, 1999), un renversement des rôles parents-enfants à l’enfance (Main, Kaplan, & Cassidy, 1985 ; Main & Cassidy, 1988), et ce, de façon concomitante et subséquente à l’évaluation de l’attachement. À l’adolescence, ces

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mêmes individus présentent davantage de symptômes psychopathologiques (Carlson, 1998) et d’expériences dissociatives (Carlson, 1998 ; Ogawa et al., 1997). À l’âge adulte, ils sont plus à risque de vivre des problèmes conjugaux ainsi que de présenter des comportements d’automutilation (Sroufe, Egeland, Carlson, & Collins, 2005) et des expériences dissociatives (Carlson, 1998). En raison de la gravité de ses impacts, l’étude des facteurs menant à la désorganisation de l’attachement a connu un essor marqué au cours des vingt-cinq dernières années.

Une des principales veines de recherche sur les précurseurs de l’attachement désorganisé s’est centrée sur les variables maternelles susceptibles d’influencer l’émergence de ce patron d’attachement. Cet accent sur le comportement maternel s’appuie sur un principe central des théories de l’attachement, soit la supposition que le comportement du parent envers son enfant joue un rôle-clé quant aux différences individuelles dans les patrons d’attachement (Madigan, Bakermans-Kranenburg et al., 2006), particulièrement en ce qui a trait à la capacité du parent de répondre de manière sensible aux signaux affectifs de l’enfant (Lyons-Ruth et al.,1999). En ce sens, les comportements maternels ont principalement été étudiés via la sensibilité maternelle (Laranjo, Bernier, &Meins, 2008), i.e. la capacité de la mère d’être à l’affut des signaux de l’enfant, de les interpréter correctement et d’y répondre de manière prompte et appropriée (Ainsworth, Bell, & Stayton, 1974). Avec l’identification du patron d’attachement désorganisé et le constat de ses impacts considérables, un intérêt plus grand a été porté envers les lacunes du système de parentage susceptibles d’expliquer le développement de ce style d’attachement. Cette tendance a été renforcée par les résultats de la méta-analyse classique de van IJzendoorn et son équipe (1999) suggérant que l’attachement désorganisé n’aurait qu’une relation minimale avec la sensibilité parentale de manière générale.

Plus spécifiquement, Main et Hesse (1990) constatent que le comportement des mères d’enfants présentant un attachement désorganisé diffère considérablement de celui des mères dont les enfants ont des stratégies organisées pendant la PSE. Ils avancent que les comportements d’attachement désorganisé résulteraient du fait que l’enfant vit une expérience anxiogène provoquée par des comportements, émotions et attitudes effrayantes

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de la part de la mère. L’enfant, alors effrayé par sa source de réconfort, se retrouve dans une situation de « peur sans solution » où il désire à la fois approcher et fuir sa figure d’attachement. La peur, l’anxiété et la confusion ressenties entraîneraient l’effondrement des stratégies d’attachement organisées du bambin (Main & Hesse, 1990). Ainsi, la peur qu’un enfant éprouve vis-à-vis sa mère, ou vis-à-vis du contexte créé par le parentage de cette dernière, est considérée comme centrale dans la désorganisation de l’attachement chez l’enfant (George & Solomon, 1999 ; Lyons-Ruth & Jacobvitz, 2008). Cet ensemble de comportements maternels suscitant de la peur chez l’enfant est désigné par l’appellation

comportements maternels atypiques.

Mesure des comportements maternels atypiques

Trois grandes opérationnalisations du construit de CMA ont été proposées depuis le développement de ce concept en 1990 soit : 1) le système de codification de Main et Hesse, 2) l’Échelle d’évaluation et de classification des comportements maternels atypiques

(AMBIANCE) et 3) l’Instrument d’évaluation du parentage déconnecté et extrêmement insensible (DIP). Chacune de ces opérationnalisations sera détaillée ci-bas.

Système de codification de Main et Hesse.

Le premier système de codification des CMA a été élaboré par Main et Hesse (1992) qui ont répertorié un ensemble de comportements décrits comme un échec sporadique de la réponse de la mère à son enfant. Ainsi, ces comportements inadéquats pourraient survenir même si une mère est sensible dans d’autres contextes (Hesse & Main, 2006). Leur instrument, le Frightening, frightened, dissociated, deferential, sexualised and disorganized

parental behavior, permet de mesurer les comportements maternels atypiques en proposant

une méthode d’observation systématique tenant compte de la sévérité et de la fréquence des CMA. Six types de comportements sont détaillés : trois relevant de comportements directement effrayants pour l’enfant (dissociés, effrayants et effrayés) et trois considérés comme indirectement effrayants (déférents, sexualisés et désorganisés). Les comportements directement effrayants sont considérés comme issus d’une expérience traumatique de la mère qui se manifesterait dans l’interaction avec son enfant. Les comportements dissociés se manifestent par des intonations sourdes ou une voix altérée, le fait de se figer ou encore de

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fixer l’environnement avec un regard vide. Un état dissocié marqué peut susciter de la peur chez l’enfant tandis que sa mère n’est pas disponible pour lui, tant mentalement qu’affectivement (Hesse & Main, 1999). Les comportements effrayants incluent une intrusion soudaine de l’espace personnel de l’enfant, des expressions faciales menaçantes ainsi que l’adoption de mouvements de poursuite ou d’attaque similaires à ceux d’un prédateur envers sa proie. Ces comportements apparaissent et cessent de manière abrupte et ne s’inscrivent pas dans un contexte de jeu, ce qui s’avère très déstabilisant pour l’enfant (Hesse & Main, 1999). Les comportements effrayés peuvent se manifester par des expressions faciales apeurées, des intonations effrayées, des mouvements de recul ou une respiration haletante. Ils peuvent survenir sans raison apparente, c’est-à-dire qu’aucun évènement ou élément de l’environnement immédiat ne les explique, ou encore si la mère perçoit son enfant comme un agresseur. Ces comportements sont très effrayants puisqu’ils indiquent une source de danger imminent quoiqu’impossible à identifier pour l’enfant alors que sa mère n’est pas disponible pour réguler sa peur (Hesse & Main, 1999). Les comportements directement effrayants (i.e. dissociés, effrayants et effrayés) pourraient susciter de la peur, de la confusion et de la désorientation chez l’enfant, particulièrement s’il ne peut identifier la cause du comportement atypique du parent. Comme les parents servent habituellement de refuge pour l’enfant en détresse, dans les cas où le parent effraie l’enfant, ce dernier se retrouve dans une situation paradoxale où la personne qui devrait le réconforter est également la source de sa peur (Main et Hesse, 1990 ; 1992). Cette impasse serait d’autant plus difficile à gérer car la tendance à se tourner vers une source habituelle de réconfort serait biologiquement ancrée même si cette dernière est simultanément source de peur (Hesse & Main, 2006).

Dans un deuxième temps, bien que certains comportements ne seraient pas effrayants dans l’immédiat pour l’enfant, ils sont conceptualisés comme pouvant mener à la désorganisation de l’attachement. D’abord, les comportements déférents sont caractérisés par une attitude soumise ou timide de la part de la mère où l’enfant serait perçu comme supérieur ou plus puissant que le parent. Dans ce contexte, la mère pourrait tendre à chercher du réconfort auprès de son tout-petit. Ce type de comportement relèverait d’un état de conscience altéré pouvant entraîner de la confusion chez l’enfant (Hesse & Main, 1999).

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Quant aux comportements sexualisés ou romantiques, ils peuvent se manifester ouvertement ou subtilement par des gestes à caractère sexuel ou intime de la part du parent ou encore en incitant l’enfant à poser de tels gestes. Conceptuellement, les comportements romantiques et sexualisés ne relèveraient pas d’un état de conscience altéré. Cependant, le fait que la mère ne soit pas en mesure de monitorer ses comportements ouvertement sexuels laisse supposer que d’autres mécanismes psychologiques seraient en jeu, potentiellement liés à un vécu traumatique (Hesse & Main, 1999). Finalement, les comportements désorientés seraient caractérisés par des contradictions dans les vocalisations ou les gestes, des mouvements stéréotypés ou un manque d’orientation dans l’espace. Ces comportements sont définis comme inexplicables, suggérant l’effondrement temporaire des stratégies comportementales de la mère (Hesse & Main, 1999).

Échelle d’évaluation et de classification des comportements maternels atypiques. Bonifiant les travaux de Main et Hesse, Lyons-Ruth et ses collaborateurs ont

développé l’Échelle d’évaluation et de classification des comportements maternels atypiques (AMBIANCE : Bronfman, Parsons, &Lyons-Ruth, 1992-2004). En élaborant l’AMBIANCE, Lyons-Ruth et ses collaborateurs (1999) ont inclus dans leur système de codification les comportements insensibles, de retrait et de renversement des rôles en plus des comportements effrayés, menaçants et dissociés. Dans leur instrument, les comportements atypiques sont classifiés en cinq sous-échelles soit : 1) les erreurs de communication affective ; 2) la confusion des rôles et des frontières ; 3) les comportements apeurés et désorganisés ; 4) l’intrusion et la négativité ainsi que 5) le retrait.

Ces ajouts s’appuient sur la proposition de Lyons-Ruth et ses collègues (1999) selon laquelle d’autres types de comportements maternels pourraient perturber l’interaction mère-enfant, notamment lorsque la mère n’est pas en mesure de répondre aux besoins de son petit. Dans des contextes de stress ou de peur, l’enfant serait plongé dans un état de peur ou de confusion si le parent n’est pas disponible pour réguler son activation affective et comportementale (Lyons-Ruth et al. 1999). Ainsi, un enfant pourrait être apeuré si sa mère n’est pas en mesure de détecter les situations stressantes ou effrayantes pour lui, si elle les décode sans y répondre (e.g. : comportement de retrait) ou qu’elle y répond de façon hostile,

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même si son comportement n’est pas effrayant en lui-même (Lyons-Ruth et al., 1999 ; Madigan, Moran et Pederson, 2006).

Instrument d’évaluation du parentage déconnecté et extrêmement insensible.

Dans un esprit de raffinement de l’évaluation des CMA, Out et ses collaborateurs

(2009) proposent un nouveau système de codification, le Disconnected and Extremely

Insensitive Parenting (DIP). Ce système reprend les comportements contenus dans le

système de codification de Main et Hesse ainsi que dans l’AMBIANCE mais les catégorise différemment, i.e. selon qu’ils réfèrent à des comportements déconnectés ou extrêmement insensibles (Out, Bakermans-Kranenburg, &van IJzendoorn, 2009). La catégorisation proposée par Out et ses collaborateurs (2009) se veut une amélioration des mesures existantes. En effet, l’AMBIANCE a été critiquée du fait que le score global tient compte à la fois des comportements désorganisés/dissociés et insensibles/négligents (Out et al., 2009) et que certains comportements dissociatifs/désorganisés peuvent être considérés comme insensibles lorsqu’évalués avec l’AMBIANCE (Jacobvitz et al., 2006). En outre, l’apport spécifique de chaque type de CMA ne peut être examiné séparément, notamment en ce qui a trait aux processus menant à la désorganisation de l’attachement (Out et al., 2009).

Plus spécifiquement, les comportements déconnectés du DIP regroupent les comportements (a) effrayants, (b) effrayés, (c) dissociés, (d) soumis, romantiques et sexualisés ainsi que (e) désorientés. Ces comportements réfèrent aux comportements du système de codification de Main et Hesse (1992). Quant aux comportements extrêmement insensibles, ils se subdivisent en deux échelles. D’une part, ils réfèrent à des comportements de retrait et de négligence relevant de la mise à distance de l’enfant, d’une réponse insuffisante à sa détresse ou d’un manque d’interaction avec celui-ci. D’autre part, il peut s’agir d’une insensibilité active se manifestant par des comportements intrusifs et hostiles envers l’enfant (Out et al., 2009). La catégorisation du DIP permet de tenir compte des spécificités de chaque type de CMA. En ce sens, les auteurs de l’instrument rapportent une corrélation faible mais significative entre les comportements déconnectés et extrêmement insensibles (r = .21, p < .01), suggérant que ces deux types de comportements sont liés quoique distincts.

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Afin de mieux cerner les spécificités propres à chaque type de CMA, ce système de codification sera utilisé dans le cadre de la présente thèse. En effet, les distinctions entre les comportements déconnectés et extrêmement insensibles permettront de mieux comprendre l’interrelation entre chacun de ces types de CMA et les autres variables d’intérêt. Il est à noter que ce système de codification est relativement récent et que peu de travaux de recherche ont utilisé cet instrument jusqu’à présent, la majorité des données ayant été recueillies via le système de codification de Main et Hesse et l’AMBIANCE.

Impacts des CMA

Suite au développement de systèmes de codification des CMA, plusieurs travaux ont été menés afin d’identifier l’impact des CMA sur les enfants de mères adoptant ce type de comportement parental négatif. Témoignant de ses origines conceptuelles, l’impact le mieux documenté des CMA est sans contredit l’association avec le style d’attachement de l’enfant, plus spécifiquement en ce qui a trait sa désorganisation. Une méta-analyse regroupant 851 familles a obtenu une taille d’effet modérée (r =.34) entre les CMA et l’attachement désorganisé de l’enfant (Madigan, Bakermans-Kranenburg et al., 2006). Plus spécifiquement, Goldberg et ses collaborateurs (2003) ont évalué les CMA de 197 mères lors de la PSE ainsi que l’attachement de leur enfant de 1 an. Ces chercheurs ont trouvé que 62% des enfants ayant un attachement désorganisé avait une mère dont les comportements étaient classifiés comme atypiques contre 32% des mères d’enfants avec un attachement organisé. Des résultats similaires ont été obtenus lorsque les CMA étaient évalués à 4 mois (67 % vs 16 %) (Kelly, Ueng-McHale, Grienenberger, & Slade, 2003), à 12 mois (Crawford & Benoit, 2009 ; Forbes, Evans, Moran, & Pederson, 2007), à 18 mois (58 % vs 34 %) (Lyons-Ruth et al., 1999) et à 24 mois (Forbes et al., 2007). En outre, une relation entre l’attachement désorganisé et les CMA mesurés via des séances de jeu libre a été trouvée lorsque les enfants étaient âgés de 12 mois (sans jouets : 75 % vs 24 % ; avec jouets : 33 % vs 9 %) (Madigan, Moran et al., 2006) et de 24 mois (78 % vs 27 %) (Evans et al., 2003). Dans le cadre du projet de recherche dans lequel s’inscrit cette thèse, Ensink et ses collègues (2016) ont rapporté que les CMA relevant de l’insensibilité mesurés via la PSE étaient associés à la sécurité et à l’organisation de l’attachement de l’enfant à 16 mois (Ensink, Normandin,

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Plamondon, Berthelot, & Fonagy, 2016).

Par ailleurs, les CMA seraient associés à davantage de difficultés comportementales chez les enfants tels que des comportements externalisés à 24 mois (Madigan, Moran, Schuengel, Pederson, & Otten, 2007) ainsi que des comportements hostiles envers les pairs à la maternelle (Fearon, Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn, Lapsley, & Roisman, 2010 ; Lyons-Ruth et al., 1993 ; van IJzendoorn et al., 1999) et à l’âge scolaire (Easterbrooks, Bureau, & Lyons-Ruth, 2012; Lyons-Ruth, Easterbrooks, & Cibelli, 1997). Au plan académique, les comportements maternels négatifs ont été associés à un plus faible rendement scolaire (Monti, Pomerantz, & Roisman, 2014).

Plus récemment, des travaux de recherche ont permis de documenter l’association entre les CMA et des symptômes de psychopathologie chez l’enfant, de la petite enfance à l’âge adulte. Easterbrooks et ses collaborateurs (2012) ont rapporté que les CMA à la petite enfance étaient associés à des comportements maternels insensibles et hostiles lorsque l’enfant est âgé de 7 ans. Ces derniers sont en retour associés à davantage de symptômes de dépression infantile (Easterbrooks et al., 2012). Des données suggèrent que les CMA relevant de réponses insuffisantes aux besoins de l’enfant lorsque ce dernier est âgé de 18 mois prédisent des difficultés psychologiques lors de la transition à l’âge adulte. Ces difficultés incluent des traits de personnalité antisociale (Shi, Bureau, Easterbrooks, Zhao, & Lyons-Ruth, 2012) et limite, des comportements suicidaires et parasuicidaires (Lyons-Lyons-Ruth, Bureau, Holmes, Easterbrooks, & Brooks, 2013), des symptômes dissociatifs (Dutra, Bureau, Holmes, Lyubchik, & Lyons-Ruth, 2009), des diagnostics de troubles d’abus et de dépendance à l’alcool et au cannabis (Pechtel, Woodman, & Lyons-Ruth, 2012) ainsi que des niveaux problématiques d’hostilité et d’agressivité (Najmi, Bureau, Chen, & Lyons-Ruth, 2009). Deux de ces études ont trouvé que les CMA étaient un meilleur prédicteur de certaines difficultés psychologiques (i.e. traits de personnalité limite et antisociale ; comportements suicidaires et parasuicidaires) que les expériences traumatiques vécues à l’enfance (Lyons-Ruth et al, 2013 ; Shi et al., 2013), soulignant la portée potentielle des CMA.

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Quelques travaux récents suggèrent que les CMA pourraient avoir un impact sur la psychophysiologie de l’enfant à court et à long terme. Les comportements maternels négatifs, dont les CMA, ont été associés à une mauvaise régulation de l’axe hypothalamo-pituito-surrénalien (Gunnar & Cheatham, 2003 ; Roisman et al., 2009), à une plus grande réactivité au stress (Crockett, Holmes, Granger, & Lyons-Ruth, 2013 ; Hane & Fox, 2006) et à un plus faible contrôle attentionnel (Belsky, Fearon, & Bell, 2007). Dans une étude longitudinale s’échelonnant sur 30 ans, Lyons-Ruth et ses collègues (2016) ont obtenu que les CMA évalués lorsque des bambins étaient âgés entre 3 et 14 mois prédisaient un plus grand volume de l’amygdale gauche à l’âge adulte, et ce, plus encore que d’autres difficultés subséquentes (i.e. abus à l’enfance et problématique d’attachement à l’adolescence) ne le prédisaient. Ces auteurs proposent que la qualité des interactions parent-enfant pourrait être particulièrement importante entre les âges de 0 et 2 ans puisqu’il s’agit d’une période sensible dans le développement de l’amygdale, structure cervicale associée au décodage des émotions et des stresseurs. Ces résultats soulignent la pertinence d’une intervention précoce dans l’interaction parent-enfant, ses impacts pouvant perdurer tout au long de la vie (Lyons-Ruth, Pechtel, Yoon, Anderson, & Teicher, 2016).

CMA et caractéristiques maternelles

Bien que les impacts des CMA soient de mieux en mieux documentés, une des grandes interrogations qui subsiste concerne les caractéristiques maternelles susceptibles d’influencer la manifestation des CMA. Cette question est particulièrement importante dans une perspective clinique visant à limiter les impacts négatifs potentiels des CMA à court, moyen et long terme.

Divers travaux ont documenté le vécu maternel d’abus et de négligence comme facteur de risque de parentage négatif (Cicchetti & Valentino, 2006 ; Koren-Karie, Oppenheim, & Getzler-Yosef, 2008) tels que des comportements de renversement de rôles parent-enfant (Alexander, Teti, & Anderson, 2000 ; Ruscio, 2001) et une trop grande permissivité (Cole & Wolger, 1989 ; Cole, Wolger, Power, & Smith, 1992). Plus spécifiquement, quelques travaux ont lié le vécu traumatique des mères à une plus grande propension à manifester des CMA (Lyons-Ruth & Block, 1996 ; Schechter et al., 2008). Le

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lien entre les CMA et le vécu traumatique n’a cependant pas été trouvé de manière constante, notamment dans les échantillons à faible risque socioéconomique tel que celui de la présente étude (Ensink, Rousseau, Biberzdic, & Normandin, 2017 ; Stacks et al., 2014). À ce sujet, il a été proposé que des facteurs de protection psychosociaux (e.g. : éducation, soutien affectif et économique) (Ensink, Rousseau et al., 2017, Stacks et al., 2014) ou encore des processus adaptatifs psychologiques (e.g. : attachement, résolution de l’abus, fonctionnement réflexif maternel) (Berthelot, Ensink, & Maziade, 2016 ; Ensink, Rousseau et al., 2017) pourraient promouvoir la résilience suite à un évènement traumatique. En ce sens, les processus psychologiques via lesquels les facteurs de risque, tel que le trauma, sont liés aux CMA demeurent à investiguer (Ensink, Rousseau et al., 2017).

Différents facteurs de risques psychosociaux ont également été liés aux CMA tels qu’un historique d’hospitalisation psychiatrique et de maltraitance antérieure d’un autre enfant (Lyons-Ruth et al., 1999). Les CMA pourraient avoir un effet médiateur entre ces facteurs de risque et la désorganisation de l’attachement chez l’enfant (Lyons-Ruth, Bureau, Riley, & Atlas-Corbett, 2009). Les CMA ont également été associés à la psychopathologie maternelle, notamment avec des symptômes de stress post-traumatique (Schechter et al., 2010) et la dépression (Lyons-Ruth et al., 1999). Ce lien n’est cependant pas observé de manière constante, différents travaux ne trouvant aucune association entre les CMA et la dépression maternelle (Schechter et al., 2010 ; Stacks et al., 2014). Ainsi, le lien entre les symptômes de psychopathologie et les CMA demeure à étayer, notamment en ce qui a trait aux facteurs de protection limitant les effets potentiels de la psychopathologie sur le comportement maternel en interaction avec l’enfant.

Témoignant d’un intérêt grandissant pour l’identification de caractéristiques maternelles liées à la manifestation de CMA, de nouvelles pistes de recherche ont émergées au cours des dernières années. Crockett et ses collègues (2013) proposent qu’une sous-activation de l’axe hypothalamo-pituito-surrénal telle que mesurée via le taux de cortisol pourrait être un facteur de risque général de perturbations des interactions parent-enfant. Ces chercheurs ont rapporté que les mères présentant un haut niveau de CMA en interaction avec leur enfant de 4 mois avaient un taux de cortisol significativement plus bas dans un contexte

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de stress relationnel. En outre, plus les mères manifestaient de CMA, plus leur taux de cortisol tendait à différer de celui de leur bébé. Cette inadéquation concordait avec celle observée dans l’interaction mère-enfant dans la mesure où ces mères manifestaient une insensibilité marquée aux signaux de leur enfant (Crockett et al., 2013). Ces auteurs proposent que la faible réponse quant au taux de cortisol des mères dans une situation de stress pourrait être un indicateur d’une difficulté à avoir accès à ses propres expériences affectives. En retour, cela nuirait à sa capacité de s’ajuster à l’expérience affective de son enfant et de l’aider à se réguler émotionnellement (Crockett et al., 2013).

Des travaux récents de notre équipe de recherche suggèrent la pertinence de considérer des aspects de la personnalité maternelle dans l’étude des CMA (Ensink, Rousseau et al., 2017 ; Rousseau, 2015). Dans le cadre de la recherche longitudinale dont est issue cette thèse, Ensink et ses collaborateurs (2017) ont examiné les relations entre différents types de CMA et l’organisation de la personnalité, selon le modèle de Kernberg (1995). Dans cet échantillon, les CMA intrusifs-agressifs étaient significativement liés à de plus grandes difficultés dans la dimension d’épreuve de la réalité ainsi que marginalement liés aux échelles de diffusion de l’identité et des défenses primitives. Des difficultés dans la dimension d’épreuve de la réalité se manifestaient par une ambiguïté à savoir ce qui est réel ou non ainsi que par de la confusion dans l’identification de ce qui est physique vs émotif. Cette confusion pourrait amener les mères à percevoir leur enfant de manière erronée en lui attribuant des émotions ou intentions qui ne lui appartiennent pas, particulièrement dans des contextes d’activation émotionnelle (Ensink, Rousseau et al., 2017). Ces résultats mettent en lumière la contribution de la personnalité de la mère dans l’étude des comportements maternels négatifs, un aspect jusqu’alors négligé.

Bien que les travaux menés à ce jour offrent des pistes prometteuses, les caractéristiques maternelles associées aux CMA se doivent d’être investiguées plus en profondeur et d’être mieux appuyées empiriquement. Cela est particulièrement vrai en ce qui a trait à l’examen des processus psychologiques influençant leur manifestation. En outre, peu de travaux ont distingué les CMA déconnectés de ceux relevant de l’insensibilité puisqu’ils ont majoritairement été réalisés au moyen de l’AMBIANCE, instrument ne

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permettant pas cette distinction. Peu d’informations sont donc disponibles à savoir si les facteurs de risque de chacun de ces types de comportements (i.e. insensibles et déconnectés) sont similaires ou différents. Or, cette distinction potentielle apparait importante afin de bonifier l’intervention auprès de dyades mère-enfant (Ensink, Rousseau et al., 2017). Dans cette veine, nous proposons d’axer la présente thèse sur les caractéristiques maternelles susceptibles d’influencer la manifestation des CMA insensibles et déconnectés via l’étude des capacités de mentalisation maternelle. Trois concepts ont été retenus afin d’étudier la mentalisation des mères : l’orientation mentale maternelle (OMM), le fonctionnement réflexif parental (FRP) et le fonctionnement réflexif (FR). Ce choix permet d’examiner comment les capacités de mentalisation s’expriment directement dans l’interaction avec l’enfant (OMM) et comment elles se déploient lorsqu’il est spécifiquement demandé à la mère de réfléchir à son enfant (FRP) et à ses premières relations d’attachement (FR).

Orientation mentale maternelle

En 2001, Meins introduit le concept d’orientation mentale maternelle, le définissant comme la capacité des mères à interpréter correctement le comportement de leur enfant en fonction des intentions de ce dernier. Retournant aux bases du concept de sensibilité maternelle, l’accent est mis sur l’importance de distinguer entre 1) la réponse d’une mère aux besoins physiques et émotionnels de son enfant et 2) son désir et sa capacité de s’impliquer sur le plan mental (Meins, Fernyhough, Fradley, & Tuckey, 2001). En ce sens, l’OMM serait un prérequis de la sensibilité maternelle, l’intérêt envers les signaux de l’enfant et la justesse de leur interprétation étant nécessaires pour y répondre de manière appropriée (Meins et Russell, 1997).

S’orienter vers les états mentaux de son enfant dépendrait de la volonté et de l’habileté du parent à se représenter les états internes probablement vécus par l’enfant (Arnott et Meins, 2007). En ce sens, les mères s’intéressant peu aux états mentaux de leur petit tendraient à concevoir les comportements de l’enfant comme découlant de besoins physiques plutôt qu’en termes de désirs et d’intentions (Meins et al., 2001). La propension des mères à verbaliser les états mentaux de l’enfant ne serait pas liée aux caractéristiques de celui-ci, telles que les habilités cognitives générales (Meins et al., 2001 ; 2002) et les activités effectuées par

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l’enfant (Meins et al., 2001). Cela suggère que la capacité et le désir de la mère à s’intéresser aux états mentaux de son bambin seraient plus importants que les caractéristiques propres à l’enfant.

Le construit d’OMM a été opérationnalisé par la mesure de la verbalisation des états mentaux de l’enfant (VEM) pendant sa première année de vie (Meins et al., 2001). Les VEM sont jugées appropriées si la mère semble bien décoder l’émotion ou l’état mental de son enfant. Inversement, les VEM non-concordantes à l’état de l’enfant indiquent que la mère interprète le comportement de son bébé de manière inexacte (Meins et al., 2001). L’OMM est évaluée lors d’interactions mère-enfant, généralement lors de séances de jeu (Lundy, 2003 ; Meins et al., 2001) ou encore dans une combinaison de jeu et d’activités d’interaction (Rosenblum, Mcdonough, Sameroff, & Muzik, 2008). La durée des séances d’interaction varie généralement entre 6 et 20 minutes. Le système de codification de l’OMM a d’ailleurs été conçu pour être utilisé lors de courtes séances d’interaction en laboratoire (Meins, 2013).

Meins (2013) souligne l’importance de considérer les VEM appropriées et les VEM non-concordantes comme deux facettes distinctes de l’OMM plutôt que comme deux extrémités d’un même continuum. En ce sens, les VEM appropriées et non-concordantes ne seraient pas liées entre elles (Meins et al., 2003 ; 2012) et seraient des prédicteurs distincts du style, de la sécurité et de l’organisation de l’attachement de bambins (Meins et al., 2012). En outre, seules les VEM appropriées seraient liées à la sensibilité maternelle (Arnott & Meins, 2007 ; Meins et al., 2001 ; 2003 ; 2012). Ce résultat a également été obtenu dans l’échantillon duquel sont tirées les données de cette thèse, où la sensibilité maternelle était significativement liée aux VEM appropriées mais non aux VEM non-concordantes, lorsque l’enfant est âgé de 6 mois (Bérubé-Beaulieu, 2015).

En guise d’explication, Meins et ses collègues (2012) proposent que les VEM appropriées exigeraient le même type d’implication et de réponse aux signaux de l’enfant que ceux impliqués par la sensibilité maternelle. En contrepartie, la tendance à faire des VEM non-concordantes à l’état de l’enfant pourrait faire appel à un système comportemental distinct des conceptualisations traditionnelles de la sensibilité maternelle. Ces auteurs

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avancent que les VEM non-concordantes à l’état de l’enfant permettraient d’observer des lacunes subtiles que des mesures de comportements maternels négatifs ou atypiques tel que l’AMBIANCE ne pourraient capter et suggèrent d’investiguer cette hypothèse de manière empirique (Meins et al., 2012), une contribution de la présente thèse.

OMM et CMA

À notre connaissance, aucune étude n’a directement investigué le lien entre l’OMM et les CMA. Cependant, certaines études ont porté sur le lien entre l’OMM et certains comportements similaires à ceux évalués par le DIP, instrument de mesure des CMA (Out et al., 2009). Notamment, Rosenblum et ses collaborateurs (2008) se sont intéressés à la prédiction d’un ensemble de comportements maternels positifs et négatifs auprès de 95 dyades mère-enfant. Ces chercheurs ont trouvé qu’une plus grande propension à commenter adéquatement les états mentaux de l’enfant était liée à moins de comportements colériques et de rejet (r =0.23, p<0.05), anxieux (r =.19, p<0.05) et intrusifs (r =.41, p<0.01) ainsi qu’à plus de comportements sensibles (r =0.40, p<0.01) et d’affects positifs (r =0.18, p<0.05). L’OMM n’était cependant pas un prédicteur significatif des comportements maternels une fois que le fonctionnement réflexif parental, la dépression et l’éducation étaient inclus dans le modèle de régression hiérarchique. Bien que leurs résultats laissent présager un lien entre l’OMM et les comportements maternels, Rosenblum et ses collègues (2008) ont seulement examiné les VEM appropriées et n’ont pas tenu compte des VEM non-concordantes à l’état de l’enfant. Davantage de données sont nécessaires pour clarifier le lien entre l’OMM, incluant les VEM non-concordantes à l’état de l’enfant, et les CMA.

Fonctionnement réflexif parental Définition du construit

Introduit en 1991, le fonctionnement réflexif (FR) est une opérationnalisation du concept de mentalisation. Il s’inscrit dans une perspective développementale et se trouve à la croisée des chemins entre les théories psychodynamiques des relations d’objet, l’aspect cognitif des théories de l’esprit, la neurobiologie et l’étude des processus socio-émotifs (Ensink, Berthelot, Bernazzani, Normandin, & Fonagy, 2014). Le FR se définit comme la

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capacité de comprendre les comportements interpersonnels en termes d’états mentaux (Fonagy & Target, 2003). Dans le contexte de la relation parent-enfant, le fonctionnement réflexif parental (FRP) porte spécifiquement sur la capacité du parent à « réfléchir à ses expériences mentales internes et à celles de son enfant dans le contexte d’une relation d’attachement » (Slade, 2005). Cette définition tient compte non seulement de la perception du comportement, celui du parent et de l’enfant, mais aussi de la perception des désirs, émotions, croyances et intentions qui le sous-tendent (Fonagy & Target, 1997). Cette notion d’intentionnalité permettrait d’expliquer certains comportements qui semblent dénués de sens de prime abord (Fonagy, Target, Steele, & Steele, 1998).

Dans le contexte des relations d’attachement, i.e. chargées affectivement, le FR serait un mécanisme central favorisant la régulation des affects et des interactions par la compréhension cognitive et affective des états mentaux. Ce processus peut être implicite, c'est-à-dire automatique et inconscient (e.g. : explication de comportements simples de la vie de tous les jours) ou explicite, c'est-à-dire délibéré et conscient (e.g. : expliquer les états internes d’un enfant dans un contexte d’interaction spécifique) (Ensink, Leroux, Biberzdic, Normandin, & Fonagy, 2017). Plus spécifiquement, les capacités réflexives de la mère lui permettraient d’anticiper et de répondre de manière sensible et appropriée aux signaux de l’enfant, particulièrement dans les contextes affectifs intenses, en permettant à la mère de prendre du recul face à sa propre expérience affective et de réfléchir à celle de son enfant (Ensink et al., 2016 ; Fonagy, Steele, Moran, Steele, & Higgit, 1991 ; Slade, Grienenberger, Bernbach, Levy, & Locker, 2005).

Distinction entre les construits de FR et d’OMM.

Conceptuellement, l’OMM présente des similarités avec le construit de FR dans la mesure où ils référent tous deux à la capacité de tenir compte des états mentaux de l’enfant. Cependant, le FR est conceptualisé comme plus large, tenant compte notamment des états mentaux de l’individu et d’autrui ainsi que des interactions entre leurs états mentaux respectifs alors que l’OMM se centre sur le fait que la mère nomme les états mentaux de son enfant. En ce sens, l’OMM se trouve à la frontière entre la représentation et le comportement tandis que le FR relève spécifiquement des représentations mentales maternelles.

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Rosenblum et ses collaborateurs (2008) ont exploré l’interchangeabilité des construits de FRP-mesuré via une adaptation du Working Model of the Child Interview (WMCI : Zeanah & Benoit, 1995) -et d’OMM. Afin de prédire un ensemble de comportements maternels (i.e. intrusion, anxiété, rejet, sensibilité et affects positifs), ils ont effectué cinq régressions hiérarchiques en interchangeant l’ordre d’entrée du FRP et de l’OMM. En entrant d’abord le FRP, l’OMM n’expliquait aucune variance supplémentaire au-delà de la variance expliquée par le FRP. Cependant, le FRP ajoutait à la variance expliquée par l’OMM en ce qui a trait aux comportements d’intrusion et de rejet. Ces résultats suggèrent que le FRP et l’OMM seraient des construits partiellement indépendants.

Développement du fonctionnement réflexif

Au plan théorique, il est supposé que l’enfant naitrait avec tous les prérequis nécessaires au FR mais celui-ci ne se développerait qu’au sein des relations d’attachement dans les premières années de vie (Fonagy & Target, 2003). En ce sens, la mère (ou la figure d’attachement principale) jouerait un rôle crucial dans le développement des capacités réflexives de son enfant. À la naissance, l’enfant n’aurait pas la capacité de reconnaître ses états mentaux comme issus de son expérience interne (Slade, 2005). Se basant sur les données démontrant que les nourrissons s’intéressent au monde social, Fonagy et ses collègues (2002) proposent que les premières relations d’attachement de l’enfant constitueraient une opportunité de découverte des états mentaux et influenceraient la compréhension subséquente de l’environnement social (Fonagy, Gergely, Jurist, & Target, 2002). Dans ce contexte, la mère servirait de « miroir » en représentant les états mentaux de son enfant ainsi qu’en imitant les principaux aspects de ce qu’il vit via ses expressions faciales, sa posture, son ton de voix, etc. (Gergely & Watson, 1999 ; Trevarthen, 1979). Bleiberg (2001) illustre que si un enfant pouvait verbaliser son expérience d’observer sa mère, il dirait « Voilà ce que ce je ressens !». Des données issues de la recherche développementale suggèrent que l’enfant pourrait faire l’expérience de ses propres états mentaux tels que représentés par sa mère dès l’âge de 3 mois (Fonagy et al., 2002). En outre, des travaux empiriques suggèrent que l’enfant commencerait à être en mesure de donner du sens à une action de sa mère entre les âges de 6 et 9 mois (Gergely, Nádasdy, Csibra, & Bíró, 1995), appuyant l’idée selon laquelle l’enfant

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développe graduellement une compréhension des états mentaux via l’interaction avec sa mère. De plus, différents comportements de l’enfant de moins de 1 an suggèrent que ce dernier est sensible aux états mentaux d’autrui (e.g. pointer, regarder, vérifier la réaction du parent dans une situation particulière) et sont considérés par plusieurs professionnels du domaine de la psychologie développementale comme des précurseurs des théories de l’esprit, acquises vers l’âge de 4 ou 5 ans (Fonagy & Target, 1996). Il importe de préciser que le concept de fonctionnement réflexif est plus large que celui des théories de l’esprit car il ne se limite pas à des tâches ou à des groupes d’âges précis (Ensink et al., 2014 ; Ensink et al., 2016 ; O’Connor & Hirsch, 1999).

Afin de faciliter la reconnaissance des états mentaux par l’enfant, la mère représenterait les états mentaux de l’enfant de façon marquée (Fonagy & Target, 1997 ; Fonagy et al., 1998). Fonagy et Target (1997) proposent qu’en « marquant » les états mentaux de son enfant, souvent au moyen de l’exagération, la mère aiderait l’enfant à comprendre que les états mentaux qu’elle exprime sont distincts des siens, théorie appuyée par les travaux portant sur le reflet affectif (affect mirroring) (Gergely & Watson, 1996). Cette façon de refléter les états internes de l’enfant l’aiderait peu à peu à développer une compréhension contenue et consciente de ses expériences internes (Fonagy & Target, 1997 ; Fonagy et al., 1998) dans la mesure où les états mentaux du parent sont à la fois semblables et différents des siens (Fonagy et al., 1998). Ainsi, l’enfant pourrait graduellement en venir à voir son expérience affective de façon mentalisée plutôt que comme une activation psychophysiologique (Bleiberg, 2001).

Un autre facilitateur du développement du FR serait les jeux de « faire-semblant » avec le parent (Fonagy et al., 1998 ; Fonagy & Target, 2003) et les pairs (Fonagy, Gergely, & Target, 2007 ; Fonagy & Target, 2003). À partir de l’âge de 2 à 3 ans, il est proposé que le jeu permettrait à l’enfant d’intégrer les concepts de réalités internes et externes, notamment en montrant à l’enfant que même si ses états mentaux sont réels, la réalité peut être déformée à travers le jeu (Fonagy & Target, 1996 ; Fonagy et al., 1998 ; Tessier, Normandin, Ensink, & Fonagy, 2016). Dans leur échantillon, Tessier et ses collègues (2016) ont trouvé que la qualité du jeu chez des enfants d’âge scolaire prédit leurs capacités réflexives trois ans plus

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tard. Ces données appuient la théorie de Fonagy et Target sur la fonction du jeu comme moyen de se familiariser avec les états mentaux et comme facilitateur du fonctionnement réflexif (Tessier et al., 2016).

En bref, le FR de la mère se reflèterait dans son discours et son comportement, favorisant ainsi le développement des capacités réflexives de son enfant. Au plan des mécanismes favorisant le développement des capacités réflexives chez l’enfant, « ce sont les observations que la mère fait au fur et à mesure que les états mentaux de l’enfant se modifient ainsi que les représentations qu’elle fait de ceux-ci, d’abord par des gestes et éventuellement par des mots et des jeux, qui sont au cœur d’un parentage sensible et qui sont essentielles au développement des habiletés de mentalisation de l’enfant » (Slade, 2005, p. 271, traduction libre). Au sein de la relation d’attachement, la mère jouerait donc un rôle central dans le développement des capacités réflexives de son enfant de par ses capacités à voir son enfant comme ayant ses propres états mentaux, à réfléchir à la signification de ses signaux et intentions ainsi qu’à traiter ces informations comme un acte intentionnel de communication de la part de l’enfant (Fonagy et al, 2002 ; Tessier et al., 2016).

Mesure du fonctionnement réflexif

Le FR peut être mesuré dans le contexte des premières relations d’attachement ou plus spécifiquement dans le contexte de la relation d’attachement avec son enfant. L’Adult

Attachement Interview (AAI) (George, Kaplan, & Main, 1996) permet d’évaluer la capacité

d’un individu à réfléchir en termes d’états mentaux à la relation qu’il a eue avec ses parents, i.e. ses premières relations d’attachement (Slade, 2005). Un bon FR implique la conscience de la nature des états mentaux, un effort explicite d’identification des états mentaux sous-jacents au comportement, la reconnaissance des aspects développementaux des états mentaux ainsi que la prise en compte de l’interlocuteur dans l’explication de ses états mentaux (Fonagy & Target, 2002 ; Fonagy et al., 1998). La difficulté du thème abordé est également prise en compte. Par exemple, être en mesure de faire du sens d’émotions difficiles (e.g. : lors du décès d’un être cher) est considéré comme un indice de meilleures capacités réflexives en raison de la charge émotionnelle y étant rattachée.

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La recherche portant sur le FRP s’est centrée sur l’Entrevue du développement

parental (PDI) (Aber, Slade, Berger, Bresgi, & Kaplan, 1985). Cette entrevue

semi-structurée cible la représentation parentale de l’enfant en demandant à la mère de décrire son enfant et d’élaborer sur un ensemble d’expériences émotionnelles vécues avec son petit, tels que des moments de joie, de colère ou de séparation. Slade et ses collègues ont adapté l’Échelle de fonctionnement réflexif, originellement conçue pour être utilisée avec l’AAI, afin de pouvoir l’utiliser avec le PDI (Slade, Bernbach, Grienenberger, Levy, & Locker, 2004). Il s’agit de la mesure usuelle du FRP. Lorsque spécifiquement étudié dans le contexte de la relation parentale, le FR peut être défini comme la capacité du parent à réfléchir à ses expériences mentales internes et à celles de son enfant dans le contexte d’une relation d’attachement (Fonagy et al., 2002).

Jusqu’à ce moment, les études de Fonagy et ses collègues suggéraient indirectement que le FR d’une mère au sujet de son enfant serait similaire à celui au sujet de ses parents en reliant séparément le FR mesuré via l’AAI au style d’attachement de la mère et à celui de l’enfant. La capacité d’une mère à tenir compte des états mentaux de son enfant n’était donc pas directement évaluée, mais plutôt inférée (Slade, 2005). Dans l’objectif d’étudier la transmission intergénérationnelle de l’attachement de façon plus directe, Slade et son équipe avancent l’hypothèse que le FRP, mesuré via le PDI, serait associé au style d’attachement de la mère et permettrait de prédire le style d’attachement de l’enfant (Slade, Grienenberger, Bernbach, Levy, & Locker, 2005). Leurs résultats ont confirmé ces deux hypothèses, suggérant que le FRP est un médiateur important dans la transmission intergénérationnelle de l’attachement (Fonagy & Target, 2005). Le FRP serait plus spécifique que le FR puisqu’il est axé sur la façon dont la mère réfléchit à son rôle de parent, à son enfant et à la relation qu’elle entretient avec lui. De plus, le FRP permet de mesurer les capacités réflexives dans le contexte d’une relation parent-enfant actuelle et en constante évolution (Slade, 2005), favorisant ainsi une évaluation plus directe des processus impliqués dans la transmission intergénérationnelle de l’attachement (Sharp & Fonagy, 2008). Ainsi, le FRP serait davantage lié au comportement actuel d’une mère avec son enfant qu’une mesure globale du FR (Slade, 2005). Pour ces raisons, les capacités réflexives seront mesurées via le construit de FRP dans la présente thèse, notre objectif principal étant l’étude des CMA dans

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l’interaction mère-enfant.

Stabilité intercontextuelle du fonctionnement réflexif

Bien que le FR et le FRP aient tous deux été liés au style d’attachement de la mère, la documentation demeure sommaire quant à la stabilité intercontextuelle du FR. Au plan théorique, le FR est une habileté conceptualisée comme variable selon le contexte (Fonagy et al., 1998). Ainsi, la mentalisation par rapport à des domaines spécifiques serait un meilleur prédicteur d’habiletés, de problématiques et de symptômes de psychopathologie spécifiques (Allen, 2013 ; Allen & Fonagy, 2006 ; Ensink, Leroux et al., 2017 ; Fonagy & Luyten, 2009 ; Luyten, Fonagy, Lowyck, & Vermote, 2012). En ce qui a trait à la stabilité du FR à travers différents contextes, des données suggèrent que les capacités réflexives dans des contextes autres que relationnels (e.g. : FR par rapport à des symptômes de psychopathologie) ne prédiraient pas la capacité à mentaliser dans un contexte d’attachement (Fonagy, Redfern, & Charman, 1997 ; Rudden, Milrod, Target, Ackerman, & Graf, 2006). Les FR mesurés dans différents contextes relationnels pourraient cependant être liés. Par exemple, le FR de thérapeutes novices par rapport à leurs patients pourrait être amélioré via un entraînement au FR thérapeutique (Ensink et al., 2013). En outre, des données préliminaires suggèrent que le FR (AAI) de psychothérapeutes serait lié à un meilleur FR face à des patients présentant un trouble de personnalité limite (Maheux, 2014). Ces données concernant le FR de psychothérapeutes suggèrent que le FR peut être intégré dans différents contextes relationnels et présenter une certaine stabilité intercontextuelle. Au plan parental, des travaux récents de notre équipe de recherche ont mis en lumière que le FRP mesuré via le PDI serait significativement lié au FRP mesuré via les comportements maternels supportant le fonctionnement réflexif en interaction avec l’enfant (e.g. jeu, intérêt pour la subjectivité), suggérant que le FRP serait relativement stable dans différents contextes d’évaluation, i.e. en entrevue ciblant la relation avec l’enfant ainsi qu’en interaction avec ce dernier (Ensink, Leroux et al., 2017).

Quant à la stabilité intercontextuelle du FR entre différentes relations d’attachement, peu de données sont actuellement disponibles, notamment en ce qui en trait au lien entre le

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FR (AAI) et le FRP (PDI). Cela est particulièrement étonnant dans la mesure où l’idée selon laquelle le parentage reçu à l’enfance est grandement susceptible d’influencer le parentage d’une mère avec son enfant est une perspective clinique généralement acceptée (Crumbley, 2009). Parmi les seules données empiriques disponibles, des résultats non publiés d’une thèse doctorale (Crumbley, 2009) suggèrent une forte relation entre le FR mesuré via l’AAI et via le PDI (r =0.528, p<0.001). De plus, une étude de Steele et ses collègues (2008) indique que le FR mesuré via l’AAI était positivement associé avec la capacité de parents adoptifs à réfléchir à leur nouvelle relation avec leur enfant, à reconnaître leurs difficultés en tant que parents ainsi que leurs besoins de soutien. Bien que cette étude ne mesure pas directement le lien entre le FR mesuré via l’AAI et le PDI, les auteurs soulignent que la capacité de réfléchir au sujet d’un enfant serait influencée par la mentalisation du parent au sujet de ses propres relations à l’enfance (Steele et al., 2008). Ces données préliminaires suggèrent une certaine stabilité du FR dans différentes relations d’attachement mais leur rareté met en lumière la nécessité d’étayer les connaissances sur la stabilité intercontextuelle du FR au sein des relations d’attachement.

Au-delà des aspects méthodologiques, la question de la stabilité intercontextuelle du FR entre les premières relations d’attachement et celle avec son enfant a des implications importantes au plan clinique. Bien qu’encore peu étudiée, quelques données suggèrent que le FRP est relativement stable à travers le temps mais peut être modifié suite à des interventions (Steele & Steele, 2008 ; Suchman et al., 2010, Taubner et al., 2013). En parallèle, il est généralement convenu que le FRP est un meilleur indicateur des comportements de la mère en interaction avec son enfant (Ensink et al., 2016) mais aucune donnée n’appuie directement cette hypothèse. En effet, les données disponibles sur le parentage ont généralement été obtenues via la mesure du FRP, offrant peu de comparatif avec le lien entre le parentage et le FR. Se basant sur l’hypothèse à l’effet que le FRP est davantage associé au parentage, les modèles d’intervention auprès des parents ou des dyades parent-enfant ciblent spécifiquement le FRP. Cependant, si le FR est relativement stable à travers différentes relations d’attachement, l’amélioration du FR (e.g. : via la psychothérapie) pourrait favoriser le FRP et inversement. Ainsi, la stabilité intercontextuelle du FR des mères a de potentielles répercussions cliniques d’intérêt.

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Depuis les travaux de Slade (2005) sur les capacités réflexives spécifiques à la relation parent-enfant, une série d’études se sont attardées sur l’impact du FRP sur les comportements de parentage. Trois de ces études ont spécifiquement porté sur les CMA. Grienenberger et ses collaborateurs (2005) ont examiné les liens entre le FRP, les CMA et le style d’attachement de l’enfant auprès de 45 dyades mère-enfant issues de la communauté (Grienenberger, Kelly, & Slade, 2005). Leurs résultats suggèrent que le FRP, tel que mesuré à l’aide du PDI lorsque l’enfant est âgé de 10 mois, est inversement corrélé avec la présence de CMA lors de la PSE, codifiés à l’aide de l’AMBIANCE alors que l’enfant était âgé de 14 mois, (r =-.481, p=0.001). Menée auprès d’un échantillon non-clinique, cette étude a également exploré l’impact du FRP et des CMA sur la prédiction de l’attachement de l’enfant. Considérés séparément, il existait un lien significatif entre le FR et l’attachement ainsi qu’entre les CMA et l’attachement. Lorsque ces variables étaient introduites ensemble dans une analyse de régression, le lien entre les CMA et l’attachement demeurait significatif suite à l’introduction du FRP. Cependant, lorsque les CMA étaient ajoutés suite au FRP, le lien entre l’attachement et le FRP diminuait légèrement en deçà du seuil de signification statistique. Les auteurs suggèrent que l’impact du FRP sur la transmission de l’attachement serait influencé par les comportements de la mère, plus spécifiquement par sa capacité à réguler les émotions de peur et de détresse de l’enfant sans l’effrayer ou sans perturber l’interaction (Grienenberger et al., 2005).

Schechter et ses collaborateurs (2008) ont étudié le lien entre le FR et les CMA, tels que mesurés par l’AMBIANCE, au sein d’un échantillon clinique de mères ayant vécu de la violence et leurs enfants âgés entre 8 et 50 mois. Ces auteurs n’ont pas ontenu de lien significatif entre le FR et les CMA, potentiellement en raison de la faible étendue des scores de FR ou du fait que les participantes présentaient de nombreux symptômes de psychopathologie (Schechter et al., 2008). Les résultats de Grienenberger et al. (2005) n’ont donc pu être reproduits, soulignant la nécessité d’investiguer plus en profondeur le lien entre le FR et les CMA dans des contextes cliniques et non-cliniques.

Figure

Figure 1. Distribution des scores de CMA insensibles (6 mois).

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