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Droit d’auteur et encouragement de la connaissance

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Academic year: 2021

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(1)

Droit d’auteur et encouragement de la connaissance

Daniel GOLDENBAUM

FACULTÉ DE DROIT

UNIVERSITÉ MCGILL

MONTRÉAL

Avril 2020

Thèse présentée en vue de l'obtention du grade de Doctor of Civil Law (D.C.L)

(2)

Table des matières

RESUME ... VIII

ABSTRACT ... IX

REMERCIEMENTS ... X

INTRODUCTION ... 1

1. Objet d’étude ... 1

2. Champ d’étude ... 5

3. Méthodologie et structure ... 12

CHAPITRE 1 - LA REGLEMENTATION DE L’IMPRIME AVANT LE DROIT

D’AUTEUR : DU CONTROLE DES IDEES A L’ENCOURAGEMENT DE LA

CONNAISSANCE ... 18

Introduction ... 18

I. Les prérogatives de la Corporation des imprimeurs : un monopole en échange de la

censure ... 21

A. Le système censeur de la Corporation des imprimeurs ... 21

B. Le contrôle des idées pour convaincre l’opinion publique naissante ... 23

1. L’objet : le contrôle des idées ... 24

2. L’enjeu : convaincre l’opinion publique naissante ... 26

C. John Milton ou la défense du pluralisme d’opinion et de la connaissance ... 28

(3)

A. La régulation de l’imprimé par le Licensing Act : les prémices du discours ... 33

1. Le Licensing Act de 1662 ... 33

2. L’échéance du Licensing Act : l’avènement du discours ... 35

a) L’influence de John Milton et John Locke ... 36

b) La considération de l’opinion publique ... 39

B. De l’expiration du Licensing Act à la Loi d’Anne : l’affirmation du discours ... 41

1. Daniel Defoe et le gouvernement ... 41

2. Les pétitions des libraires ... 48

Conclusion ... 53

CHAPITRE 2 - LA LOI D’ANNE : L’ENCOURAGEMENT DE LA CONNAISSANCE

COMME FINALITE DU DROIT D’AUTEUR ... 55

Introduction ... 55

I. Le titre et le préambule : l’annonce de la finalité, des moyens et des motifs de la Loi .. 58

A. Le titre de la Loi : la finalité et les moyens ... 58

1. La portée du titre de la Loi ... 58

2. Le contenu du titre de la Loi ... 60

B. Le préambule : les motifs de la Loi ... 64

1. La portée du préambule de la Loi ... 64

2. Le contenu du préambule de la Loi ... 66

II. Le dispositif : encourager le partage de la connaissance ... 69

A. La production de connaissance ... 71

(4)

a) L’effet incitatif, l’auteur et l’exploitant ... 71

b) Un moyen au service d’une fin ... 77

2. La protection du contenu du manuscrit : inciter sans freiner la circulation des idées ... 82

B. La diffusion de la connaissance ... 90

1. Un droit de publication ou l’exigence de diffusion ... 90

2. Une protection temporaire ou le triomphe de la philosophie de diffusion ... 94

a) Origines et raison d’être : le Statute of Monopolies ... 95

i.

Le monopole temporaire : outil de diffusion ... 98

α. La révélation du savoir pendant la durée de protection ... 99

β. La circulation du savoir à l’expiration de la protection ... 102

ii. L’inventeur et l’auteur inspirés par leurs pairs ... 104

b) La confirmation du caractère temporaire et l’invention du domaine public ... 108

3. Un droit de réversion ... 115

C. La dissémination de la connaissance ... 118

1. Un mécanisme de dépôt légal en bibliothèque ... 119

2. Une exception à l’interdiction d’importation pour les livres en langue étrangère ... 122

3. Un contrôle du prix des livres ... 124

III. Épilogue : la connaissance au temps de la Loi d’Anne ... 126

Conclusion ... 131

CHAPITRE 3 - LE DROIT D’AUTEUR COLONIAL : INSTRUMENT JURIDIQUE DE

POLITIQUE CULTURELLE ... 134

(5)

I. La première loi coloniale sur le droit d’auteur : un outil de promotion de l’éducation

au Bas-Canada ... 137

A. L’objectif politique de promotion de l’éducation ... 139

1. Le déficit culturel et éducationnel ... 140

2. La politique publique éducationnelle ... 143

B. Le droit d’auteur : un outil de politique éducationnelle ... 145

1. La pétition initiale de l’éducateur Joseph Lancaster ... 146

a) Un Acte pour assurer la Propriété Littéraire d’aucune de ses publications touchant

l’Education ... 147

b) Un précédent infructueux initié par l’enseignant Joseph-François Perrault ... 152

2. L’examen parlementaire de l’Acte par un Comité dédié à l’éducation ... 154

C. Une loi sur le droit d’auteur pour encourager l’éducation ... 158

1. Les mécanismes de création et de diffusion du savoir ... 159

2. L’influence de la législation américaine ... 166

II. Droit impérial, droit colonial : la lutte pour l’émancipation culturelle du Canada ... 171

A. La Loi impériale de 1842 ou l’assèchement culturel du Canada ... 172

1. Le droit d’auteur colonial affaibli par le droit d’auteur impérial ... 174

2. L’approvisionnement littéraire suspendu ... 177

B. L’institutionnalisation de la dépendance culturelle en échange de l’accès au savoir

(1847-50) ... 183

1. La tentative infructueuse d’indépendance culturelle par l’Acte colonial de 1847 ... 184

2. La capitulation canadienne de 1850 ... 186

C. Les réformes post 1868 ... 191

(6)

a) La proposition canadienne ... 192

b) La contreproposition britannique ... 195

c) L’Acte colonial de 1872 ... 197

2. L’Acte de 1875 : un compromis illusoire ... 203

a) Les promesses ... 204

b) Les illusions ... 205

3. L’harmonisation internationale : la fin des espoirs canadiens ... 210

Conclusion ... 215

CHAPITRE 4 - L’EDUCATION PAR LA VOIE DU DOMAINE PUBLIC ... 219

Introduction ... 219

I. L’éducation dans le domaine public ... 222

A. Proposition de définition de l’éducation ... 222

1. Les finalités de recherche et étude privée ... 224

2. La finalité d’éducation ... 228

a) Le désintérêt du droit d’auteur envers le contenu intellectuel ... 229

b) La frontière entre éducation, recherche et étude privée ... 232

B. Proposition de définition de l’équité ... 235

1. La condition d’utilisation équitable ... 235

2. La détermination incertaine du seuil de reproduction autorisée ... 238

II. Le changement de paradigme : le domaine public comme outil de promotion de

l’éducation ... 243

(7)

1. L’accès à la connaissance ... 244

a) Le droit d’auteur sur l’exemplaire tangible : un contrôle marginal de l’accès ... 246

b) Le droit d’auteur sur l’œuvre numérique : un contrôle accru de l’accès ... 256

c) La solution de l’exception au droit d’auteur ... 270

2. La création ... 276

B. La légitimation du domaine public par la Cour suprême du Canada ... 281

1. La reconnaissance des objectifs du droit d’auteur liés à l’intérêt du public ... 282

2. Le mécanisme de l’exception lié à l’intérêt du public ... 289

III. La face cachée du domaine public de l’éducation ... 303

A. Le problème du domaine public ... 306

1. L’anticipation d’un risque ... 307

2. Le domaine public des œuvres étrangères aux États-Unis et en Belgique ... 314

a) Les domaines publics américains et belges ... 314

b) Leçons pour le domaine public de l’éducation au Canada ... 321

B. Proposition d’analyse pratique des effets de l’exception d’éducation ... 322

1. L’utilisation équitable neutralisée au moyen de la licence ... 323

2. L’imprévisibilité des effets du domaine public de l’éducation ... 334

Conclusion ... 335

CONCLUSION GENERALE ... 338

(8)

Résumé

Comment s’articule le lien entre droit d’auteur et connaissance et quelle influence exerce-t-il sur

le régime du droit d’auteur ? Voilà les principales questions auxquelles cette étude tente de

répondre. La notion de connaissance a été et demeure un élément moteur des évolutions du droit

d'auteur. Elle est invoquée dès les premières législations et s’impose comme une de ses

justifications fondamentales. Elle structure le droit d’auteur tel que nous le comprenons.

La première loi moderne sur le droit d’auteur, la Loi d’Anne de 1710 en Angleterre est empreinte

de l’idéal d’encouragement de la connaissance. Le Canada offre également un exemple formidable

du dialogue que se livrent droit d’auteur et savoir. Au 19e siècle, cette colonie britannique souhaite

promouvoir sa propre culture. Elle perçoit et utilise alors le droit d’auteur comme un moyen

d'éduquer sa population et structure sa règlementation en considération de l’état de l’instruction

sur son territoire. En 2012, l’adoption du mécanisme de l’utilisation équitable à des fins

d’éducation expose une nouvelle facette du lien étudié. Jusque-là, l’octroi d’un droit exclusif était

considéré comme le principal outil de promotion de l’éducation, voir même sa raison d'être. Pour

le législateur canadien, un domaine public (relatif) de l’éducation est désormais plus adapté.

Cette thèse propose une lecture renouvelée du droit d’auteur sous le prisme de sa relation avec la

connaissance. Elle met en évidence l’arsenal des moyens juridiques à la disposition du droit

d’auteur pour cibler la création, la diffusion, la dissémination, et très récemment l’accès à la

connaissance. Elle invite à assumer les motifs sociétaux qui président aux choix de ces moyens.

Les mécanismes instaurés et leurs évolutions sont le reflet des priorités socio-économiques et du

contexte technologique dans lesquels elles sont adoptées.

(9)

Abstract

How is the relationship between copyright and knowledge articulated and what influence does it

have on the copyright regime? These are the main questions this study attempts to answer. The

notion of knowledge has been and continues to be a driving force behind copyright developments.

It has been invoked since the earliest legislations and has become one of its fundamental

justifications. It structures copyright as we understand it.

The first modern copyright law, the Statute of Anne enacted in 1710 in England, is imbued with the

ideal of encouraging knowledge. The Canadian stance also provides a glaring example of the

dialogue between copyright and knowledge. In the 19th century, the Canadian colony sought to

promote its own culture. It perceived and used copyright as a means of educating its people and

structured its regulations to reflect the state of learnedness in its territory. In 2012, the adoption

of fair dealing for educational purposes exposed a new facet of the relation at hand. Until then, the

grant of exclusive rights had been considered the main tool for promoting education, if not its

raison d'être. Today, the Canadian legislator finds the (relative) public domain of education more

appropriate.

This thesis proposes a renewed understanding of copyright through the prism of its relationship

with knowledge. It highlights the arsenal of legal means available for copyright to target the

creation, diffusion, dissemination and, very recently, access to knowledge. It invites us to

acknowledge the societal motives that govern the choice of such means. The mechanisms

introduced and their evolution reflect the socio-economic priorities and the technological context

in which they are adopted.

(10)

Remerciements

J’exprime mon inestimable gratitude à mon Directeur de thèse, le Professeur Pierre-Emmanuel

Moyse, pour ses précieux conseils et son implication continuelle pour que cette thèse soit une

expérience unique.

Mes remerciements vont aussi aux Professeurs Tina Piper et Daniel Weinstock pour leur aide

avisée et leurs encouragements répétés.

Je suis enfin reconnaissant à celles et ceux qui par leurs idées, leurs mots, et leurs attentions ont

participé à cette aventure.

(11)

Introduction

1. Objet d’étude

Le lien entre le droit d’auteur et la connaissance semble a priori bien fondé. Le premier règlemente

les objets par lesquels la seconde est diffusée : le livre, la partition de musique, ou encore le film

1

.

L’intitulé de la première loi moderne sur le droit d’auteur

2

, la Loi d’Anne au Royaume-Uni, les

marie officiellement : « An Act for the Encouragement of Learning by Vesting the Copies of Printed

Books in the Authors or Purchases of Such Copies, during the Times Therein Mentioned »

3

.

1 Voir par ex au Canada la combinaison des articles 3(1) et 2 de la Loi concernant le droit d’auteur, LRC 1985, c C‑42

[LDA]. L’article 3(1) détermine les principales prérogatives des titulaires de droits, notamment « le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre ». L’article 2 définit la notion d’œuvre en effectuant une distinction selon ses natures, à savoir l’oeuvre littéraire, musicale, cinématographique, artistique, dramatique, architecturale ou encore chorégraphique.

2 L’assertion selon laquelle la Loi d’Anne serait la première loi moderne sur le droit d’auteur demeure vraie seulement

dans l’acception moderne du droit d’auteur, à savoir un droit général accordé selon des critères standards sans intervention discrétionnaire. Oren Bracha, Owning Ideas: The Intellectual Origins of American Intellectual Property,

1790-1909, Cambridge, Cambridge University Press, 2016 [Bracha, Owning ideas] à la p 186; Lyman Ray Patterson, Copyright in historical perspective, Nashville, Vanderbilt University Press, 1968 [Patterson, Historical perspective] à

la p 12; Harry Ransom, « The date of the first copyright law » [1940] 20 Studies in English 117 à la p 122; Voir contra Simon Stern, « Copyright, Originality, and the Public Domain in Eighteenth-Century England » dans Reginald McGinnis, dir, Originality and Intellectual Property in the French and English Enlightenment, New York, Routledge, 2008, 69 [Stern, « Copyright »] à la p 72 : « The Act of Anne is often described as England’s first copyright statute. While it would ultimately provoke an unprecedented public debate over authorial rights as property rights, the statute did not mark the origin of a national copyright policy in English law, nor can it be credited as introducing a view of literary production as property ».

3 An Act for the Encouragement of Learning, by Vesting the Copies of Printed Books in the Authors or Purchasers of such Copies, During the Times therein Mentioned, 1710 (R-U), 8 Anne, c 19 [Loi d’Anne].

(12)

La relation est en réalité complexe. Souvent énoncée, parfois observée, elle n’a jamais fait l’objet

d’une étude approfondie. Nous soutenons qu’elle occupe pourtant une place fondamentale dans la

configuration et l’évolution du droit d’auteur. Le rapport est dialectique. D’un côté, la législation

sur le droit d’auteur a pour but annoncé d’encourager la connaissance, c’est-à-dire sa création, sa

diffusion et plus récemment son accès

4

. De l’autre, le niveau d’instruction et l’état des circuits de

production et de distribution du savoir influent sur le régime du droit d’auteur. La filiation opère à

travers différents mécanismes, parfois contradictoires. La volonté des pouvoirs publics de

promouvoir le savoir justifierait l’octroi d’un droit exclusif sur l’œuvre ; ce même dessein

légitimerait aussi la création d’un domaine public de l’éducation

5

.

4 D’autres facteurs influent sur la connaissance. Voir par ex Jeremy de Beer et Sara Bannerman, « Access to

Knowledge as a New Paradigm for Research on ICTs and Intellectual Property Rights » dans Heloise Emdon et al, dir,

Connecting ICTs to Development: The IDRC Experience, Ottawa, Anthem Press, 2013, 75 à la p 76 : « Access to and

control over knowledge is influenced by many factors. Some are technological, like the now well-documented « digital divide » between rich and poor or between urban and rural populations. Some are social. A good example includes gender biases embedded in cultural practices that tend to impoverish women more than men by creating access barriers or by devaluing certain kinds of knowledge. There are also economic and legal factors, like IPRs, that affect access to knowledge for better or for worse ».

5 Le professeur Teresa Scassa souligne la difficulté de déterminer l’objectif du droit d’auteur : « At one point, proposals

for copyright reform in Canada emphasized protection of the inherent right of the author to the fruits of his or her labour. More recently, courts and authors have adopted the view that copyright legislation serves to provide a limited monopoly to authors as an incentive to produce works that will benefit society ». Teresa Scassa, « Originality and Utilitarian Works: The Uneasy Relationship between Copyright Law and Unfair Competition » (2004) 1 UOLTJ 51 à la p 57; Pour le professeur Gendreau, « un des buts essentiels d’une loi sur le droit d’auteur est d’indiquer par quels moyens le titulaire du droit d’auteur peut tirer des bénéfices financiers de l’exploitation de son oeuvre ». Ysolde Gendreau, « La nature du droit d’auteur selon le nouveau Code civil » (1993) 27 RJT 85 [Gendreau, « Nature »] à la p 93; En revanche, le professeur et avocat William Patry a une conception divergente : « Copyright then, is a system created for a very specific social goal, to encourage learning. If copyright is not encouraging learning, then it is not serving the sole social purpose for its existence. That system cannot succeed if it is not specifically tailored to encouraging learning, if it does not, in its particulars, concretely take into account how people learn, and then let people learn the way that way ». William Patry, « Metaphors and Moral Panics in Copyright: The Stephen Stewart Memorial Lecture » [2008] 1 IPQ 1 [Patry, « Metaphors »] à la p 12.

(13)

La doctrine s’est concentrée sur d’autres thèmes ayant trait à la nature du droit d’auteur, moins à

son utilité. Les discussions portent par exemple sur le positionnement du droit exclusif dans la

théorie du droit de propriété

6

. La créativité et sa manifestation en droit, l’originalité, dessinent aussi

les contours de la matière

7

. Certains commentateurs s’intéressent également à l’accroissement des

prérogatives accordées aux titulaires de droits

8

, quand d’autres plébiscitent les questions relatives

aux nouvelles technologies

9

.

6 Voir par ex Ysolde Gendreau, « À la recherche d’une propriété perdue » (2005) 17:3 CPI 551 [Gendreau, « Propriété

perdue »]; Pierre-Emmanuel Moyse, « La nature du droit d’Auteur : droit de propriété ou monopole » (1998) 43:1 McGill LJ 507 [Moyse, « Propriété »]; David Lametti, « The Concept and Conceptions of Intellectual Property as Seen Through the Lens of Property » dans Giovanni Comandè et Giullio Ponzanelli, dir, Science and law in the prism of

comparative law, Torino, Giappichelli, 2004 [Lametti, « Property »]; Laurent Pfister, « La propriété littéraire est-elle

une propriété - controverses sur la nature du droit d’auteur au XIXe siècle » (2004) 72:1 Leg Hist Rev 103 à la p 105.

7 Voir par ex Dennis Karjala, « Copyright and creativity » (2008) 15 UCLA Ent L Rev 169; Julie Cohen, « Creativity

and culture in copyright theory » (2006) 40 UC Davis L Rev 1151 [Cohen, « Creativity »]; Peter Jaszi, « On the author effect: Contemporary copyright and collective creativity » (1991) 10 Cardozo Arts & Ent LJ 293 [Jaszi, « Collective creativity »]; Eva Subotnik, « Originality Proxies: Toward a Theory of Copyright and Creativity » (2010) 76 Brook L Rev 1487; Robert Merges, « Locke for the Masses: Property Rights and the Products of Collective Creativity » [2007] Hofstra L Rev 1179; L’œuvre est originale, car elle provient du jugement et du talent de son auteur, ce qui explique sa paternité sur ladite œuvre. Voir par ex Jessica Litman, « The Public domain » (1990) 39:4 Emory LJ 965 [Litman, « Public domain »] à la p 974; Pour une analyse du concept d’originalité, voir par ex le chapitre 3 de la thèse du professeur Carys Craig. Copyright, communication, and culture re-imagining the copyright model, thèse de doctorat en droit, University of Toronto, 2006 [Craig, Copyright model] aux pp 161–239.

8 Voir par ex David Lametti, « Coming to Terms with Copyright » dans Michael Geist, dir, In the public interest: the future of Canadian copyright law, Toronto, Irwin Law, 2005, 480; Voir aussi Mark A Lemley, « Property, Intellectual

Property, and Free Riding » (2004) 83 Tex L Rev 1031; Neil Weinstock Netanel, « Why has copyright expanded? » dans Fiona Macmillan, dir, New Directions in Copyright Law, vol 6, Cheltenham, Edward Elgar Publishing, 2007, 3 [Netanel, « Copyright expanded »]; Laura Biron, « Public reason, communication and intellectual property » dans Annabelle Lever, dir, New Frontiers in the Philosophy of Intellectual Property, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, 225.

9 Voir par ex Roberto Caso et Federica Giovanella, dir, Balancing Copyright Law in the Digital Age: Comparative Perspectives, Heidelberg, Springer, 2014; Lucie Guibault et João Pedro Quintais, L’influence des nouvelles technologies sur le droit d’auteur, Strasbourg, Observatoire européen de l’audiovisuel, 2014; Hector Postigo, The digital rights movement: the role of technology in subverting digital copyright, Cambridge, Mass, MIT Press, 2012;

(14)

Après vérification, le constat est sans appel : les interactions entre droit d’auteur et connaissance

demeurent peu étudiées. Au mieux, l’existence d’un lien entre ces deux éléments est postulée afin

de dénoncer les effets du droit d’auteur sur le seul accès à la connaissance

10

, notamment à l’ère

numérique

11

. L’ouvrage du professeur Sara Bannerman International Copyright and Access To

Knowledge marque une première rupture. Sous l’angle original des pays en développement

12

, elle

y observe l’érosion progressive de l’accès à la connaissance, corolaire de l’extension de la

protection des œuvres intellectuelles dans les pays développés

13

. Hormis cette monographie, nous

constatons que la littérature demeure lacunaire

14

. Pourtant, la relation a toujours été omniprésente

juridique des objets de l’Internet ou liés à la technologie numérique est également étudié. Voir par ex Mickaël Le Borloch, L’application du droit d’auteur aux hyperliens : analyse de droit français et de droit américain, thèse de doctorat en droit, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2019.

10 Voir par ex Lea Shaver, « Intellectual property, innovation and development: the access to knowledge approach »

dans Lea Shaver, dir, Access to knowledge in Brazil, New York, Bloomsbury Academic, 2010; Mélanie Dulong de Rosnay, Les Golems du numérique : droit d’auteur et Lex Electronica, Paris, Presses des Mines, 2016.

11 Le terme « ère numérique » est emprunté au titre de l’une des premières consultations publiques sur le droit d’auteur

au Canada. Direction de la politique de la propriété intellectuelle, Document de consultation sur les questions de droit

d’auteur à l’ère numérique, C2-585/2001, Ottawa, Industrie Canada, 2001; Voir aussi Benoît Epron et Marcello

Vitali-Rosati, L’édition à l’ère numérique, Paris, La Découverte, 2018 à la p 3. Les mots introductifs des auteurs résument à notre avis ce que réprésente l’ère numérique pour l’édition de contenus : « Textes, images, vidéos, données sont produits et circulent désormais en environnement numérique. Même les contenus destinés à l’imprimé sont dans leur totalité rédigés, structurés et mis en forme avec des outils numériques et sont ensuite commercialisés, rendus visibles et accessibles via des plates-formes en ligne ».

12 Sara Bannerman, International Copyright and Access to Knowledge, Cambridge, Cambridge University Press, 2016

[Bannerman, International copyright] à la p 2.

13 Ibid aux pp 193 et s.

14 Le sujet du droit d’auteur et de l’accès à la connaissance est également traité dans certains travaux du professeur

Myra Tawfik. Voir par ex Myra Tawfik, « History in the Balance: Copyright and Access to Knowledge » dans Michael Geist, dir, Radical Extremism’ to ‘Balanced Copyright’: Canadian Copyright and the Digital Agenda, Toronto, Irwin Law, 2010, 69 [Tawfik, « History in the Balance »]; Myra Tawfik, « International Copyright Law, Access to Knowledge and Social Justice » dans Suzan Ilcan, dir, Mobilities, knowledge, and social justice, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2013, 300 [Tawfik, « International »].

(15)

dans la rhétorique de ses parties prenantes, que ce soit l’auteur, l’éditeur, l’utilisateur ou même les

juridictions et le législateur.

2. Champ d’étude

L’hétérogénéité de la notion de connaissance explique en partie l’absence de réflexion sur notre

sujet. Amplement utilisée dans le discours scientifique, sociologique, et philosophique, sa

signification reste largement débattue

15

. Associée au droit d’auteur

16

, nous définissons la

connaissance négativement et positivement. Négativement, le droit d’auteur ne se restreint pas à la

connaissance certaine ou aux domaines scientifiques et techniques

17

, considérés par les

économistes comme les seules sources de productivité

18

. L’approche parait étroite, d’autant plus

qu’une partie de cette connaissance échappe de facto au droit d’auteur. Le philosophe Michel

15 Marian Adolf et Nico Stehr, Knowledge : Is Knowledge Power, 2nd ed., Routledge, 2016 à la p 11.

16 La terminologie « droit d’auteur » renvoie, dans la présente étude, à la branche du droit de la propriété intellectuelle,

mais n’en désigne pas les prérogatives, obligations, prohibitions ou recours associés. En outre, notre utilisation du terme « droit d’auteur » ne distingue pas selon la tradition civiliste ou de common law. Sur les implications et l’histoire de la terminologie « droit d’auteur » et « copyright », voir notamment Alain Strowel, Droit d’auteur et copyright :

divergences et convergences, Bruxelles, Bruylant, 1993 [Strowel, Droit d’auteur et copyright]; Moyse, « Propriété », supra note 6; Lametti, « Property », supra note 6; Gendreau, « Propriété perdue », supra note 6.

17 Le sociologue et philosophe Bruno Latour souligne que la connaissance dans les sciences objectives ne devient

certaine, et donc scientifique, que rétroactivement, après avoir été critiquée, revue et rectifiée. Bruno Latour, « La connaissance est-elle un mode d’existence? Rencontre au Museum de James, Fleck et Whitehead avec des fossiles de chevaux » dans Didier Debaise, dir, Vie et expérimentation : Peirce, James, Dewey, Paris, Vrin, 2007, 17 à la p 19 : « La production et la rectification de connaissances devraient être les choses les plus faciles au monde : nous essayons de dire des choses, nous nous trompons souvent, nous rectifions ou sommes corrigés par d’autres. Si, à toute proposition incertaine vous ajoutez du temps, des instruments, des collègues et des institutions, vous obtenez une certitude ».

(16)

Polanyi explique ainsi que la connaissance scientifique ou technique résulte de connaissances

personnelles qui mobilisent l’expérience et le savoir-faire :

Human knowledge is of two kinds. What is usually described as knowledge, as set out in

written words or maps, or mathematical formulae, is only one kind of knowledge; while

unformulated knowledge, such as we have of something we are in the act of doing, is another

form of knowledge

19

[...]. Tacit knowing is the fundamental power of the mind which creates

explicit knowing, lends meaning to it and controls its uses

20

.

Cette connaissance tacite n’entre pas dans le champ du droit d’auteur, car celui-ci porte sur l’œuvre

fixée « sous une forme matérielle quelconque »

21

.

Défini positivement, le droit d’auteur couvre la connaissance tant pratique que théorique, ou

autrement dit l’art utile et la science. À ses débuts, il favorise la connaissance libérale, c’est-à-dire

les matières tenues comme fondamentales telles que les sciences ou les langues latines et grecques,

réservées à une élite. Il opère progressivement sans distinction de discipline ni de valeur. Associée

au droit d’auteur, la connaissance possède, nous le découvrons, un lien inextricable avec

19 Michael Polanyi, The study of man, Chicago, University of Chicago Press, 1962 à la p 12.

20 Michael Polanyi, « The Logic of Tacit Inference » (1966) 41:155 Philosophy 1 à la p 18; Voir sur le concept de

« sticky knowledge » Gabriel Szulanski, Sticky knowledge: barriers to knowing in the firm, Sage Publications, 2003.

21 LDA, supra note 1, art 3(1); Dans ce sens, et afin d’appuyer ce propos, le professeur Margaret Chon prend un

exemple clair : si le droit d’auteur couvrait de manière optimale la connaissance, l’existence d’un manuel rendrait inutile la présence d’un professeur, et il serait inutile d’expliquer le contenu et le sens d’une oeuvre. Or ce savoir tacite n’est pas couvert par le droit d’auteur. Margaret Chon, « Sticky Knowledge in Copyright » [2011] Wis L Rev 177 [Chon, « Sticky Knowledge »] à la p 179; Voir aussi sur la difficulté de protéger la connaissance non tangible, Norbert Elias, « Knowledge and power » dans Nico Stehr et Volker Meja, dir, Society and Knowledge Contemporary

(17)

l’éducation, sans toutefois s’immiscer dans le choix du contenu intellectuel de l’œuvre. Ceci se

comprend aisément puisque le droit d’auteur se substitue à la censure. L’écrit pédagogique, artefact

par excellence du savoir, occupe une place singulière, bien que non perceptible en apparence, dans

les orientations critiques de la matière

22

.

Sujet de partage, d’utilisation et d’inspiration ainsi que bien intangible

23

, le concept de

connaissance possède une force normative et sociétale

24

qui lui confère une place cruciale dans les

politiques publiques

25

. Même l’innovation, thème omniprésent dans les discours actuels

26

, clef de

22 Monique Lebrun, Le manuel scolaire : d’ici et d’ailleurs, d’hier à demain, Québec, Presses de l’Université du

Québec, 2007 à la p 2 : « Les manuels sont des artefacts culturels participant à l’organisation cognitive et sociale du savoir. A l’école, on n’enseigne pas des savoirs savants, mais des savoirs adaptés à une clientèle particulière, des savoirs transposés par l’auteur d’un manuel et dont l’enseignant se fait le médiateur [...]. Ces savoirs transposés sont retranscrits dans des manuels, qui en sont l’incarnation privilégiée ».

23 Michael Madison, « Beyond Creativity: Copyright as Knowledge Law » (2010) 12 Vanderbil J of Ent & Tech L 817

[Madison, « Beyond Creativity »] à la p 832 : « copyright should be informed by its status as knowledge law because individuals ought to be seeking knowledge for themselves and ought to be producing, distributing, sharing, storing, and conserving knowledge so that others can know. This ought includes knowledge of the self, knowledge of others, knowledge of the world, and, importantly, knowledge of things that are not yet known [...]. At bottom, however, it is the case that copyright‘s historical resonance with knowledge has a normative basis that is independent of history and tradition »; Voir aussi Adam Mossoff, « The Use and Abuse of IP at the Birth of the Administrative State » (2009) 157:6 U Pa L Rev 2001 [Mossoff, « Use »] à la p 2031.

24 Le philosophe du droit John Finnis inclut la connaissance dans les sept biens fondamentaux de la société (avec la

vie, le jeu, l’expérience esthétique, la sociabilité / amitié, la morale et la religion). Selon Finnis, ces biens ou valeurs guident les humains vers une pratique raisonnable, nécessaire à la propérité de la société. John Finnis, Natural Law

and Natural Rights, New York, Oxford University Press, 1980 aux pp 85–90.

25 Peter Burke, A social history of knowledge: from Gutenberg to Diderot, Cambridge, Polity, 2000 à la p 1.

26 Au Canada, le Ministère des Finances estime par exemple à propos de l’innovation que « la réussite future de tous

les canadiens en dépend ». Ministère des Finances Canada, Plan Budgétaire 2017, Ottawa, Gouvernement du Canada, 2017 à la p 19, en ligne : <https://www.budget.gc.ca/2017/docs/plan/budget-2017-fr.pdf>; Voir aussi Office de la propriété intellectuelle du Canada, Stratégie d’affaires quinquennale 2017-2022, Gatineau, Innovation, Sciences et Développement économique Canada, 2017 à la p 8 : « Ces cinq priorités stratégiques orienteront nos activités au cours des cinq prochaines années. Nous allons : contribuer à promouvoir l’innovation en améliorant le régime de PI au Canada et ailleurs dans le monde ».

(18)

voute de l’économie contemporaine

27

, repose en amont et en aval sur la connaissance. Elle en est

sa source et son fruit

28

.

La notion d’encouragement doit aussi être clarifiée afin d’en comprendre les nuances : la création,

la production, la diffusion, la dissémination et l’accès

29

. La création correspond à l’étape de

composition du contenu par un ou plusieurs auteurs. La diffusion implique de le dévoiler au public,

ce qui requiert la publication et l’exploitation par un éditeur lorsqu’il s’agit d’une œuvre littéraire

30

.

Au sens de la Loi sur le droit d’auteur, la publication est d’ailleurs « la mise à la disposition du

public d’exemplaires de l’œuvre »

31

. La rhétorique du droit d’auteur ne distingue pas la diffusion

de la dissémination, car la seconde n’est qu’une modalité particulière de la première. La

27 Paul David et Dominique Foray, « Economic Fundamentals of the Knowledge Society » (2003) 1:1 Policy Futures

in Education 20 à la p 22 : « Meanwhile, the ‘need to innovate’ is growing stronger as innovation comes closer to being the sole means to survive and prosper in highly competitive and globalised economies ».

28 Voir par ex Michael Madison, « Knowledge curation » (2011) 86:5 Notre Dame L Rev 1957 [Madison,

« Knowledge »] à la p 1958; Rochelle Cooper Dreyfuss, « Does IP need IP? Accommodating Intellectual Production Outside the Intellectual Property Paradigm » (2010) 31 Cardozo L Rev 1437 aux pp 1438–39.

29 La nuance entre les concepts a fait l’objet d’approfondissements par les chercheurs spécialisés dans les politiques

publiques sur la santé. Ils étudient les méthodes aptes à assurer la communication et la compréhension des avancées scientifiques par les praticiens et le public. Voir généralement Lawrence Green et al, « Diffusion theory and knowledge dissemination, utilization, and integration in public health » (2009) 30 Annu Rev Public Health 151; L’implémentation est également un composant de l’encouragement. Elle présente un moindre intérêt pour notre étude car son champ d’action excède largement celui du droit d’auteur. Elle a recours non seulement à l’information divulguée, mais également aux habitudes comportementales du récepteur afin que le message soit effectivement mis en œuvre. Par exemple, une politique publique de lutte contre l’alcool au volant sera implémentée, non seulement en informant le public de l’existence de la prohibition mais également des risques pour la santé. La communication interviendra via les canaux habituels, ainsi que sur les lieux (boite de nuit ou bar) et aux moments (soirée et nuit) où la consommation est la plus élevée. Elle sera sanctionnée par des contrôles de police à ces mêmes endroits et moments. Nous sommes donc ici au-delà du champ d’action du droit d’auteur. Voir notamment Jeffrey L Pressman et Aaron Wildavsky,

Implementation, Berkeley, University of California Press, 1973 à la p xxi. 30 Everett Rogers, Diffusion of innovations, New York, Free Press, 2003 à la p 5. 31 LDA, supra note 1, art 2.2(1)a).

(19)

dissémination implique, dans les sciences sociales, de cibler une audience spécifique à l’aide de

mesures adaptées à cette audience. En ce sens, nous l’examinerons, certains dispositifs du droit

d’auteur s’adressent implicitement aux étudiants, car ils sont adaptés à leurs modalités

d’apprentissages

32

.

Dans tous les cas, le public peut accéder au contenu par acquisition, prêt, en souscrivant à une

licence, ou encore lorsque l’œuvre est librement disponible sans barrières juridiques ou

technologiques. Nous l’analyserons en profondeur, le droit d’auteur ne permettait pas initialement

de contrôler l’accès aux œuvres. Il disparaissait dès la mise sur le marché des exemplaires tangibles.

Cependant, la technique numérique a considérablement modifié cet état des choses. Les droits

exclusifs des titulaires sont désormais sollicités à chaque étape de la circulation du savoir dans

l’environnement numérique, si bien que leur autorisation préalable semble nécessaire à chaque

transaction. La question des effets du droit d’auteur sur l’accès à la connaissance polarise donc les

réformes et les débats actuels.

Notre étude porte essentiellement sur l’imprimé et sa version électronique, que nous désignons, par

le vocable générique de livre ou ouvrage

33

. Principal vecteur de production et de diffusion des

32 Jonathan Lomas, « Diffusion, dissemination, and implementation: Who should do what? » (1993) 703 Ann NY Acad

Sci 226 à la p 226 : « Dissemination is a more active concept. It not only implies a more aggressive flow of information from the source, almost a launching, but it also implies targeting and tailoring the information for the intended audience. Secondary sources such as meta-analyses, overviews, practice guidelines, consensus statements, and seminal or compelling primary studies are most likely to receive such treatment ».

33 Lorsque nous examinons un objet qui concerne un texte sous une autre forme que le livre, par exemple une lettre,

(20)

formes de savoir à travers le temps et l’espace

34

, l’imprimé constitue la première forme de

matérialisation de la connaissance couverte par le droit d’auteur

35

. Sa substance, l’écriture, opère

une transmission des faits et des idées au monde

36

. Les historiens Simon Eliott et Jonathan Rose

rappellent ainsi que :

Books are the primary tools that people use to transmit ideas, record memories, create

narratives, exercise power and distributes wealth (that remained true even in the twentieth

century where cinematic, broadcast, sous recording, and digital medial became increasingly

pervasive)

37

.

Pour le sociologue Roland Barthes, même lorsque l’auteur compose pour lui-même, sans volonté

de partage, l’écriture, libre, reste un instrument de communication

38

. Michel Foucault complète la

« Tout volume ou toute partie ou division d’un volume présentés sous forme imprimée, à l’exclusion : a. des brochures; b. des journaux, revues, magazines et autres périodiques; c. des feuilles de musique, cartes, graphiques ou plans, s’ils sont publiés séparément; d. des manuels d’instruction ou d’entretien qui accompagnent un produit ou sont fournis avec des services ». LDA, supra note 1, art 2; A titre de comparaison, le droit français possède une définition instrumentale, issue de la règlementation fiscale : « un livre est un ensemble imprimé, illustré ou non, publié sous un titre, ayant pour objet la reproduction d’une œuvre de l’esprit d’un ou plusieurs auteurs en vue de l’enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture ». Instruction fiscale 3 C-4-05 n°82 du 12 mai 2005, art 2.

34 Burke, supra note 25 à la p 11.

35 William St Clair, « Metaphors on intellectual property » dans Ronan Deazley, Martin Kretschmer et Lionel Bently,

dir, Privilege and Property: Essays on the History of Copyright, Cambridge, Open Book Publishers, 2010, 369 [St Clair, « Metaphors »] aux pp 369–70: « [printed books are] the main media by which complex forms of knowledge were constituted and disseminated for the first four hundred years ». L’auteur poursuit en précisant en note de bas de page numéro 2 qu’à partir des années 1900, la radio et les films ont remis en question l’unicité de l’impression.

36 Jean-Gérard Lapacherie, « Du moment épistémique de l’écriture (1947-1983) » (2009) 159:3 Poétique 259 à la

p 260.

37 Simon Eliot et Jonathan Rose, A companion to the history of the book, Malden, Blackwell Publishers, 2007 à la p 1. 38 Roland Barthes, « L’Express va plus loin avec Roland Barthes » dans Oeuvres complètes 1974-1980, t 3, Paris,

Seuil, 1994 à la p 1029. Barthes distingue « l’écrivant » de « l’écrivain ». L’écrivant voit l’écrit comme un instrument de communication. L’écrivain, quant à lui, ne s’engage pas. Il perçoit l’écriture « comme un lieu dialectique où les

(21)

pensée. Il estime que le texte porte un message indépendamment de son auteur, la compréhension

objective de son sens exigeant d’ailleurs de faire abstraction de l’écrivain

39

.

L’imprimé est le « témoin et le messager » de l’exploration du continent américain

40

. Il soutient

l’alphabétisation des masses au Canada, et s’affirme progressivement comme un acteur essentiel

de la vie sociale, jusqu’à contribuer « à la construction de l’identité canadienne et de son image »

41

.

choses se font et se défont, où il immerge sa propre subjectivité ». Voir aussi Roland Barthes, « Essais critiques » dans

Oeuvres complètes 1966-1973, t 2, Paris, Seuil, 1994 à la p 1029 : « c’est au moment même où le travail de l’écrivain

devient sa propre fin, qu’il retrouve un caractère médiateur : l’écrivain conçoit la littérature comme fin, le monde la lui renvoie comme moyen : et c’est dans cette déception infinie, que l’écrivain retrouve le monde, un monde étrange d’ailleurs, puisque la littérature le représente comme une question, jamais en définitive, comme une réponse »; Pour Barthes, l’écriture ne peut devenir un instrument de communication que si elle s’émancipe du style (inconscient et formé par l’expérience de l’auteur) et du langage (syntaxe) de son époque. Barthes qualifie le moment de « degré zéro de l’écriture ». Cependant, même en dépassant le style et le langage, la nouveauté intègre progressivement la société. Le degré zéro de l’écriture n’est jamais atteint. C’est quand l’écriture tente de transcender son cadre historique, qu’elle est aliénée par l’histoire. Voir Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil, 1990; La conception de l’écriture comme un acte de plaisir ou de jouissance se retrouve aussi dans les écrits du sociologue Jacques Derrida sur le concept de déconstruction. Voir notamment Jacques Derrida, Positions, Paris, Minuit, 1972 à la p 15 : « Déconstruire la philosophie serait ainsi penser la généalogie structurée de ses concepts de la manière la plus fidèle, la plus intérieure mais en même temps depuis un certain dehors par elle inqualifiable [...]. A ce moment-là, par cette circulation à la fois fidèle et violente entre le dedans et le dehors de la philosophie [...] se produit un certain travail textuel qui donne un grand plaisir ».

39 Michel Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur? » dans Dits et écrits 1954-1988, t 1, Paris, Gallimard, 2001, 817

[Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur »] à la p 821 : « L’oeuvre qui avait le devoir d’apporter l’immortalité a reçu maintenant le droit de tuer, d’être meurtrière de son auteur. Voyez Flaubert, Proust, Kafka. Mais il y a autre chose : ce rapport de l’écriture à la mort se manifeste aussi dans l’effacement des caractères individuels du sujet écrivant; par toutes les chicanes qu’il établit entre lui et ce qu’il écrit, le sujet écrivant déroute tous les signes de son individualité particulière; la marque de l’écrivain n’est plus que la singularité de son absence; il lui faut tenir le rôle du mort dans le jeu de l’écriture »; Voir aussi Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969 [Foucault,

Archéologie] à la p 75 : « L’absence est le lieu premier du discours ».

40 Patricia Fleming, Gilles Gallichan et Yvan Lamonde, Histoire du livre et de l’imprimé au Canada : des débuts à 1840, vol 1, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2004 [Fleming, Gallichan et Lamonde, Histoire du livre vol 1] à la p 3.

41 Yvan Lamonde, Patricia Fleming et Fiona Black, Histoire du livre et de l’imprimé au Canada : de 1840 à 1918, vol

(22)

Le truchement numérique permet au texte d’échapper à son cloisonnement matériel, d’être diffusé

à grande échelle et sur plusieurs supports

42

. L’écrit électronique bouleverse le dialogue entre droit

d’auteur et savoir en même temps que les modalités d’apprentissage ; l’équipement de lecture,

tablette, ordinateur, liseuse, ou même téléphone intelligent démultiplient les perspectives d’accès

et d’utilisation

43

.

3. Méthodologie et structure

La complexité des notions évoquées ouvre un vaste champ d’étude, énoncé, mais inexploré : les

relations entre droit d’auteur et connaissance

44

. Nous soutenons que ces relations expliquent, au

moins en partie, la structure moderne de la matière.

42 Jacques Michon, « Le monde du livre à l’heure du numérique » dans Jean-Paul Lafrance et Éric Le Ray, dir, La bataille de l’imprimé : À l’ère du papier électronique, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2008, 244

[Michon, « L’heure numérique »] à la p 247.

43 Le livre numérique existe sous différents formats. Il peut être l’équivalent du support papier. Parfois, la version

numérique est enrichie, avec par exemple des animations, de la musique ou des vidéos. Enfin, des livres dit nativement numériques sont uniquement publiés sous format numérique. Voir par ex Jessica Petrou, L’évolution du droit d’auteur

à l’heure du livre numérique : les conditions de développement d’un nouveau marché, thèse de doctorat en sciences

économiques, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 2016 aux pp 5–6.

44 La présente étude traite du lien entre connaissance et droit d’auteur. Elle n’a pas pour objet de revenir sur les théories

justificatives de la propriété intellectuelle. Exposons-les brièvement. 1. La théorie travailliste prône le droit naturel d’un auteur à réclamer la propriété des fruits de son travail. Elle repose sur les travaux de John Locke selon lequel la propriété résulte du travail de l’homme sur des biens qui étaient communs à tous. 2. La théorie personnaliste considère que l’œuvre est la continuation ou l’émanation de son auteur. La propriété conférée offre alors un environnement propice à l’épanouissement de l’auteur. 3. La théorie utilitariste envisage les droits exclusifs comme une incitation des créateurs à produire des biens intangibles, sans pourtant restreindre la jouissance de ces biens par le public. Inspirée par John Stuart Mill, elle met l’accent sur la société, alors que les deux premières théories se concentrent sur l’auteur. Voir notamment William Fisher, « Theories of intellectual property » dans Stephen R Munzer, dir, New essays in the

legal and political theory of property, Cambridge, University Press, 2001, 168; Pierre-Emmanuel Moyse et Francis

Lord, « La propriété intellectuelle : sa fonction et sa justification » dans Jurisclasseur Québec - Propriété Intellectuelle, Montréal, LexisNexis, 2012.

(23)

Nous entendons couvrir ce large spectre en prenant appui sur plusieurs systèmes nationaux

sélectionnés, car ils prônent, chacun à un moment donné, une évolution notable ou un évènement

marquant du droit d’auteur. Notre approche fait écho aux mots du professeur Herbert Butterfield :

It will be necessary [...] to look for the lines of strategic change, and to put the microscope

upon those moments that seem pivotal - trying, for example, to discover the particular

intellectual knots that had to be untied at a given conjuncture. It will concern us particularly

to take note of those cases in which men not only solved a problem but had to alter their

mentality in the process, or at least discovered afterwards that the solution involved a change

in their mental approach

45

.

La Loi d’Anne, première loi moderne en la matière, promulguée en Grande-Bretagne en 1710, en

pose sans conteste les fondations dans les pays anglo-saxons

46

. Ses principaux mécanismes

structurent encore aujourd’hui la matière : l’octroi d’un droit exclusif promeut la création et la

diffusion du savoir

47

.

45 Herbert Butterfield, The Origins of Modern Science, New York, Free Press, 1968 à la p 8. 46 Loi d’Anne, supra note 3.

47 Les trois-cents ans de la Loi d’Anne ont même fait l’objet de plusieurs publications. Voir par ex Lionel Bently, Uma

Suthersanen et Paul Torremans, dir, Global copyright : three hundred years since the Statute of Anne, from 1709 to

cyberspace, Cheltenham, Edward Elgar, 2010; Son influence dépasserait les juridictions de tradition de common law.

Voir par ex Christophe Geiger, « 1710-2010 : Quel bilan pour le droit d’auteur ? L’influence de la loi britannique de la Reine Anne en France » (2011) 63:1 Revue internationale de droit comparé 53.

(24)

La législation coloniale canadienne atteste parfaitement, quant à elle, de la fonction culturelle

assignée au droit d’auteur et illustre l’influence de l’impératif d’éducation dans sa construction

48

.

Le Canada, encore et plus récemment, fait office de précurseur dans sa reconception de l’utilisation

équitable, désormais véritable droit des utilisateurs

49

. L’adoption, dans ce cadre, de l’exception

d’éducation en 2012 remet en question le paradigme traditionnel du droit d’auteur

50

. L’exception

supplante le droit exclusif pour encourager l’éducation. Ce changement reflète les priorités de notre

société : l’impératif d’accès à la connaissance succède à la nécessité de la produire et de la diffuser.

Ici et là, nous étayons nos arguments par des emprunts au système français, américain, ou encore

belge. La méthode reconnait la variété et la profondeur du dialogue entre les composantes du sujet,

réduit la critique éventuelle sur le caractère fortuit ou dérogatoire de nos démonstrations et a

vocation à conférer à nos réflexions une large portée.

Dans un premier chapitre, nous adoptons une approche sociologique et philosophique afin de

déterminer l’ambition originelle du droit d’auteur. Sa modélisation en Grande-Bretagne, avant

toute reconnaissance législative, repose sur une volonté de promouvoir la connaissance. Elle trouve

sa genèse dans l’évolution depuis le 16

e

siècle de la règlementation relative à l’impression. Le

48 Voir notamment les législations coloniales suivantes : Acte pour protéger la propriété littéraire, 1832 (B-Can), 2

Wm 4, c 53 [Acte de 1832]; Acte pour étendre l’Acte Provincial des Droits d’Auteur aux personnes résidant dans le

Royaume Uni, à certaines conditions, 1847 (Can), 10 Vict., c 28 [Acte colonial de 1847]; Acte concernant la propriété littéraire et artistique du Canada, 1875 (Can), 38 Vict., c 88 [Acte colonial de 1875].

49 Voir notamment Michael Geist, « The Canadian Copyright Story: How Canada Improbably Became the World

Leader on Users’ Rights in Copyright Law » dans Ruth Okediji, dir, Copyright Law in an Age of Limitations and

Exceptions, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, 169 [Geist, « Canadian story »]. 50 LDA, supra note 1, art 29.

(25)

système, axé sur la censure, est progressivement critiqué, notamment sous la plume éloquente de

penseurs tels que John Locke, John Milton et Daniel Defoe. Leurs revendications visant à

instrumentaliser la législation pour encourager le savoir séduiront le législateur, donnant ainsi

naissance à la Loi d’Anne

51

.

Le second chapitre cherche à vérifier si le droit d’auteur reflète effectivement la philosophie

souhaitée par ses penseurs. Il analyse de manière autonome les dispositions de la Loi d’Anne afin

d’en induire la finalité originelle du droit d’auteur

52

. L’examen dévoile que la législation incorpore

les revendications détaillées dans le premier chapitre des auteurs, des libraires et dans une certaine

mesure du public afin de créer un système dont la finalité est de générer, diffuser et disséminer la

connaissance. Le droit d’auteur repose dès son origine sur un contrat social entre l’auteur, l’éditeur

et le public.

Si à ce stade, nous avons établi les fondations originelles du lien entre droit d’auteur et

connaissance, il faut encore en apprécier les nuances. Le troisième chapitre met en lumière la

fonction prêtée au droit d’auteur : un instrument de politique publique censé influer sur l’éducation

51 Dans le cadre de la présente étude, nous utilisons indifféremment les termes « rhétorique » et « analyse du discours ».

Les linguistes ont débattu sur les particularités de ces notions. Dans la lignée des travaux de Chaïm Perelman, Ruth Amossy démontre que les deux éléments sont liés. Ruth Amossy, « Faut-il intégrer l’argumentation dans l’analyse du discours ? Problématiques et enjeux » [2012] 9 Argumentation et Analyse du Discours à la p 234; Voir aussi Barbara Johnstone et Christopher Eisenhart, dir, Rhetoric in Detail: Discourse analyses of rhetorical talk and text, Amsterdam, John Benjamins Publishing Company, 2008.

52 Voir sur l’intérêt de déterminer la finalité du droit d’auteur, Daniel Gervais, « A Canadian Copyright Narrative »

(2008) 11:5 The Journal of World Intellectual Property 432 [Gervais, « Canadian Narrative »] à la p 432 : « Copyright policy, like other major areas of public policy, requires a solid anchoring in fundamental principles. That anchor can only be found through a clear understanding of the purpose of copyright ».

(26)

et la culture. Il s’intéresse à sa genèse dans les colonies canadiennes

53

, depuis la première

législation du Bas-Canada datant de 1832

54

, jusqu’à l’autonomie sur le sujet en 1921

55

. Le récit,

reposant sur une approche historique, est celui de la lutte du Canada pour son autonomie culturelle.

La colonie perçoit et utilise le droit d’auteur comme un moyen d’instruire sa population et tente de

structurer son régime en considération de l’état de l’appareil éducatif. Si la finalité demeure

similaire à celle de la Loi d’Anne, la mécanique, axée en priorité sur les modalités de production

et d’approvisionnement du savoir, diffère.

Enfin, le quatrième chapitre entend questionner la relation jusque-là tenue pour acquise entre droit

d’auteur et connaissance. Il explore sur un plan théorique le choix législatif du domaine public en

s’appuyant sur l’introduction au Canada du dispositif de l’utilisation équitable aux fins

d’éducation

56

. Le changement de paradigme - l’absence de protection plutôt que le droit exclusif -

pour promouvoir l’éducation s’explique notamment par un glissement des priorités sociétales

depuis la production de savoir vers l’impératif d’accès à la connaissance. Cette évolution fait

toutefois peser un risque sur la distribution de contenu, car celle-ci repose sur l’exploitation

commerciale des œuvres, affaiblie par le domaine public. Ce chapitre met aussi en évidence les

53 En 1763, le Traité de Paris met fin à la guerre de Sept Ans entre le Royaume-Uni et la France. Celle-ci renonce au

Canada lequel devient une colonie sous domination législative et culturelle de la Grande-Bretagne. Traité de Paris, 1763, art 4; Ce n’est qu’en 1921, que la Confédération du Canada s’extirpe définitivement de la tutelle britannique relativement au droit d’auteur. Loi pour amender et refondre la Loi relative au droit d’auteur, 1921 (Can), 11-12 George V, c 24 [LDA 1921].

54 Acte de 1832, supra note 48. 55 LDA 1921, supra note 53. 56 LDA, supra note 1, art 29.

(27)

limites du droit d’auteur dans la fonction d’encouragement du savoir qui lui a été assignée : d’autres

facteurs influent sur la connaissance à travers des dispositifs étrangers à la matière qui nous occupe.

Notre thèse conclut à l’omniprésence du lien étudié. La relation prend diverses formes, parfois

contradictoires, et se traduit donc par différentes mesures législatives. Elle agit de façon inégale

sur la création, la diffusion, la dissémination, et dernièrement sur l’accès au savoir. Notre thèse

invite l’ensemble des parties prenantes à assumer les choix idéologiques et sociétaux des

techniques plébiscitées par le droit d’auteur. Droit exclusif ou domaine public, aucune étude ne

permet aujourd’hui de déterminer ou d’anticiper leur effet respectif sur la connaissance ou

l’éducation.

(28)

Chapitre 1 - La règlementation de l’imprimé avant le droit d’auteur : du contrôle des idées à

l’encouragement de la connaissance

Introduction

Au 16

e

siècle, environ cent ans après l’introduction en 1476 de la première imprimerie en

Angleterre, l’impression du livre est régulée par deux instruments concurrents, les patentes

d’impression et le monopole octroyé à la guilde des imprimeurs londoniens, les stationers

57

.

La Couronne délivre les premières patentes d’impression dans les années 1550 afin de conférer un

droit de publication à leur bénéficiaire pour une durée limitée ou perpétuelle, selon le cas

58

. Au

début, leur émission s’inscrit dans le cadre plus général de monopoles accordés sur les nouveaux

procédés, généralement à des artisans étrangers pour les inciter à partager leur savoir en

57 Patterson, Historical perspective, supra note 2 à la p 78 : « The prominence of the stationer’s copyright in the history

of copyright tends to obscure the fact that it was only one of two copyrights in England prior to the Statute of Anne. The other was the printing patent, a right to publish a work granted by the sovereign in the exercise of his royal prerogative ». Avant l’introduction de l’imprimerie, les livres étaient copiés à la main à un nombre d’exemplaire réduit, généralement pour les universités ou l’église.

58 Paul Roubier, Le droit de la propriété industrielle, t 1, Paris, Sirey, 1952 [Roubier, Propriété industrielle T1] à la

p 64. Le professeur Roubier relève qu’étymologiquement, le terme patente provient du latin patens, du verbe patere, « être ouvert » ou « évident », et désigne les documents ouverts portant un sceau officiel; Voir aussi Xavier Prévost,

Les premières lois imprimées étude des actes royaux imprimés de Charles VIII à Henri II, 1483-1559, Paris, Ecole

nationale des chartes, 2015. L’auteur nous indique que la patente prend la forme d’une lettre ouverte avec un sceau pendant, qui contient une suscription, une adresse, un préambule, un dispositif, une formule exécutoire et enfin la signature du roi suivi du contreseing.

(29)

Angleterre

59

. Cependant, la Reine Elizabeth puis le roi James préfèrent les attribuer

discrétionnairement à des fins politiques

60

. Face à ces dérives, le Parlement britannique vote en

1624 le Statute of Monopolies lequel interdit tous les monopoles en même temps qu’il pose les

fondations juridiques du droit des brevets

61

. Persistent toutefois plusieurs exceptions à la

prohibition, notamment les deux systèmes de régulation de l’impression évoquée : les patentes

d’impressions

62

, dont la pratique cessera à la fin du 17

e

siècle

63

, et le privilège de la guilde des

imprimeurs londoniens

64

depuis son incorporation par charte royale du 4 mai 1557, sous la

dénomination de Stationers’ company (Corporation des imprimeurs)

65

.

59 Adam Mossoff, « Rethinking the Development of Patents: An Intellectual History, 1550-1800 » (2001) 52:6

Hastings LJ 1255 [Mossoff, « Patents »] aux pp 1259–60 : « When the crown thus wished to buttress the realm’s lagging industrial development at the end of the Middle Ages, the issuance of letters patent was central to enticing tradesmen and industrialists to come to England […].Yet it was not until the sixteenth century that the crown began issuing letters patent to individuals for manufacturing monopolies within England »; Tyler Ochoa et Mark Rose, « The Anti-Monopoly Origins of the Patent and Copyright Clause » (2002) 84 J Pat & Trademark Off Soc’y 909 à la p 912.

60 Voir notamment Sir Edward Coke, The third part of the Institutes of the Laws of England, Londres, Brooke, 1797 à

la p 182; Louis Knafla, Law and Politics in Jacobean England: The Tracts of Lord Chancellor Ellesmere, Cambridge, Cambridge University Press, 2008 aux pp 77–92; Patterson, Historical perspective, supra note 2 à la p 83; Malla Pollack, « Purveyance and Power, or Over-Priced Free Lunch: The Intellectual Property Clause as an Ally of the Takings Clause in the Public’s Control of Government » (2000) 30 Sw L Rev 1 aux pp 40–54.

61 An Act concerning Monopolies and Dispensations with penall Lawes and the Forfeyture thereof, 1624 (R-U), 21

Jac. 1, c 3 [Statute of Monopolies].

62 Ibid, art 10.

63 Pour une étude sur l’utilisation des patentes d’impression en Angleterre, voir Patterson, Historical perspective, supra

note 2 aux pp 78–113.

64 Statute of Monopolies, supra note 61, art 9.

65 Royal Charter of the Company of Stationers, 1557 (R-U), 3 & 4 Phil. & Mar., part 10. m. 46. [Royal Charter 1557].

Le nom complet de la corporation est : « The Master and Keepers or Wardens and Community of the mistery or art of Stationery of the City of London »; Voir pour une analyse détaillée de la Stationers’ Company, Cyprian Blagden, The

Stationers’ Company: A history, 1403-1959, Cambridge, Mass, Harvard University Press, 1960; Graham Pollard,

« The Company of Stationers Before 1557 » (1937) 18:1 The Library 1; Peter Blayney, The Stationers’ Company and

(30)

La création de cette corporation constitue un évènement majeur et le point de départ de notre

chapitre

66

. L’évolution du système à partir de ce moment jusqu’à la Loi d’Anne en 1710 offre un

panorama de la philosophie alors déployée au soutien du droit d’auteur moderne. Les

commentateurs analysent cette période en se concentrant essentiellement sur la dimension

économique de l’imprimé

67

. Nous l’explorons sous le prisme de l’intérêt public

68

. Nous avançons

que la naissance du droit d’auteur résulte d’une volonté d’ériger la règlementation sur l’imprimé

en instrument d’encouragement du savoir. Initialement, la régulation, matérialisée par le monopole

de la Corporation des imprimeurs, avait pour objet principal de censurer les écrits séditieux et

hérétiques (I). Toutefois, à partir du milieu du 17

e

siècle, les intellectuels de l’époque plaident pour

l’adoption d’une nouvelle législation animée par l’impératif de promotion de la connaissance. Le

mouvement finit par gagner l’opinion publique et les parlementaires anglais (II).

66 Harry Gidney Aldis, « Prose and Poetry: Sir Thomas North to Michael Drayton » dans The Cambridge History of English and American Literature in 18 Volumes, vol 4, New York, Putnam, 1907: « THE outstanding feature in the

history of English printing and bookselling in the second half of the sixteenth century is the incorporation of the Stationers’ company. This organisation of the trade was the means whereby a strong dual control over the output of the press was acquired, in the first place by the state, for political and ecclesiastical reasons, and, secondly, by the company itself, for the domestic regulation of the trade ».

67 Voir notamment Patterson, Historical perspective, supra note 2 aux pp 222–23. L’auteur se concentre

quasi-exclusivement sur les relations entre le commerce du livre et l’Etat censeur.

68 Louise Goebel suggérait il y a vingt ans déjà : « there might be a case for rethinking the history of copyright in the

century and a half leading up to the 1710 Statute of Anne alongside shifting political and economic ‘interests’ in the civil sphere ». Louise Goebel, « The Role of History in Copyright Dilemmas » (1998) 1:3 Jl Law Info Sci à la p 22.

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