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Effet du statut socio-économique sur la rigidité artérielle et contribution des contraintes psychosociales au travail dans une cohorte de 9 000 travailleurs

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Academic year: 2021

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© Marylie Laberge Sévigny, 2021

Effet du statut socio-économique sur la rigidité artérielle

et contribution des contraintes psychosociales au

travail dans une cohorte de 9 000 travailleurs

Mémoire

Marylie Laberge Sévigny

Maîtrise en épidémiologie - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

Effet du statut socio-économique sur la rigidité artérielle

et contribution des contraintes psychosociales au

travail dans une cohorte de 9 000 travailleurs

Mémoire

Marylie Laberge Sévigny

Sous la direction de :

Xavier Trudel, directeur de recherche

Chantal Brisson, codirectrice de recherche

(3)

iii

Résumé

Objectifs : Mesurer l’effet du statut socio-économique (SSE) sur la rigidité artérielle (RA). L’atteinte de cet objectif est réalisable grâce aux objectifs spécifiques :

A) Mesurer l’association entre le SSE et la RA.

B) Mesurer la contribution des contraintes psychosociales (CPS) au travail comme variable intermédiaire expliquant l’association entre le SSE et la RA.

Méthodes : Le devis est une cohorte prospective de 24 ans réalisée auprès de 9 188 travailleurs québécois. La collecte de données s’est réalisée en deux temps: au recrutement (1991-1993) et en fin de suivi, 24 ans plus tard (2015-2018). Le SSE a été mesuré au recrutement selon trois indicateurs: scolarité, revenu global du ménage et occupation. Les CPS au travail du modèle « demande-latitude au travail » ont été mesurées au recrutement à l’aide des 18 items du questionnaire validé de Karasek. La RA a été mesurée par la vélocité de l'onde de pouls carotido-fémorale (VOPcf), 24 ans plus tard, selon les recommandations actuelles. Les différences de moyennes ont été modélisées, à l’aide d’analyse de covariance.

Résultats : Chez les femmes, un faible revenu est le seul indicateur du SSE à avoir été associé à une RA inférieure. Après ajustement pour les facteurs sociodémographiques, les femmes ayant un revenu de ménage de 50 000$ et plus ont une VOPcf moyenne de 7,78 m/s (IC 95% : 7,66-7,90). Les femmes ayant un revenu inférieur ont une VOPcf supérieure de 0,28 m/s (IC 95% : 0,10-0,46). Après ajustement pour les facteurs de risque liés aux habitudes de vie, cette différence est de 0,27 m/s (IC 95%: 0,08-0,45), puis de 0,25 m/s (IC 95%: 0,07-0,44) après ajustement pour les facteurs de risque cliniques. L’effet du revenu ne semble pas être expliqué par l’exposition aux CPS au travail puisque la différence demeure d’amplitude identique après ajustement pour les CPS au travail.

Conclusion : Le revenu est un indicateur du SSE lié à la dimension des conditions de vie matérielles qui explique une part de l'influence des déterminants sociaux sur la santé. Cela peut expliquer l’influence du revenu sur le développement de la RA. Il semble essentiel de viser une meilleure compréhension des inégalités sociales de santé cardiovasculaire et des dynamiques sous-jacentes afin de permettre l'élaboration et la mise en œuvre de mesures d'intervention pour une répartition plus égalitaire des ressources.

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iv

Abstract

Objectives: Asses the effect of socio-economic status (SES) on arterial stiffness (AS). The achievement of this main objective is possible through the implementation of the following specific objectives:

A. Measure the association between SES and AS

B. Measure the contribution of job strain as an intermediate variable to explain the association between SES and AS.

Methods: The design study is a prospective 24-year cohort study of 9 188 workers in Quebec City. The data collection was done in two times: at baseline (1991-1993) and at the end of follow-up, 24 years later (2015-2018). SES was measured according to its three main indicators: education, total household income and occupation. Job strain was defined according to the Karasek’s model (demand-latitude) and measured with 18 items of the self-administered Job Content Questionnaire. AS was measured by the carotid-femoral pulse wave 24 years later, according to the golden standard. Differences in means were modelled, using analysis of covariance models.

Results: Among women, low income was the only SES indicator that was associated with lower AS. After adjusting for socio-demographic factors, women with incomes of $50,000 and more have an arterial stiffness average of 7.78 m/s (95% CI: 7.66-7.90) and those with incomes of $49,999 and less have an average arterial stiffness of 0.28 m/s (95% CI: 0.10-0.46). After adjusting for lifestyle factors, this difference was 0.27 m/s (95% CI: 0.08-0.45). After adjusting for clinical factors, this average difference was 0.25 m/s (95% CI: 0.07-0.44). The income effect does not appear to be explained by exposure to CPS at work because adjusting for job strain yielded identical estimates.

Conclusion: Income is an indicator of SES related to the dimension of material living conditions that explains the influence of social determinants on health. This may explain why only income seems to have an effect on the development of AS. It seems essential to aim for a better understanding of social inequalities in health and the underlying dynamics in order to enable the development and implementation of intervention measures for a more egalitarian distribution of resources.

(5)

v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des figures ... viii

Liste des tableaux ... ix

Liste des acronymes ... x

Remerciements ... xiii

Introduction ... 1

Chapitre 1 – État des connaissances scientifiques ... 3

1. Portrait épidémiologique des MCV ... 3

1.1 Définition des MCV ... 3

1.2 Ampleur des MCV dans le monde et au Canada ... 3

1.3 Impact financier des MCV au Canada ... 3

1.4 Continuum des MCV ... 4

2. Portrait épidémiologique de la RA ... 5

2.1 Définition de la RA ... 5

2.2 Valeur prédictive de la RA ... 6

2.3 Autres facteurs de risque cliniques ... 7

3. Développement des inégalités sociales de santé cardiovasculaire ... 8

3.1 Définition du SSE ... 8

3.2 Définition des inégalités sociales de santé cardiovasculaire ... 8

3.3 Effet du SSE sur les MCV ... 9

4. Effet du SSE sur la RA ... 10

4.1 Effet du SSE sur la progression athérosclérotique ... 10

5. Relation entre le SSE et les CPS au travail ... 13

6. Portrait des CPS au travail ... 13

6.1 Définition et ampleur des CPS au travail ... 13

6.2 Modèle « demande-latitude au travail » de Karasek ... 14

6.3 Hypothèse du modèle ... 14

7. Effet des CPS au travail sur la RA ... 16

8. Présentation des moyens dont la présente étude peut pallier les limites des études antérieures ... 18

(6)

vi

Chapitre 2 – Objectifs ... 19

1. Objectif général : ... 19

2. Objectifs spécifiques : ... 19

Chapitre 3 – Méthodes de recherche ... 20

1. Type de devis d’étude ... 20

2. Population à l’étude ... 20

2.1 Critères d’inclusion dans l’étude ... 20

2.2 Critères d’exclusion de la population étudiée ... 20

2.3 Participation de la population à l’étude ... 21

3. Collecte de données ... 22

3.1. Données utilisées dans ce projet de maîtrise ... 23

4. Mesure et opérationnalisation des variables d’intérêt ... 23

4.1 Variable dépendante : RA ... 23

4.2 Variables indépendantes : Statut socio-économique ... 24

4.3 Variable intermédiaire : Contraintes psychosociales au travail ... 28

4.4 Facteurs de confusion potentiels ... 30

Chapitre 4 – Analyses statistiques ... 32

1. Analyses descriptives ... 32

2. Association entre le SSE et la RA ... 32

3. Mesure de la contribution des CPS au travail comme variable intermédiaire pour expliquer l’association entre le SSE et RA ... 34

4. Considérations éthiques et confidentialité ... 34

Chapitre 5 – Résultats ... 35

1. Description de l’échantillon ... 35

2. Effet du SSE sur la RA moyenne ... 37

3. Contribution des CPS au travail à l’association entre le SSE et les moyennes de RA mesurée par la VOPcf ... 42

Chapitre 6 – Discussion ... 43

1. Rappel du contexte de recherche ... 43

2. Consistance des résultats avec la littérature scientifique ... 43

3. Limites de l’étude ... 47

3.1 Biais de sélection et d’attrition ... 47

3.2 Biais d’information ... 48

(7)

vii

4. Forces de l’étude ... 51

4.1 Moyens limitant les biais de sélection ... 51

4.2 Moyens limitant les biais d’information ... 52

4.3 Moyens limitant les biais de confusion ... 53

5. Portée des résultats ... 53

5.1 Implications pratiques ... 53

5.2 Validité externe ... 54

Conclusion ... 55

Bibliographie ... 57

Annexe A : Questionnaire de la collecte de données initiale ... 64

Annexe B : Questionnaire « demande-latitude au travail » de Karasek ... 80

(8)

viii

Liste des figures

Figure 1 : Continuum cardiovasculaire

Figure 2 : Vitesse de l’onde de pouls carotido-fémorale (VOPcf)

Figure 3 : Cadre conceptuel : Effet du statut socio-économique sur la santé Figure 4 : Modèle « demande-latitude au travail »

(9)

ix

Liste des tableaux

Tableau 1 : Regroupement catégoriel du niveau de scolarité Tableau 2 : Regroupement catégoriel du type d’emploi occupé

Tableau 3 : Regroupement catégoriel des classes de revenu annuel du ménage avant impôt Tableau 4 : Regroupement dichotomique des classes de revenu annuel du ménage avant impôt Tableau 5 : Description de la population étudiée au recrutement

Tableau 6 : Rigidité artérielle moyenne en fonction du statut socio-économique

Tableau 7 : Rigidité artérielle moyenne en fonction du statut socio-économique chez les hommes Tableau 8 : Rigidité artérielle moyenne en fonction du statut socio-économique chez les femmes

(10)

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Liste des acronymes

ANCOVA : analyse de covariance AVC : accident vasculaire cérébral CHU : centre hospitalier universitaire CPS : contraintes psychosociales

D : distance directe, en mètre, entre deux sites artériels DM : différence de moyenne

DP : demande psychologique HSS : hôpital Saint-Sacrement

IC 95% : intervalles de confiance à 95% IMC : indice de masse corporelle

INSPQ : Institut national de santé publique du Québec LD : latitude décisionnelle

MCV : maladies cardiovasculaires M/S : mètre par seconde

PROQ : PROspective Québécoise RA : rigidité artérielle

SAS : statistical Analysis System 9.4 SSE : statut socio-économique

T : temps de transit, en secondes, entre les pieds de deux sites artériels T1 : recrutement de 1991 -1993

T3 : après 24 ans de suivi en 2015 -2018 VOP : vélocité de l’onde de pouls aortique

VOPbc : vélocité de l’onde de pouls brachiale-cheville VOPcf : vélocité de l’onde de pouls carotido-fémorale

(11)

xi

(12)

xii

« La vie nous met sur des rangs d’inégalités

sociales; la mort remet tout en question. »

Bernard Poupy, 1958

(13)

xiii

Remerciements

Ce mémoire est l’aboutissement d’un long parcours que je n’aurais certainement pas pu réaliser seule. Le mérite d’un mémoire appartient certes à l’auteure, mais également aux personnes qui ont su l’encadrer et la soutenir tout au long du processus. Je remercie donc toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à l’accomplissement de ce projet ainsi qu’à mon soutien dans les étapes et épreuves que j’ai dû traverser durant ces trois dernières années.

J’offre d’abord de sincères et chaleureux remerciements à mon directeur de recherche, Xavier Trudel. Dans mon cas, mon directeur a été d’un soutien et d’une attention exceptionnels. Sa supervision éclairée et soutenue ainsi que les connaissances qu’il m’a transmises, tout au long de la rédaction de ce mémoire, m’ont permis de mener à bien un mémoire dont je suis fière. De plus, grâce à son soutien professionnel, financier et moral, j’ai pu accumuler des expériences professionnelles et personnelles marquantes qui font de moi une personne grandie. Je salue ses nombreux conseils et encouragements, sa disponibilité, son amabilité, sa patience, son ouverture d’esprit et son savoir. Merci d’avoir cru en mon potentiel et de ne jamais avoir cessé tes encouragements et ton appui à mon égard. J’en suis très reconnaissante. Je tiens également à exprimer ma gratitude à ma codirectrice, Chantal Brisson. Je lui suis reconnaissante d’avoir cru en mon potentiel et pour son accueil chaleureux au sein de son équipe de recherche. Ses qualités pédagogiques et ses habiletés humaines ont fait d’elle une aide précieuse pour mon cheminement à travers la maîtrise en épidémiologie. Xavier Trudel et Chantal Brisson ont su me guider, de façon très positive, avec une grande considération et un important respect pour ma personnalité et ma situation de vie. Merci de tout cœur à vous deux.

Je suis reconnaissante envers tous les membres de l’équipe de recherche ainsi que les enseignants rencontrés durant mon parcours. Ils m’ont ouvert les portes de leur univers avec chaleur, enthousiasme et humilité. Ils m’ont été d’une aide précieuse pour mon cheminement en épidémiologie et grâce à eux, mon parcours fut d’une grande richesse académique, professionnelle et humaine.

Lorsque je me suis engagée dans cette aventure, j’y ai emmené toute ma tribu. Un merci tout particulier lui revient. Je remercie du fond du cœur ma famille. Ariane, Vincent, papa, Laurie, maman et Pierre, merci pour votre écoute, votre fierté et votre soutien qui m’assurent des bases solides me permettant de persévérer et me surpasser sans relâche. Merci du fond du cœur à vous six, je vous aime très fort ! Un merci particulier à mon père et ma mère qui m’ont permis, grâce à leur soutien moral et leur aide financière, de réaliser les études que je désirais ainsi qu’à ma chère sœur pour son appui, ses encouragements, son respect et nos nombreux fous rires pendant ce parcours. Merci à « mes » précieux Arnaud et Justin qui, sans même le savoir, me permettent de décrocher le temps d’une visite dans leur monde coloré et me donnent envie de me surpasser afin d’être un modèle pour eux. Merci pour votre amour et votre confiance, je suis une marraine privilégiée.

(14)

xiv

Je ne peux passer outre ma reconnaissance envers mes amis de longue date. Marie-Ève Dubé, merci pour ton accompagnement ainsi que ton soutien moral et intellectuel durant de nombreuses périodes d’études empreintes de péripéties. Tu as su les rendre bien plus agréables. Kenny Blouin, mon meilleur ami, mon partenaire de vie, ma reconnaissance à ton égard est sans mesure. Merci de m’avoir accompagné durant de nombreuses périodes d’études et de rédaction et pour m’avoir prodigué de bons encouragements tout au long de ce parcours. Merci, mon cher ami, de t’intéresser à moi et mes milliers de projets (très souvent insolites), de m’écouter jour après jour, de m’accepter dans mon entièreté comme tu le fais si bien et de croire en moi sans relâche. Ton amour, ta gentillesse et ta générosité sont sans limites. Merci pour tout « mon meilleur » ! Enfin, merci à mon copain Dominic Poulin qui m’a soutenu bien au-delà de ce mémoire et qui a su gérer mes moments de doutes et d’angoisse d’une main de maître (parfois de fer). Ta présence, ton soutien et ton aide dans mes études, pour la réalisation de ce mémoire et dans la résolution de mes mille et un problèmes « technologiques » ont été très précieux pour moi. Merci pour ton amour, tes nombreux encouragements, ainsi que pour ton engagement dans la poursuite de mes objectifs académiques et professionnels !

Ces trois années furent une leçon de vie pour moi, et je remercie tous ceux qui ont su attiser l’étincelle au fond de moi, qui me donne envie de me démarquer jour après jour. C’est certes avec joie et fierté que je dépose aujourd’hui ce mémoire, mais aussi avec un brin de nostalgie que je termine ce programme d’études et conclus ce premier travail de recherche.

(15)

1

Introduction

Les maladies cardiovasculaires (MCV), responsables de plus de 17,9 millions de décès chaque année, constituent la principale cause de mortalité dans le monde [1]. Elles constituent également l'une des principales

causes d’incapacité, de morbidité et de mortalité au Canada [2]. En 2009, elles étaient la deuxième principale

cause de décès des Canadiens, représentant environ 20,7 % de tous les décès [3]. Les MCV ont un impact

économique important, et ce pour les individus qui en souffrent, leurs proches, leurs communautés ainsi que le système de soins de santé. Au Canada, en l’an 2000, les coûts directs et indirects associés à ces maladies s’élevaient à environ 22,2 milliards de dollars, les situant au deuxième rang des maladies entraînant le plus de coûts. Les coûts associés aux MCV comprennent 7,6 milliards de dollars en coûts directs, c’est-à-dire en soins de santé et 14,6 milliards de dollars en coûts indirects, c’est-à-dire en perte de productivité par suite d’incapacité ou de décès [4]. Elles ont aussi d’importantes répercussions sur la productivité des travailleurs québécois : en

2000, elles étaient responsables d’une journée d'incapacité de travail par 100 travailleurs [5].

Le risque de développer une MCV augmente à mesure que le statut socio-économique (SSE) diminue [6]. Le

SSE d’un individu lui confère une position dans la hiérarchie sociale : ce sont les différences de position qui donnent naissance aux inégalités sociales de santé [6].

La rigidité artérielle (RA), qui désigne quant à elle une perte d’élasticité au niveau des artères du système cardiovasculaire, constitue un facteur de risque cardiovasculaire majeur. L'augmentation de la RA amène un lot important de conséquences cliniques : tout le système cardiovasculaire en subit les effets [7]. Plusieurs études

antérieures ont démontré que la RA possède une importante valeur prédictive pour les événements ou la mortalité cardiovasculaire, et ce indépendamment d’autres facteurs de risque cliniques comme la pression artérielle [7]

Certaines évidences, principalement issues d’études transversales, suggèrent également une association entre un faible SSE et une RA élevée [8]. Une étude prospective récente suggère que cette association est

indépendante de l’effet des habitudes de vie néfastes et des autres facteurs de risque cliniques [9]. D’autres

mécanismes intermédiaires sont donc potentiellement impliqués.

Des évidences épidémiologiques prospectives suggèrent que certaines contraintes psychosociales (CPS) au travail contribuent au développement des MCV [10, 11]. Plus précisément, les études prospectives antérieures

ont mis en évidence que l’exposition à la combinaison entre une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle, serait associée à une incidence plus élevée de MCV due à la tension psychologique induite par cette CPS vécue au travail.

(16)

2

Pour étudier l’association entre les CPS vécues au travail et la santé cardiovasculaire des travailleurs qui y sont exposés, c’est le modèle « demande-latitude au travail », développé par le psychologue américain Robert Karasek, qui est le plus fréquemment utilisé [12]. Ce modèle met en interaction les dimensions de la demande

psychologique (exigences du travail) et de la latitude décisionnelle (autonomie du travailleur) pour définir la présence de CPS au travail et ainsi estimer la tension psychologique (job strain) et ses effets délétères sur la santé cardiovasculaire des travailleurs exposés [13]. Dans les pays industrialisés, c’est environ 20% des

travailleurs qui sont exposés à une tension psychologique élevée au travail, c’est-à-dire à la combinaison entre une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle [14]. Ceci démontre qu’il s’agit d’une

exposition fréquente au travail. Aucune étude n’a examiné la contribution des CPS au travail aux inégalités sociales de la RA.

L’objectif de la présente étude est d’abord de mesurer l'effet du SSE sur la RA de travailleurs québécois et ensuite d’examiner la contribution des CPS au travail comme mécanisme intermédiaire, dans l’association entre le statut SSE et la RA. L’étude a été menée en ayant recours à une cohorte prospective de 9 188 hommes et femmes suivis pendant 24 ans. Les résultats s'inscrivent dans l'effort actuel de prévention des inégalités sociales de santé en mesurant les inégalités sociales de RA, un prédicteur important des événements et de la mortalité cardiovasculaire [8].

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3

Chapitre 1 – État des connaissances scientifiques

Cette section comprend les divers concepts et orientations théoriques qui favorisent la compréhension de la problématique de recherche et qui ont contribué à l’élaboration de l’objectif général de recherche ainsi que de ses objectifs spécifiques. De fait, on y retrouve un portrait épidémiologique des MCV et de la RA, l’explication du développement des inégalités sociales de santé cardiovasculaire par le biais du SSE, un portrait des CPS au travail selon le modèle « demande-latitude au travail» et de leur contribution aux inégalités sociales de santé, une revue exhaustive de la littérature scientifique concernant : 1) l’effet du SSE sur la RA, et 2) l’effet des CPS au travail sur la RA, ainsi qu’une mise en évidence des raisons pour lesquelles la présente étude a le potentiel de pallier les limites méthodologiques des études antérieures.

1. Portrait épidémiologique des MCV

1.1 Définition des MCV

Les MCV renvoient aux atteintes qui empêchent le cœur de fonctionner normalement, soit les atteintes cardiaques (du cœur) ainsi que les atteintes vasculaires (des vaisseaux sanguins) [15, 16]. Le cœur est un muscle

puissant qui entretient la vie en pompant du sang à travers tout l’organisme. Pour fonctionner normalement, il doit donc compter sur un bon approvisionnement sanguin provenant des vaisseaux sanguins [2].

1.2 Ampleur des MCV dans le monde et au Canada

Les MCV sont responsables de plus de 17,9 millions de décès chaque année, ce qui en fait la première cause de mortalité dans le monde [1]. Au Canada, elles constituent l’une des principales causes d’incapacités, de

morbidité et de mortalité [2]. En 2009, elles ont été responsables d’environ 27% de tous les décès, les plaçant

au deuxième rang des principales causes de décès des Canadiens [3]. À titre comparatif, le cancer, première

cause de décès des Canadiens, est responsable de 30% de tous les décès [17]. La maladie coronarienne est

une atteinte vasculaire qui est non seulement la MCV la plus répandue dans les pays industrialisés, mais aussi celle qui tue le plus de Canadiens chaque année [1, 3].

1.3 Impact financier des MCV au Canada

Les MCV ont une incidence économique importante, et ce pour les individus qui en souffrent, leurs proches, les communautés ainsi que le système de soins de santé. Au Canada, les données rapportées en l’an 2000 ont mis en lumière que les coûts directs et indirects des soins de santé associés à ces maladies s’élevaient à environ 22,2 milliards de dollars chaque année. Ce sont d’ailleurs les maladies chroniques les plus coûteuses pour le système de santé canadien [16]. Le fardeau économique des MCV comprend 7,6 milliards de dollars en coûts

directs, c’est-à-dire en soins de santé et 14,6 milliards de dollars de coûts indirects, c’est-à-dire en perte de productivité par suite d’incapacité ou de décès [16]. Puisque les MCV sont caractérisés, entre autres, par leur

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4

imprévisibilité et comme les symptômes peuvent fluctuer, elles peuvent avoir d’importantes répercussions sur le bien-être et la productivité des travailleurs : au Québec, en 2000, elles étaient responsables d’une journée d'incapacité de travail pour 100 travailleurs [18].

1.4 Continuum des MCV

Dans une optique de prévention, l’identification et la détection précoce des facteurs de risque prédisposant au développement et à la progression de MCV permettent d’agir en amont du continuum de développement de MCV [19] et en limiter les impacts. Ce continuum, tel que présenté dans la Figure 1, décrit les MCV comme une

chaîne d'événements, initiée par une myriade de facteurs de risque, qui progressent à travers de nombreuses voies physiologiques, constituant ainsi le processus physiopathologique du développement des MCV, jusqu’à la phase terminale, soit le décès.

Les facteurs de risque, généralement situés en amont des MCV donc au début du continuum, peuvent être des cibles efficaces pour la prévention de problèmes cardiovasculaires plus sévères. Il a aussi été mis en lumière qu’intervenir sur le continuum de MCV, à n'importe quel moment dans la chaîne d'événements, a le potentiel de perturber les mécanismes physiopathologiques sous-jacents au développement des MCV et d’ainsi diminuer les risques de morbidité et de mortalité qui y sont associés [19].

Le processus physiopathologique débute généralement par l’apparition de marqueurs vasculaires asymptomatiques. La RA, mesurée grâce à la vélocité de l’onde de pouls aortique (VOP), ainsi que l’épaisseur de l’intima-media de la carotide sont des marqueurs vasculaires asymptomatiques de la maladie athérosclérotique, soit l’athérosclérose. La RA mesurée par la VOP est un indicateur fonctionnel du système vasculaire, alors que l’épaisseur de l’intima-media de la carotide est un indicateur structurel de ce système, qui a été lié au SSE dans plusieurs études antérieures [20, 21, 22, 23]. Bien que l'épaisseur de l’intima-media de la

carotide et la RA soient tous deux des marqueurs vasculaires asymptomatiques, ils saisissent ainsi des aspects différents des lésions vasculaires et de la maladie subclinique. Ces deux marqueurs sont au mieux faiblement corrélés et la RA semble être un marqueur de l’incidence des MCV indépendant des autres facteurs de risque classiques de l’athérosclérose [24]. En comparaison avec les autres marqueurs vasculaires, certains auteurs ont

soulevé que la VOP, qui est reconnue comme étant la mesure étalon de la RA [7, 25], est une mesure cliniquement

utile pour l’identification précoce des populations à risque élevé de MCV [8, 26, 27]. Dans la présente étude, c’est

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5

Figure 1 : Continuum cardiovasculaire

Source : Dzau Victor J. et al. The Cardiovascular Disease Continuum Validated: Clinical Evidence of Improved Patient Outcomes. Circulation. 2006;114(25):2850-2870.

2. Portrait épidémiologique de la RA

2.1 Définition de la RA

À la naissance, le sang pompé par le cœur circule aisément à travers les vaisseaux sanguins souples et élastiques. Ainsi, chaque fois que le cœur bat, il produit une onde le long de l'aorte et de l'arbre artériel. Cette onde entraîne des modifications du volume sanguin dans les vaisseaux, qui se dilatent et se contractent en réponse à ces changements. La VOP est la vitesse de propagation de cette onde le long des artères. La VOP est généralement mesurée entre la carotide et l'artère fémorale [30].

Le processus normal de vieillissement induit, dès l’âge adulte, un remodelage des artères qui se caractérise entre autres par une diminution de cette souplesse et de cette élasticité. En vieillissant, des plaques lipidiques (aussi nommées plaques d’athérome et athérosclérose) se déposent et s’accumulent peu à peu sur les parois des artères [15]. Le vieillissement de la paroi artérielle est ainsi caractérisé par une altération de la fibre élastique

des parois ainsi qu’une augmentation du contenu de collagène des parois artérielles qui deviennent plus rigides et moins souples [15, 28, 19]. Plus les plaques lipidiques s’étendent, plus les parois artérielles se rigidifient. Cette

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6

transformation morphologique, communément appelée RA, est mesurée grâce à la VOP qui est une mesure efficace et hautement reproductible servant à évaluer l’élasticité et la rigidité des artères.

La RA est donc un indicateur fonctionnel du système vasculaire qui augmente avec l’âge et tend à modifier ou même entraver le débit sanguin. Pour continuer d’éjecter et de faire circuler le sang dans les vaisseaux sanguins rigidifiés, le cœur doit effectuer des efforts supérieurs. La valeur de la RA, déterminée selon la VOP, représente donc la capacité des vaisseaux sanguins à amortir la pression artérielle pour la modifier en un débit sanguin continu et ainsi protéger les organes cibles de l’hyperpulsatilité, aussi nommée hypertension [15]. Plus les

vaisseaux sanguins sont rigides (plus la VOP augmente), plus le cœur doit fournir des efforts supplémentaires pour pallier le moins bon fonctionnement des artères [29, 30]. Ainsi, une augmentation de la VOP peut être

précurseur de MCV. L’exposition à certains facteurs de risque, situés tout au long du continuum de MCV, semble d’ailleurs avoir le potentiel d’amorcer ou favoriser le vieillissement prématuré des artères et subséquemment d’augmenter les risques liés [15]. La RA est donc un marqueur vasculaire indépendant et fortement prédictif du

risque associé à la morbidité et à la mortalité cardiovasculaire [7, 8].

2.2 Valeur prédictive de la RA

Comme présenté à la Figure 2 et décrit dans la section 4.1 du chapitre 3, c’est la vélocité de l’onde de pouls carotido-fémorale (VOPcf) qui est reconnue comme étant la mesure étalon de la RA [7, 25]. Une RA élevée,

mesurée grâce à la VOPcf, est un risque cardiovasculaire majeur et indépendant des autres risques classiques [31, 7]. La VOPcf s’obtient, dans ce cas-ci, en divisant la distance entre l’artère carotide et l’artère fémorale par le

temps nécessaire pour que le pouls transisse entre ces deux sites artériels.

Une méta-analyse incluant 17 études longitudinales menées auprès d’un total de 15 877 sujets, réalisée par le chercheur Vlachopoulos et son équipe, a mis en lumière la valeur prédictive de la RA, déterminée selon la VOP, en ce qui concerne la survenue d’événements cardiovasculaires. Les résultats de cette méta analyse suggèrent qu’une augmentation de 1m/s est associé à une augmentation de l’incidence des événements cardiovasculaires et de la mortalité cardiovasculaire de 14% et de 15%, respectivement [7]. La méta-analyse de 16 études observationnelles prospectives, réalisée par Ben-Shlomo et son équipe auprès de 17 635 participants, avait pour objectif de déterminer si la VOP améliorait la prédiction des MCV au-delà des facteurs de risque classiques. Les auteurs ont soulevé, grâce à des rapports de risque, que la RA, mesurée avec la VOP, semble permettre une identification précoce des populations à risque élevé de MCV. Dans cette méta-analyse, les rapports de risque ont d’abord été ajustés uniquement pour les facteurs sociodémographiques (modèle ajusté pour l'âge et le genre) : pour chaque unité de variation de la VOP, on constate un rapport de risque de 1,45 (IC 95 % : 1,30 à 1,61) pour l’incidence des MCV. Après avoir ajusté pour les facteurs de risque conventionnels additionnels (modèle ajusté pour l’âge, le sexe, la pression artérielle systolique, le cholestérol total, les lipoprotéines haute

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densité, le statut tabagique, le diabète et la prise de médication antihypertenseur), la VOP demeure toujours un prédicteur du risque de MCV : pour chaque unité de variation de la VOP, on constate un rapport de risque de 1,30 (IC 95 % : 1,18 à 1,43). Les rapports de risque rapportés dans cette étude suggèrent donc que la RA, mesurée avec la VOP, semble un marqueur utile pour identifier les individus à risque élevé face au développement de MCV [8].

Figure 2 : Vitesse de l’onde de pouls carotido-fémorale (VOPcf)

Source : Laurent S et al. Expert consensus document on arterial stiffness: methodological issues and clinical applications. European Heart Journal; 2006; 27 (21): 2588-2605

2.3 Autres facteurs de risque cliniques

Certains déterminants de l’état de santé cardiovasculaire, comme l’âge et le genre, sont non modifiables. Ces déterminants n’entraînent pas de différences anormales dans le processus de vieillissement des artères. Il est généralement normal de constater des différences dans le processus de vieillissement des artères : plus on avance en âge, plus la RA augmente [32]. Tout comme il est normal de constater certaines différences selon le

genre : aux âges plus avancés, les hommes tendent à avoir une RA supérieure à celle des femmes [33, 34, 31, 35, 36]. Les progrès de la recherche physiopathologique montrent qu’une RA plus élevée est souvent en partie

attribuable à la quantité de matières grasses (lipides ou cholestérol à lipoprotéines de basse densité) présente dans le sang [15, 37, 38]. Certains facteurs de risque principalement associés aux habitudes de vie peuvent être

identifiés, modifiés, puis évités afin d’empêcher l’accumulation anormalement élevée et rapide de ces plaques lipidiques, et subséquemment ralentir la progression athérosclérotique. En outre, le surpoids déterminé par un indice de masse corporelle (IMC) élevé [15, 39, 26, 40], l'hypertension (pression systolique et diastolique) [35, 41], le

diabète [40], la consommation d’alcool [40], le tabagisme [40] et la tension psychologique vécue au travail sont des

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8

endothélial, initiant une cascade d'événements, y compris des altérations des médiateurs vasoactifs, des réponses inflammatoires, puis le remodelage vasculaire, qui culmine dans la pathologie. Le traitement antihypertenseur par des médicaments dits classiques est aussi un facteur qui influence la RA parce qu’il peut réduire la pression artérielle de façon artificielle et ainsi sous-estimer la RA réelle d’un individu [42]. Plusieurs

facteurs, comme le niveau de scolarité, le type d’emploi occupé, et le revenu global du ménage sont également des déterminants de l’état de santé cardiovasculaire [43] tel que présenté dans les prochaines sections.

3. Développement des inégalités sociales de santé cardiovasculaire

3.1 Définition du SSE

Le SSE dans lequel les gens naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent est un facteur de risque difficilement modifiable, situé en amont du continuum de MCV. Le SSE d’un individu est fonction de certains déterminants sociaux comme le SSE de ses parents, le niveau de scolarité, le travail, le milieu de vie, le revenu, le logement et l’accès aux services. Ce sont ces facteurs sociaux qui déterminent le SSE d’un individu, lui conférant ainsi une position dans la hiérarchie sociale [44, 45, 43].

3.2 Définition des inégalités sociales de santé cardiovasculaire

Le SSE, défini selon certains facteurs sociaux, incluant la scolarité, le type d’emploi occupé et le revenu, constitue un déterminant important de l’état de santé des individus [43]. C’est cette distribution inégale de l’état

de santé en fonction de ces facteurs sociaux au sein de la population qu’on nomme : inégalités sociales de santé [46]. Les inégalités sociales de santé s’observent entre les différents pays, mais également au sein d’un

même pays ou d’une même communauté [45]. Le rôle des facteurs sociaux, qui interagissent et se combinent

tout au long de la vie, ne fait plus de doute dans l’explication des inégalités sociales de santé [44]. Comme mis

en image par la Figure 3, l’exposition à un SSE inférieur entraîne une moins bonne santé par l’intermédiaire de plusieurs mécanismes indirects, tels l’exposition à des facteurs de risque reliés à de mauvaises habitudes de vie, l’exposition à des milieux de travail et de vie nocifs, ou l’accès limité à divers services et ressources comme les soins de santé [45]. Plus précisément, les individus ayant un SSE inférieur ont une espérance de vie plus

courte à la naissance, une moins bonne perception de l’état de santé général, ainsi qu’un risque plus élevé d’être plus malades au cours de leur vie et de mourir prématurément [45].

Ces inégalités sociales de santé ne s’observent pas uniquement entre les individus ayant le plus haut SSE et ceux ayant le plus faible. Il existe plutôt un gradient illustrant les inégalités sociales de santé. C’est-à-dire que les inégalités sociales de santé s’observent sur une échelle continue sur laquelle les individus ayant un SSE inférieur sont en moins bonne santé que ceux qui se situent juste au-dessus, et ainsi de suite. Ainsi, plus on

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avance dans la hiérarchie sociale, meilleures sont les statistiques relatives à la santé [44]. Cette gradation

ascendante illustre les inégalités sociales de santé [44, 47, 48, 49, 50, 51].

Plus on avance dans la hiérarchie sociale, meilleures sont les pronostics relatifs à la santé en général. La santé cardiovasculaire n’en fait pas exception : les inégalités sociales de santé cardiovasculaire sont d’ailleurs reconnues comme étant une problématique de santé publique qui perdure [44].

Figure 3 : Cadre conceptuel : Effet du SSE sur la santé

Source : Modèle adapté de Eliseo J. Pérez-Stable. Conceptual Frameworks: Socioeconomic Status Over the lifecourse and health. MD Center for Aging in Diverse Communities ; 2008

3.3 Effet du SSE sur les MCV

Plusieurs études documentent l’association inverse entre le SSE et le développement de MCV : plus particulièrement, les individus ayant un SSE inférieur sont plus vulnérables aux MCV que ceux qui ont un SSE plus élevé [6, 7, 44, 52, 53, 54, 55].

Il y a 20 ans, un examen exhaustif de l’influence du SSE sur le risque de MCV, réalisé par Kaplan et Keil, a résumé les évidences déjà nombreuses et consistantes selon lesquelles le désavantage socio-économique prédit un risque plus élevé de MCV [44]. Plus récemment, plusieurs études, y compris des études prospectives

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rapportent la présence d’inégalités socio-économiques pour l'incidence, la prévalence et la mortalité de plusieurs problèmes de santé cardiovasculaire qui se traduisent en taux plus élevés de MCV pour les personnes défavorisées [6, 7, 44, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58].

4. Effet du SSE sur la RA

Malgré toutes les évidences qui s’accumulent concernant l’influence du SSE sur l’incidence des MCV, peu d’études ont investigué l’effet du SSE sur la RA.

4.1 Effet du SSE sur la progression athérosclérotique

Il existe cependant quelques études antérieures suggérant qu’un SSE inférieur soit associé à une progression athérosclérotique plus importante [23, 20, 21, 22].

A. Effet du SSE sur l’épaisseur de l’intima-media de la carotide

L’étude prospective de John Lynch [23] fut la première, en 1997, a démontré une association entre le SSE et la

progression athérosclérotique. Dans cette étude menée auprès de 1 022 hommes, un faible niveau de scolarité et un revenu inférieur ont été associés à une progression athérosclérotique significativement plus élevée 4 ans plus tard. Cette relation inverse entre la progression athérosclérotique et le SSE est similaire pour chacun des trois indicateurs utilisés, soit l’épaisseur de l’intima-media de la carotide moyenne et maximale, ainsi que la taille de la plaque athérosclérotique. Trois études subséquentes appuient également la présence d’une association entre le SSE, mesuré grâce à différents indicateurs et la progression athérosclérotique, mesurée grâce à l’épaisseur de l’intima-media de la carotide.

Dans l’étude de Nalini Ranjit [22], ce sont le niveau de scolarité et le revenu annuel du ménage qui ont été utilisés

comme indicateurs du SSE. En ce qui concerne l’association entre le niveau de scolarité et l’épaisseur de l’intima-media de la carotide, aucune association statistiquement significative n’a été observée. Toutefois, la catégorie de revenu la plus faible semble associée au taux de progression athérosclérotique le plus élevé. Après avoir réalisé l’ajustement pour les facteurs de risque cliniques (lipoprotéines haute densité, statut tabagique, pression artérielle moyenne, diabète, fibrinogène, globules blancs), l’association entre le revenu annuel du ménage et l’épaisseur de l’intima-media de la carotide n’a été que légèrement affaiblie.

L’Étude de Maria Rosvall [21] avait pour objectif d’étudier le lien entre le SSE, mesuré grâce au niveau de

scolarité et au type d’emploi occupé, et la progression athérosclérotique mesurée grâce à l’épaisseur de l’intima-media de la carotide. Les sujets occupants des emplois manuels non qualifiés ont montré une progression athérosclérotique annuelle d’environ 0,051mm (IC 95% : 0,004 à 0,098) de plus que les sujets occupant des

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emplois non manuels de haut ou moyen niveau. Toutefois, cette relation est devenue statistiquement non significative après ajustement pour les facteurs de risque sociodémographiques, liés aux habitudes de vie et cardiovasculaires. Par rapport aux sujets ayant terminé leurs études secondaires, les sujets ayant reçu une éducation primaire ont eu tendance à montrer une progression athérosclérotique annuelle plus élevée d’environ 0,034 mm (IC 95% : -0,007 à 0,075) par rapport aux sujets ayant terminé leurs études secondaires.

Dans l’étude de Paula Kestilä [20], ce sont le niveau de scolarité et le type d’emploi occupé qui ont permis de

mesurer le SSE. Après 6 ans de suivi, il y a une association inverse statistiquement significative entre le niveau de scolarité, mesuré à l’aide de trois catégories, et l'épaisseur de l’intima-media de la carotide chez les hommes (p=0,005) et l'ensemble de la cohorte (p=0,002), mais cette association n'est pas significative chez les femmes (p=0,10). Après ajustement pour les facteurs de confusion potentiels, l'association demeure statistiquement significative chez les hommes (p=0,04) ainsi que pour l'ensemble de la cohorte (p=0,04). Aucune association statistiquement significative n’a été observée pour le type d'emploi.

Les indicateurs utilisés pour mesurer la progression athérosclérotique dans ces études ont permis d’évaluer l'épaisseur de l’intima–média carotidienne. Tel que mentionné précédemment, ces mesures de la progression athérosclérotique semblent peu corrélées à la RA, contrairement à la VOPcf qui est d’ailleurs reconnue comme étant la mesure étalon de la RA [25, 7, 8, 59, 60, 31, 24].

B. Effet du SSE sur la RA

L’étude japonaise de Saijo [56] a examiné si un SSE bas est associé à une RA supérieure chez 3 412 hommes

et 854 femmes fonctionnaires provenant du Japon. Le SSE a été mesuré grâce au niveau de scolarité et au type d’emploi occupé. La RA a été mesurée grâce à la vélocité de l'onde de pouls brachiale-cheville (VOPbc). Cette étude a aussi pris en compte les facteurs de risque conventionnels ainsi que le stress professionnel (âge, IMC, consommation d'alcool, exercice physique, médicaments contre l'hypertension, hyperlipidémie, diabète, statut ménopausique des femmes, fréquence cardiaque, pression artérielle systolique, cholestérol total, triglycérides, niveau de cholestérol des lipoprotéines de haute densité, glycémie, protéine C-réactive, surengagement au travail, déséquilibre effort-reconnaissance, tension psychologique vécue au travail). Après ajustement pour les facteurs de risque précédemment énumérés, le SSE a été inversement lié à la valeur de RA chez les hommes seulement. Le type d'emploi occupé a été partiellement associé à la VOPbc des hommes puisque seule la tendance observée entre les emplois de type non manuel et de type manuel de niveau hiérarchique inférieur est ressortie comme étant statistiquement significative (p< 0,05): les hommes occupant un emploi de type manuel affichaient une moyenne de VOPbc de 13,77 m/s (IC 95% : 13,69 à 13,85), alors que ceux occupant un emploi de type non manuel de niveau hiérarchique inférieur affichaient une moyenne de VOPbc de 13,64 m/s (IC 95% : 13,58 à 13,70). Les auteurs ont mis en lumière une tendance inverse entre le

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niveau de scolarité et la VOPbc des hommes : les hommes ayant atteint un niveau de scolarité primaire avaient une VOPbc moyenne de 14,09 m/s (IC 95% : 13,91 à 14,27), alors que ceux ayant atteint un niveau de scolarité secondaire et universitaire avaient respectivement une VOPbc moyenne de 13,65 m/s (IC 95% : 13,59 à 13,71) et 13,67 m/s (IC 95% : 13,60 à 13,73), ce qui représente une diminution significative (p< 0,0001) de la VOPbc lorsque le niveau de scolarité est supérieur au niveau de scolarité primaire. Bien qu’une tendance inverse semble aussi exister entre le type d’emploi occupé et la VOPbc des hommes, cette tendance n’est pas significative (p= 0,219) et semble capter davantage les contraintes physiques associées au type d’emploi occupé que sa position dans la hiérarchie socioprofessionnelle. La mesure de progression athérosclérotique utilisée dans cette étude était la VOPbc. L’utilisation de cette mesure de progression athérosclérotique constitue une limite puisqu’elle n’est pas reconnue pour être la mesure étalon de la RA, contrairement à la VOPcf [7].

L’étude de Thurston [57] a étudié le lien entre le SSE et la RA grâce à la mesure étalon, soit la VOPcf. Dans

cette étude, menée auprès de 214 étudiants américains, un revenu familial inférieur a été associé à une VOPcf plus élevée, après ajustements pour l'âge, le sexe, l'IMC et la pression artérielle systolique. Les auteurs ont observé une RA significativement supérieure de 0,04 (p<0,05) chez les participants avec le revenu familial le plus faible comparativement à ceux avec le revenu familial le plus élevé.

Bien que l’étude de Thurston ait mesuré la RA, grâce à la mesure étalon, elle portait sur un échantillon de petite taille et d’adolescents uniquement. De plus, la majorité de ces études ont utilisé un devis transversal, et étaient menées sur des échantillons de petite taille limitant subséquemment la puissance statistique, ce qui constitue des limites importantes aux connaissances actuelles.

Plus récemment, grâce aux données de l'étude prospective de Whitehall II [9], des chercheurs ont cependant pu

examiner les différences moyennes de VOPcf, sur 5 ans, selon le niveau de scolarité, le revenu global du ménage et le type d'emploi occupé dans un échantillon composé de 3 836 hommes et 1 406 femmes [9]. Au

total, 3 484 participants ont fourni des mesures de VOPcf. Après avoir considéré les facteurs de confusion, incluant l’âge, le genre ainsi que, certains facteurs de risque cliniques et certains facteurs de risque liés aux habitudes de vie, les auteurs soutiennent la présence d’inégalités sociales de RA. Plus précisément, les résultats suggèrent que le vieillissement artériel semble être une voie physiopathologique importante expliquant l'effet d'un SSE inférieur sur le risque plus élevé de développement de MCV : un faible SSE, défini selon le niveau de scolarité (+0,29 m/s, p<0,05), le revenu global du ménage (+0,58 m/s, p<0,001) et de type d’emploi occupé (+0,38 m/s, p=0,005), a été associé à une progression plus rapide de la RA sur une période de 5 ans [9]. Cette

étude prospective récente suggère donc que cette association est indépendante de l’effet des habitudes de vie néfastes et des autres facteurs de risque cliniques [9]. D’autres mécanismes intermédiaires potentiels sont donc

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5. Relation entre le SSE et les CPS au travail

Les inégalités sociales de santé découlent de déterminants qui se situent en amont des autres. Autrement dit, les déterminants sociaux de santé influencent l’apparition d’autres facteurs de risque qui s’accumulent et ont un impact sur la santé des individus et qui contribuent subséquemment aux inégalités sociales de santé [45]. Tel

qu’il a précédemment été mis en lumière par la Figure 3, l’exposition à un SSE inférieur entraîne une moins bonne santé par le biais de plusieurs mécanismes indirects comme l’environnement de travail [45]. Une étude

récente suggère cependant que l’association entre un faible SSE et une RA élevée soit indépendante de l’effet des habitudes de vie néfastes et des autres facteurs de risque cliniques situés sur le continuum de MCV [9].

D’autres mécanismes, comme les CPS au travail, sont donc possiblement impliqués [11, 49, 61, 14]. D’ailleurs, des

études antérieures ont démontré qu’un SSE inférieur, en plus d’entraîner une augmentation de la VOP, serait potentiellement associé à un environnement de travail délétère [62, 63]. Les évidences permettent de penser

raisonnablement que les CPS au travail agissent comme médiateurs dans les inégalités sociales de santé, les expliquant donc en partie [64, 65]. La principale question est de savoir de quelle façon ces médiateurs modulent

les inégalités sociales de santé cardiovasculaires et comment ils sont influencés par le SSE [66, 67]. Toutefois,

cet effet médiateur n’a jamais été examiné. Les meilleures stratégies pour les éliminer restent à trouver. L’identification d’interventions visant à combler les écarts existants permettrait d’importantes améliorations en santé publique [44, 68]. Alors qu’il est difficile de modifier le SSE dans lequel les gens naissent, grandissent, vivent,

travaillent et vieillissent, les CPS au travail sont fréquentes et modifiables. Ainsi, les CPS au travail représentent potentiellement des cibles d’intervention pertinentes pour réduire les inégalités sociales de santé cardiovasculaire.

6. Portrait des CPS au travail

6.1 Définition et ampleur des CPS au travail

Les CPS au travail sont des facteurs liés à l’organisation du travail, aux pratiques de gestion, aux conditions d’emploi ainsi qu’aux relations sociales qui ont le potentiel de précipiter et favoriser le développement de divers problèmes de santé mentale, de troubles musculo-squelettiques, et de MCV par le niveau de stress professionnel élevé qu’ils engendrent [69, 70, 71, 72, 61, 14]. Les études antérieures, qui prennent appui sur des

modèles théoriques solides et reconnus, ont donc permis d’identifier plus précisément quels sont ces facteurs de risque pour la santé des travailleurs. Les CPS au travail sont donc identifiables et mesurables grâce à des questionnaires validés et applicables à l’ensemble des professions ou des situations de travail [12, 73, 74, 75].

D’ailleurs, dans les pays industrialisés, c’est environ 20% de la population de travailleurs qui rapportent être exposés à des CPS dans leur milieu de travail [14].

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6.2 Modèle « demande-latitude au travail » de Karasek

Pour étudier les liens entre les CPS au travail et la santé cardiovasculaire des travailleurs qui y sont exposés, c’est le modèle « demande-latitude au travail », développé par le psychologue américain Robert Karasek, qui est le plus fréquemment utilisé [12, 13]. Ce modèle met en interaction les dimensions de la demande

psychologique (exigences professionnelles) et de la latitude décisionnelle (autonomie du travailleur) pour estimer la tension psychologique (job strain) à laquelle un individu est soumis dans son environnement de travail [12]. Ce modèle met ainsi en évidence comment les CPS au travail peuvent induire des réactions

psychophysiologiques néfastes. Les paragraphes suivants présentent les différentes composantes du modèle « demande-latitude au travail » de Karasek.

A. Demande psychologique

Les demandes psychologiques auxquelles un travailleur est soumis s’évaluent de façons quantitative et qualitative du travail à réaliser. L’importance des demandes est fonction de l’intensité, de la complexité et de la quantité de travail à réaliser, des contraintes relatives au temps disponible pour l’accomplir, ainsi qu’aux exigences contradictoires et aux imprévus qui se présentent. Les demandes psychologiques font donc référence aux exigences professionnelles auxquelles les travailleurs doivent répondre et peuvent leur permettre de développer leurs compétences et leur estime de soi, à condition que la latitude décisionnelle soit suffisante [76].

B. Latitude décisionnelle

La latitude décisionnelle renvoie à deux sous-dimensions, c’est-à-dire à l’autonomie que possède le travailleur quant à son pouvoir de participer aux décisions et de contrôler l’organisation de ses activités de travail, ainsi qu’à la possibilité d’utiliser et développer sa créativité et ses compétences personnelles. En outre, la latitude décisionnelle dont dispose le travailleur est donc centrale dans le modèle, puisqu’elle désigne les possibilités d’intervention, de décision et de contrôle que le salarié a face aux exigences professionnelles auxquelles il est soumis [12].

6.3 Hypothèse du modèle

Ce modèle interactionniste stipule ainsi que des demandes psychologiques élevées ont le potentiel d’entraîner une surcharge pour les travailleurs et d’augmenter la tension psychologique [12]. Cependant, un niveau de

latitude décisionnelle suffisant peut contribuer à réduire cette tension psychologique et ses effets délétères pour la santé des travailleurs. C’est donc sur la notion d’équilibre entre ces deux dimensions que repose ce modèle interactionniste. Le stress professionnel est donc induit par la présence de CPS au travail qui sont définies, quant à elles, comme étant une exposition combinée à une forte demande psychologique et à une faible latitude décisionnelle au travail [76, 77, 78]. En dichotomisant les deux principales dimensions de ce modèle, la demande

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Figure 4. Selon ce modèle, chaque emploi doit se situer dans l’un ou l’autre de ces quatre quadrants, soit : 1) le travail à contraintes faibles (faible demande psychologique & latitude décisionnelle élevée), 2) le travail passif (faible demande psychologique & faible latitude décisionnelle), 3) le travail actif (demande psychologique élevée & latitude décisionnelle élevée), 4) le travail à contraintes élevées (demande psychologique élevée & faible latitude décisionnelle) [12].

Généralement, chez les individus occupant un emploi à contraintes faibles, on observe une faible tension psychologique, ou peu de stress professionnel, puisqu’il désigne généralement un emploi globalement peu contraignant. Les travailleurs y sont exposés à une faible demande psychologique, mais à une grande latitude décisionnelle, ce qui leur offre les moyens pour répondre de façon optimale aux diverses demandes psychologiques. Le travail passif désigne quant à lui un emploi globalement peu contraignant. Cette passivité à laquelle les travailleurs sont exposés peut toutefois conduire à l’ennui vécu par les travailleurs, à l’atrophie des compétences et de l’estime de soi, et s’accompagner d’impacts négatifs sur la santé. À l’inverse, le travail actif permet aux travailleurs d’être dynamiques dans la réalisation de leurs activités de travail, ce qui peut contribuer à augmenter leur motivation. En effet, malgré les demandes professionnelles élevées, la latitude décisionnelle dont disposent les travailleurs placés dans cette situation de travail peut contribuer à changer la pression induite par les exigences élevées en « stress positif ». Dans ce contexte, l'individu est davantage en contrôle et se développe dans un environnement de travail qui favorise l'apprentissage ainsi que la croissance personnelle et professionnelle [76]. Les études sur le travail et la santé ont permis d’établir qu’un emploi caractérisé par des

demandes psychologiques élevées et une faible latitude décisionnelle constitue la situation de travail qui comporte le plus de risques pour la santé des travailleurs. Une situation de travail caractérisée par l’interaction entre des demandes psychologiques élevées et une faible latitude décisionnelle a donc le potentiel d’engendrer une importante tension psychologique (stress) chez les travailleurs exposés, ce qui constitue un risque important pour leur santé.

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Figure 4 : Modèle « demande-latitude au travail »

Source: Robert A. Karasek, Jr. Job Demands, Job Decision Latitude, and Mental Strain: Implications for Job Redesign. Sage Publications, Inc. 1979;24(2):285-308. doi:10.2307/2392498

7. Effet des CPS au travail sur la RA

Les travaux antérieurs effectués sur la base de ce modèle ont mis en lumière qu’un emploi qui induit une forte tension psychologique constitue la situation de travail qui comporte le plus de risques pour la santé cardiovasculaire des travailleurs qui y sont exposés [79, 80, 81]. Ainsi, les CPS au travail, définies par la

combinaison entre une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle, constituent un facteur de risque cardiovasculaire ayant le potentiel de précipiter et favoriser le développement de MCV. Les travailleurs qui doivent faire face à des demandes professionnelles élevées tout en ne disposant que d’une faible latitude décisionnelle sont donc généralement exposés à une tension psychologique constituant un important facteur de risque cardiovasculaire [61, 71, 70, 72, 77]. Bien qu’elles soient peu nombreuses, trois études antérieures ont fait

ressortir des évidences empiriques concernant l’effet des CPS au travail sur la RA [79, 80, 81].

L’étude transversale de Kyoko Nomura [79] réalisée auprès de 396 hommes japonais a étudié l’association entre

le stress professionnel, mesuré par le modèle « demande-latitude au travail », et la RA, mesurée grâce à la VOPbc. Des analyses multivariées ont permis d’ajuster les différents modèles de régression pour l’âge, le rythme

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cardiaque, l’IMC, le cholestérol total, le niveau de glucose à jeun, et la noradrénaline sérique. Un premier modèle analysant la demande psychologique et la latitude décisionnelle simultanément (R2 = 0,26) a mis en lumière les

effets respectifs de la demande psychologique (-0,022 m/s, p<0,05) et de la latitude décisionnelle (+0,016 m/s, p<0,01) au travail sur la VOPbc. Dans un second modèle, le stress professionnel a été analysé en excluant les variables respectives de la demande psychologique et la latitude décisionnelle (R2 = 0,25). Les résultats de ce

modèle ont mis en lumière un effet statistiquement significatif du stress professionnel sur la VOPbc (-1,382 m/s, p<0,01). Contrairement à ce qui était attendu, ces résultats mettent ainsi en lumière un effet potentiellement protecteur de l’exposition aux CPS au travail sur la RA des hommes exposés.

L’Étude Thaïlandaise de Orawan Kaewboonchoo et al. [81] réalisée auprès de 2 141 travailleurs, dont 858

hommes et 1 283 femmes, a étudié l’association entre le stress professionnel, mesuré par le modèle « demande-latitude au travail », et la RA, déterminée par l’onde de pouls mesurée par photopléthysmographie. Les analyses univariées ont révélé que, pour l’ensemble des participants, tant la demande psychologique (R2= 0,066 : P<0,01)

que la latitude décisionnelle (R2= -0,057, P<0,01) étaient significativement corrélées avec la RA.

Conséquemment, les résultats statistiquement significatifs (p=0,0034) de l’analyse de variance ont mis en lumière une moyenne de RA plus élevée chez les travailleurs les plus exposés aux CPS (-0,484), tandis que les travailleurs les moins exposés aux CPS au travail ont obtenu une moyenne de RA plus faible (-0,559). Des analyses multivariées ont permis d’ajuster les résultats pour les facteurs de risque sociodémographiques (âge, sexe, état civil, scolarité et situation professionnelle), les habitudes de vie (statut tabagique, consommation d'alcool et exercice physique, consommation de légumes et d'aliments gras) ainsi que les facteurs de risque cliniques (IMC et hypertension). Alors qu’aucun résultat statistiquement significatif n’a été observé chez les femmes, les résultats de ce modèle pleinement ajusté suggèrent une association statistiquement significative entre l’exposition à d’importante CPS au travail et l’augmentation de la RA chez les hommes: Les hommes exposés à d’importantes CPS au travail ont une RA supérieure, avec un coefficient de 0,078 (IC 95% : 0,026 à 0,130), comparativement aux hommes les moins exposés aux CPS au travail.

L’étude transversale de Takehiro Michikawa [82] réalisée au Japon auprès de 352 hommes a évalué l’association

entre le stress professionnel et les indicateurs subcliniques de la progression athérosclérotique. La RA a été mesurée grâce à la VOP aortique et les CPS au travail ont été mesurées grâce au modèle « demande-latitude au travail ». Une analyse multivariée a permis de réaliser un modèle de régression ajusté pour l’âge, le statut tabagique, la consommation d’alcool, le cholestérol total, la pression artérielle systolique, l’hémoglobine A, la présence de modèle comportemental de type A, l’IMC, le niveau de scolarité, et les quarts de travail. Ainsi, les résultats de ce modèle de régression ont permis d’observer un effet délétère de l’exposition aux CPS au travail sur la RA des hommes. Les hommes exposés à des CPS au travail élevées ont une VOP aortique de 3,5% (IC 95% : 0,00 à 6,9) supérieure que les hommes faiblement exposés à ces mêmes CPS au travail.

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18

En plus d’être issues de populations asiatiques (Japon et Thaïlande) de petites tailles, aucune de ces études n'a mesuré la RA grâce à sa mesure étalon, c’est-à-dire la VOPcf. L’utilisation de mesures non reconnues comme étant la mesure étalon peut se traduire par une qualité moindre ou une précision inférieure dans la mesure la RA. Cela peut subséquemment réduire la qualité des estimations de l’effet des CPS sur la RA. Un tel biais d’information peut donc compromettre la validité des résultats et la possibilité de les généraliser.

8. Présentation des moyens dont la présente étude peut pallier les limites

des études antérieures

La majorité des études antérieures concernant les inégalités sociales et la RA souffrent d'importantes limites méthodologiques. Les connaissances actuelles sont principalement issues d’études utilisant des devis transversaux et menées dans des pays asiatiques, à l’exception de l’étude basée sur la cohorte prospective de Whitehall. Plusieurs des associations entre un faible SSE et une RA plus élevée étaient uniquement observées chez les hommes. Aussi, aucune étude n’a examiné la contribution des CPS au travail aux inégalités sociales de RA. En outre, la plupart des études antérieures n’ont pas utilisé la mesure étalon de la RA ou ont utilisé divers sites artériels pour mesurer la VOP, alors que la VOP mesurée grâce aux artères carotide et fémorale est la mesure étalon qui possède la plus grande valeur prédictive.

La présente étude permet de pallier certaines lacunes des études antérieures. D’abord, l’utilisation de la mesure étalon pour mesurer la RA, soit la VOPcf, augmente la validité des résultats. Aussi, la taille et la composition de l’échantillon permettront de réaliser des analyses différenciées selon le genre. L’utilisation d’un devis prospectif avec un suivi de 24 ans permet à la présente étude de se démarquer des études antérieures puisqu’elle permettra de mesurer l’effet potentiel de l’exposition à un SSE faible sur une longue période sur la RA, mesurée à un âge plus avancé.

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19

Chapitre 2 – Objectifs

1. Objectif général :

• L’objectif général était de mesurer l’effet du statut socio-économique sur

la rigidité artérielle dans une cohorte prospective de 24 ans réalisée

auprès de 9 188 cols blancs de la région de Québec.

2. Objectifs spécifiques :

A) Mesurer l’association entre le statut socio-économique et

la rigidité artérielle.

B)

Mesurer la contribution des contraintes psychosociales

au travail comme variable intermédiaire pour expliquer

l’association entre le statut socio-économique et la

rigidité artérielle.

• Le SSE est déterminé selon ses principaux indicateurs : revenu global du ménage avant impôt,

type d’emploi occupé, niveau de scolarité atteint

• Le modèle « demande-latitude au travail » de Karasek est utilisé pour mesurer les CPS au travail

• La RA est mesurée grâce à la mesure étalon : la VOPcf

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Chapitre 3 – Méthodes de recherche

1. Type de devis d’étude

Ce projet s’inscrit dans l’étude de cohorte PROspective Québécoise (PROQ) sur le travail et la santé. Cette cohorte s'appuie sur un devis prospectif avec un suivi de 24 ans. Le recrutement de l'ensemble de la cohorte ainsi que la collecte de données initiale ont été effectués entre 1991 et 1993. Un premier suivi a été réalisé après 8 ans, c’est-à-dire entre 1999 et 2001, puis un deuxième suivi a été effectué après 24 ans, soit entre 2015 et 2018, lors de la collecte de données finale [83].

2. Population à l’étude

L’étude de cohorte PROQ sur le travail et la santé était composée 9 188 travailleurs cols blancs, âgés de 18 à 65 ans, de 19 organisations des secteurs publics et parapublics de la région de Québec. Ces travailleurs couvraient l’ensemble des emplois de cols blancs, incluant des cadres, des professionnels, des techniciens et des travailleurs de bureau. Tous les sujets de l’étude de cohorte PROQ sur le travail et la santé ont été suivis jusqu’à la fin de l’étude à l’exception de ceux décédés ou perdus de vue en cours de suivi.

2.1 Critères d’inclusion dans l’étude

A. Critères d’inclusion dans la cohorte PROQ sur le travail et la santé

Au moment du recrutement, pour prendre part à l’étude de cohorte PROQ sur le travail et la santé, les participants devaient répondre aux critères d’inclusion suivants : 1) être âgé entre 18 et 65 ans, 2) occuper un emploi de col blanc dans l’une des 19 entreprises publiques et parapubliques sélectionnées, 3) y travailler un minimum de 21 heures par semaine, 4) ne pas occuper un autre emploi rémunéré de plus de 10 heures par semaine, 5) ne pas souffrir de MCV, et 6) ne pas être enceinte.

B. Critères d’inclusion dans ce projet de maîtrise

L’issue de santé d’intérêt du présent projet est la RA. Cette issue de santé a été mesurée lors de la collecte de données finale. De ce fait, les participants inclus dans l’analyse sont ceux ayant 1) participé à la collecte de données finale, après 24 ans de suivi, et 2) pour lesquels nous avons pu obtenir une valeur moyenne de RA valide, c’est-à-dire au moins 2 mesures valides de la VOPcf.

2.2 Critères d’exclusion de la population étudiée

Pour que les participants puissent être inclus dans les analyses statistiques du présent projet, il était nécessaire que le SSE des participants, leur exposition aux CPS au travail ainsi que leur exposition aux différents facteurs

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