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LES EMBARRAS DU SCHÉMA DIRECTEUR
Gérard-François Dumont
To cite this version:
Gérard-François Dumont. LES EMBARRAS DU SCHÉMA DIRECTEUR. Cahiers du CREPIF (Cen-tre de recherches et d’études sur Paris et l’Île-de-France), 1993, pp.215-219. �halshs-01441951�
CHRONIOUE
SUR PARIS
ET L'ILE-DE-FRANCE
aPA R GE RARD-FRA UÇOIS DUMONT
PROFESSEUR A L'UNIVERSITE DE PARIS IV-SORBONNE, DIRE.CTEIJR ADJOINT DE L'INSTITUT D'URBANISME
ET D,AMÉNAGEMENT
LES EMBARRAS
DU SCHÉMA DIRECTEUR
Dans la r égl ement at ion de l'ad min istration ter rito ria le de la Ré p u-blique, la région d'lle-de-France a la particularité, par rapport aux autres régions, de ne p as être un o rga n e d e d é cision en ma tiè re d 'aménage-ment et d'urbanisme. Le législateur a, en effet, considéré qu'un Schéma dir ecteu r de I' ll e-dè-France p o se des problèmes sa n s équ ivalent dans les autres régions. ll résulte de cette situation des difficultés certaines à trouver uné harmonie entre l'État et tes collectivités territoriales de la région capitale. Chacun est sans doute bien conscient que le Schéma di rec teur de 1 965, mal gré dive rses mo d ific ations, e st un d o cu me nt dépassé, mais il demeure toujours d'application début 1993. ll n'est pas inut ile; pour comprendre l es é volu tio n s d u no u ve a u S chéma en cour s d' étaborat ion, de reven ir sur q ue lqu e s é ta pes (1) qui conduise n t à pro-poser trois réflexions.
La prem i ère met en évid e nce la dime nsion politique d e I'aménage -me nt de l ' l l e- de-F rance. L'É ta t a p u im p oser le Schéma de 1 965 à des élus peu satisfaits de < se prononcer sur un ouvrage achevé sans avoir participé à sa confection >> l2l câr cet État était fort et le Parlement n'avait pas encore voté la décentralisation. La situation depuis 1982 et surtout depuis l'élection des conseillers régionaux au suffrage uni-vers el (1986) n'est plus la m êm e . Le s élu s ve u lent a vo ir vo ix a u ch api-tre ; en ouapi-tre, ils disposent de moyens techniques qui leur permettent d'élaborer des projets concurrentiels à celui de l'Etat et de se faire enten-dr e,.
La temporalité des projets
Un second enseignement montre que I'histoire se charge de remet-tre perpétuellement en cause les objectifs les plus nets. Les villes nou-velles réalisées sont loin de ressembler à celles projetées par Paul Delou-vrier en 1965. D'une part, leur évolution démographique a été largement (1 ) V. tableau.
(2) Pierre Randet, <c Paris en lle-de-France et en Europe >, Administration, îo 157, Oct. d éc. 1992, p. 1 56 .
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en-deç a des per spect ives; la baisse d e la fé con d ité , liée à la seconde évolution dé mog raphi que, n'ava it p a s é té envisagé e e t les évolu tions migratoires ont fait apparaître un rôle négatif pour l'lle-de-France depuis fes années 197O. D'autre part, les évolutions du système économique ont imposé,d'autres noimes et notamment I'importance accrue des com-munications et des fonctionnements en réseaux : l'autonomie escomp-tée des villes nouvelles est antinomique des transformations conduisant au phénomène de la < vill e plurielle D, c'est-à-dire au fa it qu e les indivi-dus et les entreprises < consomment >>, non une ville, ffiâis une plura-lité de villes, chacune d'entre elles correspondant à la satisfaction par-tielle ou en ti èr e d'un besoin (ha b ita t, e mp lo i, c o mmerce, fon ctio n ludi-q ue, identif i cat iof l, . . .. ).
De mêffiê, en OJtrbrs de la diversité des points de vue liés aux dif-férences de restrionsabilités politiques, les différents projets, scénarios, esq uiss es , c har t es, pour le Schéma directeur d e l'lle- d e -Fr a nce, s'ins-crivent dans un contexte général qui contribue à expliquer certains choix. L e projet ré gi onal d'am énageme n t d e 19 8 9 ne p e u t, p a r n atu re , pr en-dre en compte les résultats du recensement de 1 990 et le développe-ment du phénomène de métropolisation, avec les coûts d'engorgement qu'il génè r e. l l est rédigé dans u ne p é rio d e où une situation é co n o mi-que favorable ne laisse pas présager le ralentissement intervenu en 1991 et le très important excédent des offres de bureau qui va en résulter. Les documents postérieurs bénéficient des enseignements des résultats du recensement de 199O. Plusieurs d'entre eux considèrent que I'aménagement de l'lle-de-France doit s'inscrire dans un projet plus vaste pour éviter, tant la congestion que l'extension urbaine en tache d'huile, qui multiplie la consommation d'espace et risque d'obérer l'équi- ' l i bre écologique. Dans le même temps, l'évolution é co no.miq u e ne p er -met plus d'envisager une croissance des ressources de I'Etat et des col-lectivités territoriales donnant des moyens financiers très significatifs pour multiplier les infrastructures. Ainsi, tout projet diaménagement s 'ins cri t dans la temporalité de la pé riod e o ù il e st établi> mê me si ses concepteurs font appel à la prospective pour le réaliser.
Les risques de rhétorique
Une troisième réflexion porte sur la signification réelle de ces pro-j ets . Même I'esprif crit iq ue le moins développé peut constater qu e des prévisions d'objectifs chiffrées sont avancées sans véritable explicita-tion de la méthode qui conduit à les afficher. D'un autre coté, ces objec-tifs sont parfois avancés sans guère de précision, relativement au calen-drier ou aux moyens fi nanci ers. Ce rtain s p ro je ts pèche n t a insi p a r deux défauts extrêmes : une quantification assez nette de certaines évolu-tions (emp lo is nouveaux ou l ogem e nts so cia u x), et I'absen ce de quan-tification des ressources fi nanciè re s o u d es conditio n s économiques
susceptibles de conduire à la réalisation des évolutions précisées. Cer-tains pourraient ainsi considérer que la rhétorique prend assez souvent la place d'une réflexion plus élâborée ou d'une anaiyse plus précise des p hénom ènes.
Mais il est vrai que les jugements dont disposent ceux qui ont à élaborer le Schérrfa directeur ou des projets pour le Schéma directeur sont parfois insuffisants. Prenons I'exemple d'un chiffre qui apparaît comme I'un des fondements du projet de Schéma d'octobre 1992: celui d e la populat ion fr ancili enne qui est fixée à 12,1-12,2 millions e n 2 O1 5 . Cette fourchette, présentée comme volontariste, part du raisonnement selon lequel ( la croissance démographique de l'lle-de-France repose aujourd'hui sur I'excédent des naissanceiigl. Cette affirmation est exacte. L'augmentation de la population de la région capitale résulte effectivement d'un écart positif entre le nombre des naissances et celui des décès, alors que le solde migratoire a été estimé proche de zéro de
1982 à 199O t+t. Mais o5r omet le plus souvent d'expliquer les raisons de cet écart relativemeni favorablè et qui sont essentielles pour toute réflexion prospective'dans un domaine où fes phénomènes d'inertie sont très importants en raison de la logique de longue durée des mécanis-m e s d émécanis-mographi ques. Or, le taux d'accroissement de la popula tio n de l'lle-de-France résulte d'un phénomène dont les effets se complètent.
Le système migratoire
Le premier tient de la structure des âges de la population d'lle-de-France qui est particulièrement jeune. La population de I'Essonne n'a que 13,0 o/o de 6O ans, ou plus, alors que la Creuse en a 33,5 o/r.ll en résulte que, même avec une fécondité relativement basse, la propor-tion importante des générations de fe-mmes en âge de pro créer entraîne un taux de natalité relativement élevé. En second lieu, la quasi-nullité du solde migratoire francilien ne signifie pas que fes migrations n'ont aucun effet démographique. Le solde résulte de fa différence de f immi-graticin et de l'émigration. Or, celles-ci ne sont pas de même nature. L'immigration concerne des populations jeunes, l'émigration concerne des populations plus âgées. Le système migratoire de l'lleide-France contribue donc à rajeunir la population. Ceci est vrai pour les migrations internes avec fes régions françaises, ainsi que pour les migrations entre l'lle-de-France et les pays étrangers. La géographie de la natalité de l'lle-de-France est d'ailleurs en grande partie liée à fa répartition de la popu-lation étrangère et plus encore de la population immigrée qui inclut, outre des étrangers, des personnes ayant acquis ou qui se sont vu attribuer la nationalité francaise.
(3) La France et ses régions, INSEE, Paris, 1992, p. 48.
(4) Cf . Gérard-François Dumont , La géographie de la population de la France, Défense Nationale, décembre 1 992.
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Les 96 quartiers de t'lle-d e - Fra n c e fa isant l'objet d'un contr at de
( développement social des quartiers ou de n conventions de quartièrs >
il l ust r ant tout'partic uliè reme n t ce d o u b le p hé nom ène av ec une propor
-ti on net te ment plus élev ée de po p u la -tio n é tra ngèr e et une str uc ture par
â g e net te ment p tu r je une, liée à u n e fé c o n dité plus élevée des
popula-tions étrangèrei. En'"ff"t, la proportion d'étrangers est de 24,8 o/o dans
ces quartiels, contre 'l 2,g %'pour la moyenne de l'lle-de-France et celle
des moins de 2O ans de 35,3 o/s dans ces quartiers, contre 26,1 o/o pour
l a ré gion dans s on en se mble tb ) . Et c e s d e u x pr oportions sont plus
éle-vées en lle-de-France qu'en France (o). L'lle de-France possède donc des
particularités dont la prise en compte est impérative dans toute réflexion
concer nant le Sc héma d irec te u r .
Ouelques
étapes de I'aménagement
de I'lle-de-France
lgg 1: pr em i ers plans d 'amén ag e me n t no tables à l'initia tive d'é lus tëls Henri Sellier à Suresnes ei Rndré Morizet à Boulogne.- Premier dessin d'un plan de dimension régionale pa r l'architecte-urbaniste prost, dans une aire délimitée par un cercle de trente-cinq kilomè-t res aukilomè-tou r de Nokilomè-t re-Dam e .
Années lgbo : I nscri pti on de I'a m én a g eme n t de I'a gglomér ation p ar i-s ienne dans le cadre de la p olitiq u e d 'a ména g e ment du terr ito ire initiée par les trois << Pierre r) : Pflimlin, Mendès-France et Sudreau. 1g6b : Schéma directeur élaboré sous la conduite de Paul Delouvrier,
nom m é par le Général de Ga ulle à la tête d'u ne Dé lé gation g éné-r ale au dist éné-rict de la éné-régio n d e Pa éné-ris'
Fév rier lg gg: A dopt ion par le Con se il ré giona l d'u n (( Pr oje t ré g ional
d' am énagement >. ,
Juillet lggg : Le Premier Ministre prescrit l'établissement d'un Livre blanc.
lgg9: < Li vr e b lanc D rédi g é con jo in te ment par les services de l'État et des collectivités territoriales (Direction régionale de l'équipement de l ' l l e-de -F ra nce - DRE IF , IA URIF et Ate lie r p a r isien d'u rb a n isme
(A PU R). 1
Mars 1gg1 : ( L'lle-de-France au futur )), esquisse du nouveau Schéma dire ct eur de l'l le-de-Fra n ce d iffu sé e par te Pr é fe t de Régio n '
(5) fNSEE Première, no 234, décembre
1992-(6) Les 24,g o/o d'étrangers des quartiers de la région capitale son! ] 8,3 dans les cinq cents quartiers de la France métropolitaine et les 35,3 o/o de moins de 20 ans sont 32'9 o/o '
31 avril 1991 : Le Premier M,inistre, Michel Rocard, répond au Préfet en insis tant s ur ( une meilleure maîtrise de la croissance >.
Ju i n 1991 : ( La Chart e de l'll e-de -Fra n ce )), sous-titrée ( ( Une ambi-tion à I'heure de I'ouverture de l'Europe >>, est présentée par I'exé-cutif du Conseil régional. Elle est complétée,par des chartes dépar-te mentales .
3 octobre 1991 : Le Comité interministériel d'aménagement du terri-toire approuve un avant-projet de Schéma directeur. ll est rendu public le 4 octobre et explicité dans la lettre mensuelle du Préfet de Régio n.
Octobre 1992: Le projet de Schéma directeur est publié en vue d'être so umis au Parlemgnt
3O octobre 1gg2: Le pr#ier Ministre, Pierre Bérégovoy, décide de saisir les assemblées régionales pou r avis, le délai pour rendre les avis étant de trois mois.
Janvier 1993 : La Région donne un avis négatif . La Conférence perma-nent e des Présidents de Régio n d u Ba ssin p a risien , créée par le s Pr éside nts en 1992, exprime également un a'vis négatif . Elle reg roupe les élus de Basse-Normandie, B o ur g o g ne, Centre, Champagne-A rdennes, Haute -No rm a ndie, Pays de la Loire, P icar-di e et lle-de-France.
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