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't'(~
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- .-, t> D • • ,..
/É16ments pour une sociocritlgue de NEIGE NOIRE d'Aauin
, ' 8 - , by
.
, , Robert SALETTI ,A thes la s ubmi tte d to the ~
Faculty. of Graduate~Studies and Research
,.
in partial fulfillment of the requirements ~or the degree of
Master of Arts McGill Universit~ March 1982 o ,"
c
'.
\
~/
..
• ABSTRACTThe establishment and the marking of nar~tive
struc-tures that found and delimit the textual nature of Hubert
Aquin's last novel, "NEIGE NOIRE, show that the flctian's
modalities display' a remarkable and strong formalism, re-sul ting from a tension between two "spaces of
representa-.,
,tian", two mimetic functionings, that are in many aspects
a!lposite and dist.}nct~ The first one, bound ta precie~,
,
technical, theorical and philosophical languages, works
.
within a "reference process" and tries to impose a defined
~ .,
ideological location to 'Ohe su1:i}ect, as the second one,
bound to the poetic writing process, works a~ainst the
no-~.
tion of reference or the act ef referring. This. conflict
,
gives the specifie readability of Aquin's novel in light
, 1
of the "epistemological" position of (Queb~.c and/or wes-'
tern) 6onte~porary lite rature and the social axiomatic of
capitallsm*
\
<'<. , ,/
~ ' )"
I!' r §(
, " \ \..
,
\1 RESUME 1 ( .., 1L'établissement et le repérage des_structures narrati-ves qui fondent et délimitent le texte du dernier roman d' Hubert Aquin, NEIGE NOIRE, montrent que les modalités cons-' titutives du récit manifestent une forte formalisation de
la fiction romanèsque, qui ~ésulte de la tension entre deux
espaces de représentation ~ maints égards distincts et
op-posés. L'un, forgé à pa~tir de langages techniques,
théo-riques et philosophiques particuliers, s'oumet le tex'te
à
u-ne démarche référentielle et cherche à définir
idéologique-'ment un territoire du suJet alors que l'autre, lié" propre-
.
,me rit au tri'vail de l' écri ture, conduit à un fonctionnement
poétique et a-référentiel du texte et implique la mort ou la disparition du sujet textuel. Le conflit de ces deux
.
espaces situe la lisibilité spécifique du roman d'Aquin en
regard de la position épistémologique
de
la,l.ittératurecontemporaine (québéçoise et/ou occidentale) et de l'axio---;- matique sbciale du capitalisme.
\
~"
./ ~ 9 , '., .1 : , l~
îJ
)
/'
,1 ----' , " ,,
PREFACE , ' r<". •Si, dans le ~llleu culturel québécois, le nom d'Hubert Aq uin suscite irfémédiablement l' ~ttention, la cause .. en est davantage peut-~tre le caractère politique ou spectaculaire odes événements(et des prises de position'qui ont jalonné sa carrière ~'é7rivain que SQn oeuvre proprement dite, en'défi-ni ti ve peu l,ue. Compte tenue de l'importànce syrnboliq ue ,ou
1
1
mythique açquise par le "personnage" d'Aquin, on peut dire ainsi que :les travaü approfondis 'consacrés aux' textes l i
t-f ' .
1" '
téraires, de ce romancier n' abon~ent. pas (voir la
bibliogrà-f
! • lY'
phie). ~~Ul plus est, les études portant sur NEIGE NOIRE, le roman qui nous intéres~e, peuvent ~tre dites rares. en effe'
à
peine quelques articies généralement brefs et deux ouvrages qui sont par ailleurs dédiésà
l'ensemble del'oeu-vo7!~', ceux de f.Iqball H.Aauin romancier ~t de R.Lapierrel
l'
'f.. l, "
;,' Imaginaire captif, abordent le dernier texte romanesq:;e d'H.Aquin. Le champ que délimite ~IGE NOIRE nous apparatt' l
donc largement ouvert et disponible,.
En ce qui 'concerne la problématique socioc,ri tique 9.ui const}tuera en quelque'sorte le sédiment de notre recherche
"
.
~ ,
théorique, en aucun moment-là notre connaissance' a':'t-elle
~-~.' servie
à
aborder un roman d'H.Aqui'h dans' les tennes quise-~
'rontn~tres
ici. Nous tenterons enf~i
t de' dévoiler le lieu~
f"oeio-historia ue qu'occupe NE'IGE NOIRE dans la li ttéra ture , que écoise
ce~tes,
Mais surtopt en regard de la lisibilité/ /
(
, 1, l
l ' " \ ",, .
(
J
l '
générale de la littér~ture contemporaine.
1
Nous envisage-•
"
rons donc l'oeuvre ~n question dans une perspective où'la
place épistémologiq e de l'écriture séra évaluée. A cet
égard, le R .Lapierre nous s'era d'une certaine
uti~ité. Toutefois au fur et
à
mesure que l'eSpace de re-présentation social (et libidinal ou pulsionnel) de NEIGENOIRE 'sera élabor~et que le domaine .sociocritique trouai .
~
vera ses rep~res),' nous pensons ~uvoir identifier la
natu-re et le rapport des forceS ,conscientes et inconscLentes
•
qui, par leur opposition directe ou indirecte au niveau
?
des structures narratives, construisent ce roman, et de ce fait montrer-la position spécifique de l'écriture
d'H.A-quin dans
-l~,
con\exte général de l'axiomatique ducapita-lisme occidental. Ce qui, pensons-nous, n'a jamais été
eh-trepris, de façon systématique. ")
.
'1
1 1,
,\
~
(
, \
..
TABLE DES MATIERES ~
l , l 1 \', Î \
-Chapitre 11 Les structures dié«étiques et narratives de
NE IGE NOIRE '
1.O.Généralitésl une théorie du récit ••.••..••••••••...• p.l
1.1.Les plans du récit. la diégèse!, ,la narration,
ie
- ' ,
discours ..•...• p.4
1.l.1.La structure-diégétique de NEIGE
NOIRE •.•.••••••
p~6 1.1.2.La structure de la narration de NEIGE NQIRE ••• ;.p.161.1.J.Le discours de NEIGE NOIREs le commenta'tr,e ••...• p.20 1.2.Les môdalités narratives de NEIGE NOIRE. l'aspect
"verbal" du roman •.•... : ... ' . . . · p.~J
1.2.1.Le temps du récit •••••••• 0 • • • • • • • • • • • • • • • • • • 0 • • • o,.p.24
1.2.1.1.L'ordre du récit ••••••••••.•••••..•...•.•..• p.24 1.2.1:2.La durée du récit ••••••.•••.•...•....••••• p.27 1.2.1.J.La fréquence du récit •.••••••.•...••...•. p.28
1.2.2.Le mode du '~ • ' 1
rec~ t . . . p.29 \
1.2.J.La voit du ré ci t . . . • . . . p • 32
1.2.3.1.Le temps du discours ..•.••.••••••••••••••••• p.32 1.2.3.2.Les niveaux du discours •• · •..••••••••••••• , ••• p.J5 1.2.3.J.La "personne" du discours .••• .----;-;-: ..••••••• p.
---
36'1.2.4.La "verbalitétl de OIRE. l'action et )
le sujet ... 1 . . . ' • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • p.3~
l.J.Les u récit et la représentation du sujet •• • p.42, ',J,
.J.l.Les registres de la parole daDs NEIGE NOIRE ••••• p.45"
- '.
, 1 4
concre-t et l'abstrait •• " ••••••••....• ;".'., .. p.
5
\ . 1 ~ !
narra'tif et le représenta tif .••••.•... ','\' p. 46
, .
\
. -1 • J • 1 • 2 • Le \\
i ) ,1 1 l,/
'" \ ! \(
\
) --~..
ol.J.2'.NEIGE NuIRE et Pauta représentation~ ••..••••.•. p.48
, '
-Notes ••••... " ... ""."." •.•• " ,',,,,,.,,,, ..•..•..•••..• ,,., ••• ,, .p.SO 1
~Chap~re 2, mise en
'If sentation
enré'-2.0.G~n~talitésl mise en
2.1.Les "types" de
réflexi vi té •.••..••••• p. 54
e.··,,··~···.·,··.···.p·55
2.1.1.La mise en abyme fict·onnelle.- le récit ir,_
dans le récit •••••••.•• ••••••••..•••••••••. ~ ..• ~p.S5
2.1. Z. La mise en abyme énon ia ti v~ 1 le réc~ t :'
du técit •••••••••••.•••••••••••••••••....••..••• r
p.S8
, 2.1.J.La ~ise en abyme (mé '~)tex~ellel le1 • t 1 . . t l' - 62
rec~ par e rec~ .,' ••••• 1 • • 1 • • • 1 • • • • • , • • • • • • • • • • p.
2.1.4.La mise en abyme tralscendantale. le
récit et la
métaPho;~d'arigine
.•••..••..••.•. ••p.6S
2.1.5.Enchâssement et identi ét l'e commentaire •••••••. p.67 Z.2.Spécularité et mimésis ••.••.•••.••.•••.•••...•..•••
,
p.692.J.Première théorisation de l'e pace de représentation
de NEIGE NOIRE ••••• "" •••••••• ~ •••••••••••••••••••••• p.74 - 1 - No tes. , • . •.• , • , , • , •••.•••• , • • • • • .. •.. •• " •••••••• " •••••• p • 81.
-ID
-Cha]?itre1.
J.
O~Générali tés. du linguistique au se ialog'iqueet au discursif ••••••••••••••.•••.••.••••••••...••• p.84
J.l.La notion d'intertextualité ••••••••••••••••••••••••• p.87 3.1,.1.NEIGE NOIRE et HAMLETI le miroir es sujets •••••
p.SS
J.2.Ce)
texte produ,cteur. • ... • ... \ ... ' .... ~ • p. 93ii . " -~-_._-_._- \ ... \
~
1
J
1
l {~/
(~
1
1
J.2.1.Une catégorie dialogique. l~ rapport
,destiriateur/destinataire ••••... : ••••••••••• p.94 J.2.2.La lecture. spatialisation et double - '
'/ de l'écriture ... ' ...•.•. 1 • • • • • • • • ,. • • • • • :9-97
3.J.Production et (anti-)représentatibn ••••.•••• ··• ...
t ..
p·99 ';.4 •. L'espace phénoménologique de ''la conscience •••••..••• p.104 , .J.5.Deuxi~me ,théorisa't).on de-l'espace de repré- - 1 senta tion de NEIGEV NOIRE •..••••.•.•..••• ' •.•..•••.••• t,,107
) . .. ~ . , ...
. )
-~ No tes •.•.•.•.••••••.•.••.••••..•••.•.• ~ •. ~~ ... 0 • • • • • • • • • • p .112
-Chapi t.re 4. Processus esthétia ue et processus historiq ue
, '
4.0.Généralitésl l'écriture et ,la sc~ne_ de l'Hlstoir,e. up.116 4.1.Système ~iscursif et système idéologique •••••••••••• p.119 4.1.1.De la dénomination et du sacré •••••••••••••••••• p.120
, . ' ; ' : t . '
~1.2.L'énonciatio~
et la conscience réflexivè •••.•••• p.1224.2.La représentitiona "épistém~" classique et ,
", . t ' ep.ls eme ~" ~ mo erne ..••...••.•...•.... d 4 • • • • • • • • • • • • • • - po 124
f
4.3.Désir, triangle et transçenêlance •••.•.•• ' •.•.••••••• ~p.128 't
4,4.Le langage et la structure oedipienne du d~sir ...••. p.1J3 4.5.L'historicité de NEIGE NOIRE •••••••••.• • j ••••••••••• • p.135
-Notes ...•.•....•...• ~., .•.•.•....•...•..•• ~ ..•... tI' • • p.139
-Chap.itre 51 L'espace social (et libidinal) de NEIGE NOIRE 5.0.Généralités. le littéraire 'et le sociaL ••.••..••• ' ••• p.144
, ,
l
J1
J1
5 .1.NEIGE NOIRE et l'institution littéraire i
l
, québécoise ... p.146 l 5.1.l.Le stat~t de \t?écrivain •••••••••.•••••••.•.•••.•• p.146
iii
r
,.
(
-, ,
(
, ,
1 ' ~ , . \
5.L2.Nationalisme et lisibilité du roman ••••••••••••• p.148 5.2.Le territoire aquinien de 'la. culture •..••... ', .•••••• p.151
S.J.NEIGE 'NOIRE et la machine ca:pita11ste ••••••.. , ;: •.•• p.154
5.J.1.La p~oduction 'déÈlirantel paranoïa et "
o schizophrénie.~ ••••••••••••••••••••••••••• •••••• p.156
1
5.J.2.0edipe et ~lysse ••• -... ' •••••••••••••••••.••• p.~58
5.3.J.NEIGE NOIRE et l'ouverture d'Oeàipe ••••••••••••• p.161
5.4.Derni~re théorisation
de
l'espace de repré- 0sentation de NEIGE NOIRE •• ,. •••••••••••• ' •••••• ' ••••••• , p.16J
5.4.LDe l'écriture et du fantasme dans NEIGE NOIRE ••• p.164
5.4.2.De la fict-!-on etr de: l'Histoire dans "
NEIÇ-E NOIRE. l , ' • • 1 1 • • • • • • • • • • • • • • • • 1 • • " " • • " • • • • p.168 .. Not'e s 'I~' • 0 • • • • • • • • • • • . . . tt • • c. • • • • • • • • ~ • p .174 -Bibliographie ..•••.••...•..•.• '.0 .~ • • • , • • D • • • • • • • • Il • • • • • • • p. '180 ,-., , ===========:= .' i i i i . (. ", '\ ,Ir
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1
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-\ -. _. - - - -..----1 l'
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j CHAPITRE 1 ~~~ \\
t, \l
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(
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::.. I~i.
1(
, 1 ( 1 c 'l.LCRUC'rURH:s DIÉUÉTIQUES ET NARRATIVES DE "NEIGE NUIRE"
l.O.Généralités: une théorie du récit
Nous n'avancerions rien que de très ~onnu en disant que les.
(,
recherches récentes dans l~ domaine de la narratologie ont fait ressortir la cohérence
stru~turelle d'~zone ~oétique
que la tradition culturelle occidentale a réguli,èrement considérée, de-' puis Platon et Aristote, co~me un mode affaibli et atténué de la "représentationJ1\ i tté raire. C'~st
seulement, en 'effet. depuis un certain temps que 'ta notion de réci tdésig~e
une couche de signification relativemen: autonome et dotée de formes pouvant être isolées de l'ensemble du messa\e {poétique, moral, idéolo- " git:! u$~ etc.) <!lqu' 'est l' énoncé littéraire.~ ~
Il a déjà été'montré(2) que le récit, dans son acception ,
~ F~ r~
\ la p~ large, pouv~t être pensé comme le "seul mode de repré-sentation que la iitiérature~connaisse, "comme une unité
narra-,,~ tivo-descriptile qui fa~t~s'interpéné\rer, sinon ~e recouvri~,
\
complètementJ.. -les concepts de mimési-s et de diégés is (sue
les-> A
1"'-quels ~d 1 ailleurs on aura à revenir). .... Investissant aUEl~i larg~-~-"
"lent la spécificité littéraire" le réci t.I PUiS,' iJ~_:_s~ le fait
de repré~senter par des moyens ver,baux une réali té non verbale (et,
"., , " . 'D
1
(excePt~onnelfLem:nt)ve~bale 1 demeure un cas d' imi tation
-impar-faite. précisément la fonction imitative et réflexive du récit et
tion qui
L"
caractère imparfait et n,on exhaustif de cètte
fonc-.
la trame directrice de l'analyse qui prend
-1-l , ~ i
1
g"
0
If
(
\.
ici ~on e~sor. U n ne S " t e o~~pra Qonc pas ' '-que~ l"'d' 2 lme~slon . cio-nis-:orir.Ué du -:~\{te-témoin qu'est NEIGE NLI-RE sol1:
constam-~
~ent convoquée, implicitement d'abord et de :açon explicite à
partir du ~roisième chapitre.
'. Pour le moment nous nous attarderons à esquisser une étude
1
proprement narratolo,giq ue du romalj d'Aquin. Pour ce faire il
~udra
consentir à uneinterro~ation
théoriQue de la notion deré~it.
S'agissantd~
situer d:maniè~e nré~ise
une approche'"
particulière du texte littéraire, il convient de' dire
que
li
narratologie cons iste en une -analyse du contenu et de la forme
'i
immédia -:eme.nt perceptibles et pour ainsi dire dénotés du ré it. En ce sens là narratologie' est une sémantique li t-céraire.
$Y • \_~,
\ Da~s la perspecti V~ narratolot!ique que nous conven.8ns d'
adopter, trois plans doivent être distingués. te premier est celui de l'histoire oulde ia diégèsé(3) qui est racontée (dà~s
~
le roman considéré comme récit). Un parlera alors de. la subs:tan-ce . d.~ c,tenu '1.2rratif. Il s'agit de ce ~ui est raconté, de l' univers représenté. Selon la terminollJgie de '1' .Todorov 1 on p'a
r-le~ de l'aspect ré~érentiel du récit(4). L'hist0ire est donc le slgnifoi'é na rrat l'J' , ce que, le message narratif évoq~e. En
el-;îé-mêm~ ~
diégèsecom~t
(a)unecomporte deux niveaux Que Todorov 1dentlfie logique des actions et (b)le niveau des per-sonnages et leurs rapports(5). Remarquons que l'histoire n'e-\ xiste pas au ~iveau des événements eux-mêmesl elle e~t, par
rjp-port ~u rciel, une conven~ionl "l'histoire es~ une abstrebtion car elle est toujours pellçue et racontée
par~UelqU'
un,' elle n'-2-" 1 '. l .~ '~ "' ~ 1 <,
1
1 .1 -1 1 ~ 1f
(
'\
existe pas en soi"(e). l'histoire est li~e ~ des plans qui l' englobent
-
OQ .'"
le
deuxi~me
planque~ous
distinguerons est celui de la narration. , C'est le plan' de la forme du contenu ~arratif, de ce qui compose' la maniè re de racon.:tex l' hisctoire. ' la Ylarra ti.on).' ./
est ce ;:qui assume la relation d'un -évén.ement ou d'une série d'
.'
,évén~fients. Cela correspond à ce que Todorov appelle l'aspect
littéral du récit. C'est le lieu où les éléments de
l'histoi-1
re sont considérés dans leurs rapports de construction. où le sens de ces élémehts est interrogé non pas directement 8U
ni-h .
ve'au de leur référence à un univers (réel ou imaginaire) mais au niveau de leurs liaisons les uns avec les autres. C'est à
J
ce niveau que le récit, par rapport aUcniveau de la diégèse, "fait figure" et est "dne opacité du sens~(7).
un distinguera un troisîème plan, celui du discours (nar-ratif). Une certaine confusion regne dans l'emploi (courant) du terme "discours". Quant à' nous, nous accole rons pour le mo-ment au mot di~cours le sens que donne G.Genette à la"narra~
tion", C.' est-à-dire "l'acte de narrer pris en lui-même", "l'
é-vénement qui consiste en ce que quelqu'un raconte qu~lque cho-8e"(8). l'acte discursif de la narration permet de considérer le récit dans son 'procès d'~non~iation.
Tous ces plans sont évidemment co-relié.s de sorte que l' é-tude des ressorts structuraux de chacun des plans devrpit nous permettrè de rendre compte une premi~re'~ois de la constitution
l'
narra~logique du roman qu~ fait l'objet de notr8 anelysel NEIGE
N~IRE •
)
( _4 l'
(
t 1 )-
•
1.1.Les olans du récit, l~ dié~èse l
, 4
Puisque l'analyse ~arr8tolo~ique à laquelle n U~ allons
,c;
procéder n'est qu'une étape d'une démarche visan à situer le
\
texte d'Aquin dans une ~roblém~iique (soci0cri~ique) plus lar-ge e-c
~,u'
une?ertai~e
généralité danf' jes '1otionsutilisé~s
de-"
meure:inévitable: nous nous en tiendrons pour , l'~ss~ntiel , à la
..
'tripartition ci-dessus men-cionnée de la fiction. Le terme
"fic-"
tion" lui-m~me doit cependant §tre pris dans son acception la
<,1.
. ) r
plus large; nous convlendrons alors de confond~e fiction et
ré-~it pour désigner'tout discours qui donne ~ évoquer un monde conçu comme réel, ~atér~el et spirituel, situé dans un espace déterminé, un temps déterminé et reflété le plus souveQt dans un esprit déterminé qui peut Itre celui d'un ou plusieurs "P!r-sonnages" aussi bien que celu'i d'un !1arrateur ou d'une instance
/)
.
narratrlce. À ce degré de généralité. le terme désigne bien d' autres discours que le romanesque. Nôus' sommes d'ailleurs
cons-,
cient du fait que, confondant les termes de fict~n et de récit, nous allons à l'e~contre d'un certain emploi commun et d'une cer-taine définition cour~nte qui rel~guent le mot "fiction", en l'
l
oppo~int ~ tout ce qui traite du réel,
.
à la relation de faits i-./maginaires ou, comme on dit d'un point de vue péjoratif, de faits qui sont le fruit de l'imagination.
La fiction sera donc"'l' espace narrativo-diégétiq~e dans 1e-quel s'~ntrecroisent les trois plans que nous avons choisi de distingüer. Espace diégétique.d'uni part, au sens le plus
res- -4-•
..
1 / i , / .~ 1 l '. 1 '1 ;,/
"
( ,1
•
'"
treint du récit, la fiction e~t l'ensemble des signifiés cen-sés se rapporter à des choses exis0a~tes. ~space na~ratif, d' autre part, la fictio!1 '?st "l'acte '1arra~if produc-:eur!f.t, par
.
(\ext~nsion, l'ense~ble de l~ situation réelle ou fict1ve dans
la-quelle i l prend place"(9).
De la division entre diégèse et narration (cette dernière incluant de ce pJint de vue le discours narrRtlf), on peut ti-rer deux r~rques qui concernent leurs liens. D'abord il im-porte d'ybserver que l'histoire n'existe pas telle quelles elle n'est jamais don'1ée que "par" et "à travftrs" la narration.
Pri-~ \
,se isolément, l'histoire, comme nous l'avons dit auparavant, eét J ("
U'18 abstraction dont les é~é~e'1ts sont à considérés au moyen de
~
la structure à la :ois sémiotique et discursive qui détermine toute fiction.
l'imbrication nécessaire mais souvent di~simulée de
l'his-,j
taire dans une narration ~ une autre conséquen~e. le raoport qui lie l'une à l'autre est à la fois semblable et di{férent au
rapport qu'entretiennent signifié et signifiant dans l~sigpe
'\
.~- linguistique. Semblable par l' arbi tra ire de leur l ien
né~cessai-rer
diffé~ent
dans la mesureo~
l'histoire (l,signifié)~est
re-présent~e
comme réelle et imaginàire simultanément. ,fr«{f'espa-ce double, appelé ailleurs "~space de présentification"(l?) et qui fait. q lIe le récit se donne à la .fois comme, éléme~t fictif et comme référence a un ... réel t correspond a une prem1ere appro-... ..
ximation de ce que nous 8,vons CO'1venu de nommer " espace de
re-présentation" •
.., I~
" .
5
(
)---,...
\
''''-'-'~,"
1
Il es~ temps fTlaintem?nt d' rntrer en cont'act direot avec
, 1
notre objet d'analyse.
~'est
ce.que von; nous~e;'~e~tre
lesplans narratologiques que nous venons de détail~er.
1.1.1:la structure diégétique de NEIGE NOIRE
r "
Avant
d'entrer~
plain-pied danslt~t~d~~d~
ladi~gèse
deNEÎGE NUIRE·, nous
no~~op~sons
de résumer de la façon la pluslinéaire et· anecdotique "'possible ce qu'on désigne habi tuellemWlt,
Ji
en ~~rmes cour2nts, comme l'~trigue du roman. Celle-ci peut se
,~ .
diviser en troi"s te!Tl'!)s qui eorrespondent aux lieux où se
dé'rou-le l'~tion.
I.Nicolas Vanesse, montréalaia de vingt-huit ans et com~
dien de son mé:tier, est l' ~poux d~ Sylvie Dubuque. Ils se so~'t
, ,
rencontrés une pr-emière fois alors que la jeune fille, droguée,
est recueillie par Nicolas en auto. Des ébats amoureux assez
violents s'ensuivent sur la banquette de la voiture, après quoi
.
Sylvie se met à frapper Nicolas de son sac à main alors qu'ils
roulent s~r l'autoroute. "Une deuxième rencontre fortuite a lieu
dans le contexte mondain du lancement d'un film et une troisième
se déroule à nouveau dans l'auto. Désormais mariés, Nicolas
ar-tache à .Sylvie d~s\ aveux sur le nom de son amant, Michel
Lewan-?oWSki, à la suite de quoi elle lui administre des coups au
bas-ventre aveè un pendentif, lui infligeant une douloureusoe
blessu--- -
----..---..-!'
i d
1
re qui empêche tout rapport sexuel~ Répétant dans un studio de ~
Radio-Canada le rôle de Fortinbras dans HAMLET, Nicolas doit
re-'.J'
prehdre à la demande du réalisateur plusieurs fois la répliquel
...
(
\\
'
..
'fi üù est donc ce spec'tacle?". ( Ayant décidé', q,ue ce rôle sera'
, '0
son èernier. il envi.sage' de commenc~r une ca.,.rrière de
cinéa,s-,
t~ par l'écrit~re d'un sCÂnario autobio~rap~i~ue.
fcez
l~i,racolas répète le réplic;.ue
de
"Fôr~inbra's d~v;\nt
",une glac& ..~ ) \ 1 \ ;
De retour ,iu studio, on voit Linda NOble. à \aui Niaolas 1
"\ \ , ' ,
\"
"/
trouve une ressemblance avec Sylvie\. jouer le rôle df ephélie.
" ~ \
\.
/Nicolas essaie i0fructueusement de
t,e
joindre sa\ femme ~télé-phone pendant qu'
~n
la voit s'ébattr~\ amoureus'erri~nt
avec~un
,
pa!tena~re.non identifié. Ensuite on\retrouv~ Nicolas'
agis-,
sant comme le ~ourreau" d'une scène sado-masochiste q,ont la
vic\ime, ligotée sur un lit, est Linda
.'0_
,1,<II.Nicolas et Sylvie décident de faire une croisière dans \'!
le Svalbard, archipel de l'~rctique au large des côt~s
norvé-. . ,
giennes. L'envolée Montréal-u~lo est parsemée d'épanch~ments
amoureux pendant lesquels NIcolas, pararl~lernent, se laisse,
aller â des fantasmes représen~ant Linda ligotée, Sylvie avouant
le nom de son amant et Sylvie le blessant de son pendenti~. Ils
sont accueillis
A
l'atterrissage ~ar Eva Vos, une ami~.deSyl-vie. les époux s'envolent ensuite vers Tromso où ils
s'embar-quent à bord du Nordnorge en· direction du Svalbard. La mer,
calme au début,' se déchaîne à l'approche du $pitzbergen, monta-
.
gne située sur une île ~/proxirri~té du pôle.
A
la suite"'-'uneescâle à N'Y Alesund, ~.éul établissement hôtelier de l'archipel,
1 , ~
Nicolas et Sylvie partent en excursion sur le·Spitzbergen. L'
•
, "
ascension les mè~là un refuge sis sur un plateau surplombant
/
.
la baie Magdalena. Prétextant la trahison amotlr~ Nicolas
/ / 1
-7-/ /-
, " 1 1i" " ) , ~ ~{~ "
-.C
v
.
/. ~/ "\
\.
't,ue Sylvie selop 1 un protocole sadique au COUrS duquel '11 boit
l ' l;;. Q 1
\ . de son .sang et consomme de sa chair avant de la précipiter dans un ravin. Prétendan-c une chute accider.telle, Nicolas' regagne
, ,
<..slo où il informe Eva de la mort de Sylvie .:Cevant le scepti,-cisme d'Eva, il lui déclare qu:~-l~e s~est suicidée. Le' jour même commence, entre Nicolas et Eva une liaison d'abord
platoni-que le temps d'une nuit, puis ponctuée d'ê~ts tumultueux.
Ni-C01~
estévei~lé
'une nuit par ,Eva alorsq:'
il était enproi~'
à'"
un cauchemar où il jouait Hamlet d,ms le"théâtre ~llurr.iné" d' une ville italienne si.tuée sur la mer de Barents et où il n'a-vai~, pris de panique, termine'r la représentation.
III.Nicolas retourne à ;v1o,ntréal. Le taxi le ramenant de
l'aéroport a un_accident. Nicolas se fracture un poignet.
Ni-l
colas se ,rend \jSUi te dans les Cantons de l'Est che z la soeur' aînée de Sylvie, Ch~rlotte, afin d'assister au service funèpre célébré en mémo ,re de 'sa femme. Charlo~te, enceinte, l'infor-me de
l'interne~ent
de leur mère et du'désintéressement de leur père. AMontré~l,
où Eva est venue le re joindre, Nicolas tra-vaille à son scénJri6 '( autobiographique) mais n'a~ance
guè:re./
le couple s'installe devant le téléviseur et regard.e la produc-tion d' HA;i1lET
..
.
à laquelle Nicolas et Linda ont participé, alors~
.
que Nicolas fait part à Eva de son i~tention de demander à L~n-da d'interpréter ie rôle d~ Sylvie dans son film. Devani
l'é-cran (c'est-à-dire la représen~ation d'HA:~ET) toujo~rs Eva et
-Nicolas s'amusent sexuellement. Suivent alors deux scènes de
rendez-vous entre Eva et Michel.Lewandowski (qU'elle connais-sait par Sylvie) entrecoupées de passages où Eva, devenue lec-.
J (
-
.
\(
\
\
triée attitrée du travail de 'son a~ant, questionne le
scéna-. rioscéna-. en voie de' ~édaction. Elle lui reproche en par-r:;iculier
l'escamotage de la scêni dU suicide ~ichel, producteur du
film que veut 'réaliser Nicolas, ,dit à Eva qu'il croit. plutl3't
\,
à un meurtre. Eva apprend par la.lecture du scénario·la nature
incestueuse de la relatiO'~f~~ylvie-Michel (qu' avai t tenu cachée
Nicolas), qu~-~ellt-ci désespérée a vaineT.ent te~té de se
no-yer et ,que Nicolas a bel et bien tu~ Sylvie. Eva prévient alors
Linda du danger qu'elle court en tant qu'interprète du rôle de S~lvie. l'amour succède rapidement à l'amitiê entre les deux
femmes. ~ichel se suicide apr~s avo~r appris la mort
sacrifi-cielle de sa fille et l'intrigue se termine alors qu'Eva et Linda se fondent charnellement l'une dans l'autre. )
l'histoire est d'une façon générale une suite de
situa-tions et d'acsitua-tions prenant place dans un certain lieu et se , ,
déroulant pendant une certaine durée.
Au
vague de cettedéfi-ni tion l'analyse structurale permet- d'ajouter une l'inéari té o
fonctionnelle faisant de la diégèse un~ ft séq uenc~ linéai re d ' .- '- .
événements fonctionnels reliés â différents actants-sujets"(11).
Il n'entre pas dans notre propos d'établir "in extenso" la
structure événementielle de NEIGE NUIRE. Il ,reste que certains
(\
des récents travaux en narratologie vont nous permettre. même
)
si l'on s'e~ tient à une application succinte, de donner un
premier aperçu de la formation et du rôle de la diégèse dans le roman qui nous· intéresse.
(
r
\
On peut distinguer un premier niveau de description'de la, ,\
1
di~gise; qu'on ap~eiler~ à la sui~e de R.Barthes(12) le ~iveaJ des fonctions. ,La te rminologie barthésienne prévoit deux
gran-des classes de fonctions, les't':'!rnes distributionq.è'lies, les auJ
.; i
tres int~gratives. Attardons-nous en premier lie~ aux unités
distributionnelles. les ~v~ne~e~ts diégétiques ~ui relàven~ :
, 1
de cette classe peuvent eux~mêmes se r~partir en deux
catégo-riesa les noyaux et les catalyses. Les noyaux correspoRdent
aux év~nements ayant ce que Barthes nomme une fonction
cardi-\ \
nale ou charnière. la fonction cardinale d~+imi te un ~véne- : ,1
ment abnt la fonctionnalité chronologique et logique est
essen-tielle ~ la linéarité syntag~atique de la diég~sel "Pour qu'une
fonction soit cardinale. il suffit que l'act~~rt~à laquelle elle
" Ise réfère ,ouvre (ou maintienne, ou ferme), une alternative con:",
séquente pour la suite de l'histoire. bref qu'elle inaugure ou
conclue une ce~ti tude" (13). Les" catalyses correspondent aux
événements ayant une fonction compl'étive délirr:i tée' par une
fonctionnalité strictement chronologique décrivant ce qui sé-,
pare deux moments-clés de l'histoire.
A
18 fonctionnalitédié-• t
gétiQue essentielle des noyaux ré,pond la fonctionnalité "atté-nuée et parasite" des catalyses.
, ,
Quant 1 l~ classe d'unités inté~ratives, Barthes orévoit ,.
aussi de'ux .catégories qui se rapportent cett,e fois 'à la saYlction
paradigmatiqu~ de la diégèse. Il s'agit des indices et des
in-formants. Dans son sens le 'Orus r~igoureux, l'indice est un
é-1 - ~'
~
lément diégétique "renvoyant à un caractère, à un sentiment, à
-10-1
< 11
i
r. î " , " , :1 j"(
r'
•
(
une atmospt~re, '1 une philosophie"(14). L'informan~ se
dis-',tin,gue de l' ind ice dans la m~sure où il est un élément selrvant
à
identifier et à situer dans le temps et dans l'espace.l'in-r \
formant est un opérateur réaliste, il' "sert à authentifier la
réalité du référent, à en:rJ\finer la fiction d~.tlS, le réel" (15) •
/
La fonctionnalité diégétique de l'informant ,tant faible,
quoi-que non nulle, c'est un élément qui débord~ le strict cadre de
,
l:hi'ètoire. Ceci est vrai, dans une moinare mesure, de
l'indi-ce. Aussi l'un et l'autre font-ils partie d'une
fo~ëtionnali-.<
té dite de If~tre impliquant des "relata" m~taphorique~ alors
que le noyau et la catalyse modèlent une fohctiùnnalité dite"
du faire impliquant des "relata" métonymiques. , , Cette
biparti-tion' de ~ Lonctionnalité diégétique fait en sorte qu'on
rJ-trouve des événements plus proprement diégétiques (le mode du
faire) et des événements qui sont plutôt d~ordre qualificatif
(le mode de l' ~tre). Nous "Oarlerons donc d "-événements ou~~
é-.... - .. ~-... ~
l~ents diégé~iques selon que les unités co;r~spohdent à l'une
ou l'autre fonctionrialité.
Venons-en à l'histoire de NEIGE ~OIRE. Est-il possible
d'identifier les unités distributionnelles primordiales à la
compréhension syntagmatiqu~ de la dié~uels en SONt les
noyaux? Se fiant au résumé qui précède, on ~'dÛ remarque\, ne'
'\,
serait-ce qu'instinctivement, que la structure é~éne~entielle
\
minimale (pour la saisie de l'intrigue (16) ), peut se \.~éduire à
peu de choses. Supposons, à titre d'hypoth~~e. que le~
événe-ments qui ne peuvent ~tre soustraits de l'his~\ire sans que sa
\
-11-, \l
1
j)
••
(
\
logique en soit altérée sont. (a)la relation extra-conjugale
, ,
de Sylvie avec :'I:i!cfhel, (b) la d~cision d :iicolas d'abandonne r
sa carrière de comédien pour devenir ciné ste et réaliser un
"
\ \ ,film autobiographique, (c)le ,voyage de ndces
d'è
~Syl vie et Ni- ., <.
colas, (d) le meurtre de Sylvie ~ar ~icolas, ( la relation
EVâ-Nicolas et (f) la relation Eva-Linda.
ün's~~
que lalo-gique diégét~que ,qGmmande une fonctionnalité à la fo's
chrono-~ . ~ ...
~ '~'
logique et justement lôgique. Or, si l'on y regard~\~t
enti-vement, il semble que ces ,deux critères fonctionnels n~'ô~nt
jamais pleinement prés,ents.(i'e façon simultanée. Ainsi
'ce}i<~
s\
"
de ces "événements" n' ont pas de r~pports chronologiques pré~,\
1
1
l.r-l
cis ou déterminables. Ils peuvent alors se
sup~rposerl
pare-'~
xemple (c) et (dl, (b) et (c) et même (b) et (d). D'autre part, "~
lorsqu' un
li~n
chronoloF?:ique existebe~et
bien, le lien logi- "que quant à' lui n'est du tout évident. Oh peut par ,exemple _, Il ..
questionner le caractère conséquent du passage de la situation (d) à la situation (e) et de la situation (e) à la situation
(f). Qui plus est, le passage de (a) à (d) (on ~~ut passer
outre à (b) et (c) qui sont concomitants) qui se~ble logique
à prime abord (encore que d'une logique idéologiquement
mar-quée) l'est moins lorsqu'on sait que c'est la révélation du
nom de l'amant et, éventuell~ent, la connaissance de
l'irtees-• ,..
te qui ont fait problème pour Nicolas. Est-ce donc qu'il fau-drait faire entrer la révélation du nom et le caractère
inces-tueux de la relation dans la ~tructure événementielle? Ne
s'a-gJ:-t-il pas plutat 13.lor\ d'un'e catalyse, d'un de ces événements
-12-,
1 1 1 1 c 1..
(
..
"
qui ont !)our seule fonction de c3lnbler les·vidés de l'
ench:H-, nemenf diégench:H-,tique des noyauxench:H-, créan"t ce ~_ .... '.::..:-te '..ln 'sus~ense
fonctio~~? ~ toutes ces questions on répo~dra négativement.
si
ie nom de i~amant m~ne à la connaissance de l'inces~e, c'est que l'acte même de l'adult~re perd de son importance en
~
fave,ur d'une de ses qualifications, en fait de sa
qualific2.-tion la plus fondamentale. La fonction de l'acte n'en es~ pas
;---r-'
une stricteme,nt de consécution ou de chronologie, la relation
Sylvie-Michel n',est donc pas une catalyse. r,:ais est-elle à
proprement parler un noyau? ~a logique n'est-elle p2.S
davan-tage
à
chercher du côté des "personnag-es" en jeu que du côtéde la structure événementielle?
l,vrai dire, si la structure diégétique proposée paraIt si
floue et, par le fàit 'même, arbitraire, c'est peut-~tre qu'en
réilité on a af~aire
à
une fiction où la fonctionnalité del'ê-\
1
-~ ,tre occupe une place nettement plus importante que la
fonction-'nali té du faire, o~ les uni tés de classe intégrative sont
numé-~
riquement et fonctionellement en force. L'histoire regorge
..J.. ,
selon nous d '1ndice's ou d'éléments attributifs ~ui ont pour
fonction de qualifier un"personnage"ou de renvoyer à
une"psycho-logie". Citons presqu'au hasarda le piteux état .de S~;,lvie lors
,de sa rencontre avec Nicolas, les coups répétés de pendentif au sexe de Nicolas. la reprise de la répartie de 'Fortinbras dew,nt
la glace, la 'scène sado~masochiste entre Nicolas et Linda, le
sadisme du meurtre de Sylvie, le cauchemar de Nicolas,
lè
rôled,e Charlotte, la scè,ne amoureuse entre Eva et Nicolas devant le
J " " '
".
f
, 0(
. télévis eur, faire partie terprétés et de ll.indice."
'~
-, , ,le stlicide de ~ichel. Tous ces ~lciments ne u~uvent
- . ):
de la
di~gAse ~U'â
la condition expressed'~tre
in-déchiffrés. Leur fonction
se~ble ~tre ~~
l'ordre1
1
la surcharge numer~que et opératoire parait ég~lemen~
no-table' en ce qui cOr-J.cerne les élément's
informateur~
de~~
diég~-1
-se. Les ,informants remplissent la même fonction illtég~ative
que les indices, A ce~i prls'qu'ils n'ont pas l êtte déchiffrés •
•
Ils servent généralemeRt A situer
l'histoir~ da~s
te
temps etdans l'espace. Si les repères temporels sont pres~utinexis
tants dans le roman(17), les informations d'ordre spatial
abon-1
den~ littéralement. ,Prenons-en pour preuve les nombreus~s
indi-. indi-. indi-. indi-. , 1
~~
.
~'..
ca~~~s geograph~ques qu~ concernent la Norvège
eF
l'afbhipelqui ~ert de destination aux époux •
.... ~ .. t
Il n'est pas o~portun, l
ce stade-ci de l'analyse, dè
"-.----1
---fonctionnalité propre de ces
st inte rroge r ~l u.'" à Ifond ~r la
informants qui
r~ssdrt
davantage,1
" 1
on s'en renara compte, du niveau de la narratiQnlet du discours
1.
~
\ ue de celui de la diégèse. la présence répét'ée! de cesopéra-'f/
• 1
t urs réa'listes pose d' ~utre-s questions que celles qui
concer-" " 1
nent exclusivement la structure 'événementielle div. roman.
A
l'appui de ces quelques remarques sur la difficulté de/J\,.
cerner un quelconque degré diégétiqu~ zéro du r cit de NEIGE
.
NOIRE, nous glissez:ons un mot, de ce qu'il ea.t c 1_~ver1.U d' appe:
1er la structure açtantielle. Il s'agit en fa}r de f~ire re~
sortir, si cela est possible. le système d'agenhemint des
ac-1 1
tànts (c'est-A-dire des personnages et éléme~ts diég~tiques
.
, enremplissent une fonction déterminée) de l'histoire.
-14-~
1
!
, ! 1 1 ,1 '1 1 lJ
!
(
,
\)
•
JNous allons tenter llexpériencê à partir d'une structure
sim-plifiée ~u mod~l~ abtantiel mythique de A.J.Greimas(18).
Ce~-te structure s'établit comme suit • • 1 •
,- opposantes)
~---,1 q~~e
t - - - -...
I..
~bjet
héros
1
sujet adjuvantls)•
~ SCHEMA (1) ,..
Si· lIon essai~ maintenant de situer les actants de la
di-égèse selon ce schéma, on risque de, rencontrer quelques
embQ-o •
ches. Le sujet pu héros' est (évide1l1IDèn13?) Nicolas et ll'Objet
1
de sa qu~tet la réalisation d'~n film autobiographique. Si
'>
l'on ~ccepte cette première mise en pl~ce, on sè
heurte'111i-" Q
co à ~n problème. 6n peut placer ta relation Sylvie-Michel
du caié des opposants, le voyage de noceS 'et Eva (dans un
pre-l)
mier temps'du moins) du oôté des adjuvants. Comment "situer
a-.
lors le ~eurtre de Sylvie pUis~~a tuant, Nicolas brise
ïncestueu~e~;~s par, la même
occa-.'
non seulement la relat~on
sion le voya'ge. de rü;>ces? Plus significative enco~e paraIt
ê-\
tre la 'difficulté de. relier à la situation inititle (dont.l~
j
l
'
,)
sché~a
actantiel, s l,il était valable, le serait pour la'majeu-r~
partie du récit) la situation finale""où dispirl-att, 'à la fa ... '
.
\ . ' , .
(couple L~nda-Eva, le personnage de 'Nlcolas dont la
qua-veur du
1 \
\i/i\é
de sujet de la quête 'est ainsi\emise en question. leré--15,,'
r
,
(
...
! .
cit s'ouvre-t-il sur une nouvelle Quête ou est-il simplement le\
'lieu d'un changement de héros? /
~ . 'b.
De
,,\1,0. ue fFiçon Cl. u' on l'e regârde, le (trop simple?)sché-ma
-=a-ctantiél proposé reste inadéquat. l Jincons,is tance du modè-·-~
le actantiel semble vouloir ainsi se joindre
à
l~impréci~efQnc-tionnalité di la structure év~nementielle pour dire la
résistan-(
ce farouche que le roman semble opposer ~la, diégése.
1.~.2.La structure de la narration de
NEIGE
~uIRE~'
La narration est la forme que ,1' on donne è.- la substance
d..ié-gétique. Plus simplement, o~ peut dire que la narration est la
,manière de raconter l'~stoire, d'assumer une série d'événements,
et d'éléments diégétiques. la narration prend donc en ligne de
compte les~iverses relations d'enchalnpnent, d'opposi~ion et da
,
~-répétition qui lient' les uni,tés de base de la fiction. Nous
nous arrêterons p~us loin (e~ 1.2.) aux modalités de ces
rela-, ...
tions afin de préc~er les types "de récit auxquels on a a~fai- ..
re. Pour, le moment nous ,nous contenterons d' e,ssayer d' identi- '"
fier les instances structurelles de la narration q~i sont
pré-sentes.' Donnor;r.fà 1:"incipit"(19) un premier coup d'oeil. A:'
"----près un
parag~Phe
initial d'allure essentiellement réaliste et1."
-de tonr-descriptif, où les syntagmes qualificatifs dominent,
vient un second paragr@phe un peu plus "narratif" où l'on peut
lire 1
~ ,)
"Le soir ve,nu'; Sylvie et Nicolas sànt étendus\ sur
le ~os dans leur lit, ruisselants, brisés. Sylvie /
c~de~l l'ensommeillement; ses paupière~ s'alourdis- ~ sent, sa respiration devient de plus en plus profon-de et régUlière. -Sa main droite reste posée en haut
de sa cuisse, au po~nt le plus vulnérabl~ de son
-16-1 1
l .,
--co'rps et"comme pour voiler l' 1:Q..visible. lève doucement, ne regardant Sylvie que
rer qu'elle dort trien. Son so~meil es~
Nicolas se pqur s'assu-de toute
~ beauté" (:ŒIGE NC:LRE, P .12) . , .
Ce ~assage p~rmet ~e situer un pr~mier po~nt de vue
narra-tif, ui'le n'arratiop
à
la trois'ième personne. Cette perspective"""1 " . , .
ressemble à ce qu'on appelle communement la narration
omnisci-~"ente ou dieu-le-père où le narrateu~ est à la fois dans la
con-~ ~.
science de chacun de ~s personnages et en dehors, étant doué
d'une sorte de prescience ou d'ubiquit~. Dans cet extrait la
distance entre l'instatce narratrice et les personhages
pour-o ' -..
rai t n'être pas si grande et distincte qu'il Y para'i:t, n' eût-
..
été de la~présence 'de quelques notqtions relevant de l'inter-, .
,
wéta tion psycholog'iq ue, philosophique ou même métaphysique,
l
telles "au point le plus fUlnérable du corps", "voiler l'
invi-sibl~'
et "deto~te beau~é".
'Lanarrat~on
rest: ici inscritedans son propre discours. Classique ou non, peu ou très
omni-scient~, la narration peut. alors être di\e scripturale da~s
~
la mesure où elle est liée
à
une syntaxe spécifiquementroma-, /
nesque ou poétique.
Une deuxième perspective apparaît toutefois rapidement et nettement au cinquième paragraphe, dont le lien aux mots est différent.'
"Photos fixes du pyr.amiden inserees dans la scène
de la dou~he. Quand Nicolas se regarde de près
dans le mYroir, utiliser le même procédé et pla- , cer des photos fixes de la Chaine des Sept Gla-ciers. Finalement. faire alterner des gros plans de Nicolas (cernes, naevi, éphélides) avec plans fixes des crevasses du Cap Mi trait (p.12).
f
-17- '\'
--~---~---~---.---~---~ ~
...
-.
r
(
\
\
la perspective première se double ici d'une vision que nous qualifierons de "scé!'1ographique". Elle se signale par son
vocabulaire cinéma~ographi~uel photo fixe, gros plan,
flash-back, coupure, black-out, fondu enchalné,
surexP0sit~n,
sur-impression, etc.; par la forme syntaxique figée des phrases
, ~
infinitives; et, référentiellement, par la repr~~entation d'un
..
espace étranger à celui de l'écriture. Cet espacé pourrait
ê-tre celui d'un écran (de cinéma) ou d'uqe caméra qui sont au film ce que la page (blanche) et la. plume sont à l'écriture,
~ ~'~' pe~spec1;ive
scripturale. :'l'lais la perspective. scénogra-pftique n'est pas (encore) le film 'alors que la perspective scripturale est (déjàj l/écriture. la perspectivescénogra-\
phique se trouve en
quel~e
sorte coincée entre un référent(filmique) absent ou à venir et un matériau (scriptural) dont
le travail représentatif est originaire ou premier et auquel
~lle est forcément soumise.
"Cette fois, <).il [Nicolas] a une., faiblesse et s'
é-croule sur l~ tapis, hébété, la joue collée au
duvet minium du -capis. la caméra aussi tourne de
l'oeil. Black-out" (p.i)).
la phrase. "la'" caméra aussi tourne de l'oeil" serre pour ainsi dire la narration entre les deux perspectives,
scriptu-raIe et scénographique. Il y a donc en définitive un redou-\
blemen-c de la structure fonctionnelle de la narration qui se voit con-cinuellement écartelée entre un récit proprement
scrip--{
turaJ-des événements et des situations et un récit scénographi-que, selon que les mots et les phrases désignent l'action
elle-'1
~ même (la diégèse) ou la description cinématographique de cette
..
")(
•
•actio'ni If :'Jicolas ènlace Sylvie qui siest endormie sur lui. cÎ
Il la tient de menière à ne pas troubler so~
so~-. meilso~-. car elle prend mainten~nt de grandes
respi-rations et glisse de plus en plus au creux
d'elle-m~me. Nicolas tie~t Sylvie comme une enfan~ qui
to~be de som~eil au cours d'un long voyage. $n
remontant sa main droite pour~la pl\cer juste sous
les seins de Sylvie, celle-ci se déplace un peu et son pendentif en argent retombe sur la main de Ni-colas. Gros pIani Nicolas ,ne baisse pas le regard. la caméra montre le mouvement de l'objet qui vient
se superposer à 2.8 caresse de Nicolas" (p.44).
Les syntagmes "gros plan", "la caméra montre" et '~e
super-«
poser" provoquent la bifurcation de la perspective seriptur~le
vers la narration scénographique. Ce déplacement suggère la prise en charge de la "narration narrative" (c'est-l-dire de
la narration "stricto sensu") par une narration autre, donc , ,
nouvelle, qui rabat pratiquement la première instance
narra~ri-ce au niveau d'une diégèse. Cette diégétisation de la narration
(au sens propre) n'est quru~e des manifestations du réseau de
dédoublement et d'enchâssement qui. caractérise 1e(s) récit(s)
de NEIGE N0IRE. Aussi aurons-nous Itocdasion~ en ~vers moments
,
à venir,. de ce travail, de qu~stionner plus
à
fond ce type de~
s~ructure
et
de structuration. ün se contentera donc p0ur l'instant de garder en mémoire la déchirure formelle existant au niveau propre de la narration, avant de jeter un regard sur le dernier plan du récit que l'on a choisi de distinguera le dis-cours. -19-, l
,
1,
,1
r
(
'/'
"
1.1.3.Le discours de N::IGE NOIRE 1 le commentaire
Nous avons défini précédemment le discours com~p. l'acte
'-..
narratif pris en lui-même. En ce sens, le discours est l~
li-~
mite narratologi,que ultime du récit. C'est le lieu, l'affiche,
où viennent s'i~4Igrer les unités de la diégèse et les points
de vue (les mOdalités) de la narration. C'est
à
la fois lelieu de clotQre et d'ancrage du récit. C'est potentiellement l'endroit où l'histoire et la narration se rejoignent,
l'en-droit oQ le récit en arrive â l'"ici" et au "maintenant".
A-, . lors le temps du récit égale le temps de l'écritureA-, et la narration peut interroger son temps et sa place, peut
s'inter-rager. ~
Nous pensons rester fid~le au texte en déclarant que ce
plan du récit est très manifeste dan~ le roman. la fiction
est const~mment parsemée d'interv~nti~~s et de réflexions
a-yant trait à la signifht~tion des ~ersonnages et 'des situations,
1
aux positions respectives du narrateur (l'énonciateur fictif du récit) et du narrataire (le lecteur fictif ou le destinataire fictif), au phénomène du" temps et aux !apports de l'écriture
Î\j et de l'image cinématographique. Si la propension au discours est devenue d'une certaine façon la marque de commerce d'une
certaine modernité de l'écriture, NEIGE NUIRE ~résente
à
lacritique une particularité intéressante ,qui est de/mettre en évidence ce plan du discours par la présence,à intervalles plus
t1
ou moins ~éguliers, d'un "commentaire" dont le propre eét
d'ë-...
-20-«
/
(
/ 1 , / /tre enchiss~ typographiq~ement à l'aide de parenthèses. Ce
coxmentaire appara!t pour la première foi
1
à la page 14,Mais
"(Fortinbras ... Tout doi:-il signifier à ce point?
D'ailleurs cui, uarmi les snectateurs, sait oue Fortinbras ést prince de Norvège et fils de
For-tinbras t souverain de 'Jorvèg.e et ancien ennemi du
père d' Hamlet?.1 I l est assurément~'·' di:-fi~ile de
tr'a-~duire ces rivalités dynastiques en prises de vue.
Rien, toutefois, n'est impossible; donc, garder des
notations sur Fortinbras, ne pas oublier que Fortin~
bras ,est un en"lemi probable ,de Claudius
e:t
virtuel-\'<.<lement un allié de l'assassin de Claudius. Sans '
doute, Fortinb~as réussit finalèment là où la~rte
et Hamlet éc~ouent dans l'intrigue. Il venge son
père en reconquérant le royaume du najmark en son
nom. Trois· fils vengeurs, un seul vic orieux 1
For-tinbras.)" " ,
,.
le discours pur n'existe pas. Le réci est un
amal-game, une hiérarchie de'plans ou d'instances. Aussi peut-on considérer qu'il y a dans le commentaire une diégèse, aussi mi-,n+me ou camouflée soit-elle. Celle-ci prend, dans l'extrait
ci-té, 1 t allure d' une interpr~.tation "familialiste" du personnage
de For~nbras. Ailleurs l'interprétation e·st historique et
géo-pol i
tiqu~
(voir NEIGE NuIRE. pp. 202-206) • Partout cependantil est question de signification. Puisqu' on revie'ndra plus tard
S~r la teneur proprement dite du commentaire, on se contentera
ici d'étudier les rapports en termes d'imbrication et de'niveau entre le commentaire et la narration scénographique.
~aettant à l'essai la ter~inologie g}nettienne des niveaux narratifs(2"O), on serait" tenter de distinguer un récit premier
/'
(scénographique) dont l'histoire est celle de Nicolas et dont le discours sera dit extradiégétique et un récit second (le
com-o •
~
mentaire), un méta-récit(21), dont l'histoire comporte entres
-21-1 1 .. '. ':
1
i',
., ~~, 1'~'" . ,
1
6 ' autres l'intarprétation.du personnage de Fortinbras et dont le discours sera dit diégétique puisqu'il est englobé par le
ré-ci t premier. L'imbrication typographique du cOJ'1lTI1entaire justi- ,":;
.7' J ~
fierai t une telle proposition. Son contenu propose pourtant le ~ .~.'
cbntraire :~>uisQu'il y est question des significations de ce qui
était jusque là considéré comme le récit premier. On se
re-trouve donc avec un commentaire qui ressemhle à un réci~
pre-mier par le contenu et ~ un méta-récit par la forme. Comme le
côté formel est d'abord et essentiellement soutenu par un si-gne graphique (les parenthèses), nous conviendrons pour le mo-ment de faire prévaloir la caractéristique du contenu et de
voir dans ce commentaire un récit premier 1~discours
extra-diégétiq~~e. Automatiquern~nt
l i
récit scénographique de l'his-toire de Nicolas sera considéré comme un récit second ayant un'1
discours d~égétique, c'est-à-dire un discours dans lequel les
événements racontés seront dits méta-diégétiques (ou seconds, par rapport au commentaire). '
\,!
l,,,
Il doit rester clair cependant que le plan du discours nàrratif tel "'tu' il est officialisé par le commentaire n'est enaucun moment exclusif à celui-ci. la narration en tant
que"·ac-te qui consisque"·ac-te à introduire dans une situation, par le
dis-b~
cours, la conna!ssance d'une a-utre si tuathsn" (22), c'est-à-dire
le discours n~rratif, est présente dès qu'il y 8 récit. Cr il
entre pO'lr une large part d ' arbitraire dans notre décision de,
1 Î
distinguer deux récits,premier et s~cond,dans la mesure où le
~ contenu dénoté du commentaire(du récit premier)se retrouve assez
-22-(
j
fréquemment dans le récit scénographique. Aussi aFrive-t-il
qu'il soit question d2ns ce récit secbnd 'de la significa~ion
d'un ~ersonnage, d'une image ou d'un décor et de leurs rapports
au ..[ ilm ou au texte 1
"A
ce~ i~stant, les machines se reme~tent A gronder.Fondu encha!né. le bateau se détache lentement du quai de 'bétcm. Sylvie et Nicolas se tienn.E:int sur
le pont. Le Nordnorge a mis le cap 'sur le n<'l.rd-est
et appareille, tel Micipsa,en t~anses, v&ri~.Pyra
miden, -le double archéen de Djebel Amour. Le
I5f-jorden réfléchit ce qui le définit, comme une psy-ché flottante. Le décor du Spitzbergen cesse
d'ê-tre un décor tellement sa démesure éChappe à toute
fonc't~on décorative" (p.233).
Les dernières phrases de la citation qui précède auraient
pu tout aussi bien faire partie du .commentaire. Il ne faut
donc pas regarder la démarcation faite entre les réci~s
pre-J
mier et sec,ond comme étallt exhaustive et définitive. Le
commen-taire doit ~tre considéré comme la formalisation de la tendance
au discours du texte aquinien, comme l'identification typogra~
phique ~e la fonction discuréive du langage (romanesque).
• r{
Ayant caractérisé les différents plans narratifs d~ NEIGE
NOIRE, on examinera maintenant plus précisément les modalités ~
de leurs rapports afin de voir, entre autres 'choses, commènt la ,
narration et le discours (narr~~îf) construisent, par les déter-o
minations dont ils enveloppent latdiégèse, la fiction •
.
il!1.2.Les
mOd~s
\ du roman narratives de NEIGE NUIRE. l'aspect verbal
Entendons d'urie manière générale les modalités narratives comme tout ce qui permet de caract"ériser la trame .de base
idéa--2)-.
-'-)
1
r
(
..
(.
f
le et abstraite de la diégèse. Il Y a idéalité et abstraction
)
dans la mesure où i l n'exis~e pas de r~cit objectif,
c'est-à-,
dire de récit qui "n'aurait d'autre fin que de rapporter des faits réels, sans porter de jugement sur ces :aits, sans s'in-terroger sur leur possibilité et leur réalité" (2;). Nous dis- ,',
tinguerons, pour les besoins ~e la cause et selontla
réparti-tion de Genette, trois types de déterminaréparti-tions narratives
qua-lifiant chacun
à
sa façon le récit. Il sera question du temps,du mode et de la voix du récit, qui sont les propriétés
fon-e '
dant ce que T.Todorov appelle le niveau "verbal" d'une poéti-que du texte littéraire'24).
1.2.1.Le temps d~ récit
Classe des déterminations qui tiennent aux relations tem-porelles entre diégèse et instance narratrice, le temps joue donc au niveau des rapports de l'histoire et de la narration.
A ce niveau les problèmes se posent en regard d'un ordre,
d'u-1
ne durée et d'une fréquence •
)
1.:2 .1.1.L· o1.'dt,e.Ji'l. ;:.éç...i
i
Cette catégorie permet de comparer l'ordre des évépements
,~,
tels qu'ils sont censés se dérouler dans l'histoire avec
l'or-
-24-/
'1
'~ll
,
(
(J,'.
",",
\:,
/"
..
pa~t~a~;~récit anaChroniq~e.
Deux espèces principalesd'a-nachroni~ \xistent. l'analepse ou rétrospection et la
prol~-se ou prospection ou anticipation, prol~-selon que l'on relate Hapr~s"
ce qui est arriv~ "avant" ou qu~ l'on relate "a~ant" ce qui est
rri vé "après".
Les prol'è;Pses sont" peu %léq uentes da\.ns HElGE ~ClRE. Nous
en av ns dénombré .trois(25), toutes situéés dans la première
partie récit (nous divisons le récit 'en deux parties
pivo-tant autou du lieu ce~tral qu'occupe, à la fois du point de
vue de la dié êse et de celui du texte, le m~urtre de Sylvie).
Ces trois prolep s anticipent le séjour de Nicolas et de
Syl-...
vie en bateau, les ux premières renvoyant à l'image de la
chaîne de glaciers et ~la montagne dans le decor nord1que
...
,.
et la ~isième, 8,u'\';f3upposé, ligotage de
Lin-du voyage de noces
"
da au lit du "cabincruî'ser" 1
"Plan filé de lindà. ligot~e au lit du cabincruiser .
Artic amarré non loin du mât du Ny Alesund" (p.)4).
,
Noqs réncontrons ici un premier pr~blème. Ce plan
sur-i
vient au beau milieu d'une conversation entre Nicolas ,et
Lin-da justement. Par ailleurs, c'est Sylvie e~ non Linda qui
i-ra en bateau avec Nicolas. Puisque le ligotage renvoie·
à
uneautre scène qui s'est déroulée (ou a été imaginée)
précédem-.
ment, dans. laquelle on voit Nicolas attacher Sylvie aux
mon-tants d'un iit, ~t que le~cabincruiser" renvoie au voyage de
noces, la séquence permet de lier symboliquement 'les deux
fem-mes. En laissant entendre que l'instance narratrice du rœcit